Cet article est issu d’une conférence programmée à la Sorbonne le 14 mars 2022. Le texte publié sans actualisation postérieure est conforme au prononcé. Traiter, en raison de la gravité des circonstances, sans recul et quasiment à brûle-pourpoint, de la guerre en Ukraine était alors une entreprise forcément exposée au possible contredit des événements futurs. Ce risque reste assumé trois mois plus tard au moment de la publication. Évoquer le sujet en cherchant à l’aborder sous l’angle particulier des problématiques technologiques qui étaient, cette année, au cœur du cycle de conférences de la Chaire Grands enjeux stratégiques contemporains, n’allait en outre pas de soi.
En effet, par ses mobiles et maints de ses aspects, la guerre déclarée par la Russie à l’Ukraine apparaît d’un autre âge, plus appartenir au XXe siècle qu’au XXIe siècle. C’est une guerre expansionniste et impérialiste qui semble venir du passé, une guerre datée, une guerre bâtarde :
Une guerre datée, en raison des motifs politiques invoqués, des concepts d’emploi appliqués et de certains moyens militaires déployés par Moscou qui semblent tout droit sortis du magasin idéologique et des arsenaux de la guerre froide.
Une guerre bâtarde à plusieurs titres : parce que le passage à la guerre ouverte en Ukraine peut tout aussi bien s’interpréter comme une rupture dans la stratégie hybride jusque-là mise en œuvre par la Russie que comme une de ses modalités. Pendant les combats, la guerre hybride se poursuit d’ailleurs à bas bruit et pourrait reprendre de plus belle à la fin des hostilités ou en phase d’extension du conflit…