CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1L’appréhension du monde est abreuvée de recherches qui demeurent prisonnières des canons de la sociologie wébérienne, des travaux de Durkheim et des traditions anthropologiques. Creux-ci figent les sociétés dans un classement binaire ou dans des idéaux-types qui ne reflètent pas la complexité des évolutions historiques et des réalités. Or les notions de local et de global ont besoin d’être repensées dans le cadre d’un processus en mouvement au lieu d’être considérées comme des entités figées. Le management entendu comme l’ensemble des techniques d’organisation de ressources afin d’obtenir une performance, est fortement concerné par ces métamorphoses, notamment entre les rives nord et sud de la Méditerranée. En effet, la Méditerranée est un espace de rencontre entre Nord et Sud, tradition et modernité, Occident et Orient... Elle peut de ce fait engendrer des processus de remodelage du management entre global et local. Certes, la localité peut engendrer des entités ou des systèmes clos. Mais elle peut également constituer une source de changement de la morphologie des dynamiques managériales dominantes qui s’essoufflent. En effet, alimentée par plusieurs sources philosophiques et économiques, la majorité des principes et des modèles théoriques de la doxa managériale [1] ne tient pas compte des nouvelles réalités culturelles et contextuelles de nombreuses entreprises. Il s’agit de saisir les injonctions opérées entre la modernité et la sphère des valeurs traditionnelles et d’en capter les remaniements ; d’éviter de considérer cette aire géographique comme étant déterminée par des traditions immuables ; ainsi que de saisir les possibilités de manager autrement en insistant sur la demande d’alternative qui semble s’affirmer dans les pays aux cultures fortement influencées par les différentes doxa du modèle dominant : culturelle, économique, sociétale et managériale.

Le management : soubassements philosophiques et économiques

2Le management repose sur une conduite et une éthique : l’esprit du capitalisme. Le capitalisme se justifie par la rationalité économique. Celle-ci est définie d’une manière purement quantitative que l’on peut résumer par la formule : maximiser les profits et minimiser les coûts. Le capitalisme est une forme de société qui repose sur l’accumulation d’hommes rationnels, guidés par leurs intérêts, travailleurs et consommateurs à la fois.

Le règne de la rationalité économique, de la quantité et de l’individualisme

3La rationalité économique s’appuie sur l’empire du calcul. Pour Voltaire (Lettre à Madame d’Épinal, Ferney, 1760) : « Quand il s’agit d’argent, tout le monde est de la même religion... ». L’argent représente le fil d’Ariane. Qui est maître de l’argent est maître du lien et de l’échange ! L’argent différencie les dominateurs et les dominés, est un instrument d’action de l’homme sur l’homme. Pour Simmel (Philosophie de l’argent, 1900), l’argent est le moyen absolu et le but absolu, un nouveau monothéisme. Simmel n’a pas découvert l’argent : il est néanmoins le premier à saisir dans toute son ampleur la philosophie de la culture qui en est issue ! On estime un objet selon son prix, considéré uniquement comme un chiffre, une somme ou une quantité numérique de monnaie. Cette mentalité domine le management qui aurait prouvé son excellence, sa supériorité, car il se serait révélé seul capable de produire des richesses. Bien évidemment, nous savons que les choses ne se sont pas passées ainsi. Ce que l’on a observé, au cours des siècles, c’est un management au service du capitalisme qui a montré sa supériorité en s’appuyant sur l’extermination des tribus, les conflits entre nations et en asservissant des peuples.

4La logique rationnelle est devenue trop souvent une raison close donc dogmatique, c’est-à-dire qui n’admet d’être démentie par absolument aucun argument. Personne ne passe sa vie à maximiser ou minimiser ses utilités, ses bénéfices, ses coûts. Aucun consommateur ne connaît l’ensemble des marchandises qui sont sur le marché, leurs qualités et leurs défauts, et aucun ne pourrait les connaître. L’humain a une sensibilité, un instinct… On ne peut pas tout expliquer ! Dostoïevski affirmait que si tout se passait rationnellement dans le monde, il ne se passerait rien. Bergson et Leibniz ont démontré contre Descartes et ses disciples, l’insuffisance d’une physique mécaniste, qui, par sa nature même, ne peut rendre compte que de l’apparence extérieure des choses et est incapable d’expliquer quoi que ce soit de leur véritable essence. Le management rationnel n’est pas capable de considérer le jeu des acteurs, la complexité, les émotions… Le management a trop tendance à se soumettre à la rationalité économique. Dans l’entreprise, la référence constante demeure la valeur actionnariale qui pousse à devenir plus « compétitif », c’est-à-dire à produire toujours plus vite et en plus grande quantité par unité de temps que le voisin. L’intérêt est érigé en guide ! Cette vision suscite des problèmes de tension avec la morale. Dans Le traité des sentiments moraux, Smith indique que l’homme est animé par son intérêt mais qu’il a tendance à se mettre à la place de l’autre. Il a un désir inné d’améliorer sa situation, sa condition. Il calcule son intérêt mais il cherche également l’approbation d’autrui.

