CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1La loi « Collomb » n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie [1] a été adoptée dans le cadre de la procédure législative accélérée, sur la base d’un avant-projet sur lequel le Conseil d’État avait émis un avis assez réservé [2], mais dont l’issue a été déclarée conforme à la Constitution, avec une seule réserve d’interprétation, et des déclarations de non-conformité qui ne concernent que la légistique [3]. Il s’agit de la dix-septième loi majeure réformant le droit des étrangers depuis 1980. L’entrée en vigueur est organisée de façon échelonnée. Elle est immédiate pour certaines dispositions de droit pénal [4], elle intervient partiellement au 1er janvier 2019, puis à des dates ultérieures, en fonction notamment des décrets d’application [5] et au plus tard le 1er mars 2019.

2Depuis la création du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) en 2005, le législateur est intervenu en moyenne tous les deux ans pour modifier les règles. Ainsi, au moment de la présentation du projet de loi en février 2018 [6], certaines mesures issues de la précédente réforme [7] n’étaient applicables que depuis moins d’un an, ce que le Conseil d’État n’a pas manqué de critiquer dans son avis : « s’emparer d’un sujet aussi complexe à d’aussi brefs intervalles rend la tâche des services chargés de leur exécution plus difficile, diminue sensiblement la lisibilité du dispositif et risque d’entraîner à son tour d’autres modifications législatives pour corriger l’impact de mesures qui, faute de temps, n’a pu être sérieusement évalué » [8]. Le Conseil d’État a laissé également entendre, en pointant les carences de l’étude d’impact, que le projet de loi avait été préparé de façon précipitée [9]. Il n’aurait fallu « légiférer qu’au vu d’évaluations claires des dispositifs en vigueur, ce qui suppose d’assigner d’abord des objectifs précis et mesurables en termes d’efficacité, de coût et de praticabilité et de vérifier ensuite si ceux-ci ont été atteints ou non » [10]. Cette frénésie législative apparaît clairement en matière d’asile, où la loi du 10 septembre 2018 est conduite à abroger certaines dispositions introduites seulement par la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 [11] ! L’inflation législative est, en réalité, l’expression d’une évolution qui affecte le droit des étrangers en profondeur. Les lois sur l’immigration sont aujourd’hui essentiellement conçues comme un outil de communication politique, ce que le mouvement des « gilets jaunes » n’a pas manqué de confirmer : l’une des premières réactions du président de la République en décembre 2018 a été d’envisager une nouvelle réforme du droit des étrangers. Heureusement, l’idée a disparu du discours politique par la suite, mais pour combien de temps ?

3En lien avec la cadence des réformes on observe une croissante complexification du droit, conduisant le Conseil d’État à regretter que la réforme « ne soit pas l’occasion d’une simplification drastique des dispositifs qui, au fil de la sédimentation des dispositions, se multiplient […] sans que cette sophistication n’entraîne un surcroît d’efficacité » [12]. Les illustrations citées sont parlantes : neuf catégories différentes de mesures d’éloignement (avec des sous-catégories), six catégories de régimes d’assignation à résidence, dix-sept mentions différentes sur les titres de séjour délivrés en France, et des « difficultés inextricables qui envahissent […] la définition des compétences respectives du juge de l’asile […] et du juge administratif de droit commun », auxquelles il faut encore ajouter les compétences du juge des libertés et de la détention. Mentionnons également l’exemple des frontières : au-delà de la distinction essentielle au regard des accords de Schengen entre les frontières intérieures et les frontières extérieures de l’espace Schengen, distinction au demeurant brouillée par la réintroduction des contrôles, différentes règles supposent de distinguer entre les frontières terrestres et les autres frontières. Le législateur semble avoir pris conscience de l’illisibilité du code qu’il a façonné avec tant de maladresse qu’il en est devenu difforme : il prévoit sa réécriture par voie d’ordonnance. La tâche de simplification risque de se révéler ardue.

4Quel sens donner à un commentaire de la loi dans un tel contexte ? D’un côté, ce n’est pas le détail technique de chacune des nouvelles dispositions qui doit retenir l’attention puisque, de toute façon, elles n’ont pas vocation à durer. De l’autre, il a été souligné à juste titre que sous couvert de multiples retouches d’apparence purement techniques et peu visibles pour les non-spécialistes, il se cache une machine efficace de réduction des droits [13]. Il ne peut dès lors être fait l’économie d’une analyse précise des nouvelles dispositions, puisque c’est seulement ainsi que l’on peut mesurer l’ampleur de la complexité qui dépasse aujourd’hui l’acceptable et finit par menacer l’effectivité des droits. Et surtout, comme le droit des étrangers est susceptible d’affecter les droits fondamentaux des migrants de multiples façons, la connaissance de ce droit ne doit pas être réservée aux seuls spécialistes de la matière, mais susciter un débat critique dans des cercles plus larges. Les enjeux sont trop importants pour que l’on puisse accepter l’émergence d’un « contentieux de pauvres pour techniciens du droit » [14]. C’est pourquoi après avoir dégagé une première vue d’ensemble de la réforme visant à faire apparaître l’esprit général qui l’anime (I), les principales nouveautés seront analysées de façon plus détaillée (II).

I - Vue d’ensemble de la réforme

5L’exposé des motifs du projet de loi présente la réforme comme une réaction à la pression migratoire, d’une ampleur inédite, que la France, et plus généralement l’Europe, a connue en 2015. Il constate qu’elle s’est traduite par une hausse importante de la demande d’asile dans tous les pays et que la situation reste tendue à Paris, dans les Alpes-Maritimes et dans le Calaisis, endroits particulièrement touchés par le phénomène des mouvements secondaires en provenance ou à destination d’autres États membres de l’Union.

6Une telle approche fondée sur l’importance des flux migratoires pose la question des chiffres exacts des migrations internationales et de leur mise en perspective, dont la présentation insuffisante par le gouvernement n’a pas seulement été critiquée par les ONG, mais aussi par le Conseil d’État qui avait souligné que l’étude d’impact sur laquelle s’est appuyé le projet de loi était incomplète sur plusieurs points essentiels et qu’il aurait été utile de comparer les chiffres de la France avec ceux d’autres pays européens [15]. Un tel manque de rigueur confirme que le gouvernement utilise la réforme essentiellement comme un outil de communication politique. Or, dans le contexte politique actuel marqué par la montée en puissance des courants populistes, que ce soit sur le plan national, européen ou mondial, l’élaboration d’une politique basée sur l’exacte mesure des réalités s’avère plus nécessaire que jamais. On ne peut que recommander sur ce point la consultation des travaux que François Héran mène notamment dans le cadre de sa chaire « Migrations et sociétés » au Collège de France [16], qui permettent de relativiser très fortement l’ampleur de la pression migratoire évoquée par le gouvernement et l’importance de la hausse de la demande d’asile en France. En effet, nous sommes passés de 60 461 premières demandes d’asile en 2013, à 78 371 premières demandes en 2016 (contre 722 300 la même année en Allemagne [17]), 93 230 en 2017 (contre 198 300 la même année en Allemagne [18]) et 113 322 en 2018 [19]. Une agitation démesurée du spectre de la pression migratoire conduit inéluctablement à une vision sécuritaire et répressive qui marque très fortement l’ensemble de la loi, même si sur certains points des avancées tout à fait positives sont à saluer. Une compréhension plus nuancée du phénomène migratoire permettrait l’adoption d’une attitude plus rationnelle, dédramatisée, et au final plus juste.

7Quels sont les objectifs prioritaires que la loi a vocation à réaliser ? L’exposé des motifs cite six objectifs qu’il est possible de regrouper en quatre thèmes.

8Tout d’abord l’accélération de la procédure d’asile. Les délais d’examen des demandes d’asile sont jugés trop longs. Ils se situent actuellement autour de 11 mois en moyenne. L’objectif affiché est d’arriver à une moyenne de 6 mois, recours juridictionnel compris. À cette fin, de nombreuses mesures sont introduites : multiplication des cas traités en procédure accélérée, réduction des délais de présentation des demandes et des recours, obligation de regroupement des demandes pour éviter des stratégies dilatoires. L’objectif ne peut toutefois être réellement atteint qu’à la condition de mobiliser des moyens humains et matériels suffisants, tant dans la phase administrative que dans la phase judiciaire de la procédure d’asile. Or, on peut douter que tel soit le cas actuellement, compte tenu des délais d’attente observés dans les guichets uniques pour demandeurs d’asile. L’accélération risque ainsi de se retourner contre le demandeur d’asile dont les droits procéduraux auront été excessivement restreints.

9Le deuxième objectif est la sécurisation et la simplification du droit au séjour des bénéficiaires de la protection internationale et des étrangers en situation régulière. La loi améliore effectivement le régime des titres de séjour auxquels peuvent prétendre les bénéficiaires de la protection subsidiaire et les apatrides. La réforme est bienvenue sur ce terrain et le progrès réalisé doit être salué. En revanche, concernant les étrangers en situation régulière, le bilan est nettement plus contrasté. Les possibilités de délivrance du passeport talent sont élargies et différentes retouches cosmétiques sont apportées pour assurer davantage de cohérence. Toutefois, plusieurs dispositions éparses, notamment celles modifiant en matière de filiation le régime de la reconnaissance, rendent l’accès au séjour plus difficile. La lutte contre la fraude qui les justifie est un ressort habituel des politiques législatives en matière migratoire. Elle conduit inexorablement à faire de l’étranger un suspect et à accroître sa vulnérabilité, alors qu’une politique d’accueil devrait au contraire être mise en place pour prendre en compte l’état de vulnérabilité.

10Relativement au troisième objectif, le renforcement de la lutte contre l’immigration irrégulière, qu’il s’agit de rendre plus effective et crédible notamment par de nouvelles capacités d’investigation des forces de l’ordre dans le cadre de la retenue pour vérification du droit au séjour et par un alignement de la durée maximale de la rétention administrative sur les législations plus sévères d’autres États européens, l’approche critique est également de mise. En outre, on peut se montrer dubitatif quant à l’aptitude de certaines mesures à atteindre l’objectif affiché. En particulier, la corrélation entre l’allongement de la durée de la rétention et le taux d’exécution effective des décisions d’éloignement reste à établir. Cette focalisation sur l’arsenal répressif qui marque la politique migratoire de la France des dernières années n’a pas permis d’atteindre les résultats espérés par le législateur. Indirectement, le gouvernement l’admet lui-même, en soulignant dans l’exposé des motifs du projet de loi que des campements illégaux continuent de se constituer au détriment de tous, que la mise en œuvre des retours contraints reste insuffisante, et que le traitement de la situation migratoire actuelle ne peut pas se faire efficacement sur le plan national puisqu’il requiert une meilleure coordination européenne. Plutôt que de persévérer dans la voie exclusive d’un durcissement de la lutte contre l’immigration irrégulière, il faudrait aujourd’hui se montrer plus ouvert à une plus grande diversité des approches, qu’il faut combiner, et à l’expérimentation d’idées nouvelles.

