CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Toute inscription au patrimoine culturel immatériel de l’humanité (PCI), comporte des enjeux, multiples et différenciés selon qu’elle figure sur la liste de sauvegarde urgente (LSU) ou sur la liste représentative (LR). [1] Ces enjeux relèvent autant de la sauvegarde des cultures menacées par la mondialisation que du prestige symbolique des États, alors même que les usages de la Convention de 2003 ont aussi démontré la force des enjeux politiques qui y étaient attachés. Mais les enjeux plus particuliers que j’évoquerai ici, bien que liés à tous ces aspects, concernent ceux qui relèvent des impacts de la diversité culturelle sur l’économie des patrimoines culturels immatériels, et plus particulièrement sur celle des patrimoines alimentaires. [2]

2La dimension économique des patrimoines culturels se situe aujourd’hui au centre de certaines réflexions sur le développement et la croissance. Elle est clairement mentionnée dans les directives opérationnelles pour la mise en œuvre de la Convention pour la sauvegarde du PCI, publiées en 2008. Un des points concerne les activités commerciales qui « peuvent émerger » de certaines formes de PCI à travers le commerce de biens et de services culturels. Si ces directives pointent les « précautions particulières » à prendre pour « éviter un détournement commercial » des inscriptions – formule que nous pouvons interpréter comme référant à un usage mercantile dont ne bénéficieraient que des intérêts financiers privés, les aspects positifs de la valorisation économique sont soulignés en termes d’amélioration du niveau de vie des communautés détentrices, de développement local et durable, de cohésion sociale (art.116 et 117). Aussi, chaque inscription au PCI est-elle, dans la perspective de la viabilité de l’élément concerné, assortie de mesures de sauvegarde, que nous ne pouvons appréhender qu’à travers le dispositif relatif à la diversité culturelle, dans l’architecture duquel la Convention de 2003 s’intègre.

Diversité culturelle et économie de la culture immatérielle

3Au-delà des instruments relatifs aux droits de l’homme, la Convention renvoie en effet, dans son Préambule, aux instruments de défense de la diversité culturelle, à savoir la Recommandation sur la sauvegarde de la culture traditionnelle et populaire de 1989, la Déclaration universelle sur la diversité culturelle de 2001 et la Déclaration d’Istanbul de 2002.

4Outil de rééquilibrage des effets de la Convention de 1972 dont le bénéfice a surtout été tiré par les pays du Nord, la Convention de 2003 a constitué l’aboutissement de réflexions menées depuis les années 1970 par l’Unesco, sur la fonction et les valeurs des expressions, traditions et pratiques culturelles vivantes, menacées par les risques d’uniformisation culturelle générés par la mondialisation et par l’impact grandissant des cultures puissamment industrialisées sur les autres cultures.

La déclaration de Mexico, départ historique

5Dans ce registre, le premier document international qui a été finalisé et qui mènera à une normalisation est la Déclaration de Mexico de 1982 sur les politiques culturelles. En référence à la Déclaration de 1948 et aux Pactes de 1966, elle affirme que le droit des peuples à disposer librement d’eux mêmes se manifeste également dans le secteur culturel dont les productions relèvent des identités culturelles, et que le droit à la libre affirmation des identités culturelles contribue non seulement à la libération des peuples mais encore à leur développement économique. Elle affirme aussi qu’« identité culturelle et diversité culturelle sont indissociables ». À ces titres, elle incite les États à édicter des politiques de nature à protéger, encourager et enrichir l’identité et le patrimoine culturels de chaque peuple ; et souligne, ici, le rôle fondamental qui revient aux industries culturelles dans la diffusion des biens culturels, et l’importance qu’il y a à favoriser leur implantation et leur essor par des appuis réglementaires et financiers, et par des programmes d’aide bilatérale pouvant bénéficier aux cultures les moins connues et les plus menacées.

6Cette Déclaration qui reconnaît des significations nouvelles et suggère des droits nouveaux au secteur culturel, acte, dans le même temps, un élargissement et une anthropologisation des territoires de la culture : elle précise ainsi que la culture « peut aujourd’hui être considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances (…) ». Elle élargit, de ce fait, les territoires du patrimoine culturel « aux créations anonymes, surgies de l’âme populaire, et à l’ensemble des valeurs qui donnent un sens à la vie ».

7La Recommandation de 1989 sur la Sauvegarde de la culture traditionnelle et populaire, à laquelle la Convention de 2003 fait aussi référence, s’appuie sur ces définitions et ouvre, sous un angle non normatif, les perspectives de la protection du patrimoine de l’humanité, à « la culture traditionnelle et populaire ». Cette culture diffuse, vivante et grandement menacée par la mondialisation, comprend « entre autres (souligné par l’auteur), la langue, la littérature, la musique, la danse, les jeux, la mythologie, les rites, les coutumes, l’artisanat, l’architecture et d’autres arts ». Cette Recommandation aboutira à une première action opérationnelle avec la mise en place, en 2001, du programme de la Proclamation des Chefs d’œuvre du patrimoine oral et immatériel.

