CAIRN.INFO : Matières à réflexion
« Notre personnalité doit demeurer indéchiffrable, y compris pour nous-mêmes. »
Fernando Pessoa [1]

1 Fernando Pessoa, pour échapper à l’emprise des pulsions mortifères, tente, dans sa création, d’élaborer d’autres figures du moi qui viennent dynamiter une subjectivité trop marquée par les codes des traditions familiale et culturelle. Les autres en soi, conçus comme un véritable groupe de pression interne, prennent la tête de l’entreprise créatrice, de manière à libérer l’expression propre en la figurant comme une expression étrangère. Ou plutôt, le moi propre de l’écrivain ne se livre qu’au travers d’une série de masques destinés à donner le change pour recouvrir le vide abyssal d’une dépressivité essentielle.

2 Notons d’abord que le patronyme même de l’auteur l’enferme d’emblée dans une contradiction radicale : il ne peut devenir qui il est qu’en assumant de n’être personne en particulier. En portugais, pessoa désigne toute personne en général, tout quidam possible. Pessoa, dans sa démarche créatrice, est celui qui cherche à s’emparer de cet anonymat issu du nom du père pour en ériger la figure littéraire peut-être la plus singulière de son époque. Par quels procédés Pessoa a-t-il réussi à déployer sa créativité à partir de cette banalisation inaugurale ? Quels processus subjectivants lui ont-ils permis de se construire à la fois comme sujet et comme écrivain hors du commun ?

La groupalité interne

3 C’est par une exploitation créatrice originale de sa groupalité interne (Kaës, 2005) que Pessoa a réussi à déjouer les pièges d’un enfermement dépressiogène. Comme nombre d’auteurs, Pessoa ne choisit pas de se protéger derrière un pseudonyme pour livrer, sans risque apparent du moins, une intimité complexe et fragilisée par les événements de l’enfance. Ce procédé classique ne lui répugne pas, mais il le considère comme convenu et peu efficient sur le plan symbolique. En effet, il s’agit d’un procédé binaire – le vrai et le faux – qui correspond mal à l’ambition de qui tente de s’aventurer dans les terres les plus reculées de l’inconscient. Il a besoin de brouiller les pistes de sorte que le lecteur de ses œuvres ne puisse démêler aisément les ressorts fantasmatiques de sa dynamique interne. Le mentir vrai qui a convenu à Louis Aragon pour frayer la voie de ses romans à travers les jalons tortueux d’un vécu de confusion générationnelle orchestré par la famille elle-même n’est pas du tout le lit de Pessoa, qui va chercher dans les plis et replis identitaires du soi des modalités jubilatoires d’éclosion de moi multiples.

4 Tout au long de son existence, il se construit une série de noms d’emprunt qui lui servent de paravents d’écriture. Ce sont ce qu’il nomme lui-même ses hétéronymes qui correspondent chacun à une facette de son kaléidoscope intérieur. À la différence du pseudonyme, l’hétéronyme est un personnage total. Il ne se contente pas d’avoir un nom, il a aussi une personnalité propre, un style singulier lié à une histoire singulière. Les entités littéraires qui peuplent la psyché de Pessoa sont devenues des auteurs à part entière qui écrivent et publient pour leur propre compte, en se permettant parfois des jugements peu amènes à l’égard de celui qui les héberge. Les biographes en ont recensé près de soixante-dix. Il est évident qu’ils n’ont pas tous la même place et la même portée signifiante pour comprendre la démarche littéraire de l’auteur. Certains sont uniques et leur existence reste purement éphémère, certains sont épisodiques et s’apparentent à des humeurs certes récurrentes mais qui demeurent cependant en surface.

5 Sur la scène intérieure de Pessoa, les acteurs principaux restent en nombre limité, sans pour autant se cantonner à une simple addition de parts psychiques repérables et bien différenciées. L’école littéraire que représente son théâtre interne se décline en une série d’auteurs qui ne se situent pas tous sur le même registre et qui entretiennent entre eux des relations parfois ambiguës. Si certains sont subordonnés à d’autres, ils n’en gardent pas moins leur franche autonomie. À ce point de complexité, de démultiplication et de dédoublements, on est en droit de se demander comment une subjectivité est en mesure de conserver son unité et de ne pas sombrer dans le registre de la déréalisation et de la dépersonnalisation.

Les hétéronymes

6 Le maître vénéré et incontesté qui est à l’origine de la coterie pessoïenne est Alberto Caeiro. Pessoa imagine, à sa manière, la vie de ce fondateur du sensationnisme qui est en littérature ce que fut l’impressionnisme en peinture. Il est né en 1889 à Lisbonne, un an après l’auteur lui-même, et il est mort prématurément en 1915, un an après sa création. Pessoa éprouve le besoin de le faire mourir rapidement, d’une part, pour que cette image d’un père spirituel plus jeune que lui ne l’envahisse pas et, d’autre part, pour que l’œuvre qu’il a écrite reste inachevée et constitue le modèle, la matrice des créateurs de l’école qu’il a fondée. On comprend pourquoi Pessoa a eu besoin de cadrer et de contrôler ce maître intempestif, quand on sait comment il est apparu.

