CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1 La mobilité des individus est aujourd’hui un des paradigmes des sociétés les plus industrialisées [1]. Si elle n’est pas, en France [2], aussi manifeste qu’ailleurs dans le monde [3], les Français sont néanmoins devenus de plus en plus nombreux à se déplacer, notamment vers l’étranger [4]. Parmi les motifs qui incitent au déménagement, on évoque souvent des considérations d’ordre professionnel. Il semble néanmoins que la vie familiale, et notamment la séparation du couple, aient leur place parmi ces raisons qui nous poussent à partir [5]. Or, en présence d’un enfant, au désir de mobilité d’un parent, répondra très souvent l’attachement de l’autre au statu quo : le déménagement qui accompagne ou suit la séparation du couple est ainsi source de contentieux [6]. Aussi, au regard de la mobilité accrue des personnes et de la fréquence des séparations [7], la question du déménagement international de l’enfant du couple séparé présente une actualité certaine.

2 Au-delà de son actualité, cette question mérite également l’attention en raison des enjeux qu’elle recèle pour la famille. Alors même que la mobilité accrue des personnes et la fréquence du contentieux auraient contribué à banaliser le déménagement, celui-ci continue d’inquiéter : par la seule distance physique qu’il intercale entre l’enfant et l’un de ses parents, ne menace-t-il pas, en effet, une parentalité qu’on souhaiterait duale (coparentalité) [8] et indissoluble [9] ? Ces inquiétudes sont légitimes. Aussi, avant de les dissiper, est-il nécessaire de se pencher sur le(s) modèle(s) que promeut notre droit de la famille pour déterminer ce qui dans la parentalité est pour nous essentiel et qui mériterait d’être protégé à l’encontre ou peut-être au-delà de la distance que pourrait intercaler le déménagement. Le déménagement de l’enfant du couple séparé invite donc à nourrir une réflexion sur le couple parental, devenu à l’heure de la fragilisation du couple conjugal, le socle de la famille [10].

3 Pour l’heure cependant, il ne semble pas que le droit français ait consacré à la question du déménagement une attention qui soit à la mesure de l’ampleur du phénomène, du contentieux qu’il serait susceptible de générer ou des interrogations qu’il alimente.

4 En premier lieu, hormis l’obligation d’information « préalable et en temps utile de l’autre parent » et la recommandation faite au juge de tenir compte du déménagement pour ajuster la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant et répartir les frais de déplacement [11], le législateur n’a pas jugé utile de développer des normes étayées et spécifiques au déménagement de l’enfant du couple séparé. Si le législateur appelle le juge à prendre « les mesures permettant de garantir la continuité et l’effectivité du maintien des liens de l’enfant avec chacun des parents » [12], il ne propose pas de directives spécifiques qui permettraient de trancher un litige relatif au déménagement. Aussi, c’est aujourd’hui à une véritable casuistique que se livrent les juges français pour trancher ces litiges [13] et parer aux risques d’enlèvements qu’on pourrait analyser comme des déménagements-voies de fait [14]. Ce faisant, le droit positif semble priver les parents de la possibilité d’anticiper sur les contours de leurs droits.

5 En second lieu, la loi est la même, que le déménagement soit interne ou international. Or, le déménagement international présente des spécificités. Celles-ci tiennent d’abord à la distance qu’il intercale entre l’enfant et le parent, distances qu’on pourrait présumer plus grandes, du moins dans la majorité des cas ; ces spécificités se cristallisent au niveau de la logistique de communication plus complexe qu’appelle le déménagement international, notamment au regard du coût des transports et du risque d’éloignement culturel avec l’enfant. En outre, lorsque le déménagement aura été autorisé, ces spécificités seront aussi fonction du sort, plus incertain, réservé à l’étranger à la décision de justice française : il n’est pas acquis, en effet, que le droit d’accès à l’enfant – auquel tient le législateur français – sera garanti une fois que l’enfant aura passé les frontières.

6 Au niveau conventionnel, si les questions liées à l’exercice de l’autorité parentale font l’objet de plusieurs textes internationaux, aucun texte auquel la France est partie ne traite spécifiquement du déménagement international de parents séparés.

7 La Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, entrée en vigueur en France le 1er décembre 1983, n’intervient ainsi qu'a posteriori, une fois que l’enlèvement est caractérisé que le déménagement-voie de fait aura été entrepris.

8 Quant à la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 [15] ou au Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 dit Bruxelles II bis[16], ils ne prévoient pas non plus de normes spécifiques pour régir le déménagement. Le déménagement international ne constitue au regard de ces textes qu’une question parmi d’autres, liée à l’exercice autorité parentale [17]. La combinaison des règles européennes et de celles prévues par la Convention de La Haye de 1996 conduisent dans l’immense majorité des cas, à désigner comme compétents les tribunaux du lieu où l’enfant réside habituellement [18] et à l’application par ces tribunaux de leur propre loi [19]. Ces solutions présentent l’avantage de désigner un juge de proximité, celui le plus à même d’opérer les investigations qui s’imposent, de déterminer les mesures nécessaires à la protection de l’enfant [20] et donc de décider si un déménagement servirait son intérêt. Au regard de ce dispositif, que la situation soit ou non affectée d’un élément d’extranéité, l’opportunité du déménagement de l’enfant résidant en France sera tranchée par le juge français en application des articles 373-2 et suivants du code civil. L’apport de ces textes ne va pas plus loin.

9 Il ne faut néanmoins pas conclure au vide juridique ou à l’absence de toute dynamique au niveau international tendant à traiter du déménagement d’enfants de parents séparés.

10 En 2010, à l’occasion d’une conférence organisée à Washington par la Conférence de La Haye de droit international privé et de l’International Centre for Missing and Exploited Children, une cinquantaine de juges et experts de quatorze États [21] dont la France ont rédigé une déclaration visant à fixer un cadre commun dont les législateurs pourraient s’inspirer pour encadrer le déménagement international [22]. Cette déclaration comprend des lignes directrices – appelant notamment à ce qu’une procédure judiciaire soit ouverte aux parents ou à ce que les décisions soient toujours dictées par l’intérêt de l’enfant – ainsi qu’une liste indicative de critères susceptibles d’être pris en compte pour trancher un litige relatif au déménagement [23]. Elle n’impose cependant aucune norme contraignante.

11 Dans le cadre plus restreint du Conseil de l’Europe, une convention sur les relations personnelles concernant les enfants est entrée en vigueur le 1er septembre 2005 [24]. Ce texte propose des solutions plus étayées et plus audacieuses articulées autour de ce droit aux relations personnelles avec les parents mais aussi avec la famille plus élargie. La convention retient le principe d’une coopération entre autorités centrales et autorités judiciaires pour promouvoir et améliorer les relations entre les enfants et leurs parents, elle encourage les accords parentaux et prévoit des mesures de sauvegarde des relations personnelles comme le dépôt de garantie par le parent hébergeant. Ce texte ne lie toutefois pas la France pour le moment.

12 Ainsi, si au niveau international, la réflexion se poursuit et alors que s’amorce la formulation de directives, la France n’est pour l’heure partie à aucune convention qui impose un système étayé qui régirait le déménagement international de l’enfant de parents séparés. Au niveau interne, le droit français ne propose pas plus un règlement spécifique du déménagement qu’il soit interne ou international, laissant le juge procéder à l’aune des principes plus généraux qui régissent l’organisation de l’autorité parentale.

13 Or, ce cadre juridique pourrait être développé pour formuler un droit du déménagement plus en phase avec notre idéal de la parentalité, assurer aux parents une plus grande prévisibilité au regard de leur droit (ou absence de droit) de déménager avec l’enfant ou encore pour prévenir l’enlèvement international d’enfants.

14 Le déménagement des familles désunies est loin de constituer une question marginale. En outre, entre déménagement et enlèvement, la ligne est parfois ténue. Quelques précisions terminologiques s’imposent ainsi à ce stade. Pour les besoins de cette étude, le déménagement sera considéré comme le déplacement [25] licite de la résidence de l’enfant qui accompagne le parent dans son changement de résidence ou de domicile, par opposition à l’enlèvement qui, conformément à la Convention de La Haye de 1980, constitue une voie de fait issue d’un déplacement ou d’un non-retour illicite [26].

15 S’il ne doit pas forcément inquiéter, le déménagement doit cependant être mûrement pensé et efficacement encadré par le droit. Aussi des solutions claires et surtout effectives devraient être proposées aux familles. Plusieurs systèmes juridiques ont d’ores et déjà élaboré une réglementation étayée du déménagement. Parmi ces systèmes, beaucoup reposent, comme en France, sur la prévalence de l’intérêt supérieur de l’enfant et sur la promotion de la coparentalité. On se limitera à la perspective comparative que déroulent ces États, essentiellement des États occidentaux [27], avec lesquels il nous paraît légitime de mettre notre droit en perspective.

16 Cette rapide incursion dans le droit comparé est utile pour dégager les principaux modèles (I) à l’aune desquels on se propose d’examiner les principes français de solution du déménagement d’enfants de parents séparés (II) avant d’aborder les moyens qui, en droit comparé et en droit français, permettent d’assurer l’effectivité la plus grande aux solutions retenues (III).

I - Les modèles de règlement des litiges relatifs au déménagement en droit comparé

17 Si l’intérêt de l’enfant est au centre du droit de la famille, d’autres droits – celui de chaque parent à la libre circulation ou son droit d’accès à l’enfant – rappellent que d’autres intérêts que celui de l’enfant sont en cause dans le droit du déménagement. Aussi, si la loi [28] ainsi que les engagements internationaux de la France [29] commandent de les « sacrifier » pour faire prévaloir celui de l’enfant, il est légitime, qu’au préalable, soit au moins déterminé le sens que recèle « l’intérêt de l’enfant » qu’il s’agira donc de faire primer lorsqu’est en cause un déménagement. Le droit comparé indique qu’il existe principalement deux façons de saisir cet intérêt.

18 L’intérêt de l’enfant peut prendre la forme d’une règle générale et abstraite formulée par la loi ou la jurisprudence et qui va exprimer a priori en quoi consiste précisément cet intérêt dans le cadre d’un litige du déménagement. Il peut aussi être déterminé au cas par cas par l’administration ou par le juge, en fonction des spécificités de chaque situation [30]. Le droit comparé offre dans le cadre du droit du déménagement des expressions de chacune de ces approches. On examinera ces modèles articulés tantôt autour d’une norme abstraite (A) tantôt autour de la recherche concrète de l’intérêt de l’enfant (B).

A - Les modèles articulés autour d’une norme générale et abstraite

19 Un rapide survol du droit comparé indique que la règle de droit abstraite repose, dans le champ du droit du déménagement, sur une « présomption ». La notion de présomption ne renvoie pas ici à la modalité de preuve d’un fait mais à une mécanique qui associe une norme abstraite, déterminant l’intérêt de l’enfant, à la faculté de procéder à son éviction lorsque les circonstances l’exigent [31].

20 On évoquera les deux catégories de présomptions qu’on retrouve dans le droit comparé du déménagement (1) avant d’évoquer les discours qui ont servi à leur justification et les motifs qui expliquent leur adoption (2).

1 - La mécanique des présomptions

21 On trouve dans le droit comparé des présomptions à la fois favorables et défavorables au déménagement. Les États-Unis, où le droit du déménagement est du ressort de chacun des États de la fédération, offrent aujourd’hui des illustrations de présomptions aussi bien en faveur [32] que contre le déménagement [33]. Ces présomptions sont tantôt formulées par la loi tantôt par la jurisprudence. C’est surtout en remontant dans le temps, qu’on trouvera les expressions les plus célèbres de ces présomptions, lesquelles ont été parfois abandonnées aux États-Unis, [34] comme elles l’ont été au Royaume-Uni [35].

22 Aux États-Unis, c’est la jurisprudence californienne Marriage of Burgess[36] de 1996, reprise par la loi de cet État [37] qui a eu un retentissement considérable dans le droit du déménagement. Elle demeure une jurisprudence phare pour les partisans du système de la présomption alors même qu’elle a pu être nuancée par la suite et que certains se sont interrogés sur sa portée réelle [38]. Il s’agissait en l’espèce de deux parents gardiens de prison, dont l’un, la mère demandait un déménagement à moins d’une heure de la résidence familiale initiale afin d’obtenir une promotion professionnelle. L’arrêt Marriage of Burgess est connu pour avoir autorisé le déménagement de l’enfant avec le parent gardien (custo-dial parent) sans que ce dernier n’ait à établir qu’il était nécessaire ; pour empêcher le déménagement, les juges ont admis que l’autre parent pouvait rapporter la preuve qu’il serait nocif pour l’enfant.

23 Au Royaume-Uni, c’est l’arrêt Payne v. Payne[39] rendu en 2001 qui a eu des retentissements importants jusqu’aux États qui se tournent vers l’Angleterre en quête de modèles [40]. L’arrêt a permis au primary carer[41], en l’hypothèse la mère avec qui résidait l’enfant, de partir avec lui dès lors que son projet était raisonnable, c’est-à-dire motivé par des raisons légitimes. Le départ est autorisé en vertu de cet arrêt à moins que l’autre parent n’établisse qu’il est contraire au bien-être de l’enfant. Dans l’affaire Payne v. Payne, les juges ont ainsi autorisé le départ en Nouvelle Zélande d’une fillette avec sa mère en invoquant la détresse dans laquelle l’obligation de demeurer en Angleterre plongerait la mère, l’isolement et la dépression qui la guettaient pouvant être néfastes pour l’enfant. Si la qualification « présomption » a pu être contestée par certains – Lord Justice Thorpe ayant, pour une partie de la doctrine, uniquement formulé des directives (guidance) [42] – c’est-à-dire une série d’interrogations qui permettait au juge de vérifier qu’un déménagement servirait l’intérêt de l’enfant – il n’est pas contesté que l’approche promue par cet arrêt était en faveur du déménagement (pro-relocation).

2 - Justifications et décryptages des solutions

24 Pour appuyer une règle abstraite en faveur ou à l’encontre d’un déménagement, les plaideurs et les juges ont puisé dans des discours de légitimation qui alimentent aujourd’hui le droit de la famille et qui s’articulent autour des droits fondamentaux, de la rhétorique du genre ou encore des sciences empiriques (empirical studies).

25 Les droits fondamentaux – droit à la libre circulation du parent gardien ou droit de l’enfant d’être élevé par ses deux parents – sont des justifications possibles, la première d’une présomption en faveur du déménagement et la seconde en faveur du maintien de l’enfant dans sa résidence initiale.

26 Ces justifications ont cependant une portée limitée. Au parent qui invoquait sa liberté de circulation, on a pu rétorquer que rien ne l’empêchait de déménager, seul. À celui qui invoquait le droit d’accès à l’enfant ou le droit de ce dernier à être élevé par ses deux parents, on a pu opposer que ces droits ne valent que pour autant qu’ils servent l’intérêt de l’enfant [43] ou encore que le déménagement n’emportait pas forcément rupture des liens, ne remettant pas ainsi en cause le droit de l’enfant d’être élevé par ses deux parents [44].