La marchandise culturelle : une exception dans la libéralisation des échanges

8Alors que s’élaboraient ces instruments, un débat s’engageait parallèlement dans le cadre des négociations conduites au sein de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC), sur la libéralisation des échanges commerciaux, voulue par les États-Unis, et leurs conséquences sur le secteur culturel. Si toutes les parties s’accordaient à reconnaitre aux biens et services culturels une valeur marchande et une inscription dans les circuits commerciaux, certains pays, comme la France ou le Canada, y voyaient « une marchandise pas comme les autres », parce que porteuse de valeurs et de symboles touchant à l’identité des peuples (et des nations). Ils appelaient, de ce fait, à ce que les marchandises culturelles puissent bénéficier d’une « exception » aux règles du libéralisme, c’est à dire d’un soutien accordé par les États aux industries culturelles, et ce, dans le cadre de politiques culturelles. D’autres pays comme, les États-Unis, y voyaient « une marchandise comme les autres », et dénonçaient toutes mesures publiques de protection et de promotion nationale des industries culturelles, comme des formes contrevenant aux règles et au droit du commerce international. Les accords du GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) des années 1993-1994 avaient ainsi aboutit à « l’exception culturelle » qui concernait les domaines de la production littéraire, artistique et surtout audiovisuelle, soumis aux droits d’auteur, de création et de propriété intellectuelle. Or, cette réponse de l’exception culturelle s’est avérée peu efficace, notamment pour les pays en développement confrontés à la politique d’accords de libre échange bilatéraux mise en place par les États-Unis afin d’assurer une meilleure défense de leur stratégie commerciale comportant des normes de plus en plus poussées, y compris sur les biens et services culturels.

De l’exception à la diversité culturelle

9C’est dans la recherche d’une autre solution que la notion de « diversité culturelle », portée par le Canada et la France, apparaît. Elle remplace l’exception culturelle et ouvre le jeu avec les États-Unis qui ne pouvaient qu’y souscrire. Pourtant, l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) ne définira pas les services culturels qui entreront, de ce fait, dans la catégorie des marchandises communes. L’idée se fait alors de développer, hors de l’OMC, vulnérable aux pressions états-uniennes sur le respect des règles du système commercial, un instrument international sur la diversité culturelle porté par l’Unesco.

10En septembre 2000, une recommandation du Comité d’experts portant sur « le renforcement du rôle de l’Unesco en vue de promouvoir la diversité culturelle à l’heure de la mondialisation », proposait un projet de déclaration sur la diversité culturelle. Les 11 et 12 décembre, quelques jours après que l’Europe ait publié sa Déclaration sur la diversité culturelle – où il est spécifié que « les politiques culturelles qui favorisent la diversité culturelle doivent être considérées comme un complément nécessaire de la politique commerciale » –, une table ronde réunissait à Paris 116 États, autour du projet d’élaboration du plan stratégique : « 2000-2010 : diversité culturelle, les enjeux du marché ». En ouvrant les travaux, le Directeur général de l’Unesco, Koïchiro Matsuuraa, invitant au débat entre États, secteur privé et société civile, soulignait que, si « la matière première de la mondialisation est largement composée de l’immense interaction des échanges économiques entre les sociétés », ceux-ci ne devaient pas se traduire par une uniformisation et un appauvrissement culturels, ni se réduire à de simples échanges mercantiles, mais qu’ils pourraient être exploités pour servir à une meilleure connaissance réciproque entre les peuples et les cultures.

11C’est à l’issue de ces travaux qu’est notamment rédigée et adoptée, lors de la Conférence générale de novembre 2001, la « Déclaration universelle sur la diversité culturelle » qui confirme que la culture ne doit pas être considérée comme une marchandise commercialisable de même nature que les autres, et que les biens culturels, tangibles et intangibles, sont au cœur de la diversité culturelle.

12Au-delà, et sur l’insistance du Président Jacques Chirac, le processus se poursuit en faveur d’une véritable Convention qui aurait davantage d’efficacité. En 2003, l’Unesco promulgue la Convention sur la sauvegarde du PCI, un instrument de protection et de promotion de la diversité culturelle par l’inscription sur les registres du patrimoine de l’humanité. En 2005, le dispositif est complété par la promulgation de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. L’instrument, juridique et contraignant, fait consensus auprès de la communauté internationale, mais n’a pas été ratifié par les États-Unis, tout comme la Convention de 2003.

13Cette Convention de 2005 confirme deux orientations déterminantes. La première précise le rôle que jouent « les expressions culturelles » dans le développement durable des pays les plus pauvres, mais pas exclusivement, et dans les politiques de coopérations internationales menées dans le secteur de l’économie de la culture. La seconde introduit, par les effets de l’élargissement des territoires de la culture que nous avons évoqué, une protection des éléments inscrits au patrimoine de l’humanité, comme éléments de la diversité culturelle, relevant des règles de politiques culturelles propres à chaque État, et non des règles du commerce international.

Le domaine alimentaire – et gastronomique – appartient-il au secteur culturel ?

14Au delà des dispositions restrictives visant le secteur agricole dans certains accords de libre-échange, notamment européens, on perçoit, à la lumière des instruments évoqués, l’importance des enjeux qu’il y aurait à positionner le domaine alimentaire, dont la gastronomie, comme un domaine culturel et patrimonial à part entière. Mais là encore, la réponse à la question est complexe et probablement évolutive en fonction des orientations nouvelles qui pourraient être à l’avenir données aux directives opérationnelles de la Convention.