11Et les idées ne manquent pas. Des concepts comme l’hospitalité [20] et la fraternité [21] sont aujourd’hui mis en avant comme possibles principes juridiques régulateurs des mobilités humaines. Ils pourraient ainsi permettre de pondérer exclusion et intégration, et équilibrer les droits et devoirs respectifs de tous. L’idée d’une responsabilité partagée, bien que différenciée, des États fait également son chemin et vient de recevoir une consécration, certes quelque peu inconsistante, dans les Pactes mondiaux adoptés dans le cadre de l’ONU [22]. Des parallèles sont faits avec l’environnement, autre défi planétaire, où l’on observe la même interdépendance entre États, aucun ne pouvant régler seul le problème, et exigeant de la même façon une certaine solidarité internationale. Cela n’exclut d’ailleurs pas des initiatives bilatérales : plutôt que d’expérimenter des procédures d’asile d’exception en Guyane, on pourrait se tourner vers une expérimentation d’approches réellement innovantes, comme par exemple une certaine libéralisation, à titre expérimental, de la mobilité dans un cadre purement bilatéral avec un État donné. Tous les chercheurs s’accordent pour souligner que les migrations internationales concernent prioritairement les couches relativement privilégiées de la population des pays d’origine. Cet élément n’est pas suffisamment intégré dans la politique actuelle, alors qu’il permettrait d’appréhender autrement, et de façon plus appropriée, la réalité migratoire. Une autre piste à explorer pourrait consister à étendre la responsabilité sociale des entreprises transnationales à la régulation des migrations [23], en lien le cas échéant avec les programmes de parrainage privé qui se développent actuellement dans plusieurs États européens [24].

12Le quatrième objectif prioritaire de la loi est d’attirer les talents étrangers, qui sont considérés comme participant du dynamisme économique et du rayonnement linguistique et culturel de la France. C’est la fameuse idée d’une immigration choisie, et non subie. À cette fin, il s’agit d’améliorer les conditions d’accueil des professionnels hautement qualifiés, des chercheurs et des étudiants internationaux. Le dispositif, on l’a dit, a été élargi. La politique française manque toutefois de cohérence sur ce terrain, comme l’illustre la récente décision de relever les frais d’inscription à l’université pour les seuls étudiants internationaux non européens. Plus généralement, lorsqu’on évoque le fameux modèle canadien consistant à sélectionner les candidats à l’immigration sur la base d’un système à points, il ne faut pas oublier qu’une part essentielle de l’immigration en France correspond à ce que François Héran appelle une immigration de droit : elle est fondée notamment sur le droit au respect de la vie familiale (regroupement familial et mariages mixtes) et sur le principe de non-refoulement [25]. Une politique d’immigration choisie implique ainsi, si l’on ne veut pas dénoncer les engagements internationaux sur le terrain des droits de l’homme, qu’on accueille les talents en plus de cette immigration de droit, ce qui revient à augmenter le nombre total d’étrangers accueillis, d’autant que les « talents » viennent évidemment avec leurs familles. Or, on peut douter que ce soit réellement l’objectif prioritaire du législateur français à l’heure actuelle.

13Sur bien des points, la loi manque ses objectifs. L’impression générale qui en ressort est celle d’un encadrement des droits des étrangers de plus en plus poussé. La pertinence de cet encadrement est parfois douteuse. De nombreuses dispositions témoignent d’une suspicion de fraude à l’égard de certains qui entraîne un durcissement à l’égard de tous. La méthode n’est pas nouvelle mais les critiques qu’elle a pu susciter demeurent. À cet égard, il importe de relever que le recours aux enquêtes administratives dans le cadre des procédures de délivrance, renouvellement ou retrait des titres de séjour est étendu. La loi du 7 mars 2016 avait permis à l’administration de s’adresser à différentes personnes publiques mais également à des personnes privées, afin de vérifier l’exactitude des informations fournies par l’étranger [26]. La loi du 10 septembre 2018 vient modifier l’article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure pour transformer les enquêtes destinées à lutter contre le terrorisme et la radicalisation religieuse en outil de contrôle des flux migratoires. Concrètement l’autorité administrative se voit reconnaître la possibilité de consulter de nombreux fichiers et d’accéder à de multiples données et l’on peut s’interroger sur la conformité de ce nouveau dispositif au droit fondamental à la protection des données personnelles consacré par l’article 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et mis en œuvre par le RGPD et en matière pénale par la directive 2016/680, textes que le législateur vient de transposer dans la loi n° 2018-493 du 20 juin 2018, elle-même réécrite par l’ordonnance n° 2018-1125 du 12 décembre 2018 [27].

14Un autre trait caractéristique de la loi du 10 septembre 2018 réside dans l’affaiblissement des garanties procédurales dont bénéficie l’étranger. Le contentieux en droit des étrangers est un contentieux de masse. En outre, la liberté de l’intéressé étant souvent en cause, il importe que les délais des procédures soient les plus courts possibles. Ces deux facteurs tendent à transformer la justice des étrangers en une justice expéditive. Le législateur grossit le trait en multipliant les dispositions qui en font une justice d’exception. Tel est le cas des dispositions qui prévoient le recours à la vidéo-audience [28], permettent au juge de statuer sans que l’intéressé n’ait été convoqué [29], autorisent des notifications par tout moyen [30]. Ces éléments conjugués avec l’absence de caractère suspensif de certains recours conduisent à douter de l’existence d’un accès effectif à la justice.

II - Les nouveautés en détail

15La lecture de la loi n’est pas aisée et les modifications qu’elle distille sont multiples. Elle concerne certes deux domaines principaux, la procédure d’asile et les mesures d’éloignement, mais tous les autres domaines du droit des étrangers sont affectés, à l’exception de la question du regroupement familial. De façon marginale, le droit de la nationalité est également concerné.

A - Le droit d’asile

16L’essentiel de la réforme se concentre sur la procédure d’examen de la demande d’asile (2). Sur le fond, la loi apporte un nombre limité de changements (1).

1. Le fond

a) Conditions de fond de la protection internationale

17Le législateur s’est employé à durcir les conditions de fond, en réformant le régime de refus et de cessation de la protection internationale. Les changements concernent aussi bien le statut de réfugié que la protection subsidiaire. Techniquement, la marge de manœuvre de l’OFPRA se trouve considérablement réduite. Ainsi, les motifs, qui auparavant ouvraient à l’OFPRA la simple faculté de refuser ou de retirer le statut de protection, ont été rendus impératifs pour l’Office. Cela vise l’existence d’une menace grave pour la sûreté de l’État, certaines condamnations pénales, la fraude, et lorsque les conditions d’application des clauses de cessation et d’exclusion de l’article 1 C, D, E et F de la Convention de Genève sont réunies [31]. En outre, le régime de refus et de cessation du statut pour certaines condamnations pénales a été élargi aux condamnations prononcées dans un autre État membre de l’Union européenne ou dans un État tiers figurant sur une liste fixée par décret.

b) Contenu du statut de protection internationale

18« Sécuriser le droit au séjour des étrangers auxquels une protection est reconnue » est l’un des objectifs prioritaires que le gouvernement a mis en avant dans l’exposé des motifs du projet de loi. Sur ce point, les changements introduits dans notre droit réalisent incontestablement un progrès significatif, facilitant l’intégration des intéressés dans la société française. La réforme vise plus particulièrement les bénéficiaires de la protection subsidiaire et du statut d’apatride, à qui sera désormais délivré un titre de séjour pluriannuel d’une durée de quatre ans dès la reconnaissance de la protection [32], alors qu’auparavant, ils ne pouvaient accéder à un tel titre qu’après l’expiration d’une première carte de séjour « vie privée et familiale » d’un an. Le même titre pluriannuel sera délivré également aux membres de la famille du bénéficiaire. Ensuite, à l’expiration de ce premier titre de séjour, les bénéficiaires et les membres de leurs familles accéderont de plein droit à une carte de résident [33]. La délivrance de cette dernière aux membres de la famille n’est plus subordonnée à la condition d’être entrés régulièrement sur le territoire français [34]. En effet, cette condition s’était révélée en pratique un obstacle au maintien de l’unité familiale aussi bien pour certains conjoints et partenaires de réfugiés que pour des parents d’une mineure protégée contre le risque de mutilation génitale [35].

19Par ailleurs, sur le terrain de l’accès aux droits professionnels et sociaux, la loi permet désormais aux bénéficiaires de la protection de se baser, dans un premier temps, sur la composition familiale telle qu’elle a été prise en compte dans le cadre de la procédure d’asile, sans avoir à attendre la fixation définitive de l’état civil par l’OFPRA [36]. En effet, cette dernière peut prendre plusieurs mois lorsqu’elle nécessite un travail d’instruction et de reconstitution complexe, ce qui retardait auparavant l’accès à différents droits ouverts en application du code du travail, du code de la sécurité sociale, du code de l’action sociale et des familles et du code de la construction et de l’habitation.

2. La procédure

20La plupart des modifications de la procédure d’asile sont motivées par l’objectif d’accélérer le traitement des demandes, que ce soit dans la phase menant à la décision de l’OFPRA (a) ou au stade des voies de recours (b). Il convient de noter toutefois, en sens contraire, que le délai de recours contre les décisions de transfert Dublin - que la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 avait réduit à 7 jours - a été ramené à 15 jours, comme c’était le cas auparavant [37]. Par ailleurs, la loi réforme également les conditions matérielles d’accueil des demandeurs d’asile (c).

a) Procédure devant l’OFPRA

21Missions externalisées - Au cours des deux dernières années, l’OFPRA a réalisé une série de missions dans des États tiers à l’Union européenne, en vue de la réinstallation en France de personnes éligibles à la protection internationale. De telles missions ont été effectuées au Sahel (Tchad et Niger) et au Proche et Moyen-Orient (Liban, Turquie, Jordanie), où les officiers de protection ont directement mené des entretiens personnels avec les demandeurs d’asile. Afin de garantir la pérennité de cette pratique, un nouveau chapitre, à article unique, a été introduit dans le CESEDA, appelé « la dimension extérieure de l’asile » [38]. Toutefois, ce texte prévoit simplement la possibilité d’organiser ces missions de réinstallation et précise que les intéressés sont autorisés à venir s’établir en France, ce qui leur permet de rejoindre le territoire français en évitant les risques des routes migratoires. Il ne pose pas de véritable cadre légal. La situation des demandeurs déboutés n’est pas évoquée et l’exercice d’un recours semble difficilement concevable. Rien n’est précisé non plus quant à l’articulation de ces missions avec les programmes de réinstallation du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.

22Mesures relatives à la communication avec le demandeur - Certains changements, qui sont motivés par un souci d’efficacité, ne sont pas exempts de risque pour la qualité de la communication avec le demandeur. En effet, aussi bien la convocation à l’entretien personnel que la notification de la décision prise par l’OFPRA à l’issue de la procédure peuvent désormais être réalisées de façon dématérialisée, par tout moyen garantissant la confidentialité et la réception personnelle [39], sauf si le demandeur établit qu’il n’est pas en mesure d’accéder au procédé électronique [40].

23Un autre changement - d’apparence technique mais aux conséquences pratiques importantes - concerne les modalités de choix de la langue dans laquelle le demandeur est entendu au cours de la procédure. Alors qu’auparavant, le choix se faisait en plusieurs temps, permettant au demandeur de revenir sur son choix initial s’il n’en avait pas immédiatement compris les enjeux, il se fait désormais une fois pour toutes, et pour toute la procédure, au moment de l’enregistrement de la demande au guichet unique pour demandeurs d’asile [41]. À défaut de choix, ou si la demande ne peut être satisfaite, le demandeur peut être entendu dans une langue dont il a une connaissance suffisante - ce qui constitue une notion particulièrement vague et difficile à évaluer - et qui est sélectionnée par l’agent du guichet unique. Une contestation du choix est possible seulement à l’occasion du recours contre la décision de l’OFPRA devant la CNDA. Celle-ci annule la décision de l’office si le demandeur a été dans l’impossibilité de se faire comprendre lors de l’entretien, faute d’avoir pu bénéficier d’un interprète dans la langue choisie ou dans une autre langue dont il a une connaissance suffisante [42]. Ce nouveau régime linguistique risque de compromettre la possibilité pour certains demandeurs de communiquer clairement.

