CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Les points forts

  • L’Art Thinking repose sur l’hypothèse qu’il est possible d’optimiser et de massifier la création de l’improbable grâce à de nouveaux modèles d’organisation qui s’appuient sur des méthodes agiles.
  • L’Art Thinking hybride deux univers de pratiques, l’art et l’entrepreneuriat dans une méthode agile qui se structure autour de 3 grandes phases – faire, critiquer et exposer – et 6 pratiques – donner, détourner, détruire, dériver, dialoguer et disposer.
  • Toutefois, si l’Art Thinking ouvre le champ des possibles pour le plus grand nombre, la méthode pilotée par un processus gestionnaire limite la profondeur, la densité, l’extraordinaire de l’acte créatif. Ce séminaire offre donc un cheminement pour une transformation, mais n’est pas un aboutissement.

1Les boites de soupes Campbell peintes par Andy Warhol en 1962 marquent l’histoire de l’art car cette œuvre met en scène le cœur de la modernité : la production et la consommation massive de la certitude. Cette société de la certitude se développe grâce à une organisation du travail qui assure une offre de produits et de services standards, vendus à des prix accessibles pour un nombre toujours plus grand de consommateurs. L’innovation existe mais elle est graduelle : on crée une nouvelle recette mais la boîte de soupe Campbell reste identifiable par ses couleurs, sa forme, son prix… Le producteur optimise le certain ; le consommateur achète le certain. La création de l’improbable était au 20e siècle réservée à une certaine élite : des artistes, des designers, des architectes. La fameuse Factory d’Andy Warhol, qui a permis de créer de nombreuses œuvres (comme les sérigraphies des Marylin et d’Elvis) et de révéler de multiples artistes (comme Basquiat), était le modèle type de ce milieu de la création. Un modèle situé à la marge, considéré par beaucoup comme exotique.

Relever les défis en fabriquant des solutions improbables

« Deux forces menacent le monde : l’ordre et le désordre »
Paul Valéry

2En ce début du 21e siècle, la Factory façon Warhol existe toujours mais s’y est ajoutée une « Factory de la Factory » : la Silicon Valley. Cet écosystème offre aussi un milieu propice à la création mais ce modèle permet une fabrique, non pas artisanale, mais industrielle de l’improbable. Le taux de défaut des projets y est certes élevé (entre 80 et 90 %) au regard des industries traditionnelles mais cette nouvelle Factory réussit malgré tout à créer, avec certitude, de l’improbable. Au-delà de cas emblématiques comme Airbnb ou Space X, les jeunes pousses en forte croissance qui diffusent des solutions improbables connaissent un développement sans précédent : on comptait ainsi près de 1500 start-up ayant levé plus de 15 millions de dollars aux États-Unis en 2014 et 2015 [1]. Dans le même temps, l’espérance de vie moyenne des entreprises cotées au S&P500 est passée de 67 ans dans les années 20, à 20 ans en 1990 et possiblement à 14 ans d’ici 2026 [2]. Pour éviter cette obsolescence rapide et pour ne pas subir le même sort que Kodak ou Polaroid, les grandes entreprises établies se lancent aussi dans cette fabrique industrielle de l’improbable.

3Cette dynamique s’accélère car les machines, particulièrement adaptées quand il s’agit de produire du probable, amènent les humains à se différencier par des activités de création, dans lesquelles ils restent plus performants. Le cas du secteur automobile est emblématique : de la production à l’utilisation des voitures, l’homme laisse la place aux robots sauf pour ce qui est des activités créatives de conception et de marketing. Pour que l’humain reste pertinent dans un monde de plus en plus robotisé, il se doit de ne plus simplement produire du standard mais aussi créer ce qui n’existe pas encore.

4Dernier enjeu : la question écologique. Le changement climatique et la disparition des espèces animales ne sont pas des faits nouveaux. Ils sont connus et décrits par les scientifiques depuis plusieurs dizaines d’années. Pourtant la reproduction de notre modèle industriel détruit chaque année un peu plus nos écosystèmes. Accepter le probable revient donc à accepter le bouleversement climatique en cours. Pour relever cet immense défi, il nous faut bien plus que des connaissances. Ces dernières existent, en nombre toujours plus croissant, sans être suffisantes car la solution tient aussi à la remise en question des valeurs qui dirigent nos actions. Il ne s’agit plus de mieux faire mais de défaire, de désapprendre, de détruire un modèle passé en le rendant obsolète. Pour y parvenir, nous avons besoin de fabriquer des solutions qui paraissent pour l’instant improbables mais qui sont les seules voies possibles pour redonner à la planète sa vitalité. Entrer dans un supermarché traditionnel en 2019 revient à admirer un tableau de plastiques colorés. Ils sont partout, sous des formes multiples. Durs ou souples, ils sont incontournables. Un supermarché sans plastique était encore il y a une dizaine d’années un cas improbable, marginal. Et puis, progressivement, l’idée d’un supermarché sans plastique se diffuse, progresse, se normalise. Ces improbables sont l’avenir de la planète.

