CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Depuis sa première théorisation dans les années 1970, le concept de néopatrimonialisme a connu de nombreuses tribulations géographiques. Utilisé à l’origine pour discuter des régimes d’Afrique subshararienne, où il a rapidement acquis un statut quasi monopolistique, il s’est ensuite étendu au Moyen-Orient et à l’Amérique latine, puis a fait quelques détours par l’ancienne Europe de l’Est. Il n’est que récemment arrivé en Asie centrale, où le sociologue britannique d’origine ouzbèke Alisher Ilkhamov note à juste titre que « alors que le concept de régime néopatrimonial a été largement utilisé dans l’étude des pays en voie de développement, il a été curieusement négligé par les chercheurs étudiant les processus de state-building en Asie centrale et plus généralement dans l’espace post-soviétique » [1]. Comme tout concept, le néopatrimonialisme est avant tout un idéaltype : il ne peut refléter que partiellement des réalités bien plus complexes. Il a une valeur avant tout heuristique, puisqu’il permet de donner du sens à des mécanismes politiques et sociaux autrement disjoints, et ouvre la voie à la comparaison entre différentes zones géographiques. Le concept de néopatrimonialisme a toutefois été victime de son propre succès, puisqu’il est très souvent utilisé en synonymie de clientélisme, patronage, corruption, prédation, cleptocracie, etc. – ce qui accentue son caractère multiforme [2]. Afin de contribuer au débat, cet article s’interroger sur la pertinence du concept pour le cas centrasiatique en s’arrêtant plus longuement sur deux critères définissant un régime néopatrimonial, l’informalité de l’appareil d’État et la captation des rentes publiques par des groupes d’intérêts privés [3].

L’espace post-soviétique à la recherche du « juste concept »

2Avant 1991, les travaux occidentaux portant sur le régime soviétique s’inscrivaient dans une réflexion binaire [4]. Les partisans d’une lecture « totalitariste » de l’URSS, inspirée des travaux de Hannah Arendt et travaillant principalement sur les décennies staliniennes, considéraient qu’il existait une unité idéologique et de pratique politique entre tous les régimes se réclamant du communisme et, pour certains, discutaient également de possibles comparaisons avec l’Allemagne hitlérienne et l’Italie de Mussolini [5]. Face à eux, d’autres chercheurs estimaient que l’URSS de Leonid Brejnev n’était plus celle de Staline et y voyait là un État autoritaire et policier, similaire à de nombreux autres, en particulier en Amérique latine [6], mais sans le doter d’un statut théorique particulier ou du sceau de l’exceptionnalité nazie.

3À la chute de l’URSS en 1991, ce cadre théorique s’effondre pour laisser place à la « transitologie », un concept censé décrire les transformations politiques, économiques et sociales des anciens pays de l’Est et leur engagement en faveur de la démocratie parlementaire et de l’économie de marché [7]. Le terme n’est pas nouveau puisqu’il était déjà employé pour décrire les changements de l’Europe du Sud dans les années 1970, de l’Amérique latine dans les années 1980, de l’Afrique plus tardivement. Toutefois, dans le cas postsocialiste, l’assimilation entre transition politique – de l’autoritarisme à la démocratie – et transition économique – de l’économie planifiée aux principes du marché – est révélatrice des présupposés idéologiques du moment : la disparition du monde bipolaire et l’idée d’une « fin de l’histoire » ont souvent constitué, consciemment ou non, le soubassement idéologique de la transitologie [8].

4Celle-ci avait également comme spécificité, pour le monde post-soviétique, d’être aussi bien un concept des sciences sociales et qu’un outil des organisations internationales et ONG à destination des anciens pays socialistes : de la Banque mondiale à la Open Society de George Soros, tous les acteurs, publics et privés, engagés dans les transformations politiques et économiques de ces pays maniaient l’idée d’aider à la « transition ». Le concept était brandi par les acteurs locaux eux-mêmes : depuis la perestroïka de Mikhaïl Gorbatchev et les différents fronts populaires dans les républiques, l’idée d’un « retour dans la maison Europe », d’une reprise du cours de l’histoire stoppé en 1917 ou 1945, et d’une marche triomphante vers la normalité politique et économique était à l’ordre du jour. Cependant, pendant plus d’une décennie, les études de transitologie ont dû apprendre à composer avec des réalités bien plus complexes et faire entrer dans leur vocabulaire les notions d’échec, de recul ou de détour pour justifier la non-pertinence du concept : ainsi, la Pologne avait « réussi » en partie sa transition, mais le Turkménistan avait « échoué » à ce qui était supposé être le cours naturel de son histoire.

