CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Tout au long des siècles, les mouvements philosophiques et religieux se sont affrontés. Souvent sur le plan des seuls principes, parfois même physiquement. Notre époque n’y fit malheureusement pas exception, que du contraire !

2Mais, au-delà des persécutions et des atrocités qui secouent différents coins du globe pour des raisons philosophiques ou religieuses, nos régions sont également le théâtre – particulièrement depuis une dizaine d’années – d’une certaine forme de dénigrement des mouvements religieux minoritaires [1]. Cette situation est pour le moins inquiétante. Tout d’abord, parce que, comme l’histoire nous l’apprend, « on ne commence pas un feu sans combustible ». Ensuite, parce que la démocratie et le pluralisme ne pourraient s’accommoder de stigmatisations ayant pour seule origine l’appartenance religieuse.

3Dans la présente étude, nous tenterons d’analyser, sans volonté d’exhaustivité, certaines caractéristiques communes du discours anti-chrétien de Celse et de l’argumentation des associations anti-sectes à l’égard des nouveaux mouvements religieux. Nous verrons que les arguments utilisés contre les premiers chrétiens sont assez similaires à ceux qui sont actuellement utilisés contre les « sectes ».

4Si, dans un État pluraliste, la confrontation d’opinions philoso-phiques opposées est manifestement une bonne chose, il faut toutefois reconnaître que la critique, lorsqu’elle est appuyée par le pouvoir en place, est contraire à la laïcité et constitue, souvent, un pas de trop vers l’oppression.

5L’histoire des premiers chrétiens, comme celle de nombreux autres mouvements minoritaires d’ailleurs, tend à rappeler la nécessité et la valeur du pluralisme, de la tolérance et d’une stricte laïcité des pouvoirs publics. Comme le souligna notamment le philosophe et écrivain George Santayana : « ceux qui ne se souviennent pas du passé sont condamnés à le revivre ».

1 – Quant aux écrits de Celse et d’Origène

6C’est durant la seconde moitié du 2e siècle de notre ère [2] que Celse rédigea, en grec, un ouvrage anti-chrétien portant le titre évocateur de Discours Vrai[3] et visant principalement à contester le mouvement religieux naissant, en démontrant l’abîme béant qui séparait le monde hellénique du monde chrétien. Les premiers chrétiens suscitaient des controverses parmi la population romaine, ce que confirment les écrits de Tacite [4] et de Suétone [5]. On peut donc supposer que c’est cet état de fait qui incita la rédaction de cet ouvrage.

7Bien que Celse se soit basé sur des sources écrites païennes et juives attaquant le christianisme [6], il demeure l’auteur le plus ancien pour lequel nous bénéficions d’écrits constituant une polémique argumentée contre la nouvelle sensibilité religieuse. Petit détail historique intéressant, les écrits de Celse furent, par la suite, détruits et livrés aux flammes par l’obscurantisme chrétien. Comme quoi, époques et pouvoirs politiques changent tandis que demeurent les manquements des hommes ! Autre ironie de l’histoire, le Discours vrai de Celse ne fut sauvé d’une destruction probable que grâce à la colère de son détracteur principal, le célèbre Origène, qui entreprit de réfuter cet écrit paragraphe par paragraphe entre 246 et 249 de notre ère, à la demande de son riche mécène Ambroise [7].

8Paradoxalement, c’est donc grâce à cette pirouette de l’histoire qu’il fut possible de reconstituer fidèlement la majorité du texte original de Celse [8]. Toutefois, bien qu’Origène ait expressément prétendu avoir répondu à toutes les assertions de Celse, son texte même démontre qu’il n’a pas toujours estimé nécessaire de répondre aux arguments de ce dernier [9]. Au surplus, on voit mal comment Origène aurait pu – que ce soit sciemment ou non – ne pas modifier ou réinterpréter quelque peu le texte original de Celse en le recopiant vu qu’un de ses buts était de convaincre ses lecteurs du bien fondé du christianisme [10] ! À tout le moins, il est certain qu’en rédigeant ses 8 livres visant à contrecarrer les 4 originaux de Celse, Origène a dû effacer la rythmique et la cohérence de l’argumentation celsienne.

9Quant au Contre Celse d’Origène, loin de se montrer plus pluraliste, il se présente lui aussi comme le « Discours Vrai des prophètes »[11], ce qui tend à démontrer que l’opposition entre Origène et Celse constituait avant tout un conflit doctrinal interreligieux. Rien de fort problématique en soi, si ce n’est qu’à côté de ses critiques purement intellectuelles, le pouvoir romain en place reprit parfois ces argumentations respectives pour stigmatiser, voire persécuter les minorités philosophiques du camp adverse [12].

10Loin de chercher à identifier quels sont les arguments pro- ou anti-religieux acceptables dans une démocratie, la présente étude visera, comme annoncé, à identifier les similitudes rhétoriques qui existent entre la critique celsienne du christianisme et les critiques actuelles faites par certaines associations anti-sectes relativement aux minorités de conviction.

11De tels débats entre acteurs privés semblent inévitables, voire participent même à une forme de débat dans une société démocratique. Par contre et pour rappel, il semble évident qu’un État laïc ne devrait pas se permettre de privilégier une idéologie au détriment d’une autre en reprenant à son compte l’argumentation à sens unique de certaines associations anti-sectes dont l’objectivité, nous le verrons, est pour le moins scabreuse [13].

2 – Les raisons de la critique celsienne du christianisme primitif

12Bien que les critiques adressées par Celse aux chrétiens soient multiples, il paraît logique d’en distinguer les motifs en trois catégories principales [14] et ce, bien qu’elles soient en fait reliées les unes aux autres.

A – Les raisons philosophico-religieuses

13Une des raisons sous-jacentes à la critique acerbe de Celse semble consister dans le simple fait que la religion chrétienne soit totalement nouvelle et sans réelles racines communes avec les cultes grecs connus de l’époque [15]. Il semble axiomatique pour Celse que rien ne peut être à la fois nouveau et vrai [16], raison pour laquelle toute religion nouvelle ne peut être que condamnable à ses yeux.

14De façon similaire, il fut souligné par différents auteurs que ce qui semble, du moins en partie, avoir motivé la lutte anti-secte, c’est l’observation de l’émergence d’une religiosité nouvelle, voire une certaine peur de la différence ou de la concurrence [17]. Sans cela, comment expliquer qu’un nombre préétabli de mouvements religieux ait été mis sur la table aux fins de commissions d’enquête parlementaire [18] et ce, sans la moindre base objective ? Comment se fait-il que les religions reconnues et historiques aient échappé à ces commissions alors que des dérives sectaires sont susceptibles d’émerger au sein de n’importe quel groupement [19] ? Comme cela fut rappelé, « nous avons du mal à accepter les différences parce qu’elles troublent nos repères dont nous n’avons pas toujours conscience qu’ils sont relatifs, parce qu’elles demandent un effort de compréhension, donc de dialogue, et que nous ne sommes généralement pas enclins à vraiment écouter l’autre. Ainsi, au lieu de considérer des personnes avec des particularités qui reflètent la diversité inhérente à la vie, nous ne voyons que des étrangers forcément étranges. Or, ce qui est étrange dérange » [20].

B – Les raisons sociologiques

15Au-delà de ses allergies à la nouveauté philosophique, Celse était probablement aussi un patriote sincère. C’est certainement à ce titre qu’il se montra non seulement préoccupé des dangers que pourrait susciter la nouvelle foi pour la patrie, mais également affligé par la nouvelle division religieuse et sociale que risquait d’engendrer celle-ci [21]. Les premiers chrétiens refusaient en effet le service militaire [22] et les offices publics, suscitaient la controverse religieuse parmi la population et encourageaient le célibat pendant que l’État multipliait les lois visant à combattre la dépopulation… Bien que peu dangereux dans le cas d’une population si minoritaire, ces éléments suscitèrent visiblement la méfiance.

16Il faut bien reconnaître que la crainte de la nouveauté religieuse a, à notre époque, des bases assez similaires. L’augmentation constante du nombre de mouvements religieux inhabituels et la confrontation populaire à ce changement sociologique furent certainement une des bases de la crainte des « sectes » [23]. D’autant que ces minorités de conviction furent présentées au public au travers d’événements soit tragiques [24] – mais, rappelons-le, isolés et non représentatifs du nombre global d’adeptes de minorités religieuses – soit anecdotiques, mais dont certains médias à sensation amplifièrent le phénomène [25]. Il faut pourtant reconnaître – comme le firent d’ailleurs les représentants des divers Ministères français interrogés lors de la 3e commission d’enquête française sur les sectes – que, si la crainte populaire des « sectes » est encore vive, les dangers et problèmes réels sont anecdotiques, voire inexistants dans la pratique [26].

C – Les raisons politiques

17Il semble pourtant que ces motifs socio-religieux ne furent qu’une forme de rationalisation par rapport aux raisons réelles de la critique et de la persécution [27] des premiers chrétiens [28]. La société romaine, polythéiste par nature, s’était le plus souvent montrée tolérante à l’égard des cultes étrangers [29]. Dès lors, l’Empire romain fit lui aussi – en général – preuve de libéralisme vis-à-vis de ces derniers pour autant qu’ils ne constituaient pas une menace pour l’Empire.