5L’Art Thinking vise à répondre à ces trois défis – l’accélération des ruptures concurrentielles, l’automatisation et le défi écologique – en redonnant toute sa place au potentiel créatif de l’homme. Si de nombreuses initiatives en entrepreneuriat [3] permettent de repenser les pédagogies, les formations restent encore centrées sur l’enseignement de vérités établies. Mais dans un monde empli de robots performants, de disruptions fréquentes et un monde où le modèle de production et de consommation passé n’est plus viable pour notre planète, ce type de savoir est insuffisant. Il est indispensable d’offrir également des pédagogies qui permettent d’enseigner à créer ce qui pourrait être. Cette massification de la création de l’improbable implique de multiples problématiques : gestionnaires, économiques, sociales, psychologiques, politiques… Dans le cadre de cet article, nous limitons le propos à la seule question de l’organisation du travail. Notre ambition est de caractériser les pratiques qui répondent à cette exigence de la fabrication de l’improbable. Notre hypothèse est simple : de la même façon qu’il fut possible d’optimiser et massifier la production du probable grâce à de nouvelles organisations du travail fondées sur les principes tayloriens et bureaucratiques, il est possible d’optimiser et de massifier la création de l’improbable grâce à de nouveaux modèles d’organisation qui s’appuient sur des méthodes agiles. Nous présentons ici une nouvelle méthode, l’Art Thinking, qui permet de créer de l’improbable avec certitude. Après avoir détaillé la méthode, nous expliquons comment elle peut s’enseigner dans le cadre du séminaire « Improbable » et offrir des complémentarités avec d’autres méthodes comme le Design Thinking ou le Lean Startup.

Une méthode hybride entre art et entrepreneuriat

6Une situation est improbable quand elle est non prédictible et peu plausible. L’Art Thinking en hybridant deux univers de pratiques, l’art et l’entrepreneuriat, offre de nouvelles possibilités pour fabriquer de l’improbable. Peu importe que vous soyez ou non créatif, en suivant cette méthode, vous pouvez générer une situation à laquelle vous n’aviez jamais pensé et qui n’existe pas sur Google (bon indicateur de l’improbable). Cette nouvelle situation improbable pose une question inédite qui permet d’interroger nos systèmes et le statu quo. Cette nouvelle question offre alors la possibilité d’aller au-delà de ce qui est fait normalement et d’envisager des alternatives, d’autres possibles. Cette méthode agile se structure autour de 3 grandes phases – faire, critiquer et exposer – et 6 pratiques – donner, détourner, détruire, dériver, dialoguer et disposer (schéma 1).

Schéma 1

Le cycle de la fabrication de l’improbable

Schéma 1

Le cycle de la fabrication de l’improbable

Faire, c’est donner et détourner

« L’aventurier est celui qui fait arriver des aventures plus que celui à qui des aventures arrivent »
Guy Debord.

7La création émerge par l’action. Une action hésitante et dont les intentions sont floues mais une action tout de même. Fabriquer des matérialités, aller à la rencontre pour s’engager sont des préalables. Avec l’action, le sens confus ou simpliste des premiers instants de l’acte créatif, se forme, prend de l’ampleur et s’affirme. Faire est l’acte premier de la création. Cela requiert dans un même mouvement de donner et de prendre aux autres.

8La création n’est pas hors de l’économie. Au contraire, elle est en partie structurée par l’économique : comment financer l’espace, les matériaux, le temps disponible pour créer ? Comment valoriser le produit de son travail : faut-il le vendre, faut-il se vendre ? Autant de questions incontournables qui relèvent de problématiques économiques et qui impactent le créatif. L’économie informelle est l’une des solutions trouvées par les créateurs. Au-delà des prix de marché et des contrats bureaucratiques, les échanges se fondent souvent sur des registres informels. Loin d’être archaïque, ces pratiques sont essentielles à la dynamique capitaliste et à l’activité entrepreneuriale [4].

9Si en première approche, la quête du profit semble être le moteur premier et la seule façon d’arriver à la performance, elle est irrationnelle car le calcul d’une rentabilité est contre-productif quand l’incertitude est maximale en début de projet. Au départ, les entrepreneurs, comme les artistes, donnent donc de leur temps, de leur passion, de leur énergie. Ils donnent sans savoir ce qu’ils obtiendront précisément en retour. Ils donnent sans pouvoir calculer mais ils donnent avec l’espoir de créer du lien, du sens, des matérialités. De Picasso à Duchamp, de Branson à Zuckerberg les créateurs n’ont pas commencé leur projet par un calcul de rentabilité mais plutôt par défi, par jeu, par envie. De cet engagement viennent des rencontres qui nourrissent ensuite leur création. Le don oblige et fabrique du lien qui structure de nouveaux univers de ressources, de nouvelles économies. Sans être totalement gratuite ni purement utilitaire, cette pratique hybride est au cœur de la construction des relations de travail et d’échanges qui façonnent les possibles. Pour créer il faut d’abord savoir donner.

10Mais pour créer, il faut aussi travailler avec ce qui est : les idées, les matériaux, les œuvres, les gens, les systèmes… Tout est potentiellement utile. Tout est à « voler » [5], tout est à prendre. Les créateurs savent qu’il faut respecter, étudier, aimer les grands auteurs mais aussi et surtout qu’il faut les compléter, les détester, les dépasser. Une création ne vit pas sans descendance, sans être récupérée, repensée, détournée. Le détournement consiste à utiliser une création existante afin de (re)créer une proposition originale : on prend un objet dans un contexte A et on le déplace dans un contexte B où il n’est pas supposé être. Ce mouvement mécanique produit irrémédiablement une nouvelle situation qui vient perturber la normalité [6]. Cet usage n’est pas un plagiat si la création est utilisée avec un propos différent et/ou dans un contexte inédit. Duchamp prend un urinoir, le retourne, y appose une signature (R. Mutt) et place l’objet dans une exposition à New York en 1917 en le présentant comme une œuvre d’art. Cette blague contribuera à produire une rupture dans l’histoire de l’art car ce simple geste vient interroger les limites d’une œuvre – faut-il qu’elle soit belle, techniquement difficile à réaliser – et ouvre de nouveaux univers de création.