Des définitions qui comportent des marges d’interprétation

15Dans la définition qu’elles donnent des territoires élargis de la culture, ni la Déclaration de 1982, ni la Recommandation de 1989, ne mentionnent le domaine alimentaire. Aucun élément relevant de ce champ ne figure dans la liste des Chefs d’œuvre du patrimoine oral et immatériel établie entre 2001 et 2007. Cette absence pourrait, à priori, renvoyer à l’idée défendue par certains experts, de ne reconnaître au titre des cultures traditionnelles et populaires que les traditions orales, les arts du spectacle et les espaces culturels [3]. En 2005, le Mexique tente bien de faire inscrire dans ce programme un « patrimoine alimentaire », la cuisine au maïs, mais cette tentative s’est soldée par un échec dont les raisons n’ont pas été rendues publiques, la rumeur ayant évoqué le rôle joué dans cette candidature par les lobbies du maïs. La même logique préside à l’article 2 de la Convention de 2003, qui précise que le PCI se manifeste dans cinq domaines : a) les traditions et expressions orales, y compris la langue comme vecteur du PCI ; b) les arts du spectacle ; c) les pratiques sociales, rituels et événements festifs ; d) les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers ; e) les savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel.

16Toutefois, ce n’est pas parce que le domaine alimentaire ne figure pas explicitement dans ces définitions de la culture et des patrimoines culturels qu’il en est pour autant véritablement exclu. La Recommandation de 1989 précise que la culture comporte « entre autres » les domaines qu’elle cite, et la Convention de 2003 précise que le PCI se manifeste « notamment » dans les domaines qu’elle mentionne. Dans les deux cas, ces instruments laissent ouvertes des marges d’interprétation.

17De la même façon, le domaine alimentaire a été régulièrement évoqué lors des discussions relatives à la diversité culturelle. La table ronde « Culture et commerce aujourd’hui », réunie dans le cadre de l’élaboration du plan stratégique sur les enjeux du marché de la diversité culturelle, rappelle combien les biens culturels, tangibles et intangibles, sont au cœur de la diversité culturelle et l’importance qu’il y aurait à mieux les définir. La députée européenne, Catherine Lalumière, ancienne Secrétaire générale du Conseil de l’Europe et future Vice-présidence du Parlement européen, défendait la place qui devait être faite à la protection des activités industrielles ou commerciales et déclarait : « La culture est partout : dans les œuvres d’art mais aussi dans les langues, la nourriture, etc. ». Évoquant l’industrie cinématographique qui avait été à l’origine de l’exception culturelle, elle affirmait : « Deux grandes catégories sont à protéger : d’un côté des industries qui produisent des biens ou services présumés, par leur nature même, représenter une culture (…) ; de l’autre, la propriété intellectuelle et les droits d’auteur (…) » ; Elle poursuivait, visant directement les biens alimentaires, « Une troisième catégorie s’ajoute : celle des savoir-faire et produits d’origine ».

18Enfin, lorsque les États-Unis reprochaient à la Convention de 2005 de ne pas définir clairement, donc de ne pas limiter les champs couverts par la notion d’« expressions culturelles » – l’article III (3) les définit comme « les expressions qui résultent de la créativité des individus, des groupes et des sociétés, et qui ont un contenu culturel » –, et lorsqu’ils dénoncaient, à travers cette définition, des formes de protectionnisme déguisé induites sur les marchés, ils ne manquaient pas d’évoquer le secteur alimentaire. Dans l’édition du journal Le Monde qui a suivi de quelques jours la promulgation de cette Convention, l’ancien Ministre de l’agriculture du gouvernement Clinton, Dan Glickman, écrivait dans une tribune : « Tous les pays qui négocient des accords commerciaux pourront donc trouver qu’il existe toujours un point de vue culturel dans le café, la banane, le coton ou le fromage » (23 octobre 2005).

Les risques d’une dilution dans un tout culturel

19Il n’en demeure pas moins que, comme domaine culturel, le domaine alimentaire – et gastronomique – et la notion qui lui serait de ce fait reliée de patrimoine culturel alimentaire, ne sont toujours pas officiellement reconnus dans le cadre du PCI et de l’Unesco. La candidature de la gastronomie française, qui avait été revendiquée comme celle d’un « patrimoine alimentaire », avait esquissé cette question, et c’est sans doute à ce titre qu’elle avait soulevé de nombreux débats. Alors que certains experts expliquaient que les pratiques alimentaires n’entraient pas dans les cadres d’une Convention qui avait pour objectif initial de ne viser que les traditions orales, les arts du spectacle et les espaces culturels, la France, à l’issue d’une recommandation émise lors de la 3e session du comité intergouvernemental de la Convention (Istanbul, 4-8 novembre 2008), avait officiellement posé la question : « les pratiques alimentaires constituent-t-elles des patrimoines culturels immatériels ? ». Cette formulation limitait considérablement la portée de l’interrogation puisque ce n’était pas la question du domaine qui était posée.

