CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 Le film de Woody Allen, Midnight in Paris, sorti sur les écrans en mai 2011, s’est imposé en quelques années comme une des références les plus communément mobilisées par le grand public pour évoquer la « Belle Époque ». Résumons-en brièvement l’intrigue. Gil, un jeune américain passionné d’art et de littérature, en voyage à Paris avec sa fiancée et sa famille, s’évade un soir et se retrouve brusquement projeté au cœur des années 1920, celles de la « Génération perdue » de ses rêves. Chez Gertrude Stein, il rencontre Hemingway, Fitzgerald, Dali, Picasso, Man Ray, et bien d’autres. Il y rencontre aussi une jeune Française, Adriana, dont il tombe rapidement amoureux. Celle-ci l’entraîne alors dans son univers : ensemble, ils s’enfoncent plus avant dans le passé, jusque dans les années 1890. Là, chez Maxim’s, puis au Moulin Rouge, ils croisent Degas, Toulouse-Lautrec, Gauguin, qui tous, bien entendu, se plaignent d’un temps qui manque d’imagination. Au terme de cette aventure, Gil retourne vers son présent, laissant Adriana dans son âge d’or. Imaginons cependant que l’intrigue se prolonge ; qu’Adriana rencontre un Parisien de la Belle Époque qui décide lui aussi de la transporter dans son monde de rêve. Où, dans quel « bon vieux temps », dans quelle « Belle Époque », la conduirait son amant de 1900 ? Nul doute que le Second Empire s’imposerait comme la destination privilégiée. Car la quasi-totalité des traits qui ont servi à caractériser la « Belle Époque » – prospérité et paix intérieure, éclat de la vie mondaine, essor des spectacles, du théâtre et des loisirs populaires, faste des Expositions universelles, atmosphère de fête, de réjouissances et de sexualité permissive – sont des motifs qui ont tout autant servi à caractériser la vie sociale et culturelle du Second Empire. De telles convergences furent assez tôt signalées par quelques observateurs perspicaces. Dès 1947, un conservateur du Musée Carnavalet notait en ouverture de l’ouvrage qu’il consacrait à La Vie à Paris sous le second Empire et la IIIe République : « tant de traits communs au second Empire et à la première période de la Troisième République nous autorisent à leur consacrer un seul volume [1] ». Plus près de nous, Hubert Juin, critique et éditeur passionné qui remit à la disposition du public de la fin des années 1970 de très nombreux auteurs oubliés de la « fin de siècle », écrivait dans son Livre de Paris 1900 : « On ne peut prendre une vue relativement exacte de la Belle Époque si l’on oublie le Second Empire » ; elle en est « comme le reflet troublé, le prolongement indistinct, la nostalgie brouillée [2] ». Peu de temps après, Philippe Jullian, petit-fils de l’historien Camille Jullian, mais surtout écrivain, dandy et grand collectionneur d’une Belle Époque dont il fut sans doute l’un des plus fins connaisseurs, y voyait lui-aussi « une résurrection du Second Empire ». « La Belle Époque fut un nouveau Second Empire, avec Franz Lehar en Offenbach, et le monde de La Veuve Joyeuse était le même que celui de La Vie Parisienne » [3]. C’est à cette présence du Second Empire dans l’imaginaire du tournant du siècle et aux jeux de mémoire croisée qu’elle suscite que cet article est consacré. Trois motifs principaux nous serviront d’entrées pour explorer ce sous-bassement impérial des années 1900.

Paris la ville

2 La Belle Époque est « symboliquement perçue comme essentiellement parisienne », écrivait à juste titre Alain Corbin dans Les Lieux de mémoire[4]. Elle l’est jusque dans les années 1975-1980, lorsque la redécouverte des immenses collections de cartes postales produites au début du siècle remet au goût du jour les villages, les bourgs ou les « curiosités » de la France paysanne et artisanale des années 1900. Jusque-là cependant, l’imaginaire Belle Époque fait presque exclusivement corps avec la capitale, dont il célèbre les splendeurs et les fastes [5]. Du banquet des maires donné le 22 septembre 1900 dans les jardins du Champ de mars à l’assassinat de Jaurès au café du Croissant, à l’angle de la rue Montmartre le 31 juillet 1914, c’est à Paris que surviennent les événements les plus notables – politiques, sociaux ou culturels –, ceux qui donnent à la période sa couleur et sa tonalité. Or ce Paris « Belle Époque » n’est autre que celui du Second Empire, né des travaux de l’haussmannisation. La ville, bien sûr, a connu quelques ajouts substantiels. La basilique du Sacré-Cœur, les édifices construits pour les Expositions universelles de 1889 et de 1900, le métro, assorti des édicules et entourages conçus par Hector Guimard, ou encore le théâtre des Champs-Elysées constituent autant de lieux emblématiques de la période. Mais le cadre urbain, son mobilier, son esthétique et son aura sont bien ceux qui ont surgi durant l’haussmannisation. Et nulle rénovation d’envergure n’est venue modifier l’ordonnance urbain imaginé par le préfet de la Seine, que l’on s’est contenté de perpétuer. On peut même avancer que 1900 constitue l’épicentre d’un « siècle haussmannien » courant de 1860 à 1960, date de l’émergence de ce que l’on pourrait appeler le Paris pompidolien. Structurellement, la Belle Époque s’inscrit donc dans l’espace urbain de ce « nouveau Paris » imaginé sous l’Empire et prolongé par la iiie République. La grande exposition « Belle Époque » organisée au Metropolitan Museum of Art de New York par Diana Vreeland en 1981 le note avec précision : « L’idée de Belle Époque naît dans la seconde moitié du xixe siècle du rêve et des réalités des plans grandioses de Napoléon III et du baron Haussmann pour transformer Paris [6] ». De telles observations sont fréquentes dans l’historiographie étrangère, notamment anglophone, qui propose souvent une périodisation beaucoup plus ample de la période, fréquemment associée aux années 1870-1914, rendant encore plus naturelle l’inscription de la Belle Époque dans le Paris impérial. Mais elles ponctuent tout autant les ouvrages pittoresques consacrés au début du xxe siècle ou les souvenirs des acteurs du temps, qui ne manquent jamais de rappeler la splendeur impériale de bien des lieux qu’ils fréquentent – les boulevards, le Bois, les Champs-Elysées. Ecoutons Max Aghion par exemple, dans ses souvenirs sur 1900 parus en 1947 : « C’est vers 1865, au temps de Napoléon iii et du duc de Morny, que la vogue du boulevard a été la plus merveilleuse et la plus brillante » [7].

