Les Français s’interrogent depuis longtemps – on serait tenté de dire depuis la fin de la guerre de Sept Ans (1763) ou en tout cas depuis « l’étrange défaite » de 1940 – sur la place de leur pays sur la scène internationale. La hantise du déclin ou du déclassement est le revers d’une ambition nationale persistante.
La question du poids de la France dans le monde se pose toutefois en fonction de données différentes selon les époques. C’est donc d’abord par un aperçu du contexte international actuel qu’il faut passer avant de tenter d’offrir quelques éléments de réponse à cette question en cette seconde décennie du XXIe siècle.
L’Histoire avance de plus en plus à grandes enjambées. Des séismes qui ont bouleversé les débuts de ce siècle, retenons notamment trois faits majeurs.
En premier lieu, ce que nous appellerons avec d’autres la désoccidentalisation du monde.
Sans doute la fin de l’URSS nous a-t-elle fait entrer dans une brève période d’unipolarité américaine ; à celle-ci a succédé ce monde incertain qui n’est pas vraiment apolaire, mais qui ne se coule ni dans le schéma de la multipolarité ni pour l’instant dans celui de la bipolarité sino-américaine. Il est clair en tout cas que l’Occident a perdu la position dominante qui a longtemps été la sienne. Sur les plans économique, militaire, politique et finalement sur le terrain de l’influence, le rapport des forces s’est progressivement déplacé au détriment des Occidentaux. Ceux-ci doivent compter avec les puissances émergentes sur le plan économique – Inde, Brésil, Indonésie, Afrique du Sud et d’autres – et avec des puissances résurgentes sur le plan géopolitique – Russie, Turquie, Iran, par exemple…