CAIRN.INFO : Matières à réflexion
« Quand l’enfant a grandi et qu’il a cessé de jouer, quand il s’est pendant des années psychiquement efforcé de saisir les réalités de la vie avec le sérieux voulu, il peut arriver qu’il tombe un beau jour dans une disposition psychique qui efface à nouveau cette opposition entre jeu et réalité. L’homme adulte se souvient du grand sérieux avec lequel il s’adonnait à ses jeux d’enfants et il en vient à comparer ses occupations soi-disant graves à ces jeux infantiles : il s’affranchit alors de l’oppression par trop lourde de la vie et il conquiert la jouissance supérieure de l’humour. »

1Les échanges humoristiques, pendant les repas thérapeutiques d’un hôpital de jour pour enfants, peuvent être explorés comme les signes de processus psychiques en jeu dans la situation clinique, tant à l’échelle de l’enfant qu’à celle de la réalité groupale. En effet, on peut s’interroger sur ce que l’humour et le rire partagé travaillent au plan psychique, derrière leur apparente légèreté, notamment chez des enfants présentant des troubles limites en âge de latence. C’est à travers quelques séquences cliniques que nous cheminerons au fil de cette « contradiction lourd-léger », « la plus mystérieuse et la plus ambiguë de toutes les contradictions [2] », qui évoque à M. Kundera cette pensée antique selon laquelle une vérité métaphysique transformée en plaisanterie est un passage du lourd-négatif au léger-positif[3].

2Le repas thérapeutique, groupe à médiation, est envisagé comme lieu de travail clinique, dans lequel une équipe pluridisciplinaire encadre plusieurs enfants, autour de la médiation-repas. Il vient rejouer l’expérience-source du nourrissage (Bion, 1962), au sein de la mère-environnement que constitue l’institution. Individualité et groupalité s’y imbriquent. Le repas répète l’un « des rites les plus anciens des groupes humains, fondé sur le partage de la nourriture : moment de maîtrise collective de la vie pulsionnelle individuelle la plus fondamentale » (Kecskemeti, 2003). Et, en tant que travail groupal, il convoque également la blessure narcissique de n’être que le fragment d’un tout (Roffat, 2005). Cette blessure est particulièrement douloureuse en l’absence d’élaboration d’une position dépressive, comme pour les enfants « agités en mal de latence » auxquels nous nous intéressons (Ehrenberg et Salvan, 2010). Si Chapelier et Poncelet (2005) ont montré en quoi la situation groupale générait régression, désorganisation et excitation chez l’enfant, la composante pédagogique du repas et l’obligation de rester assis, bien se tenir et manger calmement obstruent les voies habituelles d’évacuation de l’excitation des enfants « limites » (motricité, agir, évitement, avidité…). La voie de décharge permise par le dispositif se situe au contraire dans le champ verbal : l’enfant est invité à symboliser sur le mode secondaire ses vécus angoissants, entouré par l’équipe soignante qui tente de l’accompagner sur les chemins de la représentation et du langage. Paradoxe initial que de demander à ces enfants, dont les troubles limites variés ont en commun l’échec de liaison entre affects et représentations, la défaillance du champ transitionnel et des supports de la pensée (Misès, 1990), d’investir le monde de la symbolisation, et surtout des mots ; c’est dans ce travail « impossible », articulé entre les réalités psychiques individuelles et groupale, que l’humour nous a semblé jouer un rôle précieux, à visée thérapeutique. En particulier, nous proposons l’idée d’une disposition humoristique, comme phénomène psychique groupalement produit (création d’un fond sécurisant), ayant fonction d’étayage individuel (émergence de formes représentatives et élaboratives chez l’enfant) et groupal (consolidation de l’enveloppe groupale).

La disposition humoristique dans le groupe : créer un fond pour l’émergence des formes

3Commençons par un court extrait clinique :

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L’ambiance du repas est légère, les enfants parlent entre eux sous le regard amusé et bienveillant des soignants. Dorian (7 ans et demi) vient d’avaler littéralement son dessert et semble très agité, c’est son 3e repas à l’hdj :
Dorian (à Pierre, infirmier psychiatrique) : Je peux sortir de table ?
Pierre : Tu sais Dorian, on te l’a déjà expliqué, la règle à l’hdj c’est qu’on attend que tout le monde ait terminé son repas pour pouvoir se lever de table et débarrasser. (Pierre s’aperçoit qu’il est le seul à n’avoir pas fini sa poire)… Et en plus, je vais reprendre une deuxième poire et vous allez tous devoir m’attendre et me regarder manger !
Dorian (s’enfonce dans sa chaise) : Oh non !
Mais il voit que le groupe rit des paroles de Pierre :
Dorian (se redresse, triomphant) : Ah oui ! On va manger tout ça (montrant le plateau de fruits) ! On va mettre 40 000 poires, et tu vas devoir tout manger !
Dorian rit maintenant dans et avec le groupe et parvient à mieux supporter la fin du repas.