3 Il convient également de rajouter que les diverses dépendances et annexes provinciales sans lesquelles la vie parisienne ne saurait être ce qu’elle est – Deauville, popularisé par le duc de Morny, La Baule, Royan, Vichy, Biarritz ou Monte-Carlo – sont presque toutes des stations lancées sous l’Empire. Le cas de Vichy est exemplaire : la ville d’eaux est ancienne, mais doit vraiment son essor aux nombreux séjours qu’y effectue le couple impérial de 1861 à 1866. C’est durant ces années qu’ont lieu les premiers aménagements du parc des Sources, la construction du casino de style néo-renaissance, des hôtels et chalets édifiés sur les bords d’Allier. Mais c’est à compter de 1900 que la ville prend sa physionomie définitive, réactivant en ce début de xxe siècle l’initiative impériale. Entre 1901 et 1902 sont ainsi édifiés le grand Casino, le hall des Sources et le grand établissement thermal, qui oscille entre Art Nouveau et style oriental, la galerie couverte et ses kiosques Modern style imaginée par Emile Robert, un ancien du canal de Panama, et surtout les palaces, grands hôtels et villas somptueuses qui donnent à la ville son cachet de reine des villes d’eaux [8]. Les deux styles, les deux architectures semblent se télescoper dans un « genre » hybride censé incarner un moment de grandeur. Et l’exemple vaut pour toutes ou presque les localités balnéaires ou thermales [9]. A ces réalités urbaines qui commandent le cadre spatial et social de la Belle Époque s’ajoutent deux autres séries de convergences, tout aussi structurelles. D’abord le sentiment partagé de vivre une séquence de paix et de sécurité, à tout le moins intérieure [10], d’autant plus valorisée qu’elle s’achève brutalement, en 1870 comme en 1914, sur des conflits dévastateurs. Ensuite le contexte de prospérité, de progrès technologique et de croissance économique qui, en dépit du maintien de fortes poches d’inégalités, est marqué dans les deux cas par des hausses relatives du niveau de vie.

L’éclat du high life

4 Les plaisirs et les fastes de la vie mondaine, ses grandes figures et ses traits d’esprit constituent l’un des traits majeurs de l’imaginaire « Belle Époque ». Celui-ci évoque presque mécaniquement l’univers insouciant et frivole de la bonne société, la belle vie des salons, de la mondanité, du high life. Avec lui, on fréquente les théâtres, le Foyer de l’Opéra et les hippodromes, on dine au champagne chez Maxim’s, les hommes portent des « huit-reflets » et des œillets à la boutonnière, les femmes des jupes entravées et de gigantesques chapeaux. Nul n’est naïf au point de penser que ce monde, et le « demi-monde » des grandes courtisanes qui gravite autour de lui, incarnent toute la société, mais on veut croire qu’ils lui donnent le ton, un élan de joie de vivre, de légèreté, de bonheur. La gloire du grand monde, écrit Hugo, le maitre d’hôtel de chez Maxim’s, rassurait « les petites gens, qui savaient qu’à tout festin il y a des miettes, et que ces miettes seraient pour eux » [11]. Or pour beaucoup d’acteurs et d’observateurs de la Belle Époque, cette « grande parade mondaine » est née sous le Second Empire.

5 Elites aristocratiques et salons légitimistes n’ont bien sûr qu’une sympathie limitée à l’égard de la noblesse et de la cour impériales. Elles valent cependant mieux que les institutions engendrées par la République radicale. Proche du duc d’Orléans et du marquis de Morès, André de Fouquières, l’un des principaux ordonnateurs des raouts aristocratiques de la Belle Époque, voit dans la vie mondaine le moyen de maintenir quelque chose de la grandeur de la Cour, dont il déplore la disparition. Le regard qu’il porte sur l’Empire demeure donc assez positif. Il évoque « les réceptions de la comtesse Edmond de Pourtalès, qui avait gardé cette élégance des manières qu’elle tenait de la Cour du Second Empire » [12]. Car ce qui est en jeu réside moins dans la pureté du lignage que dans le maintien d’une société mondaine, d’un « Tout-Paris » capable d’opérer la fusion des élites sociales, économiques, culturelles dans un rapport commun à la sociabilité, à la culture et au mode de vie. Anne Martin-Fugier a insisté sur la genèse de ce processus durant les monarchies censitaires et principalement le règne du roi bourgeois [13], mais c’est incontestablement le Second Empire qui assure le mieux ce mélange, autour d’une conception partagée de la solennité festive [14]. La France de Napoléon III avait non seulement rétabli la pompe et l’éclat des réjouissances officielles – fêtes dynastiques et fête nationale, réceptions et bals des Tuileries, de Fontainebleau, de Saint-Cloud, « séries » de Compiègne – mais elle avait su élargir et ouvrir cette vie mondaine éclatante à l’échelle de l’Europe [15]. Des visites officielles des souverains étrangers dans un Paris embelli à l’accueil des touristes, mais aussi des talents du monde entier, l’Empire entendait donner au pays une vocation cosmopolite. La réputation hédoniste, voluptueuse, luxueuse de Paris attirait des contingents croissants de provinciaux et d’étrangers. « Ce n’est pas seulement l’Europe, c’est le monde entier qui vient s’amuser à Paris, y dépenser son argent et y goûter avec facilité toutes sortes de plaisirs sur lesquels il est bon de fermer les volets », considère Maxime Du Camp [16]. On pouvait bien entendu déplorer la moralité douteuse de cette société mondaine, et l’on sait que les contempteurs de l’Empire ne s’en privèrent pas. Mais elle constitue un autre fil reliant les deux périodes. La chronique scandaleuse du « demi-monde » – l’expression devient courante à compter de la pièce à succès d’Alexandre Dumas fils, publiée en 1855 [17] – prend en effet son envol avec les grandes courtisanes du Second Empire, Cora Pearl, Lola Montès, Blanche d’Antigny ou la Païva [18]. Mais elle connait son apogée, et à compter de là son déclin, dans les destin turbulent des grandes cocottes 1900, « Marguerite Brézil, Émilienne d’Alençon, Liane de Pougy, Eve Lavallière, Arlette Dorgère, Mylo d’Arcyl, Cléo de Mérode, galante phalange restée sans descendance [19] ».

