CAIRN.INFO : Matières à réflexion
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1 en Espagne, l’ampleur de la crise que connaissent les économies occidentales depuis la fin de l’année 2008 a été particulièrement forte : le taux de chômage a explosé et tous les secteurs d’activité ont été touchés par la récession [1]. En mai 2010, l’aggravation de la dette publique a été telle que le gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero a dû adopter, sous la pression de l’Union européenne, un premier plan d’austérité. Ces mesures d’ajustement ont concerné toute une série de prestations sociales, dont le niveau des retraites et des allocations chômage, ainsi que les salaires des fonctionnaires. C’est dans ce contexte d’acceptation par le gouvernement socialiste des exigences des organismes financiers internationaux que se sont déroulées les premières manifestations contre la crise, avec en particulier le « mouvement des Indignés ». Cette expression désigne la mobilisation qui a débuté par la convocation, via les réseaux sociaux, de manifestations dans une cinquantaine de villes du pays le 15 mai 2011, et qui s’est poursuivie par l’occupation de places publiques dont la Puerta del Sol à Madrid pendant quatre semaines. Le caractère inédit de ce mouvement, son succès en termes de participation et son écho international ont donné l’impression d’une révolte spontanée de la « rue », et ce d’autant plus qu’au sein des multiples assemblées qui se sont tenues sur la Puerta del Sol une tonalité critique a rapidement émergé pour réclamer une « démocratie véritable, maintenant » et dénoncer « ceux qui ne nous représentent pas ». « Les politiques nous mentent, les syndicats nous vendent, les médias nous trompent » affirmait une des pancartes sur le campement de la Puerta del Sol. Ainsi, aux côtés des institutions perçues comme « faisant partie de la structure du pouvoir » [2], les syndicats ont été, dès le début, non seulement tenus en marge d’une mobilisation construite en dehors d’eux, mais aussi et surtout pris pour cibles pour leur responsabilité supposée dans la crise de la représentation.

2 Cette tonalité antisyndicale n’a guère été questionnée dans les premières publications consacrées au mouvement des Indignés (ou « mouvement du 15M ») tant celui-ci a été interprété, en Espagne, comme l’expression d’un nouveau cycle de contestations, reposant sur des formes de participation horizontales et réticulaires (circulation des informations par les réseaux sociaux), sur la pratique ouverte des assemblées et sur le refus de toute identification organisationnelle. Animé principalement par une fraction de la jeunesse très orientée vers des formes d’activisme liées aux nouvelles technologies de la communication, le mouvement devrait être inscrit dans la lignée des « nouveaux mouvements sociaux » et sa généalogie comprise à l’aune du mouvement altermondialiste, de la tradition de désobéissance civile et de non-violence, voire de la contre-culture urbaine, mais certainement pas en lien avec le mouvement ouvrier [3]. La coupure avec le monde du travail, et plus précisément avec les syndicats, est d’autant plus admise comme une évidence que le paradigme des nouveaux mouvements sociaux forgé par Alain Touraine et Alberto Melucci continue d’exercer une certaine influence dans les travaux sociologiques espagnols sur les mobilisations collectives [4]. Issus d’une « société civile » où les clivages de classe seraient moins opérants que par le passé, les mouvements sociaux – tels que les mobilisations altermondialistes des années 2000, ou celles contre la guerre en Irak ou contre les conséquences du naufrage du Prestige en Galice – attesteraient avant tout l’existence de nouvelles pratiques de participation citoyenne et de nouvelles aspirations à des formes de démocratie directe, auxquelles les syndicats, engoncés dans des structurations trop rigides et délégataires, seraient incapables de répondre. Le mouvement du 15M incarnerait le paroxysme d’une distanciation engagée depuis longtemps, et l’assimilation par les Indignés des syndicats aux institutions dominantes serait le résultat d’une intégration définitive de ces derniers à l’appareil d’État. De fait, rares sont les travaux qui, ne prenant pas cette césure pour actée, interrogent au contraire la place du mouvement syndical dans l’altermondialistme [5] ou, dans une autre perspective, s’intéressent aux formes de mobilisation d’une jeunesse certes précarisée mais considérée comme composante à part entière du salariat [6].

3 Notre démonstration s’inscrit dans cette lignée puisque nous étudierons ici l’articulation entre les formes de contestation sociale dites « citoyennes » et l’action des syndicats dans un contexte de crise économique. En aucun cas il ne s’agit de réduire les critiques formulées à l’encontre des syndicats par le mouvement des Indignés. Au contraire, le fait que certaines assemblées de quartier aient pu mettre en place des commissions pour réfléchir à un « syndicalisme sans syndicats » [7] nous paraît intéressant en soi. En conclure que les syndicats – et les militants syndicaux – ont cessé d’apparaître comme des acteurs de la contestation et du changement social nous paraît en revanche bien trop rapide. Dans le contexte de crise que connaît l’Espagne, la séquence de mobilisation du mouvement des Indignés n’est pas isolée : elle est suivie par deux grèves générales en 2012, par d’importantes mobilisations sectorielles, notamment dans le secteur de la santé et de l’éducation, et par une série de conflits localisés contre des fermetures d’entreprises. D’un point de vue plus microsociologique, nombre de syndicalistes ont participé à titre individuel à l’occupation de la Puerta del Sol, puis aux assemblées de quartier qui ont pris le relais à partir de juin 2011. La césure entre l’univers militant du syndicalisme et celui des Indignés n’est donc pas aussi nette que d’aucuns le prétendent.

4 Nous nous proposons de réfléchir à la façon dont le syndicalisme en Espagne a été bousculé non seulement par la force du mouvement des Indignés, mais aussi par l’ampleur de la crise sociale engendrée par les mesures d’austérité gouvernementales. Cependant, nous montrerons que cette déstabilisation se traduit aussi, de manière dynamique, par une inflexion des pratiques et des stratégies syndicales. Dans une première partie centrée sur les caractéristiques du champ des relations professionnelles en Espagne, nous expliciterons les représentations dominantes d’un syndicalisme fortement associé à la gestion des réformes de l’emploi et par là même très éloigné des formes de luttes qui, au cours des années 2000, ont fait de la précarité leur thème principal. Ce décalage, ressenti par une partie des jeunes salariés fortement précarisés, a largement irrigué le discours antisyndical qui a circulé dans les assemblées du 15M. Dans une seconde partie, nous reviendrons sur les réactions des deux principales confédérations syndicales face au mouvement des Indignés, sur la façon dont elles ont cherché à ajuster non seulement leur discours mais aussi leur affichage dans l’espace public, et leur conduite des grèves. Or cette inflexion n’a pas uniquement concerné les sommets des organisations, elle est à comprendre également au regard de l’implication de militants syndicaux au niveau local, dans les assemblées de quartier issues du 15M, ainsi qu’en fonction de l’importance de certaines luttes sectorielles. Une étude de cas centrée sur la mobilisation dans le secteur de l’éducation à Madrid nous permettra de mieux saisir les formes d’influence et les connexions existantes entre la mouvance des Indignés et le monde du travail, tant du point de vue du répertoire d’action contestataire que dans la façon de penser des modes de participation plus inclusifs [8].

