CAIRN.INFO : Matières à réflexion

L’Humain médicament, Quaderni, N˚81 (printemps 2013), Editions de la Maison des sciences de l’homme, Paris

1L’intérêt de ce dossier tient à ce qu’il nous conduit au-delà des principes juridiques et éthiques qui animent le plus souvent le « débat bioéthique » en France. Il s’intéresse, en effet, à propos de l’étude des thérapies innovantes, à montrer comment et pour quelles raisons s’élabore la réglementation appliquée à une catégorie juridique, qui est précisément construite en fonction d’une normalisation adaptée à un équilibre entre les attentes des différents acteurs : patients et médecins, industriels du médicament et agences de régulation.

2Apparaissent ainsi « au grand jour » les objectifs qui visent à promouvoir et à mettre en place un marché de nouveaux produits à visée thérapeutique et médicamenteuse et ses conséquences, qui pour certains apparaitront comme un moyen de détourner les principes éthiques et juridiques, en légitimant l’incorporation à ces nouveaux produits d’éléments du corps humain.

3Nous avons placé l’expression « au grand jour » entre guillemets car la conclusion certaine de cette étude, comme le révèlent notamment les textes portant sur les politiques publiques et sur la perception sociale, est le flou des approches ou de la compréhension que nous en avons. Comment, en effet, concilier dans une même approche des visions distinctes, l’une mettant en exergue les bénéfices attendus et l’autre en soulignant les risques pour la sécurité et les principes éthiques ? Comment, par ailleurs, expliquer les attitudes apparemment contradictoires du public telles que la corrélation des perceptions sociales hostiles avec une meilleure compréhension des enjeux scientifiques ?

4Les auteurs de l’ouvrage ont, à coup sûr, raison sur ce point : la question de la communication et de ses rapports, notamment éthique, juridique et politique, avec les technologies et le pouvoir est encore un domaine en jachère qui demande une plus grande mobilisation des sciences sociales pour en définir le domaine et en élaborer les outils.

Jean-Daniel Rainborn et Samira El Boudamoussi, New Cannibal Markets, Fondation Brocher et Editions de la Maison des sciences de l’homme, Genève et Paris, 2015

5Cet ouvrage est le fruit d’une réflexion pluridisciplinaire et internationale sur l’essor du marché global des biotechnologies médicales. Il vise à analyser mais aussi à stigmatiser les effets de la libéralisation du marché de la santé sur la réification du corps humain et de ses éléments dans la mesure où la demande des pays de haute technologie en ressources biologiques humaines conduit à une exploitation des populations vulnérables et des pays qui ne sont pas en mesure de mettre en place une réglementation pour contrôler et prévenir ces dévoiements.

6Pour mieux analyser ce « nouveau cannibalisme » les auteurs ont concentré leur étude sur quatre situations : le marché non réglementé des techniques de procréation assistée et, en particulier, l’essor de la gestation pour autrui à titre commerciale, les conditions de la collecte des organes qui alimentent le marché de la transplantation, la fuite des cerveaux des professionnels de santé des pays en développement qui réduit les capacités de ceux-ci à répondre aux besoins de santé de leur population et l’émergence d’entités privées qui collectent, conservent et vendent des produits d’origine humaine.

7Les réflexions globales portées sur cette analyse conduisent les auteurs à théoriser et dénoncer de nouvelles formes d’exploitation et leur mondialisation : celle des personnes vulnérables, des femmes, des pays du Sud. Quelles réponses convient-il alors d’apporter ? Elles sont moins idéologiques que pragmatiques, les auteurs reconnaissant que les affirmations de principe de la communauté internationale ne sont guère efficaces à combattre ce nouveau marché de la santé. C’est pourquoi, ils nous proposent une série d’approches pour en établir la gouvernance et les outils : celle des droits de l’homme mais aussi des (bonnes) pratiques professionnelles internationalement reconnues. A côté des politiques nationales, qui sont encouragées, la place du droit international, de ses organisations spécialisées (OMS) et de la communauté scientifique y est grande pour explorer les voies d’un contre-pouvoir à celui du néo-libéralisme ainsi dénoncé. Et quels résultats peut-on en attendre alors que les auteurs situent nettement cette perspective comme un futur ? Faut-il penser, comme certains le laissent entendre, qu’une manière de freiner le marché serait à court terme d’admettre des formes de compensations légales comme moyen d’en limiter les abus ?

Christian Byk
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Mis en ligne sur Cairn.info le 06/11/2017
https://doi.org/10.3917/dsso.041.0004
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