CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Y a-t-il encore une place pour l’histoire sociale, se demandaient récemment Gérard Noiriel et Chris Waters, dans un ouvrage proposant un état des lieux de l’historiographie contemporaine [1] ? Peut-on encore faire de l’histoire sociale, et que signifie cette expression alors que la catégorie du social semble avoir éclaté en une multitude de débats et controverses [2]. Aujourd’hui, l’histoire sociale peut-elle être autre chose qu’un label périmé devenu inutile ? Le fait de considérer l’histoire comme une science sociale à part entière a forgé, par-delà la diversité des formulations, la ligne de continuité des Annales depuis leur fondation jusqu’aux années 1990 [3]. Cette conviction, partagée comme une évidence, reposait sur l’idée que l’histoire ne pouvait être une science que parce qu’elle se proposait de saisir le social, c’est-à-dire le collectif. Le social n’était pas principalement compris comme un objet mais comme le référent même de l’enquête. Mais au cours des années 1980-1990, cette conviction n’a cessé d’être discutée, transformant en profondeur le paysage historiographique, tout comme les méthodes et les catégories qui ordonnent l’analyse historique des sociétés. L’histoire dite sociale est devenue l’enjeu de remises en cause permanentes.

2 Dans un contexte marqué à la fois par le triomphe du néo-libéralisme et par la montée en puissance de l’histoire culturelle, les années 1990 ont été traversées par une foule de débats sur l’émiettement, la fragmentation ou la « crise » de l’histoire [4], ce qui a poussé certains à entamer un « tournant critique » et à proposer une « autre histoire sociale [5] ». Depuis, les débats sur la crise supposée semblent être retombés au profit de tentatives nouvelles pour construire des convergences autour d’une « histoire culturelle de la société » ou d’une « histoire sociale des représentations [6] ». Mais les incertitudes demeurent et une question récurrente continue de se poser : comment mettre de l’ordre dans le paysage discontinu et fragmenté de la recherche historique sur la France contemporaine [7] ?

3 Un auteur isolé ne saurait évidemment embrasser l’ensemble de la production se rapportant d’une façon ou d’une autre au vaste continent de l’histoire sociale. Il peut tout au plus proposer quelques pistes de réflexion partielles et partiales à partir de ses représentations et de ses centres d’intérêts limités [8]. Comme il est d’usage dans la profession historienne, nous ne proposerons ici ni un manifeste ni une nouvelle étiquette, nous dessinerons simplement quelques tentatives de mise en forme de la discipline à partir d’un « bilan historiographique » aux notes (trop) fournies [9]. Dans sa tentative de définition, Geoffrey Crossick proposait de circonscrire le territoire de l’histoire sociale à son apogée en le ramenant à quelques lignes de force : l’intérêt pour les gens négligés ; l’attention à la texture et aux pratiques de la vie quotidienne ; l’analyse des structures des sociétés et l’ambition totalisante [10]. À l’évidence cette définition est désormais très insuffisante. Proposer une synthèse de l’évolution de l’histoire sociale des dernières années, de ses objets et méthodes, constitue une gageure tant les frontières se sont évanouies et redéfinies parallèlement à l’inflation des travaux dans un contexte de concurrence exacerbée et de modernisation ravageuse [11]. Plutôt qu’un impossible inventaire des travaux publiés par les historiens se reconnaissant peu ou prou dans l’histoire sociale, nous suggérerons simplement quelques pistes pour comprendre certaines des reconfigurations à l’œuvre en ce début du XXIe siècle [12].

L’acteur et la construction du social

4 Commençons par ce qui apparaîtra sans doute comme une évidence : l’approche dite « constructiviste » a profondément remodelé les manières de faire l’histoire sociale depuis les années 1980. Même si ce terme renvoie à de nombreux débats, il est sans doute le plus à même de rendre compte de ce qui a transformé l’histoire et les sciences sociales. Dans les années 1970, l’histoire sociale tentait de s’affranchir d’un double héritage et d’une double tutelle héritée du paradigme antérieur : le déterminisme économique avec le modèle Labrousse et le privilège accordé au macro-social et aux groupes statistiquement visibles et constitués (paysans, ouvriers, bourgeois...). Dans ce contexte, l’histoire sociale s’est progressivement intéressée à d’autres groupes comme les élites, les intellectuels, etc. Mais le danger de cette approche par groupe résidait dans le risque d’un nouveau positivisme collectionneur de données. L’intérêt majeur de la sociologie de Bourdieu et de sa théorie des champs comme espaces d’action et de lutte des individus a précisément été de permettre de relier l’analyse des groupes sociaux entre eux. Le concept d’habitus permettait d’expliquer la trajectoire ou les prises de position des individus. Il a par exemple offert des ressources pour renouveler l’histoire sociale des intellectuels à l’époque de l’affaire Dreyfus ou durant la Seconde Guerre mondiale [13].

5 L’œuvre de Bourdieu a ouvert un chemin permettant le passage d’une histoire sociale labroussienne à une histoire sociale nouvelle manière [14]. Dans sa sociologie, Pierre Bourdieu avait d’ailleurs tenté d’élaborer un « constructivisme structuraliste » qu’il définissait ainsi : « Par structuralisme ou structuraliste, je veux dire qu’il existe, dans le monde social lui-même, [...] des structures objectives indépendantes de la conscience et de la volonté des agents, qui sont capables d’orienter ou de contraindre leurs pratiques ou leurs représentations. Par constructivisme, je veux dire qu’il y a une genèse sociale d’une part des schèmes de perception, de pensée et d’action qui sont constitutifs de ce que j’appelle habitus, et d’autre part des structures sociales, et en particulier de ce que j’appelle des champs [15] ». À la même époque, d’autres sociologues comme Luc Boltanski rompait avec les approches essentialistes des groupes sociaux pour examiner le processus historique par lequel les catégories – comme celle de « cadre » –, étaient progressivement construites comme des évidences [16].

6 Nombre de travaux d’histoire sociale ont montré dans les années 1990 les gains heuristiques de cette approche. Qu’il s’agisse des enquêtes de Christian Topalov sur la naissance du chômeur et l’action de la nébuleuse réformatrice [17], ou ceux, déjà anciens, de Claude-Isabelle Brelot dévoilant comment les nobles de Franche-Comté réinventent la catégorie de la noblesse et élaborent des moyens pour s’insérer socialement et affirmer leur identité [18]. Dans ce nouveau paradigme constructiviste, l’histoire sociale ne s’intéresse plus aux classes, aux paysans, à l’ouvrier comme s’ils étaient des évidences ou des données de départ dont il faudrait simplement reconstituer les mutations. Ils sont désormais appréhendés comme des constructions, l’enjeu étant dès lors de comprendre comment les frontières définissant les groupes ont été élaborées et quels rôles les divers acteurs ont pu jouer dans ce processus. Ce changement de paradigme, qui a touché l’ensemble des sciences sociales, a eu des effets majeurs dans l’écriture de l’histoire sociale. Il a amené à reconnaître que les catégories utilisées par les historiens ne sont pas adaptées aux réalités locales de terrain, qu’elles réifient la réalité à travers des entités fictives ou anachroniques. Les grandes thèses d’histoire sociale des années 1950-1960 distinguaient par exemple les ouvriers des paysans, ce qui empêchait de voir le rôle majeur des ouvriers-paysans dans les transformations du XIXe siècle. Or les travaux consacrés à la proto-industrialisation et à l’étude de la pluriactivité ont profondément renouvelé notre compréhension de l’histoire sociale des campagnes [19]. On a cessé de confondre le réel et les catégories censées les représenter car celles-ci sont aussi des nomenclatures construites par l’État et prises dans des enjeux de pouvoir [20].