5Dans les dernières années de la décennie 1990 et plus nettement au début des années 2000, l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine en Russie et la reprise en main d’un État russe déliquescent autour du thème de la « verticale du pouvoir » met un terme au concept de transitologie et ouvre la voie à l’adjectivation de la démocratie russe et, par extension, de celle des autres États post-soviétiques. Les chercheurs en science politique, en particulier ceux venus du monde anglo-saxon, reviennent sur l’histoire de l’Allemagne de Weimar pour y trouver de nouveaux modèles (par exemple la « démocratie illibérale », terme utilisé afin de définir le soutien populaire apportée à l’autoritarisme poutinien) ou empruntent aux études sur les démocratisations en Amérique latine ou au Moyen-Orient. La Russie et ses voisins sont ainsi décrits, suivant les cas, comme des « managed democraties », dans lesquelles l’appareil d’État utilise ses ressources administratives, financières et médiatiques au profit exclusif de ses propres candidats. D’autres les décrivent comme des « démocraties Potemkine » [9] dans lesquelles l’opposition parlementaire est en fait loyale au Kremlin et permet de canaliser le mécontentement [10]. D’autres ont évoqué, dès le deuxième mandat de Boris Eltsine, les concepts de « monarchie électorale », « d’autocratie électorale constitutionnelle » [11], de « césarisme » [12], et de « superprésidentialisme » [13]. Le succès de Vladimir Poutine en tant que leader crédité d’une légitimité démocratique malgré une pratique de pouvoir non démocratique est expliqué par le « ralliement à une autocratie élective » [14]. D’autres cherchent plutôt des éléments d’explication dans l’histoire en faisant référence au « féodalisme » [15], au « tsarisme » [16], ou à l’idée de « restauration » [17]. De nombreux chercheurs souscrivent au concept de « pluralisme managé » [18], ou encore « d’autoritarisme compétitif » [19], selon lequel l’État russe use de pratiques considérées comme autoritaires dans le but d’arbitrer et d’équilibrer des intérêts divergents.

6Dans la deuxième moitié des années 2000, les révolutions dites « de couleur » en Serbie (2000), Géorgie (2003), Ukraine (2004) et Kirghizstan (2005) redonnent vie, pour une brève période, aux théories transitologiques [20]. Là encore, la surexposition, dans les travaux de science politique, des États ayant connu une « révolution de couleur » au détriment de ceux qui n’en ont pas n’est pas libre de présupposés idéologiques, puisqu’on exalte non seulement les « avancées vers la démocratie » de ces pays, mais également leur rapprochement géopolitique avec l’Ouest. Toutefois la dissociation entre les pays touchés par les révolutions de couleur et les autres tend à être faussée. Comme l’a montré Henry Hale, la révolution de couleur est généralement interprétée comme une rupture, favorable à la démocratisation, alors qu’elle s’inscrit en réalité dans des cycles de régime [21].

7Depuis quelques années, le concept de (néo-)patrimonialisme s’est invité à la table des débats sur la nature des régimes post-soviétiques. Il y apporte des éléments majeurs en éclairant l’étroite interaction entre le patrimonialisme (toutes les relations de pouvoir sont des relations personnelles) et la domination bureaucratique légale rationnelle (la distinction entre le public et le privé existe de manière formelle et est acceptée, même si elle n’est pas respectée) [22]. Cette grille de lecture avait déjà été apposée au régime soviétique, en particulier au stalinisme, qui combinait à la logique bureaucratique un large pouvoir discrétionnaire [23]. Le caractère hybride du régime soviétique, à la fois très personnalisée, mais s’appuyant sur des politiques élaborées de participation populaire, a en effet lourdement pesé sur la formation des régimes post-soviétiques. Les deux décennies brejnéviennes (1964-1982) ont laissé une empreinte majeure sur les sociétés contemporaines via une bureaucratie hypertrophiée, appréhendée comme un État dans l’État et reposant sur ses propres logiques internes, déconnectées de la société, ainsi que sur une combinaison subtile de règles formelles et de pratiques informelles. La majorité des élites qui dirigent encore la région ont d’ailleurs été formées à la fin de l’ère soviétique, et ont été impliquées dans des réseaux de patronage dès le début de leur carrière, constituant ce que Kitschelt et al. appellent le « communisme patrimonial » [24].