5Dans cette brève séquence, à partir d’une ambiance légère et propice à l’amusement groupal bienveillant, un soignant peut risquer un trait humoristique en convoquant une situation imaginaire exagérée, avec même une pointe de sadisme : image toutefois contenante des vécus bruts de Dorian (excitations motrice et orale non liées), que Pierre lui restitue, symbolisés, sur le modèle d’une fonction alpha (Bion, 1962). Le rire des autres, comme faisant corps groupal avec l’humour de Pierre, permet à Dorian de passer du désespoir abattu (Oh non !) à la reconquête triomphale du narcissisme (Ah oui !) et de saisir quelque chose du jeu avec les pensées. Dorian peut alors, dans un champ imaginaire désormais ouvert par le groupe, symboliser lui-même quelque chose de son excitation orale débordante (on va manger tout ça), puis, par un retournement passif-actif, se rendre maître de la situation et contrôler chez l’autre, par identification projective, les parties destructrices de lui-même (tu vas devoir tout manger). En faisant preuve d’humour à son tour, Dorian semble opérer un mouvement d’introjection d’un appareil à penser les pensées (Bion, 1962) et même à rire des pensées.

6Qu’est-ce qui, dans le groupe, a permis l’émergence de l’humour ? Repartons de cette proposition : « Dans le groupe à médiation thérapeutique, la fonction de holding remplie par le groupe se symbolise par la construction du fond. Les formes ne peuvent émerger dans le travail créateur qu’à partir d’un fondement préalablement assuré » (Chouvier, 2003). Et faisons l’hypothèse que la disposition humoristique serait un fond, construit groupalement et permettant l’émergence de formes symbolisées, élaboratives et contenantes chez l’enfant.

7Quand Freud s’intéresse à l’humour, en 1905 puis en 1927, il décrit le Moi s’élevant au-dessus d’une situation déplaisante pour en rire, par la médiation d’un Surmoi devenu protecteur et bienveillant ; l’humour fait triompher le principe de plaisir comme « la plus haute des défenses », là où la folie psychotique échoue avec une technique parente (Racamier, 1973). S’il se demande « en quoi consiste cette attitude humoristique », Freud (1927) évoque dès 1908 une « disposition psychique » nécessaire à l’émergence de l’humour : comme le dit Sibony (2010) à propos du rire, « il faut y être disposé ». Une disposition de chacun à jouer avec les pensées et les mots, sans que cela soit un recours défensif maniaque, pourrait définir le « bon usage » de l’humour : « disponible, sans être systématique » (Forest, 2005), et qui ne soit « pas une fin en soi » (Eiguer, 2005). La disposition humoristique des soignants ne serait donc pas qu’une capacité à transformer les vécus bruts des enfants : ce serait avant tout une fonction d’accueil, base de la fonction alpha chez Bion (amour, compréhension et réconfort de la mère) ; nous la rapprocherions d’une capacité de rêverie, définie par Bion comme un état d’esprit capable d’accueillir les identifications projectives, bonnes ou mauvaises, en provenance de l’objet aimé (1962), et facteur de la fonction alpha.

8Serait-elle une disposition individuelle ou groupale ? Le terme de disposition convoque celui d’ambiance, cher à J. Oury et central dans la psychothérapie institutionnelle : l’ambiance a des effets pathoplastiques, et y permettre une suffisante disposition, atmosphère, présentant une certaine légèreté, c’est « faire qu’il puisse y avoir quelque chose qui puisse se jouer » (Oury, 2009). On saisit là toute la subtilité entre le maintien du cadre du repas thérapeutique, sa composante pédagogique, et sa portée clinique. Chez Oury, comme chez les phénoménologues, on arrive au concept de Stimmung, qu’Heidegger traduit par disposition : humeur, qui relève de l’affectivité et désigne l’élément originel à partir duquel sujet et objet s’accordent. Pour H. Maldiney (2007), la Stimmung définit la tonalité de notre être-au-monde et notre ressentir de chaque événement ; c’est notre accordage à un ton mineur qui « caractérise indivisément notre humeur et le climat du monde ». On rejoint la définition de l’humour dans la langue anglaise : disposition, humeur, thymie, inclination, état d’esprit (Bénassy, 1973), tout en pressentant la nature transitionnelle de la disposition humoristique : elle relèverait à la fois de l’état d’être intérieur de chacun et de l’atmosphère extérieure ; elle serait une disposition individuelle mais aussi groupale, issue de la capacité de l’un à jouer verbalement avec les pensées autant que de la capacité de l’autre à se saisir de ce jeu, à en rire et à jouer à son tour. Alors, la disposition humoristique pourrait être le fond venant soutenir chaque sujet, désormais autorisé dans le groupe à « se laisser aller sans risque à l’expression figurée de ses vécus internes » (Chouvier, 2003) : l’enfant qui reçoit le trait humoristique d’un soignant, qui peut en rire avec les autres, puis faire à son tour preuve d’humour à l’adresse du groupe, serait une illustration du « jeu de prendre et de rendre » décrit dans les opérations signifiantes du travail groupal autour de l’objet médiateur. Il viendrait illustrer également les dynamiques intra et intersubjective d’une disposition humoristique comme création groupale étayant les membres du groupe tout autant qu’alimentée par eux. En repartant de l’approche foulkesienne qui voit dans l’individu et le groupe un ensemble de type figure-fond, on retrouve l’idée du groupe comme un tout ayant « ses humeurs, ses réactions, un état d’esprit, une atmosphère, un climat [4] » ; si Foulkes (1964) définit la matrice comme « la trame hypothétique de communication et de relation […], le terrain partagé commun qui détermine finalement le sens et l’importance de tous les événements et sur lesquels reposent toutes les communications et interprétations, verbales ou non verbales », on serait tenté de voir la disposition humoristique comme une des composantes de la matrice.