7 Aujourd’hui, c’est donc devenu une évidence de travailler sur la manière dont les catégories ont été produites et sur le sens que les acteurs leur donnaient, de cerner leur « historicité » en montrant comment les réalités sociales sont médiatisées par les représentations [21]. Cette attention accrue à la réflexivité, aux représentations et aux imaginaires sociaux a contribué largement à invalider les anciennes coupures disciplinaires et les compartiments qui organisaient l’écriture historique entre le social, l’économique et le culturel. Dans cette perspective, divers travaux ont proposé de renouveler la question ancienne des liens entre histoire sociale et littérature, en examinant à la fois les modes de formulation des expériences sociales et les stratégies de mises en textes de la société [22].

Controverses et nouvelles alliances

8 Face à l’émiettement des objets et à la crise de tout paradigme unificateur, l’histoire sociale a continué d’être prise dans le feu de multiples critiques nourries par les expérimentations méthodologiques et les débats qui se sont développés à l’étranger, notamment autour de l’Alltagsgeschichte, de la microstoria ou du Linguistic Turn. En Allemagne, l’Alltagsgeschichte (l’histoire du quotidien) bouleverse les habitudes académiques de la Gesellschafts-geschichte (l’histoire de la société). Les discussions engagées dans les années 1980 et 1990 se sont poursuivies avec diverses inflexions au début du XXIe siècle. Au Royaume-Uni, l’histoire sociale a été bouleversée en profondeur, notamment par le « tournant linguistique [23] », discuté tardivement en France. Les années 2000 semblent cependant avoir vu un apaisement des polémiques au profit de la recherche de nouveaux équilibres. Les acquis de cette approche sont désormais reconnus et la notion de classe notamment n’est plus considérée comme une réalité fondatrice mais comme un artefact du discours [24].

9 En Italie, l’affirmation spectaculaire de la microstoria a contribué à réhabiliter le singulier, le local et l’événement et à complexifier les relations entre action sociale, modèles culturels et intellectuels [25]. Cette microstoria aurait pu être le nouveau canon d’une histoire sociale attentive à l’individu, au fourmillement du réel, rejetant la moyenne comme une fabrication artificielle issue d’une histoire statistique dépassée. L’objectif de la micro-histoire visait notamment à renouveler l’histoire sociale en proposant une analyse de la composition des groupes sociaux à partir d’analyses fouillées des choix et des stratégies individuelles [26]. En reconstituant l’espace social à partir des parcours individuels, il s’agissait d’éviter le « glissement paresseux » (Simona Cerruti) fréquent entre individu et groupes sociaux en produisant des catégories pertinentes et non anachroniques.

10 Mais en France, c’est plutôt la confusion qui s’est installée entre la micro-histoire comprise comme une histoire de cas classique, la micro-analyse complexe des Italiens et la micro-story des Anglais. En France, peu d’historiens ont conduit l’expérience jusqu’au bout. En chemin, ils ont tous été confrontés aux limites de la méthode et à son déficit de force explicative. Comment, en effet, transformer l’addition de situations hétérogènes en une interprétation historique ? Entre la force de la micro-analyse soutenue par Jacques Revel dans ses textes programmatiques [27], et la réalité de la pratique historienne, le fossé est grand. Dans l’appropriation française de la micro-histoire, plus que le choix du micro, c’est plutôt le jeu des échelles qui est privilégié. Cette variation des échelles, souligne Jacques Revel en 1996, doit « rend[re] possible la construction d’objets complexes, et donc la prise en compte de la structure feuilletée du social [28] ». Mais contre la micro-analyse se dresse le spectre du « local », l’absence de programme de travail et l’hétérogénéité des méthodes [29]. Pour tirer la micro-analyse de sa marginalité et la transformer en discours historique éclairant, plusieurs historiens ont privilégié la variation d’échelles (Gribaudi, Lepetit). Certains se sont contentés de redonner une place au local dans la compréhension d’évolutions nationales, d’autres ont développé des approches très raffinées pour explorer les liens entre les institutions et les logiques individuelles en mobilisant de nombreuses sources. Des expérimentations individuelles ont également tenté de rompre avec les procédures habituelles de l’histoire sociale, à l’image de la biographie du sabotier Pinagot tentée par Alain Corbin, à l’opposé de la tendance à l’héroïsme et au primat de l’individu exceptionnel [30].

11 À côté de ces débats qui continuent de marquer le champ de l’histoire sociale, de nouvelles alliances ont également été proposées pour sortir de la crise et de l’éclatement diagnostiqué dans les années 1990. À la suite de Gérard Noiriel s’est ainsi développée une « socio-histoire » censée dépasser les insuffisances de l’ancienne « histoire sociale [31] ». Cette nouvelle étiquette participe de l’intérêt renouvelé pour les acteurs et pour leurs points de vue subjectifs qui a caractérisé les sciences sociales du dernier quart de siècle. Mais à l’inverse de la microstoria italienne et, à sa suite, du « tournant critique » des Annales, les travaux de socio-histoire refusent de se placer au seul niveau des liaisons intersubjectives. Ils entendent laisser toute leur place aux médiations institutionnelles « à distance », notamment étatiques, entre les individus. Cette approche a donné naissance à de nombreux travaux de qualité. Ceux de Julian Mischi, par exemple, consacrés au déclin du Parti Communiste Français, mettent bien en lumière la fécondité d’une approche socio-historique de ce type par rapport aux méthodes classiques des historiens ou philosophes du politique. À partir d’une analyse localisée de l’implantation du PCF à Longwy, et surtout dans le milieu rural du marais de Brière, près de Saint-Nazaire, il analyse les mutations dans la manière d’être communiste et les insertions militantes dans les milieux locaux. Ce faisant, il apporte une vision bien plus fine que les analyses éloignées qui imputent la « crise » de cette institution à un « épuisement idéologique » ou aux vastes et imprécises mutations des structures socioprofessionnelles [32].

12 D’autres alliances ont été proposées et testées, comme le recours à la sociologie interactionniste de Goffman ou la relecture du processus de civilisation de Norbert Elias [33]. Elias croise en effet des champs disciplinaires aujourd’hui distincts (histoire, sociologie, anthropologie ou psychologie) et offre des ressources pour dépasser certaines oppositions qui paraissent artificielles (entre individu et société, nature et société, temps court et temps long, approche sociale, politique, économique et culturelle). Mais plus que l’influence d’un auteur ou d’une tradition intellectuelle, les évolutions récentes semblent caractérisées par la mise en débat continue des méthodes, des catégories, et des objets qui organisent le monde social.

Méthodes et outils : compter, enquêter, comparer

13 La question des méthodes et des outils de l’histoire sociale continue d’être l’enjeu de discussions. On a parfois cru pouvoir annoncer la mort du quantitatif, il semble plutôt qu’on assiste à sa reconfiguration et à sa réinvention continuelle, depuis les grands projets de l’enquête des « 3 000 familles » jusqu’aux débats sur les usages renouvelés des enquêtes prosopographiques ou la montée en puissance des « réseaux ». L’enquête dite TRA, lancée en 1980, reposait sur un vaste dépouillement quantitatif des actes d’état civil, rendu possible à la fois grâce aux nouveaux outils informatiques et à la mobilisation des généalogistes locaux. Diverses publications sur les mobilités, la transmission des patrimoines sont issues de ces données et continuent d’être exploitées par quelques groupes de recherches [34]. Mais l’ambition initiale semble avoir été largement déçue : il s’agissait en effet de fonder une nouvelle histoire sociale, reposant sur une approche scientifique qui dépasserait le cadre monographique des Annales pour penser les structures fondamentales de la société. Si l’enquête aboutit à quelques résultats indéniables (elle révèle notamment la grande mobilité des populations rurales), les ambitions initiales sont loin d’avoir été réalisées [35].

