CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 Comme dans de nombreux pays ou régions du monde où cette confession a été longtemps majoritaire [Pérez-Agote, 2015 ; Tranvouez, 2013 ; Lefebvre, Béraud et Meunier, 2015], on a assisté en France, au cours des dernières décennies, à une importante déprise catholique. Ce phénomène est attesté par plusieurs indicateurs : affaissement des taux d’appartenance, de pratiques et d’encadrement clérical. En moins de trente ans, la part des catholiques dans l’ensemble de la population habitant en France est passée, selon les données des enquêtes sur les valeurs des Européens [1], de 70 % en 1981 à 42 % en 2008. La baisse globale s’est traduite chez les jeunes par « un véritable effondrement » [Dargent, 2010, p. 215] puisqu’elle tombe, aux mêmes dates, de 54 % à 23 % pour les 18-29 ans. Ainsi, plus on est âgé et plus on a de chance d’être catholique, « avec une vraie rupture entre les plus de 60 ans et leurs cadets » [Dargent, 2009, p. 240]. Si 42 % des Français se déclarent catholiques en 2008, c’est le cas de 65 % des 60 ans et plus (contre 23 % des 18-29 ans ; 31 % des 30-44 ans et 41 % des 45-59 ans). Ces statistiques mettent en évidence un phénomène de « renouvellement des générations, les générations âgées, marquées par le catholicisme, qui sont en train de disparaître, étant remplacées par de jeunes générations beaucoup plus détachées des institutions religieuses » [Bréchon, 2009, p. 230]. Si l’on considère maintenant la pratique, les écarts entre tranches d’âge sont encore plus importants : 33 % des 60 ans et plus sont pratiquants réguliers ou irréguliers [2], contre 8 % des 18-29 ans (11 % des 30-44 ans et 18 % des 45-59 ans) [Bréchon, 2009, p. 231]. Ainsi, la catégorie des pratiquants est très majoritairement vieille et inactive (à la retraite). Ces fidèles se trouvent eux-mêmes très souvent face à des prêtres de moins en moins nombreux (au cours des vingt dernières années, leur nombre a été divisé par deux), qui appartiennent aussi au troisième, voire au quatrième âge [3] : un prêtre diocésain sur deux a plus de 75 ans.

2 Entre août 2012 et mai 2013, la mobilisation contre l’accession des couples de même sexe au mariage et à l’adoption, des prises de parole de certains évêques aux « Manif pour tous [4] » (les foules qui ont défilé à Paris en quatre occasions de novembre 2012 à mai 2013 [5]) et à la nébuleuse militante [6] à laquelle elles ont donné lieu (Veilleurs, Sentinelles, Hommen, Antigones, etc.), a marqué le retour des catholiques dans l’espace public et en politique. Elle a nourri en France un regain d’intérêt pour le catholicisme, tant dans les médias fascinés par le catholicisme jeune et festif qui s’est alors donné à voir, que dans le domaine de la recherche en sciences sociales.

3 Je me propose de revenir ici sur la situation paradoxale d’un catholicisme dont les indicateurs quantitatifs sont toujours à la baisse mais qui conserve une capacité de mobilisation qui a certainement été longtemps à tort sous-estimée. Cette visibilité nouvelle du catholicisme, qui est apparu publiquement très largement sur un mode unanimiste, ne doit pas faire oublier qu’il est aussi travaillé par une importante pluralité interne.

Une place encore privilégiée sur la scène religieuse française

4 Les catholiques sont en train de devenir en France une minorité religieuse. Ce phénomène est attesté par les différents indicateurs statistiques évoqués en introduction. Mais il est certainement moins une affaire strictement quantitative (le catholicisme demeure, de loin, la première religion du point de vue du nombre de ses fidèles) qu’assez largement subjective. Alors que la part des sans-religion n’a cessé de croître et que d’autres religions (l’islam en particulier) ont acquis une importante visibilité, les catholiques ont souvent l’impression d’être ignorés, voire moqués.

5 Lors de la mobilisation de 2012-2013, le discours sur la « christianophobie », latent depuis une dizaine d’années, s’est ainsi trouvé réactivé : les militants catholiques se disent alors détestés, méprisés et victimes de l’« opprobre médiatique ». Dans cette perspective, la mobilisation contre le mariage pour tous (physique dans les manifestations et virtuelle sur les réseaux sociaux) a permis aux catholiques qui y ont pris part une réassurance identitaire, tant par les formes d’identifications individuelles qu’elle a nourries que par l’affirmation dans l’espace public de cette communauté [7]. Comme dans le cas des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ), le déploiement dans l’espace public urbain (et sur les réseaux sociaux) et la médiatisation ont redonné au catholicisme, certes de manière éphémère (selon la temporalité qui est celle de l’événement), une visibilité inattendue. La convivialité, qui était donnée publiquement à voir, n’était pas feinte. Elle ne visait pas seulement à déconstruire les stéréotypes négatifs qui pouvaient être associés aux manifestants. Elle procédait de cette logique d’entre soi, tout à la fois chaleureuse et rassurante, caractéristique des groupements de convaincus.