24L’aiguillage entre la procédure normale et la procédure accélérée - Afin de réduire la durée de la procédure d’asile, le législateur a multiplié les situations dans lesquelles les demandes sont examinées en procédure accélérée, ce qui a notamment pour conséquence qu’en cas de recours, la CNDA statue à juge unique dans un délai réduit de 5 semaines, contre 5 mois en formation collégiale dans le cadre de la procédure normale. En effet, alors que le demandeur disposait auparavant d’un délai de 120 jours à compter de son entrée en France pour déposer sa demande d’asile, la loi a réduit ce délai à 90 jours (60 jours seulement en Guyane) [43]. Passé ce délai, la demande reste recevable, mais sera automatiquement examinée en procédure accélérée, ce qui augmentera considérablement le nombre, déjà élevé, de dossiers traités en procédure accélérée [44]. Cette réduction s’inspire de pratiques retenues dans d’autres pays européens, notamment l’Allemagne, mais ignore les difficultés pratiques rencontrées en France dans les guichets uniques pour demandeurs d’asile (longs délais de prise de rendez-vous pour l’enregistrement de la demande) qui ne sont pas imputables aux demandeurs d’asile, mais provoquées par les effectifs insuffisants des services préfectoraux. Elle ne tient pas non plus compte des inquiétudes exprimées par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, qui avait notamment souligné que le nouveau délai ne permet pas de prendre en compte la vulnérabilité particulière de certains demandeurs [45]. En principe, l’OFPRA a la possibilité de revenir sur cet aiguillage initial et de reclasser la demande en procédure normale, mais l’usage de cette possibilité semble être plutôt rare en pratique [46] et a été restreinte par la loi pour certaines demandes lorsqu’il existe des raisons liées à l’ordre public [47].

25Mineurs accompagnants - Lorsqu’un étranger est accompagné de ses enfants mineurs, sa demande sera automatiquement considérée comme présentée également au nom des enfants, afin d’éviter les demandes successives qui risquent de ralentir la procédure [48]. Et lorsqu’il est statué sur la demande de chacun des parents, la décision accordant la protection la plus étendue est réputée prise également au bénéfice des enfants.

26Mineurs menacés de mutilations génitales - À propos des modalités de transmission du certificat médical, qui peut être requis pour les mineurs invoquant un risque de mutilation sexuelle, la loi prévoit qu’il sera désormais transmis à l’OFPRA d’office par le médecin qui l’a rédigé. Cette disposition, qui a initialement été conçue pour les seules jeunes filles exposées au risque de l’excision, a été étendue aux « individus mineurs de sexe masculin invoquant un risque de mutilation sexuelle de nature à altérer leur fonction reproductrice » [49]. L’extension ne porte à proprement parler que sur les modalités de transmission du certificat médical. Toutefois, indirectement, elle implique nécessairement que le législateur a voulu étendre aux garçons le motif de protection fondé sur le risque de mutilation sexuelle. Au regard de la volonté de rigueur affichée dans l’ensemble de la loi, cet élargissement, qui a été introduit par un amendement parlementaire contre l’avis de la rapporteure, laisse perplexe. Rien n’établit que les victimes de mutilations sexuelles masculines puissent aujourd’hui être considérées comme formant un groupe social, au sens de l’article 1-A-2 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, et ainsi accéder à la protection. Par conséquent, si dans l’absolu, il ne s’agit bien entendu pas en soi d’une mesure critiquable, il aurait fallu qu’elle s’appuie sur des données allant au-delà de l’affirmation selon laquelle « dans certaines contrées reculées, en Asie, en Russie ou encore en Inde » de telles mutilations sont pratiquées [50]. On ne peut s’empêcher de se demander si ce n’est pas le seul risque d’une discrimination au détriment des hommes qui a finalement pu faire sortir bon nombre de députés masculins de leur défiance générale à l’égard des demandeurs d’asile, à moins que ce soit tout simplement une manifestation de la mode actuelle de tout « dégenrer » [51].

b) Procédure devant la CNDA

27Droit de séjour pendant la procédure - L’un des aspects les plus critiquables de la réforme concerne le caractère suspensif du recours devant la CNDA. En principe, le recours contre la décision de l’OFPRA possède un caractère suspensif, puisqu’un droit de séjour est accordé au demandeur d’asile jusqu’à la décision de la CNDA. Toutefois, ce droit de séjour prend désormais fin, non pas à la date de la notification de la décision négative de la CNDA, mais soit à la date de sa lecture en audience publique, soit à la date de la notification de l’ordonnance lorsqu’il est statué par voie d’ordonnance [52]. Cela signifie que le préfet peut immédiatement prendre une décision d’éloignement, sans avoir à attendre la notification de la décision de la CNDA à l’intéressé [53], ce qui correspond à une pratique que le Conseil d’État avait déjà approuvée par le passé [54].

28Par dérogation au principe, il existe des cas de figure, et leur liste a été allongée par la loi, dans lesquels le droit de séjour prend fin dès la décision de l’OFPRA [55]. Le recours n’a alors pas d’effet suspensif et le demandeur peut faire l’objet d’une mesure d’éloignement avant que la CNDA ait statué [56]. L’absence de tout caractère suspensif est évidemment problématique au regard du droit à un recours effectif, garanti par l’article 13, combiné avec l’article 3 de la Convention EDH, ainsi que par l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union. Comme l’a précisé le Conseil d’État dans son avis de février 2018, le dispositif est compatible avec l’article 46 paragraphe 6 de la directive « procédure » n° 2013/32 du 26 juin 2013, mais il doit être assorti de garanties spécifiques. On se souvient, en effet, que le régime français de la procédure prioritaire d’examen des demandes d’asile avait été condamné par la Cour EDH en 2012, précisément pour absence de voie de recours effective [57]. Quant à la Cour de justice, elle admet, dans l’hypothèse où un droit de séjour n’existe pas après le rejet de la demande d’asile, qu’une mesure d’éloignement puisse être adoptée, mais exige que le demandeur dispose d’un recours juridictionnel lui permettant d’obtenir la suspension de l’ensemble des effets juridiques de cette mesure dans l’attente de l’issue du recours sur l’asile [58]. Et c’est là où le bât blesse. La complexité de la procédure que le législateur français a imaginée à cet effet défie l’entendement et la validation de la loi par le Conseil constitutionnel laisse perplexe. Sans s’interroger suffisamment sur l’effectivité du recours, ce dernier a, en effet, décidé que les dispositions ne méconnaissent aucune exigence constitutionnelle puisque le demandeur d’asile, d’une part, n’est pas privé de la possibilité d’exercer un recours contre la décision de rejet de l’OFPRA et, d’autre part, a la possibilité de demander au président du tribunal administratif la suspension de l’exécution de l’OQTF [59]. Dès mars 2018, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a attiré l’attention des autorités françaises sur le fait que la nouvelle procédure ne « semble pas de nature à écarter tout risque de nouvelle violation » de la Convention [60].

29Plus précisément, différents types de décisions négatives de l’OFPRA sont concernées : les décisions d’irrecevabilité d’une demande de réexamen, lorsqu’à l’issue d’un examen préliminaire effectué par l’OFPRA, ce dernier estime que la demande ne répond pas aux conditions légales, et les décisions de rejet prises par l’OFPRA dans le cadre de la procédure accélérée qui a été déclenchée puisqu’il s’agit d’un pays d’origine sûr, d’une demande de réexamen, ou d’une menace grave pour l’ordre public. S’y ajoutent les décisions négatives de l’OFPRA qui sont prises dans les conditions de l’article L. 571-4 CESEDA à propos de demandeurs d’asiles frappés d’un arrêté d’expulsion ou d’une interdiction du territoire français pour des activités à caractère terroriste. Un risque d’éloignement avant la fin de la procédure devant la CNDA peut alors exister et a été appréhendé au titre d’un recours spécifique. En effet, si une OQTF est prise après la décision de l’OFPRA, le demandeur peut exercer un recours devant le président du tribunal administratif en annulation de l’OQTF en application de l’article L. 512-1 CESEDA [61]. Dans ce cadre, il peut demander en même temps une suspension de l’exécution de la mesure d’éloignement jusqu’à l’expiration du délai de recours devant la CNDA, ou jusqu’à la date de la lecture en audience publique de la décision de celle-ci (ou, le cas échéant, de la notification de l’ordonnance). De même, si une OQTF avait été notifiée avant la décision de l’OFPRA et est devenue définitive, et que l’étranger a fait l’objet d’une assignation à résidence ou d’un placement en rétention administrative postérieurement à la décision de l’OFPRA, l’intéressé peut également exercer un recours en suspension d’exécution de la mesure d’éloignement devant le président du tribunal administratif, qui statue selon la procédure de l’article L. 512-1, III CESEDA [62]. Le délai pour exercer ce recours spécifique est de 48 heures à compter de la notification du placement en rétention administrative ou de l’assignation à résidence [63]. La mesure ne peut pas être mise à exécution au cours de ces 48 heures, ni avant la décision du président du tribunal administratif, si celui-ci a été saisi. Dans les différents cas de figure, la juridiction administrative fait droit à la demande de suspension de l’exécution en cas d’éléments sérieux de nature à justifier, au titre de la demande d’asile, le maintien sur le territoire durant l’examen du recours. En pratique, cela implique notamment que le juge administratif apprécie l’existence d’un risque réel de traitements contraires à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme en cas d’exécution de la mesure d’éloignement.

30Ce labyrinthe procédural ubuesque dépasse la mesure du raisonnable et aurait dû être sanctionné par le Conseil constitutionnel. L’exigence de l’effectivité du droit de recours aurait dû se traduire par une règle compréhensible et simple : le droit de séjour aurait dû prendre fin avec l’expiration du délai de recours devant la CNDA, et en cas d’exercice d’un recours, avec la décision de la CNDA.

31Audiences à distance - Un autre aspect problématique de la réforme concerne le recours à la vidéo-audience, qui peut être mise en œuvre devant la CNDA, tout comme devant le juge des libertés et de la détention [64] et devant le tribunal administratif [65]. Dans la mesure où le ressort de la CNDA couvre l’intégralité du territoire français, outre-mer inclus, on ne saurait bien entendu nier l’utilité des moyens de communication audiovisuelle. Toutefois, la tenue d’audiences à distance suppose une organisation spécifique garantissant la préservation effective des droits des justiciables, compte tenu de l’importance que revêt l’oralité dans la procédure d’asile. Or, le dispositif mis en place n’apporte pas de garanties suffisantes et, de nouveau, la déclaration de conformité à la constitution laisse perplexe. Alors qu’auparavant, le consentement du demandeur d’asile était requis pour qu’une télé-audience puisse être mise en place [66], la loi permet désormais au président de la CNDA de l’imposer contre l’avis de l’intéressé [67]. Si l’interprète est en principe présent dans la salle d’audience auprès du demandeur d’asile, cette présence physique n’est pas assurée dans toutes les hypothèses. En cas de difficulté d’obtenir le concours d’un interprète sur place, il est suffisant qu’un interprète soit présent tout au long de l’audience dans la salle où la CNDA siège, ce qui peut susciter des difficultés de compréhension si la qualité de la connexion n’est pas optimale, et nuire aux échanges entre les juges et le demandeur. De nombreuses voix avaient mis en garde contre ce dispositif, du Contrôleur général des lieux de privation de liberté [68] à la Commission nationale consultative des droits de l’homme [69], en passant par de nombreuses organisations non gouvernementales. Le Conseil constitutionnel l’a néanmoins déclaré conforme à la Constitution, après avoir simplement énuméré les différentes conditions posées par la loi [70], rejoignant ainsi la position du Conseil d’État [71]. Il faut espérer que l’exigence de « qualité de la transmission », qui figure parmi les conditions légales, soit appliquée avec la plus grande rigueur.