7 Dans une lettre à un ami [2], Pessoa raconte « le jour triomphal » où est né en lui Caeiro. C’était le 8 mars 1914 qu’il connut une extase particulièrement intense, durant laquelle il fut pris d’une frénésie d’écriture. Debout, au coin d’une commode, il rédigea d’affilée les trente poèmes qui constituent Le gardeur de troupeaux. Le plus étonnant dans cette création, c’est qu’il ne la reconnaît pas comme sienne, mais comme étant celle d’un autre dont il n’était que le médium. En s’emparant de sa psyché et en guidant sa main, le maître incontesté et impérieux de la nouvelle école venait, non pas de naître, mais d’apparaître sur la scène littéraire intérieure de Pessoa, dans une véritable révélation. On voit combien ce processus s’apparente au sacré et mobilise intensément les forces inconscientes du créateur. Pessoa est sous l’empire d’une inspiration pithiatique qui le fascine et le terrifie à la fois. Au départ, il voulait jouer un tour à son ami Sa-Carneiro, son alter ego en poésie, en inventant l’existence d’un poète dérisoire. Mais, au fil des jours et des nuits, cette idée loufoque a pris corps en lui et le maître Alberto est sorti tout armé de son esprit avec ses poèmes et ses théories. Jeu théâtral, simulation et dépersonnalisation se mêlent pour composer le processus hétéronymique basé sur la groupalité interne.

8 La seconde sous-personnalité dominante est Ricardo Reis. Il est médecin, né à Porto en 1887 et il s’est expatrié au Brésil. Sa place de poète d’inspiration païenne est dessinée en creux avant celle du maître, elle se concrétise peu à peu dans des textes au style bien trempé pour s’effacer quelque peu pour laisser advenir le flamboyant, le tumultueux Alvaro de Campos, le membre le plus représentatif de la coterie.

9 Pessoa écrit, d’un seul jet, l’Ode triomphale, peu après l’œuvre magistrale de Caeiro et il l’attribue à Alvaro. Même s’il est marqué par les théories du maître, le style est différent et la personnalité hystérique de ce nouvel hétéronyme est manifestement reconnue par Pessoa qui s’estompe humblement derrière lui. Alvaro de Campos est né le 15 octobre 1890 à une heure et demie de l’après-midi (instant précis attesté par la véracité de son signe zodiacal). Il fait une formation d’ingénieur naval en Écosse et se retrouve oisif et poète à Lisbonne. Il porte monocle et arbore une coiffure originale. On voit ici combien Pessoa aime jouer avec l’extravagance biographique de ses figures gémellaires.

10 Les débats, les polémiques et les échanges enflammés entre ces trois auteurs fictifs occupent la scène intérieure de Pessoa. Il n’est pas absent de telles discussions, mais il reste en retrait, comme le note cyniquement, dans l’une de ses lettres, Alvaro de Campos : « Fernando Pessoa serait un païen, s’il n’était pas une pelote de fils emmêlés de l’intérieur [3]. » Il ajoute, un peu plus loin, en déplorant de n’avoir pas pu être présent au chevet de Caeiro, lorsque ce dernier mourut, emporté par la tuberculose : « Il y avait bien Fernando Pessoa, mais c’est comme s’il n’avait pas été là : Fernando Pessoa éprouve les choses, mais il ne bouge pas, pas même à l’intérieur [4]. » De telles remarques ironiques de la part de ses propres créations témoignent des capacités de dédoublement et de jeu spéculaire dont Pessoa est si friand et avec lesquelles il se montre si virtuose.

11 Les hétéronymes n’ont pas tous le même degré de réalité identitaire et surtout ils ne jouent pas tous le même rôle dans la dynamique psychique de l’auteur. Si les trois sous-personnalités dominantes occupent le devant de la scène fantasmatique, avec des situations conflictuelles, des relégations, des dédoublements parfois vertigineux, des humeurs et des élans affectifs qui peuvent devenir contradictoires et faire dire à Pessoa que son for intérieur ressemble, à s’y méprendre, à « un asile de fous [5] », il existe chez lui, au niveau conscient, d’autres parts créatrices autonomes dont les investissements et l’écriture sont spécifiques.

