L’administration Biden a développé une politique envers la Russie qui reconnaît l’impossibilité d’aborder les racines de la confrontation stratégique actuelle mais cherche malgré tout à reprendre un dialogue minimal afin d’établir une relation « stable et prédictible » avec Moscou. L’objectif de Washington est de parquer la Russie dans son statut de semi-grande puissance et d’éviter qu’elle puisse défier les États-Unis plus qu’elle ne le fait déjà, afin que les forces financières, diplomatiques et militaires états-uniennes puissent se redéployer autour de la compétition avec la Chine, identifiée comme l’adversaire prioritaire. Cet article discute le contexte de l’héritage des années Trump dans la vision de la Russie, la construction de la nouvelle politique russe de l’administration Biden, les divisions entre think tanks sur leur vision de la Russie, et la difficulté pour Washington de trouver la juste place de l’Europe dans sa vision de la Russie et plus globalement du monde.
Article
L’histoire de la relation bilatérale États-Unis-Russie est marquée par un jeu de miroir permanent dans lequel les deux puissances se perçoivent mutuellement comme incarnation de l’altérité ou du danger. La situation est progressivement en train d’évoluer des deux côtés : aux États-Unis, avec la perception de la Chine comme adversaire premier, et en Russie, avec l’acceptation d’un statut de « troisième » qui reconnaît la domination du binôme sino-états-unien et voit dans ce statut de semi-grande puissance un avantage pour Moscou et sa politique de reconstruction d’une influence internationale [Tsygankov, 2019]. Bien que majeures, ces évolutions ne semblent pas remettre en cause la traditionnelle altérité politique et stratégique russo-états-unienne. Dans ce contexte, et après le lourd passif des années Trump, l’administration Biden essaye de mettre en place une politique russe qui reconnaisse la confrontation stratégique et des divergences de vue fondamentales avec Moscou, mais qui, dans un même temps, relance un dialogue minimal sur les questions jugées vitales à la survie des deux parties. Le renouveau des tensions autour de l’Ukraine, sans précédent depuis la fin de la guerre froide, a mis à mal l’administration américaine dans sa vision d’une Russie que l’on pourrait mettre de côté pour se concentrer sur la Chine.
L’administration Biden a hérité d’un « dossier Russie » particulièrement chargé sur le plan émotionnel. La présidence de Donald Trump a en effet été marquée par un degré inédit dans l’histoire récente du pays de polarisation autour de la figure présidentielle et de ses liens avec la Russie…
Résumé
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Auteur
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[1]
Professeure et directrice de l’Institut pour les recherches européennes, russes et eurasienne (IERES) à l’université George Washington.
- Mis en ligne sur Cairn.info le 31/03/2022
- https://doi.org/10.3917/her.184.0261
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