20Une réponse avait été apportée par la réunion d’experts internationaux organisée les 4 et 5 avril 2009 à Vitré (Ille et Vilaine) par le Ministère de la Culture et de la Communication. Sans surprise, les conclusions de cette réunion, placées sous le signe de la diplomatie, ne permettaient pas de dégager de domaine culturel. Au contraire, elles actaient le fait que « les pratiques alimentaires [sont] parties intégrantes des systèmes culturels et du patrimoine culturel immatériel ». Soulignant leur dimension transversale vis à vis des domaines explicités dans la Convention, elles évacuaient de possibles candidatures « des segments isolés ». Ces conclusions n’avaient pas été reconnues officiellement par l’Unesco, mais il avait néanmoins été considéré que l’inscription de certaines pratiques alimentaires au PCI était envisageable, à condition qu’elles ne concernent pas ces segments isolés, c’est-à-dire, en réalité, des éléments dont les artéfacts ne s’incarneraient qu’à travers des produits alimentaires et ou culinaires.

21Un peu plus tard, en septembre 2012, lors d’une Décade de Cerisy consacrée au PCI, Cécile Duvelle, secrétaire de la Convention pour la sauvegarde du PCI et chef de la section du PCI à l’Unesco, avait été invitée à s’exprimer sur la question. Elle semblait clore ce débat en déclarant : « À l’Unesco, il n’y a jamais eu de doute sur le fait que les patrimoines alimentaires sont pleinement intégrés à la notion de PCI. » Elle apportait une précision qui avait pour effet de diluer la dimension alimentaire dans un tout culturel à partir duquel le domaine ne pouvait plus revendiquer aucune spécificité : « Rien n’y échappe, déclarait-t-elle, il ne peut pas y avoir de manifestation culturelle, sans, à un moment donné, une dimension alimentaire, qu’elle soit de nature commerciale ou pas d’ailleurs » [4]. À cet effet, elle réitérait l’invitation à inscrire ces patrimoines dans la transversalité des cinq domaines visés par la Convention, point de vue que j’ai pu moi même mettre en avant dans le traitement du dossier français, et qui ne fait en réalité que conforter l’inexistence d’un domaine alimentaire spécifique.

Les patrimoines culturels alimentaires, un domaine qui se construit malgré tout à l’Unesco ?

22Alors même que cette catégorie n’est pas retenue par l’organisme et que l’alimentation n’apparaît pas comme un domaine culturel spécifique, il peut sembler hasardeux d’évoquer les « patrimoines alimentaires » inscrits au PCI de l’Unesco. Toutefois, l’analyse des dossiers d’inscription justifie ce parti-pris, et nuance fortement le point de vue de l’Unesco, selon lequel il existerait une forme de tautologie entre patrimoine culturel immatériel et patrimoine alimentaire. Car nous pouvons, en réalité, distinguer deux catégories d’éléments inscrits qui réfèrent à l’alimentation.

Une existence attestée dans les registres de l’Unesco

23La première catégorie est constituée d’éléments qui comportent une préparation et/ou consommation alimentaire et/ou culinaire accompagnant un rite quel qu’il soit, mais qui ne cible pas le domaine alimentaire. Ici, la pratique alimentaire sert, par la force de l’incorporation, à sceller l’appartenance au groupe et à conférer, de ce fait, une « efficacité » au rite célébré. Ces éléments procèdent effectivement de la lecture opérée par les instances de l’Unesco.

24La seconde catégorie y échappe. Elle est composée d’éléments qui ciblent directement, quant à eux, le domaine alimentaire. Ils s’expriment à travers plusieurs entrées spécifiques : certaines relèvent de la relation que l’homme entretient avec la nature pour assurer la production de denrées – données par la nature ou par l’intervention humaine ; d’autres des procédés de transformation et de conservation des aliments, qui incluent l’acte culinaire ; d’autres encore de la répartition et la distribution des denrées ; d’autres enfin des formes de socialisation, des manières et rites d’incorporation de la nourriture qui structurent les liens, les hiérarchies, les partages, les célébrations. Nous pouvons les organiser selon la nomenclature suivante : 1) rites agraires et saisonniers qui célèbrent les produits (de l’agriculture, de la forêt, de la cueillette ou de la pêche) qui assurent la nourriture des communautés ; 2) festivals de produits locaux ; 3) savoir-faire qui procèdent à l’élaboration de produits transformés, généralement reconnus comme des spécialités locales ; 4) cuisines traditionnelles qui mettent en œuvre des produits locaux ; 5) marchés locaux où s’opèrent les transactions commerciales ; 6) formes et usages de consommation.

25Dans tous les dossiers dont les éléments relèvent des critères de caractérisation que je propose de retenir ici, et quelques soient leurs dénominations – nom d’un rite, d’un festival, d’une cérémonie, d’un savoir-faire, etc. – les produits alimentaires constituent toujours in fine, le cœur de l’élément inscrit. À ce titre, on ne peut qu’objectivement constater l’existence attestée, sur les registres du PCI de l’Unesco, de patrimoines culturels relevant du domaine alimentaire. Au delà, confirmant les craintes exprimées par Cécile Duvelle à Cerisy – « (…) On ne va pas devenir la carte de la gastronomie mondiale, ce n’est pas le but de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine immatériel » [5] –, on constate la part croissante que ces patrimoines alimentaires occupent sur les listes du PCI de l’Unesco. À ce jour, ils représentent au total 10 % (29 sur 291) des éléments inscrits. Et, si nous observons la statistique de plus près, nous constatons que leur part est passée de 3,5 % pour 2009 à 18 % pour 2015, année où ils représentent 22 % des inscriptions de la liste représentative.