12 On découvre le Pessoa anglais, héritier d’une enfance et d’une adolescence passées à Durban en Afrique du Sud. Il écrit des poèmes et surtout des énigmes policières sous le nom d’abord d’Alexander Search, puis sous celui de Charles Robert Anon. Ces deux noms ne sont pas fortuits car ils témoignent à la fois de sa recherche intérieure et en même temps de son souci d’anonymat. Il y a également le Pessoa nationaliste, auteur de Message qui porte en lui la voix du Portugal et qui rêve avec le sébastianisme, cet idéal messianique qui prédit le retour symbolique du roi Sebastian Ier, disparu lors de la défaite contre les Maures en 1578. Une telle figure fantomatique, avec son chapeau à larges bords et sa longue cape noire, remontant le Tage dans les brumes de l’aurore, ne pouvait qu’enflammer l’imaginaire pessoïen qui vibre à l’unisson de l’âme lusitanienne et dont il se révèle être une part fractale, un infime fragment mais reflet fidèle de la totalité. Ajoutons à cette liste non exhaustive des personnalités parallèles, l’auteur de contes facétieux et le poète d’inspiration occultiste qui se targue d’appartenir à de multiples sociétés secrètes, dont les Rose-Croix, mais qui n’a jamais pratiqué qu’une auto-initiation intérieure.

13 On voit combien Alvaro de Campos a raison de comparer son géniteur à une pelote dont les multiples fils sont si inextricablement brouillés et noués que le Nœud Gordien, célèbre dans l’Antiquité pour sa complexité, n’est, à côté, qu’un vulgaire entrelacs.

14 À l’origine de tout ce jeu hétéronymique se trouve la première distanciation personnelle entre celui qui écrit et celui qui porte le message, le premier hétéronyme reconnu par Pessoa : le chevalier de Pas, auteur d’un poème adressé à sa mère, à l’âge de 6 ans. Ce premier hétéronyme est d’une grande importance pour saisir la logique interne qui conduit Pessoa de la simple dissimulation de soi derrière un masque à la délégation de pensées au profit d’une altérité interne, puis à la mise en avant d’une part fantasmatique contenue dans les limites d’une identité aussi vraie que si elle était réelle. Pour signer les poèmes qu’il écrit pour sa mère, le jeune Fernando, âgé de 6 ans, exalté par la légende du roi Arthur et fasciné par Don Quichotte, use du nom d’un chevalier, mais pas n’importe lequel, celui qui donne ses titres de noblesse au négatif, le chevalier de Pas. À la différence de Yukio Mishima qui s’imaginait, enfant, sous les traits d’un chevalier en armure, marchant en héros vers une mort glorieuse, Pessoa, au même âge, se voit déjà en figure héroïque brandissant l’étendard du non. Il affiche déjà son goût pour ce qui n’est pas et qui deviendra, par la suite, un penchant systématique pour le retournement en son contraire et le paradoxe. Une telle orientation de sa créativité est en lien étroit avec les vécus traumatiques de cette époque. La mort en bas âge du petit frère est suivie, quelques mois plus tard, de la mort du père. D’un coup, le petit Fernando se retrouve seul avec une mère jocastienne, mais une mère endeuillée. Elle est , présente, tout à lui, mais en même temps elle n’est pas là, absente, « mère morte » selon la conception d’André Green (1980), tout entière à la pensée de ses chers disparus. Le « je ne suis que de n’être pas » du futur penseur de l’intranquillité trouve sa source psychique dans cette relation contrariée avec une mère qui le tient fébrilement par la main, de cimetière en cimetière, mais qui n’a d’yeux que pour ses morts.

Autres types d’inspiration

15 Pessoa, souvent à son propre étonnement, comme malgré lui, arrive à écrire en son nom propre. Il s’autorise à laisser libre cours à sa verve personnelle. Il commet des poèmes sensationnistes, des textes lyriques qu’il ose ou qu’il prétend signer de son orthonyme, soit en langue portugaise, soit en langue anglaise, comme Erostrate, Le Marin et le Faust qui lui tient beaucoup à cœur, mais qu’il n’achèvera jamais véritablement avant sa mort prématurée, suite à une longue période mélancolique. Mais cette identité d’auteur unique et reconnu comme tel devient problématique. Hors de question qu’il se limite à être seulement Pessoa, en lui-même il étouffe, il ne peut se sentir à l’aise dans l’étroitesse d’une peau qui l’enserre de façon insupportable, tel Héraclès ayant revêtu la tunique empoisonnée du centaure Nessos et souffrant mille maux. Dans les limites de son moi, il se sent trop à l’étroit, il lui est nécessaire de s’en échapper et de se livrer à une sorte d’errance transindividuelle. À ce propos, il affirme : « Je suis un nomade de la conscience de soi [6]. » Il lui faut assumer cette paradoxalité fondatrice de n’être lui qu’en dehors de ses propres limites, de conjuguer « le désir insatiable, innombrable d’être toujours le même et toujours un autre [7] ». Et comme l’affirme de façon péremptoire et ironique son maître Caeiro : « Je n’ai que faire de moi, en ma seule compagnie [8]. »

16 Pessoa peut s’identifier à toutes sortes de personnages, sans pouvoir s’incarner en aucun. Il se voit tantôt en poète romantique, tantôt en Don Juan, tantôt en héros de roman à intrigue, mais ne se reconnaît que dans ce qu’ils ne sont pas, c’est-à-dire dans ce qui les rend semblables à lui-même, des êtres de pure conscience réflexive. Et lui, celui qui dit je, se vit errant d’âme en âme, en incessantes pérégrinations psychiques.