La dimension représentative des syndicats mise en question par l'extension de la précarité

5 Interroger la dimension représentative des deux grandes confédérations qui dominent le champ des relations professionnelles en Espagne – les Comisiones Obreras (Commissions ouvrières, CC. OO) et l’Unión general de los Trabajadores (Union générale des travailleurs, UGT) – pourrait surprendre tant ces organisations ont acquis, depuis la période de la Transition démocratique, un statut d’acteurs sociaux pleinement reconnus dans la sphère publique. De fait, la question de leur représentativité « légale » ne se pose plus puisqu’elles totalisent à elles seules les deux tiers des voix et les trois quarts des représentants lors des élections professionnelles [9]. Si le taux de syndicalisation n’atteint que 20 % environ de la population active, les CC. OO et l’UGT peuvent se prévaloir – ce qui est particulièrement rare en Europe – d’une progression continue depuis les années 1990. Par ailleurs, le taux de couverture conventionnelle des salariés du privé oscille entre 85 % et 90 % (avec toutefois de fortes différences entre les divers secteurs) [10]. Ces indicateurs ne doivent pas masquer la surreprésentation des petites entreprises de moins de 10 salariés dans lesquelles il n’existe pas d’institution représentative du personnel et l’importance des emplois précaires qui fait qu’une large partie des salariés ne peuvent pas participer aux élections professionnelles parce qu’ils ont moins d’un an d’ancienneté dans leur entreprise [11].

6 Le syndicalisme en Espagne exerce une influence qui dépasse largement sa présence sur les lieux de travail. Dans le cadre de la politique contractuelle qui est menée au niveau national et dans les branches, il est en effet reconnu comme le principal interlocuteur par les pouvoirs publics et par les organisations d’employeurs. Son inscription dans des pratiques de concertation a amplement contribué à le consolider en tant qu’institution, c’est-à-dire comme organe légitime de la représentation des travailleurs et acteur central d’une politique d’échange politique, au sens d’Alberto Pizzorno [12]. Considérant que la recherche permanente d’un pacte social constitue en quelque sorte la grammaire des relations professionnelles en Espagne, Catherine Vincent distingue deux périodes dans la pratique de la concertation tripartite au niveau national [13]. Des premières années de l’après-franquisme à la fin de la décennie 1980, l’implication des deux grandes confédérations dans une série de pactes sociaux s’est traduite par la consolidation de l’édifice démocratique dont les syndicats font partie intégrante (récupération de leur patrimoine, démantèlement du droit du travail franquiste, mise en place du système d’élections professionnelles, du statut du travailleur) et par le développement de la protection sociale. Cependant, cette reconnaissance institutionnelle a été obtenue en échange de politiques de modérations salariales dans un contexte qui était déjà celui d’une crise économique majeure. Cette période a pris fin avec la première grève générale convoquée après la Transition, celle du 14 décembre 1988, qui a marqué les débuts d’un processus de distanciation avec le PSOE (en particulier pour l’UGT) et d’une unité d’action entre les deux centrales syndicales. Le syndicalisme façonné durant cette période de « macro-concertation » reposait principalement sur une forme délégataire et verticale, les élections au niveau de l’entreprise permettant de dégager un corps de représentants permanents chargés de négocier pour l’intérêt des travailleurs au niveau des branches et au niveau national. À la fin des années 1980, les syndicats se sont engagés dans une période de confrontation ouverte avec le gouvernement socialiste, mais cette stratégie n’a pas duré. La décennie 1990 a été celle d’une « seconde transition syndicale » [14], caractérisée par une réorientation stratégique [15]. Partageant le constat qu’une opposition frontale à la flexibilisation du marché du travail n’enrayait pas celle-ci, les deux centrales se sont orientées en même temps vers une politique de resyndicalisation [16], en essayant, d’une part, d’apparaître comme des forces pro-actives capables de faire des propositions, d’autre part, de développer leurs implantations grâce à une dimension de services (par exemple la prise en charge de la formation professionnelle) [17]. À partir du milieu des années 1990, elles ont été de nouveau signataires d’une série d’accords nationaux et tripartites visant à encadrer la déréglementation du marché du travail dans l’objectif de favoriser l’accès à l’emploi des jeunes générations. Cependant, si le taux de chômage a fortement baissé durant la période de croissance nationale des années 2000, le travail temporaire est devenu la forme d’emploi dominante des jeunes salariés, dès lors réduits à l’intermittence [18] et très éloignés, en raison du type de contrats et de la taille réduite des entreprises, de l’univers syndical [19]. Une segmentation du salariat s’est ensuivie, avec une profonde différenciation non seulement dans les formes d’emploi mais aussi dans les conditions de travail et la gestion de la main-d’œuvre. Ce renforcement de la subordination au travail et cette précarisation permanente d’une fraction des travailleurs sont devenus les supports de la transformation du capitalisme espagnol, sans que les syndicats parviennent à enrayer le processus [20]. Prenant acte de l’importance accrue de la précarité, un certain nombre de travaux insistent sur ses répercussions, au sein d’une large partie de la population jeune, sur d’autres domaines de l’existence, et notamment sur les formes d’engagement : « Dans ce cadre, la précarité est perçue comme une nouvelle forme de mobilisation sociale s’exprimant par le biais de nouvelles technologies, comme une caractéristique associée à l’identité d’une génération, comme un paradigme identitaire qui détermine une forme concrète de mobilisation » [21]. Or ce sont plutôt les mobilisations altermondialistes des années 2000 qui ont donné une visibilité à ces « sujets de la précarité », et exprimé, ce faisant, un fort décalage avec des syndicats impliqués dans la gestion des politiques de l’emploi et incapables d’organiser aussi bien les chômeurs que les précaires.