6 Une large part de cette mondanité luxueuse, cosmopolite et légère, dont toute une historiographie fait le cœur du Paris Belle époque, trouve ses sources dans le Second Empire. Gabriel-Louis Pringué, qui a couru tous les diners en ville des années 1900, se souvient en 1955 des fastes de la bonne société du temps : « Elle continuait les traditions brillantes, étourdissantes, égoïstes, sautillantes, frivoles, fastueuses, du Second Empire, dont certains lions célèbres, grands dandies, vivaient encore », à l’instar du marquis de Modène [20]. Les subtilités et la sensualité élégante de ce high life 1900 s’expriment peut-être au mieux dans les œuvres des portraitistes mondains – Boldini, Helleu, La Gandara, Jean Béraud ou Jacques-Emile Blanche – dont on sait qu’ils furent plus appréciés et plus représentatifs de leurs temps que les peintres cubistes. Or l’essentiel de leur pratique, tout comme l’art sentimental des salons, s’inscrivaient dans le continuum cohérent d’une séquence artistique ouverte sous le Second Empire [21].

7 Cette attention portée aux sources et à la continuité de la vie mondaine fut accentuée par le sentiment, assez vif à compter des années 1930, que c’était là un monde en perdition, et dont il s’agissait de sauvegarder la mémoire. Des travaux rigoureux ont souligné depuis l’assez forte résistance après-guerre des élites aristocratiques [22], mais le sentiment alors dominant, et partagé dans ces milieux, était que la République, grande coupable, avait exclu de la nation l’Eglise et l’aristocratie. La Grande Guerre a fait le reste, en fauchant dans la fleur de l’âge les plus valeureux des grandes familles [23]. A son issue, explique André de Fouquières, la bonne société « avait sombré corps et biens » [24], ce que la parution de l’œuvre de Marcel Proust semblait confirmer dans les années 1920 : un monde suranné, fragilisé dans son identité et engagé dans un procès de retrait nostalgique. Un phénomène similaire affectait la société des courtisanes et de la galanterie, bouleversée par les nouvelles formes de prostitution internationale. Relire et relier dans la mélancolie les grandes séquences d’un art de vivre jugé brillant mais révolu prenait alors toute son importance.

8 Ce n’est donc pas un hasard si la notion de « fête impériale », appelée à devenir une des principales métonymies de la période, fut forgée en pleine Belle Époque. On la doit au journaliste et publiciste Frédéric Lolliée, qui sous-titre ainsi l’essai qu’il consacre en 1907 aux « femmes du Second Empire », avant d’en faire cinq ans plus tard, en 1912, le titre d’un ouvrage dédié aux mœurs de la période [25]. Critique littéraire et dramatique assez en vue dans les années 1900, Loliée collaborait activement à plusieurs quotidiens (Le Temps, Le Siècle, Le Journal des débats) et à des revues influentes (La Revue bleue, Le Correspondant, La Revue de Paris, Les Annales politiques et littéraires, etc.) Il était par ailleurs l’auteur de monographies consacrées à des figures majeures de la période impériale : l’impératrice Eugénie, le duc de Morny, la comtesse de Castiglione [26]. L’homme, qui était né en 1856, ne faisait d’ailleurs pas mystère de son attachement à la période impériale. Lors de ses funérailles en janvier 1915, Georges Montorgueil, secrétaire de l’Association des Journalistes Parisiens dont Loliée était membre, rappelle qu’il avait été « l’un des premiers, affranchi du parti-pris des polémiques » à faire « revivre cette époque si attachante du Second Empire » [27]. Le livre de Loliée est le premier en effet à inverser l’image noire attachée jusque-là aux festivités de l’Empire, colportée par des polémistes comme Taxile Delord, Victor Vindex ou Pierre Vésiniet, et reprises par l’historiographie républicaine du temps [28]. S’il insiste lui aussi sur le « tourbillon mondain » qui caractérise l’Empire, l’éclat des bals, des réceptions, des séries de Compiègne et leur « image chatoyante, toute pailletée d'anecdotes », Loliée veut cependant y voir le produit de la prospérité, du progrès économique, voire l’instrument d’une politique sociale : « avait-on à soulager une misère publique, non moins vite on organisait un grand bal, dont les charitables conséquences retombaient en pluie d’or sur les populations éprouvée » [29]. L’argument était sans doute un peu gros pour porter, mais son expression en plein cœur de la Belle Époque demeure très significatif.