5Suite aux œuvres de Hobbes et de Locke, les classiques ont adopté le principe de l’utilité que l’on peut reprendre pour situer les logiques d’action de l’homo economicus, rouage essentiel du management. Ce dernier agit toujours pour se procurer un plaisir et éviter une douleur ! Bentham fait de l’action humaine la conséquence d’un calcul coût/avantage destiné à procurer à son auteur le maximum de satisfaction pour un effort donné. Pour Smith, il faut être égoïste et individualiste car les égoïsmes profitent à la collectivité. Le couple intérêt et utilité domine nos modalités d’actions managériales. Selon Marcuse (L’homme unidimensionnel, 1968), nous sommes dans l’ère de la pensée unique qui tue toute possibilité de divergence. La pensée positive s’identifie à la pensée unidimensionnelle qui marque le management. Pour Heidegger, la plupart des hommes se cachent à eux-mêmes la vérité suivante : ils sont mortels et biodégradables. L’idée de l’au-delà a le grand avantage de proposer une option d’immortalité : c’est un peu notre joker métaphysique. Se laisser absorber par la quotidienneté de l’existence et la course au profit est une autre façon de détourner les yeux face à l’échéance suprême. Mais l’homme authentique, toujours selon Heidegger, est celui qui ose regarder sa propre mort en face, qui ose même l’anticiper.

6Chez Merleau-Ponty comme chez Heidegger, la technique est à la fois le péril et ce qui nous sauve ! L’homo economicus devient numericus. Il est un cyborg avec une identité virtuelle. Le management est devenu un instrument au service de la production et la consommation. Or, une société qui définit le bien comme la satisfaction maximale du plus grand nombre de gens par la plus grande consommation de biens et de services mutile l’autonomie de la personne. Mais comment en vouloir au management ? Est-il le seul responsable ? Bien évidemment non, il permet de répondre à nos besoins. Nous voulons la marchandise car nous sommes dressés dès notre enfance à la vouloir. Il suffit de visiter une école maternelle pour le constater. L’accumulation de marchandises s’appuie sur l’effet de démonstration. Reprenons Schumpeter (Histoire de l’analyse économique, 1954) « Le système est certes cruel, injuste, turbulent, mais il fournit la marchandise, et cessez de rouspéter puisque c’est cette marchandise que vous voulez ». Schumpeter avait raison, mais la production de richesse ne peut pas être infinie ! Il est très difficile d’imaginer que notre planète puisse supporter huit milliards d’homo economicus tous vivant pour la croissance maximale ! Comment est né cet état d’esprit ?

Un management abreuvé par le protestantisme

7N’oublions pas que l’Église, jusqu’au XVIe siècle, est le plus gros propriétaire terrien de toute l’Europe, le plus gros investisseur, le plus grand bâtisseur… et surtout qu’elle est une grande puissance d’inhibition. L’Église a jeté à diverses reprises l’anathème sur les mouchoirs, le lin, le rire. Plus terrible fut sa condamnation du prêt d’argent. « On ne peut être à la fois négociant et bon chrétien », « prêtez sans rien attendre en retour ». Le prêt d’argent, désigné du nom d’usure est interdit : le commerce de l’argent ne doit pas créer des richesses. Pour le pape Léon, « l’intérêt de l’argent, c’est la mort de l’âme ». La Torah, l’Évangile et le Coran condamnent également le prêt. Dans la Torah, il est interdit au peuple élu de pratiquer le prêt à intérêt entre juifs, pour ne l’autoriser qu’avec des étrangers. Dans le prolongement de Luther, Calvin est le premier à réinterpréter la Bible. Pour Calvin, l’emploi d’un capital a un prix. Le prêt d’argent est un service rendu, une peine méritant salaire. L’argent n’est pas stérile. Dans La Lettre sur l’usure (1545), Calvin rappelle que « l’argent n’est pas seulement un moyen d’échange… c’est également un moyen d’entreprise, une condition de développement… ». Calvin s’est élevé contre les scrupules de conscience qui inhibent l’activité extérieure. Dans le champ de l’économie, Calvin refuse la frilosité. Le mot d’ordre est de faire fructifier tous les dons de Dieu. Calvin a donc fait subir à la mentalité économique de son temps un déplacement spectaculaire en passant du partage des richesses à la création des richesses, et en extirpant les questions économiques de la sphère théologique. La culture du dissentiment basée sur le désaccord marque l’exigence de suivre sa conscience et sa raison personnelle. Par le dissentiment, la sphère religieuse est interrogée et progressivement elle se sécularise. Auparavant, l’Europe partageait une culture du consentement (conformisme de la foi, soumission à la hiérarchie…). N’oublions pas le cri de Luther, « j’étais saint, je ne tuais personne, si ce n’était moi-même » qui marque les débuts de la Réforme au XVIe siècle et qui culminera au XVIIe siècle. Les protestants se sont ainsi séparés du catholicisme. Mais pourquoi ont-ils inventé l’esprit du capitalisme ? Ils se sont jetés dans les affaires car ils étaient une minorité persécutée. Ils n’avaient pas d’autres moyens pour subsister. Ils ont révolutionné le circuit économique comme ils ont révolutionné la foi. Chacun doit se prendre en charge, accumuler les mérites et ne compter que sur ses propres prières.