14 La méthode prosopographique, qui s’est développée dans le domaine de l’histoire sociale du XIXe siècle au cours des années 1970, a continué par ailleurs de produire ses effets. Elle s’est développée avec le passage de l’étude de groupes sociaux aux effectifs considérables, souvent appréhendés dans un cadre local ou régional (les bourgeois, les ouvriers dans telle ville, telle région), à ce que Christophe Charle a appelé la « micro-histoire sociale », c’est-à-dire l’étude de groupes aux effectifs plus restreints, souvent envisagés dans une perspective professionnelle [36]. La méthode prosopographique a accompagné le déplacement des centres d’intérêts de l’histoire sociale des mondes ouvriers et populaires vers celui des élites. Les travaux sur les préfets, le haut personnel financier, les universitaires, les conservateurs des Eaux et Forêts ou les ingénieurs des Mines, se sont multipliés, les travaux de type monographique dominent avec quelques réalisations plus transversales [37]. Depuis les années 1990, l’histoire sociale des élites demeure un champ dynamique avec quelques déplacements : intérêt pour les élites coloniales, pour les fonctionnaires intermédiaires et les « classes moyennes », dans la lignée d’une réflexion sur les frontières mouvantes entre ces divers groupes, ainsi qu’une multiplication des travaux sur le patronat [38].

15 La notion de réseau s’est étendue dans les sciences sociales depuis les années 1990, parallèlement à l’affaiblissement de l’usage du concept de classe. Le réseau est censé révéler un lien moins collectif et plus mouvant. Il est possible d’utiliser l’analyse de réseaux pour réfléchir, à un niveau plus « méso » que « micro », c’est-à-dire à l’intensité et à la structure des relations sociales à l’échelle de petites communautés comparées entre elles [39]. Les notions de réseaux et de « relations » sont de plus en plus souvent utilisées comme un moyen pour renouveler les approches sociales. Maurizio Gribaudi a ainsi proposé d’examiner l’histoire sociale de l’administration centrale du XIXe siècle comme une ressource distribuée et savamment gérée entre les acteurs par un dense tissu de relations [40].

16 La fragmentation continue du social, le passage de la macroanalyse à la microanalyse, de la structure à la culture, des groupes définis a priori (classe, catégories socioprofessionnelles) à une attention plus grande à l’hétérogénéité des relations personnelles et des identités fragiles a conduit également à rechercher de nouvelles sources et de nouveaux modes d’investigations. La montée en puissance de l’histoire du temps présent a ainsi favorisé la prise en compte des témoignages oraux. Fondée sur l’analyse des acteurs individuels aux identités multiples, l’histoire orale acquiert dès lors un intérêt épistémologique indéniable pour l’histoire sociale en permettant d’approcher la culture individuelle et les parcours singuliers. Grâce à l’histoire orale, qui implique une réflexion méthodologique poussée sur les conditions de réalisation de l’entretien, l’historien s’ouvre tout à la fois davantage au champ de l’histoire des exclus (minorités, femmes...) et à celui de la mémoire des acteurs, question centrale de l’historiographie des dernières années [41].

17 Pour d’autres enfin, c’est le décloisonnement des échelles d’analyse et l’abandon du primat du national qui peuvent contribuer le plus à renouveler les manières de faire de l’histoire sociale [42]. En France, les travaux de Christophe Charle notamment ont montré la fécondité du recours au comparatisme pour déjouer le « piège des fausses similitudes ou des fausses ressemblances » et pour éclairer la position singulière de chaque groupe [43]. L’aventure éditoriale de la Revue Histoire et Société. Revue européenne d’histoire sociale a précisément tenté pendant plusieurs années (de 2002 à 2009) de redynamiser l’histoire sociale à partir d’une approche comparée des sociétés européennes. Ces travaux, et beaucoup d’autres, ont montré que la comparaison en histoire sociale ne saurait se limiter au seul mode statistique. Elle doit s’opérer aussi au niveau micro-historique, d’où les débats méthodologiques continus depuis quinze ans sur l’histoire connectée, l’histoire des transferts et des circulations et, sous l’influence nord-américaine, sur l’histoire atlantique, mondiale ou globale [44].

Catégoriser le monde social

18 L’histoire sociale du contemporain s’est également renouvelée par la poursuite des réflexions menées sur les frontières et sur les catégories qui servent à décrire les mondes sociaux. C’est précisément la remise en cause incessante de ces anciennes catégories et frontières qui ont pu donner l’impression d’une « crise », d’un « éclatement » alors qu’il s’agissait sans doute d’abord d’une complexification de l’analyse du social et de ses méthodes d’investigation. Les anciennes divisions entre classes ont par exemple volé en éclats au profit d’un intérêt croissant pour des groupes et des acteurs autrefois invisibles : les femmes, les immigrés, les jeunes, les subalternes...

19 L’histoire des sociétés rurales reste dynamique et semble même avoir connu un regain d’intérêt depuis les années 1990 [45]. L’ancienne histoire ouvrière de l’après-guerre, en revanche, paraît avoir disparu au profit d’une histoire du travail plus attentive aux gestes et aux modalités de construction des identités singulières des acteurs [46]. Si l’étude des mondes ouvriers représentait une part importante de l’histoire sociale de l’après-guerre, les critiques adressées au concept de classe et la découverte de l’hétérogénéité fondamentale, jusque tardivement au XXe siècle, des mondes ouvriers ont amené à un désintérêt global pour ce qu’on appelait « l’histoire ouvrière ». Le parcours de Gérard Noiriel illustre cette évolution. Venu de l’histoire sociale des ouvriers de Longwy dans la Lorraine du fer, il a trouvé en chemin, dans les années 1980, la question des immigrés que l’histoire économique et sociale ancienne manière ne permettait pas d’éclairer. Pour comprendre la ligne de démarcation croissante qui opposait ouvriers français et étrangers, à partir des années 1880, lorsque la notion abstraite de « nationalité » est devenue une réalité concrète, il s’est alors tourné vers l’étude du droit et de la construction de l’État-Nation et de son rôle dans les processus migratoires [47]. Il serait pourtant faux de diagnostiquer trop rapidement la mort de l’histoire sociale des mondes ouvriers, celle-ci s’étant développée avec une attention marquée pour les groupes marginaux, immigrés et femmes notamment [48]. De même, les travaux sur les grèves et les conflits sociaux n’ont pas disparu, même si leur nombre a diminué significativement et si l’intérêt a continué de se déplacer des organisations structurées et des leaders vers les anonymes et les expériences singulières [49]. L’histoire sociale des mouvements sociaux et des contestations est demeurée – notamment pour l’époque de 68 – un terrain d’investigation important [50].

20 L’histoire des femmes, puis du genre, et l’attention grandissante aux différences de sexe ont également joué un rôle décisif dans ces évolutions. La prise en compte croissante de l’histoire des femmes et du genre a permis de repenser certains phénomènes. Ainsi, l’histoire sociale de la Première Guerre mondiale a été relue sous l’angle d’une brutalisation sexuelle et d’une redéfinition des rapports de genre (front-arrière, libéralisation ou retour à l’ordre, violences sexuelles...) [51]. Ces courants ont continué à monter en puissance, avec quelques inflexions. Ainsi, l’histoire des sexualités est-elle devenue un chantier de plus en plus important mêlant approches sociales et culturelles [52]. L’attention s’est notamment portée vers l’histoire des formes de sexualité considérées comme déviantes. Florence Tamagne a par exemple montré comment, à partir d’une approche comparée, s’est progressivement construite une identité homosexuelle stigmatisée par le discours médical et le discours moral et comment des avancées libératrices ont été obtenues dans les années 1920 avant d’être refoulées dans les années 1930 par la répression nazie [53]. De même, l’histoire des jeunes a connu un nouveau souffle et de plus en plus de travaux ont milité pour que l’histoire sociale prenne davantage en compte la dimension générationnelle [54]. Jean-Claude Farcy a par exemple souligné à quel point la jeunesse constituait une variable d’ajustement des sociétés rurales qui façonnait les rapports sociaux au quotidien dans les campagnes du XIXe siècle [55].