17 Cependant, dans ce journal à la fois intime et universel qu’est le Livre de l’intranquillité, il ne lui est pas possible, il ne lui est pas permis (Surmoi oblige) d’assumer directement les propos du sujet qui rédige tous ces fragments. Il signe cet ouvrage en construction (qui ne paraîtra qu’à titre posthume) du nom de Bernardo Soares, qu’il qualifie de « semi-hétéronyme ». Ce diariste nocturne et solitaire est un employé ordinaire, travaillant dans un bureau ordinaire, dans un quartier ordinaire du Lisbonne du début du xxe siècle. Pessoa avoue qu’au fond, ce Bernardo Soares, n’est rien d’autre que lui-même, mais précise-t-il :

18 « Mon semi-hétéronyme Bernardo Soares, qui ressemble d’ailleurs par bien des côtés à Alvaro de Campos, apparaît chaque fois que je suis fatigué ou somnolent, ce qui fait que mon raisonnement et mes défenses sont un peu flottants ; cette prose est une divagation constante. C’est un semi-hétéronyme en ce sens qu’il ne s’agit ni de ma personnalité ni d’une personnalité différente mais d’une simple mutilation de celle-ci : c’est moi, moins le raisonnement et l’affectivité [9]. »

19 Compte tenu de cet écheveau de personnages internes, de masques recouvrant d’autres masques, d’identités principales, secondaires, connexes ou associées, comment Pessoa parvient-il à éviter la dissociation pathologique tout en nourrissant et développant son génie créateur ? La stratégie subjective qu’il déploie consciemment à partir de ce qui se déplie au fond de lui inconsciemment, a un sens et une portée clinique exemplaires. En effet, une telle stratégie interne est à plusieurs détentes, à un niveau d’équilibration interne, à un niveau relationnel et, au final, au niveau de la mise en œuvre d’un processus créateur d’une fécondité peu commune.

Enjeux de l’hétéronymie

20 Pour comprendre en profondeur la genèse des hétéronymes, il convient de s’interroger sur la dynamique processuelle psychique qui l’initie. Pour chaque vécu émotionnel qui entre en contradiction avec d’autres, il suffit de lui donner le nom de quelqu’un, d’imaginer le personnage qui le ressent et de lui attribuer une vie autonome. Au vertige des soi multiples, le miracle est de rester soi et de se faire un nom de cette insaisissable mouvance. Faire naître sous sa plume des auteurs imaginaires, voilà le trait de génie de Pessoa pour ne pas sombrer dans l’aliénation et éviter l’implosion catastrophique. Aussi peut-il se vivre sans dommage sous les masques qu’il s’est façonnés. Métaphoriquement cela revient à se faire naturaliser en terre étrangère.

21 Dans un premier temps avant que chaque style ne s’acclimate de la personnalité des auteurs créés de toutes pièces qui lui correspondent totalement, Pessoa s’autorise à écrire à la manière de ses prestigieux modèles sans pour autant se limiter à de simples plagiats. Il se met de la sorte au défi d’écrire avec « la sensibilité de Mallarmé coulée dans le style de Viera » et d’imaginer des « rêves comme Verlaine dans le corps d’Horace [10] ». Une telle performance littéraire a toute l’allure d’un exercice de style pour apprenti écrivain, même si Pessoa sait dépasser de manière grandiose ces virtuosités stylistiques.

22 Peu à peu dans la pensée de Pessoa, ces hybrides littéraires vont s’autonomiser et se métamorphoser en d’authentiques créateurs vivant et sentant par eux-mêmes. Comme Ibsen dans Peer Gynt se référait à l’image des petites cuillères fondues dans le même moule pour évoquer la standardisation humaine, Pessoa prend une image aussi triviale, celle des boîtes de cirage sur un étal ambulant, pour parler de l’assortiment des diverses personnalités qui nous habitent. La main du cireur de chaussures est à l’égal de Dieu qui scelle nos destinées. À un moment, elle laisse tomber à terre une boîte de cirage. Chacun d’entre nous est semblable à cette boîte, tombée là par la volonté divine et condamnée à briller, seul sur le sombre pavé de l’existence. Mais Pessoa ne saurait se contenter de ce sort médiocre et assommant, il revendique d’être à la fois et tour à tour toutes les boîtes qui brillent sur l’étalage du vendeur ambulant, de porter en lui toutes les couleurs capables de faire reluire et de donner un éclat neuf à toutes les formes d’écriture.

23 Être tout, rien moins que cela, tel est le projet absolu de celui qui aspire à la restauration de la complétude narcissique permise par le recours à la création artistique. Seul l’écrivain peut, par la toute-puissance de son art, croire combler le manque et éviter l’insoutenable castration.

