CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1L’idée que je voudrais soutenir ici est l’existence dans les groupes, dans tout groupe, d’une position sectaire, au sens où tout groupe a la possibilité, à un moment ou à un autre de son histoire, de verser ou de basculer dans une position sectaire.

2Il convient tout d’abord de revenir quelque peu sur les termes de position et de secte, avant de déterminer les formes et les contenus psychiques de cet état singulier.

3La position se définit d’abord par sa mobilité et sa capacité d’actualisation. Comme l’a montré Melanie Klein avec la position schizo-paranoïde et la position dépressive, il s’agit d’états psychiques précoces devenus inconscients, mais qui correspondent à des points de fixation pouvant générer la mise en œuvre d’un processus de régression[1]. Il en va de même pour les groupes qui sont susceptibles, en fonction des événements et des circonstances, de régresser à une position antérieure, pour autant que cette position ait été investie traumatiquement à l’origine. La « position » devient, dans certains cas, une solution de repli ou un refuge, lorsque le sujet ou le groupe se sent menacé dans son identité même. On le verra, la position sectaire constitue pour le groupe une sorte de moyen de survie ou de recours de la dernière chance. Solution défensive de nature extrême.

4Le concept de position, d’autre part, représente en partie la plasticité du psychisme qui, selon les circonstances ou la manière d’envisager les choses, régresse à une structuration antérieure ou actualise dans son fonctionnement présent une modalité de fonctionnement à laquelle il a renoncé, mais qui perdure au fond du psychisme et que chacun laisse resurgir en fonction des nécessités relationnelles.

5N’oublions pas que le mot « position » provient du vocabulaire de la stratégie : on occupe une position déterminante pour la suite des opérations, on la tient ou on la conquiert, en fonction des nécessités de l’action du moment. Le plus important dans une dynamique stratégique est peut-être l’adaptabilité, c’est-à-dire savoir changer de position quand la situation l’exige. La position sectaire consisterait pour le groupe en une fermeture communicationnelle et un repliement sur ses seules forces internes, quelque chose comme une régression narcissique ultime.

6La secte a diverses acceptions qu’il importe de clarifier au plus près pour éviter les confusions et les amalgames [2]. La secte représente un groupe socialement déterminé qui se coupe du corps de la société globale pour se constituer en microcosme avec ses propres règles, ses propres lois et institutions. Ainsi le groupe sectaire peut être un simple groupe religieux qui a fait sécession par rapport à sa communauté d’origine et qui cherche sa propre autonomie, par exemple, de nombreuses sectes protestantes qui se sont créées aux marges du christianisme depuis la Réforme.

7Mais la secte peut désigner également un type de groupe qui se constitue contre la loi commune et qui se caractérise par un fonctionnement pervers. C’est le cas des sectes qualifiées de « dangereuses », dans la mesure où elles développent sciemment l’assujettissement de ses membres au profit des désirs du chef et de ses acolytes.

8Ce dernier sens est quelque peu limité, puisqu’il ne concerne qu’un petit nombre de groupes bien caractéristiques.

9La réalité psychique est plus complexe que ce type de classification rigide qui correspond en fait à une typologisation historique ou sociologique. Je préfère, pour ma part, parler du sectaire comme d’un mode de fonctionnement psychique spécifique qui peut se jouer a minima ou au contraire revêtir des formes extrêmes. Une telle conception a le mérite d’unifier les perspectives théoriques et d’offrir un modèle cohérent et unitaire permettant de penser et de comprendre des situations phénoménologiquement très différentes. L’intérêt d’un tel modèle est de décrire non des états psychiques groupaux différents et apparemment sans lien, mais au contraire, des processus psychiques cohérents incluant, comme des moments, des situations et des faits qui ne peuvent être compris autrement. Le sectaire se définit par diverses phases, diverses étapes qui participent toutes, de près ou de loin, au même registre de « fermeture psychique ».

10Dans tous les cas, qu’on se réfère à l’étymologie ou à l’histoire, il est aisé de remarquer qu’il existe deux versions de la secte et du sectaire. Soit nous avons affaire à des singuliers, c’est-à-dire des originaux, des marginaux, soit à des fanatiques, c’est-à-dire des destructeurs ou des pervers dangereux.

11Il est intéressant de laisser ouverte cette question et de maintenir ce flottement sémantique à des fins heuristiques. Il est toujours temps de trancher sur le plan pragmatique, quand on se trouve, sur le terrain, face à telle ou telle dérive groupale.

