CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 Les pays du G5 Sahel, à savoir le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad, constituent un ensemble homogène non seulement par leurs caractéristiques physico-naturelles, leurs indicateurs de développement socio-économique mais aussi par leur histoire, leur géographie, leur culture et en particulier la langue française qu’ils ont en partage qui est la langue officielle du G5 Sahel.

2 En conséquence, le G5 Sahel, dans son périmètre présentant tous les atouts pour une convergence facilitée des perceptions et donc des actions, s’est constitué dès son origine comme le cadre d’une coopération structurée permanente à visée opératoire, sous l’égide des plus hautes autorités politiques de ses cinq États-membres.

3 Car ce sont les cinq chefs d’États eux-mêmes qui, confrontés aux mêmes défis de sécurité et de développement, ont décidé de coopérer de manière structurée et permanente pour optimiser la convergence de leurs efforts. Lors du deuxième Sommet ordinaire du G5 Sahel qui s’est conclu par la conférence des chefs d’État le 20 novembre 2015, un pas supplémentaire a été franchi pour faire du G5 Sahel un espace d’intégration où ces chefs d’État se sont engagés à « plus de solidarité, de cohésion et à une mutualisation des efforts dans l’action à tous les niveaux pour avoir une position commune sur les questions majeures ». Leur volonté s’est traduite par la décision de lancer quatre projets structurant l’ensemble des cinq pays et qui sont : « La création d’une École régionale de guerre du G5 Sahel en République islamique de Mauritanie qui entrera en fonction dès 2016 ; la création d’une force conjointe du G5 Sahel ; la création d’une compagnie aérienne régionale pour améliorer les dessertes entre les pays du G5 Sahel ; la construction d’une ligne de chemin de fer reliant la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso et le Niger au Tchad ».

4 Ces quatre projets structurants illustrent bien l’une des particularités du G5 Sahel qui s’efforce, dans chacune de ses orientations, d’élaborer des solutions en croisant les perceptions des acteurs du domaine de la défense et de la sécurité avec les perceptions des acteurs classiques du développement. À cet effet, le Secrétariat permanent a par exemple rodé des procédures qui permettent d’apprécier l’urgence relative des projets d’infrastructure, au regard des perspectives sécuritaires locales.

5 Car le G5 Sahel n’est pas qu’une organisation internationale de défense et de sécurité, mais bien un instrument de développement, dont l’originalité réside dans le couplage, dans la réflexion en amont comme dans l’action en aval, entre la défense et la sécurité d’une part, et le développement d’autre part, les unes n’allant pas sans l’autre, a fortiori dans l’espace sahélien aux particularismes bien connus.

6 Le G5 Sahel porte des projets, commencés par les États-membres ou par le Secrétariat permanent, qui relèvent de quatre axes d’intervention : défense et sécurité, gouvernance, infrastructures et résilience, et qu’il met en cohérence dans la perspective d’intégration régionale et de mutualisation des efforts tracée par les chefs d’État, en prise directe avec le contexte en mutation permanente de l’espace sahélo-saharien dont il tient compte pour établir une hiérarchie des priorités en fonction de l’urgence de leur concrétisation.

7 De manière générale, dans le paysage institutionnel sahélien, la valeur ajoutée du G5 Sahel réside dans le principe de complémentarité ou de subsidiarité de ses actions par rapport à celles des États. Le G5 Sahel entend ainsi mobiliser les capacités existantes dans les États, grâce à des échanges de bonnes pratiques et un partenariat actif avec les organisations de la société civile, du secteur privé et de tous les acteurs non étatiques dans une approche participative, dynamique, complémentaire, privilégiant le faire-faire, tout en veillant à la cohérence opérationnelle de toutes les initiatives en faveur du Sahel.

8 L’un des principes directeurs de son action est de privilégier les zones transfrontalières, enclavées, à faible densité humaine, avec une faible présence de l’État et de ses partenaires, caractérisées par des indicateurs socio-économiques très bas se situant généralement en dessous des moyennes nationales. Cette concentration des efforts de développement dans un environnement sécurisé au niveau des fuseaux transfrontaliers intrarégionaux contribuera à l’intégration des cinq pays et favorisera donc les échanges de personnes et de biens selon un axe sahélien Est-Ouest jusqu’à présent insuffisamment mis en valeur.