21 Loin de s’effondrer, l’histoire sociale ne cesse donc de se recomposer autour de nouveaux objets et de nouvelles problématiques. Les réflexions menées sur le risque et la santé au travail illustrent bien ces réagencements. Comme l’écrivaient récemment Paul-André Rosental et Catherine Omnès : « on peut voir dans la santé au travail l’un des objets qui permettent la recomposition d’une histoire sociale à la fois attentive, comme autrefois, au sort des hommes et à leur soubassement économique, mais aussi à son interaction avec les dynamiques institutionnelles et avec la construction et la diffusion des savoirs [56] ». Dans un contexte de montée en puissance des questions de risque et des préoccupations liées la « souffrance au travail », l’histoire des risques et de la santé invite à rouvrir les anciens dossiers de l’histoire ouvrière, en croisant les approches juridiques, anthropologiques et institutionnelles.

Nature, techniques et matérialité du social

22 Les nouveaux objets qui ont pénétré dans l’agenda de l’histoire sociale depuis une vingtaine d’années sont si nombreux qu’il est impossible d’en proposer un inventaire, même partiel. Une inflexion décisive semble néanmoins se faire jour dans la foulée des évolutions des sciences sociales : l’intérêt croissant pour la science, l’environnement, les techniques et, plus généralement, les modes d’agencement du social et des « non-humains [57] ». Sous l’influence des Science Studies anglo-saxonnes, les sciences et techniques sont ainsi de plus en plus nettement devenues des terrains d’investigation pour l’historien du social [58]. L’étude historique des conditions de production et de reproduction des savoirs scientifiques et des objets techniques invite à considérer que le système de production de ces biens symboliques que l’on appelle les sciences et les techniques est essentiellement collectif. Un tel système dépend en effet nécessairement de l’existence d’institutions, mais aussi des pratiques quotidiennes et des négociations incessantes qui mettent aux prises les divers acteurs [59].

23 De même, dans un contexte de préoccupations écologiques croissantes, l’histoire sociale tend à s’emparer de la nature et des questions d’environnement alors que l’histoire environnementale s’affirme comme un champ dynamique. Les appels à réconcilier l’histoire sociale et l’histoire environnementale se sont d’ailleurs multipliés ces dernières années [60]. L’enjeu est d’importance puisqu’il s’agit à la fois de dépasser la dimension trop « anthropocentrique » des approches historiennes de la société et de rompre avec la tendance de l’histoire de l’environnement à « naturaliser » de façon déterministe les évolutions historiques. L’histoire sociale de l’environnement et des nuisances industrielles amène à poser des questions majeures pour notre temps : qui pollue et comment les divers groupes sociaux réagissent-ils ? Les pollutions ne construisent-elles pas et ne redoublent-elles pas les logiques d’inégalités et de ségrégations sociales [61], etc.

24 Cette attention aux non-humains et à leur rôle dans le fonctionnement des sociétés a également eu son pendant dans l’analyse de la consommation et des usages sociaux des objets et artefacts matériels. En dépit de quelques réalisations anciennes [62], c’est surtout dans le monde britannique que l’attention à la « vie sociale des choses » a été importante [63]. Mais, là encore, plusieurs travaux ont proposé de réconcilier l’histoire sociale avec l’étude des cultures matérielles. Manuel Charpy a par exemple montré comment l’attention à la culture matérielle permettait de renouveler et de préciser l’étude du social : « Il ne s’agit pas ici de faire de l’histoire de la culture matérielle le moyen de contourner les écueils de la catégorisation sociale mais au contraire d’essayer de comprendre comment un groupe social utilise le monde des objets pour exister ou tout au moins consolider son existence [...]. C’est par une attention aux détails des objets que peut s’observer la façon dont la culture matérielle participe à la fabrication d’une identité sociale. Définir a priori un cadre social nous est apparu alors comme le moyen d’échapper à une étude qui ne prendrait pour objets que les objets eux-mêmes, évacuant ainsi la question de savoir comment la culture matérielle produit et reproduit un groupe social [64] ».

25 Les déplacements de centres d’intérêts de l’historiographie contemporaine n’aboutissent donc pas à reléguer le social au second plan. Ils tendent au contraire à inventer sans cesse de nouvelles manières de le penser de façon plus satisfaisante en articulant les multiples sphères du droit, du politique, et des représentations qui façonnent sans cesse les rapports sociaux.

L’histoire sociale entre l’État et le droit

26 Contrairement à l’histoire sociale des années 1960-1970 qui entendait se distinguer de l’histoire politique et des institutions, jugées trop élitistes et déconnectées de l’expérience des acteurs, l’historiographie des dernières décennies a eu tendance, au contraire, à rechercher de nouvelles manières d’articuler ces différents domaines [65]. Il y a plus de vingt ans, Gérard Noiriel demandait : « une histoire sociale du politique est-elle possible [66] ? ». Depuis, l’histoire sociale a participé d’un renouvellement profond des problèmes politiques et de l’histoire de l’État en étant attentive aux interactions entre normes sociales, agency des acteurs, et fonctionnement des institutions. Une histoire sociale de l’administration s’est ainsi développée [67]. Dans la foulée de l’inflation de travaux consacrés à la société civile, d’autres recherches ont pris en charge l’étude des « corps intermédiaires » et de leur fonctionnement [68]. Récemment, Nicolas Delalande et Alexis Spire ont proposé une histoire « sociale » de l’impôt considéré d’abord comme un fait social qui s’inscrit dans la construction de l’État-nation. Le consentement à l’impôt est en effet un révélateur privilégié du lien social et offre des ressources pour penser l’État contemporain dans ses interactions avec la société civile [69]. On pourrait ajouter à ce panorama le développement d’une histoire sociale des politiques et des théories économiques qui a donné lieu à quelques réalisations intéressantes avec les travaux de David Todd sur la controverse entre libre-échange et protectionnisme au XIXe siècle, ou ceux de Fabien Denord sur le néo-libéralisme au XXe siècle, qui s’efforce de croiser approche prosopographique, analyse factorielle et analyse de réseaux. Ces auteurs explorent avec finesse l’histoire sociale d’une idée, sa naissance, sa diffusion dans « l’espace social » à la croisée des interactions complexes entre les individus, les groupes de pression et l’État [70].

27 L’histoire sociale ne s’intéresse plus à la société comme si elle avait une existence propre, extérieure aux règles de droit qui la façonnent, mais elle s’efforce de penser ces interactions. Dès lors, l’histoire sociale du droit est devenue de plus en plus importante et de nombreux travaux ont cherché à montrer comment les régulations et pratiques juridiques façonnaient les rapports sociaux et, en retour, étaient façonnés par eux. Dans le domaine de l’histoire du travail en particulier, les travaux se sont multipliés sur les contrats et les statuts, amenant à repenser des questions classiques de l’histoire sociale comme celles de la discipline et de l’autonomie des acteurs [71].