7 Dès lors, s’il demeure l’un des mouvements sociaux les plus forts du pays, s’il n’a pas renoncé à articuler une dimension « négociatrice » et une dimension « mobilisatrice » avec la convocation d’une série de grèves générales [22], le syndicalisme en Espagne n’en apparaît pas moins fortement déconnecté de l’univers revendicatif des jeunes salariés [23] et incapable de reformuler un « nous » susceptible de dépasser le processus de dualisation à l’œuvre au sein du salariat [24]. Ainsi, une enquête qualitative menée auprès de jeunes militants altermondialistes montre que ceux-ci gardent bien dans leurs discours des représentations du monde du travail (avec notamment la mise en cause du pouvoir des multinationales), mais qu’ils sont en rupture avec les syndicats dont ils ne jugent pas crédibles les mots d’ordre revendicatifs (comme le retour au plein emploi) [25].

8 Cette représentation d’un mouvement syndical majoritaire impliqué dans la gestion de la crise socioéconomique et incapable d’enrayer la dégradation des relations de travail est celle qui circule dans le mouvement des Indignés où s’exprime différentes sensibilités : celle du collectif Juventud sin futuro[26], celle des militants du syndicalisme libertaire, celle de la CGT ou celle de la CNT. L’image est d’autant plus prégnante qu’en février 2011, soit trois mois avant le campement à la Puerta del Sol, les CC. OO et l’UGT ont conclu avec le gouvernement PSOE et le patronat un « pacte » de réforme des retraites portant l’âge légal de départ à 67 ans au lieu de 65 ans. Alors même que le gouvernement Zapatero avait déjà annoncé un plan de rigueur sans précédent, les deux confédérations ont accepté cette concession en échange d’une incitation pour les entreprises (via des réductions de cotisations sociales) à consolider les contrats temporaires. Or c’est justement cette pratique de l’échange politique que dénoncent les manifestants de la Puerta del Sol dans leurs critiques d’une représentation légale et institutionnelle déconnectée de la société réelle. Dans ce contexte, ce sont à la fois l’ampleur du mouvement des Indignés, la victoire électorale du Parti populaire (PP), lors des élections législatives de novembre 2011 [27], et la rupture de la concertation sociale au niveau national, via l’adoption d’une réforme du marché du travail non négociée [28], qui ont créé les conditions permettant que les confédérations modifient de façon forte leur positionnement.

Après le 15M : une inflexion du discours et du répertoire d'action des confédérations

9 Le discours parfois antisyndical des assemblées ou des textes du mouvement du 15M a sans conteste bousculé les instances incriminées et leur militants : « Pour certains, les syndicats font partie du problème et non de la solution » déplore ainsi l’un des responsables du STEM (Sindicato de trabajadores de la enseñanza de Madrid), petit syndicat minoritaire dans l’Enseignement, porteur d’une culture autogestionnaire [29]. Pour les syndicats, le fait d’être assimilés aux « institutions dominantes » par un mouvement social – qui plus est fortement médiatisé – a constitué une situation inédite, suscitant des controverses internes et obligeant les organisations à produire différents types de réponses. Une anecdote rapportée par l’un des dirigeants nationaux des CC. OO, issu de la métallurgie et membre de la Commission exécutive de l’organisation, illustre bien la difficulté à décrypter l’événement à partir des grilles d’interprétation en vigueur dans le monde syndical. Il raconte qu’il assistait au congrès de la Commission européenne des syndicats (CES) à Athènes, lorsque le mouvement des Indignés a commencé : « J’ai eu ma fille au téléphone, elle était dans les assemblées, non parce que cela avait été suscité par une organisation, mais parce qu’il fallait y être » [30]. Très vite, il a poussé la direction nationale des CC. OO à publier un communiqué de soutien au mouvement et à chercher des contacts au sein de celui-ci, via les réseaux politiques liés à Izquierda Unida, la gauche communiste. Le secrétaire général des CC. OO, Ignacio Fernández Toxo, a déclaré publiquement : « Il faut voir ces protestations avec sympathie et tenter de répondre à ce que la rue exprime, qui n’est pas autre chose que le mécontentement face à la situation actuelle » [31]. Les deux initiatives ont été des échecs relatifs : d’une part, parce que le communiqué des CC. OO est passé inaperçu, d’autre part, parce que le mouvement des Indignés n’était pas structuré par des réseaux partisans. L’anecdote est révélatrice d’une distance générationnelle au mouvement, de la difficulté à identifier les animateurs de celui-ci, mais aussi de la nécessité ressentie par les appareils syndicaux d’échapper à la critique de la coupure avec la société civile. La déclaration publique du premier dirigeant montre également la volonté de produire un cadre d’interprétation de la mobilisation qui inscrive celle-ci dans la contestation sociale de la crise, terrain sur lequel les syndicats demeurent centraux.

10 Des réponses institutionnelles ont été engagées dans les mois qui ont suivi le mouvement du 15M, dans un contexte de regain de la conflictualité sociale. De façon symbolique, l’une des décisions du congrès confédéral des CC. OO en 2013 a consisté à passer le nombre de secrétaires confédéraux de 40 à 13 et à créer un poste de « secrétaire aux mouvements sociaux ». Parallèlement, lors du congrès confédéral de l’UGT en 2013, des représentants de la « Plateforme sociale » créée avec des associations, et « non cette fois des ministres » [32], ont été invités à intervenir devant les délégués. Lancée le 24 avril 2012, cette plateforme sociale ou cumbre social pour « la défense de la protection sociale et des services publics » regroupe, outre les CC. OO et l’UGT, 150 associations qui agissent à partir d’un ancrage professionnel (médecins, infirmiers…) ou d’un intérêt spécifique (usagers, fédérations de parents d’élève...) dans le domaine de la santé et de l’éducation [33]. Les CC. OO et l’UGT, qui étaient à l’origine de cette initiative de plateforme, ont choisi d’apparaître à travers celle-ci afin de convoquer des actions contre les coupes budgétaires. Par exemple, lors de la grève générale du 14 novembre 2012, elles ont appelé à l’action sur les lieux de travail, mais c’est la plateforme sociale qui a convoqué les manifestations. Il s’agissait, par le recours à cet instrument relativement nouveau, même si les syndicats ont été parties prenantes en 2003 d’une plateforme contre la guerre en Irak, de donner des signes de changement, en privilégiant une dynamique de coalition avec des organisations de la société civile, et de mettre en avant une représentativité plus large.