24 Quelle est la nature de ces personnages fictifs qui peuplent la vie de l’écrivain ? Autant le monde des hétéronymes que celui des amis qu’il s’invente sont aussi réels pour lui que n’importe quelle personne rencontrée dans le cours de la vie quotidienne. Est-ce à dire alors qu’il s’est bâti une néoréalité de type délirant ? Pas du tout. Pessoa a su garder cloisonnés les deux ordres de réalité qu’il habite tour à tour, sans jamais les mêler l’une à l’autre.

25 « Les personnages de mes rêves ne sont pas, pour moi, semblables à ceux de la vie. Ils leur sont parallèles. Chacune de ces deux vies – celle des rêves, celle du monde – possède une réalité propre, aussi vraie que l’autre, mais différente [11]. »

26 Le tour de force qui lui permet de ne pas perdre pied dans ses multiples identités, aussi bien personnelles que littéraires, est de maintenir dans sa présence l’affirmation subjective d’un je qui parvient à conserver, quels que soient les avatars qui le traversent, l’unité d’un soi toujours maintenue et garante de la santé psychique. Quelles que soient les voix qui s’expriment en lui, quels que soient les acteurs qui viennent dire leur monologue sur le devant de la scène intérieure, c’est toujours l’expression d’une subjectivité en acte dont le moi de Pessoa est soit le médium, soit l’arrière-fond porteur qui assure, conforte et maintient l’identité globale du soi. Que ce soit Reis, Campos, Caeiro ou d’autres qui se racontent, c’est toujours l’identité propre de l’homme Pessoa, de l’écrivain Pessoa qui se décline à travers ces figures kaléidoscopiques.

27 Un anthropologue comme F. Laplantine (2012) s’appuie sur le concept d’hétéronymie tel qu’il a été élaboré dans la création pessoïenne pour désigner et penser l’appropriation subjective des données disparates de la multi-culturalité contemporaine.

Une généalogie chaotique

28 Essayons à présent de discerner l’importance des influences familiales dans l’activité créatrice de Pessoa. La perméabilité psychique et la grande labilité émotionnelle de l’auteur, qui ont permis de penser les hétéronymes, trouvent leur origine au niveau des identifications familiales conscientes et inconscientes. L’énergie psychique considérable que lui coûte sa confrontation à toutes les tentations identificatoires, tant relationnelles que littéraires, il la puise dans son fonds familial. Il ne parvient à contenir ces influences extérieures que par la transformation créatrice de ses ressources internes. Il évite l’éclatement du soi, en unifiant et réunifiant ces traits et ces éléments absorbés du dehors dans les héros qui peuplent sa vie intime. Par les processus de délégation et de relégation, le chaos interne s’organise et prend forme sur la base d’un arrière-fond moïque suffisamment contenant, malgré les lézardes narcissiques qui menacent la cohérence et la solidité de l’édifice. L’entreprise créatrice n’est pas un simple ravaudage de façade, mais une sorte de reconstruction permanente, comme si les héros intérieurs devaient être sans cesse réanimés dans leur être de papier, avant que la vague mélancolique ne vienne tout engloutir.

29 Il est certain que la groupalité familiale a un rôle primordial dans la dynamique interne de l’auteur qui passe, avec virtuosité, des introjections identitaires aux projections re-créatrices.

30 Ainsi le maître Caeiro emprunte à la figure paternelle sa mort prématurée par tuberculose. Par contre, l’image trop ternie du père dans sa fonction de critique musical peu reconnu est ravivée par la brillance et la splendeur de la poésie novatrice du grand inspirateur de la coterie. Mais son caractère discret et effacé se retrouve dans la personnalité sociale de Bernardo Soares et le côté grisailleux de Pessoa lui-même, tel du moins que le perçoit et le ressent Alvaro de Campos, transfiguré lui-même par sa rencontre avec le maître Caeiro. Jeu de miroirs brisés, à travers lequel le je de l’écrivain trace, miraculeusement, sa voie propre.

31 L’image de la grand-mère paternelle, Dionysia, a beaucoup compté pour Pessoa ; la folie avérée de cette femme haute en couleurs est en grande partie en prise directe avec ses propres visions dysruptrices du moi. Il a vécu à ses côtés durant sa septième année, juste après le décès du père, puis une seconde fois à l’adolescence, lorsqu’il est rentré seul à Lisbonne, à son retour d’Afrique du Sud. Les bruyants épisodes délirants de Dionysia, celle au nom prédestiné, la possédée du dieu de l’excès, ont contribué à l’inquiétude de Pessoa, à propos de sa propre santé mentale. N’a-t-il pas hérité d’elle ses exaltations et ses élans dépersonnalisants ?