Valorisations économiques et commerciales

26Les mesures de sauvegarde dont ces dossiers sont assortis permettent d’évaluer les enjeux géoéconomiques que ces inscriptions soulèvent pour le secteur alimentaire. Conformément aux directives opérationnelles, ces mesures présentent des formes de valorisation économiques qui s’affirment comme des leviers susceptibles d’assurer la viabilité de ces patrimoines à travers le développement de territoires et de productions revendiquées comme identitaires.

27Au-delà de mesures relevant de politiques éducatives dont nous ne saurions nier l’impact économique – musées, expositions, recherches et formations, médiatisation, etc. – deux séries de mesures retiennent plus particulièrement notre attention.

28La première vise à faire de l’élément inscrit un facteur d’attractivité touristique. Elle renvoie aux programmes soutenus par l’Unesco pour le développement du tourisme culturel et aux accords signés avec l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), qui évoquent, pour leur part sans réserves, les patrimoines attachés aux ressources naturelles et agricoles des territoires, susceptibles de constituer des produits touristiques et agritouristiques utiles à la durabilité du développement local.

29L’autre série de mesures vise à valoriser les productions agricoles et alimentaires reliées à l’élément inscrit. La cuisine mexicaine au maïs (LR, 2010), comme la fête du craquelin belge (LR, 2010), la diète méditerranéenne (LR, 2013), la méthode de vinification géorgienne par kvevris (LR, 2013), le washoku japonais (LR, 2013), le lavash arménien (LR, 2014), l’argan marocain (LR, 2014), pour ne citer que ces exemples, apportent, par des politiques culturelles de vitalisation des secteurs produisant des biens identitaires, une défense aux intérêts sectoriels des détenteurs de ces patrimoines. En conformité avec les instruments relatifs à la diversité culturelle, il peut s’agir d’entreprises ou de particuliers rattachés au secteur agricole, artisanal, culinaire, commercial.

30Quelques-uns de ces dossiers, font même de l’inscription un levier pour l’établissement de normes de production, voire de « marques », auxquelles l’Unesco assure une visibilité internationale. Ainsi en est-il du pain d’épices croate (LR, 2010), dont l’Unesco persiste, contre toute évidence, à proclamer la dimension non alimentaire, mais dont le plan de sauvegarde expose que l’inscription servira « à la création d’un modèle pour préserver l’authenticité des produits en pain d’épices et à la création de normes pour la promotion de ces produits et la création de la marque » ; du washoku japonais (LR, 2013) qui relance la production et le commerce de produits préparés à l’aide de techniques locales de culture et de transformation des aliments, et qui profite de la distinction Unesco pour lancer un système d’Indications géographiques et de certifications. Il en est de même du festival de cerises de Séfrou (LR,2012) qui défend la promotion de la cerise et des produits du terroir en général, du café arabe (LR, 2015) ou du café turc (LR, 2013) qui ouvre la voie à une normalisation et à la création d’une marque, et qui fait judicieusement la promotion des cafés, « en leur qualité d’espaces culturels ».

31Dès lors que ces éléments alimentaires existent sur les registres et bénéficient du statut patrimonial qui les autorise à développer des politiques culturelles – et commerciales – qui s’inscrivent dans la défense de la diversité, on peut se demander si la reconnaissance officielle d’un domaine alimentaire n’est pas, tôt ou tard, inévitable. Les formulaires de candidature émis depuis 2012 pourraient le laisser entendre, car, de façon significative, ils ont formalisé les marges d’interprétation des domaines concernés par le PCI. Aux cinq domaines de référence, a été ajouté la possibilité d’un sixième domaine, voire plus, indiqué comme « Autre(s) ». Cette modification de forme concerne en réalité le fond. Elle pourrait ouvrir la voie d’une reconnaissance d’un domaine alimentaire. Le dossier marocain concernant l’argan (LR,2014) va dans ce sens en faisant reconnaître un domaine qu’il intitule « Pratiques et modes de subsistance ».

Le repas gastronomique des Français, une inscription différente des autres ?

32Alors que, dans leur ensemble, ces éléments de patrimoines immatériels qui réfèrent au domaine alimentaire, s’inscrivent dans les orientations préconisées par les instruments relatifs à la diversité culturelle, le dossier du Repas gastronomique des Français (RGDF) y fait exception, et ce sur plusieurs points.

Des stratégies d’évitement

33Tout d’abord, la France a été le seul pays à avoir inscrit une pratique sociale dépourvue de toute référence à un artéfact, c’est à dire à une quelconque production alimentaire. Ensuite, alors que les dossiers d’inscription présentés au nom de communautés multiples, y compris professionnelles, n’ont jamais été disqualifiés par l’Unesco, la France, qui dans un premier temps avait envisagé de réunir autour du RGDF, la communauté des Français et les communautés professionnelles, a obtempéré à l’invitation faite par l’Unesco de circonscrire la communauté détentrice à la seule communauté des Français, et à en exclure les professionnels – de la restauration, des métiers de bouche, de l’agriculture et de la pêche. La raison invoquée, qui faisait référence aux visées présumées « non patrimoniales », de ces secteurs, condamnait en réalité les bénéfices financiers que l’inscription était susceptible d’apporter à ces professions [6].