18Or, il convient de rappeler qu’à l’heure où Celse écrivait son pamphlet anti-chrétien, l’Empire romain était confronté à diverses intrusions barbares et bataillait ferme pour défendre les frontières nord de son territoire. C’est ce qui incita Celse à avertir les chrétiens en ces termes : « Ne voyez-vous que si les barbares sortent vainqueurs de cette épreuve, il ne restera plus aucune trace ni de votre religion, ni de la vraie philosophie ». L’absence de suivi chrétien à ce genre de recommandations fut sans doute la raison du déclenchement par Marc-Aurèle (empereur de 161 à 180 de notre ère) des grandes persécutions contre les chrétiens. Bien que l’attitude romaine serait à l’heure actuelle considérée comme attentatoire aux libertés fondamentales des chrétiens, le pacifisme des premiers chrétiens permet de comprendre l’exaspération du pouvoir romain à leur égard en cette période troublée. Comme cela fut souligné, « (…) leurs comportements (…) combinés à leur sens du sacrifice de soi, faisaient d’eux une cible toute désignée, un exutoire facile pour les malaises, les frustrations et les peurs des couches populaires. Le mécanisme du bouc émissaire se mettait en branle en leur attribuant tous les maux, sociaux et mêmes naturels » [30].

19Comme cela fut encore rappelé récemment, mais cette fois par rapport à la lutte s’exerçant contre les minorités de conviction, c’est en temps de crise qu’on s’attaque aux sectes [31]. À cet égard, Régis Dericquebourg précisait également que « [t]raditionnellement, les minorités servent d’exutoire aux haines refoulées et servent à détourner l’attention du public. Il n’est pas étonnant qu’une classe politique empêtrée dans la crise économique, dans le problème du chômage, dans la montée de la toxicomanie, qui crée des milliers de sans-abris, qui n’a plus de projet suffisamment excitant pour engager les citoyens dans l’action collective (…) trouve des hérétiques à condamner » [32].

3 – Les accusations contre les minorités de conviction

20Après avoir analysé les raisons de la critique du christianisme primitif, il sera maintenant utile de nous pencher sur les reproches en eux-mêmes.

A – Les accusations folkloriques

21Parmi les accusations formulées à l’encontre des premiers chrétiens figuraient notamment les rumeurs publiques d’après lesquelles ils battaient les enfants pour en lécher le sang, formaient des sociétés secrètes et adoraient des têtes d’ânes [33]… Tertullien écrivait également que les foules « regardaient les chrétiens comme la cause de tous les désastres publics, de tous les malheurs nationaux. Le Tibre a-t-il débordé dans la ville, le Nil n’a-t-il pas débordé dans les campagnes, le ciel est-il resté immobile, la terre a-t-elle tremblé, la famine ou la peste sévissent-elles, aussitôt on crie : “Les chrétiens aux lions !” ».

22Est-il besoin de rappeler que, de façon sensiblement similaire, les Témoins de Jéhovah sont encore fréquemment accusés de tuer leurs enfants au vu de leur refus religieux d’accepter les transfusions sanguines. Or, l’article 15 § 2 de la loi belge du 22 août 2002 précise notamment que « [d]ans l’intérêt du patient et afin de prévenir toute menace pour sa vie ou toute atteinte grave à sa santé, le praticien professionnel, le cas échéant dans le cadre d’une concertation pluridisciplinaire, déroge à la décision prise [notamment par les parents exerçant l’autorité sur le mineur] ». La formulation de la loi rendant impossible tout décès de mineurs pour des raisons religieuses – et les Témoins de Jéhovah continuant, par ailleurs, à se rendre dans les structures hospitalières –, les accusations de meurtres d’enfants semblent davantage relever de récits à sensation d’une faible teneur intellectuelle [34].

B – Les accusations sociales et de manipulation mentale

23Au-delà de ces accusations populaires pour le moins fantaisistes, Celse s’en prend avant tout aux origines des adeptes du christianisme. Considérant la nouvelle religion comme un « ramassis » de superstitions et de promesses illusoires, Celse prit comme postulat qu’une telle doctrine ne pouvait attirer que les couches les plus incultes de la population ou, pour le citer, « les niais, les âmes viles, les imbéciles, les esclaves, les pauvres femmes et les enfants » [35] ! En plus de leur caractère misogyne, il est évident que les propos de Celse ne reposent que sur des présupposés. En 112 de notre ère, dans sa lettre à l’empereur Trajan, Pline précisait en effet que la contagion du christianisme menaçait tout le monde, c’est-à-dire « des personnes de tous rangs et âges, et même des deux sexes » que ce soit dans les « villes » mais aussi dans les « villages avoisinants et la campagne » [36]. Il semble également établi que, dès le premier siècle, nombre de personnes riches, éduquées et bénéficiant de positions sociales importantes devinrent chrétiennes ; il est très probable que leur proportion au sein des communautés chrétiennes ait été très semblable à celle de l’ensemble de l’Empire [37].

24De façon assez similaire, la croyance populaire – soutenue par l’argumentation des associations anti-sectes – semble prendre pour point de départ que les « sectes » ne sont composées que d’abjects manipulateurs et de simplets manipulés. La réalité sociologique est pourtant tout autre. Ainsi, des études scientifiques récemment menées par des experts indépendants ont démontré que les membres des minorités religieuses présentaient les mêmes caractéristiques sociologiques que la population dans laquelle ils s’inséraient [38].

25De plus, Celse définit le prosélytisme chrétien comme une technique organisée de manipulation de la populace en prétendant que ceux-ci se garderaient bien de s’adresser aux « hommes sensés pour débiter leurs boniments » mais préféreraient s’adresser « aux gens de la dernière ignorance et dénués de toute éducation en l’[absence] de leurs maîtres, hommes d’expérience et de jugement » [39]. En somme, les membres de la secte chrétienne ne seraient que des ahuris dénués de toute réflexion tandis que la population majoritairement païenne serait, elle, composée de gens dotés d’un grand intellect et ayant fait des choix philosophiques mûrement réfléchis !

26De tels propos, bien que manichéens et simplificateurs à l’excès, sont compréhensibles à une époque où on ne disposait pas d’éléments ni de données sociologiques permettant de comprendre les raisons sociales et spirituelles à la base du succès de la nouvelle sensibilité religieuse [40]. Il est, par contre, plus étonnant qu’à l’heure actuelle des accusations de manipulation mentale fassent encore l’objet d’allégations sérieuses par certaines associations anti-sectes [41], au point que des projets législatifs aient été déposés aux fins de sanctionner les abus de faiblesse [42]. Les scientifiques ont pourtant démontré depuis bien longtemps que la « manipulation mentale » et le « lavage de cerveau » sont des concepts qu’il est nécessaire de relativiser largement, voire de bannir [43]. Des études récentes en psychologie sociale rappelaient notamment que les adeptes de groupements dits sectaires ne possèdent pas de profil de vulnérabilité particulier [44] et que, si la manipulation existe, elle est loin d’être l’apanage des groupements dits sectaires mais fait partie de la plupart de nos actes socio-relationnels [45]. Quant à ce qu’on appelle communément le « bourrage de crâne », il est prouvé qu’il ne conduit pas à une quelconque destruction psychologique ni même à une altération de la personnalité, le cerveau humain ne fonctionnant pas du tout comme une imprimante [46] !

C – Le délit d’appartenance

27Bien que considérés par certains comme des gens honnêtes [47], les chrétiens n’en demeuraient pas moins pourchassés pour leur seule appartenance religieuse et ce, sans qu’un délit n’ait forcément été constaté. L’étiquette de chrétiens était un délit à lui seul, ces derniers étant les seuls prévenus à être condamnés par les tribunaux sur la simple constatation de leur qualité ! Tertullien précisa effectivement : « Vos sentences ne visent autre chose que la profession de Chrétien ; aucun crime n’est mentionné : le seul crime, c’est le nom ». Celse qualifia également les chrétiens – au même titre que les juifs – de secte, voire de secte nuisible à l’Empire, une terminologie qui s’apparente fort à l’appellation moderne [48].