32 Une figure ancestrale de la lignée paternelle revêt incontestablement un aspect transgénérationnel dans la constellation des parts diffractées du soi de l’auteur. Il s’agit de Sancho Pessoa, accusé de pratique souterraine de la religion juive et lourdement condamné par un tribunal de l’Inquisition en 1706. La judéité des Pessoa est attestée depuis l’époque médiévale. Bien que la famille se soit convertie au catholicisme au xve siècle, la suspicion de duplicité cryptogamique perdure jusqu’au procès qui accable l’ancêtre Sancho, mais dont les effets d’étrangeté et d’étrangèreté (Freud, 1936) continuent d’exercer leur influence sur la psyché de Pessoa. Son attrait immodéré pour l’astrologie, la numérologie, l’occultisme, les sociétés secrètes et la transcription qu’il en réalise dans son œuvre sont les modes de traitement et d’appropriation subjective qu’il met en place pour se dégager de ces emprises fantomatiques.

33 Du côté de la lignée maternelle, nombre de figures tutélaires exercent une influence plutôt protectrice. La famille Nogueira compte, dans ses rangs, des figures illustres, de riches propriétaires terriens, des hauts fonctionnaires et des magistrats célèbres. Le grand-père, Luis Antonio Nogueira occupa, à leur suite, un poste de renom au sein de la classe dirigeante.

34 C’est de sa mère que Fernando hérite, très tôt, sa passion pour les langues et les lettres. Maria-Magdalena, à l’instar de sa tante vénérée Maria-Xavier Pinheiro, férue de poésie, parlait et connaissait, à la perfection, quatre langues. Elle avait de plus une grande culture artistique et pratiquait le dessin et le piano. La part féminine de Pessoa se révèle dans l’hypersensibilité de Bernardo Soares et dans les débordements hystériformes d’Alvaro de Campos.

35 Tout cet héritage du groupe familial se diffracte au travers de ses diverses personnalités créatrices qui sont à la fois ses parts internes. Il est le point de nouage de cette transmission générationnelle qui s’arrête avec lui. Cédant à un fantasme d’auto-engendrement récurrent, il n’a d’autre descendance que lui-même et son hétéroclite et effervescent théâtre intérieur. Dans ses périodes de dépressivité accrue, il s’identifie à un pantin désarticulé ne laissant surgir de lui que des simulacres de paille et de son mêlés. Mais dès que renaît en lui la ferveur divine, il jouit pleinement et à satiété de ses parts éblouissantes éclatées. La mégalomanie dont il fait preuve alors lui permet de faire face aux dérèglements instanciels qui risqueraient de le conduire à la dissociation.

Les formes de l’altérité

36 Pessoa n’a jamais sombré dans la psychose. Ses parts psychotiques ont sans cesse été activées en lui, mais de manière créative. Les actualisant dans son activité sensorielle et les mobilisant dans ses pensées, il a réussi à leur offrir une existence autonome qui transparaît dans son art, mais qui n’empiète pas dans sa vie sociale. Pessoa écoute en lui le monde des profondeurs, il lui ouvre un mode d’expression sans réserve, ni retenue, tout en conservant intact le sens des choses. Le moi garde ainsi toutes ses prérogatives et reste soumis à l’épreuve de réalité. La métaphore qui rend le mieux compte de la coexistence possible de deux modalités de réalité est fournie par Pessoa lui-même. Elle consiste à délimiter, à l’intérieur d’une dimension spatiale unique, deux espaces séparés mais toujours co-présents, deux espaces dont les phénoménologues ont souligné la radicale distinction autant que la nécessaire complémentarité : l’espace proche et l’espace lointain qui se transmutent psychiquement en espace familier et espace étranger.

37 Mais, à la différence du commun, ce qui est le proche pour Pessoa est le monde de ses fantasmagories, alors que la réalité quotidienne occupe la place du lointain. Pessoa a besoin de s’entourer de ses rêves pour se protéger de l’effraction des choses en lui et de l’intrusion que représente la présence des autres. La foule des fantômes dont il s’entoure est le remède naturel qu’il s’est créé contre la folie. Sur l’estrade du théâtre intérieur se jouent les scènes imaginaires sans fin grâce auxquelles il s’adapte aux contextes et aux aléas de la vie commune. Pour le créateur, le monde des chimères est celui d’une intimité réparatrice qui se régénère sans fin à la source de la vie fantasmatique.

38 Toutefois il ne peut bénéficier longtemps de cet espace de sérénité. Très vite, la présence menaçante d’autrui vient le harceler et il a toutes les peines du monde pour s’en déprendre.

39 « La fréquentation d’autrui est un supplice pour moi. Et je porte les autres en moi ; même loin d’eux, je suis encore forcé de les fréquenter. Totalement seul, je suis environné de multitudes. Je ne puis m’enfuir nulle part, sauf à me fuir moi-même [12]. »

40 Ce passage révèle au mieux les doutes et les questionnements de l’auteur. Il est cerné par l’étrangeté de la présence d’autrui qui, si elle n’est pas extérieure, le poursuit intérieurement. De cette manière, on peut distinguer dans la vie intime de Pessoa trois registres d’altérité.