34De la même façon, à l’encontre des directives opérationnelles, le dossier français n’avance aucune mesure de politique et d’économie culturelles, encore moins d’aide financière à une quelconque valorisation, touristique ou commerciale, susceptible de bénéficier autant à des entreprises qu’au développement durable des territoires ou à la cohésion sociale. Plus encore, elle a acté, dans des mesures de sauvegarde dont le niveau d’édulcoration n’a d’égal que celui de l’élément lui même, qu’elle veillerait à ce qu’aucune dérogation n’intervienne dans ce domaine, en précisant : « La mission [7] alertera l’État sur les risques éventuels d’utilisation dévoyée de l’inscription sur la liste de l’Unesco, tels que l’instrumentalisation ou la labellisation mercantiles. » Aussi, si une marque « Repas Gastronomique des Français » a été déposée par la MFPCA dès l’annonce officieuse de l’inscription [8], cette marque, tout comme le label en forme de logo que l’association a entrepris de décerner, semblent protéger l’élément de toute exploitation commerciale.

35Enfin, une fois l’inscription acquise, alors que Matignon saluait, de façon plutôt inadéquate, la « reconnaissance de nos artistes des métiers de bouche connus dans le monde entier » [9] et qu’était soulignée l’opportunité qu’elle constituait pour le commerce extérieur [10], des initiatives de valorisation comme celles prises par la Sopexa (Agence de conseil en marketing et communication spécialisée dans la promotion des produits agroalimentaires français), ou par la Fête de la Gastronomie, initiée sous l’égide du ministère de l’Économie et des Finances, ont laissé planer de sourdes menaces de « désinscription » du dossier français.

36Nous pourrions nous interroger sur le degré de tolérance différencié affiché par l’Unesco vis à vis des politiques d’accompagnement des différentes inscriptions. Plusieurs hypothèses sont permises : elles vont de la vision « tiers-mondiste » que l’organisme aurait développé des usages de la diversité culturelle placée sous son égide, aux tâtonnements liés à la nouveauté de l’instrument et de sa mise en œuvre. Ces aspects ne nous exonèrent cependant pas de toute interrogation concernant la conduite du dossier par les autorités françaises.

37Avec la candidature officiellement déclarée par la Président de la République comme celle de « la gastronomie française » (23 février 2008), on aurait pu attendre de la France qu’elle ne défende pas seulement les principes diplomatiques de coopération et d’assistance à apporter aux capacités endogènes des pays en développement, mais qu’elle défende aussi ceux de la diversité culturelle que représente la gastronomie, dans la continuité des actions qu’elle avait menées en faveur de l’exception et de la diversité culturelles, mais aussi en faveur des politiques innovantes sur les productions territorialisés. Pour ce faire, la France aurait pu, à la faveur de cette candidature, favoriser l’émergence et défendre la reconnaissance d’un domaine culturel alimentaire ou gastronomique spécifique, avec les conséquences que cela aurait pu entrainer sur les marchés alimentaires.

38D’autres choix ont été opérés. Le premier relève de la définition qui a été retenue pour « la gastronomie ». Ce territoire, familier à tous comme un « art de bien manger », aurait pu être défendu en sa qualité d’« expression culturelle » renvoyant, dans la diversité des cultures du monde, à autant de connaissances et d’expériences hédonistes qui s’attachent à la qualité (organoleptique et sanitaire) de produits – issus de savoirs et de savoir-faire d’agriculteurs, d’artisans des métiers de bouche, de cuisiniers –, et à des formes ritualisées de consommation et de partage. Les termes de cette définition sont ceux qui ont été retenus par le Parlement européen dans le rapport qu’il a consacré aux aspects culturels et éducatifs du patrimoine gastronomique (2014). Ils ne sont pas ceux que les autorités françaises ont choisi de valider au moment de l’élaboration de la candidature. Dans une extrême confusion, à la suite d’innombrables débats médiatiques, où ce sont principalement les chefs qui ont été invités à s’exprimer sur ce que pouvait être ce patrimoine gastronomique, la gastronomie a été réduite à sa définition internationale et restrictive, c’est à dire à la haute cuisine pratiquée dans les grands restaurants.

39Non seulement la langue et la culture historique de la France n’ont pas été défendues dans cette action de patrimonialisation, mais cette référence, essentiellement commerciale, ouvrait la porte à toutes les suspicions : on a pu y dénoncer la manifestation d’un orgueil national flattant la compétitivité des chefs français à l’international, ou d’une arrogance de riches, puissants et bien nourris, malvenue dans le contexte de l’inégale répartition des richesses et de la faim dans le monde. Retenir cette définition a donc eu pour conséquence de permettre à l’Unesco de faire savoir que la gastronomie, comme pratique élitiste du luxe des grands restaurants, n’était conforme ni à son action ni à l’esprit de la Convention. Ce qui fait qu’un autre « élément » de candidature ait dû être recherché.