11Le détournement peut impliquer plus qu’un simple objet. Il est possible de détourner un espace public, une situation ou encore des objets de la vie quotidienne. Dans le cas de l’économie collaborative, Airbnb va jusqu’à détourner nos appartements, et Drivy nos voitures, pour créer de la valeur. La difficulté de tout détournement vient du choix de ce qu’il faut ou non détourner et de la manière d’opérer le détournement. Il faut choisir ce qui peut nourrir la création, l’étoffer, la grandir. Il faut écarter ce qui en diminue la puissance, la portée, l’originalité. Le deuxième défi tient au détournement même. Si la création nécessite l’intégration d’un existant, cela ne se fait pas sans bien réfléchir à la matérialité et à la symbolique que l’on détourne. Cette activité ne se réalise pas une fois pour toutes. Le processus d’inclusion et d’exclusion est complexe : on intègre une source, on la ressort, on la mélange avec une autre, puis une autre… L’une des prouesses d’Apple est de trouver ce juste niveau de détournement qui en arrive à l’épure des formes et du sens [7]. Le détournement se détourne. C’est la force, la beauté de la création. L’ultime récompense d’un créateur est d’être un jour détourné.

Critiquer, c’est détruire et dériver

« Tout acte de création est d’abord un acte de destruction »
Pablo Picasso.

12La portée de la création ne vient pas de sa beauté mais de sa capacité à interroger nos certitudes. Loin d’être une dynamique de créativité portée par quelques post-it de couleurs, les grandes créations se structurent et s’étoffent autour de visions politiques du monde.

13Aucun processus de création ne saurait exister sans un processus de destruction qui intervient à des niveaux très différents. On peut et l’on doit détruire des objets de nature variée : certains sont immatériels quand d’autres sont physiques ; certains sont dirigés vers la société, quand d’autres sont dirigés vers sa création. À partir de ces distinctions, il est possible de caractériser quatre pratiques de destruction : le désapprentissage, la déconstruction, l’obsolescence concurrentielle et la subversion.

14Le désapprentissage implique une remise en question de soi : de ce que l’on sait, de ce que l’on fait. Ce que l’on a appris dans sa famille, à l’école, dans d’innombrables situations sociales qui structurent fortement nos façons de penser et d’agir. Pour être créatif, il faut souvent remettre en question les bonnes façons de faire. Ce processus implique un désapprentissage de ce que l’on a appris pour réussir à faire autrement.

15La déconstruction se produit très directement durant la création. Quand la matérialité de l’œuvre prend forme, il faut la remettre en question. Il faut savoir déconstruire sa création pour qu’elle se crée. Ce processus est douloureux. Déconstruire quand tout semble déjà construit est pénible.

16La destruction créatrice fait explicitement référence aux travaux de l’économiste Schumpeter. Toute création radicale remet en question les œuvres existantes. Elle peut les rendre obsolètes, les détruire. Cette destruction peut être brutale. Dans le contexte entrepreneurial, la destruction créatrice implique parfois la destruction de milliers d’emplois.

17La dernière forme de destruction est la subversion, une activité qui remet en question les statu quo. La destruction porte ici sur des normes, des valeurs et des règles défendues par des systèmes d’autorité (État, Église, grandes entreprises…). La subversion provoque différents scandales du fait des nombreuses résistances qui émergent de la société suite aux actions des subversifs.

Tableau 1

Les quatre modalités de la destruction

Cible de la destruction :Dirigée vers les autresDirigées vers soi
PhysiqueObsolescence concurrentielle
Amazon a conduit à la faillite de nombreuses librairies
Déconstruction
Zuckerberg a déconstruit le Facemash pour créer 3 mois plus tard le Thefacebook.com
ImmatérielleSubversion
Bitcoin remet en cause le monopole d’émission des monnaies par les États
Désapprentissage
Google a remis en question les règles d’expertise des moteurs de recherche

Les quatre modalités de la destruction

18Le livre d’Émile Zola, Au Bonheur des dames, qui décrit l’émergence des grands magasins dans le Paris du 19e siècle, est une magnifique étude de cas qui permet d’appréhender cette dialectique entre création et destruction avec ces différentes composantes matérielles et immatérielles.

19La création n’est pas un processus linéaire. Les contingences et les échecs sont au cœur de toute dynamique créative. L’idée de se fixer un objectif clair et précis en amont puis de planifier le chemin optimal pour y parvenir ne permet pas de créer des œuvres originales, de repenser le monde social. Dans un contexte fait d’incertitudes, il faut avancer en dérivant. Cette dérive n’a rien d’une trajectoire totalement chaotique et sans direction. En français, la notion de dérive est à ce titre parfaite car elle illustre cette ambivalence. Le mot renvoie en effet à cette situation où l’on sort de la rive mais aussi à cet objet qui permet au bateau d’être dirigé. La dérive est donc tout à la fois un processus qui amène là où l’on ne devrait pas être, là où l’on ne pensait pouvoir aller mais aussi un moyen de s’orienter sur un chemin qui s’éclaire, prend forme, fait sens au fur et à mesure du cheminement. Certes l’idée de co-voiturage était la vision principale de Frédéric Mazzella mais il a fallu six modèles d’affaires différents avant de trouver la formule qui a assuré le développement économique de Blablacar.