6 Si les catholiques ont ainsi paru à cette occasion être entrés dans l’« ère communautaire » [Cuchet, 2013, p. 199], ils jouissent encore d’importantes ressources, dont ils sont héritiers, et qui les différencient nettement des autres groupes religieux. Le catholicisme conserve une position privilégiée dans le champ religieux, celle d’une minorité qui a encore de beaux restes de la période où elle était majoritaire. Il dispose ainsi de ressources organisationnelles et de capacités d’action collective de loin inégalées par les autres cultes : un dispositif territorial (le réseau des diocèses et des paroisses) qui s’est alors trouvé mobilisé, un savoir-faire événementiel (les catholiques savent depuis longtemps mettre sur pied de grands rassemblements), des moyens financiers qui s’appuient sur la générosité des fidèles, un groupe d’entrepreneurs de morale (mobilisés pour certains sur les questions de genre depuis les années 1990), un réservoir de militants (autour des associations familiales catholiques et de l’enseignement privé notamment), des relais médiatiques et politiques, l’inscription dans des réseaux internationaux. De surcroît, ces catholiques entendent défendre des valeurs et des normes, qu’ils considèrent comme universelles, et refusent ainsi l’enclavement particulariste.

7 L’ampleur de la mobilisation de 2012-2013, au-delà du cercle réduit des pratiquants réguliers, pourrait sembler infirmer l’hypothèse de la déliaison en France entre la culture catholique et l’univers civilisationnel que celle-ci a contribué à façonner pendant des siècles, l’« exculturation » pour reprendre le concept forgé par Danièle Hervieu-Léger [2003]. Il faut d’abord rappeler que l’exculturation n’est pas un état mais un processus, c’est-à-dire encore en cours, non linéaire et d’ampleur inégale selon les secteurs de la vie sociale. Il faut également prendre en considération l’échec de la mobilisation : si la PMA (procréation médicalement assistée) pour les couples de femmes n’a finalement pas été intégrée à la loi, la contestation n’a pas empêché l’adoption par le Parlement de la loi ouvrant aux couples de même sexe le mariage et l’adoption. Il n’en demeure pas moins que l’empreinte catholique sur la culture est certainement plus tenace qu’on ne pouvait le penser, capable de réactiver certains de ses effets, en particulier lors de moments de « panique morale » [Cohen, 1980 (1972)] comme celui que l’on a pu observer autour du projet de loi et des craintes relatives au devenir de la famille qui se sont manifestées à cette occasion. Certes, le catholicisme n’offre plus en France un cadre culturel englobant. L’Église et son clergé ne contrôlent plus les croyances et les pratiques. L’Église catholique reste cependant « un acteur social significatif susceptible même d’attirer en certaines circonstances l’allégeance passive de pans entiers de ces populations » [Davie, 2012, p. 95]. Cela a été indéniablement le cas lors du mouvement anti-mariage pour tous. Face au changement social, elle a constitué un pôle de résistance et de stabilité (autour duquel se sont nouées des alliances religieuses et non religieuses), celui de la tradition, en mettant en avant un modèle conjugal et familial présenté comme universel et anhistorique, modèle qu’elle a pourtant très largement façonné au cours de l’histoire et dont l’institution civile du mariage a durablement été imprégnée [Hervieu-Léger, 2003, p. 179]. C’était, certes, aller dans le sens d’une marginalisation culturelle et sociale renforcée et prendre le risque de perdre un nouveau combat [8]. Mais l’on peut se demander si l’Église catholique ne remplissait pas ainsi un rôle que, au-delà de ses fidèles les plus impliqués, on attend encore parfois d’elle : celui d’incarner et de défendre la possibilité d’un ordre stable et prétendu immuable.