28En effet, à notre époque, le qualificatif de « secte » continue d’être brandi avec un pouvoir accusateur terrible et ce, alors même qu’aucune définition consistante n’en fut jamais donnée [49] et que la liste des sectes ne fut jamais avalisée par le législateur belge. Les rédacteurs du rapport belge de la commission d’enquête parlementaire sur les sectes déclarèrent d’ailleurs que « la commission n’ignore pas l’usage abusif, fait dans le langage courant, du terme “secte”. Est trop souvent qualifié de secte, et pas toujours de manière innocente, tout groupe dont les membres ont un comportement bizarre, anormal, voire simplement inhabituel dans leurs croyances, leur façon de se soigner, leur comportement sexuel ou social, voire dans leur façon de dépenser leur argent ». Ils soulignèrent aussi que « suite aux exactions parfois criminelles de certaines associations, le terme secte est devenu porteur de la notion de danger. La commission tient à dénoncer tout amalgame, qu’il soit volontaire ou non, entre des associations dangereuses, d’une part, et des comportements simplement atypiques, d’autre part. Il n’y a donc jamais eu de la part de la commission de volonté de normalisation des comportements ni de moralisation quelconque. C’est dans cet esprit que le rapport doit être lu et compris » [50]. Bien que, le plus souvent, les minorités religieuses n’aient jamais fait l’objet de condamnations en justice, leur labellisation en tant que secte continue à leur être préjudiciable [51]. Or, cette désignation se fit, à l’origine, sur des bases non scientifiques. On est, dès lors, en droit de se demander si un mouvement religieux minoritaire est dangereux et nuisible parce qu’il est une secte, ou s’il est une secte parce qu’il est dangereux et nuisible ?

29Il est également piquant de constater que de tels mouvements sont souvent accusés de se replier sur eux-mêmes, comme le furent les chrétiens de l’Église primitive [52]. Comment ne pas amorcer un repli sur soi quand on se sent stigmatisé et préjudicié ? Il y a fort à craindre que la lutte anti-secte ne devienne la cause même d’une certaine forme de sectarisme, voire, à terme, d’une espèce ou d’une autre de radicalisation de certains des mouvements religieux discriminés.

4 – Les critiques à l’encontre de Celse

A – Une œuvre plus émotionnelle que rationnelle

30Une des principales critiques rencontrées par rapport au travail de Celse consiste dans le fait que celui-ci se laissa plus guider par la passion que par la raison, visiblement plus soucieux de créer des effets littéraires que de se soumettre à une véritable démarche objective [53]. Là où une argumentation longue et pesante aurait rebuté, Celse chercha avant tout – non sans un certain génie – à frapper l’imagination et à dramatiser, quitte à frôler la caricature ou à simplifier à l’extrême [54]. Comme si l’insulte répétée avait fini par se transformer en vérité, Celse n’hésita pas à devenir lui-même sectaire [55] et indûment blasphémateur en traitant Jésus de « bâtard » et de « charlatan » [56], les chrétiens d’« imbéciles grossiers » [57] et en comparant leur culte à de la « zoolâtrie » [58]. Bien que ces propos relèvent simplement d’une forme de jugement de valeur, ils ne sont visiblement pas de nature à démontrer une forme quelconque de rationalisme chez Celse. Plus soucieux de la défense de l’Empire que des libertés individuelles, Celse se montra ainsi plus rhétorique que philosophique dans l’objectif clair d’« inspirer la crainte sinon la haine » [59].

31Malheureusement, de façon similaire, ce sont généralement le manque de rigueur scientifique et le sensationnalisme qui caractérisent les plaidoyers des associations anti-sectes. Les chercheurs ont déjà maintes fois souligné que l’argumentation des associations anti-sectes – composées bien souvent d’anciens adeptes déçus [60] – devait être prise avec des « précautions infinies » ; les anciens adeptes ayant tendance à diaboliser les mouvements dont ils émanent par besoin de reconstruction négative [61]. Comme le souligna Anne Morelli, « la déception tend, avec le recul du temps, à noircir une situation qui, sur le moment, était estimée acceptable ou même enthousiasmante » [62].

32Olivier-Louis Seguy rappela lui aussi la nécessité d’être « vigilant à l’objectivité des témoignages. Le témoignage d’un ancien adepte est précieux mais risque de glisser dans le règlement de compte ou l’auto-justification ». Il souligna également les observations faites par le professeur Bryan Wilson d’après lequel « l’apostat est susceptible d’être influençable et prêt à amplifier ou à embellir ses griefs afin de satisfaire cette sorte de journalistes, plus intéressés par un article à sensation que par un récit véridique et objectif ». En conséquence, à aucun moment l’apostat ne peut être considéré « comme une source d’information crédible et fiable, ni par l’enquêteur sociologue objectif ni par les cours de justice » [63]. Bryan Wilson, expliquant la situation qui prévaut en Grande-Bretagne et aux États-Unis, précisa d’ailleurs que « [l]a position des experts universitaires [y] a toujours consisté à considérer les groupes anti-sectes comme inutilement alarmistes, et certaines de leurs méthodes comme anti-sociales, voire criminelles. Bien que ces mêmes experts refusent de prendre pour argent comptant les affirmations de diverses sectes, et approuvent les condamnations prononcées en cas de violation de la loi, ils sont également conscients de la nécessité de préserver le droit à la liberté religieuse » [64].

33Il est dès lors étonnant de constater que les représentants de ces associations anti-sectes et les anciens adeptes furent les premiers interlocuteurs des diverses commissions d’enquête parlementaire sur les sectes [65], rendant par ce fait même les résultats de leurs investi-gations suspects. Nathalie Luca et Frédéric Lenoir précisèrent ainsi, relativement au rapport d’enquête parlementaire français au sujet des sectes, qu’« [e]n reprenant trop exclusivement à leur compte le discours virulent de certaines familles choquées par l’adhésion d’un des leurs dans une secte, les parlementaires et représentants de l’État sont-ils dans leur rôle de neutralité ? Il est évident (…) que les parlementaires qui ont publié le rapport sur les sectes en France ont commis une faute en refusant d’auditionner des universitaires et en privilégiant dans leur enquête le seul point de vue des anciens adeptes et des associations de lutte contre les sectes. [Ils rappelèrent eux-mêmes les propos de] Massimo Introvigne, président du CESNUR [d’après qui] : “(…) une commission parlementaire se devrait d’être neutre et de jouer un rôle de médiation sur un sujet controversé dont les parlementaires ne sont évidemment pas des experts. Entre différents récits – il y a le récit des chercheurs, il y a le récit des membres épanouis, il y a le récit des anciens membres qui gardent un souvenir indifférent ou positif, il y a le récit des anciens membres qui gardent un souvenir négatif, il y a le récit des associations antisectes –, on a privilégié un récit : celui des ex-membres hostiles et des associations antisectes, en le considérant comme le seul digne de foi.” » L’Église catholique adressera sensiblement le même reproche à la commission d’enquête parlementaire : « L’information sur les sectes doit être objective, scientifique, impartiale et permanente. Seule une approche pluridisciplinaire, fondée aussi sur une bonne connaissance des phénomènes spirituels et religieux, à côté de l’indispensable apport des sciences humaines, le permettrait. On s’interroge ici sur la liste des personnes et organismes consultés par la commission, et sur les omissions et lacunes inquiétantes » [66].

34Au-delà même du lobbying médiatique organisé par bon nombre d’associations anti-sectes [67], il est nettement plus malheureux de constater que l’argumentation développée par d’anciens adeptes et par les associations anti-sectes est fréquemment reprise lors de procès – le plus souvent d’hébergement d’enfant – par des parents dont la différence religieuse ne posait en général pas problème lors de leur vie commune. De façon on ne peut plus suspecte, c’est très majoritairement après la séparation que l’appartenance religieuse à un mouvement minoritaire d’un parent apparaît subitement dangereuse pour l’intérêt de l’enfant aux yeux de l’autre parent. La méthodologie judiciaire devrait donc commander le rejet de la documentation relevant d’une forme ou d’une autre de propagande des associations anti-sectes – le plus souvent accessible par Internet – au profit de la documentation émanant de scientifiques neutres et objectifs. Comme cela fut souligné, « [à] défaut d’un tel recul méthodologique et scientifique, le risque existe que, par exemple, les tribunaux (…) se laissent manipuler par des mouvements anti-sectes qui pratiquent systématiquement un amalgame global réprobateur contre les sectes. Le contentieux du divorce et de l’hébergement des enfants donne lieu à l’intervention intempestive des membres de ces groupements qui n’hésitent pas à verser aux débats des témoignages identiques et stéréotypés » [68].

35C’est sans doute pour cette raison que la Cour d’appel de Montpellier refusa que « des particuliers, agissant isolément ou en groupes de pression, qualifient de sectes tout groupe minoritaire au sein d’une religion ou d’une philosophie, fassent admettre comme principe que toute secte est condamnable et en fassent tirer une conclusion d’interdiction ou d’opprobre » tout en soulignant qu’« une telle démarche conduit, consciemment ou non, au totalitarisme en menaçant la liberté de conscience des minorités » [69].

B – L’absence de toute méthodologie sérieuse

36Par delà le caractère purement insultant et radoteur de certaines de ses allégations, Celse fit parfois preuve d’un manque de rigueur factuelle quant à ses affirmations. Ainsi, il lui fut notamment reproché son ignorance quasi-complète de l’Ancien Testament [70], sa générali-sation excessive par laquelle il mettait toutes les dissidences chrétiennes dans le même sac [71] ou le fait qu’il ait coupé la moitié des propos de Jésus par pur esprit de polémique [72]. Il estimait lui-même, qu’il en savait suffisamment sur les chrétiens, au point qu’il ne lui soit plus nécessaire de se documenter [73]

37Cette attitude est assez proche de celle adoptée par de nombreuses associations anti-sectes qui, plutôt que de tenir compte du nombre grandissant d’études scientifiques plaidant pour un apaisement des relations avec les minorités de conviction, semblent vouloir continuer dans leur utilisation des médias à sensation et du discours purement émotionnel [74].