Esprit de groupe et coercition

12Je prendrai appui, pour mener à bien cette réflexion à propos du dévoiement sectaire des groupes, sur le texte fondateur de la Massenpsychologie de 1921. Freud récuse la dénomination quelque peu métaphysique de Le Bon qui parle dans sa recherche « d’âme des foules » (1895). Il ne se résigne pas non plus à une approche seulement descriptive des groupes humains, mais au contraire il cherche à unifier les remarquables observations de Le Bon dans une théorisation cohérente basée sur l’hypothèse de l’inconscient. Ce que constate Le Bon, c’est qu’en groupe, les individus ont des comportements différents et spécifiques, ce qui suppose l’existence d’une mentalisation commune. Les Anglo-Saxons parlent d’un group-mind, un esprit, une mentalité de groupe. Le problème précis que pose Freud est celui de la genèse de cette néoréalité groupale. La question devient dès lors celle de savoir si le sujet agit cette mise en dépôt de soi dans le corps du groupe ou s’il est agi par le groupe dans ce déplacement psychique. On le voit, cette interrogation cruciale qui, je crois, est celle même de la démarche de Freud, est essentielle dans la compréhension de la position sectaire.

13Freud cherche à dépasser la simple reconnaissance phénoménologique de la mentalité de groupe pour dégager une pensée constructive des processus psychiques qui conduisent à une telle mise en dépôt de l’individuel dans le collectif. Pour ce faire, il propose l’analyse de deux groupes constitués, l’église catholique et l’armée.

14De prime abord, ce choix a de quoi surprendre. En effet, l’armée, comme l’église sont deux corps sociaux complexes et ayant une longue histoire. Pour saisir le saut qualitatif de l’individuel au groupal, n’eût-il pas été préférable de s’appuyer sur l’analyse de « foules » simples et spontanées plutôt que de foules instituées ?

15En fait, le choix de Freud est fondé sur une logique paradigmatique : c’est le plus évolué qui permet de mettre en évidence les éléments mêlés et confondus présents dans l’archaïque. Dans le groupe institué, chaque élément a subi un processus de différenciation qui l’a clairement distingué des autres éléments. De plus, l’approche des groupes complexes donne un effet de loupe : chaque partie est grossie et amplifiée, ce qui fait qu’elle peut mieux être séparée et saisie à part des autres.

16Ajoutons que ce qui est intéressant pour le sujet qui nous préoccupe ici c’est qu’il s’agit des groupes les plus coercitifs qui soient dans une société. Le corps religieux et le corps militaire sont ceux qui exercent le plus de contrainte sur leurs membres. De ce fait même, ils sont ceux qui ont été le plus décriés par les défenseurs de la liberté individuelle, d’autant plus lorsqu’ils sont unis sous la forme de l’alliance du sabre et du goupillon. L’église trouve sa cohérence dans l’instauration d’un lien idéologique qui s’exerce sur les esprits, alors que l’armée trouve sa force, au contraire, dans la création d’un « esprit de corps » fondé sur la neutralisation de l’expression des idées. L’armée unifie les corps, l’église unifie les âmes. Deux types d’action, deux cohérences, deux processualisations qui trouvent leur complémentarité dans ce que j’appelle la position sectaire. Il va s’agir d’examiner les deux fonctionnements psychiques spécifiques à l’œuvre, tels que les a spécifiés Freud : l’identification et le lien libidinal.

La sujétion

17Bossuet affirme que « le plus grand dérèglement de l’esprit est de croire les choses parce qu’on veut qu’elles soient ». Je crois, donc cela est. La question est de savoir comment ce processus d’assimilation de la croyance et de la réalité se met en place. Y a-t-il des facteurs qui favorisent ce dérapage ou ce dysfonctionnement ?

18En suivant Freud dans ses développements, on se rend compte que le groupe, par les phénomènes psychiques qu’il génère, est le plus important vecteur de cette dérive. L’un des premiers éléments pointés dans la constitution du group-mind est la sujétion.

19D’après le Robert, le terme apparaît au xiie siècle et provient du latin subjectio. Il signifie la soumission : soumission à une autorité mais aussi soumission à la nécessité. Soit le sujet est sous la dépendance de quelqu’un d’autre, soit il est sous la contrainte d’une réalité externe ou interne. D’où l’idée d’assujettissement, c’est-à-dire la mise de soi sous contrôle, sous influence.

20Freud insiste, à la suite de Le Bon, sur le rôle du groupe dans la mise en sujétion de soi. Tout se passe comme si l’individu en groupe perdait sa libre capacité d’agir au profit du groupe et de son autorité directrice. En groupe, le sujet est comme sous hypnose. La foule est suggestible et, en son sein, s’opère une contagion mentale. Les deux phénomènes sont concomitants et complémentaires. La contagion est latérale, elle agit sur les membres du groupe entre eux, alors que la suggestion est verticale, elle concerne le lien de chacun avec l’autorité.

21On voit que Freud, d’emblée, réalise une vérification des constatations de Le Bon, en avançant l’idée que le groupe a une action de sujétion par suggestion.