11 Les deux confédérations ont également ajusté leur répertoire d’action. Alors même qu’elles étaient surtout engagées dans les arènes institutionnelles de la négociation et que le recours à la grève générale (c’est-à-dire la grève interprofessionnelle de 24 h) relevait d’un registre d’action relativement exceptionnel, elles ont diversifié leurs formes d’intervention et durci leurs options combatives. De façon unitaire, elles ont convoqué deux grèves générales, le 29 mars et le 14 novembre 2012. Entre 1975 et 2010, les deux confédérations n’en avaient organisé que cinq, et la dernière, celle du 29 septembre 2010, qui dénonçait déjà une réforme du marché du travail et notamment l’assouplissement drastique des conditions de licenciement, n’avait rencontré qu’un succès limité face au gouvernement Zapatero et face à une intense propagande médiatique contre des syndicats accusés de rompre le consensus pour affronter la crise. La grève générale du 29 mars 2012 contre la réforme du marché du travail et contre les coupes budgétaires dans le secteur public a été, elle, particulièrement suivie, avec près de 10 millions de grévistes selon les syndicats, soit 77 % de la population active, et un soutien de toute l’opposition politique et sociale au gouvernement du PP [34]. Surtout, les manifestations qui ont eu lieu ce jour-là ont été les plus massives depuis celles qui avaient dénoncé la guerre en Irak, le mouvement des Indignés appelant notamment à rejoindre les cortèges dans plusieurs grandes villes, à « prendre la grève » (tomar la huelga) [35]. Cet usage répété de la grève générale à quelques mois d’intervalle manifeste une réelle inflexion dans la stratégie des confédérations syndicales, stratégie facilitée par l’arrivée de la droite au gouvernement national et par la dynamique de mobilisation initiée par les Indignés.

12 Les deux confédérations ont également appuyé des démarches d’initiatives populaires contre les coupes budgétaires et les expulsions de logement (en soutien à la Plataforma de Afectados por la Hipoteca). En plus de l’appel à la grève sur le lieu de travail, elles ont eu recours de façon plus systématique à la manifestation, via notamment ce que l’on a appelé le phénomène des « marées », qui leur a permis d’occuper de façon visible et symbolique l’espace public, en l’occurrence la ville : « marée verte », en référence à la couleur des tee-shirts des manifestants du secteur de l’Enseignement à Madrid en juillet 2011 ; « marée blanche » pour les agents du secteur hospitalier mobilisés tout au long des années 2012-2013 ; « marche noire » pour les mineurs et les différents cortèges qui ont convergé vers la capitale en mai et juillet 2012. Les jours de manifestation, plusieurs « marées » partaient de zones différentes dans Madrid pour se retrouver en un point central, et ce mélange de couleurs et de causes, qui désenclavait les enjeux sectoriels, contribuait à démontrer l’ampleur de la « marée citoyenne ». Une telle mise en scène de la multitude résonnait en écho avec le discours porté par le mouvement des Indignés, qui visait à englober le plus grand nombre de personnes.

Des syndicalistes engagés à l'échelle locale : logiques d'agrégation et de tension

13 Ce renouvellement partiel des modalités d’action s’apprécie encore différemment à l’échelle locale. Malgré l’existence d’un discours critique sur la représentation syndicale, le mouvement des Indignés a été poreux au monde du travail. Les syndicats et leurs militants sont loin d’être absents des assemblées locales de quartiers lancées dans le sillage de l’occupation de la Puerta del Sol et qui continuent d’exister deux ans après celle-ci, à travers des assemblées générales et des commissions thématiques (sur les services publics, la santé, l’éducation…). En mai 2013, une soixantaine d’assemblées locales étaient encore actives dans l’agglomération de Madrid (ville et périphérie). S’ils ne jouent pas un rôle de premier plan dans ces réunions, les syndicalistes en assurent le plus souvent la logistique, en fournissant une salle ou en déposant, auprès des autorités, un parcours de manifestation.

14 L’exemple d’Elena, présente lors d’une assemblée, à la Puerta del Sol, de bilan des actions menées en mai 2013 par les Indignés, aide à comprendre les dynamiques de ce multi-positionnement. Personnel administratif dans une université, âgée d’une cinquantaine d’années, Elena s’est mobilisée à partir de 2011 sur son lieu de travail, en participant avec des étudiants à des occupations (dont celle des locaux de la direction de son université) afin de protester contre la hausse des tarifs d’inscription, la suppression d’une partie des bourses d’études et la fermeture de centres de recherche. Elle s’est également engagée dans l’assemblée populaire locale de Tetuán, au Nord de Madrid, qui se réunit tous les samedis dans les locaux du centre social ou dans la rue. Avec ce collectif, elle a mené des actions de soutien à la grève des agents hospitaliers, en réunissant des signatures contre la fermeture de six hôpitaux à Madrid. Elle a également participé à des encerclements de l’un des établissements scolaires de son quartier avec des collègues enseignants et des parents d’élèves pour protester contre les coupes budgétaires dans l’Enseignement. Se définissant comme une militante syndicale et féministe de longue date, elle explique qu’elle ne faisait plus rien depuis longtemps dans son quartier et que le mouvement du 15M l’a amenée à réinvestir celui-ci.