5 – Les tentatives de pacification de la situation et la défense de l’Église par les apologistes chrétiens

A – Les essais de solutions

38Face à l’intolérance et à la persécution religieuse, divers protagonistes tentèrent de trouver des solutions pacificatrices, solutions qui ressemblent à s’y méprendre à la plupart de celles qui sont proposées à notre époque.

39Ainsi, l’empereur Trajan préconisa l’interdiction d’une règle générale dans le traitement des affaires impliquant des chrétiens [75]. C’est aussi la solution que prôna la Cour européenne des droits de l’homme dans des affaires relatives à des hébergements d’enfants dont l’un des parents appartenait à une minorité religieuse, en préconisant l’interdiction du refus de l’hébergement sur la seule base abstraite de l’appartenance religieuse. La Cour stipula que chaque cas devait être réglé en fonction du cas concret d’espèce [76].

40Les apologistes chrétiens soulignèrent que les chrétiens ne devaient nullement être poursuivis pour le nom qu’ils portaient mais seulement pour les crimes qu’ils commettaient [77]. C’est dans le même esprit qu’il fut fréquemment rappelé depuis le début de la lutte anti-sectes que le droit commun suffisait largement à lutter contre toute dérive sectaire et que l’existence d’une législation spécifique en la matière serait forcément discriminatoire et liberticide [78].

41Ce qui marque également à la lecture de certains écrits des pouvoirs publics romains, c’est leur méconnaissance manifeste du phénomène religieux chrétien [79]. Pour pallier une ignorance similaire des nouveaux mouvements religieux, l’État fédéral belge a, quant à lui, subventionné divers chercheurs – principalement en sociologie des religions – émanant de l’Université catholique de Louvain aux fins de clarifier leur compréhension du phénomène [80]. Si les résultats de cette étude furent d’une grande clarté et tendent à inciter à plus de tolérance vis-à-vis des nouveaux mouvements religieux, il ne reste plus qu’à espérer que les pouvoirs belges en tirent les conséquences nécessaires. On peut néanmoins se demander s’il n’eut pas été plus judicieux de commencer par une telle approche scientifique, et ce, avant de créer des commissions d’enquête dont découlèrent diverses stigmatisations.

42Comme Celse l’avait lui-même remarqué, les persécutions à l’encontre des chrétiens ne firent que renforcer leurs liens mutuels [81]. Paradoxalement, bien que considéré comme nuisible à l’Empire, le christianisme devint par la suite la religion des conquérants qui menaçaient autrefois Rome [82]. Similairement, la lutte anti-sectes ne semble pas du tout avoir enrayé la progression des minorités de conviction. Tout ce que cette lutte a amené, ce sont d’incessants conflits de toutes sortes ainsi que des condamnations juridiques et politiques de la Belgique [83].

B – La défense de l’Église par les apologistes chrétiens

43Comme toute minorité persécutée, l’Église chrétienne des premiers siècles tenta, par divers moyens, de se défendre [84]. C’est à ce titre que les apologistes chrétiens essayèrent de « prouver aux autorités que le christianisme n’était pas une secte dangereuse » [85], tout en cherchant à obtenir l’aval des autorités de l’époque [86]. Bien que les apologistes chrétiens furent peu, voire pas entendus [87], ces essais me semblent devoir se comprendre comme des tentatives de conciliation et de pacification de la situation [88].

44Au même titre, il semble qu’à notre époque, de nombreux mouvements religieux dits sectaires aient choisi la voie légale pour défendre leurs intérêts [89]. Bien que cette manière d’agir fasse grincer des dents leurs adversaires religieux qui considèrent cela comme une instrumentalisation du droit, il fut, à juste titre, relevé que cette utilisation du droit par certaines minorités doit être considérée comme une preuve supplémentaire de leur intégration dans le tissu social [90].

45Origène tenta également de démontrer que, contrairement aux dires de la rumeur publique, la population chrétienne se composait de « gens comme les autres » – voire meilleurs, selon lui –, de « sages » comme de « petites gens » [91]. De nos jours, ce sont les études scientifiques qui ont infirmé la rumeur publique tout en confirmant le pressentiment des acteurs de terrain objectifs : les membres de nouveaux mouvements religieux sont sociologiquement semblables aux populations dont ils émanent [92].

46Quant aux individus isolés émanant de religions minoritaires et ayant été convaincus de l’un ou l’autre « méfait », l’argument desdites religions pour y répondre est demeuré le même au fil des siècles : les errances de quelques adeptes isolés ne pourraient nullement – sur cette seule base – être attribuées au groupement religieux dans son ensemble ; chaque mouvement – religieux ou non d’ailleurs – est susceptible d’avoir ses « brebis galeuses ». Celles-ci ne pourraient légitimement être considérées comme représentatives du groupe social dont elles émanent [93].

6 – L’attitude de l’Église après la passation de pouvoir

47Tout cela pourrait laisser entendre que l’Église catholique devrait être placée au-delà de tout reproche. Loin s’en faut ! Dès que le pouvoir fut solidement établi entre ses mains, c’est elle qui se mit à considérer les minorités opposantes naissantes comme sectaires et à pourchasser celles-ci à des fins de persécution [94].

48À dire vrai, les écrits des apologistes n’étaient déjà eux-mêmes pas si opposés que cela au style très polémique du Discours Vrai de Celse. Les apologistes n’hésitèrent ainsi pas à discréditer les sources de leurs opposants [95] ou à traiter les païens de satanistes et d’idolâtres, utilisant tant le sarcasme que la raillerie à l’adresse de la religion officielle impériale [96]. Si, ici aussi, de tels propos relevaient de la croyance individuelle, il ne fallait évidemment pas s’attendre à ce que ceux-ci suscitent la paix et l’harmonie avec le pouvoir en place !

49De façon assez similaire, certaines minorités de conviction et certains de leurs défenseurs n’ont, de nos jours, pas toujours pris de gants pour mettre sur la table les manquements des religions officielles en place [97]. Si la Cour européenne des droits de l’homme rappela fort opportunément que ces propos-là aussi relevaient de la liberté d’expression [98] et si on peut comprendre la volonté de vouloir répondre à des injustices par la critique, il est évident que de tels propos ne vinrent pas pacifier le débat !

7 – Conclusion

50Régis Debray a coutume de dire qu’une langue est un dialecte plus le pouvoir. L’historienne Anne Morelli parodia cette maxime en définissant la religion comme une « secte (…) plus le pouvoir » [99]. Le rappel de cette polémique qui surgit autrefois entre chrétiens et païens et le renversement des rôles qui survint ultérieurement ne fait malheureusement que le souligner.

51Il me semble que, plutôt que de tenter de définir quels sont les cultes acceptables et quels sont ceux à rejeter, l’État devrait se cantonner à une stricte neutralité dans ces questions. Bien que le principe de laïcité soit globalement accepté en théorie, le traitement des minorités de conviction en Belgique et en France tend à démontrer que son application va moins de soi qu’il y paraît.

52À défaut pour les organes étatiques en place de rejeter le discours intolérant des associations anti-sectes et de s’en tenir à une stricte neutralité en matière religieuse, il faut craindre que notre époque ne soit, cette fois encore, qu’une triste répétition de l’histoire.

Remerciement

L’auteur tient particulièrement à remercier Bruno Degouis, Saïda Ouazzani, Astrid Molitor, Virginie Thibeaux, et David Vandendriessche pour leur aide précieuse dans la rédaction de cette étude.