Le management et le mal de l’infini

8La doxa managériale est donc influencée par trois sources : le protestantisme, le rationalisme et le matérialisme. En religion, le protestantisme valorisa le libre examen. Dans le domaine philosophique, le rationalisme et le matérialisme stipulent que la raison est supérieure pour comprendre les évènements, les faits par des relations causales. La dimension intuitive est combattue. Au nom de la science et du rationalisme, les modernes prétendent exclure tout mystère du monde. Le rationalisme remonte à Descartes (1637), et il est à noter qu’il se trouve ainsi, dès son origine, associé directement à l’idée d’une physique mécaniste. L’esprit capitaliste a tendance à tout réduire au seul point de vue quantitatif. Il s’agit du règne de la quantité. Pour Guénon (Orient et Occident, 1924), après avoir fermé le monde corporel aussi complètement que possible, il fallait, tout en ne permettant le rétablissement d’aucune communication avec les domaines supérieurs, le rouvrir par le bas, afin d’y faire pénétrer les forces du domaine subtil inférieur (désirs, caprices…) qui poussent à la consommation et à la marchandisation. Le désenchantement du monde laisse l’individu en proie à ses désirs, agité de passions qu’il ne peut satisfaire et l’incite à vouloir l’impossible. Pour Durkheim, il a le mal de l’infini et est en perpétuel tourment. Or, aujourd’hui, la croyance à un progrès indéfini, qui était tenue naguère encore pour une sorte de dogme intangible, n’est plus aussi généralement admise. L’absence de guerre sur le sol américain, le système de Bretton Woods, ont trop longtemps laissé croire que le succès de firmes américaines était dû à leur supériorité managériale. Or, l’économie-management anglo-américaine vit sur l’exploitation des presque trois continents et demi !

9Certains entrevoient que le capitalisme financier et le modèle de management dominant pourraient bien arriver un jour à un point d’arrêt, ou même sombrer en menaçant de tout submerger et d’entraîner l’humanité entière dans le tourbillon de son activité désordonnée. Face à ces constats assez pessimistes, combattre la scission entre l’Occident et l’Orient peut être une alternative. En effet, depuis l’effondrement du bloc soviétique en 1989 et ce que Fukuyama qualifie de « fin de l’histoire », un processus de globalisation a débuté, partant des sociétés occidentales « rationnelles » pour s’étendre aux sociétés dites « traditionnelles ». Ce phénomène est accompagné d’un discours souvent narcissique, ethnocentré et messianique, selon lequel les sociétés traditionnelles devraient se moderniser afin de sortir des structures précapitalistes, familiales, claniques et/ou religieuses. Ne pas imiter les sociétés occidentales reviendrait à demeurer enfermé dans l’irrationalité, voire basculer dans les ténèbres. Ce grand axiome dogmatique est un trompe-l’œil sans prise sur les complexités de la compréhension et l’évolution du monde. Il participe grandement à l’élaboration et la consolidation de ce que Corm appelle la fracture imaginaire entre Orient et Occident. Dans cette configuration, l’Orient serait mystique, irrationnel, violent alors que l’Occident serait rationnel, laïc, technicien et démocrate.

10La vérité est qu’il y eut toujours des civilisations diverses et multiples, dont chacune s’est développée d’une façon qui lui était propre. Mais distinction ne veut pas dire opposition. Il faut une entente entre les deux sphères, car ce rapprochement peut être vraiment profond et efficace pour le management. Le management dominant a besoin d’être défendu, mais uniquement contre lui-même et contre ses propres tendances… C’est donc la reconstruction du management qu’il faudrait développer, et cette dernière aurait pour conséquence un rapprochement avec l’Orient, car l’Occident jusqu’ici hégémonique doit accepter de partager le pouvoir avec les ré-émergents [2].

11Il s’agit de la fin des deux siècles et demi d’une domination absolue exercée par l’Europe puis les États-Unis sur le monde. Pendant la quasi-totalité du siècle dernier, Washington a dominé l’économie, la politique, la science et la culture mondiale. Ces vingt dernières années, cette domination a été sans partage. Le monde était perçu avec les yeux de la BBC, de CNN. On le comprenait grâce au Times, à Newsweek. Désormais, avec le retour de l’Orient et l’ascension des autres [3] (Japon, Chine, Inde), de nombreuses visions du monde émergent. Au cours des prochaines décennies, trois des quatre premières économies mondiales (le Japon, la Chine et l’Inde) ne seront pas occidentales (Zakaria, Le monde post-américain, 2009). Tout le monde prend part au jeu. Les données ont changé, remettant en cause les anciens schémas. Il en est de même pour le management anglo-saxon que nous devons cesser de faire passer comme l’unique, le seul, le vrai. C’est un subterfuge qui est renforcé par le réflexe de nombreux chercheurs et théoriciens à accompagner systématiquement la diversité des pratiques du management par des adjectifs régionaux, folkloriques !