41 Le premier degré de l’altérité est de nature périodique. Dès qu’il sort de chez lui, il se sent observé, épié et moqué, comme si tous les visages croisés dans la rue lui étaient hostiles et que tout le monde conspirait contre lui. Se mettant aisément à la place des autres, il imagine qu’ils le perçoivent, non tel qu’il est objectivement, mais tel qu’il est dans la caricature qu’il se fait de lui-même, c’est-à-dire vu comme un être ridicule, gauche et veule qui n’attire que haine et mépris. Et, en fin de compte, l’étrangeté qui émane de sa personne finit par lui revenir en boomerang dans le regard d’autrui. Spirale interactive infernale qui le réduit soit à l’évitement, soit à la fuite.

42 Pessoa est très inquiet de savoir comment les autres le perçoivent. Les regards qui se portent sur sa personne, les propos qu’il entend à son sujet le questionnent et le renvoient à une différence qu’il lui est malaisé de saisir. Pour autant qu’il se sente lui-même, il a l’impression d’être bizarre aux yeux de ceux qu’il côtoie. Pour résorber cet écart entre l’image de soi et l’image qu’en ont les autres, il faudrait pouvoir s’examiner du dehors. L’image au miroir est trop proche de celui qui se regarde pour fournir un point de vue réellement extérieur. Les techniques modernes permettent un plus grand détachement, mais ne résolvent en rien le problème de la stricte intériorité.

43 « Si j’étais un acteur de cinéma consommé, ou si j’enregistrais bien haut ma voix sur des disques, je suis certain que je demeurerai toujours aussi éloigné de savoir ce que je suis, vu de l’autre côté car, bon gré mal gré, et qu’on enregistre de moi ce qu’on voudra, je reste toujours au-dedans de moi, dans le parc, clos de hautes murailles, de ma conscience de moi-même [13]. »

44 Cet autre que j’imagine me regarder est encore une part de moi. En suivant ce raisonnement, on se rend compte qu’il est plus aisé de voir l’autre en soi, que de se voir soi dans l’autre. Et, à partir de cette altérité interne, il devient aisé de la démultiplier en autant de personnages qu’on en peut créer. Ainsi s’opère le retournement spéculaire de Pessoa, qui, passant du miroir externe au miroir interne, construit les multiples facettes de soi qui le caractérisent. C’est à partir de cette interrogation insistante de l’effet qu’il fait sur les autres, qu’il en vient quasi naturellement à intégrer ces autres en lui, pour ne pas être désintégré lui-même. Tant qu’il parvient à contenir l’altérité sur la scène de son théâtre intérieur, il évite que cette altérité se transforme en aliénation et que le seuil de la folie soit franchi. Aussi passe-t-il auprès des autres pour un original, non pour un fou. Pessoa ne peut sortir de ce dilemme : « La solitude me désespère ; la compagnie des autres me pèse [14]. »

45 Le second degré de l’altérité est représenté par la multitude qu’il porte en lui. Ces autres qui ricanent de lui et le raillent sont, en réalité, ses parts internes masochistes dont le seul but est de jouir de son avilissement. Les sarcasmes extérieurs sont la configuration objectivée de la nullité qu’il croit être sienne. Même dans le retrait et dans l’isolement, il continue à se sentir harcelé. Il ne parvient à se défaire de ses propres Érinyes qu’en créant des autres bénéfiques, ses hétéronymes, au travers desquels il échappe aux auto-reproches en se projetant dans de tels alter ego. Il sort ainsi de l’auto-intoxication qui le menace, il s’évade dans « une nouvelle dimension » et pousse « une porte soudain ouverte sur l’intérieur de l’espace [15] ». La sortie du monde par la voie de l’imaginaire est pour lui une question de survie psychique.

46 Enfin le troisième degré de l’altérité correspond à l’appel, au-delà de l’espace et du temps, à un autre salvateur, ce futur lecteur potentiel, cet autre bienveillant, amateur de littérature et lecteur totalement à l’écoute du tragique qu’il exprime avec autant de lucide clairvoyance. Dans ces conditions, il n’y a pas d’autre choix pour le soi que le repli : « Parler, c’est faire preuve d’une trop grande considération pour les autres [16]. »

47 Est-ce à dire qu’il vaut mieux se taire ou bien que, connaissant la stupidité ambiante, il est préférable de ne pas s’adresser aux autres et de réserver ce que l’on a à dire à ceux qui sont capables de l’entendre ? Le seul autre à qui s’adresser est l’autre semblable à soi, on rejoint ainsi la conception du témoin interne tel que l’a décrit J.-F. Chiantaretto (2005).

48 Pessoa, déployant au mieux ses facultés créatives, est à même de parcourir tout le spectre des identifications, pour éviter de se confronter aux limites et en cherchant à étendre ses enveloppes psychiques aux dimensions mêmes du monde. « J’ai toujours envie de m’identifier à ce avec quoi je sympathise et tôt ou tard je me mue en l’objet de ma sympathie, pierre ou désir, fleur ou idée abstraite, foule ou façon de comprendre Dieu [17]. »

49 On comprend dès lors combien la palette de l’écriture pessoïenne a de registres multiples, allant de la compréhension empathique de la mouche qu’il voit évoluer sur le bord de son encrier jusqu’à la saisie ésotérique des autres dimensions du monde interstellaire.