Ouvrir les portes de l’imaginaire par la disposition humoristique et symboliser en groupe

9

Cette scène se déroule à table, quelques semaines après la précédente.
Dorian (qui ne vient que le mercredi et le jeudi) : Vous savez, je viens le vendredi.
Soignants : Ah bon ?
Dorian : Oui, oui…
Marie (infirmière) : C’est bizarre il ne me semble pas t’avoir vu.
Moi : Tu te fais tellement petit que tu es là mais personne ne te voit… (Dorian commence à sourire). Tu étais là vendredi dernier ?
Dorian : Oui !
Moi : Où étais-tu caché ?
Dorian : Dans un jeu, j’étais tout petit, en dessous.
Marie : Dans quel jeu ?
Dorian : Docteur Maboul ! (nous rions)
Moi : Alors tu nous as vus toute la journée, et nous, on ne te voyait pas ?
Dorian : Oui, je vous ai tous vus
Moi : Qu’est-ce qu’on faisait alors ?
Dorian : Vous avez fait un gâteau… (il en avait entendu parler)… Vous avez fait le goûter… Quelqu’un est allé aux toilettes… (nous rions)
Dorian (à Marie) : Tu sais, eh ben ce matin, je me suis levé à 6 h du matin !
Marie : Ah bon ?
Dorian (après un moment) : Non mais je rigolais tout à l’heure hein ! Je me suis pas levé à 6 h, c’était une blague ! Pourquoi vous me croyez toujours ?
Marie : Eh ben, je sais pas moi, si tu le dis c’est possible, je ne peux pas savoir ce qui se passe chez toi à 6 h du matin, je ne suis pas à ta maison…
Puis Dorian questionne Marie : était-elle chez elle à 6 h, dormait-elle… et Marie acquiesce.

10Cette séquence montre comment la capacité du groupe soignant à jouer le jeu, face à l’affirmation fausse de Dorian, permet à celui-ci de laisser émerger en confiance quelque chose de ses vécus subjectifs douloureux. En premier lieu, la question de son absence le vendredi, où émerge un fantasme de scène primitive que Dorian peut explorer dans et avec le groupe : il peut jouer à se cacher en pensée [5] et se rendre maître d’une situation d’exclusion passivement subie. Par leur disposition humoristique, les soignants accueillent Dorian avec bienveillance et lui font une place dans le groupe, même quand il n’est pas là : ils restaurent ainsi son narcissisme blessé d’avoir été absent du groupe le jour d’un atelier gâteau, tandis que leurs rires témoignent à Dorian de ses nouvelles compétences à jouer avec les pensées et à générer du plaisir dans le groupe. On sent bien la tonalité « pour jouer » des échanges qui ne s’apparentent pas à du déni ou du triomphe maniaque. Au contraire, Dorian s’exerce à manier pensées et fantasmes tout en restant adapté au réel : il a le don d’ubiquité et de se cacher sous un jeu : principe de plaisir ; mais il ne cite que des activités qui ont vraiment eu lieu vendredi (chaque jour, le goûter a lieu et quelqu’un va aux toilettes !) : principe de réalité. Le renversement de la scène primitive, vers une scène où Dorian était là mais pas les soignants, montre ensuite que, sécurisé par l’ambiance du groupe, il peut venir y explorer des questions épineuses ou troubles : au plan manifeste, que lui renverraient les adultes s’il leur disait que ses parents le réveillent au petit matin pour accompagner la maman au travail (élément du réel) ? Au plan latent, les adultes auraient-ils le don d’omniscience à propos de sa vie chez lui, dans une représentation de mère archaïque toute-puissante ? D’habitude très évitant, Dorian peut ici poser des questions « pour de rire » et en obtenir un écho. L’échange peut alors travailler à restaurer chez lui les limites peut-être fragiles de son Moi, ce que nous abordons maintenant.

Pour de rire ou pour de vrai ? Suspendre les limites dans le groupe pour les restaurer chez l’enfant

11Les troubles limites apparaissent comme des altérations des enveloppes psychiques : l’écart pathologique entre les surfaces d’excitation et de signification empêcherait l’émergence d’une aire transitionnelle, entravant la capacité de fantasmatisation (Anzieu, 1985). Les enfants « limites » ne savent pas jouer (Kurts, 1993) ou jouent « pour de vrai » (Roffat, 2005) : ils ont du mal à accéder à cette troisième réalité, aire intermédiaire d’expérience d’où nait l’espace potentiel, « lieu de repos » dans cette tâche interminable de maintenir séparées et reliées les réalités intérieure et extérieure (Winnicott, 1971). Or, permis par une liberté et une sécurité sine qua none, le jeu suspend l’opposition topique (Roussillon, 2008) : l’enfant n’a plus à se demander si les contenus en jeu sont réels ou imaginaires, à lui ou à l’autre, dedans ou dehors. Et l’humour, en tant que prolongement du jeu dans le registre du langage, vient justement permettre à ces enfants en mal de jeu d’expérimenter la suspension des limites. Il donne une qualité « comme si » à la situation et facilite la fonction transitionnelle du cadre (Anzieu-Premmereur, 2007). C’est parce que les limites sont suspendues que l’enfant peut jouer avec elles dans l’échange humoristique et la situation groupale renforce son sentiment de sécurité : « le sujet se fond avec plaisir dans une indifférenciation gratifiante, il oublie ses limites et se confond dans le corps groupal » (Chouvier, 2003). L’enveloppe groupale (Anzieu, 1999) serait un contenant dans lequel le jeu humoristique restaurerait les enveloppes psychiques individuelles : fonction contenante et fonction de symbolisation se confondraient (Ciccone, 2001) dans l’humour groupal aussi.