27 Le droit du déménagement a aussi fait l’objet d’une analyse en termes de genres, opposant essentiellement groupes féministes et lobbies de pères divorcés. L’intervention de LEAF [45] au Canada dans l’instance Gordon v. Goetz cristallise l’importance qu’a pu prendre ce discours dans le droit du déménagement [46].

28 En France, des voix se sont aussi élevées pour décrier le « retour de la loi du père » que balise tout privilège concédé à « la garde partagée » laquelle, alors qu’elle ne rime pas dans les faits avec le partage des tâches parentales, est pourtant invoquée par certains pour s’opposer au déménagement [47]. Dans les suites de cette logique, rechigner devant le déménagement demandé par la mère reviendrait en fait à sacrifier injustement les droits du parent – statistiquement la mère – qui, de fait, est le plus investi dans les soins, l’éducation et in fine le bien-être de l’enfant : s’y opposer c’est donc desservir l’enfant. Pour les pères au contraire, poser des freins au déménagement permettrait d’assurer leur égal accès à l’enfant et l’exercice équitable de leurs droits parentaux [48]. Pour eux, les stéréotypes de parentalité qui excluent injustement les pères de la vie de l’enfant doivent être combattus et il semble que le droit du déménagement se soit avéré un lieu privilégié pour engager ce combat.

29 Mais ce sont surtout les études empiriques des chercheurs en sciences sociales qui ont paru apporter les justifications d’apparence les plus objectives à la formulation d’une présomption pour régler les litiges relatifs au déménagement et appuyer le recours à une présomption.

30 Les juges californiens dans l’affaire Marriage of Burgess se sont ainsi ouvertement appuyés sur les travaux de Judith Wallerstein pour fonder leur présomption en faveur du déménagement. Pour cette psychologue, il est essentiel de prendre acte des transformations de la famille après la séparation, laquelle modifie de facto les relations de l’enfant avec ses parents. Or la famille après la séparation est dans la majorité des cas structurée autour d’un seul parent grâce auquel l’enfant se construit. L’équilibre de l’enfant commanderait donc son maintien auprès du primary carer et justifierait une présomption en faveur du déménagement avec ce dernier [49].

31 Les conclusions de Judith Wallerstein ont été contestées depuis, d’autres études ayant cherché à montrer que c’est – au contraire – le maintien du lien de l’enfant avec ses deux parents qui est source de bien-être et de stabilité pour ce dernier [50]. Cependant, sauf circonstances particulières et notamment constat de violences familiales, les psychologues ont aujourd’hui tendance à rejeter le recours à une norme abstraite exprimant a priori l’intérêt de l’enfant et donc le principe même d’une présomption (notamment en faveur du déménagement) [51]. Conscients des nuances et limites des études empiriques ils ont souvent penché en faveur d’un examen au cas par cas de l’intérêt de l’enfant, approche que privilégient le droit de plusieurs États aujourd’hui.

B - Les modèles de recherche in concreto de l’intérêt de l’enfant

32 Les modèles qui reposent sur la recherche concrète et précise de l’intérêt de l’enfant sont ceux qui tendent le plus à s’imposer aujourd’hui [52]. Ils reposent sur une approche holistique qui prend acte de différents facteurs pour déterminer le plus précisément possible, dans chaque espèce, l’intérêt de l’enfant. Nous commencerons dans un premier temps par présenter ces modèles (1), avant de nous pencher sur les justifications proposées à leur appui et les motifs qui expliquent leur essor aujourd’hui (2).

1 - La détermination holistique de l’intérêt de l’enfant

33 Le glissement d’un système fondé sur une présomption vers un système centré sur l’examen au cas par cas de l’intérêt de l’enfant est particulièrement visible au Royaume-Uni, où la jurisprudence Payne, évoquée plus haut, a fini par être infléchie [53]. En 2015, l’arrêt Re F (A Child) (International Relocation Cases) semble avoir marqué un tournant. Dans cet arrêt, la cour d’appel a considéré, sur le fondement de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, qu’il était nécessaire de se prêter à une analyse holistique et de tenir compte du risque d’érosion de la relation entre le père et sa fille de 12 ans si la mère gardienne devait déménager en Allemagne [54]. La Cour a estimé que l’on ne pouvait considérer le raisonnement de Lord Justice Thorpe dans l’arrêt Payne comme une « discipline » et qu’aucun raccourci (quick fixes) n’était envisageable dans des cas aussi complexes [55]. L’appréciation du projet doit, selon la Cour, se faire en considérant les propositions du père et de la mère, à la lumière d’une liste de critères (welfare check list) et des exigences des droits fondamentaux. On ne saurait ainsi, comme semblait le faire les juges au lendemain de l’arrêt Payne, se focaliser principalement sur le projet du parent gardien désireux de déménager [56].

34 Aux États-Unis, même si plusieurs États continuent à raisonner en termes de présomptions et à privilégier le droit à la mobilité géographique du parent gardien, [57] plusieurs ont adopté la « best interest approach ». Ils sont en effet nombreux à avoir retenu une liste de considérations (relocation test) centrées sur l’intérêt de l’enfant à partir desquelles ils déterminent l’opportunité d’un déménagement. On retrouve très tôt cette approche notamment dans l’État de New York [58]. Le mouvement de faveur vers une approche holistique a progressivement gagné du terrain. Ainsi, après avoir décidé dans un premier temps dans son arrêt Baures v. Lewis qu’il appartenait au parent gardien désireux de déménager de démontrer sa bonne foi et de justifier que ce changement de vie ne porterait pas préjudice à l’enfant [59], la Cour suprême du New Jersey a adopté en 2017 un raisonnement centré uniquement sur l’enfant, sans présomptions dans l’affaire Bisbing v. Bisbing[60]. Le cheminement a été le même dans l’Arkansas [61] et dans le Colorado [62]. La liste des États qui se concentrent uniquement sur l’intérêt de l’enfant n’a fait depuis que s’allonger [63].

35 La prévalence de l’intérêt de l’enfant in concreto et le refus de toute présomption ont aussi été consacrés au Canada dès 1996. Le principe a été posé par la Cour suprême dans son arrêt Gordon v. Goertz[64], lequel portait sur le déménagement d’un enfant avec sa mère en Australie, et n’a pas été remis en cause depuis [65]. Cette jurisprudence a mis un terme à une tendance qui auparavant favorisait le parent gardien en consacrant une présomption en faveur du déménagement. [66] L’imprévisibilité des solutions que craignait la doctrine avec ce revirement a été atténuée par une liste non limitative de critères non hiérarchisés qui permettent de guider les parents et leurs conseils tout en garantissant une flexibilité aux juges. L’arrêt Gordon v. Goertz évoque ainsi au titre des critères à prendre en compte (1) tout accord relatif à la garde déjà conclu et la relation actuelle entre l’enfant et le parent gardien ; (2) tout accord déjà conclu sur le droit d’accès et la relation actuelle entre l’enfant et le parent qui exerce ce droit ; (3) l’avantage consistant à maximiser les contacts entre l’enfant et les deux parents ; (4) l’avis de l’enfant ; (5) la raison pour laquelle le parent gardien déménage, uniquement dans le cas exceptionnel où ce motif a un rapport avec la capacité du parent de pourvoir aux besoins de l’enfant ; (6) la perturbation que peut causer chez l’enfant une modification de la garde et (7) la perturbation que peut causer chez l’enfant l’éloignement de sa famille, de son école et du milieu auquel il est habitué [67].

2 - Les justifications et décryptages des solutions

36 L’approche holistique présente le grand avantage de permettre de construire une décision individualisée, personnellement adaptée à l’enfant [68]. Plus les paramètres ou critères à prendre en compte sont nombreux et diversifiés, plus il est possible pour le juge de s’adapter à la spécificité de la situation et de définir ainsi de manière concrète et précise l’intérêt de l’enfant.

37 L’essor de la détermination in concreto de l’intérêt de l’enfant doit être lu à travers le prisme de certaines grandes évolutions qui traversent le droit de la famille d’États dont le droit a connu des transformations proches de celles du droit français. On peut penser que, parce que certains raisonnements dont on va ébaucher les contours ci-dessous, ont érodé les solutions tranchées formulées par des règles abstraites, l’approche in concreto de l’intérêt de l’enfant dans les litiges relatifs au déménagement a naturellement trouvé sa place dans le droit positif de plusieurs États.

38 Ainsi, un certain pragmatisme, topique du droit contemporain, colorie les droits positifs qui examinent l’intérêt de l’enfant au cas par cas dans les litiges relatifs au déménagement. Ce pragmatisme est porté par les notions qui peuplent le droit de la famille. Un auteur croate a ainsi pu qualifier la notion « d’intérêt de l’enfant » de paradigme social plutôt que de paramètre juridique [69]. Au-delà de l’exemple croate, les outils conceptuels autours desquels tend à s’agencer le droit de la famille semblent s’être amarrés sur des notions de fait – celle de « parent auprès duquel la résidence principale est établie », laquelle tend à éclipser la notion de garde ou encore celle de « temps parental » qui fait concurrence au « droit de visite » [70]. En même temps, le droit paraît de plus en plus se désinvestir au profit « de vagues directives de gestion des rapports familiaux » [71]. Dans ce contexte, on comprendra qu’une approche in concreto de l’intérêt de l’enfant, approche ouverte sur la complexité du réel que cristallisent la diversité des critères permettant de saisir toutes les facettes de la réalité famille, ait naturellement trouvé sa place dans les solutions apportées par le droit au déménagement de l’enfant de parents séparés.

39 La recherche du juste équilibre par le biais du contrôle de la proportionnalité qu’impose le respect d’un droit fondamental [72], devenue courante dans le droit de la famille peut aussi avoir contribué à baliser le terrain pour une recherche dans le droit du déménagement de l’intérêt de l’enfant in concreto. En effet, la recherche de la solution la plus juste à partir d’une checklist dont l’objet est d’assurer la prévalence de l’intérêt de l’enfant dans les litiges relatifs au déménagement fait écho à la quête de la proportionnalité elle aussi articulée autour de plusieurs paramètres et tournée vers une recherche du plus juste équilibre [73]. Au Royaume-Uni, dans l’arrêt Re F (A Child) International Relocation Cases, les juges ont d’ailleurs, pour trancher un litige relatif au déménagement, conjugué contrôle de la proportionnalité en vue d’assurer le respect des droits fondamentaux (notamment du droit à la vie privée) et analyse holistique in concreto de l’intérêt de l’enfant à partir d’une welfare checklist. Cette solution peut être saluée pour les nuances qu’elle imprime à la résolution des litiges relatifs au déménagement.

40 Il se peut enfin que cette attention aux nuances que privilégie la recherche au cas par cas de l’intérêt de l’enfant dans les litiges relatifs au déménagement ait été « préparée » par les mutations d’une justice familiale, depuis un temps « livrée à une psychologisation croissante [74] ». Centrée sur l’individu, la psychologie s’articule par essence, autour des circonstances particulières qui façonnent chaque sujet plutôt qu’autour de normes générales et abstraites. Aussi, la perméabilité de la justice familiale à l’expertise psychologique expliquerait peut-être la facilité avec laquelle la démarche consistant à rechercher l’intérêt de l’enfant au cas par cas se serait installée.

41 On ajoutera que les psychologues n’ont pas hésité à suggérer des solutions aux juges qui sont confrontés au déménagement de l’enfant de parents séparés : ils sont ainsi nombreux aujourd’hui à soutenir qu’il serait préférable pour les juges d’adopter une approche qui semble au final calquée sur la leur, lorsqu’ils proposent que les tribunaux recourent à une « checklist » afin d’identifier la meilleure solution pour l’enfant, au cas par cas, sans préférence ni préjugé en faveur ou à l’encontre de l’un des deux parents [75].

42 Si une telle liste reste à construire, un certain nombre de standards ont pu être identifiés par les chercheurs [76], telle l’implication de chacun des parents dans la vie de l’enfant avant le déménagement ou la capacité des parents à communiquer et coopérer dans l’intérêt de l’enfant. Et, plusieurs droits semblent avoir pris acte de ces suggestions.

43 Derrière ces litiges relatifs au déménagement, se profilent donc des réalités humaines qu’il est difficile d’enfermer dans la formulation de concepts juridiques rigides ou d’une norme tranchée. Face à ces réalités mouvantes et complexes, la recherche souple, au cas par cas de l’intérêt de l’enfant est parue en phase avec les dynamiques qu’on retrouve dans de nombreux droits contemporains proches du droit français.

44 Avant d’aborder les solutions du droit français sous l’éclairage de ces modèles, il est nécessaire d’apporter quelques nuances à ce tableau du droit comparé dressé de façon schématique aux seules fins d’assurer la lisibilité de l’exposé.

45 D’une part, on soulignera encore une fois qu’au-delà de l’opposition de deux approches, le pluralisme reste de mise au sein de chacun des modèles – recherche abstraite et in concreto de l’intérêt de l’enfant – dont on a ébauché les contours. Nous aurons d’ailleurs l’occasion de revenir sur ce pluralisme en exposant, plus loin, les particularités de certains modèles. D’autre part, l’opposition entre ces deux modèles n’est pas aussi tranchée qu’elle ne paraît de prime abord. Par exemple, les tribunaux des États américains qui ont retenu une présomption en faveur du déménagement, ont exclu cette présomption lorsque les parents avaient des droits équivalents (joint residential custody/joint physical and legal custody) : ils ont alors tranché le litige à partir d’une recherche au cas par cas de l’intérêt de l’enfant [77]. De même, la faveur accordée à un critère donné de la Welfare Checklist peut conduire en pratique à favoriser ou défavoriser le déménagement dans un système qui, en apparence, fonctionne suivant le principe d’une appréciation holistique, au cas par cas, de l’intérêt de l’enfant. Cela étant précisé, il est néanmoins utile de définir des modèles pour penser les solutions qu’apporte le droit français au déménagement. Comment situer ces solutions du droit français au regard de ces modèles ? Et, surtout, est-il possible de proposer des ajustements des solutions que notre droit a apportées au déménagement de l’enfant de parents séparés à la lumière de ces exemples du droit comparé ?

II - L’analyse des solutions du droit français du déménagement à la lumière du droit comparé

46 Au regard des modèles précédemment décrits, le droit français semble non seulement inscrit dans les tendances les plus récentes qui ont marqué le droit comparé mais aussi présenter certaines caractéristiques que la doctrine étrangère appelle de tous ses vœux.

47 En premier lieu, en effet, le déménagement est fonction en France de l’intérêt de l’enfant et cet intérêt est apprécié in concreto par le juge. Or, on a vu que beaucoup d’État, qui comme la France déclarent faire primer l’intérêt de l’enfant et dont le droit de la famille est gouverné par des principes analogues (égalité des parents, égalité des filiations, libéralisation du divorce…) – avaient évolué vers ce modèle.