22On peut parler de position sectaire lorsque le groupe se replie sur lui-même et intensifie au maximum l’action de sujétion de ses membres. Chacun agit dès lors au nom des intérêts défensifs du groupe, en suspendant ses propres capacités de jugement et même de perception. Je crois que la chose est vraie parce qu’elle est bonne pour le groupe et je défends toute action du groupe, même si, indépendamment des circonstances présentes, je trouve cette action injuste, immorale ou même contraire à la loi commune. La dérive sectaire du groupe peut aller jusqu’à ce type d’aveuglement où le sujet a perdu son propre contrôle, sa propre manière d’apprécier les choses en son for intérieur. Ce forum intérieur, si l’on reprend l’étymologie, s’est déplacé sur le forum du groupe qui juge et apprécie à ma place. Je crois donc la chose, parce qu’elle est bonne pour mon groupe d’appartenance et que je veux absolument que mon groupe soit, c’est-à-dire ici subsiste et continue à être. La position sectaire ne saurait se comprendre que comme une position de survie. C’est le retour à la violence fondamentale dont parle J. Bergeret (1984). Sentant la vie de son groupe menacée, le sujet peut justifier et tolérer toute action de destruction morale ou physique de l’autre. Cette position d’aveuglement volontaire et irréductible est appelée par P. Aulagnier (1975) l’aliénation. Elle désigne toute situation au sein de laquelle l’individu devient étranger à lui-même et se dérobe à sa propre instance surmoïque. Dans les sectes, j’ai repéré et décrit un phénomène de même nature que j’ai nommé la relation d’emprise totale (Chouvier, 1999). L’influence du groupe est telle que s’opère un processus interne groupal de désubjectivation des membres qui ne pensent et n’agissent plus que par et pour le groupe. Sortis de ce type d’influence d’ordre hypnotique, les individus ont beaucoup de mal à réaliser ce qui s’est produit pour eux. Ils n’y parviennent pas, car au moment des faits, ils prenaient les croyances groupales pour la réalité. Réaliser signifie donc ici amorcer un processus de déréalisation de la croyance commune.

23On saisit ainsi la nature du processus d’entrée dans la position sectaire, il s’agit d’une déréalisation progressive qui s’opère et qui dure tant que durent la relation d’emprise et la puissance exercées par le groupe.

Le moteur affectif et la puissance pulsionnelle

24L’induction affective primaire est un concept introduit en 1920 par W. Mac Dougall et qui mérite qu’on s’y arrête quelque peu. Freud considère qu’il n’y a là rien de nouveau. Ce type d’induction ne fait que reprendre l’idée d’imitation avancée par G. Tarde en 1890 et celle de contagion de Le Bon. Tout juste Freud concède-t-il que Mac Dougall a le mérite de mettre l’accent sur le caractère affectif du phénomène. Et c’est justement là l’intérêt de la formulation. Si on y ajoute le dernier aspect, c’est-à-dire le caractère primaire, on a la pertinence d’une conceptualisation qui saisit toutes les dimensions d’un processus. Dans une foule, les sujets sont induits affectivement, ce qui signifie que c’est le côté émotionnel qui prend le pas sur les données rationnelles, mieux, qui les détermine. Et ceci s’opère au niveau primaire, indépendamment et antérieurement à la prise de conscience des effets induits.

25Ainsi se trouvent définis les trois ingrédients qui conduisent insensiblement les membres du groupe à se positionner à un niveau sectaire. Ils sont amenés, comme malgré eux, à soumettre totalement leur réflexion et leur jugement à leur lien affectif au groupe. Pour peu que le groupe soit menacé, se met en place le mécanisme psychique de la préférence groupale à l’intérêt individuel, à la rationalité et à la morale. Cette menace peut être de nature purement fantasmatique, puisque le moteur affectif est de caractère primaire. Ce qui caractérise la position sectaire est l’aspect maximal en intensité et total en extension de l’induction groupale. L’induction affective primaire réfère automatiquement à la régression fondatrice du groupe et on est sans cesse ramené à la dimension initiale de ce mécanisme, chaque fois que l’on cherche à comprendre les phénomènes groupaux, même les plus secondarisés.

26L’induction joue en premier lieu sur la raison, qui est comme anesthésiée par la puissance des affects mobilisés. Les processus cognitifs sont mis au service exclusif de l’attache libidinale au groupe. C’est cette exclusivité essentiellement qui crée la dimension sectaire. Aussi certains sujets sont-ils portés à ce type d’induction en fonction de leurs prédispositions et de leur histoire personnelle. Dans le groupe sectaire proprement dit, une telle tendance est éminemment favorisée et manipulée.

27Le sentiment moral et l’attachement aux valeurs qui fonde une éthique sont également bouleversés de manière significative. Pour la défense du groupe, il n’est plus besoin de se poser de questions autres que celle-ci : qu’est-ce qui est bien pour le groupe ? Ce bien pour le groupe peut impliquer naturellement n’importe quelle action contraire à la loi commune. La brèche de la transgression étant ainsi ouverte, on voit comment certains groupes sectaires se sentent autorisés à tout débordement, puisqu’ils sont assurés que l’emprise inductive exercée sur l’individu abolit les tentatives de résistance. Le surmoi utilitariste groupal annihile le jugement moral individuel et, de cette manière, peut être détourné et canalisé au profit de certains, dans les dérives sectaires de type pervers.

