CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1L’éthique semble être devenue une évidente réalité liée tant à la recherche qu’à la pratique médicales. N’y a-t-il pas là matière à s’étonner et ce d’autant plus qu’inscrire cette démarche entre nécessité ou contrainte indique qu’elle n’ a rien de facultatif ?

2En premier lieu, l’évidence nous renvoie à la nature de la relation qui a longtemps prévalu entre le médecin et son patient, une relation spécifique et singulière, « une confiance qui rencontre une conscience », pour reprendre les mots, quelque peu empreints de paternalisme, du Dr L. Portes.

3L’éthique médicale serait ainsi la manifestation du devoir de conscience du médecin envers ceux, plus vulnérables, à qui il prodigue ses soins. Les transformations profondes de la médecine, devenue technique, et parfois ses dévoiements, au service de « causes » niant la dignité de l’homme, nous ont montré que ni le médecin individuellement ni la communauté médicale ne pouvaient plus seuls assurer pleinement, par leurs comportements, cette part de prise en charge d’autrui. Le recherche médicale constitue à cet égard un bon exemple de cette novation de l’activité du médecin. Elle l’institue, en effet, comme chercheur dans une dimension où la personne devient un sujet de recherche et gagne, par sa participation à une activité collective, scientifiquement organisée, ce qu’ elle perd comme patient espérant un traitement individualisé.

4Non seulement, les facteurs qui ont affecté la médecine renforcent l’idée que l’éthique est nécessaire mais, de surcroit, ils nous invitent à une éthique médicale qui prenne en compte la nouvelle dimension de l’activité médicale prise dans sa globalité, la recherche et le soin mais aussi la dimension collective et la relation individuelle.

5Cette nécessité est aussi devenue plus complexe. L’éthique des professionnels de santé garde sa spécificité et « il n’est aucune considération administrative qui puisse (les) en dégager » mais, en même temps, les obligations d’état qui s’imposent aux médecins forment un corps de règles qui valent aussi pour d’autres professionnels (notaires…). De plus, l’activité médicale et la recherche dans sa logique industrielle relèvent d’une logique économique, celle d’un marché des services et produits de santé, qui justifie que d’autres règles garantissent un accès équitable de tous aux soins de santé disponibles. Enfin, il ne faut pas négliger la force de la logique des droits de l’homme qui conduit à faire de la protection sociale, y inclus les soins de santé, un élément fondamental du contrat social et offre aux tribunaux la capacité de participer, à l’instigation des requérants, à une construction juridique qui se nourrit également de principes d’éthique.

6C’est dans cette configuration que les comités d’éthique jouent leur rôle depuis près d’un demi-siècle. Mis en place, après l’adoption du Code de Niremberg, comme une protection des personnes participant à des recherches biomédicales, ils sont aussi devenus dans ce cadre un élément de garantie du bon processus de recherche comme de celui du développement industriel du médicament.

7Dans le domaine de la pratique de soins, qui est de plus en plus soumise aux contraintes économiques, le rôle des comités d’éthique semble plus distant parce que, sans doute, ce rôle reste encore à définir pour écarter ce qui relèverait d’ une nouvelle bureaucratie ou encore d’un enjeu de pouvoirs. Peut-être, convient-il plus simplement mais aussi plus efficaement qu’ils contribuent à faire apparaître au grand jour les pratiques, dans leur diversité et leur dimension humaine, pour qu’elles suscitent prise de conscience, réflexion et dialogue.

8S’il y a ainsi nécessité de l’éthique, c’est une nécessité dictée par le souci d’une prise conscience lucide sur de nouvelles pratiques et leurs enjeux. La contrainte tant morale que légale, que manifeste aujourd’hui « l’expansionnisme éthique », ne doit pas fermer la porte aux lieux de parole et de dialogue que constituent les comités d’éthique dans la diversité de leurs rôles et de leurs modes de fonctionnement.

Christian Byk
Rédacteur en chef, Magistrat, Vice-président du Comité intergouvernemental de bioéthique (UNESCO), CNFU
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Mis en ligne sur Cairn.info le 06/11/2017
https://doi.org/10.3917/dsso.041.0003
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