8Dès le second mandat de Boris Eltsine, Hellmann et Kaufmann s’attellent à l’analyse des intérêts privés au sein de l’État russe et décryptent leur capacité à influer sur les politiques publiques en modelant les règles et législations et en octroyant aux fonctionnaires des « gains privés illicites » [25]. À la fin des années 1990 et au début des années 2000, la notion de capture d’État intervient dans les débats, et est utilisée par la Banque mondiale et de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement pour discuter du cas russe [26]. Avec la verticale du pouvoir introduite par Vladimir Poutine lors de son premier mandat présidentiel, la notion de capture d’État s’efface de l’usage international, mais l’étude des interactions entre bureaucraties, oligarques et familles dirigeantes confirme la pertinence du concept de néopatrimonialisme [27]. L’idée même d’une relation patronale est au cœur des interrogations. Le concept, élaboré par Henry Hale, de présidentialisme clientélaire (patronal presidentialism), à savoir « the exercise of political authority primarily through selective transfers of resources rather than formalized institutional practices, idea-based politics, or generalized exchange as enforced through the established rule of law » [28] en est l’exemple le plus pertinent.

Présidentialisme clientélaire et informalité de l’appareil étatique

9Un régime néopatrimonial peut être schématiquement défini comme suit : il est dirigé par un seul homme qui contrôle l’accès aux ressources publiques par des mécanismes formels et informels, principalement un large usage du clientélisme ; il s’assure de la loyauté politique de ses subordonnés en les gratifiant de récompenses tant matérielles que symboliques ; il fragilise l’opposition par des mécanismes conjuguant répression, cooptation et partage des pouvoirs [29]. Suivant cette définition et malgré leurs différences, les cinq États d’Asie centrale peuvent tous être définis comme néopatrimoniaux [30]. Ils suivent un schéma classique de présidentialisme clientélaire : une forte concentration des pouvoirs à la fois politiques, économiques et symboliques, le renforcement permanent de l’autorité présidentielle par de multiples moyens légaux ou semi-légaux (référendums, extensions du terme des mandats, etc.), le contrôle par le cercle présidentiel des ressources économiques primaires, et le mythe du père fondateur de la nation, matérialisé dans le culte de la personnalité. Tous les présidents d’Asie centrale ont des pratiques népotiques qui ont permis aux membres proches ou plus éloignés de leur famille de bénéficier de privilèges, une pratique répandue à tous les échelons du pouvoir. Ils usent et abusent du clientélisme, défini comme un « networks of dyadic relations centered on power figures, the patrons, who control resources essential to the survival and well-being of dependent groups, the clients » [31] qui constitue un élément clé du fonctionnement de l’appareil d’État. Le président attribue les postes administratifs, les fonctions politiques officielles (gouvernement, diplomatie) et les ressources économiques selon des règles non écrites. Les frontières mouvantes entre intérêts publics et intérêts privés sont donc sans cesse renégociables, en échange de différentes formes de loyauté.

10Un élément clé de la qualification de clientélaire est le caractère informel du fonctionnement de l’appareil d’État et le rôle du patronage dans l’attribution des fonctions et le partage des ressources administratives. En Asie centrale, le recrutement dans la fonction publique n’est pas anonyme et dépend des réseaux mis en place par chaque candidat. Toutes les fonctions administratives doivent être achetées, bien évidemment dans des domaines cruciaux comme la justice et la police, mais également dans la petite administration, l’enseignement supérieur, les postes économiques, agricoles comme industriels [32]. Elles nécessitent donc soit d’appartenir déjà à un milieu riche lié aux instances de prise de décision, soit d’engager l’ensemble de sa communauté dans l’achat du poste. Ainsi, une collectivité, un comité de quartier, un village ou une famille élargie se cotise pour acheter, à hauteur de plusieurs milliers ou millions de dollars, la fonction en question. L’argent sera ensuite remboursé, pendant des années, par l’heureux élu grâce aux ponctions et pots-de-vin que lui-même sera dans l’obligation d’exiger afin de réduire sa dette. Sa famille restera redevable aux généreux mécènes et le système d’échange de services sera poursuivi, le « propriétaire » de la fonction ayant ensuite en charge de faire entrer dans son administration d’autres proches et de les faire bénéficier de sa position. Ainsi, la meilleure carte professionnelle à jouer est celle des relations sociales. Chacun cherche à nouer des relations de solidarité et de dépendance et y voit son unique sécurité sociale : en cas de difficultés financières, personnelles ou professionnelles, le « réseau » peut être activé. Selon les besoins, il aide à lever des fonds pour payer des études ou une hospitalisation, faire construire une maison, organiser un mariage, contourner les obstacles juridiques.