Notes

  • [1]
    La présente contribution traite principalement – dans sa partie contemporaine – de la critique des mouvements religieux minoritaires en Belgique et en France. Il y a environ une quinzaine d’années, des commissions d’enquête parlementaire y virent le jour aux fins d’analyser le phénomène dit « sectaire ». Or, ces commissions furent guidées en grande partie par l’idéologie véhiculée par les associations anti-sectes, elles-mêmes composées en partie d’anciens adeptes des mouvements minoritaires incriminés (voir infra à cet égard)… Suite à ces commissions et au peu de « balises juridiques » qu’elles comportaient (voir, à cet égard : Y. Thiels, « La liberté religieuse en Belgique. Quelques réflexions sur la commission d’enquête parlementaire sur les sectes et la Convention européenne des droits de l’homme », in Annuaire International des droits de l’homme, 2007, vol. 2, pp. 461 et s.), nombre de stigmatisations en découlèrent pour les mouvements visés et leurs adeptes. Ces mises à l’index, tantôt médiatiques, tantôt officielles, créèrent – au-delà des conflits juridiques qu’elles engendrèrent – un dangereux climat de discrimination à l’égard des membres de ces communautés.
  • [2]
    La date exacte de fin de rédaction fait l’objet de nombreuses controverses doctrinales. Certains fixent cette date de 161 à 185 de notre ère (F.X. Funk, « Die Zeit des wahren Wortes von Celsus », in Kirchengeschichtliche Abhandlungen und Untersuchungen, II, 1899, pp. 152-161) là où la plupart, sans nier la part de conjecture à cet égard, s’accordent à fixer cette date entre 176 et 180 (voir notamment : B. Aube, Histoire des persécutions de l’Église. II. La polémique païenne à la fin du IIe siècle, 2e éd., Paris, 1978 ; H. Chadwick, Origen : Contra Celsum, translation with an introduction and notes, Cambridge, Cambridge University Press, 1953 ; T. Keim, Celsus’ Wahres Wort (Älteste Streitschrift antiker Weltansschauung gegen das Christentum vom Jahre 178 n. Chr.), Zürich, 1873 ; E. Pelagaud, Un conservateur au second siècle : étude sur Celse et la première escarmouche entre la Philosophie et le Christianisme naissant, Lyon, 1878).
  • [3]
    Bien que cette traduction soit la plus communément admise et utilisée pour les termes originaux « alèthès logos », d’autres, par contre, estiment plus adéquat de parler de « Doctrine véritable » dans la mesure où c’est bien une vérité doctrinale religieuse que Celse entendait opposer à celle de ses adversaires (en ce sens, voir : J.C.M. Van Winden, « Review », in Vigiliae Christianae, 1968, p. 149 et réf. citées).
  • [4]
    Dans ses Annales, Tacite (55-120 de notre ère) souligna que le christianisme « débordait (…), non seulement en Judée, berceau de ce fléau, mais dans Rome même (…) ».
  • [5]
    Dans son ouvrage La vie des douze César, Suétone (69-125 de notre ère) fait référence à l’expulsion par l’empereur Claude « des Juifs, devenus, sous l’impulsion de Chrestus, une cause permanente de désordres » ainsi qu’aux « supplices infligés aux chrétiens » par l’empereur Néron.
  • [6]
    Voir notamment : Q. Cataudella, « Celso e gli apologetici cristiani », in Nuovo Didaskaleion, I, 1947, pp. 28-34. Cette thèse expliquerait pourquoi Celse semble parfois ne pas connaître tous les sujets sur lesquels il s’exprime (voir infra à cet égard).
  • [7]
    Y. Thanassekos, « Les reproches adressés par Celse à la secte des chrétiens », in A. Dierkens et A. Morelli (dir.), « Sectes » et « hérésies » de l’Antiquité à nos jours, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2002, p. 47.
  • [8]
    Il faut noter que la critique historique est toutefois très disparate à cet égard. Les estimations quant au pourcentage du texte originaire de Celse que nous possédons grâce aux écrits d’Origène vont ainsi de 90 % de la substance (L. Rougier, Celse ou le conflit de la civilisation antique et du christianisme primitif, Paris, Éditions du Siècle, 1925, p. 58) à seulement 50 % (E. Pelagaud, op. cit., pp. 269 et 420) !
  • [9]
    Voir, pour plus d’explications à cet égard : L. Rougier, op. cit., pp. 329-333.
  • [10]
    Voir notamment, en ce sens : R. Bader, Der Alèthès Logos des Kelsos (Tübinger Beiträge zur Altertumswissenschaft), Stuttgart-Berlin, 1940 ; G. Lanata, Il discorso vero, Milan, Adelphi, 1987.
  • [11]
    M. Borret, Origène. Contre Celse, Tome V, Paris, Les Éditions du Cerf, 1976, p. 25.
  • [12]
    Pour une analyse du lien causal entre la critique celsienne et la persécution des chrétiens, voir K. Pichler, Streit um das Chistentum : Der Angriff des Kelsos und die Antwort des Origenes, (Regensburger Studien zur Theologie 23), Frankfurt-am-Main, 1980.
  • [13]
    À titre exemplatif, la 17e chambre du Tribunal de la jeunesse de Charleroi se basa à deux reprises sur le seul fait qu’il aurait été « (…) de notoriété publique » qu’un mouvement minoritaire était « une secte qui est, donc, hors la loi » pour en tirer des conséquences sur l’hébergement de l’enfant, voire sur l’éducation religieuse à lui donner (voir respectivement : Trib. jeun. Charleroi, 27 juin 2006 [inédit] ; Trib. jeun. Charleroi, 20 février 2008 [inédit]). Pour plus d’explications quant à ces décisions, aux arrêts les ayant réformés et à la jurisprudence en la matière, voir Y. Thiels et I. Wouters, « Le régime des cultes en Belgique et au Portugal : de l’approche sécuritaire à l’approche égalitaire. Pistes de réflexion pour une modification législative », in Rev. b. dr. const., 2008, p. 377.
  • [14]
    Pour une catégorisation tripartite des reproches, voir Y. Thanassekos, op. cit,, pp. 48-52.
  • [15]
    L.H. Feldman, « Origen’s “Contra Celsum” and Josephus’ “Contra Apionem” : The Issue of Jewish Origins », in Vigiliae Christianae, 1990, pp. 107 et 112.
  • [16]
    H. Chadwick, Early Christians Thought and the Classical Tradition : Studies in Justin, Clement, and Origen, New York, Oxford, 1966, p. 23.
  • [17]
    Voir notamment A. Morelli, Lettre ouverte à la secte des adversaires des sectes, Bruxelles, Labor, 1997 ; C. Paturel, Sectes, religions et libertés publiques, Paris, La Pensée Universelle, 1996.
  • [18]
    Cette méthodologie scabreuse fut suivie tant en France qu’en Belgique.
  • [19]
    Plutôt que de tenter vainement de trouver une définition de la secte, certains chercheurs ont ainsi préféré établir un faisceau d’indices sectaires susceptibles de provenir de n’importe quel groupement religieux (C. Buxant, S. Casalfiore, L.-L. Christians, J.-M. Jaspard et V. Saroglou, « Redéfinir les indices de dérive sectaire ? Un regard psychologique au croisement des sciences des religions », in Ann. Dr., 2004, pp. 529 et s.).
  • [20]
    F. Laurent, « Intolérance et minorités », in S. Chatelain (dir.), Pour en finir avec les camps, Paris, L’Harmattan, 2005, pp. 146-147.
  • [21]
    M. Borret, op. cit., tome V, p. 34.
  • [22]
    R.H. Bainton, « The Early Church and War », in The Harvard Theological Review, Vol. 39, n° 3, July 1946, pp. 189-212 et réf. citées ; K.H.E. De Jong, Dienstweigering bij de oude christenen, E.J. Brill, Leiden, 1905.
  • [23]
    Voir en ce sens : F. Laurent, op. cit., p. 147, qui précise : « Quand une minorité s’élargit régulièrement, la majorité appréhende de devenir à son tour minoritaire. Le plus grand nombre cherche à maintenir le petit nombre dans la précarité. Le majoritaire craint de perdre le peu de pouvoir qu’il a ou qu’il croit avoir et adopte facilement un comportement paranoïaque en déclarant d’emblée forcément subversif le minoritaire, souvent inoffensif, mais qui a le tort de croître ».
  • [24]
    Voir notamment : N. Luca, « Quelles politiques face aux sectes ? La singularité française », in Critique internationale, n°17, octobre 2002, pp. 106 et 118 ; Y. Thiels et I. Wouters, op. cit., p. 370.
  • [25]