15 La décision d’ancrer la dynamique des Indignés dans des assemblées de quartier a ainsi contribué à ce que des personnes ayant déjà une expérience militante – dont des syndicalistes – trouvent là un nouvel espace d’expression et d’engagement. Le resserrement progressif de la participation lié à l’exigence de suivi dans la durée s’est traduit par un retour sur des terres en quelque sorte plus balisées, arpentées par des militants avertis. Comme l’explique une militante du STEM, professeure en collège, dans ces assemblées de quartier, « il n’y a pas d’aspiration au pouvoir. C’est un mouvement de critique, de critique citoyenne » [36] qu’il s’agit d’animer, de faire vivre dans la durée. Les délégations de salariés en lutte y sont ainsi les bienvenues, avec leurs porte-parole, syndiqués ou non. S’il n’est pas question, pour certains, d’afficher trop manifestement une appartenance syndicale dans ce type de lieu (surtout s’il s’agit des CC. OO ou de l’UGT), pour d’autres, plus habitués à se confronter à différents types de collectifs et à intervenir dans des espaces sociaux diversifiés, le problème peut être surmonté. Permanente depuis dix ans du syndicat de l’Enseignement des CC. OO de Madrid, María explique ainsi qu’elle intervient régulièrement dans des assemblées locales. « Il y a toujours des critiques sur le financement des syndicats… moi, je réponds, c’est comme pour les partis, comme pour l’Église, les ONG… A-t-on cessé pour autant de lutter pour les salariés ? » [37]. Les arguments avancés sont intéressants pour ce qu’ils disent des tensions qui apparaissent entre l’univers militant et organisationnel du syndicalisme et celui, plus hétérogène, lié à la mouvance du 15M. Pour Angel Calle Collado et José Candón Mena, cette dernière doit d’ailleurs être vue comme un espace de mobilisation plutôt que comme un mouvement en soi. En mai 2011, les rassemblements sur les places publiques étaient avant tout le fait d’une population jeune, étudiante, précaire ou au chômage, souvent issue des classes moyennes, fortement qualifiée et fortement déclassée dans l’emploi. Il y avait peu de personnes issues des classes populaires et très peu de travailleurs immigrés [38]. Ce constat mériterait d’être relativisé en fonction des transformations du mouvement du 15M, de l’investissement dans les quartiers populaires et dans les centres sociaux ou dans des mobilisations comme celle contre les expulsions de logement (à laquelle ont participé des familles latino-américaines, notamment équatoriennes). Pour autant, selon les auteurs, la composition sociale de la mouvance du 15M expliquerait en partie sa faible identification aux organisations du mouvement ouvrier, et ce malgré l’intégration de revendications liées au travail dans ses assemblées, et malgré son opposition aux coupes budgétaires dans les services publics. En cherchant à inclure le plus grand nombre, en refusant des appartenances jugées clivantes, le discours des Indignés assumerait le fait d’être sans référence de classe.

16 Cette lecture prend des allures de critiques dans l’analyse réflexive de certains syndicalistes. Leurs arguments sont multiples. Les uns, déjà avancés par les syndicalistes ayant des relations avec le mouvement altermondialiste des années 2000, concernent les implications d’une démocratie directe où chacun peut, indépendamment de toute idée de mandat dont il faudrait rendre compte, s’ériger en représentant d’un groupe donné sans avoir – contrairement aux syndicats – à prouver sa représentativité effective [39]. L’équivalence de parole donnée aux organisations représentées en dépit de leurs différences de poids est un principe de fonctionnement au sein des assemblées qui heurte les pratiques des syndicalistes [40]. L’absence de structure du 15M et le refus de toute forme organisationnelle un tant soit peu stabilisée iraient à l’encontre de ce qui leur apparaît comme un apprentissage démocratique effectif. D’autres arguments portent moins sur le fonctionnement interne du mouvement que sur son hétérogénéité. Selon d’autres encore, les Indignés se seraient focalisés sur la rue et non sur les véritables lieux du pouvoir, à commencer par l’entreprise. Cependant, il est intéressant de noter que ce type de discours s’accompagne également d’une valorisation de l’assemblée, en tant qu’élément du répertoire d’action hérité de la lutte contre le franquisme [41]. Ainsi, pour Alberto, militant du STEM [42], la pratique des assemblées de base renvoie à une tradition que portait le mouvement ouvrier ainsi que les luttes de quartier, et l’un des mérites du 15M consiste à l’avoir ravivée ; discours qui le conduit à envisager des continuités plutôt que des ruptures entre ces différentes formes de luttes sociales.

La « marée verte » ou la réappropriation partielle du répertoire d'action des Indignés

17 L’ajustement des stratégies syndicales au niveau national et les expériences vécues par les militants à l’échelle locale montrent que, loin d’appartenir à des univers clos, hermétiques l’un à l’autre, le mouvement syndical et le mouvement des Indignés entretiennent des points de connexion. Toutefois, ce sont surtout des séquences particulières de mobilisation sociale – telle la « marée verte », d’abord dans la Communauté autonome de Madrid, puis dans l’ensemble de l’État espagnol entre 2011 et aujourd’hui [43] – qui ont créé des imbrications plus fortes. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que cette mobilisation des travailleurs de l’Enseignement ait été l’une des plus sensibles à l’influence diffuse du mouvement des Indignés : inscrite à l’échelle du quartier, elle a été menée à partir de coordinations construites dans les établissements, et dans un secteur qui constitue un lieu de rencontre propice entre une partie de la jeunesse mobilisée et d’autres composantes de la société. Ce mouvement sectoriel est le plus fort qu’ait connu le monde de l’Enseignement en Espagne depuis 1988. À cette époque, la grève avait porté sur la revalorisation des salaires dans un contexte d’amélioration du secteur éducatif et de progression de la scolarisation. En 2011, la situation était tout autre : il s’agissait de dénoncer l’augmentation des heures des enseignants titulaires en collèges et en lycées, l’augmentation du nombre d’élèves par classe et le « licenciement » de 3 500 professeurs intérimaires [44] annoncés au début du mois de juillet 2011 par le gouvernement de la communauté autonome de Madrid, gérée par l’un des secteurs les plus durs du PP. La première assemblée générale tenue au siège des CC. OO de Madrid le 31 août 2011 a connu, contre l’attente des syndicats, une affluence massive. Les commentaires de nos interviewés illustrent l’impression de continuité qui semble avoir prédominé dès ces premières assemblées d’enseignants : « La “marée verte” ne s’explique pas sans le 15M » [45] ; « le 15M nous a donné l’impulsion » [46] ; « Au début, pour applaudir, on faisait les mêmes gestes que dans les assemblées du 15M, vous savez… » [47]. La mobilisation, qui refuse à la fois le « licenciement » des enseignants précaires et la dégradation des conditions de travail des titulaires, démarre très vite en septembre dans le secondaire, avec des manifestations d’ampleur et l’organisation de plusieurs jours de grève en continu. Si le syndicat de l’Enseignement des CC. OO de Madrid assume à cette occasion un relatif leadership, le mouvement bénéficie d’une unité syndicale qui englobe les organisations professionnelles se situant plutôt au centre droit et la CEMPA (Confederación Española de Madres y Padres de Alumnos), l’une des plus puissantes fédérations de parents d’élèves.