12Ce que l’Orient et l’Extrême-Orient réussissent mieux doit être connu, non pour être calqué sans discernement, mais pour être compris dans ses fondements ! Il s’agit donc de penser le remodelage du management à partir de l’éthos méditerranéen : comprendre comment jouer au management autrement, en épousant l’avenir sans divorcer du passé.

Le remodelage du management à partir de la Méditerranée

13La Méditerranée est perçue depuis des siècles comme la frontière entre deux civilisations et deux mondes : l’Occident européen et chrétien et l’Orient arabo-musulman. Pendant des siècles, les perceptions réciproques des sociétés qui se sont développées sur ses deux rives ont été caractérisées par un sentiment d’altérité, développé et exprimé par l’intermédiaire des « visions » réciproques. Ce sentiment, qui n’a pas empêché l’existence de contacts multiples et continus – commerciaux, politiques, culturels, ces derniers réservés principalement aux élites – n’en a pas pour autant disparu, se transformant et se réélaborant tout au plus grâce à ces mêmes contacts, selon Pacini. Ces rencontres peuvent devenir salutaires au management dominant, en lui redonnant un visage humain. Dans cette perspective, La Méditerranée en tant que concept a besoin d’être déconstruite afin d’éviter les pièges du virtuel et du discours essentialiste.

La Méditerranée : occident gréco-latin et orient sémitique

14De Tanger à Istanbul, de Marseille à Alexandrie, de Naples à Barcelone, quelles sont les différentes strates qui ont façonné et qui façonnent encore les représentations de la Méditerranée ? La Méditerranée a d’abord été portée par la France à travers une vision politique, militaire, commerciale et aussi autour de la notion de civilisation. Bonaparte invente pour l’expédition d’Égypte l’idée de mission civilisatrice, l’entreprise militaire et commerciale se parant d’attributs culturels et intellectuels. Les Saint Simoniens s’inscrivent dans le sillage de l’expédition de Bonaparte en Égypte : ils font le voyage en Orient et donnent forme à un système de la Méditerranée basé sur la rencontre entre l’Orient et l’Occident. Selon Chevallier, la Méditerranée doit devenir le lit nuptial de l’Orient et l’Occident. Pour les pays de la rive nord, l’hétérogénéité des représentations est la règle. Les peuples européens se sont saisis du concept de Méditerranée selon leur histoire propre et les nécessités du moment, comme le démontrent Moisseron et Manar. Mare Nostrum n’était que la mer des Romains !

15Le thème de la Mare Nostrum a été naturellement exploité par l’Italie fasciste qui s’appuyait sur le mythe romain pour se structurer. Le Sud de l’Italie fut longtemps délaissé pour le Nord, censé marquer l’ancrage à l’Europe. L’Espagne s’est construite dans la Reconquista, dans l’opposition au monde arabe. Pour les Grecs, la Méditerranée est le lieu des conflits avec l’ennemi ottoman. Pour les pays du Sud, les représentations sont marquées par leurs histoires propres. Pour la Turquie, la mer symbolise la décadence de l’empire ottoman. Les peuples des pays du Maghreb et du Machreq se considèrent comme arabes et musulmans. Le concept de Méditerranée peut trouver une pertinence auprès des élites du monde arabe.

16Ces dynamiques ont alimenté l’imaginaire qui est un monde intermédiaire entre discours factuels et discours fictionnels (Deleuze). Entre histoire et fiction, la Méditerranée est devenue une représentation trop souvent considérée à partir de son substrat latin ! Or, parler de Méditerranée latine revient souvent à reléguer la rive Sud (l’Orient et l’islam) aux marges de la civilisation. Méditerranée de la rive sud signifie trop souvent sous-développement, résistance à la modernisation, clanisme amoral, clientélisme, mafia, illégalité systématique, incapacité de développement. C’est un marais plein de conflits, de terroristes, de superstitions, de fondamentalisme. La fuite est l’unique thérapie. Les Arabes restent l’autre, l’ennemi, l’éternel empêcheur de tourner en rond. Chaque partie est l’incroyant de l’autre. L’un des mythes les plus troublants de l’Occident tient à établir une franche distinction entre les valeurs de la civilisation judéo-chrétienne et celles de l’Orient en général et de l’islam en particulier.