11Ce trait de fonctionnement des sociétés centrasiatiques répond aux critères souvent mis en avant pour définir un régime clientélaire. Toutefois, dès leur indépendance, les régimes centrasiatiques ont été définis avant tout sous l’angle de clan politics. La plupart des études de science politique, en particulier anglo-saxonnes [33], ont en effet attaché une importance cruciale au facteur clanique, celui-ci étant défini comme des liens subethniques, tribaux ou régionaux de nature informelle, qui formeraient le soubassement de la vie politique centrasiatique et du fonctionnement de l’appareil d’État. Cette qualification de clanique, développée par le régime tsariste dès la fin du xixe siècle et présentée comme une « survivance » à la période soviétique, est interprétée aujourd’hui encore comme le signe de sociétés restées « traditionnelles ». Elle stigmatise leur prétendu archaïsme et les accuse d’avoir échoué dans leur modernisation sociale, symbolisée par la constitution d’une identité civique. Ce phénomène est poursuivi et accentué par le discours médiatique, étranger comme local, contemporain, qui cherche à analyser de manière systématique les événements publics, nominations et démissions des hommes politiques, en fonction de critères dits claniques [34].

12Pourtant, cette grille de lecture clanique n’a pas de valeur explicative pertinente et contribue à confondre des phénomènes en réalité très divers. Les sociétés centrasiatiques accordent bien une importance particulière aux questions de descendance : la parenté joue un rôle dans les alliances matrimoniales (stratégies endogames ou exogames), elle est utilisée dans le domaine rituel, lors des mariages, des enterrements ou des commémorations. Ces solidarités de parenté sont localisées puisqu’elles sont basées sur la confiance et la réciprocité (un service rendu sera rétribué plus tard). Symboliquement, il reste important, surtout en zone rurale, de pouvoir énumérer ses ascendants sur plusieurs générations, ce qui est souvent interprété comme une preuve de la vitalité des identités généalogiques, mais de nombreux autres modes de légitimité viennent en fait concurrencer la référence patrilinéaire dans les mécanismes clientélaires [35].

13Il est cependant rare que les configurations de réseaux d’alliés au niveau politique recoupent les généalogies : le clan au sens anthropologique n’est pas un réseau au sens politique. Comme l’a montré l’anthropologue Svetlana Jacquesson pour le cas kirghize, deux éléments doivent alors être différenciés : les solidarités du pouvoir exécutif et celles du pouvoir législatif [36]. Lors des campagnes électorales du pouvoir législatif, les candidats cherchent à mobiliser les populations, principalement rurales, sur une base symbolique faisant en effet référence à des solidarités locales, mais non nécessairement généalogiques. Les candidats cherchent la bénédiction des « anciens » du village, qui poussent les villageois à un vote unifié ; les administrations locales, chargées de la collecte des impôts et de la distribution des aides sociales, ont elles aussi à leur disposition des leviers de pression dont elles n’hésitent pas à se servir pour mobiliser les habitants en faveur de tel ou tel candidat. Cependant, les campagnes électorales locales peuvent se révéler plus complexes que prévu, si par exemple un homme d’affaires s’implante dans une région et réussit à susciter le soutien des anciens et de l’administration, concurrençant un « local ». Le vote s’explique donc bien par des jeux de solidarité locale et d’échanges de services, et non des intentions envers tel ou tel programme idéologique, mais le clan au sens généalogique n’est pas le moteur du vote.