28 Enfin, certaines questions traditionnelles de l’histoire sociale, comme les violences, les protestations et leur répression ont continué à être discutées avec une attention plus grande portée à l’État. C’est une logique interactionniste qui s’impose, soucieuse d’interroger les relations dialectiques entre violences, formes du maintien de l’ordre et construction de l’État [72]. L’étude de Nicolas Bourguinat consacrée aux émeutes frumentaires a ainsi exploré l’évolution du regard des administrateurs sur les violences frumentaires, et montré comment elle accompagne le dépérissement de ce type de violences populaires [73]. La gendarmerie a été au centre de ces renouvellements avec la multiplication des études consacrées à cette arme en ce début de XXIe siècle [74]. Arnaud Houte a par exemple étudié comment s’opérait la professionnalisation du métier de gendarme [75]. Dans sa thèse sur les rébellions contre la gendarmerie, Aurélien Lignereux démonte, de son côté, les logiques emboîtées de la violence populaire (surtout rurale) du premier XIXe siècle et suggère de revaloriser la place des forces de l’ordre dans ces conflits. Aussi défend-il une démarche « interactionniste », seule capable de rendre compte de l’encadrement des populations et des résistances qu’il suscite, comme des adaptations et des conciliations à l’œuvre en fonction des rapports de forces locaux [76].

29 Contrairement à l’histoire militaire, à l’histoire religieuse ou à l’histoire économique, l’histoire sociale n’est pas un territoire clairement balisé, une « sous-discipline » ou un sous-champ du continent historiographique qu’on pourrait circonscrire aisément avec ses représentants institués et son langage propre. Depuis la fin du « quasi-paradigme » (Christian Delacroix) des Annales des années 1970, l’histoire sociale a cessé d’être une étiquette évidente, elle s’apparente plutôt à une certaine vision du monde qui accorde la primauté au social dans l’analyse de phénomènes divers, qu’ils soient politiques, économiques, culturels, ou plus techniques. Dès lors, l’histoire sociale est devenue de plus en plus discontinue et fragmentée car tous les objets peuvent, d’une certaine façon, être appréhendés par l’histoire sociale, et toute tentative de synthèse, comme celle tentée dans les pages qui précèdent, peut apparaître comme vaine et inutile. Depuis une vingtaine d’années, on a abandonné les velléités unificatrices et normalisatrices antérieures au profit d’une acceptation de l’hétérogénéité des objets et des approches de l’histoire sociale. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas certaines évolutions repérables comme nous avons tenté de le montrer en évoquant l’attention accrue aux acteurs et au constructivisme, les nouvelles manières d’étudier et de catégoriser le monde social, ou encore l’attention croissante à de nouveaux objets comme l’environnement, la technique, le droit.

30 Depuis 1943 au moins, et à la suite de Lucien Febvre, on sait que l’adjectif social lui-même « ne veut finalement à peu près plus rien dire ». Pourtant, l’histoire sociale existe. Elle correspond à une posture, à une manière d’interroger le passé en étant attentif au fonctionnement des divers groupes dans leur rapport aux autres. Par ailleurs, et en dépit de sa fragmentation indéniable et, finalement, salutaire, l’histoire sociale demeure unifiée par quelques certitudes partagées par ceux qui la pratiquent et s’en revendiquent. Il s’agit d’abord de la confiance dans les outils des sciences sociales pour comprendre l’évolution des sociétés passées – c’est pourquoi l’histoire sociale a évolué au gré des transformations épistémologiques et intellectuelles plus larges à l’œuvre dans les autres sciences sociales. En deuxième lieu, elle se caractérise par une ambition critique et émancipatrice sans cesse redéfinie, au fur et à mesure de l’évolution des idéologies dominantes, d’abord libérale, puis marxiste. La crise apparente de l’histoire sociale contemporaine peut, dès lors, être interprétée aussi comme le fruit d’un certain épuisement plus global des idéologies critiques. Enfin, elle est mue par une ambition totale, visant à restituer l’ensemble des champs d’expériences, y compris donc les représentations et motifs culturels qui font agir certains groupes. C’est pourquoi l’histoire sociale n’a pas été abandonnée ni simplement « remplacée » par une histoire culturelle, et l’on assiste à un intérêt croissant pour des formulations hybrides du type « histoire socioculturelle » (Roger Chartier) ou « histoire sociale des représentations » (Pascal Ory). C’est pourquoi aussi, certains chantiers de plus en plus importants de l’historiographie continuent de faire référence au social, à l’image des travaux sur la question de l’historicité, qui n’est rien d’autre que l’analyse plus ou moins fine et subtile du « rapport social au temps [77] ».