32Il convient de noter également que la loi a réduit le délai pour demander l’aide juridictionnelle. La demande doit désormais impérativement être faite dans les 15 jours de la notification de la décision de l’OFPRA et elle a seulement pour effet de suspendre le délai de recours, et non de l’interrompre [72]. Par ailleurs, les hypothèses dans lesquelles la CNDA statue à juge unique dans un délai de 5 semaines seulement ont été multipliées [73].

c) Conditions matérielles d’accueil

33Sur le terrain des conditions matérielles d’accueil, et dans un contexte de pénurie particulièrement préoccupante de places d’hébergement, l’objectif du législateur est d’assurer une répartition plus équilibrée sur l’ensemble du territoire, ce qui se traduit par un caractère plus directif de l’orientation des demandeurs. Le schéma national d’accueil, créé par la loi de 2015, fixe désormais également la part des demandeurs d’asile accueillis dans chaque région, et lorsque la part des demandeurs résidant dans une région excède la part fixée par le schéma, le demandeur peut être orienté vers une autre région [74]. La résidence y est obligatoire le temps de l’examen de la demande d’asile. Après l’enregistrement de la demande d’asile, l’Office français de l’immigration et l’intégration (OFII) fait une proposition d’affectation à chaque demandeur, selon sa situation personnelle et familiale, les capacités d’hébergement disponibles et la proportion de demandeurs accueillis dans chaque région. Le refus de la proposition d’affectation entraîne la perte des conditions matérielles d’accueil, même si aucune proposition concrète d’hébergement n’a pu été faite [75]. Le fait de quitter le lieu d’hébergement proposé ou la région d’orientation sans autorisation préalable, ainsi que le non-respect des exigences des autorités de l’asile (convocations aux entretiens notamment), entraînent de plein droit le refus ou le retrait des conditions matérielles d’accueil [76]. Par ailleurs, si le demandeur a présenté plusieurs demandes d’asile sous des identités différentes, le retrait des conditions matérielles d’accueil est désormais une faculté pour l’OFII [77]. L’hébergement ainsi que le versement de l’allocation pour demandeur d’asile prennent fin au terme du mois au cours duquel le droit de séjour prend fin [78].

34Sur le terrain de l’accès au marché du travail, la loi apporte un changement notable en accordant au demandeur d’asile le droit de travailler si l’OFPRA n’a pas statué sur sa demande dans un délai de 6 mois [79]. Il reste toutefois soumis aux règles de droit commun applicables aux travailleurs étrangers pour la délivrance d’une autorisation de travail.

B - L’entrée et le séjour

35Les dispositions nouvelles ne modifient pas l’architecture du droit des étrangers en matière d’entrée et de séjour. Certaines d’entre elles témoignent néanmoins de la volonté de durcir les conditions d’entrée et de séjour. D’autres sont des mesures de simplification ou d’adaptation aux règles européennes.

1. Des droits au rabais

a) L’entrée

36On a beaucoup évoqué l’image de la forteresse pour présenter la politique européenne en matière migratoire. C’est aussi l’image que les nouvelles dispositions en matière d’entrée donnent du territoire français. Elles sont destinées à parer au rétablissement des frontières intérieures dans l’espace Schengen. Non sans un certain paradoxe, on multiplie les dispositions pour régir une situation qui devrait être exceptionnelle. Il est ainsi sous-entendu que cette situation d’exception a vocation à durer.

37Jusqu’à présent, en cas de refus d’entrée, l’étranger ne pouvait être rapatrié qu’après l’expiration d’un jour franc (CESEDA, art. L. 213-2). Il était fait exception à ce délai à Mayotte. Désormais, l’exception est étendue à tous les refus d’entrée aux frontières terrestres. Le rapatriement peut être ordonné immédiatement. À cet égard, le droit s’aligne sur les pratiques constatées notamment à la frontière italienne [80]. Il serait préférable que ce soit l’inverse. Le législateur accroît ainsi le particularisme du franchissement irrégulier de la frontière terrestre, pour lequel aucune zone d’attente n’existe. La suppression du délai d’un jour franc rend de fait impossible l’exercice d’une voie de recours contre le refus d’entrée.

38Le dernier alinéa de l’article L. 213-2 précise qu’« une attention particulière est accordée aux personnes vulnérables, notamment aux mineurs, accompagnés ou non d’un adulte » mais la normativité de cette disposition, directement issue du règlement (UE) n° 2016/399 (code frontières Schengen), est fragile. Elle met surtout en lumière la possibilité de rapatrier immédiatement le mineur non accompagné, sans que soit désigné un administrateur ad hoc. L’extranéité de l’intéressé prime ici sur sa qualité de mineur, ce qui paraît difficilement conforme à la convention sur les droits de l’enfant.

39On trouve, en outre, dans un nouvel article L. 213-3-1, une disposition de circonstance destinée à faire face à l’afflux d’étrangers aux frontières intérieures de l’espace Schengen. Elle permet d’assimiler à la frontière une zone comprise entre cette frontière et une ligne tracée à dix kilomètres en deçà. Si l’étranger est interpellé dans cette zone, il peut encore faire l’objet d’un refus d’entrée. La solution ainsi retenue permet de reconnaître à l’étranger le moins de droits possible.

b) Le séjour

40En matière de séjour, les conditions de délivrance d’un certain nombre de titres sont alourdies. Ainsi l’article L. 313-6 précise que le niveau de ressources exigé du titulaire de la carte portant la mention « visiteur » est au moins égal au salaire minimum de croissance net annuel, soit 14 048,30 €, indépendamment des prestations liées au revenu de solidarité active et à l’allocation de solidarité spécifique. Cette condition, qui inscrit dans la loi la pratique préfectorale, est lourde. Elle est identique à celle existant pour la carte de résident portant la mention « résident de longue durée-UE » (art. L. 314-8) alors que les questions sont pourtant fort différentes, l’étranger visiteur n’ayant aucune vocation à rester sur le territoire français. On relève aussi un alourdissement des conditions de délivrance du titre « stagiaire ICT » [81] et du titre « salarié détaché ICT » [82] pour prévenir l’utilisation frauduleuse de ces dispositifs de transfert de main-d’œuvre au sein des groupes de sociétés [83].

41La modification la plus importante est celle de l’article L. 313-11 relative à la carte « vie privée et familiale ». L’étude d’impact avait mis en lumière la fraude consistant pour un étranger à reconnaître un enfant de mère française ou pour un homme français de reconnaître un enfant étranger qui devient alors Français, ce qui permet à sa mère de prétendre à un titre de séjour. En conséquence, il est exigé du parent étranger de justifier qu’il contribue effectivement à l’entretien et à l’éducation de l’enfant, mais aussi désormais que le parent français y contribue. Cette nouvelle exigence n’est pas sans poser problème en cas de conflit parental et risque d’accroître la situation de vulnérabilité du parent étranger et de son enfant [84]. Des tempéraments ont été apportés au cours du débat législatif. Ils sont sans doute insuffisants. Plutôt que d’établir la contribution effective de l’autre parent, l’étranger peut se prévaloir d’une décision de justice ou d’un titre exécutoire relatifs à cette contribution [85]. À défaut, il reste la possibilité de solliciter une carte de séjour sur le fondement de la protection de la vie privée familiale. L’article 313-11, 6° le dit expressément mais la précision est bien inutile. Elle fait double emploi avec l’article L. 313-11, 7° et est imposée par le respect des droits fondamentaux, a fortiori lorsque le statut de citoyen européen de l’enfant français est en cause. Il est en effet acquis depuis l’arrêt Ruiz-Zambrano que sous réserve de considérations d’ordre public, un droit au séjour doit être reconnu au parent, ressortissant d’un État tiers, d’un citoyen européen pour éviter que celui-ci soit privé de son statut fondamental [86].

42Dans le même but de lutte contre la fraude, la loi modifie les règles de droit civil relatives à la reconnaissance de lien de filiation (C. civ., art. 316 à 316-5), lien dont pourrait découler un droit au séjour sous couvert d’une carte « vie privée et familiale » [87]. La loi du 10 septembre 2018 adopte un système complexe et disproportionné dans la mesure où il paraît peu conforme à l’intérêt de l’enfant et où il existait déjà des outils pour lutter contre les reconnaissances frauduleuses. Il a été relevé que « la loi remplace une logique privilégiant le droit de l’enfant à une identité en laissant ensuite l’option éventuelle d’y revenir par décision judiciaire par une logique inverse sans que rien ne le justifie » [88]. D’une part, le nouveau dispositif prévoit que l’auteur de la reconnaissance doit fournir des justificatifs d’identité et de domicile datés de moins de 3 mois. Il est à craindre que cette exigence conduise purement et simplement à priver l’étranger en situation irrégulière de la possibilité de faire enregistrer un acte de reconnaissance. D’autre part, il est établi un système de contrôle a priori des reconnaissances, calqué sur le système d’opposition à mariage. Ce système de contrôle des reconnaissances n’est pas nouveau : il avait été instauré par la loi du 24 juillet 2006 pour Mayotte. Une fois encore, les solutions dérogatoires adoptées au nom des spécificités caractérisant l’outre-mer [89] inspirent un durcissement des règles de droit commun. Le législateur n’a pas envisagé la question des reconnaissances faites à l’étranger. Une nouvelle fois, il a raisonné dans un cadre strictement franco-français [90]. Pourtant toute question de droit des étrangers suscite des questions de droit international privé et le législateur aurait pu y penser, comme il l’avait fait en prévoyant un arsenal pour les mariages célébrés à l’étranger. L’absence de dispositions pour les reconnaissances faites à l’étranger n’est pas nécessairement signe de clémence et il est vraisemblable que le ministère public sera très suspicieux lorsqu’il sera demandé aux autorités françaises de faire produire un quelconque effet à ces reconnaissances.

43Au titre des contrôles sur le séjour, trois modifications doivent être signalées.

44D’abord, la retenue pour vérification du droit au séjour (art. L. 611-1-1) fait l’objet d’aménagements. La réforme peut surprendre au regard du satisfecit donné à la procédure initiale dans l’étude d’impact. Le changement a néanmoins été justifié pour tenir compte du cas spécifique de l’interpellation en fin de journée d’un étranger peu coopératif. La durée maximale de la mesure de rétention passe de 16 à 24 heures, ce qui la rapproche de la garde à vue alors que le législateur avait délibérément retenu une durée différente pour éviter toute confusion. Parallèlement, les pouvoirs de police sont étendus : la fouille des bagages et des effets personnels de la personne retenue est possible avec l’accord de celle-ci ou, à défaut, après information du procureur de la République. La finalité de ces fouilles devrait être de faciliter la vérification du droit au séjour, mais on peine à s’en convaincre. Le Conseil d’État a d’ailleurs indirectement formulé une réserve : la fouille ne peut avoir pour objet que la vérification du droit au séjour et de circulation de l’étranger retenu [91]. On voit mal comment cette exigence va pouvoir être garantie.

45Ensuite, l’utilisation ou la fourniture d’une fausse attestation en vue d’obtenir un titre de séjour ou de bénéficier d’une protection contre l’éloignement est désormais sanctionné pénalement [92].

46Enfin, le législateur a prévu la création d’un fichier des mineurs non accompagnés. Il a été institué par le décret n° 2019-57 du 30 janvier 2019 [93]. Il est destiné, suivant la technique éprouvée du double langage, à mieux garantir la protection de l’enfance et à lutter contre l’entrée et le séjour irréguliers. À lire le détail des finalités indiquées (identification, lutte contre la fraude documentaire, prévention du détournement du dispositif), ce deuxième objectif paraît l’emporter : il est apparu nécessaire de lutter contre le protection shopping ou encore le nomadisme des intéressés. Dans ce contexte, il est à craindre que le nouveau fichier ne mette l’accent sur l’extranéité de l’intéressé, là où il devrait être avant tout traité comme un enfant. Le dispositif s’efforce de respecter le RGPD : outre les finalités du traitement, il définit la nature et la durée de conservation des données enregistrées, les personnes pouvant le consulter, ainsi que les modalités de traçabilité des accès et d’exercice des droits des personnes concernées. Par ailleurs, le décret du 30 janvier 2019 modifie les modalités d’évaluation : désormais le conseil départemental qui reste compétent pour procéder à l’évaluation tant de la minorité que de l’isolement [94] peut solliciter l’aide des services préfectoraux. Au-delà, il institue une sorte de coopération entre les départements et les services de l’État qui se doivent des informations mutuelles. L’intervention des services de l’État est destinée à harmoniser les pratiques d’évaluation très variables d’un département à l’autre. Le texte précise que l’étranger qui se prétend mineur peut être soumis aux examens radiologiques et osseux prévus, par l’article 388 du code civil, ce qui suppose non seulement son accord mais aussi une décision judiciaire. Il intervient à un moment où la constitutionnalité de cet article est discutée [95].