14Le pouvoir exécutif s’appuie quant à lui sur des réseaux bien plus complexes. Il est vrai que tous les présidents centrasiatiques ont une conception patrimoniale du pouvoir : les membres de leur famille se sont accaparé les domaines économiques les plus rentables et certains occupent des postes administratifs clés. Seul le Turkménistan semblait ne pas suivre ce schéma jusqu’en 2006, le président Saparmourat Niazov ayant poussé la mégalomanie jusqu’à écarter du pouvoir tous ses proches, mais son successeur Gourbangouly Berdymoukhammedov a réintégré le modèle centrasiatique en plaçant les membres de sa famille à des postes importants, principalement dans les ministères [37]. Toutefois, outre les liens familiaux, les présidents jouent sur de multiples formes de solidarité : amitiés, patronages, corporatismes, et parient avant tout sur les loyautés personnelles. Ce schéma de multiples solidarités se reproduit à tous les échelons, des gouverneurs de région aux plus petites fonctions de l’administration.

15Appartenir à un « clan » est bel et bien un réseau d’accès aux ressources, mais il est fondé sur des critères diversifiés non liés aux questions de parenté : des amitiés anciennes, des solidarités de lycée ou d’université (une tradition soviétique encore très prégnante), l’intégration à une komanda (une équipe professionnelle) ou le partage d’intérêts économiques communs (avoir travaillé dans la même entreprise à telle ou telle époque, avoir un petit business dans tel ou tel secteur). Il est donc nécessaire de revaloriser les rencontres personnelles comme élément important des réseaux, et de rappeler l’extrême vulnérabilité de ces derniers, car à la différence l’appartenance familiale, qui est en principe immuable, l’appartenance au réseau n’est jamais garantie. Celui-ci peut disparaître si son leader perd son accès au pouvoir ; on peut également être exclu du groupe de solidarité. Par ailleurs, l’appartenance au réseau est multiple : chacun appartient à plusieurs réseaux à la fois et doit parfois parier sur l’un ou l’autre si ceux-ci ont des intérêts concurrents. Le jeu politique n’est jamais figé puisque le réseau est une réalité flexible et temporaire. La référence au clan au sens anthropologique ne constitue alors qu’un instrument de légitimité parmi d’autres, et n’est en rien la clé de lecture des réalités politiques centrasiatiques [38]. Le concept de présidentialisme clientélaire permet donc de dépasser le concept de clan politics jusqu’ici dominant dans l’étude de la région, en offrant une lecture plus fine des réalités centrasiatiques.

Présidentialisme clientélaire et prédation des ressources

16La littérature sur le néopatrimonialisme accorde une place importante aux pratiques économiques et à la confusion entre intérêts publics et privés. Le terme a été utilisé pour expliquer la maigre performance de nombreux pays en développement, voire pour conceptualiser leur sous-développement chronique [39]. Le concept est largement présent dans les débats sur les économies de rente : il aide à décrire les mécanismes de leur captation et explique l’orientation de certains pays vers des économies non productives [40]. En Asie centrale, chaque État présente un potentiel économique contrasté, mais tous sont marqués par un cantonnement croissant de leurs exportations aux matériaux bruts : pétrole, gaz, uranium, or, charbon, coton, etc. Le Kazakhstan, avec près de 40 milliards de barils de réserves prouvées, soit 3,2 % des réserves mondiales de pétrole, fonde plus de 20 % de ses recettes budgétaires et la moitié de ses exportations sur « l’or noir ». Quant à l’Ouzbékistan, le coton et l’or constituent respectivement 17 % et 25 % de ses exportations. Comme d’autres économies de rente, celles d’Asie centrale se distinguent par leurs difficultés à redistribuer la manne en devises, car les matières premières forment un domaine spécifique des économies nationales, aux retombées sociales paradoxales : creusement des inégalités sociales et régionales, maintien de structures administratives faibles, absence de réels mécanismes et contraintes juridiques garantissant des choix économiques motivés par le bien public. L’environnement institutionnel constitue un enjeu majeur : les conditions d’investissements découragent les sociétés étrangères, qui critiquent une fiscalité peu avantageuse et le haut degré de corruption qui paralyse la chaîne de décision.

