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Comment les romanciers contemporains abordent-ils la « question sociale », qui a tant marqué la littérature du xix
e siècle ? En tant que romancière, qu’est-ce qui vous paraît avoir changé en la matière ?
Une remarque préalable : l’entrée de la « question sociale » dans la littérature est une conquête sociale. Écrire comme lire, ces deux activités qui réclament disponibilité et tranquillité, ont longtemps été réservées à des privilégiés, à des citoyens que le travail n’avait pas épuisés, qui disposaient de temps libre, de sécurité et d’instruction. Flaubert fut le modèle de l’écrivain-rentier, comme après lui Gide, Martin-du-Gard, Proust, plus près de nous Claude Simon. Faut-il rappeler qu’à ceux de la Nrf, Zola paraissait affreusement « vulgaire » ? Tous furent dispensés de « travailler pour gagner le pain qu’ils mangent ». Pour le critique irlandais Cyril Connolly, cette faveur du sort expliquait le style mandarin, la langue littéraire sophistiquée écrite par des rentiers pour des rentiers. Le xx
e siècle, qui fut, disait Keynes, celui de la fin des rentiers, a changé cette donne. L’écrivain a un deuxième métier, le journalisme ou l’enseignement souvent, il écrit pour des lecteurs qui prennent le métro et lisent après une journée de travail. De mandarin, le style devient quotidien, plus proche du langage parlé, comme le voulut par exemple Hemingway. De même, puisqu’il faut, pour écrire, lire et avoir lu, la baisse du prix du livre (une semaine du salaire d’un ouvrier à la fin d…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 14/09/2018
- https://doi.org/10.3917/espri.1809.0073
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