2. Les mesures de simplification et d’adaptation

a) Mise en conformité avec le droit de l’Union européenne

47Parmi les nouvelles règles relatives à l’entrée et au séjour, certaines visent à mettre le droit français en conformité avec de récentes directives européennes. D’autres sont directement inspirées de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne.

48Pour assurer la transposition de la directive (UE) 2016/801 du 11 mai 2016 relative aux conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d’études, de formation, de volontariat et de programmes d’échange d’élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair, de nouvelles cartes sont créées : une carte de séjour « jeune au pair » d’une durée d’un an renouvelable une fois [96], une carte de séjour « étudiant - programme de mobilité » pluriannuelle [97]. La carte de séjour temporaire « étudiant » peut désormais porter la mention « étudiant programme de mobilité », si l’étudiant est inscrit dans un tel programme européen [98]. Quant au passeport talent, il peut porter la mention « chercheur programme de mobilité » [99].

49Pour faciliter la transition entre le statut étudiant ou le statut chercheur - les deux catégories étant assimilées de façon surprenante - et le statut travailleur, il est créé une carte de séjour temporaire limitée à un an et non renouvelable mention « recherche d’emploi ou création d’entreprise » [100]. Jusqu’alors, seule la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour était prévue. L’objectif, celui de la directive, est de simplifier les démarches administratives des étudiants inscrits et des chercheurs actifs dans l’Union européenne.

50Le législateur se conforme à l’interprétation de la directive « retour » [101] et tire les conséquences de l’arrêt Affum[102] en abrogeant l’article L. 621-2, 2° qui sanctionnait pénalement le franchissement irrégulier d’une frontière intérieure à l’espace Schengen. Récemment encore, la Cour de cassation avait dû rappeler, en relevant d’office le moyen, que l’entrée irrégulière en France ne justifie pas un placement en garde à vue tant que la procédure de retour organisée par la directive 2008/115/CE n’a pas été menée à son terme [103]. L’incrimination subsiste néanmoins en cas de franchissement irrégulier d’une frontière extérieure. Parallèlement, le délit de solidarité est retouché à la marge pour tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel faisant découler du principe de fraternité la liberté d’aider autrui dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national [104]. Il demandait ainsi au législateur de modifier le fait justificatif pour l’aide au séjour et à la circulation irréguliers afin de dépénaliser l’aide apportée dans un but exclusivement humanitaire. C’est maintenant chose faite avec l’article L. 622-4 nouveau, qui a déjà été appliqué aux affaires en cours en tant que loi pénale plus douce [105]. L’aide à l’entrée irrégulière reste en revanche sanctionnée. Le Conseil constitutionnel le justifie par la nécessité de lutter contre l’immigration irrégulière [106].

b) Mesures de simplification et d’amélioration de dispositifs existants

51Les mesures présentées ici sont quelque peu hétérogènes. Il est inutile de chercher à faire un lien entre elles.

52Les mineurs étrangers, qu’ils soient nés en France ou à l’étranger, se verront attribuer un document de circulation [107]. Auparavant le mineur né en France recevait un titre d’identité républicain. Cette simplification bienvenue en ce qu’elle met un terme à une distinction inutile s’accompagne néanmoins de mesures contestables pour les mineurs résidant à Mayotte [108].

53Les mesures relatives à l’intégration qui ne figuraient pas dans le projet de loi initial s’efforcent avec peine de pallier l’absence d’une loi réformant le dispositif d’intégration [109]. Le contrat d’intégration républicaine, prévu à l’article L. 311-9, a désormais pour objet, outre la formation civique et linguistique, l’intégration sociale et professionnelle afin de favoriser l’autonomie de l’étranger. Les cours de langue dispensés par l’OFII pourront donner lieu à une certification du niveau pour renforcer l’employabilité de l’intéressé. En outre, à titre expérimental dans certains départements, il est prévu qu’à l’expiration de la carte de séjour annuelle ou pluriannuelle, l’étranger qui en a sollicité le renouvellement conserve l’intégralité de ses droits sociaux ainsi que le droit d’exercer une activité professionnelle [110]. Pour sécuriser (le terme est à la mode) le parcours de l’étranger, il serait souhaitable que ce dispositif soit généralisé et pérennisé.

54L’immigration choisie n’est pas oubliée. Les conditions d’accès au passeport talent créé par la loi du 7 mars 2016 ont été jugées trop strictes. Dans certains cas l’employeur devait avoir le label « jeune entreprise innovante ». Il suffit désormais que l’entreprise soit reconnue innovante par un organisme public [111]. Dans d’autres cas, il fallait que le bénéficiaire ait une renommée nationale ou internationale. On se satisfait maintenant qu’il soit susceptible de participer de façon significative et durable au développement économique, au développement de l’aménagement du territoire ou au rayonnement de la France. Les domaines d’activité concernés sont élargis à l’artisanat [112]. Les membres de la famille bénéficiaires du passeport talent « famille » sont redéfinis pour intégrer l’enfant de l’un des membres du couple, là où n’étaient visés que les enfants du couple [113]. Ces membres auront par ailleurs accès à la carte de résident longue durée-UE [114].

55Le séjour de l’étranger malade est à nouveau l’objet de l’attention du législateur qui permet au service médical de l’OFII de solliciter avec l’accord de l’étranger les professionnels de santé qui l’ont soigné [115]. La mesure devrait permettre de faciliter l’instruction du dossier mais certains lui reprochent de porter atteinte au secret médical. L’avis du collège de médecins ne lie pas l’autorité administrative mais désormais en cas d’avis favorable, elle devra par une décision spécialement motivée justifier son refus.

56Un nouvel article L. 313-14-1, introduit par voie d’amendement parlementaire et qualifié d’amendement Emmaüs, prévoit qu’un ressortissant étranger, accueilli, depuis plus de trois ans, dans un organisme de réinsertion (un organisme d’accueil communautaire et d’activités solidaires - OACAS - réglementé par l’art. L. 265-1 CASF) peut bénéficier d’une carte de séjour « vie privée et familiale » ou « activité salariée » dès lors qu’il justifie du caractère réel et sérieux de son activité et de ses perspectives d’intégration. Cet article qui complète le dispositif de régularisation (admission exceptionnelle au séjour) contribue à rendre illisible le CESEDA. La solution avait auparavant été mise en œuvre par voie de circulaire (Circ. « Valls » du 28 nov. 2012), ce qui paraissait plus adapté, mais les préfectures tendaient à ne plus s’y conformer.

57Enfin, concernant la protection des personnes vulnérables, la loi du 10 septembre 2018 corrige une imperfection de l’article L. 316-3 issu de la loi de 2016 qui autorisait les étrangers victimes de violences conjugales titulaires d’une carte de séjour temporaire à exercer une activité professionnelle, mais pas les étrangers exposés à un risque de mariage forcé et placés sous ordonnance de protection. Désormais les deux catégories obtiendront de plein droit le renouvellement de leur carte de séjour temporaire même dans les cas où l’ordonnance de protection n’est plus en vigueur. Encore faut-il que la victime ait porté plainte contre l’auteur des faits. La carte restera valable pendant la durée de la procédure pénale. En cas de condamnation définitive de l’auteur des violences, la victime se voit délivrer une carte de résident [116].

C - L’éloignement

58L’objectif de renforcer l’efficacité de la lutte contre l’immigration irrégulière se traduit par une série de modifications qui affectent à la fois le régime des décisions d’éloignement (1), les modalités de leur exécution lorsqu’elles impliquent des mesures privatives de liberté (2), ainsi que le contentieux qui se développe à leur sujet (3).

1. La décision d’éloignement

59Le législateur a durci le régime de l’obligation de quitter le territoire français (OQTF) par une série de reformulations ponctuelles, d’une lecture au demeurant particulièrement ardue, dont on peut dégager trois points principaux.

a) L’OQTF visant un demandeur d’asile débouté

60Concernant les demandeurs d’asile déboutés, l’objectif du législateur est d’assurer un éloignement aussi rapide que possible. À cette fin, il a rationalisé le traitement des demandes de titres de séjour au détriment du demandeur d’asile. L’article L. 311-6 précise en effet que le demandeur d’asile est invité à solliciter son admission au séjour en invoquant les différents fondements envisageables [117]. Il s’agit d’empêcher le dépôt de demandes dilatoires formulées en série après un rejet de la demande de protection. Comme le suggérait le Conseil d’État [118], il appartient à l’autorité administrative d’informer l’étranger des motifs de délivrance des titres de séjour et de la nécessité de concentrer les demandes. La solution n’est pas sans rappeler l’arrêt Cesareo qui exige du plaideur qu’il concentre l’ensemble de ses moyens à l’appui de sa prétention lors de l’instance [119]. Son excessive rigidité a été dénoncée, alors que le cadre qu’impose le déroulement du procès civil est sans doute plus propice aux exigences procédurales que celui des demandes de titres de séjour. La solution paraît donc disproportionnée, sauf à admettre que l’information délivrée à l’étranger va réellement lui permettre de se retrouver au sein des différents titres de séjour. Le doute est permis dès lors que même les juristes chevronnés peinent à ne pas s’égarer dans les arcanes du CESEDA. La mesure permet une instruction parallèle des deux demandes (demande d’asile et demande de titre de séjour), conduisant le cas échéant à deux décisions concomitantes, ou du moins rapprochées, de rejet. Le refus de titre de séjour qui intervient dans ces conditions pourra donner lieu à une OQTF fondée exclusivement sur le refus de l’asile, ce qui a des conséquences sur le terrain des voies de recours, puisque la procédure est alors plus expéditive que celle applicable aux OQTF fondées sur un refus de titre de séjour [120].

b) L’OQTF sans délai de départ volontaire

61La loi multiplie les hypothèses dans lesquelles une OQTF peut être prononcée sans qu’un délai de départ volontaire ne soit accordé à l’intéressé. Le fondement réside dans la notion de risque de fuite, qui justifie selon la directive « retour » que ce délai soit refusé [121]. La notion de risque de fuite reçoit dans la loi une interprétation extensive [122] qui, dans l’ensemble, est critiquable, sauf dans l’hypothèse où l’intéressé a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à l’OQTF [123], laissant effectivement présumer un risque de fuite. Dans les autres cas, les conséquences importantes découlant du refus de délai de départ volontaire [124] paraissent disproportionnées au regard de la facilité permettant désormais de caractériser l’existence du risque de fuite.