Un manque d’engagement de la Culture

40L’autre choix opéré par les autorités françaises réside dans le fait qu’aucun engagement n’a été pris dans cette inscription par le ministère de la Culture et de la Communication (MCC). Si le ministère a participé à la réflexion sur la candidature et, comme l’exige le processus, à l’instruction du dossier, aucun de ses services n’a été impliqué dans les mesures présentées pour la sauvegarde non plus que dans la responsabilité du plan de gestion, lequel, aussi flou et faible soit-il, est resté orphelin de tout responsable. La candidature, et plus encore l’inscription, auraient pu inciter le MCC à acter, d’une façon ou d’une autre, l’appartenance de l’alimentation au secteur culturel, par exemple, comme avait pu le faire le ministre Jack Lang au début des années 1990, par la création d’un poste de conseiller pour la gastronomie ou l’art culinaire, qui aurait attesté de politiques culturelles dans le domaine de l’alimentation. De la même façon, le MCC n’a pas souhaité introduire de domaine « alimentation » dans l’Inventaire du patrimoine culturel immatériel de la France, créé en 2009. La pratique sociale qu’est le repas gastronomique des Français y est donc répertoriée comme un « savoir-faire », au même titre que la « dorure sur bois » ou le « tissage à bras » [11]. Une stratégie qui impose, de facto, une limitation au nombre, important, de patrimoines alimentaires qui pourraient figurer dans cet Inventaire.

41De tels choix s’expliquent par la décision prise par la France de ne déléguer qu’au seul ministère de l’Agriculture, au delà des prérogatives relatives à la qualité et à la sécurité alimentaires qui lui reviennent, tous les aspects, y compris culturels et patrimoniaux, des politiques publiques de l’alimentation. Cette décision revient à priver le domaine alimentaire de toute forme d’institutionnalisation dans le secteur culturel. La meilleure illustration en est que, pour saluer l’inscription, le ministère de la Culture avait produit un communiqué conjoint avec le ministère de l’Agriculture. Il y était annoncé que les « mesures concrètes » visant à assurer la préservation du Repas gastronomique des Français, étonnamment réduites à « l’accompagnement éducatif dans les écoles » et au « recensement des éléments constitutifs de ce patrimoine et des manifestations culturelles », seraient intégrées au Programme national pour l’alimentation (PNA) mis en place par la Loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche de 2010. Cette perspective se situe dans la logique de l’inscription des notions de « patrimoine culturel et gastronomique de la France » et de « patrimoine culturel, gastronomique et paysager de la France », dans le Code rural et non dans le Code du patrimoine culturel.

42Plutôt que d’interpréter ces choix comme relevant d’un mépris affiché envers une culture qui serait dite « basse » par sa dimension triviale, nous proposons de les lire à la lumière des impacts que la reconnaissance de l’alimentation comme domaine culturel seraient susceptibles d’avoir sur les marchés.

Pour une approche systémique d’un domaine culturel

43S’il ne fait de doute pour personne que, comme expériences individuelles et collectives, organisées autour de savoirs et de savoir-faire qui vont de l’acte de production à l’acte de consommation, les pratiques liées à l’alimentation constituent des pratiques culturellement élaborées par les groupes humains tout au long de leur histoire, la réflexion mérite d’être poussée plus loin car le véritable enjeu consiste aujourd’hui à reconnaître l’existence d’un domaine alimentation dans le secteur culturel.

44Pourrait-on reconnaître que, par la créativité des individus, des groupes et des sociétés dont ils résultent, par les valeurs culturelles dont ils sont porteurs et qui structurent, à ce titre, les identités, certains savoirs et savoir-faire implicites, liés à l’alimentation, constituent des « expressions culturelles », comme l’avait justement craint le ministre américain ? Pourrait-on aller jusqu’à reconnaître, en conséquence, que ces « expressions culturelles » ne peuvent exister et perdurer qu’à travers la production de certains biens et services, consistants notamment en savoirs et savoir-faire explicites, qui sont autant de procédés inscrits dans les territoires de l’identité ? Et pourrait-on, dès lors, aller jusqu’à affirmer que ces biens qui représentent une culture, sont produits par un secteur d’activité – agricole, artisanal, commercial – dont certains segments sont susceptibles d’être reconnus comme « industrie culturelle » ?

45Pour parfaire cette réflexion, les points qui resteraient à préciser sont ceux qui concernent, plus largement, l’ensemble des patrimoines immatériels dont les éléments constitutifs, collectifs et diffus dans toute la société, ne bénéficient d’aucun régime juridique de propriété. Ce vide juridique avait été souligné dans la Recommandation de 1989 qui précise que, dans la mesure où « elle constitue des manifestations de la créativité intellectuelle individuelle ou collective », la culture traditionnelle et populaire « mérite de bénéficier d’une protection s’inspirant de celle qui est accordée aux productions intellectuelles ». Or, la complexité des régimes de propriété intellectuelle et de droits d’auteurs n’est pas plus spécifique aux créations et patrimoines alimentaires qu’à ceux, anonymes, des expressions orales, pratiques sociales, rituels et évènements festifs, savoirs et savoir-faire.