48 En second lieu, le législateur offre au juge – par le relais de l’article 373-2-11 du code civil – des critères pour guider son appréciation de l’intérêt de l’enfant. Ces directives, notamment lorsqu’elles sont clairement formulées par le législateur [78], sont bien accueillis par la doctrine des États qui, dans les litiges du déménagement, appréciaient l’intérêt de l’enfant au cas par cas [79]. Elles mettent en effet le droit français à l’abri des critiques de ceux qui pourraient craindre que la flexibilité d’une recherche de l’intérêt de l’enfant au cas par cas substitue « l’arbitraire » du juge à celui du législateur [80]

49 Dans l’ensemble, ce modèle qui laisse une marge d’appréciation au juge tout en le guidant présente des avantages certains.

50 En effet, le juge qui tranche les litiges relatifs au déménagement n’est pas toujours « formé » pour déterminer l’intérêt de l’enfant et peut donc se trouver « livré » à l’appréciation des experts qu’il désigne [81]. La carrière d’un magistrat comme le JAF, duquel relève le droit du déménagement, ne se limite pas en effet au règlement des litiges de droit de la famille [82] : pour lui, les orientations que fournissent les critères énumérés par le droit peuvent donc s’avérer utiles. Par ailleurs, grâce à ces directives, le contentieux du déménagement n’est pas laissé à la seule appréciation du juge mais tranché au regard de paramètres identiques pour tous. Sans ces directives, le risque est de voir se développer une jurisprudence éclectique [83] au détriment de l’égalité des justiciables. Enfin, des directives claires assurent aux acteurs familiaux une certaine prévisibilité quant à la reconnaissance de leur « droit » (ou absence de droit) de déménager avec l’enfant. Il n’est pas certain cependant que ces directives assurent une prévisibilité suffisante aux parents.

51 Or ce besoin de prévisibilité des acteurs familiaux est pris en compte en France par le droit extrapatrimonial de la famille [84]. Il est donc légitime qu’il le soit aussi et à un degré suffisant dans le champ spécifique du droit du déménagement. En pratique en effet, il est difficile pour le parent qui demande le déménagement de prendre des engagements professionnels ou d’organiser la scolarisation et l’intégration de l’enfant dans un autre environnement, sans l’assurance que le départ sera obtenu et qu’il le sera rapidement en cas de contentieux.

52 Lorsque le droit est flou, l’anticipation devient impossible : le flou du droit amènera le parent à renoncer au déménagement ou… à s’engager dans des voies de fait, en enlevant l’enfant [85]. En revanche, lorsque les parents sont en mesure d’anticiper sur les contours de leurs droits, on sait qu’ils auront plus volontiers recours au compromis [86] et que le contentieux ira en diminuant [87], ce qui servira leur intérêt, le contentieux du déménagement étant souvent pour eux source d’appauvrissement [88]. Ceci servira aussi l’intérêt de l’enfant pour qui le contentieux est facteur de tensions et donc nuisible [89].

53 La solution du droit positif français – à savoir le recours à l’article 373-2-11 du code civil – pour trancher les litiges relatifs au déménagement doit être évaluée à l’aune de ces paramètres. Les parents ont des attentes que le droit du déménagement peut contribuer à forger en affinant les critères qui conditionnent le déménagement pour en assurer la lisibilité et garantir ainsi aux parents plus de prévisibilité (A). Souvent toutefois, les parents ont d’ores et déjà développé des attentes quant à la résolution des litiges du déménagement : ces attentes sont légitimes lorsqu’elles émanent des liens qu’ils entretiennent avec l’enfant et qu’une décision de justice a initiés et avalisés. Une modulation des solutions du droit relatif au déménagement d’enfants de parents séparés devrait donc aussi légitimement s’articuler de façon prioritaire autour de la protection de ces liens (B).

A - L’affinement du droit du déménagement et le besoin de prévisibilité des acteurs familiaux

54 Le droit comparé offre des exemples de directives qui balisent avec plus de certitude que ne le fait la loi française la détermination par le juge de l’intérêt de l’enfant dans les litiges relatifs au déménagement. Ces exemples offrent des modèles où les critères de détermination de l’intérêt de l’enfant sont hiérarchisés ou spécifiques au déménagement (1). Nous envisagerons donc l’intérêt d’affiner le droit positif français à la lumière de ces modèles (2).

1 - Les critères de détermination de l’intérêt de l’enfant hiérarchisés ou spécifiques au déménagement.

55 Certains droits étrangers proposent une liste de critères hiérarchisés pour permettre au juge de trancher les litiges relatifs à l’autorité parentale.

56 Le droit australien en offre une illustration. En vertu de la Family Law Act[90], pour déterminer l’intérêt de l’enfant, il convient de distinguer les facteurs essentiels (primary considerations) des facteurs supplémentaires (additional considerations). Les premiers sont au nombre de deux : l’enfant doit pouvoir bénéficier d’une relation significative avec ses deux parents et être protégé de toute forme de violence et d’abus. Les seconds sont beaucoup plus nombreux et visent notamment l’impact des changements de circonstances dans la vie de l’enfant, les difficultés pratiques et le coût que pourrait impliquer le maintien des liens, l’attitude ou encore le sens de la responsabilité de chacun des parents. Sans viser spécifiquement les cas de déménagement parental, ce texte a indubitablement vocation à être appliqué dans cette situation. Le juge conserve dans ce système sa liberté d’appréciation qui lui permet dans chaque espèce de déterminer la décision qui sert le mieux l’intérêt de l’enfant mais son raisonnement est guidé par la hiérarchisation des critères qu’il est appelé à prendre en compte [91]. Les parents peuvent aussi trouver dans ce texte des repères qui peuvent les aider à anticiper sur leur droit (ou absence de droit) de déménager.

57 Tout en laissant aussi au juge le soin de déterminer au cas par cas l’intérêt de l’enfant, d’autres droits proposent des critères spécifiques au déménagement.

58 C’est le cas par exemple du droit de l’Ontario. La Childrens’Law Reform Act[92] prévoit ainsi, outre la prise en compte des critères qui président à la garde de l’enfant [93] et dont plusieurs font écho au droit français [94], la prise en compte de critères spécifiques au déménagement. La liste comprend les motifs du déménagement, l’impact du déménagement sur l’enfant, le temps passé et le degré d’implication de chaque plaideur dans la vie de l’enfant, le respect de la procédure applicable au déménagement (notamment de l’exigence de notification préalable), l’existence d’une décision de justice imposant une résidence de l’enfant dans une zone géographique donnée, le caractère raisonnable des propositions du parent qui demande le déménagement au regard notamment de la répartition du temps parental, de l’éloi-gnement et des coûts qu’entraineraît le changement de résidence, ou encore le respect dans le passé et celui qu’il est possible d’anticiper dans l’avenir de la loi et des décisions relatives à la garde de l’enfant.

2 - Vers un affinement des critères du droit français ?

59 L’article 373-2-11 du code civil à partir duquel le juge français tranche les litiges du déménagement ne consacre pas des critères spécifiques au déménagement et ne procède à aucune hiérarchisation des critères qu’il retient.

60 Ce n’est pas dire néanmoins que des critères spécifiques aux litiges du déménagement n’existent pas en France et que la jurisprudence ne hiérarchise pas les critères dont la loi exige la prise en compte. L’application de l’article 3732-11 par les juges aux litiges relatifs au déménagement a donné lieu à une jurisprudence de laquelle se dégagent des critères spécifiques au déménagement dont certains semblent privilégiés, pesant ainsi avec plus de force sur la résolution des litiges.

61 Bien qu’aucune préférence ne soit donnée à une solution par rapport à l’autre et que l’intérêt de l’enfant soit censé déterminer à lui seul l’opportunité du déménagement, les juges français se prononcent souvent en fonction de la personnalité et du comportement de l’adulte plutôt que des avantages que le mineur pourrait retirer d’un changement de vie [95]. Le motif du départ, en particulier, est souvent décisif : si celui-ci est justifié par une embauche, une promotion ou une mutation, le juge aura plus facilement tendance à l’estimer justifié et à ordonner en conséquence un maintien de la résidence de l’enfant auprès du parent qui souhaite déménager [96]. À l’inverse, la volonté de suivre le nouveau partenaire ou de se rapprocher de sa famille seront le plus souvent considérés comme insuffisants [97].

62 Comme dans beaucoup d’États, la capacité du parent hébergeant à respecter les droits de l’autre est également mise en avant. Bien qu’il faille se tourner une nouvelle fois vers l’adulte pour apprécier ce critère, celui-ci est néanmoins intrinsèquement lié à l’intérêt de l’enfant puisque l’on peut partir du principe qu’il est toujours de l’intérêt de celui-ci de maintenir des liens avec ses deux parents comme le prévoit la CIDE : une obstruction à l’exercice du droit de visite et d’hébergement [98] ou une absence d’information en temps utile [99] constituent ainsi des indices forts susceptibles de disqualifier le parent désireux de déménager à l’étranger.

63 Les critères complémentaires, centrés sur l’enfant, sont analogues à ceux utilisés dans les autres pays cités jusqu’ici : le JAF tient ainsi particulièrement compte de l’âge de l’enfant [100], de sa capacité d’adaptation à un nouvel environnement culturel [101], et de son attachement à sa famille et à ses amis dans son milieu de vie habituel [102].

64 Au terme de cette analyse, il peut paraître utile d’appeler une consécration explicite par la loi de ces critères pour déterminer l’intérêt de l’enfant dont un parent demande le déménagement. La loi pourrait s’inspirer des critères retenus par les juges à partir de l’interprétation de l’article 373-2-11 du code civil. Elle pourrait aussi, à partir des modèles tirés du droit comparé, compléter ou moduler ces critères et surtout les hiérarchiser explicitement.

65 En se prêtant à cet affinement de la norme, le législateur contribuerait notamment à forger les attentes des parties et ainsi à accroître la sécurité juridique. Il ne devrait cependant pas faire abstraction de certaines attentes légitimes que les parents pourraient avoir d’ores et déjà nourries : il s’agit des attentes qui reposent sur les liens qui existent entre chaque parent et l’enfant et que la justice familiale aura souvent contribué à forger.

B - Les modulations du droit du déménagement et la protection du lien parental

66 S’il est difficile de déterminer les « attentes » des acteurs familiaux [103], il est donc sans doute plus délicat encore de prétendre se fonder sur ces attentes pour proposer des solutions tant ces attentes sont peu lisibles, voire contradictoires. Il ne serait pas juste néanmoins d’en faire totalement fi.

67 Certaines peuvent être identifiées. Et, parmi elles, certaines encore sont parfaitement légitimes et méritent donc d’être prise en compte par le droit. Il peut paraître ainsi raisonnable qu’un parent se fonde sur une décision de justice – laquelle formule dans son dispositif les directives que les parties sont appelées à respecter et sur lesquelles elles peuvent donc à juste titre fonder leurs attentes – pour anticiper sur son droit (ou absence de droit) de déplacer la résidence de l’enfant. Dans un premier temps, nous commencerons par exposer les motifs qui appellent à prendre en compte les décisions antérieures aménageant l’autorité parentale dans la résolution des litiges relatifs au déménagement, ces décisions conditionnant en grande partie les liens des parents avec l’enfant, liens sur lesquels devrait être recentrée la quête de l’intérêt de l’enfant dans le droit relatif au déménagement (1). Nous nous arrêterons dans un deuxième temps sur les modulations du droit positif qui permettraient d’accorder les solutions des litiges du déménagement avec la nature du lien parental et les exigences de sa protection (2).

1 - Saisir la réalité du lien parental par le prisme d’un jugement préalable sur l’autorité parentale

68 Il est important de souligner que la coparentalité promue par notre droit ne se joue pas – ou pas forcément et en tous cas pas uniquement – au stade du droit du déménagement : souvent les dés sont jetés en amont, lorsqu’au moment de la séparation, le tribunal se prononce sur les modalités de l’organisation de l’autorité parentale.

69 À cet égard, l’argument de la Res Judicata avancé par les partisans américains de la présomption en faveur du déménagement repose sur des considérations qu’il serait utile d’examiner. Pour cette doctrine, lorsqu’un tribunal a établi la résidence principale de l’enfant auprès d’un parent, il est raisonnable de penser que le juge a examiné l’ensemble des critères qui déterminent l’intérêt de l’enfant et déterminé sur cette base le parent le plus à même d’assumer les obligations de soin et d’éducation de l’enfant au quotidien [104] ; aussi, soutiennent-ils, en quoi est-ce qu’un déménagement pourrait bouleverser ces conclusions ?

70 À quoi, il est possible de répondre que toute décision portant sur l’autorité parentale est sujette à révision [105]. Il est d’ailleurs acquis que le changement de résidence de l’enfant n’est pas un acte usuel [106]. Le déménagement peut effectivement ébranler les fondements sur lesquels repose une décision de justice pour la rendre moins adaptée à servir l’intérêt de l’enfant dans l’avenir.

71 Toutefois, si une décision de justice ne peut pas constituer un blanc-seing autorisant le déménagement lorsque la résidence est établie principalement chez un parent ni un obstacle dirimant au départ lorsque la résidence est alternée, il est difficile de l’ignorer absolument. Si les juges français manifestent une tendance à maintenir le statu quo, c’est qu’il existe sans doute des raisons qui le justifient [107].

72 Lorsqu’est en cause le déménagement d’un enfant de parents séparés, les décisions de justice qui ont aménagé l’autorité parentale devraient être prise en compte non pas seulement au titre de l’autorité de la chose jugée et des attentes que les décisions de justice peuvent nourrir chez les justiciables mais surtout parce qu’à fur et à mesure qu’elles sont appliquées – et on peut escompter légitimement qu’elles sont suivies et appliquées – elles forgent les liens de l’enfant avec chacun de ses parents. En effet, lorsque la résidence de l’enfant est établie chez un seul parent, ses liens avec l’autre parent – aussi chargés émotivement et structurants soient-ils – ne sont pas construits sur l’interaction du quotidien et sur la proximité physique : aussi, il n’est pas déraisonnable de soutenir qu’ils ne seront pas fondamentalement altérés par le déménagement. Inversement, lorsqu’un juge a opté pour une résidence alternée, le lien de l’enfant avec chacun de ses parents se construit sur la base de la proximité physique et géographique que cette résidence suppose. Au-delà de la décision de justice et de son autorité, ce sont ces réalités dont on se propose de tenir compte.

73 Ces réalités tout comme les décisions de justice qui les sous-tendent sont plurielles.

74 Si en France, la dissolution du couple conjugal ne rime plus avec celle du couple parental [108] et que la coparentalité est incontestablement le modèle promu par notre droit [109], à la différence d’autres droits [110], le droit français ne formule pas une présomption en faveur de la résidence alternée. Celle-ci n’est pas en droit la solution de principe [111] et ce, en dépit des propositions qui ont été faites pour l’ériger en principe [112]. En outre, le juge français continue en pratique à estimer, et ce, dans la grande majorité des cas que l’intérêt de l’enfant commande que sa résidence soit principalement établie auprès d’un seul parent, généralement la mère : en effet, alors même que la loi autorise depuis 2002 la résidence alternée, en 2016 seulement moins de 3 % des enfants vivaient la moitié du temps chez chacun de leurs parents séparés. On relèvera que ce mode de garde est généralement souvent écarté par les juges pour les enfants en bas âge et reste, semble-t-il, en raison de son coût, l’apanage des milieux aisés [113]. Aussi la coparentalité en France ne rime pas forcément avec la proximité physique/géographique de l’enfant avec ses deux parents. Dans les pays voisins, comme au Royaume-Uni, le constat semble proche : seulement 5 % des litiges relatifs au déménagement mettraient ainsi en cause une résidence alternée [114]. Aussi, il n’existe pas en droit ou dans la pratique des familles une coparentalité qui se décline sur le modèle de liens construits sur la proximité physique de chacun des parents avec l’enfant et que le déménagement viendrait ainsi menacer.