Réjouissances

9 Un dernier motif, plus décisif encore, relie les représentations et l’imaginaire de la « Belle Époque » à la mémoire du Second Empire : il concerne l’éclat des spectacles, des théâtres ou des divertissements d’une « vie parisienne » dont l’effervescence et la gaité semblent les maître-mots [30]. A trois égard au moins, 1900 rejoue ici la partition inaugurée par le Paris impérial. Celle des expositions est sans doute la plus évidente. On sait en effet que l’Exposition universelle de 1900, l’Expo, celle qui n’a nul besoin de qualificatif pour signifier son importance, ouvre symboliquement la séquence Belle Époque dont elle symbolise bien des traits. Même si l’on observe parfois des confusions, voire un télescopage mémoriel entre les Expositions de 1889 et de 1900 – c’est le cas par exemple dans les souvenirs du couturier Paul Poiret [31] – et si la Tour Eiffel appartient à l’imaginaire Belle Époque au même titre que le Grand Palais ou les trottoirs roulants, l’Expo et l’année 1900 font littéralement corps avec la période. Les contemporains, cependant, ne s’y trompaient pas. Les souvenirs et la référence qu’ils mobilisaient en 1900 était souvent ceux de 1867, dans laquelle Walter Benjamin voulait voir le baptême de l’industrie du plaisir, la « fantasmagorie de la culture capitaliste » [32]. Dans un éditorial du Gaulois intitulé « Deux époques, 1867-1900 », le député nationaliste Gabriel Syveton écrit ainsi en avril 1900 :

10

Il est curieux que la présente Exposition de 1900 rappelle aux hommes de cinquante ans non pas l’Exposition de 1889, ni celle de 1878, mais plus loin encore, beaucoup plus loin, celle de 1867 […] Nous sommes les seuls à nous souvenir du frisson d’angoisse qui courrait à travers tout ce luxe et toutes ces fêtes. Oui, tout cela créait chez nous l’impression confuse d’un affaiblissement, d’une déchéance. Mais malgré tout, l’illusion était encore permise, presque commandée. Les apparences de la force et de la grandeur subsistaient. […] Et l’éclat de la société parisienne d’alors ! On pouvait se dire qu’après tout, malgré ses échecs récents, la France restait la reine du monde et son chef l’arbitre de l’Europe [33]… 

11 S’il entendait surtout diminuer un régime honni, Syveton met cependant l’accent sur une réalité importante : les hommes et les femmes qui avaient 50 ans ou plus au moment de l’Expo avaient eu vingt ans à la fin de l’Empire. Leurs souvenirs de ce temps étaient donc très vifs et pouvaient le rester. Dans Les Beaux quartiers, qu’il publie en 1936, Aragon fait dire à un vieux monsieur qui visite l’exposition : « Paris, monsieur, Paris. N’est plus ce qu’il était non plus, Paris. L’année de l’Exposition. Votre âge à peu près. C’était encore l’Empire, le luxe » [34]. Si, pour la nouvelle génération, 1900 s’impose dès lors comme la référence majeure – « l’Exposition, la grande », écrit Céline dans Mort à crédit[35] – l’idée demeure qu’elle ne constitue que l’apothéose d’un cycle ouvert sous le Second Empire. Au reste, la nature rétrospective de l’Exposition de 1900 l’invitait davantage à tirer « le bilan d’un siècle » écoulé qu’à célébrer l’avènement du nouveau [36]. « Clore dignement le xixe siècle », avait précisé le projet de loi de 1895 relatif à son organisation [37]. Quels qu’aient été l’importance ou l’intérêt des expositions postérieures, celle des Arts décoratifs de 1925, l’Exposition coloniale de 1931 ou l’Exposition universelle de 1937, elles relèvent d’un autre temps, d’un autre monde, différent dans ses intentions comme dans ses usages de celles du demi-siècle écoulé, 1855-1900, dont l’unité fait sens.

12 Tout autant que ceux de l’Exposition, les plaisirs de cette « vie parisienne » qui triomphe en 1900 sont perçus par beaucoup comme l’aboutissement d’un processus entamé sous l’Empire. Qu’il s’agisse d’opérette, de vaudeville ou de café-concert, les principaux spectacles « Belle Époque » se présentent comme les héritiers turbulents, mais légitimes, des productions impériales. De Labiche à Feydeau, de Meilhac et Halévy à Flers et Cavaillet, la continuité et les circulations sont évidentes. Tous auteurs confondus, le vaudeville de la seconde moitié du xixe siècle impose une même conception de la « parisianité », où les bons mots ont partie liée avec la farce, l’adultère et le plaisir. Lorsque René Clair tourne Un Chapeau de paille d’Italie en 1927, adapté d’une pièce de Labiche datant de 1851, il transpose sans la moindre difficulté l’action dans le Paris de 1900. De l’opérette d’Offenbach, Meilhac et Halévy, représentée pour la première fois en 1866, aux reconstitutions que le cinéma de Renoir, d’Allégret ou d’André Berthomieu [38] offre de la Belle Époque au cœur des années 1950 circule le même imaginaire hédoniste, celui d’une commedia dell’arte moderne au sein d’une capitale devenue la « ville des nourritures offertes ». Jean-Claude Yon a montré combien Offenbach, mort en 1880, est devenu l’un des meilleurs produits de la scène populaire des années 1900, et les années qui suivirent accentuèrent encore ce télescopage [39]. Gaité parisienne, le ballet de Manuel Rosenthal réalisé en 1938 sur un motif emprunté à Offenbach met en scène Montmartre à la Belle Époque. Douze ans plus tard, en 1950, Marcel Achard réalise La Valse de Paris avec Pierre Frenay et Yvonne Printemps, qui retrace le destin romancé d’Offenbach et ses supposées amours contrariées avec Hortense Schneider. Mais l’évocation que le film offre de l’atmosphère festive du Paris du Second Empire s’ouvre sur les Champs-Elysées en 1900. La figure de « la Parisienne » est au cœur de ce théâtre social. La célèbre statue de Moreau-Vauthier qui accueille les visiteurs sous la porte monumentale de l’Expo de 1900 ressemble moins à Marianne qu’à une héroïne de Courteline. Or si le type de la Parisienne est plus ancien, c’est bien dans ce second demi-siècle, entre Second Empire et Belle Époque, et au travers de ce genre de productions où le spectacle se mêle à la mode et aux mœurs, qu’il se pérennise et se banalise [40]. Il est aussi inséparable de l’industrie de la haute couture moderne, un continuum là encore, qui court de Charles Frederick Worth, fondateur de sa propre marque en 1858, à Paul Poiret, Jeanne Lanvin et Coco Chanel.