17Or, l’islam a les mêmes origines que le judaïsme et le christianisme. Il partage non seulement son origine, mais aussi bon nombre de ses valeurs. Difficile d’imaginer penser une Méditerranée avec cet Orient dévalorisé et voué à l’infériorité. Pour Camus, la Méditerranée est diffuse et turbulente. L’Afrique du Nord est un des seuls espaces où l’Orient et l’Occident cohabitent. Dans Le Sel de la Mer, Gabriel Audisio rappelle que la Méditerranée a deux bassins : l’oriental et l’occidental, la mer du couchant et la mer du levant. Deux pôles géographiques, deux pôles spirituels. Mais un courant peut s’établir et circuler entre les deux pôles. Le rôle de la mer fut toujours non pas de séparer mais de joindre. Audisio refuse de réduire la Méditerranée au génie latin ! Pour lui, la civilisation méditerranéenne englobe la Grèce, l’Égypte, Carthage, le Christ, l’islam… La Méditerranée ne doit pas refuser l’Orient sémitique ! Pourquoi séparer monde gréco-latin et monde sémitique ? Ici, il ne s’agit de faire l’apologie ni de l’une ni de l’autre, mais plutôt de dépasser et transcender les différences pour former une nouvelle approche du management qui sortirait du mythe de la rationalité et de la mission civilisatrice du manager qui doit sauver l’humanité par la création de richesses, car il détient la vérité face à l’égarement et la déshérence.

La métamorphose : au-delà de la démarcation

18Montesquieu opposait le génie de la liberté européen à l’esprit de servitude oriental. Weber considérait l’Europe comme un ensemble doté de spécificités telles que la rationalité et l’éthique économique alors qu’en Orient les systèmes de caste et de parenté autant que la morale religieuse paralysaient cet essor. Cette vision a été le cadre d’analyse de nombreux sociologues, historiens, économistes. Ils ont fondé leurs réflexions et travaux en s’appuyant sur des lignes qui marquent les différences entre les diverses parties du monde. Les caractères socioculturels servant souvent de démarcation, alimentent ainsi le binarisme. En effet, il y a toujours des sociétés modernes et traditionnelles, des pratiques managériales avancées et archaïques. Or ces lignes laissent échapper l’héritage commun et ont contribué à qualifier de « primitifs » les ensembles orientaux. Cette division binaire exige d’être réexaminée avec soin car ce type de grille ne correspond pas systématiquement aux contextes actuels. Les situations, les individus, les sociétés entières glissent souvent d’une catégorie vers une autre en s’entremêlant.

19Rappelons qu’Evans-Pritchard (Witchcraft, oracles and magic among the Azande, 1937) a montré que l’Occident ne détenait pas seul le privilège de la rationalité. Trop souvent, de nombreux spécialistes s’interrogent directement et indirectement sur les compétences managériales des pays de la rive sud : sont-ils capables d’accéder à notre développement ? Cela sous-entend qu’il s’agit de cultures sous-développées pour de grands enfants. Il s’agit d’un portrait grotesquement travesti, une représentation stéréotypée visant le plus souvent à le maintenir dans un état absolu d’infantilisation et donc de soumission. Cela correspond le plus souvent à une manière de déguiser un désir de puissance. Tradition et liberté ne sont pas incompatibles : avec les « printemps arabes », des peuples ont défié la répression enveloppée dans les drapeaux de leur nation. Ils ont affiché leur enracinement national et leur ouverture d’esprit universaliste. Les valeurs proclamées n’appartiennent ni à l’Occident ni à l’Orient, elles sont universelles. Alors, comment a-t-on pu enfermer des peuples dans l’identitarisme et l’archaïsme ?

20Rapprocher le management des sources de l’Orient via la Méditerranée peut permettre de concilier techniques et discernement. Le management doit accepter de mettre en commun les différences entre l’Occident et l’Orient, sans chercher à les gommer. Il doit également mettre en commun les ressemblances qu’on évite trop souvent de mettre en évidence. Faut-il rappeler que les sociétés orientales n’ont jamais exclu les activités commerciales et que de nouveaux systèmes de production y sont apparus (Malaisie, Chine, Japon, Inde…) ? Le développement n’est empêché ni par les systèmes de valeurs, ni par une pseudo-absence d’éthique et de rationalité économique. Il n’est, à vrai dire, pas empêché du tout. Ce ne sont pas des sociétés statiques incapables de modernité. Faut-il rappeler le caractère temporaire des avancées aussi bien occidentales qu’orientales ? Goody indique, à juste titre, qu’aucune région ne peut être considérée comme responsable à elle seule de la naissance de la société moderne. S’il existe des différences d’intensité, il n’y a jamais de séparation nette entre sociétés données. L’Orient ne manque pas de rationalité économique au sens wébérien ! Il diffère simplement dans son développement et ses formes d’application.

21Bien évidemment, il est essentiel de ne pas confondre passéisme avec esprit d’authenticité. Car l’Orient accepte les machines, les produits et la consommation d’Occident. Mais il a des réticences dans ce que l’Occident considère comme leurs préalables – la critique, la sécularisation – que beaucoup de théologiens tiennent pour incompatibles avec les fondements du religieux. Le grand problème de l’Orient d’aujourd’hui, c’est donc le divorce, qui pourrait s’aggraver, entre les positions de la doctrine et la marche effective du monde, voire du monde musulman lui-même. L’Orient a tourné ses regards vers Dieu, mais n’a pas vu le monde. L’Occident a pénétré le monde matériel et a fui Dieu. Iqbal propose de reconstruire l’islam non pas pour se débarrasser de ses principes fondamentaux, mais plutôt pour les raviver en remplaçant le dogmatisme par une approche rationnelle critique. Il s’agit de regarder les idées fondamentales de l’islam à la lumière des réussites modernes de la science contemporaine sur la nature, le temps, l’esprit, la conscience…