75 Ceci étant précisé, quelles que soient les statistiques ou les préférences manifestées par les familles et les juges, il est acquis que la garde alternée existe en France depuis 2002 : le pluralisme sur lequel repose le droit contemporain de la famille impose donc sa prise en compte dans la définition des solutions qu’il convient d’apporter au déménagement d’enfants de parents séparés.

76 Les solutions à apporter au déménagement d’enfants de parents séparés doivent tenir compte de ce pluralisme qui est donc avalisé par la justice familiale.

77 Les liens parentaux de fait dont on se propose de tenir compte sont en effet des liens qui se déploient sous l’impulsion d’une décision de justice, laquelle s’est préalablement penchée sur l’intérêt de l’enfant en faisant application des règles de droit. L’approche promue ne rime donc pas avec une démission du droit.

78 Notre approche se focalise par ailleurs, sur un lien parental qui – comme le souligne justement la Convention sur les relations personnelles concernant les enfants – comprend certes une dimension « séjour » de l’enfant avec chaque parent, mais aussi des dimensions de communication avec et autour de l’enfant, dimensions qui peuvent s’accommoder de la distance. Ignorer toutes ces facettes du lien parental reviendrait à conclure que la majorité des enfants qui vivent sous le régime des « gardes traditionnelles » n’ont plus de liens avec le parent dont ils ne partagent pas la résidence. Nul ne voudrait priver de toute protection ce lien qui se construit en grande partie sur ou au-delà de la distance. Il mérite la protection du droit au même titre le lien qui repose sur la cohabitation avec l’enfant.

79 Ainsi, le droit d’entretenir des liens avec l’enfant se ramène dans cette perspective non pas au droit d’entretenir un lien idéal avec l’enfant mais uniquement au droit de continuer à entretenir le lien qui, au moment du déménagement, existe avec l’enfant. Cette approche présente l’avantage de ne pas confondre la protection du lien parental considéré in concreto – essentiel à la sauvegarde de l’intérêt de l’enfant – avec celle des prérogatives abstraites accordées des parents tentés de se crisper chacun sur son « droit à… » [115]. Les prérogatives concédées aux parents par le droit et l’autorité parentale ne sont en effet, pour reprendre les termes du législateur, « qu’un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant » [116].

80 S’il convient donc de prendre acte de ces liens et de leur spécificité, il reste à déterminer plus exactement les modalités de leur prise en compte par le droit.

2 - Les modalités de prise en compte des liens parentaux dans le droit relatif au déménagement.

81 En France, le lien parental tel qu’il a été défini par une décision de justice et tel qu’on peut légitimement supposer qu’il existe, pourrait d’abord être pris en compte par le droit positif : l’article 373-2-11-1 du code civil invite en effet le juge à tenir compte de « la pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu’ils avaient pu antérieurement conclure ».

82 Si les critères de détermination de l’intérêt de l’enfant devaient donc être formellement énoncés et hiérarchisés dans la matière du déménagement, ce critère devrait trouver une place de choix dans cette hiérarchie. En plus ou au-delà de « la pratique des parents » ou de leur « accord » c’est peut-être la décision de justice qui à la fois tantôt consacre un accord, tantôt initie une pratique qui devrait être visée par la loi.

83 La prise en compte d’un lien parental forgé par un jugement ayant préalablement aménagé l’exercice de l’autorité parentale peut aussi intervenir par le relais d’autres techniques juridiques et notamment par celle de la charge de la preuve.

84 C’est ainsi, qu’après avoir établi les critères à partir desquels le juge doit déterminer l’intérêt de l’enfant, le droit de l’Ontario [117] a réparti la charge de la preuve entre les parents en se fondant sur les décisions de justice qui auraient préalablement organisé l’autorité parentale. Lorsque la principale résidence de l’enfant est établie chez un parent, il appartient, en vertu de ce droit, à l’autre parent de rapporter la preuve que le déménagement serait contraire à l’intérêt de l’enfant. La preuve que le déménagement servira l’intérêt de l’enfant pèsera en revanche sur le parent qui demande le déménagement lorsque la résidence est alternée.

85 Cette mécanique se rapproche de celle des présomptions. Ce n’est en revanche pas une présomption pour ou contre le déménagement que cette technique défend mais une mécanique plus affinée, modulée en tenant compte des deux modalités principales d’organisation de l’autorité parentale et d’une liste de critères censés déterminer l’intérêt de l’enfant ; en effet, le droit de l’Ontario – on l’a vu plus haut – prévoit une liste de critères spécifiques qui permet au juge de déterminer l’intérêt de l’enfant lorsque lui est soumis un litige relatif à son déménagement. Comme la présomption cependant, cette mécanique conserve l’avantage de laisser au juge une certaine marge d’appréciation et à chaque partie de rapporter les preuves à l’appui/à l’encontre du déménagement. Cette flexibilité reste de mise lorsque l’enfant est au centre du litige.

86 Enfin, la prise en compte du lien que l’enfant noue avec le parent « non-résident » dans le cadre des gardes « traditionnelles » mérite une attention particulière dans la mesure où – on l’a vu – ces types de garde constituent encore le principe dans la pratique des familles [118].

87 Au regard de ce constat, il semble que le modèle de la parentalité dans la famille désunie s’accommode dans la majorité des cas, d’un lien qui se construit sur le temps des vacances et à raison d’un week-end sur deux pendant le reste de l’année scolaire. Certes le déménagement – notamment à l’étranger – ajoute un cran de difficultés supplémentaires à l’entretien du lien : les difficultés seront notamment d’ordre linguistique, culturel, logistique et souvent aussi économique. Ces éléments méritent d’être pris en compte non pas cependant en exigeant que l’aménagement de l’autorité parentale soit reconsidéré dans son ensemble et en faisant du litige relatif au déménagement l’occasion d’une remise en cause des liens sur lesquels l’enfant se construit depuis la séparation de ses parents. Ils devraient être pris en compte tels quels, au regard des obstacles qu’ils constituent pour le parent qui s’oppose au déménagement.

88 On pourrait s’inspirer à cet égard des paramètres américains du Parenting Plan/ Visitation and Communication Schedule : dans ce document, les tribunaux américains demandent au parent qui souhaite le déménagement d’exposer de façon très détaillée des modalités nouvelles d’accès à l’enfant qui tiennent compte de la distance géographique [119] et qui garantissent l’absence d’obstruction de sa part au déploiement des liens de l’enfant avec l’autre parent (parental gatekeeping). Divers éléments sont pris en compte pour évaluer la valeur de ces propositions, notamment la distance avec le domicile d’origine, les coûts du maintien des relations avec l’autre parent (notamment le cout des transports), le mode de répartition de ces coûts, la flexibilité manifestée au regard des droits de visite/accès, la disponibilité des parents pour accompagner l’enfant (en voiture, par avion…) ou encore les arrangements proposés par les parents au regard de modes de communication comme la vidéoconférence [120]. La doctrine américaine a aussi émis des propositions pour guider les tribunaux dans l’évaluation de ces propositions [121].

89 Le rapide survol du droit comparé a permis de situer les solutions du droit français au regard d’autres modèles pour mieux en saisir les reliefs, les avantages et les limites. Il a permis aussi d’envisager des pistes qui permettraient d’affiner ces solutions par le relais de la définition et de l’agencement des critères – spécifiques au déménagement et/ou hiérarchisés. Il a aussi permis d’envisager les modulations du droit français pour prendre acte de décisions de justice ayant préalablement organisé l’exercice de l’autorité parentale en tant qu’elles forgent le lien parental qu’il s’agit de protéger. Cette approche a tenté de remettre ces liens au cœur du droit qui régit le déménagement d’enfants de parents séparés.

90 Ceci étant dit, la seule réflexion sur les solutions qu’il convient de proposer au déménagement de l’enfant dont les parents sont séparés ne permet pas de régler de façon satisfaisante toutes les difficultés que soulève ce déménagement. En effet, ces solutions ne peuvent produire les effets bénéfiques escomptés que lorsque leur effectivité est assurée.

III - L’effectivité des solutions apportées au déménagement : les leçons du droit comparé.

91 La question de l’effectivité des solutions apportées aux litiges du déménagement se pose certes en droit interne mais elle a une acuité particulière dans les litiges internationaux : en effet, une fois le déménagement autorisé, la mise en œuvre des modalités d’exercice de l’autorité parentale – et notamment l’accès à l’enfant – peut être aisément remise en question. Ces facteurs expliquent l’attention apportée à la question de l’effectivité des décisions qui tranchent les litiges du déménagement aussi bien en France qu’à l’étranger.

92 C’est en premier lieu vers le droit conventionnel – et notamment vers la Convention de La Haye sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants – que les tribunaux peuvent être tentés de se tourner lorsqu’ils souhaitent assurer l’effectivité de leurs décisions relatives au déménagement [122]. Ainsi, parmi les facteurs pris en compte pour évaluer une demande de déménagement, les juges américains ont pu tenir compte de l’adhésion de l’État vers lequel était demandé le déménagement à la Convention de La Haye susmentionnée [123]. Les juges anglais ont procédé de façon analogue, manifestant parfois une certaine réticence à autoriser le déménagement vers un État non-signataire de cette convention [124]. Certains tribunaux américains ont par ailleurs été jusqu’à modifier l’attribution du droit de garde (de la sole custody à une physical and legal custody), dans le souci de ramener l’enfant sous le parapluie de cette Convention, laquelle protège uniquement les titulaires du droit de garde [125]. On pourrait se demander si ce reflexe n’a pas participé à l’amalgame des logiques du droit de l’enlèvement et de celui du déménagement et du caractère encore parfois embryonnaire du droit du déménagement, malmené par les logiques et mécaniques du droit de l’enlèvement.

93 Dans les suites de cette logique, on aurait pu envisager un droit international privé du déménagement « à deux vitesses », plus ou moins favorable au déménagement suivant que l’État de destination est ou non partie à la Convention de La Haye de 1980. Mais la seule adhésion à cette convention n’est pas garantie d’effectivité des décisions prononçant le déménagement. La doctrine américaine a ainsi pu dresser un tableau opposant les États tendant à coopérer avec les États-Unis (États d’Amérique Centrale, du Nord et du Sud, d’Europe, la Nouvelle-Zélande, l’Australie et l’Afrique du Sud) et les États récalcitrants (États du Moyen-Orient, d’Afrique, d’Asie) tout en soulignant néanmoins que l’adhésion à la Convention n’était pas un paramètre d’évaluation suffisant : en effet, certains États, pourtant partie à cette convention, maintiennent parfois, des pratiques limitatives du droit d’accès [126]. C’est d’ailleurs sans doute trop attendre du juge appelé à se prononcer sur un déménagement que de lui demander de scruter non seulement les textes mais aussi la pratique des systèmes juridiques étrangers [127] pour déterminer si le déménagement ne signera pas le glas de l’accès à l’enfant.

94 Aussi, c’est dans d’autres directions, celles des politiques punitives, dissuasives et préventives dont on trouve diverses manifestations dans le droit comparé (A) mais peut-être aussi celle des politiques assises sur l’adhésion des acteurs familiaux (B) que l’effectivité des décisions relatives au déménagement a pu et devrait encore être recherchée.

A - La recherche de l’effectivité, entre logiques punitives, dissuasives et préventives.

95 La logique punitive a une place de choix dans la gamme des mesures appelées à assurer l’effectivité du droit du déménagement même si – on le verra – cette logique a ses limites (1). C’est un arsenal propre, axé sur la prévention et la dissuasion, qu’appelle la recherche de l’effectivité des droits et notamment du droit d’accès à l’enfant dans le cadre du déménagement d’enfants de parents séparés (2).

1 - Les limites de l’approche punitive

96 En France, la méconnaissance des normes qui régissent le déménagement [128] – et notamment le non-respect de l’obligation d’information préalable [129] – entraine souvent une sanction au moment où le juge se prononce au fond sur la résidence de l’enfant et sur l’exercice de l’autorité parentale : ce parent se verra alors fréquemment refusé le droit de fixer la résidence de l’enfant à son domicile [130]. Ce « réflexe punitif » du juge se retrouve dans le droit comparé [131].

97 On le rencontre aussi de façon encore plus manifeste dans les litiges relatifs à l’enlèvement international d’enfants : le juge de la résidence habituelle tend ainsi à accorder la résidence exclusive au parent qui fait une demande de retour de l’enfant, puis à restreindre l’exercice des droits d’accès de l’autre parent une fois l’enfant revenu dans l’État de sa résidence habituelle [132].

98 La sanction n’est toutefois pas automatique. Le juge avalise ainsi parfois des comportements qui pourtant font obstacle à l’accès à l’enfant, et ce, pour se plier aux exigences de l’intérêt supérieur de ce dernier.

99 Ainsi, alors qu’était établie l’obstruction de la mère, qui avait obtenu le déménagement de l’enfant à l’étranger, aux droits de visite du père, la Cour de cassation a refusé au détriment du père un nouveau déménagement vers la France : elle a jugé qu’en raison de l’état de santé de l’enfant qui souffrait d’autisme, ce nouveau déménagement serait de nature à imposer à ce dernier une rupture sérieuse dans son environnement matériel et affectif, contraire à son intérêt supérieur [133]. La mécanique punitive face aux violations du droit d’accès à l’enfant ou, plus largement, aux comportements irrespectueux qui sapent les liens de l’enfant avec l’autre parent est trop souvent désamorcée par le nécessaire respect de l’intérêt de l’enfant [134]. L’effet dissuasif de ces mesures s’en trouve ainsi amoindri.

2 - Un arsenal propre à satisfaire l’exigence d’effectivité

100 C’est un « arsenal » propre, distinct notamment du droit de l’enlèvement axé sur la sanction, que le droit du déménagement devrait développer pour garantir l’effectivité des décisions de justice.

101 Le droit américain offre des exemples de mesures prises en amont, au jour du prononcé des décisions de justice autorisant le déménagement pour assurer l’effectivité de leur dispositif. Certaines mesures sont de nature financière comme le dépôt d’une somme dans un trust fund destiné à couvrir les frais de transport nécessaires à l’exerce du droit de visite ou l’exigence d’un financial bond pour garantir l’exécution de la décision de justice elle-même. On recense aussi des garanties requises au stade du « conflit de juridictions » lorsque le juge exige, avant tout départ vers l’étranger, l'exequatur de son jugement, lequel concède un déménagement ou encore la soumission volontaire et préalable du parent qui demande déménagement à la compétence des tribunaux américains pour tout litige avenir relatif à l’autorité parentale [135].