13 L’histoire du café-concert couvre le même demi-siècle : né sous le Second Empire, il connait son apogée dans les années 1900 avant de verser peu à peu dans un music-hall qui le dénature [41]. Le symbole de l’activité reste évidemment le Moulin Rouge, fondé par Joseph Oller et Charles Ziedler en 1889, mais dans une filiation explicitement inscrite dans la tradition impériale. Le bal de la Reine-Blanche, établissement pourtant peu recommandable à la fin de l’Empire, fait figure d’ancêtre du Moulin Rouge, et les salles les plus prestigieuses du Paris 1900 – Alcazar, Eldorado, Ba-Ta-Clan, Folies-Bergère ou Gaité-Montparnasse – sont toutes fondées durant les années 1860. Dans sa biographie de Joseph Oller qui parait en 1946, l’écrivain et poète catalan Ferran Canyameres voit dans les amusements du Second Empire les signes annonciateurs, « l’aurore rutilante d’une époque facile », des « temps prospères et de « la joviale bonhommie » de la Belle Epoque, dont Oller est une des figures principales [42]. Le coup de génie d’Oller est d’avoir réhabilité le « chahut » de la monarchie de Juillet, lancé par Célestin Mogador au bal Mabille. Détournement transgressif et burlesque du quadrille traditionnel de la bonne société, le chahut et ses figures débridées se poursuivent largement dans les bals du Second Empire, qui imposent la figure d’Amélie Badel, dite « Rigolboche », aux Délassements-Comiques. La « Cascadeuse du bal Mabille » dessinée vers 1850 par Constantin Guy préfigure très nettement « le Bal Tabarin » de Georges Rouault, qui met en scène en 1905 la célèbre Goulue. Dans Croquefer en 1857 tout comme dans Orphée aux Enfers en 1858, Offenbach avait déjà utilisé le galop, qu’il soit « d’enfer » ou non. Celui-ci est popularisé quelques années plus tard à Londres par Charles Morton – Mabille in London (1868) – où il acquiert son nom de French cancan. Délaissé après 1870, il est progressivement remis au goût du jour dans les années 1880. Le Moulin Rouge le codifie, et en fait le clou de son spectacle, juste avant que la soirée se transforme en bal général auquel tous les spectateurs étaient invités. Mais ce symbole de le Belle Époque restait perçu comme une réalité du Second Empire et associé à Offenbach : c’est d’ailleurs le final de La Vie parisienne qui, de 1890 à nos jours, accompagne le cancan. En 1904, le Moulin Rouge organise ainsi une « Offenbach revue ». Cette filiation est également revendiquée dans la pièce Valentin le désossé de Claude-André Puget, représentée en 1933 au Théâtre Michel, dont la première partie se déroule en 1869 au bal de la Reine-Blanche [43]. Le cinéma, comme toujours, offre des raccourcis où lire la force de ces télescopages temporels. Regardons Trois valses, adapté d’une opérette viennoise (Drei Walzer) d’Oscar Straus, créée en octobre 1935 au Stadttheater de Zurich. La pièce est reprise en avril 1937 aux Bouffes-Parisiens, puis au cinéma en 1938, dans une réalisation de Ludwig Berger. Trois valses, donc trois temps : le premier a lieu en 1867, sous l’Empire, mais les jeunes amoureux se heurtent à l’opposition de leur famille. Seconde valse en 1900, où les enfants des amoureux d’hier ne réussissent pas davantage. Troisième valse enfin en 1937 : des petits-enfants cette fois, mais qui trouvent le bonheur ensemble.

14 C’est enfin durant l’Empire, à compter des années 1860 que se constitue un « front d’art moderne », dont l’impressionnisme est le modèle, et qui s’engage dès lors dans une bataille pour l’autonomie et contre les instances académiques dominantes. Ce combat, comme Béatrice Joyeux Prunel l’a montré, fut gagné vers 1880 : il existait désormais un champ moderne de «sécessions», où l’opposition à l’académisme n’était plus nécessaire, et qui triomphe avec les avant-gardes de la Belle Époque [44]. En ce sens, les moments fauve, cubiste ou futuriste, dont l’importance s’avère décisive dans les appréciations historiques et rétrospectives de la période (les contemporains n’y furent guère sensibles), s’inscrivent eux-aussi dans une filiation dont le Second Empire fut largement la matrice.