    De nombreux auteurs constatèrent le rôle des médias par rapport à la question des « sectes ». Il fut ainsi souligné : « Comme d’autres sphères de la vie sociale, la sphère religieuse tend à être perçue à travers l’image qu’en donnent les médias. Or, ceux-ci, en privilégiant les figures charismatiques et les formes les plus spectaculaires des expressions religieuses, en focalisant l’attention du public sur les dérives de tel ou tel groupe et les drames que cela a engendrés, construisent une représentation de la situation religieuse qui demande souvent à être corrigée » (F. Messner, P.-H. Prelot et J.-M. Woehrling, Traité de droit français des religions, Paris, Litec, Ed. du Juris-classeur, 2003, p. 145) ; « “les médias, dont le rôle aurait dû être d’informer le public naturellement effrayé par un phénomène qu’il ne connaissait ni ne comprenait, se sont contentés de créer ou de renforcer des stéréotypes, en jouant sur l’émotion suscitée par quelques événements dramatiques.” [L]a première raison pour laquelle on a accolé l’adjectif dangereux à la secte est qu’ “on a parlé des sectes à partir des événements qui ont fait l’actualité : un suicide ou une affaire judiciaire(…). Les médias ont montré les aspects spectaculaires, mauvais, malfaisants, sans prendre en considération que le cas mis en avant s’inscrivait dans un ensemble composé de centaines de groupements n’ayant jamais défrayé la chronique. C’est la focalisation sur le spectaculaire.” » (F. Lenoir et N. Luca, Sectes. Mensonges et idéaux, Paris, Bayard Éditions, 1998, pp. 87 et 88, citant le sociologue des religions Roland Campiche). Certains organismes internationaux formulèrent également diverses recommandations visant à responsabiliser les médias dans leur traitement de l’information religieuse et ce, dans l’objectif de favoriser le pluralisme (voir ainsi : Application de la Résolution 60/251 de l’Assemblée Générale du 15 mars 2006 intitulée « Conseil des droits de l’homme », Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, Ambeyi Ligabo, Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Quatrième session ordinaire, Point 2 de l’ordre du jour provisoire, A/HRC/4/27, 2 janvier 2007, pp.17 et s. ; http://www.ohchr.org ; Résolution 1510 (2006) du 28 juin 2006 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur la liberté d’expression et le respect des croyances religieuses ; http://www.assembly.coe.int).
  • [26]
    Pour un examen de l’intégralité de ce rapport (en ce compris les auditions), voir http://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-enq/r3507.asp. Pour un résumé visuel des divers témoignages rendus par les représentants des Ministères français interrogés lors de cette commission, voir http://www.coordiap.com/video03.htm.
  • [27]
    Bien que cela ne soit pas l’objet de notre propos, il convient de préciser qu’au-delà d’une certaine apologie chrétienne des martyrs des premiers siècles, la persécution des premiers chrétiens prit des tournures variées dans le temps et dans l’espace. Les exactions subies étaient parfois locales et sporadiques, parfois d’envergure impériale.
  • [28]
    L.H. Feldman, op. cit., p.107 ; L. Rougier, op. cit., pp. 119-120.
  • [29]
    Voir néanmoins, contra : K.S. Latourette, A History of Christianity, New York, Harper & Brothers, 1953, p. 81.
  • [30]
    Y. Thanassekos, op. cit,, pp. 52 et 54.
  • [31]
    Voir, en ce sens, C. Paturel, op. cit., pp. 69 et s.
  • [32]
    R. Dericquebourg, « Les résistances aux groupes religieux minoritaires en France », in M. Introvigne et J.G. Melton (dir.), Pour en finir avec les sectes. Le débat sur le rapport de la commission parlementaire », Milan, CESNUR/Di Giovanni Editore, 1996, p. 81.
  • [33]
    Propos de Cornelius Fronton repris dans l’Octavius de Minucius Felix et cité par L. Rougier, op. cit., pp. 39-41.
  • [34]
    Pour une confirmation de ce propos par rapport à la situation française, voir notamment l’audition de Didier Leschi, chef du Bureau central des cultes au ministère de l’Intérieur de France, devant la « commission d’enquête parlementaire relative à l’influence des mouvements à caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et morale des mineurs » (http://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-enq/r3507.asp). Celui-ci souligna notam-ment : « (…) il m’a semblé nécessaire de demander aux préfectures de département de faire le recensement, sur les trois dernières années, des incidents liés à la transfusion. Au vu des résultats obtenus, ce qui remonte c’est un petit nombre d’incidents souvent réglés par la discussion. Jamais d’incident qui mette en cause des enfants ou le pronostic vital ou le fonctionnement du service public hospitalier ne m’a été signalé sur ces trois dernières années. (…) En ce qui concerne plus spécifiquement les enfants et la transfusion sanguine, je rappelle qu’en cas d’urgence l’alinéa 5 de l’article L 1111-4 de la loi de mars 2002 prévoit que “Le consentement du mineur ou du majeur sous tutelle doit être systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. Dans le cas où le refus d’un traitement par la personne titulaire de l’autorité parentale ou par le tuteur risque d’entraîner des conséquences graves sur la santé du mineur ou du majeur sous tutelle, le médecin délivre les soins indispensables”. Par conséquent, la loi est claire : le droit de l’enfant à s’exprimer est respecté mais c’est sa santé qui est privilégiée, même en cas d’opposition des parents. La loi de 2002 a donc apporté une amélioration certaine puisqu’elle permet au médecin d’agir sans avoir à demander à l’autorité judiciaire d’ordonner les mesures d’assistance éducative qui étaient auparavant nécessaires à son intervention. En situation d’urgence, le médecin est juridiquement habilité à se substituer en toute légitimité et légalité à l’autorité parentale et la question du soin à prodiguer encadre ce suspens de l’autorité parentale. J’ajoute que si l’on se pose la question des hôpitaux, c’est bien parce que les Témoins de Jéhovah se rendent en milieu hospitalier et n’hésitent pas à utiliser les structures publiques, de la même manière qu’ils scolarisent leurs enfants dans les écoles publiques ».
  • [35]
    Celse, Discours vrai contre les chrétiens (L. Rougier, traduction et introduction), Hollande, Éd. Jean-Jacques Pauvert, 1965, p. 370, n° 37 (sauf mention contraire, les citations faites du Discours Vrai de Celse sont issues de la traduction de Louis Rougier ci-dessus citée ; pour une lecture de ce même texte au sein des écrits d’Origène, voir A. Cleveland Coxe, The Ante-Nicene Fathers. Translations of the Writings of the Fathers down to A.D. 325, American Reprint of the Edinburgh Edition. Revised and chronologically arranged, with brief prefaces and occasional notes, Vol. IV, Michigan, WM.B. Eerdmans Publishing Company, pp. 395-669).
  • [36]
    Voir Harvard Classics, 1909, vol. 9, pp. 425 à 428 (traduction libre).
  • [37]
    K.S. Latourette, op. cit., p. 80. L’auteur précise même qu’il est possible qu’un proche de l’empereur Domitien (de 81 à 96 de notre ère) ait été chrétien également.
  • [38]
    Voir notamment C. Buxant, S. Casalfiore, L.-L. Christians, et V. Saroglou, Mouvements religieux contestés - Psychologie, droit et politiques de précaution, Gent, Academia Press, 2005 (où lesdits auteurs émanant du Centre de psychologie de la religion et de la Faculté de droit de l’UCL publièrent, en 2005, une étude approfondie financée par la Politique Scientifique Fédérale de Belgique). C’est également en ce sens que se prononça une étude sociologique française menée en octobre 1998 par la SOFRES (Corporate – Ressources humaines) auprès d’un échantillon aléatoire de 1025 Témoins de Jéhovah et sympathisants (inédit).
  • [39]
    Celse, op. cit., pp. 370-371, n° 37. Notons toutefois qu’une partie de la critique historique estima que la méthode de prosélytisme définie par Celse ne pouvait nullement être considérée comme une source historique fiable mais plutôt comme une référence à la comédie attique. Voir en ce sens K. Pichler, op. cit.
  • [40]
    Y. Thanassekos, op. cit,, p.51.
  • [41]
    Notons aussi que, parallèlement, « [l]es chrétiens pouvaient être poursuivis comme “plagiaires”, c’est-à-dire pour détournement de mineurs ou d’esclaves, convertis en dépit de leurs parents ou de leurs maîtres » (L. Rougier, op. cit., p. 211).
  • [42]
    Furent ainsi notamment introduits, en Belgique : une proposition de loi du 22 octobre 2003 visant à réprimer l’abus frauduleux de la situation de faiblesse des personnes afin de les pousser à un acte ou une abstention (déposée par M. Philippe Monfils), une proposition de loi du 4 juillet 2005 insérant les articles 442quater et 442quinquies dans le Code pénal en vue de sanctionner la déstabilisation mentale des personnes et l’abus de la situation de faiblesse des personnes (déposée par Mme Jeannine Leduc et MM. Staf Nimmegeers et Luc Willems), un avant-projet de loi approuvé par le Conseil des Ministres et visant à réprimer l’abus de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse des personnes ainsi qu’une autre proposition de loi du 21 février 2007 insérant les articles 442quater et 442quinquies dans le Code pénal en vue de sanctionner la déstabilisation mentale des personnes et les abus de la situation de faiblesse des personnes (déposée par M. André Frédéric, Mme Valérie Deom, M. Éric Massin et Mme Véronique Ghenne). En France, par contre, la loi dite About-Picard existe maintenant depuis quelques années (loi no 2001-504 du 12 juin 2001 tendant « à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires, portant atteinte aux Droits de l’Homme et aux libertés fondamentales »).
  • [43]