28Le sujet abandonne ses prérogatives personnelles pour soutenir le groupe qu’il a élu. Ses investissements narcissiques propres sont déplacés sur le narcissisme groupal. L’attachement affectif au groupe devient plus puissant que l’autoconservation. On sait combien la libido d’objet est en mesure de soumettre, quand elle est intense, les pulsions d’autoconservation. Dans le cas qui nous intéresse, on constate que l’amour du groupe supplante l’amour de soi. Le processus de déplacement est commandé par la nature et l’intensité de l’induction. La position sectaire représente la complétude de ce déplacement. Dans la manipulation spécifique exercée par les groupes terroristes, l’individu est conduit au sacrifice physique de soi par une magnification de l’idéalité groupale. Le kamikaze est la figure extrême des investissements narcissiques détournés. Le fantasme de fin du monde est agi par et dans l’autodestruction (Chouvier, 2004).

29À travers tous les cas de figure envisagés, on note la place centrale de l’induction affective primaire. Selon Bernheim, il s’agit de mobiliser la suggestibilité propre à chaque individu pour subvertir l’autonomie subjective. Cependant, force est de remarquer avec Freud que cette disposition commune ne suffit pas. Il existe un caractère spécifique, seul capable de rendre compte de la puissance des effets de l’induction affective groupale.

La collusion des liens objectaux et narcissiques

30Freud place la libido au cœur du lien groupal. Il en fait un argument a fortiori : la psyché groupale a pour ciment essentiel et original la motion pulsionnelle libidinale. À partir de là se pose la question du type de relation amoureuse qui est à l’origine de la constitution d’une foule. Une foule se caractérisera en fonction de ce type de relation. Et, suivant un tel principe, une règle peut être édictée : plus la régression est profonde, plus grande est la force du lien groupal. La forme la plus archaïque du lien repose sur la convergence totale des investissements d’objet et des investissements narcissiques. C’est cette collusion de nature régressive qui rend intangible et irréductible à une argumentation logique l’adhésion au groupe.

31En s’appuyant sur l’exemple de deux foules coercitives, l’église et l’armée, Freud met en évidence la liaison inévitable, inéluctable, entre attachement intense à un groupe et intolérance. L’adepte n’est pas en mesure d’entendre raison. Il a un besoin vital du support groupal, alors que la logique ne lui est d’aucun secours véritable.

32L’attachement à la foule-mère se confond avec l’attachement à la croyance-mère. C’est le second niveau de collusion des investissements du sujet sur le groupe. L’église et ses dogmes deviennent indissociables. En adoptant le groupe, on adopte l’ensemble des croyances du groupe, d’autant plus que le groupe en fait une règle pérenne. La position sectaire apparaît lorsque le sujet est exclu de la communauté, s’il ne partage pas la doctrine proclamée dans sa totalité. La position idéologique implique l’égalisation des membres du groupe (Kaës, 1976) ; la position sectaire va plus loin en assujettissant chacun à la croyance au groupe et à tous ses contenus de pensée. La position sectaire rejette toute discussion interne et toute polysémie des textes. Une seule lecture des textes fondateurs est possible. La différence et l’ambiguïté sont sources d’angoisse et de trouble. Seuls la pensée unique et le sens univoque sont admis. L’unité est instaurée comme la valeur centrale. Mais c’est une unité de nature collusive à l’intérieur de laquelle se mêlent différents niveaux d’investissement subjectif. La conviction du sujet est indexée sur son allégeance groupale et il n’a de cesse que de valider les propositions théoriques et les thèses du groupe d’appartenance. La recherche heuristique est pervertie au profit de la recherche confirmative des thèses fondatrices du groupe. La liberté de pensée est pervertie au profit d’un asservissement volontaire au dogme. Une telle dérive dans le positionnement du sujet à l’intérieur du groupe est inhérente à la groupalité même. Freud met en évidence la nature foncièrement régressive de toute position groupale. Autrement dit, la position sectaire est en germe dans la sujétion qui constitue le socle originaire de l’attachement groupal.

33Le lien est ce qui unit, mais représente également ce qui ligote. Être attaché, c’est être assuré d’un investissement fiable et stable, mais c’est aussi être entravé et prisonnier. Cette double polarité est inscrite dans la nature même de toute forme de lien.

34Cependant, il importe de noter ici que la contrainte aliénante n’est qu’une potentialité du lien et la position sectaire qu’une éventualité liée aux conditions de la survie groupale. Il s’agirait de déterminer avec précision les manières d’opérer son évitement et d’empêcher le durcissement groupal.

La place de l’épreuve de réalité

35Dans la Massenpsychologie, Freud fait de l’épreuve de réalité une fonction de l’Idéal du Moi. En 1923, il reviendra sur cette assignation et, dans « Le moi et le ça », il attribue cette fonction au Moi. L’enjeu est d’importance, on le remarque ici, car il y va de l’autonomie subjective à l’intérieur du groupe de coercition. Si l’objet prend la place de l’Idéal du Moi dans le processus de sujétion groupale, le sens de la réalité propre au sujet est mis aussi sous dépendance de l’objet. Non seulement son sens moral, mais aussi son sens de la réalité. Sa vision du monde coïncide dès lors pleinement avec celle du groupe.

