CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1L’accueil familial est un dispositif institutionnel dont on attend des effets bénéfiques tout à la fois thérapeutiques et éducatifs pour l’enfant. Mais en tant que tel, c’est un dispositif social dont il importe d’identifier les tenants et les aboutissants, les déterminants. La décision de placer un enfant chez un(e) assistant(e) familial(e) ou un couple d’assistants familiaux (que l’on nommait autrefois « famille d’accueil ») revêt d’importants enjeux. Les multiples aspects de l’accueil familial méritent d’être analysés afin d’en limiter les impacts éventuellement contraires aux objectifs poursuivis. Les bouleversements psychiques et relationnels induits par un tel dispositif créent les conditions d’un véritable « laboratoire à ciel ouvert » dont les enseignements ne manquent pas d’éclairer la compréhension de ce qu’est une famille pour un enfant. Comment mettre en œuvre la mesure de placement dans un contexte où l’idéal de réparation se heurte à des points de résistance : hostilité parentale, sentiment de culpabilité de l’assistant(e) familial(e), conflit de loyauté de l’enfant, etc. ? Quand ce ne sont pas les implicites idéologiques du dispositif et des représentations qui animent tant les travailleurs sociaux que les juges des enfants qui viennent faire obstacle aux possibilités de changement ! En ce sens, la dimension anthropologique et/ou ethnologique du « confiage » ou « fosterage » n’est pas à négliger. Nous ne ferons pas, à cet égard, l’économie d’interroger la pratique d’accueil familial au regard de la question politico-institutionnelle.

2C’est, en guise d’ouverture de ce dossier, ce à quoi s’attèle Gérard Neyrand dans son écrit, non sans souligner les tensions, contradictions et autres résistances qui émaillent non seulement le débat autour de la « parentalité d’accueil » mais également les évolutions et les pratiques. Les difficultés actuelles ne seraient-elles pas porte-symptômes quant aux questions socioculturelles à propos des liens d’alliance et de filiation, liens propres à la famille ?

3Dans la même veine mais en s’appuyant sur ce qui, des troubles rencontrés dans les pratiques, vient révéler sur le mode du symptôme les contradictions internes, l’article de Daniel Coum analyse la persistance d’une idéologie familialiste et l’obsolescence des pratiques qui s’en inspirent pour proposer une autre conception de l’accueil familial.

4Serge Escots, quant à lui, pour prolonger le débat, rend compte de ce que l’accueil familial, en pleine évolution, n’a pas encore trouvé ses nouveaux points de repère. L’évolution des lois en matière de protection de l’enfance y est interrogée. L’accueil familial est présenté comme un des piliers de l’aide sociale à l’enfance. Il mérite d’être mis en relief en travaillant sur la professionnalisation du métier d’assistant(e) familial(e) trop longtemps mal considéré.

5L’accueil familial doit disposer d’un cadre institutionnel contenant, soutient Didier Houzel, cadre à partir duquel il est possible de penser les expériences psychiques, intersubjectives et intrapsychiques du côté tant des assistants familiaux que de leurs institutions, comme du côté des familles dont un ou plusieurs enfants sont accueillis chez un(e) assistant(e) familial(e).

6L’accueil familial renvoie également à des pratiques cliniques en cours, multiples et riches d’expériences faisant l’objet d’analyses fines autant que documentées.

7Ces expériences vécues sont décrites et analysées aussi finement que possible dans l’article théorico-clinique de Sophie Martins-Lima. C’est à partir d’une pratique clinique d’accompagnement des visites médiatisées que l’auteure vient interroger sa place de psychologue clinicienne.

8Ce sont également les liens d’affiliation – « double affiliation » en l’occurrence – tels qu’ils se déploient sur des figures parentales autres qui sont passés au crible de l’analyse de Martin Pavelka.

9Le travail thérapeutique qu’il est possible de réaliser dans une institution dédiée à l’accueil familial est le cœur de l’article du thérapeute familial psychanalytique Emigliu Filidori, qui présente le cas d’une enfant placée en famille d’accueil et traitée dans le cadre d’un dispositif groupal.

10Ce sont d’autres liens – fraternels en l’occurrence – qu’il est question dans l’article de William Baticle, Claire-Marie Hétier et Hana Rottman dans la prise en compte de la complexité d’un lien certes nécessaire, valorisé par le juridique et les lois récentes, mais possiblement menaçant pour la subjectivité des enfants lorsqu’il véhicule la pathologie familiale.

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12Hors dossier, Anne de Truchis de Lays, pédiatre, et Perrine Sablayrolles, psychologue clinicienne formée à la thérapie familiale, montrent comment les professionnels en service de soins en périnatalité peuvent accompagner dans la rencontre avec leur bébé des parents marqués d’une blessure narcissique liée au placement d’un enfant précédent.

13A partir d’une recherche, Flora Koliouli, Stéphanie Pinel-Jacquemin et Chantal Zaouche Gaudron analysent les relations entre les mères ayant des enfants en situation de handicap ou présentant des difficultés développementales et les professionnelles au sein de crèches collectives dites inclusives. Cette étude permet de pointer l’importance du partage d’informations entre parents et professionnels et celle du rôle d’accompagnement dans l’acceptation du handicap de l’enfant ou dans le processus de parentalité.

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15Dans ce numéro, Dialogue rend hommage à tout ce que Jean-G. Lemaire a apporté à la communauté des praticiens, des chercheurs et aussi des couples et des familles. En effet, il savait dire des choses compliquées avec des mots simples, ce qui a permis à ses travaux de rencontrer le grand public.

16Dialogue a choisi de publier un article déjà paru dans ses colonnes en 2015, car il synthétise et actualise toutes les avancées et les évolutions des théories et des pratiques des psychothérapies psychanalytiques en couple développées par ce praticien et chercheur hors pair.

17Jean-G. Lemaire était un homme éclairé, cultivé, il s’intéressait à des phénomènes sociétaux comme celui de la croyance, par exemple. Le comité de rédaction remercie chaleureusement la revue Le divan familial qui a accepté que nous reproduisions un entretien avec Jean mené par Élisabeth Darchis sur « La source et le fonctionnement de la croyance dans le couple et la famille ».

18Ces deux textes rendent bien compte de la richesse de cet homme qui a su transmettre par écrit, dans des interviews, des cours et des conférences toute la créativité et la fécondité de sa pensée.

Florence Baruch
Psychologue clinicienne, thérapeute psychanalytique de couple et de famille.
florencebaruch@gmail.com
Daniel Coum
Psychologue clinicien, psychanalyste.
daniel.coum@wanadoo.fr
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Mis en ligne sur Cairn.info le 13/01/2022
https://doi.org/10.3917/dia.234.0009
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