Un monde religieux pluriel

8 L’une des raisons du succès de la mobilisation catholique réside dans la capacité qu’ont eue ses acteurs à nouer des alliances religieuses (avec d’autres groupes confessionnels) et séculières (principalement du côté de certains juristes et certains « psys ») [Béraud et Portier, 2015]. De telles convergences ont contribué à désingulariser la mobilisation des catholiques. Comme l’invocation de « fondements anthropologiques » qui avaient joué le rôle de référence, voire de transcendance de substitution, lors des débats sur le Pacs [Fassin, 2001, p. 95], elles ont permis une montée en généralité, voire une prétention à l’universalité des normes défendues. Cette stratégie externe a eu pour corollaire, en interne, l’imposition d’une contrainte du consensus qui, comme à l’époque des débats sur le Pacs [Buisson-Fenet, 2004], a limité fortement l’expression publique des divergences internes au monde catholique en général et au clergé en particulier. La façade institutionnelle unanimiste, cultivée par les militants et certains évêques, et validée (involontairement) par les médias, voire par des collègues peu familiers de ce monde religieux, a masqué, au moins pour un temps (entre l’été 2012 et le printemps 2013), sa pluralité interne. Pour rendre compte de cette pluralité, plusieurs cadres analytiques ont été proposés [9] et discutés [Cuchet, 2017].

9 L’épisode du mariage pour tous a mis en évidence que le catholicisme que l’on peut qualifier « d’identité » à la suite de Philippe Portier [10] ou de pôle du « régime des certitudes », pour reprendre l’expression de Jacques Lagroye, ne se trouve plus à la marge, dans des communautés dites « nouvelles », mais, depuis une vingtaine d’années, au cœur même des dispositifs traditionnels d’exercice de l’autorité catholique : conférence épiscopale, diocèses et paroisses. La mobilisation de 2012-2013 a encore contribué à renforcer ce pôle qui y a alors gagné en capital social (en tissant des réseaux réels et virtuels entre groupes auparavant épars), en capital politique (par les reconversions politiques qu’ont opérées certains militant-e-s vers « Sens commun », notamment) et en « capital médiatique » [Tricou, 2016, p. 46-47].

10 La force du concept proposé tout récemment par Danièle Hervieu-Léger, celui de « catholicisme ostensible [11] », réside dans l’insistance sur la visibilité recherchée par les fidèles et sur le lien que la sociologue établit entre cette façon de s’identifier comme catholique et le passage du statut de majorité à celui de minorité (ou plutôt la conscience forte qu’en ont les acteurs). Il ne s’agit plus, en effet, pour ces catholiques de s’enfouir dans le monde comme l’avaient fait leurs aînés mais, au contraire, d’y affirmer sans complexe leur identité et leurs convictions. Ainsi, alors que le catholicisme français des années 1970 s’était « dévisibilisé » [Tranvouez, 2011, p. 214], la visibilité, voire le spectaculaire, s’y trouvent aujourd’hui volontiers cultivés : importance accordée aux signes religieux (à l’habit ecclésiastique pour les prêtres, par exemple), investissement de la rue par l’organisation de rassemblements dont les JMJ sont exemplaires, construction d’églises à l’identité architecturale forte [Saint-Martin, 2010]. Une telle visibilité est pleinement conforme au programme de la « nouvelle évangélisation » à laquelle avait appelé Jean-Paul II, dans le sillage de l’exhortation apostolique Evangelii nuntiandi (1975) de Paul VI, son prédécesseur qui insistait déjà sur la nécessité d’une annonce « explicite » de la « Bonne Nouvelle » et celle d’un « nouvel apostolat ».

11 Ces catholiques ne sont pas seulement des pratiquants mais également des militants dont l’engagement s’est déployé autour des questions liées au « vivant » (de ses débuts à sa fin), à la sexualité et au genre [Dobbelaere et Pérez-Agote, 2015], pour y faire prévaloir ce qu’ils considèrent être la « loi naturelle ». Rien d’étonnant donc à ce que la question du « retour » ou de la « permanence » d’un catholicisme intransigeant ait été posée d’abord par un évêque (Mgr Dagens [12]) puis par un historien [Mercier, 2013, p. 353].

12 À l’intérieur de ces groupes, prédomine une logique d’entre soi (amplifiée par les réseaux sociaux), cultivée par des instances de socialisation qui encadrent les fidèles quels que soient leur âge et leur état de vie. D’un point de vue liturgique, on y observe une volonté de restauration des rôles (entre prêtres et laïcs, entre hommes et femmes) et de certaines pratiques que l’on croyait un peu tombées en désuétude (dévotion mariale, adoration du Saint-Sacrement, chemins de croix…). Le réinvestissement de pratiques ascétiques (jeûne, veillée d’adoration) témoigne d’une forme de virtuosité religieuse, qui y est cultivée, et de valorisation de la performance qu’elle soit physique ou morale. Il est en partie désidéologisé :

13

« Derrière le renouveau des “dévotions catholiques vintage” […], il y [a] aussi l’innocence théologique et culturelle d’une génération qui [ignore] tout, par exemple, des enjeux ecclésiologico-politiques portés par l’intensification de la piété mariale au xixe siècle ou des passions qui dressèrent, aux générations de leurs parents ou de leurs grands-parents, les tenants d’un catholicisme de la “mission” contre les routines de la pratique dévote » [Hervieu-Léger, 2017, p. 608].