    D’après, C. Buxant, S. Casalfiore, L.-L. Christians, et V. Saroglou, op. cit., p. 99 : « La conclusion actuelle tant chez les chercheurs étrangers spécialistes des mouvements religieux sectaires, contestés ou tout simplement nouveaux, que chez des chercheurs en psychologie sociale est que le concept de la manipulation mentale est inadéquat parce qu’il renvoie à une réalité mystérieuse, extraordinaire qui ne se vérifie pas dans les faits. Plus précisément, il n’existe pas de techniques et de méthodes de persuasion différentes des méthodes de persuasion habituelles qui permettraient de changer radicalement les idées, la volonté ou la vie concrète des individus malgré leur gré. À l’appui de cette conclusion notons que la psychologie de la religion a démontré que le changement de la personnalité suite aux conversions religieuses n’est pas si radical ou si profond que l’on imagine ». D’après Gordon Melton, « vers le milieu des années quatre-vingt, il y a eu un grand consensus, à savoir qu’en ce qui concerne les nouveaux groupes religieux la notion de lavage de cerveau n’existe pas » (tel que cité par : N. Luca et F. Lenoir, op. cit., p. 243 qui relèvent également [p. 271] le rejet par les tribunaux de cette notion de lavage de cerveau). C’est donc à juste titre que ce concept fut qualifié de « désuet » (S. Mulhern, « Du “lavage de cerveau” à la “déstabilisation mentale” », in Pour en finir avec les sectes…, op. cit., p. 102).
  • [44]
    Suite à une étude demandée et financée par la Politique Scientifique Fédérale de Belgique, divers chercheurs en sciences psychologiques et juridiques soulignèrent que : « [c]ontrairement à l’idée répandue des troubles mentaux relevant de la psychiatrie ou de la pathologie chez les membres des [mouvements religieux contestés], il n’y a pas d’indice empirique signalant leur présence chez ces personnes de manière plus importante que dans la population en général » et que « [l]es études [qu’ils venaient] de passer en revue ne [permettaient] pas de dire que les membres d’un [nouveau mouvement religieux] sont des personnes “spéciales”, “bizarres” ou “dérangées psychologiquement”. Les membres de ces types de groupes n’auraient pas les caractéristiques que l’on aurait pourtant tendance à leur prêter lorsqu’on se base sur les images répandues dans l’espace public. » (C. Buxant, S. Casalfiore, L.-L. Christians, et V. Saroglou, op. cit., pp. 111 et 33.
  • [45]
    Voir en ce sens : C. Heroufosse, « De la manipulation mentale à l’abus de situation de faiblesse », in X., La lutte contre les sectes, Bruxelles, Éd. de l’Université de Bruxelles, 2002, p. 32, qui, prenant pourtant pour postulat l’existence de la notion de manipulation mentale, estime qu’« il serait (…) difficile de distinguer juridiquement la manipulation mentale à l’œuvre au sein des sectes des techniques de persuasion et d’influence utilisées au sein d’organisations légitimes, telles que l’entreprise ou l’armée ».
  • [46]
    S. Casalfiore, « La manipulation : quelle réalité au regard de la psychologie sociale ? », in Ann. Dr., 2004, pp. 612 et s., sp. les pages 637 à 645.
  • [47]
    Ainsi, Pline, dans sa lettre à l’empereur Trajan, en l’an 112 de notre ère, releva, après avoir mené une enquête à l’encontre des chrétiens, leur « parfaite innocence de mœurs » (cité par Celse, op. cit., p. 11 ; voir également, pour une traduction anglaise complète, Harvard Classics, 1909, vol. 9, pp. 425 à 428).
  • [48]
    Voyez les citations faites en ce sens par M. Borret, op. cit., Tome V, pp. 59, 60, 85, 89 et 92 (ainsi que les pages 58, 149 et 150 par rapport aux juifs). Au-delà de ces accusations, certains semblèrent également considérer que Celse désirait dénier au christianisme tout fondement religieux « authentique » (ibidem, p. 88)
  • [49]
    Parmi la multitude d’intellectuels ayant relevé l’impossibilité d’établir une distinction objective entre la notion de « religion » et celle de « secte », voir notamment P. Goni, Les témoins de Jéhovah : Pratique cultuelle et loi du 9 décembre 1905, Paris, L’Harmattan, pp. 32-33 ; F. Lenoir et N. Luca, op. cit., pp. 103 et s. ; C. Paturel, op. cit., p. 102 (tel que citant Jacques Robert) ; J.-F. Renucci, L’Article 9 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, Strasbourg, Éd. du Conseil de l’Europe, 2005, pp. 16-17.
  • [50]
    Enquête parlementaire visant à élaborer une politique en vue de lutter contre les pratiques illégales des sectes et le danger qu’elles représentent pour la société et pour les personnes, particulièrement les mineurs d’âge. Rapport fait au nom de la commission d’enquête par MM. Duquesne et Willems (Partie 1), Doc. Parl., Ch. repr., sess. ord. 1996-1997, 313/7, p. 5.
  • [51]
    Dans une affaire récente, la Cour européenne a également estimé que les campagnes d’information allemandes qui qualifiaient certaines minorités de conviction de « sectes » constituaient une ingérence au droit de manifester ses croyances religieuses. Elle estima néanmoins que, bien que le terme « secte » ait une connotation péjorative, une telle qualification ne constituait pas, au vu des circonstances spécifiques à l’espèce, une ingérence disproportionnée dans le droit de manifester ses convictions religieuses (Cour eur. Dr. H., arrêt Leela Förderkreis E.V. et autres C. Allemagne du 6 novembre 2008).
  • [52]
    M. Borret, op. cit., Tome V, p. 89.
  • [53]
    H. Chadwick, op. cit. Cette critique lui est également adressée par Origène (tel que cité par M. Borret, op. cit., p. 27) à qui, par ailleurs, il fut également adressé le reproche de se montrer parfois indûment émotionnel (voir, en ce sens, F.G. Bratton, « Origen, The First Christian Liberal », in Journal of Bible and Religion, 1940, p. 139).
  • [54]
    M. Borret, op. cit., p. 38.
  • [55]
    L. Rougier, op. cit., p. 166.
  • [56]
    Celse, op. cit., p. 355, n° 7 et p. 357, n° 12.
  • [57]
    Ibidem, p. 354, n° 6 et p. 370, n° 37.
  • [58]
    Propos cités par M. Borret, op. cit., p. 62.
  • [59]
    M. Borret, ibidem, p. 38.
  • [60]
    Philippe Gast releva d’ailleurs que les « groupes associatifs de défense de l’individu ou de la famille [étaient] composés de personnes généralement incompétentes, dont la motivation est souvent fondée sur un ressentiment personnel (…) » (P. Gast, « Les sectes et la démocratie », in Les petites Affiches, 19 octobre 1994, n°125, p. 17).
  • [61]
    Décrivant avec justesse les contraintes pesant sur la gestion d’un passé dépassé et le mécanisme de réinterprétation négative qui teinte de ressentiment la mémoire, Arthur Koestler écrivit : « D’habitude, nous romantisons le passé. Mais chez ceux qui ont renoncé à une foi ou se sont vus trahis par un ami, le mécanisme inverse entre en jeu. Rétrospectivement, l’expérience originale perd de son innocence, et au souvenir, est faussée par le ressentiment. (…) L’ironie, la colère et la honte entrent constamment en jeu ; les passions de l’époque paraissent toutes perverties, la certitude intérieure d’antan se voit transformée en l’univers clos de l’intoxiqué ; la mémoire devient chasse gardée, derrière un réseau de barbelés. Ceux qui ont été séduits par la grande illusion de notre temps, et se sont livrés à cette débauche intellectuelle et morale, sont condamnés soit à se précipiter dans une outrance inverse, soit à vivre dans un désenchantement perpétuel. » (A. Koestler, Les militants, Paris, Mille et une nuits, 1997 [publié initialement in : X., Le Dieu des Ténèbres, Paris, Éd.Calmann-Lévy, 1950], p. 76).
  • [62]
    A. Morelli, « Les membres des sectes religieuses considérés comme militants », in Militantisme et militants (coord. : J. Gotovitch et A. Morelli), Bruxelles, Éd. EVO, 2000, p. 84.
  • [63]
    O.-L. Seguy, « “Les sectes en France” ou l’apologie du soupçon », in Pour en finir avec les sectes…, op. cit., pp. 163-164, tel que citant notamment l’article « Secte ou Église, comment choisir ? », in La Croix, hors série, février 1996. L’auteur rapporte également les propos de Bryan Ronald Wilson, ancien professeur de sociologie à l’Université d’Oxford, lors d’une conférence donnée le 3 décembre 1994, d’après qui l’apostat doit toujours être considéré comme une « personne dont l’expérience personnelle le prédispose à un parti pris à l’encontre de son ancien engagement religieux et de ses anciens coreligionnaires », sachant qu’il est « probable que ses actions soient motivées par un désir de justification personnelle, dans le but de regagner sa propre estime ».
  • [64]
    B.R. Wilson, « La Scientologie et le rapport », in Pour en finir avec les sectes…, op. cit., p. 288.
  • [65]
    Il fut ainsi relevé relativement au rapport d’enquête parlementaire français sur les sectes qui « cite (1.B.2) des “études” émanant de soi-disant “experts” » que « la formation scientifique justifiant leur compétence (…) n’apparaît nulle part. D’où viennent-ils ? D’ “horizons les plus divers” reconnaît la commission… On y trouve en tout cas des “hommes d’Église” (1.B.2.) et des membres d’associations anti-sectes, lesquelles sont téléguidées soit par des religions en place, soit par des groupes de pression athées, qui, non sans humour, ont pour une fois le même combat » ! (Philippe Gast, « Analyse critique de la situation des mouvements religieux en droit positif français », in Pour en finir avec les sectes…, op. cit., p. 195).