Guy, 10 ans et demi, présente un rapport troublé à la réalité qui interroge régulièrement les soignants (moi/non-moi, moi/objet, réalité/fantasme).
Au début de ce repas, un long échange a lieu, d’une tonalité assez dysphorique, entre Guy et le groupe : Guy lance des affirmations irréelles qui sont discutées ou plaisantées par le groupe, et il rit très fort d’un rire qui semble pouvoir basculer vers les pleurs ou l’euphorie maniaque ; son rire m’angoisse et je ne sais pas si les mots échangés « pour de rire » sont pris « pour de vrai » par Guy. Vers la fin du repas, Jules (psychologue) s’adresse à lui :
Jules : Tu vois, on avait travaillé ensemble sur les pensées et tu te rends compte maintenant que tu peux imaginer des choses pas vraies et jouer avec ces pensées.
Guy acquiesce.
Jules : Tu te rappelles quand tu te mettais une étiquette là (il montre la poche de chemise) avec écrit « police municipale », c’était pour jouer…
Guy : Non !
Jules : Ah… tu étais vraiment policier ?
Guy : Oui !
Eliane (éducatrice spécialisée) : Mais où tu l’avais fabriquée cette étiquette ? À ton école ?
Guy : Non !
Eliane : Mais où alors ?
Guy (après quelques secondes) : À mon école de police ! (éclat de rire général)
Guy (hilare) : Une fois, j’ai même écrit « ambulance de S. [6] » ! (rires) J’étais venu en ambulance…
Jules : Oui, et c’est toi qui conduisais d’ailleurs ! (rires)
Jules (à Guy, peu après) : J’ai vraiment passé un bon moment !
Guy l’imite en répétant sa phrase, et rit sans s’arrêter. Puis :
Guy : Ah… Sacré Jules ! (éclat de rire général)
Puis nous enchaînons tous en riant : « Sacré Pierre ! », « Sacré Cœur ! », « Sacré Charlemagne ! », « Sacrée soirée ! » Guy ajoute à chaque fois « Et… Sacré Pierre ! »
La disposition humoristique des soignants, ici encore, leur permet d’accueillir les paroles de Guy sans fermer les possibilités élaboratives de cet échange par un rappel au réel trop brutal : le réel est réintégré dans l’échange (où tu l’avais fabriquée cette étiquette ?) comme une proposition dont Guy pourrait se saisir pour justement apprendre à jouer avec la réalité, l’opposition fantasme/réalité étant suspendue par le jeu humoristique. On peut s’interroger sur la réponse de Guy (À mon école de police !) : déni de réalité ? Ou jeu humoristique qui signe le travail psychique en cours pendant ce repas, et dans lequel, à l’image de la description freudienne, le Moi mime sa défaite et, au moment de s’écraser au sol, reconquiert une vigueur qui en sort grandie (Racamier, 1973) ? Au moment où il est contraint d’avouer la fabrication de l’étiquette, Guy transforme son école en école de police, démontrant ainsi sa compétence à jouer avec les idées et assurant le triomphe de son narcissisme. L’éclat de rire du groupe viendrait saluer cette pirouette intellectuelle, tout en déchargeant l’angoisse groupale liée à la tonalité dysphorique du début de l’échange. Mais en riant, le groupe montre aussi à Guy qu’il se le représente comme ayant joué à « faire semblant » et ayant maîtrisé son effet de surprise : le rire du groupe aurait alors fonction de miroir, comme le visage de la mère, capable de réfléchir à l’enfant son soi propre, lui donner la capacité d’exister et de se sentir réel (Winnicott, 1971), et ajoutons, de renforcer son Moi-Peau (Anzieu, 1974). Ce moment semble marquer un tournant dans l’échange, et ensuite les exagérations de Guy (une fois, j’ai même écrit) et celle de Jules à laquelle Guy rit beaucoup (c’est toi qui conduisais) nous laissent à penser que Guy ne nie pas la réalité mais en joue maintenant, en tout cas à ce moment de l’échange. Jusqu’alors, cela pouvait ne pas être clair, mais si les soignants rient, alors ma pensée est drôle, je peux jouer avec elle en mesurant son caractère irréel et en en prenant la maîtrise : « C’est parce qu’il distingue clairement principe de réalité et principe de plaisir que l’humoriste peut jouer de leur interférence et subvertir le premier » (Donnet, 2009). Les derniers rires de Guy autour des « Sacré Jules ! » et « Sacré Pierre ! », deux figures paternelles, semblent être une façon de les reconnaître comme garants de cette limite réalité/fantasme : ils deviennent repères « sacralisés », mais avec cette pointe de refus signifiée par la supériorité affectueuse de cette expression. Ce qui s’était externalisé sur le champ intermédiaire commence à pouvoir être ressaisi dans la réalité interne (Roussillon, 2004) : le Moi victorieux intègre ses limites sans s’avouer vaincu : « […] tout ce dont on rit est plus ou moins représenté dans notre psyché, et le rire serait une façon de l’admettre tout en mettant de la distance, avec même une pointe de refus » (Sibony, 2010). Il faut ici souligner le rôle essentiel du rire en tant que phénomène psychocorporel : c’est sur le soubassement de la corporéité qu’une transformation peut se réaliser et donner naissance aux objets psychiques et à la réalité interne (Chouvier, 2003), et comme l’écrit R. Puyuelo (2002), le rire comme « étayage au corps psychique désarticulé » permet à l’enfant « de se sentir, de se reconnaître, d’intégrer ou de réintégrer les limites de son moi ».