18 L’originalité de cette mobilisation d’ampleur exceptionnelle tient aux formes de coopération et d’alliance auxquelles elle a donné lieu, au répertoire d’action qui a été déployé ainsi qu’à une dynamique de participation construite à partir du niveau local. Les syndicats ont adopté un discours de défense de l’école publique qui leur a permis d’établir des jonctions avec d’autres secteurs en lutte pour la préservation des services publics. Dès le début de la crise économique, en effet, les plans de rigueur décidés d’abord par le gouvernement Zapatero (PSOE) puis par le gouvernement Rajoy (PP) se sont traduits par des réductions drastiques des dépenses dans le secteur public (notamment dans l’éducation et dans la santé) et par la baisse des salaires des fonctionnaires. La loi Wert de réforme éducative [48], qui entérinait une coupe dans les budgets éducatifs et une augmentation des droits d’inscription à l’Université, a de plus facilité la jonction avec les parents d’élèves et les étudiants. À travers la mise en place d’une plateforme revendicative incluant l’ensemble du spectre syndical du secteur de l’Enseignement, les organisations de parents d’élève et les syndicats étudiants, une opération de cadrage de la mobilisation s’est jouée qui a facilité une appropriation relativement souple au niveau local [49]. Le mouvement s’est structuré à partir d’assemblées d’établissement où prédominaient des modalités d’organisation horizontales et participatives. Chaque assemblée, composée d’enseignants syndiqués ou non, de parents d’élèves, de soutiens venant des assemblées de quartier, décidait ainsi de ses modalités d’action et de la façon dont elle s’inscrivait dans le mouvement. La parole y était ouverte et, bien qu’ils y aient joué un rôle important, les syndicats (CC. OO, UGT, et STEM dans certains établissements) n’en ont fixé ni l’ordre du jour ni les tribunes. Toutefois, même s’il a favorisé un dépassement des revendications professionnelles pour faire de la « marée verte » un prolongement, parmi d’autres, de la mobilisation « citoyenne » des Indignés, ce mode de structuration dual – avec un pouvoir de décision reconnu aux assemblées locales (d’établissements ou de zones) et en partie détenu par les syndicats – a suscité des tensions et rendu plus complexe la conduite du mouvement, notamment pour le vote de modalités d’action comme la grève reconductible [50].

19 Exigeante pour les syndicats, et en même temps fortement symbolique après le mouvement du 15M, cette organisation par le local et par la plateforme de défense de l’école publique a favorisé une relative inventivité dans les éléments du répertoire contestataire. Si elle a organisé quatorze journées de grève à Madrid en 2011-2012 en plus des deux grèves générales intersectorielles, la « marée verte » a aussi donné lieu à une forme de mobilisation permanente : des marches, des manifestations en bicyclette, des classes en pleine rue, des fêtes dans les parcs publics et surtout des occupations d’établissements, entièrement décorés en vert par les élèves et les enseignants. La transformation du port des tee-shirts verts en symbole de la lutte et de la contestation des politiques d’austérité a également permis des formes d’appropriations individuelles et collectives, en dehors des temps de mobilisation décidés par les syndicats. Le slogan inscrit sur les vêtements – « Escuela de tod@s para tod@s » – est devenu celui du mouvement. Le jeu de mot sur la double lettre o/a qui permet d’énoncer en même temps les genres masculin et féminin répondait aux préoccupations très présentes durant le mouvement du 15M de lutter contre la domination masculine dans le langage. Les réactions très vives du gouvernement PP contre le port de ce tee-shirt, les sanctions infligées aux enseignants qui avaient décidé de l’arborer dans leur établissement, ont été les déclencheurs de sa popularisation et de sa transformation en symbole de la lutte. Parents d’élèves, élèves et enseignants se sont habillés en vert pour encercler les bâtiments ou pour apparaître dans des actes publics. Comme l’explique un syndicaliste, le port du vêtement est devenu une arme de lutte, un acte de défi en lui-même. Certains enseignants ont décidé par exemple de le porter une fois par semaine pour faire cours, afin d’affirmer leur opposition aux coupes budgétaires imposées au monde de l’Enseignement.

20 Cette mobilisation a ainsi révélé un mouvement syndical à la recherche de coalitions larges, soucieux d’établir des liens avec les usagers, de s’appuyer sur un ancrage local, via des assemblées générales d’établissement, et de renouveler son répertoire d’action contestataire. Ces pratiques attestent une dynamique de reconfiguration, liée à l’influence du mouvement du 15M, que les militants syndicaux disent eux-mêmes avoir ressentie. Les syndicats n’ont pas pour autant renoncé à leurs ressources traditionnelles et l’une des grandes manifestations de septembre 2012 a été par exemple organisée en lien avec l’internationale syndicale de l’Enseignement et les syndicats européens de ce secteur.

21 Peut-on déduire d’une lutte sectorielle comme celle des personnels de l’Enseignement à Madrid et de l’implication des confédérations syndicales dans des coalitions d’acteurs plus larges que le syndicalisme majoritaire en Espagne connaît une forte inflexion ? Et peut-on estimer que la relance d’une dynamique de mobilisation par les Indignés, dans un contexte d’aggravation des effets sociaux de la crise, a pesé sur ce repositionnement stratégique ? De telles conclusions seraient sans doute hâtives tant les appareils syndicaux, au niveau national, ont été façonnés par leur insertion dans les rouages du dialogue social et tirent une large partie de leur légitimité dans cette reconnaissance institutionnelle de leur capacité à négocier [51]. Pour autant, la dimension de mouvement social du syndicalisme espagnol continue d’exister et a été fortement réactivée par l’implication de militants dans les assemblées locales issues du 15M et surtout par les mobilisations de défense des services publics, dans l’éducation mais aussi dans la santé. Des éléments contradictoires travaillent ainsi le syndicalisme dans sa base, contribuent à la circulation de mots d’ordre, de modalités d’organisation et de revendications portés par d’autres mouvements sociaux, et font que la coupure avec une fraction de la jeunesse mobilisée et réduite au travail précaire n’est pas complètement entérinée. ?