20Cette construction du sens et de la forme ne peut se faire sans interaction avec l’altérité qui ouvre de nouveaux horizons, apporte de nouvelles ressources. Au-delà des rencontres, souvent improbables, qui nourrissent le processus de la dérive, il faut appréhender les éléments qui cadrent les créations. Votre personnalité, vos connaissances, vos réseaux sont autant de structures sociales et psychologiques qui aident à s’orienter et à créer. Dans un premier temps, vous allez créer avec ce que vous avez à disposition. Votre point de départ est moins un objectif prédéterminé qu’un ensemble de moyens qui mis ensemble vont produire un effet. Ce mode de raisonnement, qualifié d’effectual [8], est le plus pertinent pour initier son projet. Ceci étant, ces moyens initiaux peuvent aussi vous enfermer et limiter vos possibles car ils structurent vos univers d’action. Les créateurs savent jouer, se jouer de ces structures en manipulant le hasard grâce à des déplacements qui vont forcer les rencontres. C’est toute la logique développée par les Situationnistes quand ils pratiquent la dérive au sein de grandes métropoles comme Paris. Ils organisent alors des déplacements urbains qui permettent de repenser les villes grâce à des techniques qui forcent l’imprévu [9]. Cette démarche est essentielle pour ne pas se laisser entièrement conditionner par son environnement. Ne vous laissez par porter. Allez par-delà les routines et les habitudes pour construire l’improbable en dérivant [10].

S’exposer, c’est dialoguer et disposer

« Une œuvre d’art est une signification incarnée »
Arthur Danto.

21Exposer sa création c’est s’exposer. Dans cette situation souvent difficile voire pénible, le défi est de trouver le point de rencontre entre sa création qui est le reflet de sa personnalité et de ses passions, et une universalité qui touche un public. S’exposer c’est faire naitre cette rencontre entre l’intime et l’universel.

22Pour construire et développer une création, il faut dialoguer. Si le pitch est monologique au sens où il présente un monologue qui vend une vérité, le processus de création est lui dialogique car il implique de multiples dialogues souvent contradictoires. Dans certains cas il faut savoir imposer sa vérité, c’est l’enjeu du pitch ; dans d’autres cas, il s’agira plutôt d’accueillir et de chercher de nouvelles vérités. Avec Steve Jobs, il y a d’un côté le pitch présenté sur scène où tout est organisé pour porter un message clair, fort et impactant ; et de l’autre, il y a ce qui se joue en coulisse, où les controverses sont parfois violentes.

23Par ailleurs, pour dialoguer, il faut montrer ce que l’on fait. C’est évidemment très difficile car la création est monstrueuse au départ. Sauf exception, aucune création ne saurait être claire et forte dès le début. C’est toujours difficile de partager un monstre, surtout quand on en est amoureux. Interagir régulièrement pour recevoir la critique fait partie du travail, c’est un incontournable. Ces interactions offrent aussi la possibilité d’augmenter ses ressources car les tiers intéressés par votre œuvre pourraient devenir des mécènes, des partenaires… L’organisation de ces dialogues est critique. Pour faire vivre des dialogues de qualité, il faut éviter deux écueils : le leadership centralisé d’une part et l’absence de leadership d’autre part. Dans le premier cas, une seule personne se présente comme le Leader. Il décide et centralise tout. Le risque est alors d’exclure des personnes de la création et de fragiliser le processus. Dans le deuxième cas, chacun pensant respecter l’autre, les solutions retenues sont « fades » afin de ne vexer personne. Pour dépasser ces deux postures, il est nécessaire de construire un leadership partagé où il n’existe pas un seul leader mais plusieurs dont les rôles varient du visionnaire stratège au leader technique. Pas de Steve Jobs sans Steve Wozniak.

24Enfin, ce sont par les dialogues et les contradictions que le chemin se construit et s’enrichit. Si vous êtes toujours d’accord avec vous-même et les autres, c’est que votre création n’est pas originale, qu’elle ne perturbe rien, ne propose rien. N’hésitez pas à produire du clivage, de l’étonnement, du malaise. C’est parce que vous fabriquez de l’improbable que vous perturbez le sens et les mots [11]. Comment parler d’un appareil qui permet d’écouter de la musique dans la rue au Japon quand le mot Walkman de Sony n’existe pas encore ? Plus récemment, comment parler et faire comprendre ce que sont les monnaies virtuelles, ces crypto-monnaies qui se fondent sur une chaine de blocs (blockchain) ? Créer c’est fabriquer de nouvelles significations par des dialogues où les fréquentes incompréhensions et tensions finissent par produire du sens.

25Enfin, une création n’existe pas sans contexte. Il n’est pas possible de penser une œuvre sans la disposer dans un espace. Ce geste, parfois très rapide et simple d’apparence, fait tout. À cette occasion chaque détail compte. Ce que l’on met en avant ou en retrait. La façon dont on introduit et positionne la création. La façon dont on accueille l’audience. Disposer son travail c’est chercher à trouver le point de rencontre entre l’intimité du créateur et l’universalité d’un sens qui permet de toucher une audience, une altérité. Cette dynamique est toujours socio-matérielle. Elle ne saurait se limiter à une technicité.