62Ainsi, il suffit d’avoir fait usage de faux documents de séjour ou d’identité, ou de vrais documents établis sous un autre nom, pour être considéré comme présentant un risque de fuite [125]. Il en va de même si l’étranger est entré irrégulièrement sur le territoire d’un autre État de l’espace Schengen, y a fait l’objet d’une décision d’éloignement exécutoire ou s’y est maintenu sans justifier d’un droit de séjour [126]. S’y ajoutent plusieurs nouvelles hypothèses dans lesquelles le préfet pourra considérer que les garanties de représentation sont absentes ou insuffisantes, ce qui établit également un risque de fuite [127]. Si l’ensemble de ces circonstances objectives ne conduisent pas à une présomption irréfragable de risque de fuite puisqu’elles sont susceptibles d’être contredites sur la base d’un examen de la situation individuelle de l’intéressé [128], il semble néanmoins particulièrement difficile pour ce dernier d’apporter la preuve contraire.

c) L’OQTF avec interdiction de retour

63Sur le terrain des OQTF avec interdiction de retour, la loi rend le droit français conforme à la jurisprudence de la Cour de justice, selon laquelle la durée de l’interdiction de retour doit être calculée à partir de la date à laquelle l’intéressé a effectivement quitté le territoire (date de l’exécution de l’OQTF), et non à laquelle l’interdiction a été notifiée à l’intéressé, ce qui opère indirectement un allongement de la durée [129]. En sens inverse, la durée de l’interdiction de retour a été ramenée de trois à deux ans dans l’hypothèse où l’étranger avait initialement bénéficié d’un délai de départ volontaire qu’il n’a pas respecté [130]. Dans les deux cas de figure, des circonstances humanitaires peuvent justifier l’absence d’interdiction de retour.

2. L’exécution de la décision d’éloignement

64Afin de faciliter l’exécution de la décision d’éloignement, les mesures privatives de liberté ont été renforcées. L’une des mesures emblématiques de la loi est l’allongement de la durée de la rétention administrative (b), mais la réforme apporte également un certain nombre de changements sur le terrain de l’assignation à résidence (a).

a) L’assignation à résidence

65La loi du 10 septembre 2018 crée de nouveaux cas permettant d’assigner à résidence un demandeur d’asile dont le droit de séjour sur le territoire français a pris fin [131], qui s’ajoutent aux nouvelles hypothèses introduites par la loi du 20 mars 2018. Par ailleurs, elle permet une assignation à résidence (ou un placement en rétention) des demandeurs d’asile dont la demande est toujours en cours d’examen, mais qui font l’objet d’une mesure d’expulsion, ou d’une peine ou mesure d’interdiction du territoire [132].

66Parallèlement, la loi renforce les contrôles exercés sur les personnes assignées à résidence, notamment par la fixation de plages horaires durant lesquelles l’étranger ne doit pas quitter son domicile, permettant son appréhension à domicile en vue de l’éloigner ou de le placer en rétention administrative [133]. En revanche, la durée de validité de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la visite domiciliaire a été ramenée de 6 à 4 jours, ce qui conduit à revenir sur l’allongement opéré par la loi du 20 mars 2018.

67À côté de l’assignation à résidence à proprement parler, la loi crée de nouvelles mesures qui y ressemblent, tout en étant soumises à un régime dérogatoire. Ainsi, l’étranger qui fait l’objet d’une OQTF avec délai de départ volontaire peut désormais être contraint à résider en un lieu déterminé pendant toute la durée du délai de départ et à remettre son passeport aux autorités [134]. L’objectif est de réduire le risque que le délai de départ soit mis à profit pour échapper à l’OQTF [135]. Pourtant, par hypothèse, lorsqu’un délai de départ est accordé, un risque de fuite n’est pas avéré. Par ailleurs, concernant les personnes qui ont fait l’objet d’une assignation à résidence de longue durée qui a pris fin, il est désormais prévu qu’un régime de surveillance spécifique pourra en prendre le relais [136].

b) La rétention administrative

68Durée de la rétention - La durée maximale de la rétention administrative a été portée de 45 à 90 jours (et même à 210 jours, en cas de terrorisme [137]), contre tous les avis [138] et contre tout bon sens fondé sur les statistiques, qui sont d’ailleurs tellement connues qu’on ose à peine les rappeler : en 2017, 80 % des éloignements ont eu lieu entre le premier et le 25e jour de la rétention [139]. Après le 17e jour, le taux d’éloignement tombe en-dessous de 2 %. Par ailleurs, le nombre d’éloignements depuis les centres de métropole est resté pratiquement identique entre 2010 et 2017 (environ 10 000 personnes) alors que la durée maximale de la rétention est passée de 32 à 45 jours à partir de 2011. Le législateur motive ce nouvel allongement par la difficulté - réelle - d’obtenir les laissez-passer des pays d’origine, et par l’existence - non contestable - de durées maximales plus longues dans d’autres États membres de l’Union. On ne voit néanmoins pas comment la mesure pourrait avoir un impact sur le taux d’éloignement effectif, dans la mesure où certains consulats refusent par principe la délivrance de laissez-passer. Or, l’existence d’une perspective raisonnable d’exécution de la mesure constitue le seul motif justifiant légalement le maintien en rétention ; lorsqu’il n’existe plus de perspective raisonnable d’éloignement, l’autorité doit mettre fin à la privation de liberté [140].

69La chronologie est désormais la suivante [141] : 48 heures après la décision de placement en rétention, le juge des libertés et de la détention se prononce sur la prolongation de la rétention pour une durée maximale de 28 jours [142]. Les principes sont restés inchangés jusqu’à ce stade. En revanche, à l’issue de cette période, le juge judiciaire peut ordonner une nouvelle prolongation, désormais de 30 jours, sur le fondement de motifs assouplis et sans que le préfet n’ait à justifier des diligences accomplies en vue de l’éloignement [143]. La Cour de cassation avait imposé une vérification non seulement de l’accomplissement des diligences nécessaires à l’éloignement, mais aussi que les obstacles à l’éloignement pouvaient être surmontés dans de brefs délais conformément aux exigences légales [144]. C’est cette jurisprudence que le législateur a voulu contrer. Après ces 60 premiers jours de la rétention, deux nouvelles prolongations peuvent être ordonnées, à titre exceptionnel, chacune pour une durée de 15 jours, dans quatre cas [145], aboutissant au séquençage suivant : 48 heures + 28 jours + 30 jours + 15 jours + 15 jours = 90 jours au total. L’ensemble a été déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel sous la réserve que le juge des libertés et de la détention conserve la possibilité d’interrompre à tout moment la prolongation du maintien en rétention, de sa propre initiative ou à la demande de l’intéressé, lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient (points 75 et 76 de la décision).

70Rétention des mineurs - Un autre point tout aussi contestable concerne la rétention des mineurs, qui reçoit - ici également contre tous les avis [146] - un fondement légal lorsque le mineur accompagne un étranger lui-même placé en rétention [147]. Le texte est tout en subtilité, proclamant que le mineur de dix-huit ans « ne peut faire l’objet d’une décision de placement en rétention », mais qu’il peut être « retenu » en tant qu’accompagnateur [148], et que pour l’application de cette disposition, son intérêt supérieur doit être une considération primordiale. Si tel était réellement le cas, aucune famille avec enfants ne se trouverait en centre de rétention, d’autant que le lien unissant l’étranger et le mineur n’est pas défini par la loi, et que l’on n’est donc même pas sûr qu’il s’agisse bien d’un membre de sa famille. Cette lacune de la loi est susceptible d’institutionnaliser des dérives observées à Mayotte, où des mineurs ont été rattachés arbitrairement à des adultes avec lesquels ils n’avaient aucun lien. De telles atteintes aux droits de l’enfant appellent une sanction systématique de la part des tribunaux. Le Conseil constitutionnel a néanmoins estimé que le texte réalise une mise en balance satisfaisante des intérêts, sans même identifier ce problème de l’absence de définition du lien qui doit exister entre l’adulte et l’enfant censé l’accompagner. La décision ne laisse pas beaucoup de marge de manœuvre au juge judiciaire, dès lors que le principe de la compatibilité de la rétention avec l’intérêt de l’enfant est affirmé [149].

71L’approche sur la vulnérabilité et le handicap est similaire : en proclamant la nécessité de prendre en compte ces facteurs pour tout placement en rétention [150] (et pas seulement pour les personnes sous procédure « Dublin », comme c’était le cas auparavant), la loi admet en même temps indirectement que les personnes souffrant d’un handicap ou d’une vulnérabilité particulière puissent être placées en rétention.

72La rétention administrative des demandeurs d’asile avait déjà été réformée, sous la contrainte européenne [151], par la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 qui a précisé pour les « dublinés » la notion de risque de fuite [152]. Elle a été réformée une nouvelle fois par la loi « Collomb », notamment pour élargir les possibilités de placement en rétention des demandeurs d’asile déboutés [153].

73Par ailleurs, l’exercice des droits durant la rétention (communication, assistance, conseil, etc.) est désormais limité à la période de présence dans le lieu de rétention, au sens strict, ce qui exclut notamment les temps de transfert, et peut de ce fait rendre l’exercice des voies de recours difficile, compte tenu de la brièveté de certains délais [154].

3. Le contentieux de l’éloignement

74Le contentieux de l’éloignement est réputé pour son extrême complexité du fait, d’une part, de la dualité des ordres juridictionnels, conduisant à une division des compétences entre le juge des libertés et de la détention et le juge administratif, et, d’autre part, de la coexistence au sein de la justice administrative du juge administratif de droit commun et du juge de l’asile. Si le législateur a imaginé un régime de recours concernant l’éloignement des demandeurs d’asile déboutés dont il a déjà été montré que la complexité défie l’entendement (v. supra, « Procédure devant la CNDA »), il a en revanche réalisé une meilleure articulation entre le juge administratif et le juge judiciaire sur le terrain des OQTF accompagnées d’une mesure privative ou restrictive de liberté qui mérite d’être saluée.

75On notera tout d’abord que le régime du recours contre l’OQTF en l’absence de mesure privative de liberté n’a pas fait l’objet de changement notable. En revanche, lorsque l’OQTF est assortie d’un placement en rétention administrative, des modifications sont à signaler. Le juge administratif est seul compétent pour statuer sur le recours contre la décision d’éloignement [155]. Il l’est également concernant la fixation du pays de renvoi [156]. De son côté, le juge judiciaire est seul compétent pour statuer sur le recours contre la décision de placement en rétention, ainsi que sur la demande de prolongation de celle-ci [157]. Le délai de recours est, dans les deux cas, de 48 heures à compter de la notification de la décision contestée. Le juge judiciaire dispose désormais d’un délai de 48 heures pour statuer, alors que le juge administratif doit prendre sa décision dans un délai de 96 heures à compter de l’expiration du délai de recours [158], ce qui permet au juge judiciaire de se prononcer en principe avant le juge administratif. Afin d’assurer une meilleure coordination entre les deux juridictions qui sont saisies concomitamment, il est prévu que le juge des libertés et de la détention informe sans délai le juge administratif du sens de sa décision relative à la rétention. Si ce dernier annule l’OQTF alors que le juge judiciaire avait ordonné la prolongation de la rétention, il y est immédiatement mis fin [159].

76Dans l’hypothèse où le juge des libertés et de la détention refuse de prolonger le maintien en rétention, soit pour remettre l’étranger en liberté, soit pour l’assigner à résidence, la loi allonge à 10 heures le délai durant lequel l’étranger est maintenu à la disposition de la justice, pour permettre au procureur de la République d’interjeter appel contre la décision et obtenir du premier président de la cour d’appel une suspension des effets [160]. La règle s’applique aussi bien dans le cadre d’une première demande de prolongation que dans celui d’une seconde prolongation. Il est assez troublant de lire que l’étranger a, entre autres, le droit de s’alimenter pendant ces 10 heures. Il fallait donc l’inscrire dans la loi pour que l’étranger puisse effectivement bénéficier de ce droit ? Il est également troublant d’affirmer que l’étranger doit rester à la disposition de la justice dans des cas où il a été jugé nécessaire de le remettre en liberté.