36Lorsque tout jugement de réalité est fonction du groupe, la position sectaire est parachevée. L’exemple le plus frappant en est fourni par le terrible face-à-face de Winston et d’O’Brien, à la fin de l’ouvrage 1984 de George Orwell. Le bourreau O’Brien cherche à convaincre les dissidents et le marginal Winston du bien-fondé de l’idéologie totalitaire dont il est l’instigateur. Winston est sommé d’adhérer aux idées du Parti, mais cela est loin de satisfaire l’idéologue tortionnaire O’Brien. Les étapes de la « conversion » de Winston se suivent et s’enchaînent avec la logique implacable du monolithisme sectaire. La conviction de l’adepte forcé doit aussi porter sur la réalité telle que perçue par le Parti et telle que vue par l’œil de Big Brother. Puis c’est le sens logique lui-même qui est asservi : Winston est contraint de souscrire à l’injonction que deux et deux font cinq. Au départ, il résiste et sa pensée se révulse à la seule énonciation de cette folle relation arithmétique. Mais peu à peu, l’épuisement physique, la force de la douleur ont raison de sa belle assurance. Et la régression s’installe qui génère l’attachement au bourreau et aux idées promulguées par lui. L’étape ultime consiste à passer de la croyance en Big Brother à l’amour de Big Brother. Toutes les étapes du fusionnement régressif sont franchies, qui unifient l’individu au groupe et à son idéal via le leader du groupe.

37L’évolution psychique de Winston a valeur paradigmatique pour comprendre l’établissement et l’enracinement de la position sectaire. Perte du sens moral, perte du sens logique et perte du sens de la réalité s’opèrent massivement et scellent l’assujettissement groupal. L’épreuve de réalité passe totalement du côté de l’idéal du groupe. On peut dire, en reprenant la conceptualisation de D. Lagache (1958) et D. Anzieu (1975), que l’instance archaïque que constitue le Moi Idéal prend le pas sur l’Idéal du Moi et devient, dans ce cas-là, l’instance fédératrice de l’ensemble du Moi qui, en tant que tel, a perdu toute prérogative propre. La résurgence du Moi Idéal est liée consubstantiellement à la position sectaire. L’objet est mis à la place du Moi Idéal et, dans ces conditions, la relation d’emprise devient totale. On peut aussi avancer cette formulation : « Dans la position sectaire, c’est le groupe qui pense, décide et agit à travers moi. » Ce n’est plus seulement l’état amoureux qui est à même de rendre compte du lien de l’individu au groupe ; il convient ici de parler d’état passionnel puisque le sujet n’est plus agent du lien, mais complètement passif et ligoté par ce lien.

La complexité du lien au leader

38Plus le groupe est organisé de façon coercitive, plus le lien au chef prend d’importance. Pour se structurer et prendre forme, le groupe, nous dit Freud, a besoin d’une tête pensante. Il étaye la démonstration sur le roman de Guy Thorme When it was dark. Si le Christ n’est plus présent, le chaos envahit la terre. Sans sa lumière, l’obscurité se fait sur le monde et le crime devient la loi commune. Freud utilise ainsi l’argument a fortiori. La place du meneur est décisive puisque son absence génère la décomposition de l’ensemble groupal.

39Freud trace plusieurs portraits de meneur, sans pour autant les approfondir. Mais dans tous les cas retenus, le chef est la tête du groupe. Il condense en lui l’ensemble des pouvoirs du groupe. Privée de son chef, l’armée se débande. D’autre part, la structure pyramidale de l’Église repose sur la figure du Christ.

40Centrons-nous d’abord sur la relation verticale qui unit le meneur à chaque membre du groupe. Il s’agit d’un lien libidinal fort qui est comparable à la puissance de la relation hypnotique. La sujétion déployée ici est de même intensité que celle rencontrée dans l’état amoureux. La soumission est telle qu’elle peut aller jusqu’au sacrifice de soi.

41On peut dire que le groupe représente le chef aussi bien que le chef représente le groupe. Pourtant il faudrait pouvoir apporter une distinction qui se joue dans la complémentarité. Le chef incarne la fonction paternelle alors que le groupe représente l’élément maternel. Au niveau des liens groupaux se dégage une véritable scène primitive de la croyance qui se symbolise dans l’union du meneur et de son groupe. Dans la position sectaire, cette union est vectorisée par la régression au Moi Idéal. L’idéalisation est poussée à son extrême et le chef est en mesure d’incarner à lui seul les figures paternelle et maternelle. Sa parole est seule porteuse du sens et de tout le sens.