26La création ouvre des possibles mal maîtrisés par son créateur. Elle demande de l’interprétation. Quelle signification sera retenue ? Comment la création va-t-elle être interprétée ? Loin d’être un problème en soi, la polyphonie (l’existence de plusieurs interprétations, parfois contradictoires) peut alors devenir une force pour apprendre et faire évoluer le travail. C’est une formidable occasion de découvrir de nouvelles possibilités, de nouvelles façons de penser au projet, d’accueillir le public.

Tableau 2

Présentation synthétique du séminaire « Improbable »

Avec qui ?Des participants divisés en groupes de 3 à 5 personnes
Deux formateurs (expert de l’entrepreneuriat & artiste), 1 binôme pour 5 à 10 groupes
Comment ?Chaque groupe choisit un thème qui correspond à une tendance socio-technique
À partir de ce thème, les participants vont expérimenter 6 pratiques lors de 6 sessions : Don, Détournement, Destruction, Dérive, Dialogue, Dispositif.
À la fin, les participants exposent leur œuvre lors d’un vernissage ouvert au public.
Un site web est créé pour chaque exposition afin de conserver une trace
des productions.
Quoi ?Un séminaire de 48 à 72 heures organisées en 6 sessions, elles-mêmes déclinées en 3 formats qui rythment les itérations : conférence (45 minutes à 1h30), atelier (2 à 4 heures), retours critiques (10 à 15 minutes toutes les 2 heures auprès de chaque équipe).
Où ?La première journée se déroule dans une salle de cours habituelle.
Les autres sessions ont lieu dans des espaces de création. L’idéal est d’avoir des espaces qui assurent à la fois des possibilités de production et d’exposition.
Il est essentiel d’amener les participants à explorer régulièrement des univers urbains pour enrichir leur parcours et leur création.
Bilan des séminaires « Improbables » passésQui : 1500 participants (étudiants, entrepreneurs et cadres-dirigeants d’entreprises)
Comment : une dizaine d’artistes et de professeurs en entrepreneuriat sont formés à la méthode et forment régulièrement des binômes pour enseigner l’Art Thinking
Quoi : près de 300 œuvres ont été créées (installations, vidéos, performances, textes, images…)
Un échantillon est présenté sur Instagram : https://www.instagram.com/art_thinking_collective/
Où : à Paris au Centre Pompidou (vidéo illustrative : https://urlz.fr/9Gzm), Galerie Papillon, Villa Belleville, Fondation Anticipation ; BetaHaus à Berlin ; Casa de Velasquez à Madrid….
Universités et écoles qui utilisent la méthode dans le monde : 42, ESCP Europe, HEC Montréal, Université Paris-Dauphine, Université d’Aalto, Université Franco-Arménienne, Université de Stanford, Université de Kyoto, Université d’Oulu…
Pour aller plus loinwww.artthinkingcollective.org

Présentation synthétique du séminaire « Improbable »

« Improbable », un séminaire pour apprendre la méthode de l’Art Thinking

27« Improbable » est un séminaire de 3 jours, structuré en 6 sessions qui introduisent les 6 pratiques incontournables pour créer de l’improbable : donner, détourner, détruire, dériver, dialoguer et disposer. Plus qu’une formation, ce séminaire est une expérience de vie formatrice durant laquelle les participants apprennent à fabriquer de l’improbable qui change leur monde. Ils le font une fois mais peuvent le refaire grâce à la méthode Art Thinking qu’ils ont apprise. Le formateur est exigeant sur la méthode mais il est très ouvert sur la pluralité des idéologies des participants et n’impose pas une vérité. Cette expérience est déstabilisante pour les participants qui se remettent en question et pour les formateurs qui doivent accompagner cette transformation. Ce séminaire permet d’avoir une vision synthétique des enjeux d’une pratique de création.

28Le processus agile d’ « Improbable » offre une alternance entre mode effectual (structuré par les moyens) et mode causal (structuré par un objectif prédéterminé) et permet un prototypage rapide des projets des participants. Le mode agile (aussi appelé scrum) optimise les processus de production dans des environnements imprévisibles et mettant en jeu tous les acteurs participant à l’élaboration de l’œuvre. Les cycles (avec conférences, ateliers et feedbacks) se font sur un rythme très rapide. Une création qui ne respecte pas les attentes peut nécessiter de revenir à une phase précédente.

Schéma 2

Le Scrum « Improbable »

Schéma 2

Le Scrum « Improbable »

(Bureau, Tectin & Bruno, 2018)

Apprentissage de compétences managériales et propositions qui interrogent notre monde

« Le probable aujourd’hui, c’est que la course folle dans laquelle est entraînée notre planète (…) mène à des catastrophes en chaîne. Faut-il en conclure qu’il n’y a plus d’espoir ? Le probable n’est pas le certain et avec mes faibles forces j’œuvre pour l’improbable. »
Edgar Morin, 2011.

29Ce séminaire propose une expérience qui mêle rationnel, émotionnel et corporel, et deux grandes catégories d’impacts : d’une part l’apprentissage de compétences entrepreneuriales, et d’autre part, la création de propositions qui questionnent les statu quo.