102 On retrouve cette approche à Hong Kong. Dans un arrêt SMM v TWM (child : relocation), la cour d’appel a ainsi subordonné l’autorisation donnée au déménagement de la mère à l’obtention par celle-ci dans l’État de déménagement d’un « mirror order », c’est-à-dire d’une décision rendue par l’État d’accueil garantissant que le droit de visite reconnu au père à Hong Kong pourraient serait reconnu et assuré tel qu’il a été agencé par le juge de Hong Kong [136].

103 On peut escompter que ces mesures préventives auront aussi un effet dissuasif. L’effectivité des décisions devrait donc s’en trouver renforcée.

104 Le législateur français semble lui aussi avoir pris acte de ce besoin d’effectivité des acteurs familiaux [137] et donné au juge les moyens de le satisfaire. Notre droit reste cependant encore ancré dans une logique punitive même si on relève l’amorce de changements.

105 La loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice permet au juge « de prendre les mesures permettant de garantir la continuité et l’effectivité du maintien des liens de l’enfant avec chacun de ses parents » [138]. La réforme a apporté son aval explicite à des pratiques prétoriennes et notamment au recours à l’astreinte en matière familiale [139]. Au-delà, elle a spécialement consacré dans le domaine familial, le recours à l’amende et à la force publique pour faire exécuter une décision du JAF [140].

106 Il n’est pas certain toutefois que ces moyens aient une grande effectivité lorsque le déménagement aura été effectué vers l’étranger. L’esprit de la réforme permet néanmoins d’envisager le développement de techniques préventives musclées suivant le modèle américain ou singapourien.

107 C’est la conjugaison de ces mesures – préventives et dissuasives – qui devrait plus efficacement garantir le droit de l’enfant à ses deux parents et le droit d’accès de ces derniers à l’enfant, notamment lorsque le juge autorise le déménagement. Si la coparentalité ne se commande pas, qu’en dépit du modèle promu par le législateur français, elle demeure souvent plurielle après une séparation du couple conjugal [141], il est légitime de renforcer l’effectivité des droits que des parents voudraient exercer et qui pourrait, demain, promouvoir les liens parentaux.

108 En outre, juxtaposée à cette dynamique, l’article 31 de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a aussi tenté une approche préventive, par la conciliation, en prévoyant une « médiation post-sentencielle » [142]. Celle-ci a pour objet de favoriser l’exécution amiable de la décision du juge aux affaires familiales et de permettre aux parents de sortir du cadre strict de ce que le juge a prévu en apportant par eux-mêmes toutes les modifications qu’ils estiment opportunes [143]. C’est peut-être alors du côté des acteurs familiaux, de leur adhésion aux directives et institutions, qu’il est possible de renforcer l’effectivité de ces décisions et in fine, de mieux servir l’intérêt de l’enfant dont les parents sont séparés et dont le déménagement est demandé.

B - La recherche de l’effectivité par l’adhésion des acteurs familiaux

109 En renforçant l’adhésion des acteurs familiaux aux décisions qui vont organiser le droit d’accès à l’enfant et le droit de l’enfant à ses deux parents, il est possible d’escompter que la résolution des litiges du déménagement sera suivie et effective. L’adhésion à ces décisions peut passer par l’adhésion aux instances judiciaires qui les prononcent. Gian Paolo Romano, a ainsi pu envisager la mise en place de « tribunaux judiciaires multinationaux dont les membres auraient la formation et la nationalité de différents États et dont les décisions déploieront une efficacité multi-territoriale ». La constitution de telles juridictions faciliterait pour cet auteur l’acceptation de la décision de justice : provenant d’une autorité judiciaire dont la légitimité et l’investiture sont « binationales », elle serait donc « équidistante des parents et des collectivités intéressées » [144] et donc a priori mieux reçue et respectée.

110 En attendant ce dispositif dont les bases sont loin d’avoir été jetées en droit positif, l’adhésion des acteurs familiaux est recherchée principalement par le relais des règles de procédure qui règlent le déménagement. En droit français et dans les exemples que déroule le droit comparé, ce sont les procédures de médiation qui sont apparues comme les moyens privilégiés pour engager l’adhésion des acteurs familiaux au règlement des litiges relatifs au déménagement. Après avoir évoqué les grandes lignes de cette approche (1), nous examinerons les solutions que propose le droit français à l’aune des modèles du droit comparé (2).

1 - Adhésion des acteurs familiaux aux solutions apportées au déménagement et médiation

111 De plus en plus d’États tablent sur une coopération parentale pré-judiciaire pour réguler le déménagement. Au-delà de la conciliation qui semble entrer d’emblée dans la mission du juge [145] et qui est saillante d’ailleurs dans la matière familiale [146], le droit positif français a cherché par d’autres techniques des accords en amont, qui seraient non pas orchestrés ou suggérés par le juge mais forgés par les acteurs familiaux : en vertu de l’article 373-2-10 du code civil, le juge peut ainsi proposer une mesure de médiation et désigner un médiateur après avoir recueilli l’accord des parents.

112 Modelées par les parents eux-mêmes, on peut s’attendre à ce que les solutions soient suivies et donc plus effectives dans l’avenir. Le droit comparé offre des exemples de ce modèle où des procédures spécifiques ont été prévues pour amener les parties à prendre l’initiative d’un accord et à rechercher des solutions. Ce cadre procédural est essentiel : sans la formulation de ces normes qui pavent la voie d’une collaboration, il est difficile d’escompter que le couple parental – souvent en conflit – puisse improviser des échanges et trouver un accord.

113 L’obligation de prendre l’initiative d’un échange est saillante dans certains droits. Ainsi, l’article 67 du Family Law Act de la Colombie-Britannique prévoit que les parents et individus justifiant de contacts avec l’enfant de plus de 60 jours par an doivent faire tout leur possible pour coopérer les uns avec les autres afin de résoudre tout problème lié au déménagement proposé. L’article 69 de cette même loi ajoute que le parent à l’origine du projet de déménagement, pour être autorisé à déménager, doit proposer des arrangements raisonnables et réalisables pour préserver la relation entre l’enfant et ses autres tuteurs ainsi qu’avec les personnes qui ont le droit d’entretenir des relations personnelles ou qui jouent un rôle important dans la vie de l’enfant. Cette règle peut s’analyser comme la manifestation d’un « devoir de loyauté parentale » qui continuerait à lier les parents après leur séparation [147] et la marque d’un modèle négocié du déménagement.

114 Parfois, la recherche d’un accord est véritablement attendue des parents. Le cinquième alinéa de l’article 301a du code civil suisse dispose ainsi que « si besoin est, les parents s’entendent, dans le respect du bien de l’enfant, pour adapter le régime de l’autorité parentale, la garde, les relations personnelles et la contribution d’entretien ». Dans le cadre d’une réforme du 15 juin 2018, la Belgique a aussi marqué sa faveur pour ce modèle en ajoutant un paragraphe 2 à l’article 1253ter/1 du code judiciaire, lequel dispose désormais qu’en matière familiale, « lors de la comparution des parties à l’audience introductive d’instance, le juge entend les parties sur la manière dont elles ont tenté de résoudre le litige à l’amiable avant l’introduction de la cause et afin de déterminer si une résolution à l’amiable est envisageable ». La disposition suppose ainsi que les parents ont préalablement recherché un accord avant de comparaitre devant le juge.

115 Si la France n’est pas en reste, insistant sur la nécessité pour le juge de s’efforcer de concilier les parties et de faciliter la recherche d’un exercice consensuel de l’autorité parentale en recourant à une médiation, l’ambition de la règle reste malgré tout limitée si on la compare aux initiatives étrangères.

2 - Les affinements possibles du modèle français de la médiation dans les litiges du déménagement

116 Deux éléments importants risquent d’obérer en France l’efficacité du dispositif de médiation dans les litiges du déménagement. Il s’agit en premier lieu de l’absence de caractère automatique de la médiation et en second lieu, de l’absence d’un encadrement, notamment temporel de cette procédure. Ces deux « failles » ressortent de la comparaison du droit français avec certains droits étrangers.

117 Le recours à la médiation automatique place les parents au cœur d’une procédure qui leur permet en amont de définir les contours d’une solution qui pourrait emporter leur adhésion. Dans certains systèmes, le recours à la médiation est systématique : la décision n’appartiendra au juge ou à l’autorité de protection de l’enfance que si les parties ne parviennent pas à s’entendre. Par des règles détaillées de procédure, la loi assure dans certains États une régulation de la médiation. Elle accroit ainsi les chances d’aboutir à des solutions du litige du déménagement acceptables pour toutes les parties.

118 À Hong Kong, un système spécifiquement adapté à la matière, le Children’s Dispute Resolution Pilot Scheme (CDR), est prévu depuis le 3 octobre 2012 [148]. Le CDR prévoit que toute procédure concernant l’enfant doit commencer par une audience préliminaire destinée à permettre la conclusion d’un accord. Les deux parties doivent remplir et échanger des formulaires dans lesquels ils doivent donner un maximum d’informations concernant le mode de vie antérieur de l’enfant (aide apportée par les parents dans le cadre scolaire, modes de communication utilisés avec chacun d’eux, organisation des vacances, modalités de prise en charge lorsqu’ils travaillent etc…) et exprimer la manière dont ils envisagent l’organisation de la vie familiale future. Ce droit multiplie d’ailleurs les procédures en amont pour favoriser l’accord. A une étape ultérieure, une autre procédure tendant à pacifier les relations parentales pourra être l’occasion pour le juge de diriger les parties vers un programme d’éducation parentale ou de leur conseiller de recourir à l’aide d’un tiers pour faciliter la résolution du conflit [149].

119 En Croatie, où le déménagement international est un problème majeur dans la mesure où les conditions économiques conduisent de nombreux travailleurs à exercer leur liberté de circulation en cherchant un emploi dans un autre État de l’Union européenne [150], la médiation est aussi exigée avant la saisine d’un tribunal. Cette étape s’impose depuis la réforme du droit de la famille de 2015 [151] engagée dans le but d’amener les parents vers un accord. La médiation se déroule dans un centre d’aide sociale et est pilotée par une équipe d’experts (un travailleur social, un psychologue et un avocat) qui conseille les parties sur la manière de construire un plan parental, lequel, après l’aval du tribunal, produira des effets équivalents à ceux d’une ordonnance judiciaire. Si elles n’y parviennent pas, les parties sont encore obligées de participer à des réunions familiales avant que la procédure judiciaire puisse être lancée. Tout au long de ce processus, les parents sont invités à prendre en considération le bien-être de l’enfant et informés quant aux conséquences négatives des conflits et aux avantages d’un arrangement à l’amiable [152]. Ce n’est que s’ils ne parviennent pas à établir un accord que le tribunal se prononcera dans le cadre d’une procédure judiciaire au cours de laquelle l’enfant sera représenté par un représentant indépendant qualifié de « tuteur spécial » [153].

120 Enfermer la médiation dans des délais contribue en outre à assurer sa célérité, lui permettant de répondre ainsi aux attentes des acteurs familiaux dont les projets sont suspendus en attendant que soit réglée la question du déménagement de l’enfant. Lorsqu’elle n’est pas enfermée dans un laps de temps déterminé, la médiation risque de se prolonger et la dynamique d’échanges de perdre de son efficacité.

121 Pour ce qui est des délais, l’article 347 de la loi croate prévoit dans son premier paragraphe que les procédures dans lesquelles les droits personnels de l’enfant sont en cause sont systématiquement considérées comme urgentes. Le paragraphe suivant dispose que les premières auditions doivent avoir lieu dans les 15 jours à compter du jour où la requête a été introduite. Le quatrième paragraphe énonce enfin que les mesures provisoires mises en place pour l’exercice de l’autorité parentale et l’entretien des relations personnelles doivent être fixées dans les 30 jours.

122 En Belgique, la réforme de 2018 a facilité la mise en œuvre d’une expérience pilote débutée quelques années plus tôt à Dinant [154]. Le moteur de ce modèle réside dans l’idée de respect mutuel conjugué au dialogue entre parents, juges, avocats et médiateurs. Le système implique une concentration dans le temps de la résolution des litiges : après le dépôt de la requête, le magistrat rencontre en effet les parents dans un délai de 3 semaines dans l’idéal (15 jours au minimum), sachant que l’audition de l’enfant qui le demande aura lieu pendant ce laps de temps. Indépendamment du fait qu’il garantit une plus grande sérénité dans l’attente du jugement définitif, le modèle présente également l’immense avantage de donner une impulsion positive pour l’avenir : « en laissant aux parties la possibilité d’être les premiers acteurs de leur accord, on augmente les chances que celles-ci restent fidèles à leurs engagements » [155].

123 Ainsi si le droit français qui prévoit le recours à la médiation s’inscrit dans l’esprit de ces évolutions qui traversent le droit comparé, la réforme réalisée en France en 2020 ne va sans doute pas suffisamment loin. Il en va ainsi en raison de l’absence du recours automatique à la médiation. La lenteur de la prise de décision engendre en outre un risque certain de prime à l’éloignement ou d’encouragement au « coup de force » [156]. Au final, ce n’est donc pas au niveau du principe – recours à la médiation – mais des règles de mise en œuvre – règles de procédures – que le droit français pourrait puiser dans les exemples de droit comparé des mécanismes qui assureraient une plus grande effectivité aux solutions apportées au déménagement d’enfants dont les parents sont séparés.

Conclusion

124 Au terme de cette étude il apparaît que les solutions que droit positif français propose au déménagement d’enfants de parents séparés mais aussi les moyens qu’il mobilise pour assurer leur effectivité sont en phase avec les tendances qui aujourd’hui s’affirment dans le droit comparé des États occidentaux. Il n’est donc pas utile de proposer un bouleversement du droit positif. La perspective comparative aura néanmoins permis d’envisager un affinement et des modulations du droit positif français. Elle aura aussi été l’occasion de penser le lien familial, principal enjeu du déménagement, de tenter de le replacer au cœur du règlement du déménagement et de considérer les mécanismes les plus à même pour assurer sa protection.