17Afin d’assurer leur longévité, les régimes centrasiatiques ont mis en place des stratégies de capture de l’État. Ils ont adopté progressivement certaines institutions classiques des économies de marché, celles qui les ont aidés à légaliser l’appropriation des ressources, mais ont réussi à éviter l’équilibre traditionnel des pouvoirs qui est censé accompagner l’économie de marché. Cette capture fonctionne selon des modalités similaires, mais à des échelles différentes, selon les richesses de chaque pays. Les régimes kazakh et turkmène se sont construits sur le contrôle des hydrocarbures, le pétrole pour le premier et le gaz pour le second. Le Kazakhstan dispose d’un potentiel économique plus large que ses voisins turkmène et ouzbek, et peut s’appuyer sur d’autres niches : l’extraction minière, en particulier l’uranium, le domaine de la construction, en pleine effervescence, et un secteur financier et bancaire lui aussi en pleine progression. L’Ouzbékistan est un cas plus complexe. Ses ressources sont diversifiées – coton, or, uranium et pétrole –, mais ses capacités de les exporter sont réduites par son double enclavement et des politiques isolationnistes. Outre les remises de fonds envoyés par les migrants, le Tadjikistan et le Kirghizstan ne disposent quant à eux que de trois secteurs générant des revenus : les industries minières de l’époque soviétique (aluminium pour le Tadjikistan, or pour le Kirghizstan) qui sont de moins en moins profitables ; la réexportation des produits chinois, qui a été réduite depuis l’entrée en vigueur de l’Union douanière Russie-Biélorussie-Kazakhstan dont les deux petits pays ne font pas partie, et le trafic de drogue qui nourrit l’économie de l’ombre.

18Les mécanismes de captation de la rente ne sont pas tous liés au secteur traditionnel des industries d’extraction. Partout dans la région, mais en particulier au Turkménistan, la construction est un secteur particulièrement profitable pour le détournement des projets publics à des fins privées. Les domaines étroitement liés à la nouvelle économie de marché – et qui, sur le papier, semblent mieux régulés par les lois et les pratiques internationales, telles que les institutions bancaires et d’investissements, ainsi que le secteur des communications – sont au centre de l’attention des régimes, qui ne veulent pas perdre cette nouvelle manne financière. Tous les États de la région sont donc devenus des allocation states[41], basés sur la redistribution privée des biens publics selon des mécanismes variés : détournement de fonds via des compagnies offshore ; vente des biens publics sous-évalués à des investisseurs étrangers en échange de pots-de-vin : renégociations régulières des contrats publics.

19Les présidents centrasiatiques et leurs proches sont directement en contact avec les investisseurs étrangers privés et publics qui financent les projets les plus rentables, et plusieurs d’entre eux ont été ouvertement impliqués dans d’importantes affaires de corruption. Ils ont placé des membres de leur famille aux postes de décision les plus avantageux, en particulier dans les secteurs des hydrocarbures, des minerais et du coton : ainsi, la famille Nazarbaev contrôle le pétrole au Kazakhstan, la famille Karimov l’extraction d’uranium et d’or en Ouzbékistan, la famille Rakhmon l’exportation d’aluminium au Tadjikistan. Seul le Turkménistan semblait ne pas suivre ce schéma jusqu’en 2006, le président Niazov ayant poussé la mégalomanie jusqu’à écarter du pouvoir tous ses proches, mais son successeur a réintégré le moule post-soviétique. Dans un deuxième cercle, des groupes de fidèles, attachés au président par des liens familiaux ou régionaux ou capables de faire jouer des mécanismes clientélaires bien rodés, contrôlent les postes qui garantissent des gains importants : comités des douanes et des impôts, sociétés publiques en position monopolistique, agences antidrogue… Les services de sécurité, héritiers des structures du KGB et qui ont renforcé leur pouvoir dans les années 2000 grâce à la généralisation de l’obsession sécuritaire dans la région, forment des superstructures commerciales puisant dans les revenus tant légaux (en particulier les secteurs liés à l’exportation) qu’illégaux (prostitution, trafic de drogue, etc.).