42À ce point de l’analyse, il convient d’opérer quelques précisions. La figure du commandant en chef n’est pas identifiable à la figure du Christ. Le chef de l’armée est l’équivalent du chef de l’Église actuelle. Le pape n’est pas Jésus. Au-dessus du chef actuel, il faut positionner ce qui est le propre des groupes de croyance de nature religieuse, une figure ayant subi la déification.

43Cette question est manifeste dans certaines sectes actuelles dans lesquelles le leader incarne la figure divine. Il cumule à la fois la fonction de représentance du groupe et la fonction de transcendance.

44Il faut ajouter d’autre part le jeu des délégations de pouvoir à l’intérieur du groupe. La figure de l’initiateur a, de la sorte, une importance capitale dans la mise en jeu de l’investissement groupal (Chouvier, 1996). Il a une fonction messagère des enjeux de croyance : il est celui qu’on côtoie, avec qui on a une relation directe, et il est à la fois l’instigateur du processus d’initiation, c’est-à-dire celui qui incarne et représente symboliquement les valeurs du groupe et l’autorité du chef suprême. En tant qu’intermédiaire, il est celui qui assure la circulation fantasmatique du groupe, dans la mesure où il est la courroie de transmission des positions actuelles du chef et de l’Idéal du groupe. C’est l’initiateur qui est toujours mobilisé lorsqu’il y a affaiblissement ou rupture du lien groupal de croyance pour l’un des membres. On dira donc qu’existe dans le groupe une démultiplication de la relation libidinale au leader.

45Si l’on prend l’exemple de l’armée napoléonienne, on repère avec évidence ce type de lien. D’un côté, Bonaparte exerçait un véritable pouvoir hypnotique sur ses grands généraux qui, à leur tour, exerçaient le même pouvoir sur leur corps d’armée respectif. Et de l’autre, lors des inspections et des parades quotidiennes en temps de guerre, Bonaparte s’ingéniait à voir et à être vu par chacun de ses soldats, personnellement. C’est ce triple lien qui assurait l’exceptionnelle unité de la Grande Armée.

Du sacré au Père Originaire

46Examinons à présent une nouvelle dimension de la figure du meneur, sa participation au sacré. Le sacré est le propre du religieux dans la mesure où il focalise deux caractéristiques émotionnelles essentielles, le fascinant et le terrifiant (Otto, 1929). Ces aspects sont présents, a minima, dans la relation hypnotique, nous dit Freud, et ils constituent de même le vecteur originaire du lien groupal, par le biais de la sacralisation du chef. Le chef est le porteur de la mana, cette force obscure présente dans l’emblème totémique (Freud, 1912-1913). On ne peut pas saisir la force affective et pulsionnelle du lien de chacun à la figure symbolique du chef sans évoquer la présence basique du sacré. C’est aussi à cause de cette sacralisation que la relation au chef demande à être médiatisée. La trop forte proximité du chef sacralisé a des effets destructeurs. Il y a quelque chose de paradoxal dans ce lien porteur de vie et de mort. La bonne distance est à trouver à l’intérieur du groupe, grâce notamment aux alliances latérales entre pairs. Entre initiés, on peut évoquer la figure du chef et la magnifier.

47L’idéalisation demande à être entretenue régulièrement par des manifestations de nature festive. Le chef est idolisé dans l’élan maniaque. Freud prend déjà l’exemple des groupes de fans. Dans la position sectaire, c’est ce même mouvement qui génère l’entrain fanatique. Le fusionnement temporaire avec l’objet entretient la flamme sacrée de l’idéal. Le propre du fanatisme est que la flamme du sacré et la vénération pour le chef trouvent une réalisation concrète au sein d’un acte. Le fanatique actualise la parole idéalisée du meneur et l’agentise dans les faits. Et l’acte fanatique est toujours un acte destructeur, il doit mettre en évidence la puissance de l’idéal en annihilant ce qui n’est pas lui, l’autre, l’étranger. L’acte terroriste est, en dernière instance, le retournement et la projection sur l’autre, l’ennemi, de la terreur sacrée inspirée par le leader du groupe. Cette mécanique paranoïaque est la résultante agie la plus extrême de ce qu’est la position sectaire mise en œuvre à l’intérieur d’un groupe social historiquement déterminé.

48La plupart du temps, la position sectaire se contente de mettre en œuvre la parole du chef dans une phase actante purement verbale : l’autre est détruit, liquidé en parole. L’action polémique vient en lieu et place de la guerre proprement dite.

49Le chef dans le groupe coercitif joue le rôle du Père de la horde primitive. Cette figure archaïque que Freud installe à la tête du premier groupe humain est une hypothèse inspirée de Darwin. Si elle a pu, aux débuts, passer pour une supposition ayant un crédit anthropologique, elle n’est plus ici dans la pensée freudienne qu’une « just so story », c’est-à-dire une histoire comme ça, un mythe fondateur à portée symbolique. Le Père Originaire représente la valeur sacrée de la figure du chef. Il condense sous une forme iconographique unifiée toutes les forces affectives et émotionnelles des psychés individuelles du groupe. Il est le dépositaire de tout l’amour du groupe et il peut devenir, selon les circonstances, le dépositaire de toute sa haine. Qu’il soit vénéré ou exécré, le chef comme Père Originaire est au cœur des investissements groupaux.