30Le séminaire « Improbable » contribue à former à la création entrepreneuriale. Il aborde à la fois conceptuellement et par l’expérience des notions clefs comme l’incertitude, le risque, l’effectuation, le bricolage, le prototypage, la résilience, la fortuité, la construction d’un réseau, la gestion des conflits et des émotions, le leadership… « Improbable » est ainsi une forme d’introduction synthétique aux enjeux de la pratique entrepreneuriale. Grâce à différents projets de recherche [12], nous avons mis en évidence l’impact positif du séminaire pour vivre une expérience de création qui contribue à apprendre à entreprendre avec à la fois un impact sur la maîtrise de nouvelles connaissances et techniques mais aussi sur la confiance en soi quant à ses capacités à faire et à créer. Enfin ce séminaire produit une expérience forte – une véritable mise en situation – qui construit un souvenir utile quand on vit ensuite des moments délicats lorsque l’on entreprend.

31Voici quelques retours sur le séminaire, à la fois par des participants et des dirigeants qui ont observé le résultat sur leurs managers et qui sont fiers de découvrir la qualité des rendus et l’énergie que produit l’expérience :

32Patrick Chapuis, CEO CANON FRANCE

33

« J’ai été très impressionné par les œuvres d’art créées par nos managers. Le séminaire Improbable a permis à nos managers de questionner leur cadre de référence et de développer leur leadership entrepreneurial ».
(Improbable, Paris 2018)

34Taizo Son, CEO MISTLETOE (entreprise de Capital Risque emblématique en Asie)

35

« L’Art Thinking est tellement pertinent comme méthode. C’est un must have pour toute personne qui souhaite entreprendre ! Nous avons besoin de plus de solutions improbables pour relever les défis de notre monde et créer de l’impact ! L’Art Thinking peut y contribuer ».
(Improbable Tokyo, 2018)

36Urzula Richet, Directrice Marketing ORANGE BUSINESS SERVICE

37

« Improbable est une formation très riche, innovante et inédite. Cela nous apprend à casser les codes. À voir plus loin. À ne pas se conforter dans son quotidien et son métier tel qu’on le pratique. En tant que Directrice Marketing je connais bien sûr les théories de Marketing mais ce que propose justement Improbable, c’est de nous sortir de ces théories, trop loin de ce monde agile de l’entrepreneuriat et des start-up, en nous ancrant dans l’expérimentation (…) Nous acceptons l’inconnu, la gestion du risque, la sérendipité, le management d’une équipe : nous créons notre propre créativité ».
(participante Improbable, 2015)

38Johanna Pestour et Valentine Foussier, co-fondatrice de MAMIE FOODIE

39

« Improbable a été un catalyseur pour nous. L’œuvre que nous avons proposée a été un premier jalon vers la création de notre startup Mamie Foodie. Notre œuvre, Street Fools, a contribué à nous faire avancer dans notre projet entrepreneurial et à fonder Mamie Foodie ».
(participantes séminaire Improbable 2014)

40Matteo Garcia, co-fondateur de l’Agence de design ESCABO, formé à l’ENSCI Les Ateliers

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« Improbable a été un moment clef pour moi car j’ai réalisé que le processus de création en art, design et entrepreneuriat avaient beaucoup de similarités. Par ailleurs, cette méthode est vraiment très efficace et rapide. Il y a eu des moments difficiles dans le processus mais le résultat des œuvres était incroyable ».
(séminaire Improbable, Paris 2013)

42« Improbable » permet aussi d’aborder des sujets peu ou mal pris en compte dans les formations existantes pour au moins deux dimensions : l’intime et le politique. L’essentiel des méthodes utilisées en entrepreneuriat se focalisent sur le marché et les clients. Qu’il s’agisse du Design Thinking, du Lean Startup et du Business Model Canvas, l’essentiel est de comprendre les besoins des autres. Il n’y pas de place pour ce que pense et veut l’entrepreneur. Seule la théorie de l’effectuation remet au cœur l’entrepreneur avec ses passions, ses expertises et ses connaissances. Ceci étant dit, cette théorie ne dit rien sur la « façon de se trouver » : comment mettre de soi dans sa création ? Comment à partir de sa création mieux comprendre ce que l’on veut, ce que l’on est ? Ces difficiles questions ne sont pas véritablement abordées par l’effectuation. L’Art Thinking, à l’inverse, place le sens au cœur de ses préoccupations. Aucune œuvre artistique ne saurait être totalement séparée de son créateur.

43A l’opposé de cette problématique de l’intime et de son incarnation dans l’œuvre, se pose aussi la question de la politique. Si les créateurs interrogent l’existant, interrogent le statu quo c’est qu’ils développent une critique qui ne saurait être apolitique, déconnectée d’une forme d’idéologie, d’une vision du monde. Là encore, l’essentiel des méthodes enseignées sont centrées sur des problématiques techniques et business. Les problématiques sociales, écologiques, politiques sont rarement discutées. Cela pose problème dans un monde où de nombreuses entreprises se sont développées autour de projets qui ont vocation à changer le monde et à porter de nouvelles visions sociétales. Qu’ils s’agissent d’Uber, de Paypal, de Tesla, l’idéologie des fondateurs et les formes prises par l’entreprise ne sauraient se comprendre sans appréhender ces dimensions politiques.

44« Improbable » permet donc à la fois d’apprendre à mettre de soi dans son travail mais aussi à appréhender les relations entre son projet et des enjeux sociétaux de grande ampleur. C’est dans cette rencontre entre le personnel et le social que la création prend forme.

Des propositions improbables qui questionnent notre monde

45Au-delà des apprentissages pour les participants et de leur satisfaction (niveau moyen de 3,625/4 [13]), « Improbable » permet aussi de produire des créations qui poussent les limites de notre réalité, interrogent nos questions… Les œuvres réalisées ont aussi un potentiel subversif car elles permettent de critiquer ce qui est et d’ébranler des certitudes pour envisager de nouveaux possibles.