Rire du non-idéal et de la castration pour y survivre et s’avancer vers l’Œdipe

12Un autre axe nous a semblé majeur dans ce que le jeu humoristique groupal peut permettre aux enfants qui présentent des troubles limites à la latence de travailler, au sens où Bergeret (1973) parle d’un travail de l’humour, comme du travail du rêve ou du fantasme : l’humour peut élaborer les excitations, réaliser de nouvelles liaisons et obtenir de nouveaux modes de décharges. Il s’agit de l’accès à quelque chose d’une élaboration de la position dépressive et de l’angoisse de castration, que nous aborderons par deux derniers extraits cliniques.

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Nous sommes à la fin du repas, après un long échange marqué par les difficultés cognitives de Dorian, qui peine à prononcer certains mots ou à se souvenir de certains prénoms. Les explications répétitives données par les soignants ont fait l’objet d’un humour bienveillant (en riant d’eux-mêmes répétant leurs explications et non de Dorian continuant à les demander).
Basile (7 ans) me demande une pomme. Pierre et moi avons un « contentieux » sur l’épluchage des fruits : il s’amuse souvent de ma lenteur à les éplucher.
Basile : Et tu peux me l’éplucher s’il te plaît.
Moi : D’accord.
Pierre : Ah… attention Basile, tu sais que Cristelle met beaucoup de temps à éplucher les fruits ! (rires)
Moi : Alors ça, Pierre, c’est pas très sympa. Me mettre la pression juste avant de commencer ! (les enfants rient)
François demande alors à Pierre de lui éplucher aussi une pomme.
Moi : Ah ben tiens ! On va bien voir qui est le meilleur !
Pierre (à François) : Tu la veux coupée ou entière ?
Moi : Entière ! (pour que ce soit plus difficile)
François : Coupée ! (en me regardant et en riant d’un air de défi)
Pierre (à moi) : Ah désolé, le client est roi ! (rire général)

14La disposition humoristique des soignants leur permet, au lieu de se décourager ou de s’agacer des explications répétitives données à Dorian, de s’efforcer d’y survivre par l’humour, ce qui a pour double effet de préserver leur narcissisme et celui de Dorian. Puis, en mettant en scène leurs propres difficultés et en en riant, ils montrent aux enfants qu’ils sont limités, non tout-puissants et non idéaux : objets totaux bons et mauvais, ils auraient survécu à la castration et pourraient même en rire. Comme l’écrit Sibony (2010), « l’humour, c’est de pouvoir se consoler d’en être là » et l’humoriste jouit de cette désidéalisation (Donnet, 2009). L’affrontement humoristique des soignants, au service des enfants (le client est roi), est un moment de restauration narcissique pour ces derniers, en particulier Dorian qui vient d’exposer à tous ses troubles cognitifs ; on tourne ici autour des rivalités fraternelles et l’angoisse de castration, jusqu’à être formulée métaphoriquement (coupée ou entière ?), serait déchargée par le rire jubilatoire des enfants en même temps que leur plaisir dû au gain narcissique. L’intégration pulsionnelle, notamment du sadisme, dans l’humour, peut faire apparaître le Surmoi comme héritier non seulement des interdits mais aussi de l’amour des parents (Cosnier, 1973). L’humour marquerait la résurgence d’un moment œdipien où la réalité déplaisante avait figure de père castrateur (Donnet, 2009) et permettrait à l’enfant d’en rejouer quelque chose, de travailler au réagencement des instances psychiques dans et avec le groupe.

15

Ainsi Omer, 8 ans et demi, s’installe à table et, regardant le tableau au mur, dit : « Moi, je vais manger le cadre ! » J’éclate de rire, savourant le double-sens de sa phrase dont il semble fier.
Ce garçon subit avec souffrance une mesure de placement familial qui le sépare de ses parents, et ce jour-là, à table, il raconte l’attente des visites au domicile maternel et la déconvenue des absences imprévisibles de sa maman : il doit la voir ce week-end mais va-t-elle venir au rendez-vous ?
Parallèlement, Omer s’oppose, comme souvent, à ce qui lui est dit ou demandé (couper sa salade, poser son kiwi pour l’éplucher…) en rétorquant systématiquement « Non ! » Au bout d’un moment, je lui dis avec espièglerie que ce week-end, je vais faire comme lui, je vais dire non tout le temps : devant les feux rouges, au stop, aux policiers qui me demanderont d’éteindre le moteur… je dirai « Non ! Non ! Non ! » Marie entre dans mon jeu et demande à Omer ce qui se passera. Omer me dit : « Eh ben tu vas aller en prison ! » Je continue mon petit jeu, dans lequel il finit par entrer en riant : « Les mains sur le volant ! Non ! Papiers s’il vous plaît ! Non ! » Nous rions un moment et à la fin du repas, Omer me donne une carte Pokémon : « C’est pour chez toi. »