20Les conflits d’intérêts au sein de ces élites sont nombreux. À l’exception du Kirghizstan, ils se règlent de manière feutrée, mais parfois violente, dans les allées du pouvoir, et non sur la scène publique. À l’instar de Mikhaïl Khodorkovski ou de Mikhaïl Prokhorov en Russie, certains oligarques kazakhs comme Mukhtar Abliazov ont tenté de transformer leurs richesses en un capital politique concurrençant les autorités en place, mais ont jusqu’à présent échoué. Au Kirghizstan, des oligarques comme Askarbek Salymbekov et sa famille ont la haute main sur le grand marché de Dordoï, ainsi que sur les importations venant de Chine par le poste frontalier de Torougart. Dans le sud du pays, les richesses se construisent également sur le commerce avec la Chine, qui alimente le bazar de Karasuu, et sur le trafic de drogue. La plupart des grands propriétaires de bazar se sont fait élire à l’Assemblée nationale, devenue le lieu où les conflits économiques se formulent en termes politiques [42].

21Dans ce contexte, ces régimes s’inscrivent-ils dans la catégorie des États « anti-développement » que Daniel Bach discute dans le cadre des États africains subsahariens ? Une grande majorité des pays africains ont connu une forte croissance économique dans les années 2000, mais comme le Nigeria, l’Angola et la Guinée équatoriale l’ont montré, la croissance qui résulte de la hausse des prix mondiaux des matières premières va souvent de pair avec une faible performance des politiques publiques. Les réformes structurelles mises en place en Asie centrale dans les années 1990 – de la thérapie de choc au Kirghizstan au quasi-statu quo au Turkménistan – et celles engagées afin d’améliorer le climat d’investissement lors du boom économique qui a précédé la crise de 2008 ont été décidées en fonction des intérêts de l’élite dirigeante. Les gouvernements ont accepté ou rejeté les réformes selon des calculs de politique intérieure, non des objectifs de développement. Même lorsqu’ils ont lancé des programmes de réformes, leur mise en application n’a pas été satisfaisante, car la prise de décision perd en efficacité au fur et à mesure que l’on descend dans l’échelle administrative. De plus, tous les gouvernements locaux sont parvenus à tourner leur dépendance à l’égard de l’aide étrangère à un avantage en rendant pratiquement impossible tout suivi par les donateurs de l’application des réformes. Les pratiques clientélaires centrasiatiques ont donc conduit ces pays dans des situations d’échec partiel : les performances économiques sont faibles ou artificiellement dopées, les institutions étatiques sont fragilisées, les motivations pour créer un environnement productif et compétitif sont altérées par les flux financiers émanant des hydrocarbures ou de l’aide internationale [43].

Conclusion

22Deux éléments clés du concept de présidentialisme clientélaire ont été brièvement évoqués ici : la nature informelle du fonctionnement des appareils administratifs publics, et le caractère mixte, à la fois « traditionnel » et « moderne » de ces liens informels ; et le poids des pratiques de captation des ressources par les élites en place. Dans les deux cas, le concept de présidentialisme clientélaire semble offrir un cadre pertinent à l’étude des régimes centrasiatiques, du moins à une macro-échelle. Une étude plus fouillée à une méso ou micro-échelle nécessiterait probablement de faire entrer en jeu d’autres concepts tirés de l’anthropologie (par exemple don et contre-don). Ce concept vient donc enrichir l’appareil théorique inspiré du concept de néopatrimonialisme en en offrant une version plus travaillée et moins « fourre-tout », née de l’étude du terreau post-soviétique, mais qui semble pouvoir être appliquée hors de cette région. Le concept de présidentialisme clientélaire de Henry Hale deviendra donc peut-être la contribution des « post-soviétologues » au débat général sur l’étude des régimes politiques.

23D’autres critères n’ont pas été débattus ici faute de place, en particulier la nature fondamentalement hybride de ces régimes. La définition idéaltypique du néopatrimonialisme a en effet été critiquée parce qu’elle insiste davantage sur les aspects stabilisateurs que sur les changements internes du régime. Par ailleurs, elle s’attarde trop sur la seule personnalité du leader et de ses proches, sans chercher à appréhender la fabrique sociétale et les logiques horizontales qui permettent au système vertical de fonctionner. En effet, les régimes néopatrimoniaux mettent en place des politiques de participation, ainsi que des politiques identitaires et de symboles idéologiques partagés par la population, consolidant ainsi leur légitimité. Ils produisent également des politiques publiques qu’ils espèrent rationnelles, et tentent de répondre, avec des échelles de succès très diverses, aux attentes de la population, offrant donc une large place à l’innovation et aux évolutions. C’est probablement dans ce champ que le concept de présidentialisme clientélaire doit encore démontrer sa capacité à offrir un cadre théorique pertinent pour comprendre comment et dans quelles conditions endogènes intervient le changement.