Notes

  • [1]
    Il s’agit de la mobilité entendue comme l’ensemble des modalités de mouvement et d’insertion à la fois circulaires et temporaires. Hélène Pellerin se penche sur l’exemple canadien pour étudier ce phénomène qui serait en voie d’évincer celui de la migration et pour examiner les politiques qui ont accueilli ce phénomène au Canada, mais ses conclusions peuvent s’étendre aux États qui connaissent un développement socio-économique analogue. H. Pellerin, De la migration à la mobilité : changement de paradigme dans la gestion migratoire. Le cas du Canada, Revue européenne des migrations internationales, vol. 27 - n° 2, 2011, spécialement para n°.3 (https://journals.openedition.org/remi/5435).
  • [2]
    J. Fabre et V. Dejonghe, Déménager pour une autre région : le cadre de vie et l’emploi au cœur du choix des ménages, INSEE, mars 2015, n°.1540.
  • [3]
    V. note page suivante.
    Près d’un américain sur cinq déménagerait chaque année. La migration au sein du territoire est proclamée « droit » par les tribunaux : “All citizens have the right to be free to travel throughout the length and breadth of our land uninhibited by statutes, rules or regulations which unreasonably burden or restrict this movement” (Jaramillo v. Jaramillo (1991) 113 NM 57, 823 P2d 299, citant Sydnes v. Sydnes (1986, Minn App) 388 NW2d 3 and Jones v. Helms (1981) 452 US 412, 69 L Ed. 2d 118, 101 S Ct 2434).
  • [4]
    Au 1er janvier 2020, 1 775 875 Français étaient inscrits au registre des Français établis hors de France. Le chiffre est authentifié par le décret n° 2020-33 du 20 janvier 2020 (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000041438844?r=HbmZaSXgq0). En sachant que tous les Français ne prennent pas la peine de s’inscrire, le nombre réel serait, selon le Ministère des Affaires étrangères, d’environ 2 500 000 (https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/services-aux-francais/l-action-consulaire-missions-chiffres-cles/la-communaute-francaise-a-l-etranger-en-chiffres/).
  • [5]
    S. L. Braver, W. V. Fabricius et I. L. Ellman, Relocation of Children After Divorce and Children’s Best Interests : New Evidence and Legal Considerations, Journal of Family Psychology, 2003, vol. 17, n° 2, p. 206.
  • [6]
    « Les contentieux relatifs à l’exercice de l’autorité parentale et à la résidence des enfants mineurs, propre aux parents non mariés, ont très fortement augmenté entre 2003 et 2012, passant de 50 300 décisions (demandes initiales et instances modificatives) à 73 800, soit une hausse de 47 % », L. Cretin, Résidence et pension alimentaire des enfants de parents séparés : décisions initiales et évolutions, INSEE, 2015, spéc. p. 43 (file:///C:/Users/LE480/AppData/Local/Temp/COUFAM15c_D2_Residence.pdf).
  • [7]
    Il est utile de prendre acte du taux de divortialité, environ 45 % des mariages (https://www.ined.fr/fr/tout-sa-voir-population/chiffres/france/mariages-divorces-pacs/divorces/) et du nombre d’enfants vivant la séparation de leurs parents (https://www.vie-publique.fr/en-bref/19948-vie-des-familles-separees-letat-de-la-recherche-en-2018).
  • [8]
    Le terme a émergé il y a plus de vingt ans notamment sous l’impulsion du rapport d’Irène Théry, Couple filiation parenté aujourd’hui, le droit face aux mutations de la famille et de la vie privée, Odile Jacob, 1998. Depuis, les travaux scientifiques réalisés au cours des deux dernières décennies semblent converger en faveur de l’organisation de solutions d’hébergement égalitaire et d’une maximisation de l’équilibre parental. v. les nombreuses références citées par M. Grangeat, Résidence alternée : état des lieux des pratiques et des recherches, Droit de la famille, 2019, dossier 27.
  • [9]
    Le couple parental indissoluble et dont le législateur renforce la stabilité et la pérennité se substitue ainsi au couple conjugal gagné par le « présentisme ». V. en ce sens Y. Bernand, « Les temporalités dans le droit de la famille français : la famille à l’épreuve du « présentisme », in La famille au xxie siècle et les mutations du droit,vol. 59, n° 4, déc. 2018, p. 857, spéc. p. 865 et 867 s. et 877 s.
  • [10]
    Y. Bernand, op. cit., p. 865 et 867 s.
  • [11]
    C. civ., art. 373-2 : « Tout changement de résidence de l’un des parents, dès lors qu’il modifie les modalités d’exercice de l’autorité parentale, doit faire l’objet d’une information préalable et en temps utile de l’autre parent. En cas de désaccord, le parent le plus diligent saisit le juge aux affaires familiales qui statue selon ce qu’exige l’intérêt de l’enfant. Le juge répartit les frais de déplacement et ajuste en conséquence le montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant ».
  • [12]
    C. civ., art. 373-2-6.
  • [13]
    G. Kessler, Le déménagement international de l’enfant de parents séparés, AJ fam. 2019. 580.
  • [14]
    Sur ce sujet, v. G. Kessler, L’interdiction de sortie du territoire, Droit de la famille, 2017, Dossier 15.
  • [15]
    Convention relative à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants, ratifiée par la France le 15 octobre 2010 et entrée en vigueur le 1er février 2011. Le texte évoque de façon générale « le droit de garde, comprenant le droit portant sur les soins de la personne de l’enfant, et en particulier celui de décider de son lieu de résidence, ainsi que le droit de visite, comprenant le droit d’emmener l’enfant pour une période limitée dans un lieu autre que celui de sa résidence habituelle » sans aller plus loin au regard du droit du déménagement ».
  • [16]
    La question du déménagement ne fait pas moins partie des questions susceptibles d’être traitées par le texte. Aux termes de l’article 2, paragraphe 7, du règlement, la responsabilité parentale est définie comme « l’ensemble des droits et obligations conférés à une personne physique ou une personne morale sur la base d’une décision judiciaire, d’une attribution de plein droit ou d’un accord en vigueur, à l’égard de la personne ou des biens d’un enfant », sachant que cela « comprend notamment le droit de garde et le droit de visite ».
  • [17]
    Le droit de garde est défini par l’article 5 de la Convention de 1996 comme « le droit portant sur les soins de la personne de l’enfant, et en particulier celui de décider de son lieu de résidence ». On notera que cette définition a également été retenue par le règlement (UE) 2019/1111 du Conseil du 25 juin 2019, dit Bruxelles II ter, qui entrera en vigueur le 1er août 2022. Le considérant 18 indique ainsi qu’aux fins du présent règlement, « une personne devrait être réputée avoir le « droit de garde » lorsqu’un titulaire de la responsabilité parentale ne peut, sur la base d’une décision, d’une attribution de plein droit ou d’un accord en vigueur en vertu du droit de l’État membre où l’enfant a sa résidence habituelle, décider du lieu de résidence de l’enfant sans le consentement de cette personne, indépendamment des termes utilisés en droit national ».
  • [18]
    Article 5 de la Convention de La Haye de 1996 et article 8 du règlement Bruxelles II bis.
  • [19]
    Articles 15 à 17 de la Convention de La Haye de 1996. Si le second paragraphe de l’article 15 invite les autorités compétentes à appliquer ou à prendre en considération une loi autre que celle normalement applicable si elle entretient des liens étroits avec la situation, la règle ne devrait pas trouver à s’appliquer en matière de déménagement. Cette sorte de clause d’exception ne peut être utilisée que de manière exceptionnelle et devrait surtout trouver à s’appliquer dans le cas concernant les biens d’un mineur situés à l’étranger. v. sur ce point Y. Lequette et S. Godechot-Patris, Rép. Dalloz de droit internat., V° « Mineur », n° 101.
  • [20]
    Y. Lequette et S. Godechot-Patris, op. cit., n° 76.
  • [21]
    Allemagne, Argentine, Australie, Brésil, Canada, Espagne, États-Unis, France, Egypte, Inde, Mexique, Nouvelle-Zélande, Pakistan, Royaume-Uni.
  • [22]
  • [23]
    Ces critères comprennent la volonté exprimée par l’enfant, les accords des parents sur tel ou tel point, les motifs invoqués à l’appui ou à l’encontre du déménagement, l’existence de violences ou d’abus, la qualité des relations, l’impact potentiel de l’acceptation ou du refus de déménagement sur la situation de l’enfant, la capacité des parents à s’entendre, la force obligatoire des décisions rendues en matière de droit de visite dans l’État d’accueil etc…
  • [24]
    Le texte n’a été ratifié que par un nombre limité d’États : Albanie, Bosnie-Herzégovine, Croatie, Malte, République Tchèque, Saint-Marin, Turquie et Ukraine. Pour le texte, voir https://rm.coe.int/0900001680083729.
  • [25]
    Le déplacement sera considéré de son côté comme le fait matériel d’emmener l’enfant dans un autre État que celui dans lequel il réside habituellement.
  • [26]
    Sur ce point, v. not. E. Gallant, Juriscl. Droit international, fasc. 549-30, Enlèvement international d’enfants : La Convention de La aye du 25 octobre 1980 – Droit général de l’enlèvement international d’enfants.
  • [27]
    Il s’agira essentiellement des États européens et d’Amérique du Nord. Plus accessoirement on évoquera l’Australie et certains droits du continent asiatique.
  • [28]
    C. civ., art. 371-1 : « L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. »
  • [29]
    Article 3 de la Convention de New York relative aux droits de l’enfant : « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ».
  • [30]
    J.-L. Renchon, Peut-on déterminer l’intérêt de l’enfant ?, LPA, 7 oct. 2010, n° 200, p. 29 et spéc. p. 30-31.
  • [31]
    Ibid., p. 30.
  • [32]
    Par ex., Oklahoma, Dakota du Sud, Washington, Tennessee, Virigine ou Colorado. v. R. E. Hatch, Proof of Custodial Parent’s Relocation in Best Interest of Child, 125 Am. Jur. Proof of Facts 3d, p. 12.
  • [33]
    Ibid., p. 14 et 15.
  • [34]
    M. D. Nunn et J. L. Lawrence, Child relocation : Case law, social science, and practice implications, 32(2) Journal of the American Academy of Matrimonial Lawyers 2020, p. 386.
  • [35]
    2015 Re F (A Child) (International Relocation Cases).
  • [36]
    Re Marriage of Burgess (1996) 13 Cal 4th 25, 51 Cal Rptr 2d 444, 913 P2d 473, 96 Daily Journal DAR 2651.
  • [37]
    Cal. Fam. Code § 7501(b) (2004).
  • [38]
    T. Carmody, Child relocation : an intractable international family law problem, 45 Family Court Review 2007, p. 215. Kimball Denton, Does in Re Marriage of LaMusga open a new chapter or close an old one in the move away controversy ?, Journal of Contemporary Legal Issues 2007, 16(1),p. 267.
  • [39]
    Payne v Payne, [2001] 1 F.L.R. 1052 (U.K.).
  • [40]
    Par ex. pour l’évolution de l’impact de cette jurisprudence à Singapour, C. Y. Muk, Less Payne in the international relocation of children, 28(1) Academy of Law Journal 2016, p. 303. Pour l’Australie, v. T. Carmody, op. cit., p. 214.
  • [41]
    Il s’agit du parent référent. La notion de « parent référent » transcende les catégories juridiques : il peut s’agir du parent gardien, seul titulaire de l’autorité parentale, mais aussi du parent qui partage l’autorité parentale avec l’autre parent mais chez qui la résidence principale de l’enfant a été fixée.
  • [42]
    T. Carmody, op. cit., p. 217 s.
  • [43]
    Pour des exemples de jurisprudence aux États-Unis, v. C. Peterson, Relocation of Children by the Custodial Parent, 65 Am. Jur. Trials 2020, p. 11 s.
  • [44]
    L’attention portée par la jurisprudence américaine au Parenting Plan/Visitation and Communication Schedule est à cet égard particulièrement instructive : les juges y examinent notamment les mesures proposées par le parent qui demande le déménagement pour maintenir à distance les liens de l’enfant avec l’autre parent. V. not., M. D. Nunn et J. L. Lawrence, op. cit., p. 407.
  • [45]
    Association qui promeut légalité et la défense des droits des femmes (https://www.leaf.ca/our-story/).
  • [46]
    L’association était en faveur du déménagement. Son discours traduit l’importance des dynamiques de pouvoir dans la famille que met en jeu la question du déménagement. Elle plaida notamment pour un alignement des décisions relatives au déménagement avec la philosophie moderne du divorce qui repose sur une rupture franche de la famille et le droit de chaque parent de reprendre le cours de sa vie après le divorce : S. B. Boyd, Child Custody, Relocation, and the Post-Divorce Family Unit : Gordon v. Goertz at the Supreme Court of Canada, Canadian Journal of Women and the Law 1997, p. 447 et spéc. 453.
  • [47]
    M. Dufresne et H. Palma, Autorité parentale conjointe : le retour de la loi du père, Nouvelles Questions Féministes 2002/2, vol. 21, p. 31. Pour ces auteurs, « le potentiel progressiste contenu dans l’idée de partage des tâches parentales tend à être discrédité par la manière dont il est récupéré par un mouvement réactionnaire qui cherche simplement à attribuer plus de pouvoirs aux hommes […]. Après avoir été un idéal progressiste au début du mouvement féministe, la coparentalité semble être devenue un Cheval de Troie […]. Ces récents développements peuvent être interprétés comme participant d’un processus de reconstruction patriarcale ».
  • [48]
    E. S. Scott, In defense of empiricism in family law, 95(4) Notre Dame Law Review, p. 1514 et note n° 44.
  • [49]
    J. S. Wallerstein et T. J. Tanke, To Move or Not to Move : Psychological and legal Considerations in the Relocation of Children Following Divorce, 30 Fam. L.Q 1996, p. 306, p. 313-315, p. 317-318 et p. 321.
  • [50]
    S. L. Braver, W. V. Fabricius et I. M. Ellman, Relocation of Children After Divorce and Children’s Best Interests : New Evidence and Legal Considerations, 17 Journal of Family Psychology 2003, p. 206. v. aussi R.A. Warshak, Social science and children’s best interests in relocation cases : Burgess revisited, 34 Fam. L Q 2000, p. 83.
  • [51]
    P. M. Stahl, Critical Issues in Relocation Cases : A Custody Évaluator’s Response to Parkinson and Cashmore (2015) and Thompson (2015), 54(4) Family Court Review 2016, p. 634.
  • [52]
    V. not. C. Y. Muk, op. cit., p. 318.
  • [53]
    V. les références citées par T. Scott, The Retreat from Payne : MK v CK, 41 Fam Law 2011, p. 886.
  • [54]
    Re F (A Child) (International Relocation Cases) [2015] EWCA Civ 882.
  • [55]
    Ibid., § 27.
  • [56]
    Ibid., § 43.
  • [57]
    V. les nombreuses références citées par M. D. Nunn et J. L. Lawrence, op. cit., p. 383 s.
  • [58]
    Tropea v. Tropea, 87 N.Y.2d 727, 642 N.Y.S.2d 575, 665 N.E.2d 145 (1996). v. aussi M. D. Nunn et J. L. Lawrence, op. cit., p. 384.
  • [59]
    Baures v. Lewis 770 A.2d 214 (N.J. 2001).
  • [60]
    Bisbing v. Bisbing 166 A.3d 1155 (N.J. 2017).
  • [61]
    Cooper v. Kalkwarf 532 S.W.3d 58, 67 (Ark. 2017)
  • [62]
    In re Marriage of Ciesluk 113 p. 3d 135, 137 (Colo. 2005)
  • [63]
    V. la liste citée par M. D. Nunn et J. L. Lawrence, op. cit., p. 386, note 23.
  • [64]
    Gordon v. Goertz [1996] 2 S.C.R. 27.
  • [65]
    M. C. Marumoagae, What weight (if any) should be attached to children’s wishes and views in child relocation disputes ? Lessons from Canada, 28(3) A.J.I.C.L. 2020, p. 476.
  • [66]
    MacGyver v. Richards (1995) 22 O.R. 3d 481 (Ont. C.A.). Cette approche reposait sur la « doctrine du bas âge » (tender years doctrine) et sur des études qui, à l’époque, insistaient sur l’importance pour la stabilité de l’enfant du maintien du lien avec le parent gardien. S. Wallerstein et T. J. Tanke, op. cit., p. 305. Il revenait alors à l’autre parent de renverser cette présomption en démontrant que le déménagement desservait l’intérêt de l’enfant.
  • [67]
    Gordon v. Goertz, préc., § 48 – 49.
  • [68]
    J.-L. Renchon, op. cit., p. 31.
  • [69]
    D. Rupic, Unlawful Relocation of a Child and Parental Responsibility – Croatian Challenges, Jean Monnet Chair on Cross-border Movement of a Child in EU, EU Child, Doctoral Conference Osijek, p. 64 et spec. p. 73 : https://www.pravos.unios.hr/downloa/phd-conference-book-of-proceedings.pdf#page=51. L’auteur a notamment mis en relief combien, dans son pays, un organisme social (le Centre d’intérêt social) avait contribué à peupler le conceptcadre à partir d’un schéma triangulaire articulant considérations liées au bien-être de l’enfant, aux compétences parentales et aux facteurs environnementaux.
  • [70]
    D. Rupic, op.cit., p. 70 et.72. Le concept de « parenting time » s’est aujourd’hui imposé dans la plupart des États américains (v. par ex. B. Retess, Parenting Time and Joint Decisions, 37 Child. Legal Rts. J. 2017, p. 168) et au niveau fédéral au Canada depuis la réforme du Divorce Act entrée en vigueur le 1er mars 2021 (https://laws-lois.justice.gc.ca/eng/acts/d-3.4/).
  • [71]
    C. Labrusse Riou, Le désinvestissement du législateur, le flou des références légales, in Familles, justice (justice civile et évolution du contentieux familial en droit comparé, LGDJ/Bruylant, 1997, p. 28 et spécialement p. 29.
  • [72]
    Pour l’intégration de ce raisonnement en France, v. P.Chauvin, Contrôle de proportionnalité : une nécessaire adaptation aux exigences de la jurisprudence européenne, Gaz. Pal. 6 déc. 2016, n°.43, p. 10 et T. Marzal, La Cour de cassation à l’âge de la balance, RTD civ. 2017. 789.
  • [73]
    La cour d’appel a ainsi rappelé qu’il convenait, en matière de déménagement, de respecter les exigences des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et que les projets des parents devaient donc être examinés par référence au critère de proportionnalité : le tribunal saisi doit s’assurer que l’option privilégiée (le déménagement ou son refus) ne représente pas une ingérence disproportionnée dans le droit des personnes à la vie privée en raison de la probabilité de la rupture de la relation entre l’enfant et le parent non-gardien.
  • [74]
    I. Théry, Droit, justice et demandes familiales, réflexion sur un objet introuvable, in Familles et justice, justice civile et évolution du contentieux familial en droit comparé, LGDJ/Bruylant, 1997, p. 13 et spéc. p. 25. L’auteur évoque un espace où le rôle du juge, de l’avocat et de l’expert se diluent.
  • [75]
    V. spéc. P. Parkinson et J. Cashmore, Relocation and the Indissolubility of Parenthood, 15 J Child Custody 2018, p. 76 et M. M. Stevenson, W. V. Fabricius, S. L. Braver et J. T. Cookston, Associations Between Parental Relocation Following Separation in Childhood and Maladjustment in Adolescence and Young Adulthood, 24 Psychol., Pub. Pol’y & L. 208, p. 365 s.
  • [76]
    M. D. Nunn et J. L. Lawrence, op. cit., p. 397 s.
  • [77]
    Par ex., Jaramillo v. Jaramillo (1991) 113 NM 57, 823 P2d 299 ; Hegerle v. Hegerle (1984, Minn App) 355 NW2d 726 ; Sydnes v. Sydnes (1986, Minn App) 388 NW2d 3 ; Colorado Supreme Court In re Marriage of Francis (1996,Colo) 919 P2d 776. Pour les nuances v. C. Peterson, op.cit., p. 80.
    Au Royaume-Uni, lorsque les parents se partagent en pratique le soin de l’enfant (practical sharing of parental care), la présomption (lorsqu’elle s’appliquait) a aussi été écartée (M.K. v. C.K., [2011] EWCA Civ 793, https://www.familylawweek.co.uk/site.aspx?i=ed84409).