16La blague d’Omer, dont il n’accéderait qu’au sens premier (Wolfenstein, 2008), évoque en tant que jeu de mots la souffrance d’Omer à devoir supporter le cadre (notamment sociojudiciaire). S’opposer aux soignants reviendrait à retourner la passivité d’une situation et s’y refuser, au moins sur la scène du repas. Comme une invitation à sortir de l’impasse, la représentation humoristique d’un monde sans limites où l’on dirait « non » à tout émerge dans le groupe : l’image d’une soignante comme il faut, franchissant les limites de la loi de façon clownesque, vient chatouiller les défenses rigides d’Omer pour tenter une élaboration commune. Et en effet, après une prise de contrôle chez l’autre, par identification projective, de ses propres tendances à s’opposer potentiellement débordantes pour lui (tu vas aller en prison), Omer entre dans le jeu humoristique et invente avec le groupe des situations d’opposition burlesques. La loi est mise en échec dans un espace imaginaire, le temps du jeu verbal, et Omer peut en rire avec et dans le groupe : « Rire pointe nos tendances à mal faire, et tente ainsi de conjurer nos envies de faire mal [:] se reposer du bien et de la loi » (Sibony, 2010). Pour les enfants présentant des troubles limites en âge de latence, la loi est vécue comme persécutrice quand le conflit œdipien n’a pu être élaboré : la transgresser passe par une opposition violente, potentiellement source de représailles cruelles. Mais l’humour permet justement de s’affranchir de cette loi, en pensée, grâce au développement des capacités de symbolisation, tout en évitant la punition : « le rire désarme le censeur » (Anzieu, 1980). Bergeret (1973) écrit de l’humour : « Le plaisir ne provient pas de la réalisation pulsionnelle complète ; il demeure centré sur l’évocation de la réalisation agréable et non interdite par le Surmoi » : la décharge du Ça est permise par un Surmoi bienveillant. L’humour devient alors capable de « réaliser de façon imaginaire et imagée un désir tout aussi bien que le fantasme, le rêve ou le symptôme ». La décharge pulsionnelle n’en est pas moins réelle, via l’image humoristique de réalisation des désirs et aussi via le rire, décharge corporelle s’il en est, qui signe le plaisir pris par l’enfant humoriste. Il semble que cela soit un troc, comme dans tout travail de deuil (Freud, 1915) ou de renoncement : l’enfant accepte la situation imposée (la castration) en échange de pouvoir s’en libérer dans l’imaginaire humoristique. Prendre l’activité représentative comme nouveau but pulsionnel est le propre des enfants en âge de latence (Brun et Chouvier, 2010), mais en présence de troubles limites cette capacité est entravée par l’évacuation systématique du fonctionnement mental (Ehrenberg et Salvan, 2010) ; le jeu humoristique groupal pourrait alors permettre à ces enfants de travailler quelque chose de la fonction du surmoi post-œdipien qui fixe les formes par lesquelles le désir peut être réalisé (Roussillon et coll., 2007). Dans notre clinique, il peut l’être « pour de rire », en pensée et en mots, avec et dans le groupe. Enfin, on voit ici symbolisé par la carte Pokémon le travail du lien qui est à l’œuvre dans les échanges humoristiques du groupe, et ce sera la dernière partie de notre réflexion.

L’humour dans le groupe : travail du lien et consolidation de l’enveloppe groupale

17Nous voudrions insister ici sur le travail de l’humour dans la formation et la consolidation de l’enveloppe groupale, et dans l’appareillage des psychés individuelles dans l’Appareil psychique groupal ou apg (Kaës, 1999). En effet, il n’est que de reprendre nos différents exemples cliniques pour laisser entendre cela : « vous allez tous devoir m’attendre et me regarder manger » dit Pierre à Dorian, reprenant à l’inverse son mouvement « je peux sortir de table » pour le réintégrer dans une appartenance groupale ce qui, sans annuler la frustration, la rend tout au moins partageable avec d’autres ; « tu étais là vendredi dernier ? Où étais-tu caché ? », demande l’équipe à Dorian, lui proposant par là même une place, même imaginaire et humoristique, au sein du groupe ; quand Jules dit à Guy : « Et c’est toi qui conduisais d’ailleurs ! », il s’intègre, lui et le groupe, comme témoins intérieurs du fantasme individuel de Guy, l’éloignant du délire pour rejoindre le jeu humoristique groupal et le plaisir partagé ; dans l’affrontement humoristique des soignants, on entend le mouvement d’externalisation des processus inconscients individuels (fantasmes originaires) qui s’appareillent sur la scène groupale (Kaës, 2007) : l’apg, en pleine structuration, traite les conflits psychiques dans la groupalité ; enfin, le travail du lien est tangible dans notre dernier exemple où si l’un des soignants dit à Omer : « Je vais faire comme toi ce week-end » et que les autres entrent dans ce jeu humoristique, c’est toute la sécurité et la présence rassurante du groupe qui se proposent d’accompagner Omer, en pensée, pendant son week-end angoissant.