Notes

  • [1]
    Le taux de chômage a dépassé 20 % de la population active en mai 2010, puis 26 % en 2012, pour atteindre 6 millions de personnes (26,8 %) en mai 2013. Entre 2011 et 2013, l’Espagne a connu une période de récession continue, avec un recul permanent du PIB.
  • [2]
    Angel Calle Collado, José Candón Mena, « Sindicalismo y 15M », dans Marta Cruells, Pedro Ibarra (coord.), La democracia del futuro, del 15M a la emergencia de una sociedad civil viva, Barcelona, Icaria, 2013, p. 151.
  • [3]
    Voir notamment Luis Ruiz Aja, Florián Manuel Pérez, Teresa María Gómez-Pastrana, El descontento social y la generación in. 15M : in-conformismo, in-ternacionalizado, in-estabilidad, in-dignación, in-ternet, Madrid, Editorial Popular, 2013 ; M. Cruells, P. Ibarra (coord.), La democracia del futuro, del 15M a la emergencia de una sociedad civil viva, op. cit. ; Carlos Taibo, Nada será como antes. Sobre el movimiento 15-M, Madrid, La Catarata, 2011.
  • [4]
    Un pan important de la recherche sociologique sur les mobilisations collectives s’inspire aussi du paradigme de la mobilisation des ressources, sans pour autant remettre en question la césure entre luttes du travail et autres types de mobilisations sociales. A. Calle Collado, Nuevos movimientos globales. Hacia la radicalidad democrática, Madrid, Editorial Popular, 2005 ; Pedro Ibarra, Benjamín Tejerina (coord.), Los movimientos sociales. Transformaciones políticas y cambio cultural, Madrid, Editorial Trotta, 1998.
  • [5]
    Josep María Antentas, « Sindicalismo y “movimiento antiglobalización” : distancias y divergencias », dans Pedro Ibarra Güell, Elena Grau (coord.), Anuario de movimientos sociales : la red en el conflicto, Barcelone, Icaria, 2007.
  • [6]
    José Angel Calderón, Pablo López Calle, « Transformaciones del trabajo e individualización de las relaciones laborales. La emergencia de nuevas formas de resistencia al trabajo », Estudios de la Fundación 1° de Mayo, 68, 2010, p. 1-16.
  • [7]
    Héloïse Nez, « Délibérer au sein d’un mouvement social. Ethnographie des assemblées des Indignés à Madrid », Participations, 3 (4), 2012, p. 79-102.
  • [8]
    Cette étude s’appuie sur une dizaine d’entretiens que nous avons conduits lors d’un séjour de terrain à Madrid en mai 2013 auprès de responsables syndicaux au niveau confédéral (CC. OO et UGT), de responsables régionaux et locaux des fédérations de l’Enseignement (CC. OO Enseñanza, STEM Madrid, UGT), d’enseignants syndiqués impliqués dans la mobilisation (rencontrés notamment lors des assemblées convoquées pour le deuxième anniversaire du 15M et dans des assemblées de quartier) et de chercheurs. Ces entretiens ont été traduits de l’espagnol par nos soins. Nous avons également assisté à une assemblée régionale de la « Marée verte » dans un lycée d’enseignement professionnel situé dans l’Est madrilène, et avons procédé à un dépouillement systématique de la presse et à la collecte de documents syndicaux. Je remercie David Garibay, Héloïse Nez et Catherine Vincent pour leur aide précieuse. Merci également à Montserrat Emperador Badimón pour sa relecture.
  • [9]
    D’autres syndicats, minoritaires à l’échelle nationale, sont implantés au niveau local dans certains secteurs ou entreprises : la CGT (Confédération générale du travail) et la CNT (Confédération nationale du travail), ou encore ELA/STV et LAB (Pays basque). Ces organisations revendiquent une stratégie alternative aux confédérations CC. OO et UGT et sont davantage tournées vers une pratique conflictuelle. Il existe également des syndicats autonomes et sectoriels, en particulier dans le secteur public.
  • [10]
    Pere J. Beneyto, « El sindicalismo español en perspectiva europea : de la anomalía a la convergencia », Cuadernos de Relaciones Laborales, 26 (1), 2008, p. 57-88.
  • [11]
    Les entreprises de moins de 10 salariés représentant 94 % des entreprises espagnoles et regroupent 50,5 % des salariés. J. A. Calderón, P. López Calle, « Transformaciones del trabajo e individualización de las relaciones laborales. La emergencia de nuevas formas de resistencia al trabajo », art. cité, p. 5-6.
  • [12]
    Andrea Pasquino, « Échange politique et identité dans la théorie d’A. Pizzorno », Pôle Sud, 2, 1995, p. 188-194.
  • [13]
    Catherine Vincent, « Espagne. Une tradition de concertation brisée par les politiques d’austérité espagnole » dans Frédéric Lerais et al., La démocratie sociale à l’épreuve de la crise. Un essai de comparaison internationale, Rapport IRES, 4, 2013, p. 56.
  • [14]
    Rafael Serrano Del Rosal, Transformación y cambio del sindicalismo español contemporáneo, Cordoue, CSIC, 2000, p. 127-148.
  • [15]
    Cette réorientation a suscité des tensions internes au sein des CC. OO, avec l’émergence de « secteurs critiques ».
  • [16]
    Le taux de syndicalisation tournait alors autour des 15 %.
  • [17]
    P. J. Beneyto, « El sindicalismo español en perspectiva europea : de la anomalia a la convergencia », art. cité, p. 72.
  • [18]
    Le taux de contrats temporaires a passé la barre des 30 % à partir du début des années 1990 et demeure aujourd’hui encore à ce niveau. Luis Enrique Alonso, Carlos Fernández Rodríguez, « Emploi et précarité des jeunes en Espagne », Travail et Emploi, 115, 2008, p. 71-80.
  • [19]
    P. López Calle, « Jeunes, syndicats et réorganisation productive : le cas espagnol », dans Sabine Fortino, Benjamín Tejerina, Beatriz Cavia, José Calderón (coord.), Crise sociale et précarité. Travail, modes de vie et résistances en France et en Espagne, Nîmes, Champs social Éditions, 2012, p. 208-222.
  • [20]
    Sur les transformations du capitalisme espagnol au cours des décennies 1990-2010, voir Creig Charnock, Thomas Purcell, Ramón Ribera-Fumaz, « Indígnate ! : The 2011 Popular Protests and the Limits to Democracy in Spain », Capital & Class, 36 (1), 2012, p. 3-11.
  • [21]
    Beatriz Cavia, María Martínez, « La construction de “l’objet précaire” : la recherche autour de la précarité dans la littérature sociologique espagnole », dans S. Fortino, B. Tejerina, B. Cavia, J. Calderón (coord.), Crise sociale et précarité. Travail, modes de vie et résistances en France et en Espagne, op. cit., p. 51.