46Pour illustrer ce type de propositions, nous présentons ci-dessous trois œuvres. La première, Gilles et John, réalisée en 2012, envisage la puissance d’un gilet jaune détourné pour fabriquer du lien social. La deuxième, The Funeral of 4.5., interroge l’économie collaborative dès 2013 pour souligner sa portée totalitaire. La troisième, Le Biomisateur (2016), souligne la contradiction potentielle entre le passage au bio pour s’engager vers une consommation plus durable et le maintien d’une société consumériste. À chaque fois, le réel est venu rejoindre l’œuvre d’art : avec le mouvement des Gilets Jaunes, par l’usage du gouvernement chinois des notes de plateformes collaboratives pour mieux contrôler leur population, et enfin par une industrialisation du bio qui reproduit les codes de la production et de la consommation de masse et ses effets nocifs pour l’environnement. À chacune de ses œuvres, une critique qui offre des perspectives alternatives.

Gilles et John

47Shiraz, Virginie, Benjamin, Benedetto et Thibault – Improbable, Paris 2012

48Gilet jaune

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49Si les échanges entre des personnes qui ne se connaissent pas ne sont pas forcément évidents, le gilet jaune, par son côté improbable et surprenant dans un tel contexte, suscite la curiosité, le questionnement, favorisant ainsi l’interaction. La rencontre entre des individus est ici matérialisée et provoquée par la transmission par le porteur du gilet jaune à un autre participant. En échangeant le gilet, le porteur interagit avec son interlocuteur, et la rencontre, improbable car ces individus peuvent évoluer dans des environnements très différents, peut enfin avoir lieu. Cet objet se mouvant d’individu en individu, dessine ainsi une toile de contacts et de traces d’échanges, de rencontres et de partage. Par l’intermédiaire de ce gilet jaune, vous faites donc vous-même partie de notre œuvre.

The funeral of 4.5

50Par Akos, Clément, Stéphanie, Inés, Claire – Séminaire Improbable, 2013, Madrid

51Pierre tombale

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52Li Wei serait un parmi des milliers d’autres : des individus notés tout au long de leur vie sur des plateformes de l’économie collaborative. Ces notes formeraient alors des classements agrégés permettant de positionner dans un immense « ranking » chaque individu jusqu’à sa mort. Ici la pierre tombale n’indique pas seulement l’année de naissance et de mort mais aussi le nombre de votes et le classement mondial de Li Wei. Ces notes, pensées à l’origine pour construire de la confiance, ne mèneraient-elles pas à un contrôle permanent ?

Le Biomisateur

53Alice, Brune, Mehdi, Odélia, Caroline – Improbable, Paris, 2016

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54Bombe de peinture et vidéo télé-achat de promotion du biomisateur

55Le biomisateur permet de rendre bio tout produit du quotidien. Des fruits aux conserves en passant par les déchets, tout est aspergé d’une peinture verte magique représentant une solution miracle pour notre planète. Cette technologie est commercialisée selon les circuits traditionnels de la société de consommation de masse et les codes classiques du marketing, notamment à travers le télé-achat. Le bio ne serait-il finalement qu’une façade pour le consommateur, masquant l’ensemble des problématiques de l’alimentation durable ? La démarche du consommateur ne se révèlerait que superficielle, une illusoire prise de position citoyenne, censée se substituer à une évolution réelle des modes de consommation, garantie 48h. La reproduction subséquente des codes consuméristes sur le marché de l’alimentation durable ne génèrerait qu’absurdité et contresens, un voile opaque sur les yeux du consommateur.

Une porte d’entrée vers un nouveau monde des possibles

56D’un côté l’Art Thinking permet de rendre accessible au plus grand nombre la création et offre ainsi de nouveaux champs de possibles. D’un autre côté, cette méthode appauvrit en partie la création car elle la rend pilotable via un processus gestionnaire qui limite la profondeur, la densité, l’extraordinaire de l’acte créatif. Se former en 3 jours à la création ne permet en aucun cas d’atteindre le niveau d’expertise d’artistes expérimentés. C’est simplement une porte d’entrée, un passage vers un nouveau monde de possibles. Ce séminaire offre un cheminement pour une transformation, il n’est certainement pas un aboutissement.

57Par ailleurs, à force d’optimiser le processus, de packager la méthode, on peut s’interroger sur le risque de voir le séminaire « Improbable » devenir de plus en plus probable. À ce jour, cette difficulté ne s’est pas posée, mais il est essentiel de conserver une part de mystères, d’ouverture pour ne pas enfermer à nouveau l’humain dans un système de certitudes.

58L’histoire du monde s’est nourrie de la tension entre la production du probable et de l’improbable. En ce début de 21e siècle, le digital et les nouveaux modèles d’affaires favorisent à la fois la production d’un probable toujours plus certain et une fabrication quasi-industrielle de l’improbable. D’un côté les managers s’appuient sur des données massives pour optimiser les processus et réduire les niveaux de risque ; de l’autre, les entrepreneurs façonnent de nouvelles offres qui apparaissent improbables. Avec la diffusion de l’intelligence artificielle, l’humain va devenir de moins en moins pertinent et utile dans des contextes routiniers où le probable domine. Il reste cependant plus pertinent quand il s’agit de créer de nouvelles significations, de proposer des questions inédites, de repenser nos systèmes en place [14]. L’imaginaire et la fabrication du futur restent encore une spécificité de l’être humain. Il devient donc urgent de former les nouvelles générations à la création de l’improbable et non plus seulement leur transmettre des connaissances établies qui ne servent qu’à produire des solutions standardisées. L’Art Thinking est une pratique qui peut contribuer à ce défi et amorcer une dynamique pédagogique où le « monde possible » se construit avec les participants.