Notes

  • [1]
    ILKHAMOV A., « Neopatrimonialism, Interest Groups and Patronage Networks: the Impasses of the Governance System in Uzbekistan », in Central Asian Survey, vol. 26, n° 1, 2007, p. 65-84, ici 67.En ligne
  • [2]
    EVANS P., « The State as Problem and Solution: Predation, Embedded Autonomy and Structural Change », in HAGGARD S., KAUFMAN R. (dir.), The Politics of Economic Adjustment: International Constraints, Distributive Conflicts, and the State, Princeton, Princeton University Press, 1992, p. 139-181.
  • [3]
    Cet article s’appuie sur le numéro spécial « Patronal Politics in Central Asia » coordonné sous ma direction dans Demokratizatsiya : The Journal of Post-Soviet Democratization, vol. 20, n° 4, 2012.
  • [4]
    JALABERT L., Le Grand Débat. Les universitaires français – historiens et géographes – et les pays communistes de 1945 à 1991, Toulouse, Groupe de Recherche en Histoire Immédiate, 2001.
  • [5]
    LEWIN M., KERSHAW I. (dir.), Stalinism and Nazism: Dictatorships in Comparison, Cambridge, Cambridge University Press, 1997 ; COURTOIS S. (dir.), Le Livre noir du communisme. Crimes, terreur, répression, Paris, Robert Laffont, Paris, 1997.
  • [6]
    SPIRO H., BARBER B., « Counter-Ideological Uses of ‘Totalitarianism’ », in Politics and Society, vol. 1, n° 3, 1971, p. 3-21 ; WERTH N., « De la soviétologie en général et des archives russes en particulier », in Le Débat, n° 77, 1993, p. 127-144 ; du même auteur, « Totalitarisme ou révisionnisme ? L’histoire soviétique, une histoire en chantier », in Communisme, n° 47-48, 1996, p. 57-70. En ligne
  • [7]
    DOBRY M., « Les voies incertaines de la transitologie : choix stratégiques, séquences historiques, bifurcations et processus de path dependence », in Revue française de science politique, vol. 50, n° 4-5, 2000, p. 585-614.
  • [8]
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  • [39]
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  • [42]
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  • [43]
    MÉDARD J.-F., « Autoritarismes et démocraties en Afrique Noire », in Politique Africaine, vol. 43, 1991, p. 92-104.
Français

Cet article s’inspire du concept de présidentialisme clientélaire (patronal presidentialism) défini par Henry Hale, pour revisiter le débat sur le néopatrimonialisme, en s’appuyant sur le cas des États post-soviétique d’Asie centrale. Les cinq pays cumulent tous, à des degrés divers, une forte concentration du pouvoir, le contrôle par le cercle présidentiel des principales ressources économiques, et le mythe du père fondateur de la nation. Cet article s’interroge sur la pertinence du concept de présidentialisme clientélaire en s’arrêtant sur deux critères définissant un régime néopatrimonial : la nature informelle du fonctionnement des appareils administratifs publics, et le caractère mixte, à la fois « traditionnel » et « moderne » de ces liens informels; et le poids des pratiques de captation des ressources par les élites en place. Le concept de présidentialisme clientélaire deviendra peut-être la contribution des « post-soviétologues » au débat général sur l’étude des régimes politiques.

Marlène Laruelle
Marlène Laruelle est Research Professor à George Washington University et Directeur du Central Asia Program. Elle travaille sur les transformations sociales et politiques des pays d’Asie centrale et sur les questions d’identité nationale en Russie. Elle a publié Globalizing Central Asia. Geopolitics and the Challenges of Economic Development (New York: M.E. Sharpe, 2013) et The ‘Chinese Question’ in Central Asia. Domestic Order, Social Changes and the Chinese Factor (London, New York: Columbia University Press & Hurst, 2012) avec Sébastien Peyrouse, et a dirigé un numéro special, “Patronal Politics in Central Asia,” Demokratizatsiya: The Journal of Post-Soviet Democratization 20, no. 4 (2012).
Mis en ligne sur Cairn.info le 10/02/2014
https://doi.org/10.3917/ripc.203.0065
Pour citer cet article
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