50Il faut préciser, à la suite de Freud, l’existence d’une autre dimension, qui vient donner encore plus de poids au représentant suprême de l’autorité dans le groupe. Le chef est investi d’une pulsion libidinale inhibée quant au but : cette première sublimation rend l’amour donné au chef plus durable. C’est l’amour paulinien qui est mobilisé.

51Paul, dans les textes fondateurs de l’Église, définit pour Jésus un amour au-dessus des contingences matérielles, un amour capable d’unir pour l’éternité la petite étincelle de notre âme au feu ardent et infini de la divinité. Il y a un détournement quant au but de la pulsion, processus qui conserve le quantum d’énergie psychique adressé à l’objet, mais lui évite sa finalité matérielle pour lui trouver un aboutissement immatériel, c’est-à-dire de nature purement psychique.

52Le Père Originaire de la horde perd ses allures brutales et primitives pour revêtir les traits d’une figure aimante et spiritualisée. Le Dieu jaloux et vengeur devient le Dieu de grâce et de bonté. La forme déifiée du meneur n’est plus vénérée parce que sa force est crainte, mais adorée parce qu’elle représente l’amour ayant subi une opération cathartique.

53Freud s’appuie également sur l’analyse du pasteur Pfister (1910) à propos d’une figure paradigmatique de l’histoire religieuse : le comte de Zinzendorf.

54Ce personnage du xviiie siècle était le protagoniste le plus célèbre d’une petite secte chrétienne intitulée l’Église de l’Unité. L’un des traits essentiels de sa doctrine concerne l’existence d’une seconde enveloppe. L’enveloppe du corps charnel se double de l’enveloppe immatérielle du corps céleste. La sublimation est ici à l’œuvre, qui rend compte du double investissement du corps du Christ par l’homme épris de piété, autrement dit par le membre de l’Église concernée. Jésus, le chef suprême, est aimé à la fois charnellement et spirituellement. Cela permet de donner à voir la puissance du lien de croyance lorsqu’il est fédéré dans le groupe, quand ce dernier est galvanisé par la présence d’une figure sacralisée.

55Zinzendorf peut devenir, comme porteur de la nouvelle doctrine, le médiateur privilégié du Christ et fédérer sur lui les investissements libidinaux des nouveaux frères. Cette logique conduit, dans ses ultimes excès, à mettre en œuvre la persécution, qu’elle soit subie ou qu’elle soit agie. Le pasteur Pfister, appliquant la théorie de la libido à la piété de Zinzendorf, évalue à la hausse la quantité d’excitation sexuelle, source nécessaire à un tel déploiement d’énergie spirituelle. Les investissements dans l’idéal groupal ont un coût pulsionnel certain. Il ne faudrait pas oublier, Freud le rappelle, la pulsionnalité mortifère qui se donne libre cours à ce niveau, avec les attaques destructrices ciblées sur la part clivée de l’objet. Au-delà du principe de plaisir a été publié l’année précédant la Massenpsychologie.

La double enveloppe de croyance

56La conception de la double enveloppe corporelle du piétiste Zinzendorf n’est pas sans faire penser à la théorie de la double enveloppe de croyance de D. Anzieu (1974). Les failles narcissiques qui fragilisent l’enveloppe première, celle de l’autocroyance, trouvent un contenant de vicariance dans la seconde enveloppe, celle qui assure une protection totale et parfaite, mais qui est en même temps une clôture, une fermeture de soi, l’enveloppe de croyance absolue, l’enveloppe idéalisée. Le Moi Idéal ainsi mis en œuvre – et on en voit tout particulièrement les effets dans les sectes – sécurise l’individu par la coque idéologique qu’il lui confectionne, mais le coupe également totalement de la réalité, puisque aussi bien perception que jugement et raison sont soumis à la seule vision du monde insufflée par le chef suprême du groupe. L’idéalisation originaire place le sujet inféodé au groupe hors de la temporalité et des processus de mise en mémoire qu’elle suppose (Roussillon, 2006). Pas d’historicisation possible, quand le sujet est soumis à l’éternel présent du groupe. Le groupe actualise en permanence ses idées et sa doctrine, en fonction de ses intérêts du moment, et il exerce un effacement de ses erreurs et positions erronées. L’épreuve d’oubli, qui est le pendant mémoriel de l’épreuve de réalité, est déléguée à l’objet tenant lieu de Moi. La subjectivité groupale sectaire ne connaît que le temps présent universel de l’Idéal Groupal. Chaque membre a le droit (et le devoir) de s’ériger en porte-parole du leader, ce qui lui permet de troquer sa faiblesse narcissique propre contre la toute-puissance d’énonciation conférée par l’idolisation du chef. Le « je » intimidé par l’assomption de soi laisse place au « nous » glorieux et suffisant de la position sectaire groupale.