22Iqbal utilise le terme de reconstruction plutôt que celui de réforme. Un tel choix n’est pas un hasard. Iqbal estime que la Réforme a provoqué une perte des valeurs essentielles de la chrétienté. Il ne souhaite pas que ce processus se reproduise avec l’islam, mais pour lui, le monde doit être construit et reconstruit à travers une action permanente. Iqbal insiste sur le fait que la modernité ne peut être un contenu à imiter. Ce refus concerne également les imitations d’une tradition et de modèles extérieurs. La modernité n’est pas une norme à laquelle il faut se conformer mais plutôt un miroir tendu à une société. Il s’agit de faire mouvement avec les diverses avancées et d’aller ainsi contre l’usage statique de la pensée, l’entêtement rétrospectif et la crispation dogmatique. La sphère des valeurs ne doit pas mourir, elle doit seulement vivre. Un « pas » doit être fait par l’Occident pour aller à la « rencontre » de l’Orient afin de reconnaître son droit d’adhésion aux valeurs universelles qui sont en accord avec ses références culturelles. La seconde démarche suppose un « pas » venant de l’Orient pour « venir à la rencontre » de l’Occident, et grâce auquel il devra repenser ses références et ses sphères de valeurs dans un monde en changement permanent.

Que peut puiser le management dans l’éthos méditerranéen ?

23L’entreprise capitaliste managériale ainsi que son modèle de management repose essentiellement sur la notion de performance et l’idée d’infini. Infini du monde et excès de soi dans le culte de l’urgence et d’un toujours plus, toujours plus vite et toujours parfait (Aubert, Le culte de l’urgence. La société malade du temps, 2003). L’ouvrage de Peters et Waterman, Le prix de l’excellence, présente ces impératifs. Être bon ne suffit plus. Il faut être le meilleur ! Or, nombreuses sont les personnes qui ne parviennent plus à suivre le rythme ! Elles se retrouvent vidées physiquement et mentalement, consumées par cet immense don de soi. Aubert parle de combustion de soi dont les principaux indicateurs sont l’augmentation des demandes de réduction de souffrances, de cadences et la hausse des besoins de dialogue, de solidarités. Or, l’éthos méditerranéen semble répondre à ces nouvelles attentes. Les caractéristiques de l’éthos méditerranéen reposent sur certains principes et valeurs dont notamment l’usage de la parole, la conversation et surtout l’enracinement qui permet de ne pas dépasser les bornes de l’humain ! L’éthos méditerranéen peut permettre de trouver ce que les musiciens appellent le tempo giusto, la bonne cadence, en allant vite lorsque notre activité l’exige et en se ménageant des pauses (Honoré).

Economicus et reciprocus

24L’homo economicus est guidé par la loi de l’intérêt et une mentalité de marchand. Dans l’homo reciprocus, on gagne à condition de ne pas adopter le schéma de l’intérêt individuel, de ne pas calculer. Le don « fabrique » du rapport social. Le don a une force socialisante qui repose sur sa capacité à dompter la force dé-socialisante de l’intérêt. En Méditerrannée, l’échange vise l’intérêt mais également la relation que l’échange implique. Il y a autant de réciprocité, d’affectivité et de reconnaissance que de calcul. Il est impossible de s’en tenir à un rapport strictement comptable et stratégique. Les échanges entre les hommes ont d’autant plus de valeur qu’ils se rapportent à d’autres intérêts (sociaux, écologiques…). Ils considèrent les intérêts en jeu mais ils s’adressent également, directement ou à demi-mot, à l’humanité des protagonistes. La transaction n’est pas organisée uniquement par une rationalité instrumentale. Il s’agit donc d’une transaction spécifique car elle est enveloppée dans une relation sociétale. L’individu n’est pas atomisé, mais plutôt sociétalisé au sens donné par Charles Taylor pour qui chaque individu est social en essence. Taylor se situe dans le prolongement de la doctrine aristotélicienne de l’homme comme animal social et politique, non autarcique. Les individus ne développent leurs capacités proprement humaines qu’en société, car elle est la seule à leur fournir les conditions du développement de la rationalité et de la moralité.