Notes

  • [1]
    Bernard Chouvier, professeur émérite de psychopathologie et psychologie clinique, université Lumière Lyon 2 ; 5 rue Alsace Lorraine 69001 Lyon ; bernard.chouvier@univ-lyon2.fr
    . F. Pessoa, Le livre de l’intranquillité (1982), tome I, Paris, Christian Bourgeois, 1988, p. 227.
  • [2]
    F. Pessoa, « Lettre de Fernando Pessoa à Adolfo Casais Monteiro », dans Sur les hétéronymes, tr. fr., Nice, Éditions Unes, 1985, p. 15-33. Pessoa envoya cette lettre le 13 janvier 1935, quelques mois avant sa mort.
  • [3]
    Ibid., p. 41.
  • [4]
    Ibid., p. 45.
  • [5]
    Ibid., p. 30.
  • [6]
    F. Pessoa, Le livre de l’intranquillité, tome I, op. cit., p. 165.
  • [7]
    Ibid., tome II, p. 17.
  • [8]
    F. Pessoa, Le gardeur de troupeaux (1914), Paris, Gallimard, 1986, p. 111.
  • [9]
    F. Pessoa, « Lettre de Fernando Pessoa à Adolfo Casais Monteiro », op. cit., p. 29-30.
  • [10]
    F. Pessoa, Le livre de l’intranquillité, tome II, op. cit., p. 18.
  • [11]
    Ibid., p. 239.
  • [12]
    Ibid., p. 35.
  • [13]
    Ibid., p. 137.
  • [14]
    Ibid., p. 139.
  • [15]
    Ibid., p. 34.
  • [16]
    Ibid., p. 36.
  • [17]
    F. Pessoa, Le gardeur de troupeaux, op. cit., p. 179.
Français

L’écrivain portugais Fernando Pessoa (1888-1935) a mis en œuvre un processus original dans sa création littéraire, pour maintenir une unité psychique menacée par des mouvements psychotisants : l’hétéronymie. Un tel processus, à la fois conscient et inconscient, offre à l’altérité interne une liberté expressive suffisante pour éviter la conflagration. En configurant le moi comme un espace scénique ouvert à la groupalité interne, le créateur élabore une œuvre qui donne voix aux parts archaïques du soi. La recomposition des figures identificatoires qui l’habitent permet une appropriation subjective, tout en donnant naissance à un ensemble d’auteurs fictifs entre lesquels se développe une dynamique groupale autonome. Grâce au dédoublement réflexif du moi, Pessoa réussit, à travers la diversité de sa création littéraire, à devenir le médium de ses propres images fantomatiques issues de sa généalogie familiale.

Mots-clés

  • Hétéronyme
  • théâtre intérieur
  • processus créateur
  • groupalité interne
  • parts archaïques du soi
  • appropriation subjective

Bibliographie

  • Brechon, R. 1996. Étrange étranger, une biographie de Fernando Pessoa, Paris, Christian Bourgois.
  • Chiantaretto, J.-F. 2005. Le témoin interne – Trouver en soi la force d’exister, Paris, Aubier.
  • Chouvier, B. 2014. Pessoa, un voyage entre rêve et folie, Saint-Mandé, H Diffusion.
  • Freud, S. 1936. « Un trouble de mémoire sur l’Acropole (Lettre à Romain Rolland) », dans Résultats, idées, problèmes, tr. fr., Gallimard, 1985, p. 221-230
  • Green, A. 1980. « La mère morte », dans Narcissisme de vie, narcissisme de mort, Paris, Éditions de Minuit, p. 222-253
  • En ligneKaës, R. 2005. « Groupes internes et groupalité psychique : genèse et enjeux d’un concept », Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe, n° 45, p. 9-30
  • Laplantine, F. 2012. Quand le moi devient autre. Connaître, partager, transformer, Paris, cnrs Éditions.
  • Pessoa, F. 1914. Le gardeur de troupeaux et les autres poèmes d’Alberto Caeiro avec Poésies d’Alvaro de Campos, tr. fr., Paris, Gallimard, 1960, nouv. éd., 1986.
  • Pessoa, F. 1935. Sur les hétéronymes, tr. fr., Nice, Éditions Unes, 1985.
  • Pessoa, F. 1982. Le livre de l’intranquillité, volume I, tr. fr., Paris, Christian Bourgois, 1988.
  • Pessoa, F. 1982. Le livre de l’intranquillité, volume II, tr. fr., Paris, Christian Bourgois, 1992.
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Bernard Chouvier
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 17/05/2016
https://doi.org/10.3917/rppg.066.0053
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