14 Les formes de religiosité qui ont la prédilection de ces catholiques, comme les engagements militants qui sont les leurs, constituent des éléments qui servent à ces catholiques à manifester « une distinction, sociale et culturelle, autant que religieuse » [Hervieu-Léger, 2017, p. 604].

15 Enfin, ces catholiques mêlent emprunts à la tradition et à la modernité par le recours aux outils de la modernité technique mais également dans la façon de construire les identités et de se mettre en récit sur le mode, souvent, du « converti de l’intérieur » [Hervieu-Léger, 1999], c’est-à-dire d’une réaffiliation confessionnelle présentée comme choisie par l’individu et vécue de manière qualifiée d’authentique. S’ils affichent leur attachement à la norme romaine, ils n’en sont pas moins travaillés eux aussi par un processus d’individualisation. L’authenticité de l’engagement personnel librement choisi et la qualité des relations interpersonnelles tissées dans des réseaux ecclésiaux, subjectivement appréciée, peuvent primer sur l’obéissance diocésaine. La question de la (dé)régulation institutionnelle s’y pose donc autant qu’ailleurs.

16 La mobilisation et, certainement davantage encore, la façon dont les médias en ont rendu compte témoignent, en creux, de l’effacement ou du moins de l’invisibilisation des catholiques d’ouverture, ces « courants “progressistes” ou “conciliaires”, souvent de gauche, qui ont connu des heures plus fastes dans les années 1970-1980 » [Cuchet, 2013, p. 200]. Ces derniers, contrairement à ceux de l’autre pôle, ont développé une pensée de l’autonomie « qui engendre un discours relativement “large” en matière d’éthique familiale et sexuelle » [Portier, 2012, p. 26]. Parmi eux, certains ont pris position en faveur du mariage pour tous [Béraud, 2015]. Ces catholiques ont pu trouver, peut-être hâtivement, dans certaines des déclarations du pape François de quoi soutenir leurs aspirations relatives non seulement à une forme de reconnaissance des nouvelles formes de conjugalité et de parentalité mais aussi à la place des femmes au sein de l’institution ecclésiale, voire à l’accès d’hommes mariés à la prêtrise. L’élection de Jorge Bergoglio comme pape en mars 2013 a fait émerger une figure d’autorité moins en phase que celle de son prédécesseur avec le réarmement identitaire de certains clercs et laïcs. À l’échelle du catholicisme français, l’ouverture pastorale perceptible à Rome a certainement déstabilisé les militants anti-mariage pour tous. Surtout, elle a également rendu possibles certaines prises de paroles.

17 La pluralité interne au catholicisme français, loin de s’être estompée, apparaît donc comme encore très marquée. Elle en constitue même l’une de ses principales caractéristiques :

18

« […] les paroisses sont de plus en plus des regroupements affinitaires qui expriment l’adhésion à un style liturgique ou l’entre soi d’un groupe social. Le catholicisme français donne donc l’image d’un ensemble de tribus que les évêques peinent à fédérer. L’avenir dira s’il échappera, d’une part, au risque du repli et de la marginalisation – le pape François multiplie sur ce point les mises en garde – et, d’autre part, à celui de l’éclatement et de l’atomisation » [Tranvouez, 2015, p. 67-68].

Conclusion

19 Il n’y avait pas que des catholiques dans les cortèges des Manif pour tous. De surcroît, tous les catholiques pratiquants n’y ont pas pris part, tant s’en faut. Si certains évêques ont souhaité apparaître comme des lanceurs d’alerte pointant les risques que l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe faisait selon eux peser sur « la » famille, beaucoup sont demeurés discrets et se sont bien gardés d’apparaître dans les cortèges. Il n’en demeure pas moins que l’épisode du mariage pour tous constitue un observatoire privilégié des transformations à l’œuvre dans le catholicisme français depuis une vingtaine, voire une trentaine d’années, c’est-à-dire depuis le pontificat de Jean-Paul II. Au cours de la période, la déprise catholique s’est poursuivie mais, comme le montre cet épisode, le catholicisme ne s’en est pas trouvé définitivement marginalisé. Si la mobilisation a mis sur le devant de la scène un certain type de catholiques, son analyse montre également la persistance de courants collatéraux qui donnent à voir la pluralité interne de ce monde religieux.