    De même, les chercheurs psychologues qui ont ardemment défendu le principe du recours à cette même présomption, l’ont eux aussi naturellement écartée lorsque l’aménagement de la garde ne permettait pas d’identifier un primary carer (J. S. Wallerstein et T. J. Tanke, op.cit., p. 318. Ces auteurs opposent les dual residential families aux hypothèses où un seul parent a la sole physical custody ou bénéficie du statut de residential parent).
  • [78]
    N. Bala et A. Wheeler, Canadian relocation cases : heading towards guidelines, 30 Canadian Family Law Quarterly 2012, p. 271 et spéc. p. 274-275. Les auteurs marquent leur préférence pour une « top-down law reform » engagée par le législateur, voire par une juridiction supérieure, même s’ils ne s’opposent pas absolument à une réforme par le bas engagée par une dynamique menée par des avocats, des magistrats et par la doctrine universitaire.
  • [79]
    Les auteurs évoquent la notion de “guidance”. V. par ex., M. Henaghan, Relocation cases : the rhetoric and the reality of a child’s best interests : a view from the bottom of the World, 23 Child and Family Law Quarterly 2011, p. 226.
  • [80]
    M. Strous, Post-divorce relocation : In the best interests of the child ?, South African Journal of Psychology 2007, p. 225-226.
  • [81]
    B. Azema, Le rapport entre le mineur, le juge et la famille Sous l’angle du droit civil et pénal, Informations sociales, vol. 133, n°. 5, 2006, p. 74 et spéc. p. 75.
    N. Prieur, Le recours à l’expert, l’analyse d’une pratique, Informations sociales 2005/2, n° 122, p. 92 et spéc. p. 92, 98 et 99. Si l’auteur constate que l’avis de l’expert est suivi dans la majorité des cas, elle relève cependant le rôle de seul conseil de l’expert et le fait que le juge emploi ces expertises non pas seulement comme « aide à la décision » ou recherche de réassurance » mais aussi « pour séparer les sphères juridiques et émotionnelles » et faire ainsi circuler la parole dans la famille.
  • [82]
    T. Garé and M.-F. Tremoureux, Le juge spécialisé le juge aux affaires familiales, in C. Ginestet (dir.), La spécialisation des juges, LGDJ, 2012, p. 53.
  • [83]
    Patrick Parkinson évoque l’exemple des décisions disparates en matière de déménagement suite à la réforme du Family Law Act 1975 (Cth) en Australie en 2006 P. Parkinson, Freedom of movement in an era of shared parenting : the differences in judicial approaches to relocation, 36 Federal Law Review 2008, p. 148 s.
  • [84]
    Ediho Dos-Reis a ainsi relevé les techniques processuelles et substantielles du droit positif qui permettent l’ordonnancement des intérêts juridiques autour de l’impératif de prévisibilité. L’auteur distingue les techniques processuelles, essentiellement les fins de non-recevoir des techniques substantielles. Pour ce qui est des techniques substantielles, l’auteur évoque des techniques de précision - définitions et énumérations -, lesquelles « brident la liberté du juge quant à la concrétisation de la règle de droit applicable » et tendent à limiter la subjectivité du juge et assurer une plus grande égalité et une plus grande prévisibilité de traitement, des techniques de hiérarchisation. Ces dernières procèdent soit par le relais d’un critère chronologique pour trancher entre des intérêts familiaux antagonistes (conflit entre deux unions matrimoniales) soit par présomptions. E. Dos-Reis, Les conflits en droit extrapatrimonial de la famille : contribution à la prévisibilité des traitements, thèse, Université de Grenoble Alpes, 2017, spéc. p. 29 s. et 70 s.
  • [85]
    R. George, How Do Judges Decide International Relocation Cases ?, 27 Child & Fam. L. Q. 2015, p. 144.
  • [86]
    E. Dos-Reis, op.cit., p. 4.
  • [87]
    H. Croze, La factualisation du droit, JCP 2017. 175 et B. Dondero, La justice prédictive : la fin de l’aléa judicaire ?, D. 2017. 534.
  • [88]
    R. George et A. Gallwey, How do parents experience relocation disputes in the family courts ?, 38 :4 Journal of Social Welfare and Family Law 2006, p. 400.
  • [89]
    V Rouyer, M. Huet-Gueye, et A. Baud, Les enfants et leurs parents dans la séparation conjugale : l’importance de la relation coparentale, Dialogue, vol. 202, n°. 4, 2013, p. 93. Des auteurs étrangers ont aussi critiqué le principe même des procédures contentieuses dans le domaine de la garde où ils jugent qu’elles desservent trop souvent l’intérêt de l’enfant. v. par ex. W. Dennis Duggan, Rock-paper-scissors, playing the odds with the law of child relocation, 45 Family Court Review 2007, p. 193.
  • [90]
    À l’article 60 CC (how a court determines what is in a child’s best interests) https://www.legislation.gov.au/Details/C2016C01106
  • [91]
    L. Young, Revisiting Relocation Disputes, The International Survey of Family Law 2016, p. 19 et spéc. p. 21 et 22.
  • [92]
  • [93]
    Définis par l’article 24 de cette loi.
  • [94]
    Il s’agit notamment du point de vue de l’enfant, des violences familiales ou encore de l’historique de la garde.
  • [95]
    G. Kessler, Le déménagement international de l’enfant de parents séparés, op. cit., p. 580.
  • [96]
    V. par ex. Nancy, 10 juill. 2015, n° 15/01053, JurisData n° 2015-018420.
  • [97]
    V. par ex. Paris, 23 juin 2015, n° 14/14551, JurisData n° 2015-015858 (le fait que la mère soit originaire de Nice n’empêche pas que son choix de s’y installer avec l’enfant constitue un choix personnel qui justifie le transfert de sa résidence habituelle au domicile du père).
  • [98]
    Paris, pôle 3, ch. 4, 2 juin 2016, n° 14/21084, JurisData n° 2016-010847.
  • [99]
    Paris, pôle 3, ch. 2, 20 juin 2017, n° 15/08678, JurisData n° 2017-013060. v. aussi Paris, pôle 3, ch. 2, 24 janv. 2017, n° 16/13125, JurisData n° 2017-000883.
  • [100]
    V., à propos du besoin de « maternage » du très jeune enfant : Civ. 1re, 7 mars 2019, n° 18-26.373, AJ fam. 2019. 285, obs. A. Sannier.
  • [101]
    Orléans, 7 déc. 2015, n° 14/02838, n° 534, JurisData n° 2015-029641.
  • [102]
    Paris, pôle 3, ch. 2, 24 janv. 2017, n° 16/13125, JurisData n° 2017-000883.
  • [103]
    Irène Théry qui distingue ces attentes des opinions et des revendications, les qualifie de « vagues, complexes, ambiguës » avant d’en relever les paradoxes : « nos contemporains semblent souhaiter à la fois moins de droit plus de droits, moins de procédure et plus de justice, moins de règles et plus de normes, moins d’intrusion dans l’intimité et plus de prise en charge des affects… » (I. Théry, op. cit., p. 17-18).
  • [104]
    C. Peterson, op. cit., spéc. p. 14, 80 et 95 s.
  • [105]
    Art. 373-2-13, modifié par Loi n° 2016-1547 du 18 nov. 2016 : « les dispositions contenues dans la convention homologuée ou dans la convention de divorce par consentement mutuel prenant la forme d’un acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d’un notaire ainsi que les décisions relatives à l’exercice de l’autorité parentale peuvent être modifiées ou complétées à tout moment par le juge, à la demande des ou d’un parent ou du ministère public, qui peut lui-même être saisi par un tiers, parent ou non ».
  • [106]
    Le déménagement exige en vertu de l’article 373-2 du code civil une information préalable et en temps utile de l’autre parent et, faute d’accord, une décision de justice.
  • [107]
    V. par ex. Versailles, 12 mars 2015, n° 14/01792, JurisData n° 2015-004695 et Besançon, 27 nov. 2015, n° 14/02220, JurisData n° 2015-029852.
  • [108]
    Y. Bernand, op. cit., p. 862. Pour l’auteur, le couple conjugal est soumis à « des temporalités marquées par l’instantanéité et l’accélération » : il a perdu pérennité et son caractère perpétuel sous l’effet des mutations du droit du divorce et des successions-libéralités, lesquels ont concédé une plus grande place à la volonté. Le droit de la famille a pu cependant « dépasser la logique du présentisme et s’inscrire, de façon intangible, dans la durée » en se reconstruisant autour d’une parenté consolidée » : les limites posées à la remise en cause du lien de filiation et l’indissolubilité du couple parental en sont des axes fondateurs.
  • [109]
    V. not. l’article 372 du code civil (« Les père et mère exercent en commun l’autorité parentale ») et l’article 373-2 du code civil (« La séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l’exercice de l’autorité parentale »). V. aussi V. Rouyer, M. Huet-Gueye, et A. Baude, op.cit., p. 90.
  • [110]
    Pour ce qui est des droits étrangers, ils sont rares à avoir donné priorité à l’hébergement alterné. On retrouve cependant cette formule, proche de nous, en Belgique : l’article 374 du code civil prévoit ainsi depuis une loi du 18 juillet 2006 qu’à défaut d’accord, « en cas d’autorité parentale conjointe, le juge examine prioritairement, à la demande d’un des parents au moins, la possibilité de fixer l’hébergement de l’enfant de manière égalitaire entre ses parents » ; si le texte lui réserve par la suite la possibilité de décider d’un hébergement inégalitaire si cette formule se révèle inappropriée au cas d’espèce, la règle opère néanmoins une inversion de la charge de la preuve (en ce sens, A.-C. Van Gysel (dir.), Précis de droit de la famille, 2e éd., Bruylant, Bruxelles, 2009, p. 653 et S. Perrin, La résidence alternée : panorama de droit comparé, AJ fam. 2011. 592). On retrouve aussi cette approche en Australie : la juridiction saisie de la demande de garde doit systématiquement envisager au préalable de rechercher une solution permettant une répartition égale du temps parental ou garantir tout au moins un temps substantiel et significatif avec chacun dès lors qu’un tel arrangement peut raisonnablement être mise en œuvre (B. Smyth, R. Chisholm, B. Rodgers et V. Son, Legislating for shared-time parenting after parental separation : Insights from Australia ?, Law and contemporary problems 2014, p. 109).
  • [111]
    En vertu de l’article 373-2-9 du code civil, « en application des deux articles précédents, la résidence de l’enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un d’eux ».
  • [112]
    V. par ex. la proposition de loi MoDem (http://www.assemblee-nationale.fr/15/propositions/pion0307.asp) et les références citées par I. Corpart, Quel avenir pour l’alternance des résidences des enfants de parents séparés ?, Droit de la famille 2014. Étude 19.
  • [113]
    E. Algava, S. Penant et L. Yankan, division Enquêtes et études démographiques, INSEE n°. 1728, janv. 2019, https://www.insee.fr/fr/statistiques/3689165
  • [114]
    A. Worwood et L. Cummmin, Can we go or can we stay ? The International Child Relocation Rankings, International Family Law Report, Penningtons Manches, 2016, p. 4.
  • [115]
    B.Van Dieren, M. de Hemptinne et J.-L. Renchon, Le risque de rupture du lien parent-enfant et l’expertise axée sur la collaboration parentale, RTD Fam 2011, p. 261 et spéc. p. 291.
  • [116]
    C. civ., art. 371-1.
  • [117]
    V. l’article 24 de la Children’s Law Reform Act https://www.ontario.ca/laws/statute/90c12
  • [118]
  • [119]
    R. E. Hatch, Proof of Custodial Parent’s Relocation in Best Interest of Child, 125 Am. Jur. Proof of Facts 3d 2020, p. 18. L’American Academy of Matrimonial Lawyers a proposé dans son Model Relocation Act des critères que le législateur des États pourrait prendre en compte pour juger des litiges relatifs au déménagement parmi lesquels la prise en compte du visitation arrangement dans sa dimension logistique et financière.
  • [120]
    Ibid., p. 54.
  • [121]
    M. Nunn et J. L. Lawrence, op. cit., p. 406 s.
  • [122]
    V. en France Douai, 26 mars 2015, n° 13/03441, n° 2015/ 277, JurisData n° 2015-007016.
  • [123]
    Par ex., dans l’État du Rhode Island, Dupre v. Dupre, 857 A.2d 242 (R.I. 2004).
  • [124]
    A. Worwood et L. Cummmin, op.cit., p. 6.
  • [125]
    V, à New York, Ish-Shalom v Wittmann 19 AD3d 493, 797 NYS2d 111 (2d Dept 2005).
  • [126]
    P. M. Stahl, Emerging Issues in Relocation Cases, Journal of the American Academy of Matrimonial Lawyers 2012, p. 441 s. Ainsi l’Allemagne et le Brésil pourtant parties à la convention ont pu être rangés parmi les États récalcitrants.
  • [127]
    Le Japon présente à cet égard un exemple particulièrement instructif : alors pourtant qu’il a adhéré à la Convention de La Haye sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants et inséré dans son droit les concepts « d’intérêt de l’enfant » ou « d’autorité parentale conjointe », cet État n’assurera pas forcément l’accès à l’enfant. Des auteurs ont ainsi montré qu’un certain nombre de facteurs - parmi lesquels on compte l’absence d’une tradition de revendication individuelle des droits subjectifs, le traitement différencié des étrangers pour lesquels que le droit de la famille japonais ne prétend pas régir ou encore la restriction du champ d’application de ces nouveaux concepts à certains modèles familiaux (la famille légitime/adoptive) - rendent le droit d’accès d’un parent étranger illusoire. Voir en ce sens, C. Jones, Fathers’ rights : Japan as a different paradigm, Routledge Handbook of International Family Law 2019, p. 242.
  • [128]
    Paris, 11 juin 2015, n° 15/05103, JurisData n° 2015-014248.
  • [129]
    Obligation prévue par l’article 373-2 du code civil. La Suisse va plus loin encore en assortissant ce devoir d’information d’une exigence d’accord préalable de parent (art. 301a du code civil Suisse). En Colombie-Britannique, l’obligation d’information est formalisée et étendue à l’ensemble des personnes justifiant avoir des contacts avec l’enfant pendant au moins 60 jours par an, ce qui vise tout particulièrement les grands-parents qui s’occupent régulièrement de lui. Le projet doit être signifié par écrit par le parent gardien, à moins qu’il justifie d’un risque de violences familiales exercé par l’autre parent ou une autre personne ayant des contacts réguliers avec l’enfant : article 66 du Family Law Act : https://www2.gov.bc.ca/gov/content/justice/about-bcs-justice-system/legislation-policy/legislation-updates/family-law-act. On retrouve également cette idée dans l’article 39.1 du Children’s Law Reform Act en Ontario.
  • [130]
    Par ex., Paris, 20 juin 2017, Numéro JurisData : 2017-013060. La mère avait déménagé sans en informer le père ou l’établissement scolaire ; la cour d’appel reconnait que « le premier juge a manifestement surtout sanctionné un comportement de la mère adopté au mépris des droits du père » avant de confirmer la décision de première instance.
  • [131]
    Aux États-Unis, les tribunaux ont jugé que le manquement à l’obligation d’information de l’autre parent avant un déménagement établissait la mauvaise foi. V. C. Peterson, op.cit, spéc. p. 120 (Russenberger v. Russenberger (1995, Fla App D1) 654 So 2d 207, 20 FLW D985, review gr (Fla) 661 So 2d 825 and approved (Fla) 669 So 2d 1044, 21 FLW S116).
  • [132]
    Pour exemple dans une affaire soumise à Cour européenne des droits de l’homme (CEDH, 6 déc. 2007, n° 39388/05, Maumousseau et Washington c/ France), en réaction au départ de la mère et à son refus de procéder au retour de l’enfant aux États-Unis, dans son État de résidence habituelle, les tribunaux américains fixèrent la résidence principale de l’enfant chez le père resté aux États-Unis, puis une fois le retour obtenu, ils restreignirent le droit de visite de la mère en exigeant notamment la remise du passeport ainsi qu’une caution de 25 000,00 dollars (Cour européenne des droits de l’homme, Note d’information sur la jurisprudence de la Cour n° 103 déc. 2007. https://hudoc.echr.coe.int/fre#{ %22itemid %22 :[ %22002-2358 %22). v. aussi Versailles, 17 mars 2016, n° 15/01950, JurisData n° 2016-004915.
  • [133]
    Civ. 1re, 12 sept. 2019, n° 18-18.924.
  • [134]
    C. Siffrein-Blanc, La parenté en droit civil français, PUAM, 2015, n° 573 : « les perspectives de sanctions fondent devant la réalité des faits : devant l’âge des enfants, leur désir de vivre avec tel ou tel de leur parent, l’échec d’une expérience préalable avec l’un d’eux, l’intérêt général de l’enfant ».
  • [135]
    Re Marriage of Condon (1998) 62 CalApp 4th 533 ; Abargil v Abargil 106 Cal App 4th 1294, 131 Cal Rptr 2d 429 (Cal Ct App 2003). Pour un apercu plus general v. J. D. Morley et J. H. Maguire, International Relocation of Children : American and English Approaches, https://www.international-divorce.com/international_relocation_of_children.htm
  • [136]
    SMM v TWM (child : relocation) [2010] 3 HKLRD 37.
  • [137]
    V. not. l’article 31 de cette loi et les explications de ses dispositions (annexe n°.12) http://www.justice.gouv.fr/art_pix/dacs_ann12_execution_decisions_matiere_familiale.pdf.
  • [138]
    C. civ., art. 373-2 et 373-2-6.
  • [139]
    V. les ex. cités par C. Siffrein-Blanc, op. cit., n° 572.
  • [140]
    Issus de la même reforme, l’article 373-2-6 du code civil consacre cette solution.
  • [141]
    Déjà à propos de l’autorité parentale conjointe, certains évoquaient le caractère « idéologique » de la loi du 8 janvier 1993 (H. Fulchiron, le droit de l’enfant à ses deux parents, Recherches et Prévisions, n° 35, mars 1994. p. 20). Pour le caractère fictif du partage physique de la garde, v. M. Dufresne et H. Palma, op. cit., p. 44.
  • [142]
    Le Ministère de la Justice explique comment la nouvelle loi a permis de dépasser l’obstacle que posait auparavant la loi n° 95-125 du 8 février 1995 à la possibilité de recourir à la médiation dans la décision mettant fin à l’instance (http://www.justice.gouv.fr/art_pix/dacs_ann12_execution_decisions_matiere_familiale.pdf).
  • [143]
    S. Thouret, Le renforcement de l’exécution des décisions en matière d’autorité parentale, AJ fam. 2019. 275.
  • [144]
    G. P. Romano, Conflits entre parents et entre ordres juridiques en matière de responsabilité parentale, in C. Guy-Escabert et E. Volckrick (dir.), Enlèvement parental international d’enfants, saisir le juge ou s’engager dans la médiation, Helbing Lichtenhahn, Neuchâtel, 2015, p. 94.
  • [145]
    C. proc. civ., art. 21 : « Il entre dans la mission du juge de concilier les parties ».
  • [146]
    Pour un aperçu doctrinal sur ce thème, v. E. Dos-Reis, op. cit., p. 20-21.
  • [147]
    Sur ce sujet, v. G. Kessler, Les devoirs réciproques des parents séparés, Droit de la famille 2018. Étude 4.
  • [148]
  • [149]
    K. Lynch, Reform of Family Justice : Children’s Dispute Resolution in Hong Kong, 17 Cardozo J. Conflict Resol 2016, p. 924.
  • [150]
    D. Rupic, op.cit., p. 51.
  • [151]
  • [152]
    Art. 321 de la loi sur la famille.
  • [153]
    D. Rupic, op. cit., p. 53.
  • [154]
    B. Marique et M. Sacrez, De Cochem à Dinant : une procédure dans le respect de l’enfant, RTD Fam 2014. 11 s.
  • [155]
    F. Coulonval, Ce n’est pas parce que papa et maman divorcent que je dois divorcer, Analyse et bilan du modèle du consensus dinantais, Université Catholique de Louvain 2016, p. 60.
  • [156]
    Sur le sujet, v. not. P. Murat, Le déménagement du parent chez lequel l’enfant réside : la problématique sanction des coups de force, Droit de la famille 2000, comm. 9.
Français