15 Il est évidemment une limite, et non des moindres, à ces filiations sociales et culturelles qui lient pourtant de façon si transparente le Second Empire à la Belle Époque. L’érection de la Parisienne sur la porte d’entrée de l’Exposition de 1900 fut précédée, un an plus tôt, par celle du « Triomphe de la République », œuvre du sculpteur Jules Dalou, place de la Nation. Car la Belle Époque, indéniablement, fut celle d’une république radicale, dreyfusarde et anticléricale, fière de son histoire et de ses valeurs qu’elle proclamait sans équivoque. Or celles-ci étaient incompatibles avec un Empire contre lequel elles s’étaient précisément construites. Nulle « révision » du régime impérial n’était envisageable en 1900 ou en 1905. De fait, rares sont les mentions ou les déclarations, en ce début de siècle, reconnaissant une dette quelconque, qu’elle soit de nature urbaine, sociale ou culturelle, à l’égard des années du régime impérial. C’est plus tard, lorsque s’esquisse l’imaginaire de « l’époque 1900 » dans les années 1930, puis lorsque triomphe dans les années 1940 et 1950 l’imaginaire Belle Époque que ces filiations se font jour, jusqu’à apparaitre comme constitutives d’un gaité, d’un esprit, d’un art de vivre bien français et associé à la modernité de la culture urbaine. À la façon d’un Lavisse réinsérant dans le roman national l’œuvre jugée positive de certains rois ou tyrans lorsqu’ils contribuaient à la grandeur du pays, la République, iiie ou ive du nom (la ve fit moins de cas de l’imaginaire Belle Époque, devenu désuet), pouvait désormais revendiquer et s’approprier les réalisations sociales et surtout culturelles du Second Empire, dont on commençait à percevoir qu’il inaugurait l’entrée du pays dans le régime médiatique et la démocratisation culturelle [45]. C’est pour partie ce qu’a bien perçu l’imaginaire steampunk contemporain, qui multiplie les télescopages en ce sens. Dans La Cité entre les mondes, roman rétro-futuriste paru en 2000, Napoléon IV, fils du III, a balayé la IIIe République et restauré l’Empire en 1902 [46]. L’atmosphère est similaire dans Vive L’Empereur !, une bande dessinée où s’entremêlent « fête impériale », « Belle Époque » et « années folles » [47].

16             

17 Le type d’exercice auquel invite cet article pourra sembler vertigineux et peu conforme au cahier des charges habituel de l’historien, voué au strict établissement des « faits ». Explorer la mémoire d’un temps du passé à l’aune des représentations ou de l’imaginaire d’un autre temps du passé peut donner en effet le sentiment d’avancer sur un terrain très meuble. On sait en effet que bien d’autres « réalités », moins brillantes, caractérisent aussi ces périodes. Mais, sauf à se replier dans une forteresse isolée, l’histoire universitaire peut difficilement ignorer les représentations qui informent (et souvent passionnent) la société. Au-delà même, penser les télescopages temporels me semble être au cœur d’une opération historiographique, qui n’a finalement guère affaire au passé. Celui-ci est pour nous à jamais disparu, englouti, et rien ne permettra jamais de le ressusciter. Des traces demeurent évidemment – l’immense maquis des « sources » que nous ont laissé les hommes et les femmes qui nous ont précédés – et c’est toute la mission de l’historien que de les expertiser. Mais travailler sur des traces s’inscrit toujours dans une perspective relationnelle, qui a bien davantage le temps que le passé pour objet. Or le temps est rarement linéaire, il n’a rien d’une matière figée ou d’une substance morte : il est au contraire bien vivant et ne cesse de se reconfigurer. Entre le présent de l’historien et le passé de sa quête vient ainsi s’immiscer une multitude d’autres temps, des présents et des passés d’hier qui interfèrent sur son objet, et qu’il est donc décisif d’étudier. Décrypter les chrononymes, les praxonymes et autres noms de l’histoire [48], à l’instar de « Second Empire » ou de « Belle Époque », et tenter d’analyser les représentations, les imaginaires ou les dramaturgies qu’ils charrient, c’est considérer le passé pour ce qu’il est : une réalité mobile, changeante, « historique », travaillée par les hommes et les femmes qui l’ont habité, mais aussi par les regards, les lectures, les déplacements que les époques ultérieures lui ont fait subir. C’est nous inviter à penser notre rapport au passé comme un entrelacs d’interactions, un enchevêtrement de temporalités, un entretemps presque kaléidoscopique et qui est constitutif de l’Histoire. L’histoire croisée du « Second Empire » et de la « Belle Époque » offre un bel exemple de ces intrications : par-delà les contrastes et les antagonismes politiques, elle insiste sur les profonds traits structurels qui contribuent à doter d’une « identité historique » la France contemporaine.