20 Ces transformations ne doivent pas être perçues comme isolées et analysées au seul échelon national. Les mobilisations contre le mariage de même sexe et, plus largement, les campagnes « anti-gender » [Kuhar et Paternotte, 2017] auxquelles on assiste depuis la fin des années 1990 dans différents pays européens de tradition catholique majoritaire, selon une intensité et une conflictualité variables, sont connectées. Elles s’inscrivent en effet dans l’activisme transnational du Vatican contre ce qui est perçu par les autorités romaines comme la dénaturalisation de l’ordre sexuel et reproductif. On observe, en outre, des transferts de répertoire d’action d’un contexte national à un autre, en Italie notamment, où ont émergé des organisations et des formes de mobilisations importées du contexte français : La Manif pour Tous-Italia et les Sentinelle in Piedi.

Notes

  • [1]
    On s’appuie ici sur les enquêtes sur « les valeurs des Européens » (European Values Surveys) effectuées par des universitaires en 1981, 1990, 1999 et en 2008. Y sont posées une trentaine de questions sur les attitudes religieuses. On peut en exploiter les données aussi bien dans le temps en comparant les résultats d’une enquête à l’autre que dans l’espace, en comparant les résultats dans les différents pays d’Europe.
  • [2]
    Les pratiquants réguliers assistent à un office religieux au moins une fois par mois, les pratiquants irréguliers quelques fois dans l’année.
  • [3]
    « La carte de France des prêtres », La Croix, 21 mai 2010.
  • [4]
    L’expresion « Manif pour tous » désigne tout à la fois les manifestations et le collectif qui les a organisées.
  • [5]
    On assiste ensuite, après la promulgation de la loi, à plusieurs autres manifestations (en octobre 2013, février 2014 et octobre 2015) avec une diversification des revendications (contre les programmes scolaires, contre la gestation pour autrui, mais aussi contre la politique fiscale du gouvernement, etc.).
  • [6]
    Cette nébuleuse militante, malgré un affichage aconfessionnel, a recruté très largement parmi les catholiques.
  • [7]
    Ce processus, à l’œuvre dans les Manif pour tous, a pu être qualifié d’auto-prosélytisme, « entendu au sens d’un étayage identitaire des membres adhérents dans un contexte de pluralité éthique, et donc de sentiment de minoration » [Tricou, 2016, p. 56].
  • [8]
    Danièle Hervieu-Léger, « Mariage pour tous : le combat perdu de l’Église », Le Monde, 12 janvier 2013.
  • [9]
    Portier [2002 ; 2012] ; Lagroye [2006] ; Raison du Cleuziou [2014] ; Hervieu-Léger [2017].
  • [10]
    Philippe Portier distingue deux groupes au sein du pôle de l’« identité » : les charismatiques (la communauté de l’Emmanuel en particulier) et les « restitutionnistes » (la communauté Saint-Martin, les frères de Saint-Jean, ou encore les foyers de Charité).
  • [11]
    Forgé à l’occasion de sa recherche sur le monde monastique pour tenter de rendre compte de la relative attractivité suscitée par les monastères dits « traditionnalistes ».
  • [12]
    La Croix, 22 avril 2013.
Français

L’article considère l’épisode du mariage pour tous comme un observatoire privilégié des transformations à l’œuvre dans le catholicisme français depuis une trentaine d’années. Parmi les opposants au projet de loi, les catholiques sont apparus comme des acteurs clés. La force de la mobilisation catholique et surtout sa capacité à recruter au-delà des rangs des fidèles, qui sont réduits en nombre, étaient inattendues.
Ce réengagement en politique a montré les ressources d’un groupe religieux considéré depuis des décennies, à tort, comme atone. Le mouvement a également donné à voir la grande pluralité interne au catholicisme français. Principalement conduite par des catholiques d’« identité » en phase avec l’aile conservatrice de l’appareil ecclésiastique, la mobilisation n’était pas unanime. Elle a révélé d’importantes divisions internes.

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Céline Béraud
Directrice d’études à l’EHESS. Membre du Centre d’études en sciences sociales du religieux.
Mis en ligne sur Cairn.info le 10/07/2017
https://doi.org/10.3917/rdm.049.0327
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