La parole non confisquée

25En Méditerranée, les pratiques managériales reposent généralement sur un vaste réseau de communication informelle qui permet d’échanger, de toucher le réel au plus près, de résoudre des problèmes de façon très spontanée et en temps réel. La parole trouve un espace où s’exercer alors que dans les configurations organisationnelles du modèle managérial canonique, elle est téléguidée voire confisquée. La doxa managériale anglo-saxonne favorise très souvent l’absence de dialogue qui marque une accentuation de la chosification de l’homme et des relations entre hommes. Il s’agit surtout d’un simulacre de « dialogue » souvent imposé par la hiérarchie. Nombreux sont les employés, les cadres qui ont la conviction qu’il ne sert à rien de dire ce que l’on pense car ils ne sont pas écoutés. Dans l’éthos méditerranéen, les notions d’échange, d’interaction sont essentielles. « Parler » et « se parler » sont considérés comme des facteurs essentiels d’un climat social de qualité. Les peuples de la Méditerranée s’interpellent et se consultent. Chez les musulmans, on rejoint ici une des déclinaisons du principe de choura que l’on peut traduire par « (principe de) consultation ». Au sein des entreprises, les Méditerranéens privilégient les informations qu’ils obtiennent par contact personnel plus que par voie formalisée. L’échange humain n’est pas un système d’échange de signaux neutres entre émetteurs et récepteurs neutres aussi.

L’enracinement dynamique

26Les notions de local et de global sont repensées dans le cadre d’un processus en mouvement au lieu d’être considérées comme des entités figées. Le problème pour les dirigeants et les collaborateurs n’est pas de demeurer enracinés, ni même de participer à un monde du mouvant, mais plutôt de faire la jonction entre ces deux dimensions, de gérer la rencontre du « rationnel » et du « merveilleux » où prévaut le sacré. Face à la globalisation du monde, s’exprime un retour au local. Il y a un glissement du nomadisme vers la sédentarité, qui correspond au besoin d’un territoire solide dans lequel s’enraciner. Heidegger évoquait un « pas en arrière » pour qualifier ce retour aux racines et aux fondations. Nietzsche utilisait l’image du « cercle du temps » pour exprimer l’éternel retour. Maffesoli propose l’image de « la spirale » pour définir le retour aux racines que l’on avait cru dépassé. Un retour qui rappelle que nous sommes tributaires de ce qui a été avant.

27Toutefois, cet enracinement se doit d’être dynamique afin de lutter contre les habitudes sclérosantes et la perte de l’élan constructif. L’enracinement dynamique permet aux hommes de rester ouverts et de se nourrir d’éléments nouveaux. Exister, c’est sortir de soi. L’enracinement ne doit pas être un enfermement mortifère. L’être humain est issu d’un lieu, il crée à partir de ce lieu des liens et des références. Pour donner du sens, il est fondamental que ce substrat soit interrogé voir transgressé. Il s’agit d’une ambivalence complémentaire entre le statique et le dynamique. Le territoire, le local, les racines doivent servir de base et non pas devenir des prisons. La Méditerranée symbolise parfaitement cet enracinement dynamique. Elle est à la fois « pont » et « porte ». Le pont permet à partir d’un lieu d’être relié au reste du monde et à la mondialisation. La porte correspond au besoin de se séparer parfois de ce monde pour se retrouver chez soi.

28La Méditerranée témoigne de ce rituel du passage entre la fermeture et l’ouverture, la sédentarité et le nomadisme, le mouvement et la stabilité.

L’innovation prudentielle : préserver l’essence et stimuler le progrès

29En Méditerranée, le tissu productif est essentiellement composé de petites entreprises (PE) qui s’adaptent en permanence à un environnement changeant. Cela requiert une créativité permanente qu’elles ne cherchent pas forcément à valoriser ni à formaliser. Les PE ont une démarche souvent intuitive basée sur leur expérience et la relation de proximité entretenue avec la clientèle. Ces entreprises doivent atteindre la pérennité par le biais de capacités d’innovation spécifiques dont notamment le maintien de la stabilité interne des valeurs et de la culture. Il s’agit d’innovation prudentielle qui correspond à la capacité à se renouveler sans trop s’éloigner des compétences et des valeurs partagées au sein et par l’entreprise (Miller et Le Breton-Miller, 2006 ; Ben Mahmoud-Jouini et Ali, 2010). Il faut préserver l’essence et stimuler le progrès. Cet équilibre entre changement et continuité est au cœur des processus de nombreuses entreprises enracinées sur les territoires de la Méditerranée.

Le rendez-vous des civilisations : lumières sur lumières (nouroun ala nour)

30Les civilisations sont diverses et multiples. Mais encore une fois, distinction ne veut pas dire opposition. Aucun peuple n’a le monopole de la beauté, de la science, du progrès ou de l’intelligence. Il faut refuser la construction des hiérarchies, l’impérialisme intellectuel et culturel. Évitons les dérives de l’excès de culture ou de perversion de la culture. Les sphères des valeurs ne sont point désincarnées, elles sont véhiculées par des hommes mus par toutes sortes d’intérêts et vivant dans des contextes historiques déterminés.

31Le système cherche toujours à créer un radicalisme pour alimenter les perceptions. La perversion de l’intellect conditionne l’interprétation de soi et de l’autre, un soi victimisé et un autre diabolisé. Dans ce schéma, les possibilités proposées sont l’acceptation de se fondre dans l’idéologie du dominant ou l’emprisonnement dans les chaînes de refus de l’altérité. Les deux sont source de panne et d’aliénation. Il faut donc émerger et s’affirmer comme des forces de renouveau et de proposition ! Il faut réveiller l’activité de l’esprit endormi.