Notes

  • [1]
    Jacques Wilhelm, La Vie à Paris sous le second Empire et la IIIe République, Paris, Arts et métiers graphiques, 1947, p. 5.
  • [2]
    Hubert Juin, Le Livre de Paris 1900, Paris, Belfond, 1977, p. 5 ; p. 46.
  • [3]
    La Belle Époque : 1890-1914, New York, The Metropolitain Museum of Art, 1982, p. 6 et p. 12. Sur Jullian, voir Ghislain de Diesbach, Un esthète aux enfers : Philippe Jullian, Paris, Plon, 1993.
  • [4]
    Alain Corbin, « Paris-Province » dans Pierre Nora (dir.), Les Lieux de mémoire, III, Les France, t. 1, 1992, p. 802.
  • [5]
    Sur la construction et l’évolution de l’imaginaire « Belle Époque », voir Dominique Kalifa, La Véritable histoire de la Belle Époque, Paris, Fayard, 2017.
  • [6]
    La Belle Époque : 1890-1914, op. cit., p. 17.
  • [7]
    Max Aghion, Hier à Paris, préface de Francis Carco, frontispice de Dignimont, Paris, Marchot, 1947, p. 20.
  • [8]
    Alain Carteret, Vichy cité Napoléon III, Vichy, chez l’auteur, 2009 ; Pascal Chambriard, Aux sources de Vichy : Naissance et développement d'un bassin thermal (xixe-xxe siècles), Saint-Pourçain, Bleu Autour, 1999 ; Eric Jennings, Curing the Colonizers: Hydroptherapy, Climatology, and French Colonial Spas, Raleigh, Duke University Press, 2006.
  • [9]
    Gilles Plum, Trouville, Deauville et Côte Fleurie. Villas balnéaires du Second Empire, 1850-1870, Caen, Cahiers du Temps, 2007.
  • [10]
    On peut certes nuancer ce sentiment pour la fin des années 1860, marquées par l’essor d’inquiétudes diffuses, notamment dans les départements frontaliers de l’est, que les tensions sociales rendent plus vives, mais l’impression dominante reste celle d’une séquence de paix intérieure. Voir Éric Anceau, L’Empire libéral, Paris, Éditions SPM, 2017, t. 2, p. 766-777.
  • [11]
    Hugo, Vingt ans maître d'hôtel chez Maxim's, Paris, Amiot-Dumont, 1951, p. 132.
  • [12]
    André de Fouquières, Cinquante ans de panache, Paris, Horay, 1951, p. 59
  • [13]
    Anne Martin-Fugier, La Vie élégante ou la formation du Tout-Paris, Paris, Fayard, 1990.
  • [14]
    Voir le catalogue de l’exposition Spectaculaire Second Empire, Paris, Musée d'Orsay/Skira, 2016.
  • [15]
    Mathew Truesdell, Spectacular Politics. Louis-Napoléon Bonaparte and the Fête Impériale 1848-1870, New York, Oxford University Press, 1997 et Xavier Mauduit, Le Ministère du faste. La maison de l’Empereur Napoléon III, Paris, Fayard, 2016. Sur le 15 août, voir Sudhir Hazareesingh, La Saint-Napoléon. Quand le 14 juillet se fêtait le 15 août, Paris, Tallandier, 2007.
  • [16]
    Maxime Du Camp, Paris, ses organes, ses fonctions et sa vie dans la seconde moitié du xixe siècle, Paris, Hachette, 1869, t. 1, p. 13.
  • [17]
    Alexandre Dumas fils, Le Demi-monde, comédie en 5 actes, Paris, Michel Lévy, 1855.
  • [18]
    Catherine Authier, Femmes d'exception, femmes d'influence : une histoire des courtisanes au xixe siècle, Paris, Armand Colin, 2015 ; Lola Gonzalez-Quijano, Capitale de l’amour. Filles et lieux de plaisir à Paris au xixe  siècle, Paris, Vendémiaire, 2015.
  • [19]
    Louis Chéronnet, A Paris… vers 1900, Paris, Éditions des chroniques du jour, 1932, p. 21. Sur les courtisanes de la Belle Époque, voir Catherine Guigon, Les Cocottes, reines du Paris 1900, Paris, Parigramme, 2012.
  • [20]
    Gabriel-Louis Pringué, « La haute société à la Belle Époque », Le Crapouillot, n° 29, 1955, p. 2-7. Cf. aussi ses Trente ans de dîners en ville, Paris, Éd. Revue Adam, 1948.
  • [21]
    Valentino Brosio, Rittrati Parigini del Secondo Imperio e della Belle Époque, Firenze, Nuevodizioni Enrico Vallecchi, 1977.
  • [22]
    Alice Bravard, Le Grand monde parisien, 1900-1939. La persistance du modèle aristocratique, Presses universitaires de Rennes, 2013.
  • [23]
    Bertrand Goujon, Du sang bleu dans les tranchées, Paris, Vendémiaire, 2015
  • [24]
    A. de Fouquières, Cinquante ans de panache, op. cit., p. 164.
  • [25]
    Frédéric Loliée, Les Femmes du Second Empire. La fête impériale, Paris, Juven, 1907 ; La Fête impériale, Paris, Tallandier, 1912.
  • [26]
    Frédéric Loliée, La Vie d'une impératrice, Eugénie de Montijo, d'après des mémoires de cour inédits, Paris, Juven, 1907 ; Frère de l’Empereur, Le Duc de Morny et la société du Second Empire, Paris, Émile-Paul éditeur, 1909 ; La Comtesse de Castiglione, 1840-1900, d’après sa correspondance intime inédite et les « Lettres des princes » : le roman d'une favorite, Paris, Émile-Paul éditeur, 1912.
  • [27]
    Georges Montorgueuil, « Frédéric Loliée », Bulletin de l'Association des journalistes parisiens, n° 30, 1915, p. 48-49.
  • [28]
    Taxile Delord, Histoire du Second Empire (1848-1869), Paris, Baillière, 1869 ; Victor Vindex, L'Empereur s'amuse, les passe-temps secrets de Napoléon III, Toulouse, Librairie internationale, 1871 ; Pierre Vésinier, Les Amours secrètes de Napoléon III, Paris, Librairie Populaire, 1883. Sur les usages de la notion, voir Édouard Curt, Destin de la « fête impériale » : définitions, mise en scène et fonctions, 1852-2016, master d’histoire, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2016.
  • [29]
    F. Loliée, La Fête impériale, op. cit., p. 28.
  • [30]
    La Vie parisienne, une langue, un mythe, un style, Actes du IIIe congrès de la Société des études romantiques et dixneuviémistes, réunis par Aude Deruelle et José-Luis Diaz, 2007, etudes-romantiques.ish-lyon.cnrs.fr/vieparisienne.html.
    Cf. aussi Jean-Claude Yon (dir.), Les Spectacles sous le Second Empire, Paris, Armand Colin, 2010.
  • [31]
    Paul Poiret, En habillant l’époque, Paris, Grasset, 1930.
  • [32]
    Walter Benjamin, Paris, capitale du xixe siècle. Le Livre des passages [1935-1939], Paris, Cerf, 2006, p. 907.
  • [33]
    « Deux époques, 1867-1900 », Le Gaulois, 17 avril 1900.
  • [34]
    Louis Aragon, Les Beaux Quartiers [1936], Paris, Livre de poche, p. 260.
  • [35]
    Céline, Mort à crédit [1936], Paris, Gallimard, 1985, p. 529
  • [36]
    Anne-Claude Ambroise-Rendu, « L’exposition universelle de 1900. Gloires et ambiguïtés d’une célébration fin de siècle », dans Laurent Gervereau et Christophe Prochasson (dir.), L'Affaire Dreyfus et le tournant du siècle, 1894-1910, Nanterre, BDIC, 1994, p. 228-233.
  • [37]
    Cité par Brigitte Schoeder-Gudehus et Anne Rasmussen, Les Fastes du progrès. Le Guide des Ex­positions universelles, 1851-1992, Flammarion, 1992, p. 133.
  • [38]
    Jean Renoir, French Cancan, 1954, Yves Allégret, Mamzelle Nitouche, 1953, André Berthomieu, Scènes de Ménage, 1954. Ce sont là quelques exemples parmi les plus de soixante films tournés dans cet esprit entre 1945 et 1960. Cf. La véritable histoire de la Belle Époque, op. cit., p. 134-142.
  • [39]
    Jean-Claude Yon, Jacques Offenbach, Paris, Gallimard, 2000.
  • [40]
    Emmanuelle Retaillaud, La Figure de la Parisienne. Histoire sociale et culturelle d’un type féminin urbain, mémoire d’habilitation, Université Paris 1, 2016.
  • [41]
    Sur la genèse et l’essor du café-concert à compter du Second Empire, voir Concetta Condemi, Le Café-concert. Histoire d'un divertisse­ment (1849-1914), Quai Voltaire, 1992. Pour une perspective plus large, Jacques Cheyronnaud et al. (dir.), Les Mondes du music-hall, Marseille, Centre national du patrimoine de la chanson, des variétés et des musiques actuelles, 2011.
  • [42]
    Ferran Canyameres, Joseph Ollier : l’homme de la Belle Époque, Paris, Éditions Universelles, 1946, citation p. 11.
  • [43]
    Claude-André Puget, Valentin le désossé, comédie en 4 actes, Les Œuvres libres, 141, Paris, Fayard, mars 1933.
  • [44]
    Béatrice Joyeux-Prunel, Les Avant-gardes artistiques 1848-1918 : une histoire transnationale, Paris, Gallimard, 2015.
  • [45]
    Dominique Kalifa, « L’entrée de la France en régime médiatique : l’étape des années 1860 », dans Jacques Migozzi (dir.), De l’Écrit à l’écran. Littérature populaire : muta­tions génériques, muta­tions médiatiques, Limoges, Pulim, 2000, p. 39-51, ainsi que La Culture de masse en France, 1860-1930, Paris, La Découverte, 2001 et Jean-Claude Yon, Le Second Empire. Politique, société, culture, Paris, Armand Colin, 2012, p. 157-233
  • [46]
    Francis Valéry, La Cité entre les mondes, Paris, Denoël, 2000.
  • [47]
    Fred Duval, Jean-Pierre Pécau et Gess, Vive l’Empereur !, Coll. « Jour J », vol. 7, Paris, Delcourt, 2011.
  • [48]
    Dominique Kalifa, « Dénommer le siècle : chrononymes du xixe siècle », Revue d’histoire du xixe siècle, n° 52, 2016, p. 9-17.
Français