46Bien au delà des appellations d’origine, une réflexion organisée, menée sur la reconnaissance du statut culturel de certains biens et de certaines industries alimentaires, constituerait une base pour l’avancée sur ces questions [12]. Elle serait susceptible d’ouvrir des voies de coordinations entre ministères, notamment de la culture et de l’économie, du commerce et de l’artisanat, et ce, autour de la définition de politiques culturelles, d’infrastructures, de législations, mais aussi d’aide au développement de segments de l’industrie alimentaire, par des mesures spécifiques de crédit, de fiscalité, de commercialisation, d’accès aux marchés. Il s’agit ici 1) de défendre une alimentation durable ; 2) de lutter contre la puissante industrialisation des cultures alimentaires, responsable de l’uniformisations des goûts, des pratiques, et de la fragilisation des tissus productifs locaux ; 3) de formaliser des leviers d’intervention contre les politiques commerciales internationales libérales qui réduisent les marges de manœuvre des États. À la lumière des instruments juridiques et contraignants régissant la diversité culturelle et les patrimoines culturels de l’humanité, ce sont ces enjeux qui sont ici soulevés, et parfois clairement posés par des pays qui ont fait inscrire à l’Unesco des éléments de leurs patrimoines alimentaires.

Notes

  • [1]
    Cf. C. Khaznadar, Alerte. Patrimoine immatériel en danger, Internationale de l’Imaginaire, Babel, Actes Sud, 2014.
  • [2]
    Cet article est tiré d’un ouvrage à paraître en 2016 aux Éditions Menu Fretin.
  • [3]
    Cf. l’historiographie de la démarche récapitulée par C. Khaznadar, op.cit.
  • [4]
    Transcription de l’enregistrement public de la table ronde du 29 septembre, Décade de Cerisy, 24-29 septembre 2012.
  • [5]
    Transcription de l’enregistrement cité.
  • [6]
    Lettre du 4 novembre 2009 adressée par le Secrétariat de la Convention à la Mission Ethnologie du Ministère de la Culture et de la Communication. En tant que responsable scientifique de la candidature, cette lettre m’a été communiquée que je mentionne ici au titre d’archives personnelles.
  • [7]
    Il s’agit de la Mission française des patrimoines et des cultures alimentaires (MFPCA), association loi de 1901 créée en février 2008 pour concourir à l’inscription Unesco.
  • [8]
    La demande d’enregistrement de la marque « Repas Gastronomique des Français » a été déposée par la MFPCA à l’Institut National de la Propriété Intellectuelle (INPI), en juin 2010. L’enregistrement définitif est intervenu le 22 octobre 2010.
  • [9]
    Communiqué du Premier Ministre, François Fillon, Paris, 16 novembre 2010.
  • [10]
    Communiqué du Secrétaire d’État au Commerce extérieur, Pierre Lelouche, Paris, agence Reuters, 1er décembre 2010.
  • [11]
    Les domaines de référence sont décidés par chaque pays. Nous trouvons ainsi dans l’Inventaire français : savoir-faire ; pratiques rituelles ; musiques et danses ; pratiques festives ; pratiques sportives ; jeux ; arts du conte.
  • [12]
    Le statut et la propriété juridiques de la production alimentaire ont été abordés dans le programme « Artification du culinaire: création et patrimonialisation », que j’ai co-dirigé avec Frédérique Desbuissons (INHA) dans le cadre du Labex Press Hesam « Création, Arts, Patrimoines ». Cf. L’œuvre culinaire, Art de cuisiner et cuisines d’artistes, à paraître en 2016, INHA-le Manuscrit. La question sera aussi évoquée lors de la session « At the Unesco feast: Foodways across global Heritage Governance » du 3e Congrès bisannuel de l’Association of Critical Heritage Studies, Montréal, du 3 au 8 juin 2016.
Français

L’inscription du « Repas gastronomique des Français » ainsi que d’autres éléments de cultures alimentaires sur les listes du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco, soulève d’importants enjeux relatifs à l’économie de la culture immatérielle. Ces inscriptions posent en réalité la question de l’impact que pourrait avoir sur les marchés commerciaux internationaux, la reconnaissance officielle et internationale de l’alimentation – et de la gastronomie – comme domaine culturel à part entière, qui pourrait dès lors bénéficier de dérogations aux règles du libre échange, et ce, en vertu des instruments juridiques et contraignants relatifs à la diversité culturelle.

English

The inscription of the « Gastronomic meal of the French », as other elements of food heritage, on the list of Unesco Intangible Cultural Heritage, raises important issues related to the economy of intangible culture. These inscriptions interrogate the potential impact of the official international recognition of food on international trade markets. Indeed, food, such as a full cultural field, could then benefit from free trade rules derogations, and that under the legal and binding legal instruments of cultural diversity.

Julia Csergo
Julia Csergo, professeur à l’université du Québec à Montréal (UQAM, Ca), en disponibilité de l’université Lyon 2, est spécialiste d’histoire culturelle du monde contemporain. Elle a publié plus de 60 articles et ouvrages sur les patrimoines et les cultures alimentaires. Elle a été, de 2008 à 2010, chargée de mission auprès du ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche comme responsable scientifique du dossier de candidature de la gastronomie française au Patrimoine culturel immatériel de l’Unesco.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 09/03/2016
https://doi.org/10.3917/geoec.078.0187
Pour citer cet article
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