Notes

  • [1]
    Chris Waters et Gérard Noiriel, « Is there still a place for social history ? » dans Robert Gildea et Anne Simonin (dir.), Writing Contemporary History, Hodder education, 2008, p. 1-23.
  • [2]
    Patrick Joyce, « What is the social in social history ? », Past and Present, 206, 2010, p. 213-248 ; Patrick Joyce (dir.), The Social in Question : New Bearings in History and Social Sciences, Londres, Routledge, 2002.
  • [3]
    Jonathan Dewald, Lost worlds : the emergence of French social history, 1815-1970, University Park, Pennsylvania State University Press, 2006.
  • [4]
    François Dosse, L’Histoire en miettes, La Découverte, 1987 ; Gérard Noiriel, Sur la « crise » de l’histoire, Paris, Belin, collection « Socio-Histoires », 1996.
  • [5]
    Bernard Lepetit (dir.), Les Formes de l’expérience. Une autre histoire sociale, Paris, A. Michel, 1995.
  • [6]
    Dominique Kalifa, « L’histoire culturelle contre l’histoire sociale ? » dans Laurent Martin et Sylvain Venayre (dir.), L’Histoire culturelle du contemporain, Paris, Nouveau Monde, 2005, p. 75-84.
  • [7]
    André Burguière, L’École des Annales. Une histoire intellectuelle, Paris, Odile Jacob, 2006.
  • [8]
    Dans la lignée des essais de Christophe Charle, « Contemporary French Social History : Crisis of Hidden Renewal ? », Journal of Social History, automne 2003, p. 50-61 ; et T. Welskopp, « L’histoire sociale du XIXe siècle : tendances et perspectives », Le Mouvement Social, 2002/3, n° 200, p. 153-162, ou, en dernier lieu, la somme collective dirigée par François Dosse, Christian Delacroix, Patrick Garcia, Nicolas Offenstadt (dir.), Historiographies. Concepts et débats, Paris, Gallimard, Folio, 2010, 2 vol. ; notamment : Christian Delacroix, « Histoire sociale », vol. 1, p. 420-435.
  • [9]
    Il s’agit d’un genre désormais bien balisé. Sur les limites de cet exercice et le rôle des étiquettes dans l’organisation sociale et symbolique des disciplines savantes, voir les remarques de Christian Topalov « En finir avec la société ? Un débat historiographique », Revue d’histoire du XIXe siècle, 2/2008, n° 37, p. 167-182.
  • [10]
    Geoffrey Crossick, « Qu’est-ce que l’histoire sociale ? » dans Yves Michaud (dir.), Université de tous les savoirs, vol. 3 : Qu’est-ce que la société ?, Paris, O. Jacob, 2000, p. 300-309.
  • [11]
    Christophe Charle et Charles Soulié (dir.), Les Ravages de la « modernisation » universitaire en Europe, Paris, Syllepse, 2007.
  • [12]
    Nous conservons la catégorie d’« histoire contemporaine » incluant les XIXe et XXe siècle, comme nous y invite le directeur de ce numéro, même si elle s’avère de plus en plus discutable compte tenu de l’hétérogénéité croissante entre spécialistes du premier XIXe siècle – auxquels nous appartenons –, et ceux, de plus en plus nombreux, qui se consacrent à « l’histoire du temps présent ». Nous postulerons qu’il existe diverses inflexions et évolutions communes à l’ensemble des spécialistes des mondes sociaux de ces deux siècles ; pour un panorama récent voir Philippe Poirrier, « L’histoire contemporaine » dans Pascal Cauchy, Claude Gauvard et Jean-François Sirinelli (dir.), Les Historiens français à l’œuvre, 1995-2010, Paris, PUF, 2010, p. 69-87.
  • [13]
    Christophe Charle, Naissance des « intellectuels ». 1880-1900, Paris, Éditions de Minuit, 1990 et Gisèle Sapiro, La Guerre des écrivains (1940-1953), Paris, Fayard, 1999.
  • [14]
    Philip Gorski (dir.), Bourdieuian Theory and Historical Analysis, Duke University Press, 2010.
  • [15]
    Pierre Bourdieu, « Espace social et pouvoir symbolique » dans Choses dites, Paris, Éditions de Minuit, 1987.
  • [16]
    Luc Boltanski, Les Cadres. La formation d’un groupe social, Paris Éditions de Minuit, 1982 ; prenant ses distances avec la sociologie critique de Bourdieu, Boltanski a évolué vers une approche « pragmatique », exposée notamment dans : Luc Boltanski et Laurent Thévenot, De la justification. Les économies de la grandeur, Paris, Gallimard, 1991 ; avant d’opérer un nouveau rapprochement dans son dernier ouvrage : De la critique. Précis de sociologie de l’émancipation, Paris, Gallimard, 2009.
  • [17]
    Christian Topalov, Naissance du chômeur, 1880-1910, Paris, A. Michel, 1994.
  • [18]
    Claude-Isabelle Brelot, La Noblesse réinventée. Nobles de Franche-Comté de 1814 à 1870, Paris-Besançon, Les Belles lettres-Annales littéraires de l’Université de Besançon, 1992, 2 vol.
  • [19]
    « Proto-industrialisation » et « Pluriactivité » renvoient à des modes d’approche différents du travail inscrits dans des traditions intellectuelles distinctes, mais c’est bien la même réalité sociale qui est appréhendée par ces termes, selon qu’elle est observée du point de vue de la ville ou de la campagne ; voir Jean-Luc Mayaud, La Petite exploitation rurale triomphante (France, XIXe siècle), Paris, Belin, 1999. Parmi les nombreux travaux consacrés depuis trente ans aux logiques proto-industrielles, citons par exemple Didier Terrier, Les Deux âges de la proto-industrie. Les tisserands du Cambrésis et du Saint-Quentinois, 1730-1880, Paris, Éd. de l’EHESS, 1996.
  • [20]
    Alain Desrosières et Laurent Thévenot, Les Catégories socio-professionnelles, Paris, La Découverte, 1988.
  • [21]
    La catégorie sociale de bourgeoisie a été largement relue dans cette perspective. Voir Sarah Maza, The Myth of the French Bourgeoisie : An Essay on the Social Imaginary, 1750-1850, Harvard University Press, 2003 ; et « La bourgeoisie : mythes, identités et pratiques », Revue d’histoire du XIXe siècle, n° 34, 2007-1.
  • [22]
    Voir notamment Judith Lyon-Caen, La Lecture et la vie. Les usages du roman au temps de Balzac, Paris, Tallandier, 2006 ; Judith Lyon-Caen et Dinah Ribard, L’Historien et la littérature, Paris, La Découverte, coll. « Repère », 2010.
  • [23]
    Gareth Stedman Jones, « De l’histoire sociale au tournant linguistique et au-delà. Où va l’historiographie britannique ? », Revue d’histoire du XIXe siècle, n° 33, 2006/2, p. 143-166.
  • [24]
    Si le livre de Gareth Stedman Jones Languages of Class (1983) n’a jamais été traduit en Français, en revanche certains articles le composant l’ont été récemment. Voir Gareth Stedman Jones, « Repenser le chartisme », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 2007, 54, 1, p. 7-68 et, du même auteur, La Fin de la pauvreté ? Un débat historique, trad. fr. V. Bourdeau, F. Jarrige et J. Vincent, éditions è?e, coll. Chercheurs d’ère, 2007.
  • [25]
    Simona Cerutti et Sami Bargaoui, « Microhistory : social relations versus cultural models ? Some reflections on stereotypes and historical practices », Anna-Maija Castren et al. (dir.), Between Sociology and History. Essays on Microhistory, Collective Action, and Nation-Building, Helsinki, SKS, 2004, p. 17-40, trad. en français sous le titre : « Histoire pragmatique, ou de la rencontre entre histoire sociale et histoire culturelle », Tracés, 2008/2, n° 15, p. 147-168.
  • [26]
    Maurizio Gribaudi, Itinéraires ouvriers. Espaces et groupes sociaux à Turin au début du XXe siècle, Paris, EHESS. 1987.
  • [27]
    Jacques Revel, « Micro-analyse et construction du social » dans J. Revel (dir.), Jeux d’échelles. La micro-analyse à l’expérience, Paris, Le Seuil, 1996, p. 15-36.
  • [28]
    Ibid., p. 13.
  • [29]
    Claire Dolan, « Actes notariés, microanalyse et histoire sociale : réflexions sur une méthodologie et une pratique » dans Vincent Gourdon, Scarlett Beauvalet et François-Joseph Ruggiu (dir.), Liens sociaux et actes notariés dans le monde urbain en France et en Europe, Paris, PUPS, 2004, p. 139-151.
  • [30]
    Alain Corbin, Le Monde retrouvé de Louis-François Pinagot. Sur les traces d’un inconnu, 1798-1876, Paris, Flammarion, 1998.
  • [31]
    Gérard Noiriel, Introduction à la socio-histoire, Paris, La Découverte, 2006 et François Buton et Nicolas Mariot (dir.), Pratiques et méthodes de la socio-histoire, Paris, PUF, coll. « CURAPP », 2009.