77Lorsque l’intéressé est en détention, le recours contre l’OQTF obéit désormais à un régime propre. Le Conseil constitutionnel [161] avait considéré que le délai global de 5 jours dont disposaient l’étranger pour former son recours et le juge pour statuer portait atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif. La loi du 10 septembre 2018 précise que lorsqu’il apparaît, en cours d’instance, que l’étranger détenu est susceptible d’être libéré avant que le juge statue, le préfet informe le juge administratif qui statue dans un délai de 8 jours à compter cette information [162]. La disposition a été validée par le Conseil constitutionnel [163], alors même que l’effectivité de la voie de recours reste discutable : il paraît difficile pour un détenu de déposer un recours dans un délai de 48 heures.

78Le législateur est intervenu également pour sanctionner sévèrement (trois ans d’emprisonnement) le délit de soustraction à une décision d’éloignement ou de transfert [164]. Le délit est entendu largement : il vise précisément le refus de se soumettre aux modalités de transport et concerne les « dublinés ». La question de savoir si le prononcé d’une peine d’emprisonnement dans ces différentes hypothèses est compatible avec la directive Retour telle qu’elle a été interprétée par la CJUE dans les arrêts El Dridi[165] et Achughbabian[166] se pose.

D - L’outre-mer

79La loi n° 2018-778 confirme que l’outre-mer est un lieu d’expérimentation juridique [167]. En effet, des solutions qui étaient propres à Mayotte sont maintenant généralisées à l’ensemble du territoire. C’est le cas du contrôle des reconnaissances [168], de la suppression du délai d’un jour franc avant le rapatriement [169], du recours à la vidéo-audience sans l’accord de l’intéressé [170]. La violation des droits fondamentaux que ces mesures pouvaient impliquer avait pourtant été dénoncée [171]. Au regard des nouvelles règles spécifiques que comporte la loi du 10 septembre 2018, ce constat ne peut qu’inquiéter.

80Il n’est pas inutile de rappeler l’origine des régimes dérogatoires en outre-mer [172]. Leur adoption est traditionnellement justifiée par la situation et les difficultés particulières tenant à l’éloignement du territoire, parfois à son insularité, mais aussi à l’importance des flux migratoires locaux dont découlent des contraintes d’ordre public particulières. Ces justifications trouvent grâce aux yeux tant du Conseil constitutionnel [173] que du Conseil d’État [174]. Plus spécifiquement, à propos de la Guyane, mais le raisonnement est transposable à d’autres collectivités d’outre-mer, le Conseil constitutionnel a justifié l’absence de caractère suspensif du recours dirigé contre la mesure d’éloignement en faisant état des difficultés durables du département en matière de circulation internationale des personnes : l’atteinte portée au principe d’égalité était justifiée par l’objectif de lutte contre l’immigration clandestine [175] mais aussi par le pouvoir d’adaptation qui découle de l’article 73 de la Constitution [176]. Si le contrôle exercé par le Conseil constitutionnel est réel [177], il ne l’a pas conduit dans le cas présent à invalider les nouvelles dispositions dérogatoires.

81Les inquiétudes exprimées tant par le Défenseur des droits [178] que par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe [179] n’ont guère produit d’effet. Il a fallu que la Cour européenne des droits de l’homme condamne la France par l’arrêt de Souza Ribeiro[180], pour que le législateur admette de modifier a minima les choses par la loi du 7 mars 2016 [181]. Mais avec la loi du 10 septembre 2018, on repart dans une spirale inverse : les règles dérogatoires se multiplient.

82Leur conformité aux droits fondamentaux est discutable. Relativement à l’exigence d’un recours effectif, la Cour européenne des droits de l’homme a indiqué que « L’effectivité commande des objectifs d’accessibilité et de réalité » [182]. Elle a également précisé que « la hâte avec laquelle la mesure de renvoi a été mise en œuvre a eu pour effet en pratique de rendre les recours existants inopérants donc indisponibles » [183]. Concernant l’absence de recours effectif contre la décision de maintien en rétention de l’étranger qui forme une demande d’asile, le Conseil d’État a jugé cet état du droit conforme au droit de l’Union, mais, par le biais d’une réserve d’interprétation, il a reconnu un caractère suspensif, de plein droit, aux procédures de référé relatives aux décisions de maintien en rétention [184]. L’étranger bénéficie donc des garanties requises, mais il lui sera difficile de les faire valoir faute pour elles d’être lisibles.

83La conformité des nouvelles dispositions propres à l’outre-mer aux droits fondamentaux n’est pas davantage assurée. Le Conseil constitutionnel les a néanmoins validées principalement au nom de la faculté d’adaptation prévue par l’article 73 de la Constitution.

84Outre la procédure d’asile accélérée spécifique à la Guyane [185], les nouveautés résident dans l’adoption de règles propres à Mayotte. Les possibilités de contrôle (contrôles d’identité [186] et visites sommaires des véhicules [187]) y sont étendues, ce qui ne ferait qu’entériner les pratiques. Pour tenir compte du fait qu’à Mayotte, la durée de la rétention sans intervention du juge judiciaire est de 5 jours (au lieu de 2), le juge doit statuer dans les 24 heures (art. L. 832-1, 18° bis) pour éviter que la durée totale de la rétention avant toute décision judiciaire ne soit portée à 7 jours, ce qui serait inconstitutionnel [188]. Les autres changements sont moins cosmétiques et restreignent l’accès à la nationalité française ainsi que le droit de circuler des mineurs.

1. L’acquisition de la nationalité française à raison de la naissance à Mayotte

85Le législateur a adopté une disposition propre à Mayotte. Il en fait un territoire stigmatisé faute de pouvoir endiguer l’immigration irrégulière en provenance des Comores [189]. Un rappel des chiffres est utile. L’INSEE a relevé une augmentation importante du nombre de naissances à Mayotte. En 2017, on dénombrait 9 760 enfants nés à Mayotte. 60 % de ces enfants sont français nés d’un parent français. Pour les 40 % restants, les enfants de parents étrangers, ils vont pouvoir prétendre à la nationalité française s’ils remplissent la condition de résidence en France de cinq années depuis l’âge de 11 ou 8 ans (C. civ., art. 21.7 et 21-11). Or dans bien cas, ils ne vont pas pouvoir satisfaire à cette condition, car ils seront repartis avec leur parent sans jamais pouvoir satisfaire la condition de résidence en France ou sans jamais pouvoir l’établir. En effet, le taux de reconduite à la frontière à Mayotte est très élevé. Pour les autres, ils seront intégrés à la société française puisqu’ils y auront résidé (et vraisemblablement y auront été scolarisés) pendant au moins cinq ans et la logique du droit de la nationalité française qui repose en partie sur le droit du sol devrait leur permettre d’acquérir la nationalité française [190]. À rebours de cette logique, le nouvel article 2493 du code civil précise, pour les enfants nés à Mayotte et encore mineur à la date d’entrée en vigueur du dispositif [191], que l’acquisition de la nationalité française suppose la régularité du séjour de l’un de ses parents ininterrompu depuis plus de 3 mois au jour de la naissance. Au-delà des questions inextricables que les mesures de droit transitoire vont poser (par exemple comment peut-on prouver en 2019 que l’un des parents était en situation régulière depuis plus de 3 mois en 2001 à la date de la naissance de l’enfant ?) [192], le nouveau dispositif s’apparente à une usine à gaz. Pour permettre sa mise en œuvre, l’article 1495 du code civil prévoit en effet que l’un des parents peut demander que soit mentionné sur l’acte de naissance qu’au jour de la naissance de l’enfant, il réside en France de manière régulière, sous couvert d’un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de 3 mois. Il appartient ainsi à l’officier d’état civil d’apprécier non seulement la régularité du séjour de l’intéressé mais aussi son caractère ininterrompu. Le parent qui se heurte à un refus peut saisir le procureur de la République, à qui il appartiendra de trancher. Les modalités d’application de ces textes vont faire l’objet d’un décret en Conseil d’État mais on peut déjà imaginer les difficultés auxquelles le parent étranger, à supposer qu’il soit en possession des justificatifs permettant d’établir les conditions exigées, va se heurter. Par ailleurs, comment sera-t-il au courant de la démarche qu’il doit entreprendre. Il serait logique de prévoir que l’officier de l’état civil, au courant de son extranéité, l’en informe. Mais alors comment s’assurer que l’information due a bien été délivrée… Les arcanes administratives risquent de fait d’entraîner la suppression de l’acquisition de la nationalité française à raison de la naissance à Mayotte.

86La question de possibles dérogations en droit de la nationalité introduites au nom du principe d’adaptation de l’article 73 de la Constitution se posait pour la première fois. La doctrine était partagée. Pour certains, dans un État nation, l’accès à la nationalité doit être identique sur l’ensemble du territoire. Pour d’autres, le législateur, et non les assemblées des collectivités territoriales, reste libre d’adapter le droit de la nationalité.

87C’est cette seconde interprétation qu’a suivi le Conseil d’État, saisi pour avis par le sénateur, auteur de l’amendement à l’origine de ces dispositions. Il a relevé que les lois de nationalité appartiennent à la catégorie des « lois de souveraineté », que si elles peuvent faire l’objet d’adaptations dans les départements d’Outre-mer, elles sont soumises à un « contrôle de constitutionnalité resserré ». Il juge que les dispositions satisfont à ce contrôle en raison des particularités de la situation mahoraise (les Comoriens qui représentent 94 % des étrangers vivant à Mayotte alors que l’Union des Comores ne reconnaît pas l’appartenance de Mayotte à la République française viennent dans des conditions périlleuses soutenant l’activité des passeurs ; reconduits à la frontière, ils laissent leurs enfants seuls à Mayotte ; on y constate « une saturation des services sanitaires et une sur-occupation des établissements scolaires conduisant à une scolarisation par rotation »). Le Conseil d’État s’est borné à attirer l’attention du législateur sur la nécessité tant de mesures transitoires que d’un dispositif d’information et sur l’évolution du rôle de l’officier de l’état civil [193].

88Le Conseil constitutionnel fait sienne la position du Conseil d’État tout en étant plus évasif. Il n’adopte pas une position de principe sur l’adaptation du droit de la nationalité mais l’admet de façon implicite en évoquant les contraintes particulières propres à Mayotte qui justifient les atteintes à l’égalité. Il lie clairement immigration irrégulière et perspectives d’obtention de la nationalité française pour valider la position du législateur et considère que dès lors que les dispositions en cause sont applicables à l’ensemble des enfants nés à Mayotte, il n’y a pas discrimination.

89La solution retenue appelle les plus grandes réserves tant dans son principe que dans ses modalités d’application.

2. Un régime particulier pour les documents de circulation délivrés aux mineurs étrangers à Mayotte

90L’article L. 321-4 subordonne la délivrance à Mayotte du document de circulation à des conditions particulières, que le mineur soit né en France ou y soit entré hors regroupement familial mais régulièrement. Un certain nombre de mineurs vont donc être privés à Mayotte de la possibilité d’obtenir ce document. Pour les autres, leur situation est loin d’être satisfaisante puisque leur liberté de circulation est limitée à Mayotte. Ils se voient appliquer le même régime d’interdiction que les personnes majeures. Autrement dit, ils doivent obtenir un visa pour entrer dans d’autres départements français alors même qu’ils seraient porteurs d’un document de circulation (nouvel art. L. 321-3). Le Conseil d’État [194] estime que cette mesure devrait permettre d’éviter les « contournements de la législation » consistant pour un parent à faire entrer un mineur sur un autre département pour ensuite le rejoindre. La solution pourrait être contestée au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant mais il sera sans doute répondu que cet intérêt sera pris en compte au moment de la délivrance du visa.