18On voit dans ces exemples le mouvement d’appartenance commune opéré par l’humour, qui donne à chacun une place dans le groupe et au groupe une place en chacun. Le plaisir partagé et le narcissisme préservé des enfants et des soignants consolideraient ce liant que représente le groupe et qui favorise la création et la cocréation (Chouvier, 2003). L’humour montre ainsi son caractère « narcissiquement identifiant et protecteur » et sa capacité à « transformer les sensations de déplaisir, d’isolement, d’exclusion, en plaisir collectif à se débarrasser de l’angoisse » (Grange-Ségéral, 2008) : la communauté peut vivre un instant suspendu de consolation car ses membres peuvent, dans l’humour et ensemble, « [retrouver] la toute-puissance de la pensée ». Pour que l’humour reste une forme de consolation bienveillante pour soi-même et pour autrui (Ferrant, 2004), il ne doit pas se confondre avec l’ironie ou le sarcasme, méthodes de « terrorisme verbal » selon D. Anzieu (1980) ; là encore, c’est sa capacité à produire de la groupalité qui préserve l’humour de ces écueils : « L’humoriste peut tout dire à la condition qu’il s’inclut lui-même dans la situation et dans une humanité commune avec ce qu’il fustige » (Grange-Ségéral, 2008). Le rire partagé dans le groupe n’est donc pas un rire de moquerie, « faiblesse se réjouissant de la faiblesse » comme l’écrivait Baudelaire (1855), c’est un rire dans lequel le Surmoi bienveillant et protecteur tient au Moi effarouché un discours plein de sollicitude consolatrice (Freud, 1927), ce qui place, selon Donnet (2009), la sollicitude à l’essence même du procédé humoristique. Ce « soin plein de souci » (Littré) pour l’autre et pour plus d’un autre indique bien que l’humour favorise les liens affectifs entre les membres du groupe, et pourtant il reste tout autant capable de traiter simultanément les motions agressives et les conflits : l’enfant peut, par la voie humoristique, atteindre à l’ambivalence pulsionnelle puisqu’il peut être insolent voire sacrilège tout en préservant les liens libidinaux (Cosnier, 1973).

19Pour finir, on peut s’interroger sur la visée séductrice de l’humour de l’enfant à l’adresse des soignants. Séduire vient du latin seducere, « conduire à soi ». Les enfants de l’hdj souffrent souvent d’une image d’objets incomplets et décevants pour leur entourage ; en faisant rire les soignants grâce à leurs compétences humoristiques, il est certain qu’un travail de restauration narcissique majeur est à l’œuvre, l’enfant conduisant les soignants vers quelque chose en lui qui peut les intéresser et leur donner du plaisir. Cette visée se distingue de celle de la séduction narcissique proposée par Racamier (1980), qui « ne tolère ni le désir, ni la pensée » et tend à « faire avec la mère un Tout omnipotent, ne la perdre jamais, lutter souverainement contre l’excitation pulsionnelle et radier d’un coup le père et la castration » ; nous avons tenté de montrer que le travail de l’humour vise à peu près à l’exact inverse. Pour Wainrib (2004), la séduction est l’art de réduire la distance entre soi et l’autre ; peut-être faut-il envisager la visée séductrice de l’enfant humoriste non comme un conduire à soi mais comme un aller (l’un) vers l’autre ? Faire rire les soignants serait alors porteur pour l’enfant d’une reconnaissance, au-delà des statuts adulte/enfant et soignant/soigné : une reconnaissance qu’il a sa place à la table de ceux qui partagent cette humanité commune évoquée plus haut, autour de la scène (cène) symbolique du repas. On peut penser à une quête de confraternalisation ou à quelque joute verbale initiatique pour intégrer le groupe des pairs par ces moments joyeusement partagés, ainsi que l’écrit Schiller dans l’Ode à la joie : « Tes charmes lient à nouveau / Ce que la mode en vain détruit / Tous les hommes deviennent frères / Là où tes douces ailes reposent. »

La prime de plaisir en conclusion

20On conçoit généralement l’humour comme une capacité à regarder la réalité désespérante ou angoissante d’« au-dessus » : « Celui qui gravit les plus hautes montagnes se rit […] de la gravité tragique de la vie [7] » ; Zarathoustra dit au groupe : « Voyez, je me survole » et indique comment se dédoubler pour voir d’en haut le nuage noir et lourd qui menace. Mais avant d’atteindre à cette finalité « grandiose » (Freud, 1927) et de rejoindre les cimes, l’humour travaille tout au long de l’ascension : comme étayage psychique individuel, il ouvre à l’enfant les portes de la symbolisation, du jeu avec les limites et les pensées, de l’élaboration des angoisses ; comme étayage groupal, il contribue à créer et consolide l’enveloppe groupale, confortant l’appartenance de chacun au groupe. La fonction thérapeutique de l’humour trouverait son essence dans ce travail, cette mise en route processuelle, et serait décuplée par la prime de plaisir obtenue, qui fait de l’humour ce « don précieux et rare » (Freud, 1927) que le groupe peut s’offrir quand la situation le permet [8]. Car, comme le dit R. Roussillon [9], la condition sine qua none pour la réussite du travail thérapeutique, c’est l’investissement du clinicien via le plaisir partagé, et c’est sur cette notion de plaisir dans le soin que nous conclurons :

21

« Qu’est-ce qui fait que peut survivre ce que nous créons ?
– une inspiration, comme celle de la psychanalyse, qui ne varie pas : condition pour continuer ;
– une recherche qui ne cesse pas : condition pour s’intéresser ;
Et encore ? Un rien d’invention, un brin d’humour : conditions pour se plaire… ».
P.-C. Racamier [10].