  • [32]
    Julian Mischi, Servir la classe ouvrière. Sociabilités militantes au PCF, Rennes, PUR, coll. Histoire, 2010. Citons aussi l’ouvrage de Laurent Dornel, La France hostile, Socio-histoire de la xénophobie (1870-1914), Paris, Hachette Littératures, 2004.
  • [33]
    Voir par exemple : Quentin Deluermoz, « Usages de Goffman au XIXe siècle : policiers en tenue, institutions et ordres sociaux à Paris », Carnets de bords, n° spécial : « Sociologie et histoire : chantier permanent », n° 14, 2007, p. 33-42 ; Quentin Deluermoz (dir.), « Norbert Elias et le XXe siècle : le processus de civilisation à l’épreuve », Vingtième siècle, n° 106, avril-juin 2010.
  • [34]
    Jacques Dupâquier et Denis Kessler, La Société française au XIXe siècle, Tradition, transition, transformations, Paris, Fayard, 1992 et Jérome Bourdieu, Gilles Postel-Vinay et Akiko Suwa-Eisenmann, « Défense et illustration de l’enquête 3 000 familles », Annales de démographie historique, 2004, n° 1, p. 19-52.
  • [35]
    Pour une liste des réalisations récentes, voir http://tra.web.ined.fr/rubriques/biblio.htm
  • [36]
    Une synthèse avec une riche bibliographie dans Christophe Charle « Prosopography (collective biography) », International Encyclopedia of the Social and Behavioral Sciences, Oxford, 2001, vol. 18, p. 12236-12241.
  • [37]
    Sans aucune exhaustivité, citons par exemple pour le XIXe siècle : Christophe Charle, Les Élites de la République 1880-1900, Paris, Fayard, 1987, Jean Clinquart, La Douane et les douaniers de l’Ancien Régime au Marché Commun, Paris, Taillandier, 1990, André Thépot, Les Ingénieurs des Mines du XIXe siècle. Histoire d’un corps technique d’État, tome I : 1810-1914, Paris, ESKA/IDHI, 1998 et Éric Anceau, Les Députés du Second Empire. Prosopographie d’une élite du XIXe siècle, Paris, Champion et Genève, Slatkine, 2000.
  • [38]
    Jean Le Bihan, Au service de l’État. Les fonctionnaires intermédiaires au XIXe siècle, Rennes, PUR, 2008, Claire Laux, François-Joseph Ruggiu et Pierre Singaravelou, « Réflexions sur l’historiographie des élites impériales » dans Au sommet de l’Empire. Les élites européennes dans les colonies (XVIe-XXe s.), Bruxelles, Peter Lang, 2009 et Jean-Claude Daumas (dir.), Dictionnaire historique des patrons français, Paris, Flammarion, 2010. Signalons aussi la poursuite de l’aventure du Maitron avec la publication de nouvelles biographies de militants ouvriers, voir à ce sujet le site Maitron.org, site d’histoire sociale - http://biosoc.univ-paris1.fr/
  • [39]
    Pour une présentation claire des enjeux de l’analyse des réseaux, voir Claire Lemercier, « Analyse de réseaux et histoire », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 52-2, avril-juin 2005, p. 88-112. Pour un exemple classique de réalisation à partir de l’étude des réseaux migratoires, voir Paul-André Rosental, Les Sentiers invisibles. Espace, famille et migrations dans la France du XIXe siècle, Paris, Éd. de l’EHESS, 1999.
  • [40]
    Maurizio Gribaudi, « Le savoir des relations : liens et racines sociales d’une administration dans la France du XIXe siècle », Le Mouvement social, n° 228, juillet-septembre 2009, p. 9-38.
  • [41]
    Vincent Duclert, « Archives orales et recherche contemporaine. Une histoire en cours », Sociétés & Représentations 2002/1, n° 13, p. 69-86 et Odile Join-Lambert, « Les sources orales et l’histoire sociale » dans Florence Descamps (dir.), Les Sources orales et l’histoire. Récits de vie, entretiens, témoignages oraux, Paris, Bréal, 2006. L’ouvrage de Nicolas Hatzfeld, Les Gens d’usine. Peugeot-Sochaux, cinquante ans d’histoire (Paris, L’Atelier, 2002) fournit une application éclairante de la méthode.
  • [42]
    La question du comparatisme a fait couler beaucoup d’encre. Voir, à ce sujet, le bilan historiographique comparatif ancien mais toujours intéressant de Harmut Kaeble, « La recherche européenne en histoire sociale », Actes de la recherche en sciences sociales, 106-107, mars 1995, p. 67-79.
  • [43]
    Christophe Charle, Les Intellectuels en Europe au XIXe siècle. Essai d’histoire comparée, Paris, Le Seuil, 1996, p. 30 et, du même auteur, La Crise des sociétés impériales. Allemagne, France, Grande-Bretagne (1900-1940). Essai d’histoire sociale comparée, Paris, Le Seuil, 2001.
  • [44]
    Un récent bilan historiographique dans Caroline Douki et Philippe Minard « Histoire globale, histoires connectées : un changement d’échelle historiographique ? », Revue d’histoire moderne et contemporaine 5/2007 (n° 54-4bis), p. 7-21.
  • [45]
    Signalons notamment la création en 1994 de la revue Histoire et sociétés rurales, fondée par l’Association d’histoire des sociétés rurales, et de Ruralia, créé en 1997 par l’Association des ruralistes français, deux revues largement tournées vers les sociétés contemporaines et qui se placent d’emblée sous les auspices de la pluridisciplinarité et des sciences sociales.
  • [46]
    Christian Chevandier et Michel Pigenet, « L’histoire du travail à l’époque contemporaine, clichés tenaces et nouveaux regards », Le Mouvement social, n° 200, juillet-sept. 2002, p. 163-169.
  • [47]
    Itinéraire reproduit dans Gérard Noiriel, État, nation et immigration. Vers une histoire du pouvoir, Paris, Belin, coll. « Socio-Histoires », 2001 (réédité en collection « Folio-Histoire », Paris, Gallimard, 2005).
  • [48]
    Voir par exemple les thèses de Laure Pitti, Ouvriers algériens à Renault-Billancourt de la guerre d’Algérie aux grèves d’OS des années 1970. Contribution à l’histoire sociale et politique des ouvriers étrangers en France, thèse de doctorat d’histoire, Université Paris VIII, 2002, 2 vol. et Delphine Gardey, La Dactylographe et l’expéditionnaire. Histoire des employés de bureau. 1890-1930, Paris, Belin, 2002.
  • [49]
    Ce déplacement est déjà ancien. Il avait été initié par Edward P. Thompson en Angleterre et a encore été accentué par certains travaux classiques de la sociologie du travail française publiés à la fin du XXe siècle comme ceux de Florence Weber, Le Travail à côté. Étude d’ethnographie ouvrière, Paris, EHESS, 1989 et de Stéphane Beaud et Michel Pialoux, Retour sur la condition ouvrière. Enquête aux usines Peugeot de Sochaux-Montbéliard, Paris, Fayard, 1999.
  • [50]
    Michelle Zancarini-Fournel, Changer la Vie ! Histoire sociale des contestations, thèse d’habilitation, Paris 1, 1998 et Xavier Vigna, L’Insubordination ouvrière dans les années 68. Essai d’histoire politique des usines, Rennes, PUR, 2007.
  • [51]
    Par exemple Laura L. Downs, L’Inégalité à la chaîne. La division sexuée du travail dans l’industrie métallurgique en France et en Angleterre (1914-1939), (traduit de l’anglais par Eli Commins), Paris, A. Michel, 2002.
  • [52]
    Sylvie Chaperon, « L’histoire contemporaine des sexualités en France », Vingtième siècle. Revue d’histoire, n° 75, juill.-sept. 2002, p. 47-59 et Régis Révenin, « Jalons pour une histoire culturelle et sociale de la prostitution masculine juvénile dans la France des Trente Glorieuses », Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière », n° 10, octobre 2008, p. 75-95.
  • [53]
    Florence Tamagne, Histoire de l’homosexualité en Europe, 1900-1940, Paris, Le Seuil, 2000.
  • [54]
    Notamment Ivan Jablonka, Ni père, ni mère. Histoire des enfants de l’Assistance publique (1874-1939), Paris, Le Seuil, 2006 et Ludivine Bantigny Le Plus bel âge ? Jeunes et jeunesse en France de l’aube des « Trente Glorieuses » à la guerre d’Algérie, Paris, Fayard, 2007.
  • [55]
    Jean-Claude Farcy, La Jeunesse rurale dans la France du XIXe siècle, Paris, Christian, 2004.
  • [56]
    Paul-André Rosental et Catherine Omnès (dir.), « Les maladies professionnelles : genèse d’une question sociale », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 56-1, janvier-mars 2009, p. 5.