  • [22]
    P. J. Beneyto, « El sindicalismo español en perspectiva europea : de la anomalia a la convergencia », art. cité, p. 72.
  • [23]
    P. López Calle, La desmovilizacion general. Jovenes, sindicatos y reorganizacion productiva, Madrid, La Catarata, 2008.
  • [24]
    J. A. Calderón, P. López Calle, « Transformaciones del trabajo e individualización de las relaciones laborales. La emergencia de nuevas formas de resistencia al trabajo », art. cité, p. 8.
  • [25]
    Benjamín Tejerina, Andrés Seguel, « Précarité et action collective dans la mobilisation altermondialiste. Réinterprétation et signification de la vie en précaire », dans S. Fortino, B. Tejerina, B. Cavia, J. Calderón (coord.), Crise sociale et précarité. Travail, modes de vie et résistances en France et en Espagne, op. cit., p. 263-281.
  • [26]
  • [27]
    Joan Marcet, Robert Liñeira, « Les élections législatives du 20 novembre 2011 en Espagne », Pôle Sud, 36, 2012, p. 127-134.
  • [28]
    C. Vincent, « Entre conflits et négociations : les syndicats espagnols face à la défense de l’emploi », Chronique internationale de l’IRES, 140, 2013, p. 30-40.
  • [29]
    Entretien avec Alberto, l’un des responsables madrilènes du STEM, dans les locaux du syndicat, 27 mai 2013.
  • [30]
    Entretien à la Fundación Primero de Mayo, siège confédéral des CC. OO, 29 mai 2013.
  • [31]
    CC. OO, Fundación Primero de Mayo, Cronología, 2009-2012. Compromiso, día a día, Madrid, Fundación Primero de Mayo, 2013, p. 186.
  • [32]
    Entretien avec le responsable du service études UGT, siège confédéral de l’UGT, 28 mai 2013.
  • [33]
    C. Vincent, « Espagne. Une tradition de concertation brisée par les politiques d’austérité espagnole », cité, p. 64.
  • [34]
    Anton Moron, « Difficultés et perspectives pour le syndicalisme en Espagne », Les Mondes du travail, 12, 2012, p. 89-103.
  • [35]
    Jeu de mots faisant référence à « tomar la plaza », « tomar los barrios », les mots d’ordre du mouvement des Indignés. Par « tomar la plaza » (occuper les places publiques), il faut entendre un appel à une citoyenneté active pour se réapproprier des espaces et des pratiques, dont la grève.
  • [36]
    Entretien avec Isabel, militante au STEM, dans les locaux du syndicat, 27 mai 2013.
  • [37]
    Entretien avec Maria, déléguée CC. OO Enseñanza Madrid, siège régional CC. OO, 30 mai 2013.
  • [38]
    A. Calle Collado, J. Candón Mena, « Sindicalismo y 15M », art. cité, p. 162.
  • [39]
    J. M. Antentas, « Sindicalismo y “movimiento antiglobalización” : distancias y divergencias », cité ; Loïc Moissonnier, « La participation des syndicats européens aux mobilisations altermondialistes : cohésion renforcée ou miroir de la diversité ? », Politique européenne, 27, 2009, p. 153-176.
  • [40]
    H. Nez, « Délibérer au sein d’un mouvement social. Ethnographie des assemblées des Indignés à Madrid », art. cité, p. 91.
  • [41]
    Vicente Perez Quintana, Pablo Sanchez Leon (coord.), Memoria ciudadana y movimiento vecinal, Madrid 1968-2008, Madrid, La Catarata, 2008.
  • [42]
    Entretien avec Alberto, cité.
  • [43]
    Sophie Béroud, « Une mobilisation syndicale traversée par le souffle des Indignés ? La “marée verte” dans le secteur de l’Éducation à Madrid », Savoir/agir, 27, 2014, p. 49-54.
  • [44]
    Bien qu’ayant passé le concours d’enseignant, les interinos ne sont pas affectés à des postes fixes, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas encore recrutés comme fonctionnaires et relèvent de contrats à durée déterminée, reconduits d’année en année.
  • [45]
    Entretien avec Pedro Chaves, politiste, enseignant à l’Université Carlos III, réalisé dans un café à Madrid, 29 mai 2013.
  • [46]
    Entretien avec Alberto, cité.
  • [47]
    Entretien avec Maria, déléguée CC. OO Enseñanza Madrid, siège régional CC. OO, 30 mai 2013.
  • [48]
    Il s’agit de la Ley orgánica para la mejora de la calidad educativa (LOMCE), plus connue sous le nom du ministre de l’Éducation, José Ignacio Wert, adoptée par les Cortes le 9 décembre 2013 avec les suffrages du seul PP.
  • [49]
    Jean-Gabriel Contamin, « Cadrages et luttes de sens », dans Olivier Fillieule, Éric Agrikoliansky, Isabelle Sommier (dir.), Penser les mouvements sociaux, Paris, La Découverte, 2010, p. 55-75.
  • [50]
    Voir le témoignage d’un enseignant, ancien dirigeant des CC. OO, engagé dans l’assemblée de Vallecas : Agustín Moreno, « Conflicto de la enseñanza pública. Unidad para seguir la movilización », Mientras Tanto, 22 octobre 2011 (http://mientrastanto.org/boletin-96/notas/conflicto-de-la-ensenanza-publica).
  • [51]
    A. Moron, « Difficultés et perspectives pour le syndicalisme en Espagne », art. cité, p. 102-103.
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Sophie Béroud
maître de conférences en science politique à l'Université Lyon 2 et chercheure à Triangle (UMR 5206). Ses travaux portent principalement sur le syndicalisme français et les conflits du travail, mais aussi, de façon comparée, sur le syndicalisme et les mouvements sociaux en Espagne. Elle a notamment publié « Manipulations et mobilisations : l'Espagne du 11 au 14 mars 2004 », Critique internationale (31, avril-juin 2006, p. 53-66) ; « La mobilisation des chômeurs en Espagne : la difficile émergence d'un mouvement autonome (1988-2002), Politique européenne (21, hiver 2007, p. 133-156) ; « The Organization of the Unemployed in Spain : Local and Fragmented Dynamics », dans Didier Chabanet, Jean Faniel (eds), The Mobilization of the Unemployed in Europe : From Acquiescence to Protest ? (New York, Palgrave Macmillan, 2012, p. 155-174) ; et avec Paul Bouffartigue « Precarizaciones salariales y resistencias sociales : ¿ Hacía una renovación de la mirada sociológica desde el caso francés ? », Cuadernos de Relaciones Laborales (31 (2), 2013, p. 455-472).
sophie.beroud@univ-lyon2.fr
Mis en ligne sur Cairn.info le 17/11/2014
https://doi.org/10.3917/crii.065.0027
Pour citer cet article
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