57Pour conclure, je dirai que la position sectaire reflète le mouvement régrédient de fermeture qui caractérise les groupes coercitifs. En d’autres circonstances, on constate l’existence d’un mouvement progrédient d’ouverture avec apparition d’une position libertaire. Et ainsi s’opère un balancement oscillatoire entre les deux positions, selon les capacités de tolérance groupale de l’émergence subjective. Le risque pour le groupe est que l’autonomisation de ses membres va de pair avec le relâchement des liens d’emprise. La libre pensée bouscule certes les dogmes, mais met en péril l’unité du groupe. La perte de la puissance de l’autorité centrale renforce les Moi individuels mais affaiblit le rayonnement du groupe.

58Si la position sectaire détermine un assujettissement radical du Moi au groupe, par le biais d’une confiscation des instances idéales au profit de l’objet, on est en droit de se demander quels sont les bénéfices psychiques qu’en attend l’individu, puisqu’on a affaire à une mise en servitude volontaire. La question du consentement à la sujétion demeure une question ouverte qui dépasse la seule situation groupale.

59L’appétence subjective à la dépendance reste en grande partie inconsciente, même si le Moi développe des stratégies conscientes pour en favoriser indirectement l’activation. Lorsque Freud déclare que l’hypnose n’est rien d’autre qu’une foule à deux, il semble reconnaître implicitement l’origine essentiellement groupale de la mise en acte de la suggestibilité, même si dans le groupe c’est la relation à l’instance verticale de l’autorité dans la personne du meneur qui est le vecteur de prédilection du lien à deux, mais cette fois entièrement médiatisée par l’effet de massification régressive du groupe.

Notes

  • [1]
    Il faut entendre la régression non seulement au sens temporel, mais aussi au sens formel et topique, comme l’a définie Freud dans le chapitre VII de la Traumdeutung (1900). Pour caractériser sa dimension dynamique, je renvoie à l’article « régression » du Dictionnaire de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent dirigé par Didier Houzel (2000).
  • [2]
    Une première étymologie relie le mot secte au verbe latin sequor, suivre. Ainsi selon Aimé Bescherelle (1887), la secte désigne le groupe de ceux qui suivent une opinion hérétique ou erronée et il donne l’exemple de la secte des Trembleurs. (Il s’agit du groupe des Quakers ou Société des Amis fondée par George Fox vers 1640.) Mais il ajoute un sens plus modéré. La secte est le groupe de « ceux qui suivent une opinion singulière et qui se distinguent des autres ». Sectaire, pour le même auteur, signifie « fanatique » ou plus communément « celui qui suit, celui qui est partisan ». L’autre étymologie, plus récente, rattache secta à secare, couper.
Français

Résumé

La position sectaire est la phase ultime du groupe qui se replie sur lui-même. Comme dans la secte, les membres du groupe s’attachent à une condition unitaire défensive. Dans la Massenpsychologie, Freud a mis en évidence les bases de l’emprise groupale, à partir du lien archaïque au chef. Identification et relation d’objet se conjuguent, se condensent sous l’effet de l’induction affective primaire. La doctrine du groupe d’appartenance est l’objet d’une idéalisation que la régression au Moi Idéal rend totale. La sujétion au groupe est telle qu’elle implique en même temps l’abandon du jugement moral et l’abandon du jugement de réalité au profit de la croyance groupale. Le for intérieur de chacun est métamorphosé en forum groupal internalisé.

Mots-clés

  • sujétion
  • induction affective primaire
  • moi idéal
  • secte
  • emprise
Español

Resumen

La posicion sectaria representa la fase ultima del grupo que se pliega sobre si mismo. Como sucede en las sectas, los miembros del grupo se apegan a una conviccion unitaria defensiva. En Psicologia de las masas, Freud pone en evidencia las bases de la dominacion grupal, a partir del vinculo primitivo que establecen los miembros con el jefe del grupo. Identificacion y relacion de objeto se conjugan, condensandose bajo el efecto de la induccion afectiva primaria. La doctrina del grupo de pertenencia es objeto de una idealizacion que se vuelve masiva a causa de la regresion al Yo Ideal. La sumision al grupo es tal que esta implica el abandono del juicio moral y el abandono, paralelamente, del juicio de realidad, incrementandose asi la creencia. El foro interno de cada persona se ve transformado en fore grupal interiorizado.

Palabras claves

  • sumision
  • induccion afectiva primaria
  • yo ideal
  • secta
  • dominacion

Bibliographie

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Bernard Chouvier
Bernard Chouvier, psychanalyste, professeur de psychopathologie, université Lumière-Lyon 2.
Yves Morhain
Yves Morhain, psychanalyste, professeur de psychopathologie clinique, université Lumière-Lyon 2
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
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Mis en ligne sur Cairn.info le 24/01/2008
https://doi.org/10.3917/rppg.049.0025
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