  • [57]
    Pour une introduction à ce couple humains-non-humains, promu notamment par Bruno Latour, et en quoi il permet de « mieux comprendre en quoi consistent les individus et les collectifs humains en explorant les multiples relations que ceux-ci entretiennent avec de très divers « non-humains » », voir Olivier Thiery et Sophie Houdart (dir.), Humains non humains. Comment repeupler les sciences sociales, Paris, La Découverte, 2011, p. 7.
  • [58]
    Dominique Pestre, Introduction aux Science Studies, La Découverte, Coll. Repères, 2006.
  • [59]
    À la suite de nombreux travaux, c’est dans cette perspective que j’ai tâché, pour ma part, d’examiner le changement technique et ses formes à travers les négociations qu’il suscite dans divers mondes sociaux : François Jarrige, « Le mauvais genre de la machine. Les ouvriers du livre et la composition mécanique en France et en Angleterre (1840-1880) », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 54-1, janvier-mars 2007, p. 193-222, Au temps des « tueuses de bras ». Les bris de machines à l’aube de l’ère industrielle, Rennes, PUR, coll. Carnot, 2009 et « Le travail de la routine : autour d’une controverse sociotechnique dans la boulangerie française du XIXe siècle », Annales. Histoire, Sciences Sociales, mai-juin 2010, n° 3, p. 645-677.
  • [60]
    Voir notamment Denis Bocquet et Stéphane Frioux (dir.), « L’histoire environnementale comme histoire sociale », Histoire et société, n° 27, décembre 2008, Fabien Locher et Grégory Quenet « L’histoire environnementale : origines, enjeux et perspectives d’un nouveau chantier », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 4/2009, n° 56-4, p. 7-38 et Alice Ingold, « Écrire la nature. De l’histoire sociale à la question environnementale ? », Annales HSS, janvier-mars 2011, n° 1, p. 11-29.
  • [61]
    Plusieurs travaux ont proposé récemment une approche sociale, à l’écart des analyses purement techniques, des pollutions et des nuisances industrielles. De bons exemples nous sont fournis par Geneviève Massard-Guilbaud, Histoire des pollutions industrielles (France, XIXe siècle), Paris, Éd. de l’EHESS, 2009 et Thomas Le Roux, Le Laboratoire des pollutions industrielles : Paris, 1770-1830, Paris, A. Michel, 2 011.
  • [62]
    Philippe Perrot, Les Dessus et les dessous de la bourgeoisie. Une histoire du vêtement au XXe siècle, Paris, Fayard, 1981.
  • [63]
    Arjun Appadurai (dir.), The Social Life of Things : Commodities in Cultural Perspective, Cambridge, Cambridge University Press, 1988.
  • [64]
    Manuel Charpy, Le Théâtre des objets. Espace privé, culture matérielle et identité bourgeoise. Paris 1830-1914, thèse d’histoire contemporaine, Université de Tours, 2010, p. 8-9.
  • [65]
    Comme l’écrivait Jacques Revel dans un texte fondateur, « L’institution et les normes qu’elle produit n’apparaissent plus comme extérieures au champ social ni comme imposées à lui. Elles sont inséparables de la configuration du jeu social et des actions qui y sont possibles », Jacques Revel, « L’institution et le social » dans Bernard Lepetit (dir.), Les Formes de l’expérience, op.cit., p. 83.
  • [66]
    Gérard Noiriel, « Une histoire sociale du politique est-elle possible ? », Vingtième siècle. Revue d’histoire, 1989, vol. 24, p. 81-96.
  • [67]
    Marc-Olivier Baruch et Vincent Duclert (dir.), Serviteurs de l’État, une histoire politique de l’administration française 1875-1945, Paris, La Découverte, 2000.
  • [68]
    Alain Chatriot, La Démocratie sociale à la française. L’expérience du Conseil National Économique, 1924-1940, Paris, La Découverte, 2002 et Claire Lemercier, Un si discret pouvoir. Aux origines de la Chambre de commerce de Paris 1803-1853, Paris, La Découverte, 2003.
  • [69]
    Nicolas Delalande et Alexis Spire, Histoire sociale de l’impôt, Paris, La Découverte, coll. « Repères », 2010.
  • [70]
    François Denord, Néo-libéralisme version française. Histoire d’une idéologie politique, Paris, Demopolis, 2007 et David Todd, L’Identité économique de la France. Libre-échange et protectionnisme (1814-1851), Paris, Grasset, 2008.
  • [71]
    Citons notamment Alain Cottereau, « Droit et bon droit. Un droit des ouvriers instauré puis évincé par le droit du travail (France, XIXe siècle) », Annales. HSS, 6, nov.-déc. 2002, p. 1521-1557, Alain Dewerpe, « En avoir ou pas. À propos du livret d’ouvrier dans la France du XIXe siècle » dans Alessandro Stanziani (dir.), Le Travail contraint en Asie et en Europe. XVIIe-XXe siècles, Paris, 2010, p. 217-240 et Marie Cartier, Jean-Noël Retière et Yasmine Siblot (dir.) Le Salariat à statut. Genèses et cultures, Rennes, PUR, 2010. La collection « Pour une histoire du travail » dirigée aux Presses Universitaires de Rennes par Jacques Le Goff a publié de nombreux travaux sur ce thème depuis 2006.
  • [72]
    Voir par exemple ce qu’écrit Quentin Deluermoz sur l’histoire sociale de la police parisienne dans « Présences d’État. Police et société à Paris (1854-1880) », Annales, HSS, 2009, 2, p. 435-460.
  • [73]
    Nicolas Bourguinat, Les Grains du désordre. L’État face aux violences frumentaires dans la première moitié du XIXe siècle, Paris, Éd. de l’EHESS, 2002.
  • [74]
    Dans la foulée du colloque organisé par Jean-Noël Luc (dir.), Gendarmerie, État et société au XIXe siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 2002.
  • [75]
    Arnaud-Dominique Houte, Le Métier de gendarme national au XIXe siècle : la construction d’une identité professionnelle, Rennes, PUR, 2010. D’autres figures, comme le commissaire de police ou le détective privé, ont fait l’objet de fines analyses articulant les aspects sociaux et culturels à travers lesquels se construisent les identités professionnelles, voir Dominique Kalifa, Histoire des détectives privés en France, 1832-1942, nouvelle édition augmentée, Paris, Nouveau Monde, 2007 [2000] et Dominique Kalifa et Pierre Karila-Cohen (dir.), Le Commissaire de police au XIXe siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 2008.
  • [76]
    Aurélien Lignereux, La France rébellionnaire. Les résistances à la gendarmerie (1800-1859), Rennes, PUR, 2008.
  • [77]
    Voir la synthèse de François Dosse, Christian Delacroix et Patrick Garcia (dir.), Historicités, Paris, La Découverte, 2009.
Français

Depuis les années 1980, l’histoire sociale a cessé d’être une étiquette évidente, elle est devenue de plus en plus discontinue et fragmentée avec l’effondrement des grands paradigmes antérieurs et l’éclatement des objets. Par ailleurs, l’histoire dite sociale est difficile à définir en raison des définitions multiples du terme « social ». À travers un bref état des lieux de l’histoire sociale de la France contemporaine telle qu’elle se pratique, nous tenterons de mettre en avant quelques évolutions en évoquant notamment l’attention accrue aux acteurs et au constructivisme, les nouvelles manières d’étudier et de catégoriser le monde social, ou encore l’intérêt croissant porté à de nouveaux objets comme l’environnement, la technique et le droit.

English

Since the 1980s, social history has ceased to be a clear label, it has become increasingly fragmented and discontinuous with the collapse of previous paradigms and the bursting of the objects. Moreover, « social history » is very difficult to define because of the multiple meanings of the term « social ». Through a brief overview of the social history of contemporary France as it is practiced, we will try to highlight some recent developments in evoking particular attention to the actors and constructivism, new ways to study and to categorize the social world, or the growing interest in new objects such as the environment, technology and law.

François Jarrige
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 08/08/2012
https://doi.org/10.3917/hes.122.0045
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