La mobilité plus grande des personnes conjuguée avec la fréquence des séparations des couples fait du déménagement de l’enfant de parents séparés une question d’actualité qui recèle un potentiel contentieux important. Pour l’heure, le droit français ne prévoit pas un dispositif spécial appelé à régir cette question mais laisse le juge trancher à l’aune des critères qui régissent l’organisation de l’autorité parentale. On examinera le droit positif français à l’aune des modèles qui, en droit comparé, règlent les litiges du déménagement d’enfants de parents séparés. Certains reposent sur une présomption (en faveur ou à l’encontre du déménagement) et d’autres sur la recherche au cas par cas de l’intérêt de l’enfant. Si le droit français s’inscrit au sein de la seconde catégorie, laquelle semble emporter la faveur de nombreux États occidentaux, le débat n’est pas clos pour autant. Le droit comparé déroule en effet des exemples de solutions plus étayées, lesquelles pourraient inspirer un affinement des règles du droit positif français. Les solutions du droit comparé invitent en outre à se pencher sur le lien parental, pilier de la famille contemporaine et principal enjeu du déménagement, pour penser des modulations de notre droit capables d’en assurer une meilleure protection. Au-delà des solutions qu’il retient, le droit comparé incite ensuite à examiner les moyens mobilisés pour assurer l’effectivité des solutions, considération essentielle lorsque le déménagement est international. On examinera les mécanismes assis sur des politiques préventives et dissuasives et ceux qui reposent sur l’adhésion des acteurs familiaux. Si ces moyens ne sont pas inconnus du droit français, l’étude du droit comparé laisse entrevoir l’intérêt que recèlerait leur développement et leur affinement.

English

The increased mobility of individuals combined with the frequency of divorce/separation cases has made the relocation of children a recurrent issue both in France and abroad and one that often triggers litigation. French law does not provide for specific rules that are tailored to address this matter. Therefore, the courts have settled relocation disputes using the general rules that govern child custody. This paper considers French law in the light of comparative law models. Whilst all legal systems claim to achieve the child’s best interest, some have addressed relocation by setting a general presumption (in favor of or against the move) whereas others have opted for a case-by-case approach. French law comes within the second category, which appears to have been the preferred choice of many Western States. Beyond underlining this general trend to favor a settlement sought in concreto, a comparative law analysis highlights the positive outcomes that certain more sophisticated mechanisms elected by foreign laws can achieve and suggests adjustments to the French relocation settlement mechanisms. It also emphasizes the increasing importance of the parent-child relationship in (re)defining the family and sheds light on mechanisms that can fine tune and improve its protection in the context of the child’s relocation. On another note, the comparative law analysis calls for a reassessment of the legal means that purport to secure effective outcomes for relocation in the globalization era. The paper thus examines both preventive and deterrence policies as well as policies that rely on mediation to redefine the aftermath of separation. While French law is familiar with such approaches, comparative law suggests reshaping certain strategies by developing or eventually reconsidering their relevance in the context of the child’s international relocation.

  1. Introduction
  2. I - Les modèles de règlement des litiges relatifs au déménagement en droit comparé
    1. A - Les modèles articulés autour d’une norme générale et abstraite
      1. 1 - La mécanique des présomptions
      2. 2 - Justifications et décryptages des solutions
    2. B - Les modèles de recherche in concreto de l’intérêt de l’enfant
      1. 1 - La détermination holistique de l’intérêt de l’enfant
      2. 2 - Les justifications et décryptages des solutions
  3. II - L’analyse des solutions du droit français du déménagement à la lumière du droit comparé
    1. A - L’affinement du droit du déménagement et le besoin de prévisibilité des acteurs familiaux
      1. 1 - Les critères de détermination de l’intérêt de l’enfant hiérarchisés ou spécifiques au déménagement.
      2. 2 - Vers un affinement des critères du droit français ?
    2. B - Les modulations du droit du déménagement et la protection du lien parental
      1. 1 - Saisir la réalité du lien parental par le prisme d’un jugement préalable sur l’autorité parentale
      2. 2 - Les modalités de prise en compte des liens parentaux dans le droit relatif au déménagement.
  4. III - L’effectivité des solutions apportées au déménagement : les leçons du droit comparé.
    1. A - La recherche de l’effectivité, entre logiques punitives, dissuasives et préventives.
      1. 1 - Les limites de l’approche punitive
      2. 2 - Un arsenal propre à satisfaire l’exigence d’effectivité
    2. B - La recherche de l’effectivité par l’adhésion des acteurs familiaux
      1. 1 - Adhésion des acteurs familiaux aux solutions apportées au déménagement et médiation
      2. 2 - Les affinements possibles du modèle français de la médiation dans les litiges du déménagement
  5. Conclusion
Georgette Salamé
Docteure en droit, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, chargée de travaux dirigés à l’Université Saint Joseph (Beyrouth)
Guillaume Kessler
Maître de conférences HDR à l’Université Savoie Mont Blanc, Centre de recherche en droit Antoine Favre
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 23/03/2022
https://doi.org/10.3917/rcdip.213.0563
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