32La Méditerranée, carrefour des civilisations, peut jouer un rôle dans ce réveil. Il est difficile d’affirmer la supériorité de la raison sur toute autre forme de pensée ou de croyance. Il est préférable de parler de lumières sur lumières (nouroun ala nour), entendu comme éclaircissement mutuel des lumières de l’Orient et de l’Occident. Les Méditerranéens doivent réaliser et assumer qu’ils ont à présent un rôle décisif à jouer, un trésor d’expériences à transmettre pour servir de médiateurs entre les deux rives. La Méditerranée permet d’être entre la pensée rationnelle et l’intuition spirituelle. Cessons la polarisation ! La Méditerranée offre la possibilité de penser les relations entre la sphère des valeurs et les aspirations vers la liberté. N’oublions pas que lors des printemps arabes, des centaines de milliers de femmes et d’hommes se sont mobilisés pour la démocratie ! Cela devrait être suffisant pour briser des stéréotypes éculés et des préjugés tenaces ! Nous devons apprendre, contribuer et proposer sans penser qu’il y a un maître et un élève. Il est impératif de se libérer des carcans intellectuels et des faux clivages qui empêchent d’explorer ensemble de nouvelles voies, de nouveaux horizons. Ayons une capacité de transformation et non plus d’adaptation.

Conclusion

33À travers une synthèse des soubassements philosophiques et économiques du management, la démonstration que l’homme n’a pas été de tout temps individualiste, égoïste, maximaliste et préoccupé de ses seuls intérêts personnels immédiats, émerge. Nous pouvons même affirmer que cette vision a été fabriquée. Or, depuis de nombreuses années, plusieurs voix s’élèvent contre le trop grand nombre d’erreurs commises dans la conduite des affaires économiques mondiales. Ces voix dénoncent l’emprisonnement du management par les chaînes de l’homo economicus, présenté comme universel, rationnel et guidé par un matérialisme individualiste obsédé de maximisation des gains. Afin de remodeler le management et réduire ses limites, nous avons traversé la Méditerranée pour croiser et entrecroiser, bien des aspects des traditions intellectuelles orientales et occidentales. Certes, la rhétorique des discours sur la Méditerranée manque singulièrement de sens pour la rive sud car trop souvent elle nie ses références culturelles. Mais ce sont les multiplications des échanges qui conduisent à ré-alimenter un creuset commun en s’appuyant sur les dynamiques sociétales et non pas sur des mythes fondateurs. La doxa managériale s’est façonnée autour de l’Occident. Elle peut désormais se régénérer en puisant dans les sphères occidentales mais aussi orientales. Cette métamorphose est un processus de transformation.

Notes

  • [1]
    Il s’agit du management dominant anglo-américain qui se veut universel.
  • [2]
    Dans le monde du début du XVIIIe siècle, les puissances étaient la Chine des Mandchous, l’Inde, la Perse et l’empire ottoman… Tous ces pays ne sont donc pas des émergents mais des ré-émergents.
  • [3]
    Expression empruntée à Fareed Zakaria (2009).
Français

L’appréhension du monde est abreuvée de recherches qui demeurent prisonnières des canons de la sociologie wébérienne, des travaux de Durkheim et des traditions anthropologiques qui figent les sociétés dans un classement binaire ou dans des idéaux-types qui ne reflètent pas la complexité des évolutions historiques et des réalités. Notre positionnement culturel et intellectuel est tout autre. Nous pensons que les notions de local et de global ont besoin d’être repensées dans le cadre d’un processus en mouvement au lieu d’être considérées comme des entités figées. Le management entendu comme l’ensemble des techniques d’organisation de ressources afin d’obtenir une performance est fortement concerné par ces métamorphoses, notamment entre les rives nord et sud de la Méditerranée. En effet, la Méditerranée est un espace de rencontre entre Nord et Sud, tradition et modernité, Occident et Orient... Notre recherche s’efforce de démontrer que la Méditerranée peut engendrer des processus de remodelage du management entre global et local.

English

Knowledge of the world is fed by research which remains imprisoned within the cannons of Weberian sociology ; work by Durkheim and anthropological traditions which fix our societies in a system of binary classification or pre-conceived ideals. These ideas do not reflect the complexity of historical evolution or reality. Our cultural and intellectual positioning is completely different. We think that the notions of local and global need to be reconsidered within the framework of a process in movement instead of as fixed entities. Extended management, like all the techniques used to organize resources in order to obtain performance, is strongly concerned by this metamorphosis, notably between the north and south sides of the Mediterranean. Indeed, the Mediterranean is the meeting place of North and South, tradition and modernity, the West and the East. Our research will try to demonstrate that the Mediterranean can lead to a remodeling of the process of management between global and local.

Soufyane Frimousse
Soufyane Frimousse est maître de conférences et directeur de recherche à l’IAE de Corse. Il est également chercheur associé à l’ESSEC Business School.
Mis en ligne sur Cairn.info le 09/03/2016
https://doi.org/10.3917/geoec.078.0091
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