9 Ainsi, par rapport aux modes de planification des organismes sous-régionaux classiques opérant dans la même zone, le G5 Sahel innove en conciliant la gestion d’urgence avec le relèvement durable, en minimisant les lourdeurs administratives, et en suscitant plutôt les synergies et les réseaux. L’objectif opérationnel du G5 Sahel est de rendre visibles, par leur concrétisation sur le terrain, dès cette première année de l’actuelle présidence tournante tchadienne, la plupart de ses activités afin de renforcer l’adhésion légitime des populations sahéliennes.

10 Alors que la traduction sur le terrain des actions envisagées dans le volet développement – tels que de nombreux tronçons routiers transfrontaliers ou des projets de revitalisation économique en zone transfrontalière – implique un temps de latence lié à la nécessité de recourir à des financements de partenaires techniques et financiers, le bilan du G5 Sahel est d’ores et déjà étoffé en matière de défense et de sécurité.

11 Dans ce domaine, en effet, la pression de la réalité des événements déstabilisant la région et terrorisant ses habitants a mécaniquement conduit à des avancées marquées et rapides, qui ont connu une phase de gestation plus ou moins aboutie en dehors du cadre institutionnel du G5 Sahel – voire avant son existence – mais qui sont déjà entrés ou sont en train d’entrer dans son giron sous la tutelle de l’expert défense et sécurité.

12 Ces avancées en matière de défense et de sécurité ont désormais franchi l’étape institutionnelle décisive qu’a constituée le deuxième Sommet ordinaire du G5 Sahel qui s’est tenu à N’Djamena du 18 au 20 novembre 2015. À cette occasion s’est en effet réuni pour la première fois le Comité de défense et de sécurité du G5 Sahel, organe prévu au titre de l’article 13 de la Convention de création du G5 Sahel pour « regrouper les chefs d’état-major et les responsables dûment mandatés pour les questions de sécurité par les États-membres ». Suite à ce Comité de défense et de sécurité, les ministres de tutelle du G5 Sahel, à savoir les ministres du Développement ou assimilés, puis les chefs d’État eux-mêmes ont validé l’ensemble de ces avancées. Le Comité de défense et de sécurité extraordinaire réuni à N’Djamena le 3 mars 2016 a été l’occasion de faire un point d’avancement d’une part sur les initiatives déjà en cours et d’autre part sur les initiatives à prendre pour répondre aux nouvelles demandes formulées par les chefs d’État lors de leur conférence du 20 novembre 2015.

13 En particulier dans le domaine de la défense, essentiel dans la bande sahélienne dont la grandeur des espaces place les forces armées dans un rôle d’acteur majeur de stabilisation, les opérations Serval puis Barkhane ont précédé la naissance du G5 Sahel, et l’action remarquablement bien coordonnée des forces armées des cinq États-membres du G5 Sahel avec le soutien de l’opération Barkhane dans le cadre du « Partenariat élargi » (c’est-à-dire entre le G5 Sahel et Barkhane), a déjà obtenu des résultats très significatifs en ramenant la sécurité dans des zones transfrontalières que l’État de droit pourra désormais réinvestir dans toutes ses composantes.

14 C’est précisément dans cette perspective opératoire que s’inscrit le G5 Sahel, organe de coopération intra-régionale aux structures volontairement très légères et qui n’a vocation, au sein de son Secrétariat permanent, qu’à assumer les tâches d’organisation, de mise en cohérence intra-régionale, de tutelle d’organisme, de maîtrise d’ouvrage ou de pilotage de projets.