59L’Art Thinking n’est ni de l’art ni de l’entrepreneuriat. C’est une forme hybride qui cherche un chemin, une perspective pour accompagner l’humain dans sa quête d’un improbable qui apportera de nouvelles solutions aux formidables défis de notre planète. À ce jour, notre contribution est limitée et parcellaire mais elle existe et se développe pour faire vivre l’espoir que porte l’improbable.

Notes

  • [1]
  • [2]
  • [3]
    Toutain, O., & Verzat, C. 2017. L’entrepreneuriat et la jeunesse, un sujet en quête de sens. Entreprendre & Innover (2): 5-9.
  • [4]
    Ferrary, M. 2003. The Gift Exchange in the Social Networks of Silicon Valley. California Management Review, 45(4): 120-138.
  • [5]
    Kleon, A. 2012. Steal like an artist. New York: Workman Publishing.
  • [6]
    Debord, G., & Wolman, G. J. 1956. Mode d’emploi du détournement. Les Lèvres nues, (8).
  • [7]
    Waroquiers, C., & Bureau, S. 2018. Free Your Pitch. Créez des présentations percutantes. Paris: Pearson.
  • [8]
    Silberzahn, P. 2012. L’effectuation, logique de pensée des entrepreneurs experts. Entreprendre Innover, (3): 9-16.
  • [9]
    Debord, G. 1956. Théorie de la dérive. Les Lèvres nues (9).
  • [10]
    Bureau, S., & Fendt, J. 2012. La dérive Situationniste : le plus court chemin pour apprendre à entreprendre ? Revue Française de Gestion, 38(223): 181-200.
  • [11]
    Bourdieu, P. 2013. Manet : une révolution symbolique. Cours au Collège de France, 1998-2000, suivis d’un manuscrit inachevé. Paris, Seuil.
  • [12]
    Bureau, S., & Komporozos-Athanasiou, A. 2016. Teaching subversion in the Business School: an ‘improbable’ encounter. Management Learning, 1(48): 39-56.
    Potapchuk, V., & Bureau, S. 2016. Unlearning and Entrepreneurship Education: Why, When and How, Academy of Management. Anaheim, California, United States. Verzat, C., O’Shea, N., & Bureau, S. 2014. Apprendre à entreprendre en équipe, le rôle du leadership distribué, 5èmes Journées Georges Doriot. Rabat, Maroc.
    Bureau, S., & Fendt, J. 2012. La dérive Situationniste : le plus court chemin pour apprendre à entreprendre ? Revue Française de Gestion, 38(223): 181-200.
  • [13]
    Note basée sur la réponse de 320 participants de séminaires Improbable réalisés lors de formation continue entre 2015 et 2018.
  • [14]
    Dejoux, C. & Léon, E. 2018. Métamorphose des managers…: à l’ère du numérique et de l’intelligence artificielle. Paris: Pearson.
Français

Nouvelle approche, l’Art Thinking, permet de créer de l’improbable avec certitude. L’improbable peut se définir comme une situation non prédictible, peu plausible et qui peut pourtant s’imposer dans le réel. Des élections de Trump à Macron, du mouvement des Gilets Jaunes au Brexit en passant par la diffusion rapide de nouvelles technologies et de start-up à forte croissance, l’improbable est une constante. Dans un tel contexte, cette problématique de l’improbable concerne un nombre croissant de publics. La robotisation amplifie ce phénomène car l’être humain, pour se différencier des machines, doit être créatif et imaginatif. Il ne peut pas simplement reproduire des routines stables qui pourraient être plus efficacement mises en œuvre par une technologie. Le défi climatique requiert enfin des façons de produire et de consommer qui peuvent apparaître dans un premier temps improbables. Pour répondre à ces bouleversements, notre système éducatif ne doit plus simplement former à ce qui est, mais également permettre aux individus de se former à ce qui pourrait être. Autrement dit, il faut former à la création non plus quelques profils particuliers (artistes, designers, architectes…) mais un nombre massif de personnes. Pour contribuer à ce défi de la massification de la formation à la création, nous avons conçu le « séminaire improbable » qui permet de se former à l’Art Thinking et de s’initier aux pratiques créatives en 3 jours.

Sylvain Bureau
Sylvain Bureau, normalien agrégé en économie et Docteur de l’École Polytechnique en gestion est Professeur d’ESCP et Directeur de l’Institut Jean-Baptiste Say. Sa recherche porte sur les activités de création. S’appuyant sur ses travaux, il a développé la méthode Art Thinking qui permet de créer de l’improbable avec certitude. Il l’enseigne à ESCP ainsi qu’à Stanford, HEC Montréal, 42, l’École de Guerre… Les séminaires ont lieu au Centre Pompidou, au Musée des Beaux-Arts de Montréal ou encore au Block House à Tokyo. Il vient de publier Free Your Pitch, un livre sur la fabrique de l’argumentaire.
Mis en ligne sur Cairn.info le 17/03/2020
https://doi.org/10.3917/entin.042.0088
Pour citer cet article
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