Notes

  • [*]
    Bernard Chouvier, professeur émérite de psychologie clinique, Centre de recherche en psychopathologie et psychologie clinique (crppc), université Lumière Lyon II, 5, avenue Pierre Mendès France, 69676 Bron cedex, bernard.chouvier@univ-lyon2.fr
  • [**]
    Cristelle Avelines, institut de psychologie, université Lyon 2 ; cristelle.avelines@univ-lyon2.fr
  • [1]
    S. Freud, « La création littéraire et le rêve éveillé » (1908), dans Essais de psychanalyse appliquée, Paris, Gallimard, 1973, p. 71.
  • [2]
    M. Kundera, L’insoutenable légèreté de l’être, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1989, p. 16.
  • [3]
    Ibid., p. 281.
  • [4]
    C. Pigott, « Préface », dans S.H. Foulkes (1964), La groupe-analyse. Psychothérapie et analyse de groupe, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 2004, p. 21.
  • [5]
    Voir le jeu de cache-cache d’imagination proposé par R. Prat en psychothérapie psychanalytique d’enfants (2004).
  • [6]
    Nom d’une ville proche.
  • [7]
    Nietzsche (1892), Ainsi parlait Zarathoustra, I, 1re partie, « Lire et écrire », Paris, Aubier Flammarion, 1969, p. 113.
  • [8]
    Parfois l’humour est au « degré zéro » : empêché par une distance impossible vis-à-vis d’une réalité externe ou interne trop terrifiante (Shentoub et coll., 1989) et d’autres fois il pourrait être scabreux quand la tension émotionnelle est nécessaire à maintenir « sans la distraire » (Forest, 2005).
  • [9]
    Conférence du crppc « Les médiations thérapeutiques », 15 décembre 2010.
  • [10]
    P.-C. Racamier, « En psychanalyste et sans séances », Revue française de psychanalyse, Paris, puf, 1990, p. 1181.
Français

Résumé

À partir des échanges humoristiques recueillis lors des repas thérapeutiques d’un hôpital de jour pour enfants, les auteurs interrogent le travail psychique accompli par l’humour et le rire partagé, notamment avec des enfants présentant des troubles limites en âge de latence. Ils proposent l’idée d’une disposition humoristique comme étayage psychique groupalement produit, qui serait le fond sécurisant à partir duquel pourraient émerger des formes représentatives et élaboratives chez l’enfant. D’une possibilité d’ouvrir le champ de l’imaginaire pour symboliser en groupe, à celle de suspendre les limites dans le groupe pour restaurer les enveloppes psychiques altérées chez les enfants « limites », l’humour permettrait aussi de travailler à l’élaboration de la position dépressive et de l’angoisse de castration. Cette disposition humoristique créée dans le groupe et par le groupe aurait enfin une fonction de consolidation de l’enveloppe groupale, en renforçant le sentiment d’appartenance commune et les liens intersubjectifs dans le plaisir partagé.

Mots-clés

  • humour
  • rire
  • groupe
  • enfant
  • latence
  • troubles limites
  • jeu
  • médiation
Español

Humor y grupo en los niños con perturbaciones limites a la latencia

Resumen

Desde intercambios humorísticos colectados durante comidas terapéuticas de un hospital diurno para niños, los autores interrogan el trabajo psíquico cumplido por el humor y la riza compartida, en particular con niños con des perturbaciones limites en edad de latencia. Proponen la idea de une disposición humorística como apuntalamiento psíquico producida por el de grupo, que seria el fondo de grupo a partir del cual podrían emerger formas representativas y de elaboración en el niño. Desde una posibilidad de abrir el campo del imaginario para simbolizar en grupo, hasta la de suspender los limites en el grupo para restaurar los envueltos psíquicos alteradas en les niños « limites », el humor también permitiría trabajar a la elaboración de la posición depresiva et de la angustia de castración. Esta disposición humorística creada en el grupo y por el grupo tendría por fin una función de consolidación de l’enveloppe grupal, reforzando el sentimiento de pertenencia común y los lazos intersubjectivos en el placer compartido.

Palabras claves

  • humor
  • riza
  • grupo
  • niño
  • latencia
  • perturbaciones limites
  • juego
  • mediación

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Bernard Chouvier [*]
  • [*]
    Bernard Chouvier, professeur émérite de psychologie clinique, Centre de recherche en psychopathologie et psychologie clinique (crppc), université Lumière Lyon II, 5, avenue Pierre Mendès France, 69676 Bron cedex, bernard.chouvier@univ-lyon2.fr
Cristelle Avelines [**]
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Mis en ligne sur Cairn.info le 11/05/2012
https://doi.org/10.3917/rppg.058.0171
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