  • [66]
    N. Luca et F. Lenoir, op. cit., pp. 289-292.
  • [67]
    Voir infra.
  • [68]
    A. Garay, « Réflexions sur les lobbies associatifs, le cas des associations dites anti-sectes », in La Gazette du palais, 29-30 avril 1996, p. 447.
  • [69]
    Cour d’appel de Montpellier (civ. 1er), 3 janvier 1994, (n° 92-6073, inédit, cité in ibidem, p. 444).
  • [70]
    A.B. Hulen, « The “Dialogues with the Jews” as Sources for the Early Jewish Argument against Christianity », in Journal of Biblical Literature, 1932, p. 59.
  • [71]
    Propos d’Origène soutenus notamment par H.M. Jackson, « The Setting and Sectarian Provenance of the Fragment of the “Celestial Dialogue” Preserved by Origen from Celsus’s ?????? ????? », in The Harvard Theological Review, 1992, p. 277.
  • [72]
    Propos d’Origène relatés par L. Perrone, « Prayer in Origen’s “Contra Celsum” : The Knowledge of God and the Truth of Christianity », in Vigiliae Christianae, 2001, p. 7.
  • [73]
    Propos cités par M. Borret, op. cit., p. 26.
  • [74]
    À cet égard, voir A. Garay, op. cit., pp. 443-453 qui décrivit notamment « la stratégie militante des associations anti-sectes qui ont volontiers monopolisé le discours médiatique et l’espace public », expliqua comment ces associations développèrent des « stratégies de lobbying tous azimuts et de conquête des médias » et déplora la façon dont « les discours attentatoires aux libertés fondamentales des associations anti-sectes ne cessent d’alimenter les joutes médiatiques [favorisant ainsi] le développement de formes aggravées d’intolérance ».
  • [75]
    Lettre de l’empereur Trajan (98 à 117 de notre ère) en réponse à Pline, gouverneur de Bithynie (cité par L. Rougier, op. cit., pp. 36-37 ; voir également, pour une traduction anglaise complète : Harvard Classics, 1909, vol. 9, pp. 425-428). Notons, quant à la méthodologie, que l’empereur Trajan refusa les dénonciations anonymes contre les chrétiens, considérant celles-ci comme détestables et n’étant pas de son temps !
  • [76]
    Cour eur. Dr. H., arrêt Hoffmann c. Autriche du 23 juin 1993 ; Cour eur. Dr. H., arrêt Palau-Martinez c. France du 16 décembre 2003.
  • [77]
    L. Rougier, op. cit., p. 44.
  • [78]
    Voir notamment, en ce sens, l’audition de Mme Anne Morelli, professeur à l’Institut d’étude des religions et de la laïcité de l’U.L.B. devant la commission d’enquête parlementaire belge sur les sectes (Enquête parlementaire visant à élaborer une politique en vue de lutter contre les pratiques illégales des sectes et le danger qu’elles représentent pour la société et pour les personnes, particulièrement les mineurs d’âge. Rapport fait au nom de la commission d’enquête par MM. Duquesne et Willems [Partie 1], in Doc. Parl., Ch. repr., sess. ord. 1996-1997, 313/7, pp. 84 et s.).
  • [79]
    C’est ainsi qu’en 112 de notre ère, Pline, gouverneur de Bithynie, demanda à l’empereur Trajan – dans une lettre lui étant adressée – de bien vouloir l’« informer quant à son ignorance » sur les chrétiens, avouant par ailleurs ne jamais avoir « été présent à des instructions judiciaires concernant ceux professant le christianisme » et donc ne pas savoir ni « la nature de leurs crimes, ni la mesure de leur punition », ni même « l’importance de l’enquête qu’il faut mener à leur égard » (Harvard Classics, 1909, vol. 9, pp. 425 à 428 (traduction libre) ; voir aussi, pour des propos similaires : Celse, op. cit., pp. 10-12)
  • [80]
    C. Buxant, S. Casalfiore, L.-L. Christians, et V. Saroglou, op. cit.
  • [81]
    Celse, op. cit., p. 351, n° 1.
  • [82]
    M. Borret, op. cit., p. 92 ; Y. Thanassekos, op. cit, p. 54.
  • [83]
    Voir : Y. Thiels et I. Wouters, op. cit., pp. 370-371 et références citées.
  • [84]
    Comme cela fut souligné, « [l]es chrétiens protestaient contre l’ignorance satisfaite du public païen quant à ce que le christianisme représentait vraiment, et offraient une défense des principaux faits en rapport avec la croyance, la façon d’adorer, et la moralité pratique et théorique chrétienne » (C.J. Cadoux, The Early Church and the World. A History of the Christian Attitude to Pagan Society and the State Down to the Time of Constantinus, Edinburgh, T.&T. Clark, 1925, p. 334 et réf. citées – traduction libre).
  • [85]
    M. Borret, op. cit., p. 206.
  • [86]
    C’est ainsi que l’évêque d’Athènes, Quadratus, s’adressa à l’empereur Hadrien. De même, Aristide et Justin envoyèrent leurs apologies à l’empereur Antonin alors que Marc-Aurèle reçut celles de Méliton de Sardes et d’Apollinaire de Hiérapolis, tous deux évêques d’Asie. Il en fut de même pour les empereurs Marc-Aurèle et Commode à qui Athénagore manda une Supplique en faveur des chrétiens (voir Celse, op. cit., pp. 17-18).
  • [87]
    Voir, dans le même sens, ibidem, p. 20.
  • [88]
    Dans la même veine, notez comment Origène, à des fins d’intégration et de pacification, utilisa des concepts philosophiques grecs pour faire comprendre le concept chrétien de « résurrection » aux païens (H. Chadwick, « Origen, Celsus, and the Resurrection of the Body », in The Harvard Theological Review, 1948, p. 101).
  • [89]
    Il suffit d’observer la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en matière de liberté de religion pour se convaincre de l’importance que les requêtes de ces minorités de conviction y ont prise. Parmi d’autres, l’O.S.C.E. est également devenu un organe devant lequel les minorités oppressées expriment régulièrement leurs doléances.
  • [90]
    Voir, relativement à cette question, C. Duvert, Sectes et droit, Marseille, P.U.A.M., 2004, pp. 287 et s.
  • [91]
    Cité par M. Borret, op. cit., pp. 208-209
  • [92]
    C. Buxant, S. Casalfiore, L.-L. Christians, et V. Saroglou, op. cit. ; voir aussi supra l’Étude sociologique française menée en octobre 1998 par la SOFRES.
  • [93]
    Voir notamment, en ce sens, les propos d’Origène mis en exergue par L.H. Feldman, op. cit., p. 126. De façon similaire, mais par rapport à la question de la reconnaissance d’un culte par les autorités belges, nous nous étions déjà interrogés quant à savoir s’il suffisait « qu’un membre isolé d’un culte ait été condamné pour empêcher la reconnaissance dudit culte ou [s’il fallait pour ce faire] un nombre conséquent de condamnations en proportion de l’importance du groupement et en rapport direct avec ladite religion ? » (Y. Thiels et I. Wouters, op. cit., pp. 373-374 et références citées).
  • [94]
    Voir en ce sens, les propos tenus par Ömer Farouk Harman qui rappelait que « le christianisme qui attendait de la tolérance de la part de Rome, n’en a pas montré, lui non plus, après être devenu la religion de l’État, ni envers les groupes schismatiques et hérétiques qui apparaissaient en son sein, ni envers les autres religions » (Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Commission de la culture, de la science et de l’éducation, Liberté d’expression et le respect des croyances religieuses. Compte rendu de l’audition tenue à Paris (Sénat) le 18 mai 2006 sous la présidence du Sénateur Jacques Legendre (France) Président de la Commission, 26 juin 2006, AS/Cult (2006) 28 rév, p. 3).
  • [95]
    Pour certains (H. Chadwick, op. cit.), il ne fait aucun doute qu’Origène se doutait du fait que Celse n’était pas un épicurien, mais qu’il l’aurait tout de même affirmé aux fins de le discréditer (voir néanmoins, contra : J.C.M. Van Winden « Notes on Origen, Contra Celsum », in Vigiliae Christianae, 1966, pp. 206-207) au vu du caractère – à l’époque – infamant d’une telle assertion.
  • [96]
    L. Rougier, op. cit., pp. 44, 215 et 303. Notez aussi la tendance de ces « sectes » chrétiennes à retourner l’une contre l’autre les chefs d’accusation lancés en bloc par les païens à leur encontre.
  • [97]
    Voir ainsi – à titre exemplatif – A. Morelli, « Lettre ouverte à la secte des adversaires des sectes », op. cit. ; C. Paturel, op. cit.
  • [98]
    Cour eur. Dr. H., Arrêt Paturel c. France du 22 décembre 2005.
  • [99]
    A. Morelli, « Aires de pluralisme et aires de monolithismes religieux à l’aube du XXIe siècle : une tentative d’approche par l’analyse d’informations », in « Sectes » et « hérésies » de l’Antiquité à nos jours, op. cit., p. 232.
Yannick Thiels
Avocat au Barreau de Bruxelles
Assistant à l’Université Libre de Bruxelles
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 23/01/2013
https://doi.org/10.3917/riej.065.0179
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