Cet article interroge les représentations croisées du « Second Empire » et de la « Belle Époque ». Par-delà les contrastes et les antagonismes politiques qui les séparent, les deux séquences ont été décrites comme des périodes partageant de profonds traits structurels : un même décor, marqué par la primauté du « nouveau Paris », un sentiment de prospérité et de paix intérieure, l’éclat de la vie mondaine, l’essor des spectacles et des loisirs, le faste des Expositions universelles, une atmosphère de fête, de réjouissances et de sexualité permissive. Même si ces traits oublient une large par des « réalités » de ces périodes, ils ont contribué à doter d’une « identité historique » la France contemporaine. C’est pourquoi penser les représentations, les regards ou les noms que les périodes historiques donnent à celles qui les ont précédées me semble participer pleinement de « l’opération historiographique ».

English

This article examines the cross-representations of the French “Second Empire” and of the “Belle Époque”. Beyond their political contrasts and antagonisms, both periods were described with strong structural features: a same scenery, marked by the primacy of the “new Paris”, a general feeling of peace and prosperity, the glamor of highlife, the rise of entertainment and leisure, the splendor of the World’s Fairs, a festive atmosphere of pleasure and permissive sexuality. Even if they forget a large part of the “reality” of these periods, these features contributed to provide a “historical identity” to modern France. That’s why thinking the representations, the visions or the names that historical periods give to those which preceded them fully belong to the “historiographic operation”.

Dominique Kalifa
Université Panthéon-Sorbonne – Centre d’histoire du XIXe siècle – Institut Universitaire de France
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 26/09/2017
https://doi.org/10.3917/hes.173.0061
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour Armand Colin © Armand Colin. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...