15 Cette philosophie s’applique en particulier dans le domaine militaire. Le G5 Sahel n’interfère nullement avec les activités opérationnelles des forces armées des États-membres qui coopèrent étroitement dans la bande sahélienne, au sein des trois fuseaux frontaliers dans le périmètre du G5 Sahel : la frontière Mali-Mauritanie à l’Ouest, la frontière Burkina Faso-Mali-Niger au centre et la frontière Niger-Tchad à l’Est. Ces espaces frontaliers présentent des particularités importantes : vastes, sous-peuplés et éloignés des capitales, ils sont plus difficilement administrés car les États disposent de moyens limités pour exercer leurs prérogatives.

16 Ces espaces frontaliers génèrent des menaces susceptibles in fine de déstabiliser les États : des denrées licites y font l’objet de contrebande ; ces réseaux de contrebande trafiquent également non seulement des produits illicites tels que la drogue, les armes, les faux médicaments ou les espèces protégées, qui font le lit de la criminalité organisée transnationale, mais aussi les êtres humains ; les ressources de cette criminalité peuvent bénéficier aux groupes armés terroristes ; les groupes armés terroristes profitent également de la faible présence des forces de sécurité et de défense pour évoluer dans ces zones ; ils peuvent se jouer des frontières, passant d’un État à l’autre après une attaque, pour rester impunis.

17 Le traitement de ces menaces implique le recours à tous les moyens disponibles, notamment des forces civiles de sécurité et des forces armées de défense. En particulier, les forces armées, engagées de longue date dans cette mission, disposent de capacités et d’un savoir-faire appréciables pour contribuer à la sécurité dans les zones rurales des périphéries frontalières.

18 Le traitement de ces menaces implique également une coopération poussée entre forces de défense de deux ou plusieurs États dans leurs espaces frontaliers communs. Ainsi, depuis novembre 2013, des Opérations militaires conjointes transfrontalières (OMCT) sont régulièrement menées par des unités de deux ou trois armées partageant un même espace frontalier. Ces OMCT ont pour but d’investir de manière régulière les zones frontalières afin d’y prévenir toute installation durable de groupes armés criminels ou terroristes et, le cas échéant, les neutraliser. Elles permettent également d’y affirmer la présence des États, notamment par des actions civilo-militaires au bénéfice des populations locales.

19 Pour combler les intervalles entre deux OMCT, les forces armées des pays du G5 Sahel se sont désormais engagées à développer des mécanismes permanents de coopération dans les espaces transfrontaliers. Les OMCT représentant une réponse efficace au défi des frontières dans la région sahélo-saharienne, il convient en effet d’organiser la coopération militaire du G5 Sahel, de telle sorte que ce concept soit pérennisé, structuré, densifié et rendu toujours plus efficace.

20 Lors de leur 4e réunion semestrielle qui s’est déroulée à Ouagadougou le 6 novembre 2015, les cinq chefs d’état-major général des armées (CEMGA) ont décidé l’instauration d’un Partenariat militaire de coopération transfrontalière (PMCT) des forces armées du G5 Sahel qui a été entériné par les cinq chefs d’État lors de leur conférence du 20 novembre 2015 à N’Djamena.

21 Le PMCT n’est pas une organisation militaire permanente mais un cadre technique et pragmatique de coopération entre partenaires, et un espace d’échange sur les bonnes pratiques. Sa charte de fonctionnement, signée par les cinq CEMGA et désormais en vigueur, vise à organiser l’un des volets opérationnels de la coopération militaire du G5 Sahel, conformément à la Convention de création du G5 Sahel et en suivant les recommandations émises par l’Union africaine dans le cadre des réflexions du Processus de Nouakchott sur le renforcement de la coopération sécuritaire et l’opérationnalisation de l’Architecture africaine de paix et de sécurité (APSA) dans la région sahélo-saharienne.

Français

Le G5 Sahel est une initiative conduite par les pays de la Région pour répondre ensemble aux défis actuels autour de la sécurité mais aussi du développement en privilégiant la coopération transfrontalière.

English

Cross-border cooperation

The G5 Sahel is an initiative conducted by countries in the region to respond together to the current security-related challenges as well as fostering development through cross-border cooperation.

Najim Elhadj Mohammed
Secrétaire permanent du G5 Sahel.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 17/02/2020
https://doi.org/10.3917/rdna.792.0034
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