Notes

  • (1)
    JORF, 11 sept. 2018, texte 1. Sur cette loi, v. déjà K. Parrot, Aperçu critique de la loi du 10 septembre 2018 relative à une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, D. 2018. 2431 ; X. Vandendriessche, La loi Immigration et asile, une nouvelle occasion manquée ?, AJDA 2018. 2234 ; V. Tchen, La loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie. Des moyens juridiques à la hauteur des ambitions affichées ?, JCP 2018. 976 ; GISTI, Droit des étrangers en France. Ce que change la loi du 10 septembre 2018, Les cahiers juridiques, déc. 2018 ; Dictionnaire permanent Droit des étrangers, Loi « asile et immigration » du 10 septembre 2018. Un puzzle de dispositions pour un texte sur mesure au service de l’administration, numéro spécial, bull. n° 281-1, oct. 2018.
  • (2)
    CE, avis, 15 févr. 2018, n° 394206.
  • (3)
    Cons. const. 6 sept. 2018, n° 2018-770 DC, AJDA 2018. 1703 ; ibid. 2401, note P. Mouzet ; AJ fam. 2018. 494, obs. V. Avena-Robardet ; Constitutions 2018. 379, chron. J.-P. Derosier ; ibid. 421, chron. L. Imbert ; ibid. 426, chron. C. Pouly.
  • (4)
    V. Circ. du 5 nov. 2018 présentant les dispositions de droit pénal immédiatement applicables.
  • (5)
    Décr. n° 2018-1142 du 12 déc. 2018 portant modification du code de justice administrative pour l’application des titres Ier et III de la loi n° 2018-778 du 10 sept. 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, JORF 14 déc. 2018, texte n° 34 ; Décr. n° 2018-1159 du 14 déc. 2018 pris pour l’application de la loi n° 2018-778 du 10 sept. 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie et portant diverses dispositions relatives à la lutte contre l’immigration irrégulière et au traitement de la demande d’asile, JORF 16 déc. 2018, texte n° 23 ; Décr. n° 2018-1359 du 28 déc. 2018 relatif aux conditions matérielles d’accueil, JORF 30 déc. 2018, texte n° 93 ; Décr. n° 2019-38 du 23 janv. 2019 relatif aux compétences des préfets en matière d’enregistrement de la demande d’asile et de mise en œuvre des procédures relevant du règlement du 26 juin 2013 dit « Dublin III », JORF 24 janv. 2019, texte n° 16.
  • (6)
    Projet présenté en Conseil des ministres le 21 févr. 2018, NOR: INTX1801788L, accompagné d’un exposé des motifs, d’une étude d’impact et de l’avis du Conseil d’État.
  • (7)
    Issue de la loi n° 2015-925 du 29 juill. 2015 relative à la réforme du droit d’asile, S. Corneloup, D. 2015. 1964 ; et de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016, D. Turpin, Rev. crit. DIP 2016. 235.
  • (8)
    CE, avis, 15 févr. 2018, n° 394206, préc., n° 7.
  • (9)
    Points 6, 9 et 10, avis préc. On ne peut que faire sienne la remarque suivante : « si la marge de manœuvre ouverte au législateur national est relativement étroite, elle pourrait utilement se concentrer sur la refonte des outils de politique publique, accompagnée de l’affectation et de la rationalisation des moyens qui doivent y être consacrés, pour mettre en œuvre les choix nécessaires de politique publique en matière d’asile et d’immigration ».
  • (10)
    Point 9, avis préc.
  • (11)
    V. CESEDA, art. L. 551-1, L. 561-2 et L. 742-4.
  • (12)
    Point 8, avis préc.
  • (13)
    K. Parrot, art. préc.
  • (14)
    V. N. Fischer, Contentieux de pauvres pour techniciens du droit, Plein droit n° 94, oct. 2012.
  • (15)
    CE, avis, 15 févr. 2018, n° 394206, préc., n° 6.
  • (16)
    Tous les cours donnés depuis la leçon inaugurale du 5 avr. 2018 sont disponibles sur le site du Collège de France : www.college-de-france.fr.
  • (17)
    Source : Eurostat, communiqué du 16 mars 2017.
  • (18)
    Source : Eurostat, communiqué du 20 mars 2018.
  • (19)
    Source : Ministère de l’Intérieur, L’essentiel de l’immigration - Les demandes d’asile, n° 2019-29, janv. 2019.
  • (20)
    Le concept d’hospitalité, développé en philosophie notamment par Kant et Derrida, est envisagé dans sa dimension juridique. Parmi les auteurs contemporains, v. M. Delmas-Marty, Aux quatre vents du monde - Petit guide de la navigation sur l’océan de la mondialisation, Seuil, 2016 ; du même auteur, Faire de l’hospitalité un principe, Le Monde, 12 avr. 2018 ; H. Muir Watt, Discours sur les méthodes du droit international privé (Des formes juridiques de l’inter-altérité), RCADI 2018, t. 389, le concept d’hospitalité est discuté à de nombreux endroits, v. not. n° 249 s. et n° 386 s. ; E. Balibar, Pour un droit international de l’hospitalité, Le Monde, 16 août 2018 ; F. Brugère, G. Le Blanc, La fin de l’hospitalité. L’Europe, terre d’asile ?, Flammarion, coll. « Champs Essais », 2018.
  • (21)
    V. notamment la décision du Conseil constitutionnel relatif au délit de solidarité : Cons. const. 6 juill. 2018, n° 2018-717/718 QPC, M. Cédric H. et autre, G. Tusseau, Le Conseil constitutionnel et le « délit de solidarité » : de la consécration activiste d’une norme constitutionnelle sous-appliquée à la révélation d’une stratégie contrainte de communication juridictionnelle ? », Rev. crit. DIP 2019. 35 ; AJDA 2018. 1421 ; ibid. 1781 ; ibid. 1786 ; ibid. 1781, note J. Roux, note V. Tchen ; D. 2018. 1894, et les obs., note C. Saas ; AJ fam. 2018. 426 et les obs. ; RFDA 2018. 959, note J.-E. Schoettl ; ibid. 966, note M. Verpeaux ; Constitutions 2018. 341, Décision ; ibid. 389, chron. B. Mathieu ; ibid. 399, chron. A. Ponseille ; RSC 2018. 1001, obs. B. de Lamy.
  • (22)
    Pacte mondial pour les migrations sûres, ordonnées et régulières, adopté par l’Assemblée générale de l’ONU les 10 et 11 déc. 2018 ; Pacte mondial pour les réfugiés, adopté par l’Assemblée générale de l’ONU le 17 déc. 2018.
  • (23)
    L’idée est suggérée par M. Delmas-Marty dans sa tribune dans le journal Le Monde, préc.
  • (24)
    MPI Europe et ICF, Study on the feasibility and added value of sponsorship schemes as a possible pathway to safe channels for admission to the EU, including resettlement, étude réalisée à la demande de la Commission européenne, oct. 2018.
  • (25)
    F. Héran, Avec l’immigration. Mesurer, débattre, agir, La Découverte, coll. « L’envers des faits », 2017.
  • (26)
    CESEDA, art. L. 611-12.
  • (27)
    Le traitement des données par les autorités publiques fait l’objet d’un encadrement strict. V. CJUE, 21 déc. 2016, aff. C-203/15 et C-698/15, Tele2 Sverige, AJDA 2016. 2466 ; ibid. 2017. 1106, chron. E. Broussy, H. Cassagnabère, C. Gänser et P. Bonneville ; D. 2017. 8 ; ibid. 2018. 1033, obs. B. Fauvarque-Cosson et W. Maxwell ; Dalloz IP/IT 2017. 230, obs. D. Forest ; JAC 2017, n° 43, p. 13, obs. E. Scaramozzino ; RTD eur. 2017. 884, obs. M. Benlolo Carabot ; ibid. 2018. 461, obs. F. Benoît-Rohmer ; Rev. UE 2017. 178, étude F.-X. Bréchot.
  • (28)
    La vidéo-audience est possible pour l’examen par le tribunal administratif du recours formé contre la décision de refus d’entrée sur le territoire français au titre de l’asile et, le cas échéant, contre celle de transfert vers l’État responsable de l’examen de la demande d’asile (CESEDA, art. L. 213-9) et du recours formé par l’étranger placé en rétention administrative, assigné à résidence ou détenu, contre une OQTF et ses décisions connexes ou contre la décision d’assignation à résidence (CESEDA, art. L. 512-1), pour l’examen par le JLD de la prolongation du maintien en zone d’attente d’un étranger et du recours formé contre la décision de ce juge (CESEDA, art. L. 222-4 et L. 222-6) ainsi que pour l’examen des recours formés devant la CNDA (CESEDA, art. L. 733-1). V. infra.
  • (29)
    CESEDA, art. L. 222-6 qui s’ajoute à l’article L. 552-9 CESEDA, issu de la loi du 7 mars 2016.
  • (30)
    CESEDA, art. L. 723-6.
  • (31)
    CESEDA, art. L. 711-4, L. 711-6, L. 712-2 et L. 712-3.
  • (32)
    CESEDA, art. L. 313-25 et L. 313-26.
  • (33)
    CESEDA, art. L. 314-11, 9° et 12°. Une carte de résident est valable dix ans.
  • (34)
    CESEDA, art. L. 314-11, 8°.
  • (35)
    Rapp. AN n° 857, 9 avr. 2018, p. 111.
  • (36)
    CESEDA, art. L. 751-3.
  • (37)
    CESEDA, art. L. 742-4.
  • (38)
    CESEDA, art. L. 714-1, introduit à l’initiative du Sénat.
  • (39)
    CESEDA, art. L. 723-6, L. 723-8, L. 723-11, L. 723-13, L. 724-3 et L. 812-3.
  • (40)
    CESEDA, art. R. 723-19.
  • (41)
    CESEDA, art. L. 741-2-1. En pratique, la communication avec les agents du guichet unique peut être difficile et ne permet pas toujours au demandeur de comprendre la portée de son choix pour la suite de la procédure.
  • (42)
    CESEDA, art. L. 733-5.
  • (43)
    CESEDA, art. L. 723-2 et L. 767-1.
  • (44)
    En 2018, parmi les premières demandes d’asile enregistrées, 34 850 étaient classées en procédure accélérée, contre 58 820 en procédure normale (et 35 220 en procédure Dublin) : Ministère de l’Intérieur, L’essentiel de l’immigration - Les demandes d’asile, n° 2019-29, janv. 2019.
  • (45)
    Lettre du 8 mars 2018, CommHR/NM/sf 005-2018. V. aussi l’avis sur le projet de loi Asile et Immigration de la CNCDH du 2 mai 2018, p. 10 s., recommandation n° 2.
  • (46)
    GISTI, art. préc., p. 13.
  • (47)
    CESEDA, art. L. 723-2, V.
  • (48)
    CESEDA, art. L. 741-1.
  • (49)
    CESEDA, art. 723-5, à propos du certificat médical requis à l’appui de la demande d’asile, qui sera désormais transmis à l’OFPRA d’office par le médecin qui l’a rédigé.
  • (50)
    Rapp. AN n° 857, 9 avr. 2018, p. 138.
  • (51)
    Selon le député E. Balanant, « Pourquoi « genrer » cet article, en effet ? Cela ne coûte pas grand-chose de renoncer à n’en faire qu’une mesure féminine et de l’ouvrir aux hommes », Rapp. AN n° 857, 9 avr. 2018, p. 138.
  • (52)
    CESEDA, art. L. 743-1.
  • (53)
    Comme la décision de la CNDA est prise plusieurs semaines après l’audience et que le requérant n’a souvent pas la possibilité de s’y rendre physiquement du fait de son éloignement géographique, une OQTF peut être prise à un moment où l’intéressé ne connaît pas encore l’issue de son recours, ni les motifs du rejet de sa demande d’asile, ce qui rend l’exercice d’un recours contre l’OQTF particulièrement difficile. V. sur ce point, GISTI, art. préc., p. 29.
  • (54)
    CE, avis, 15 févr. 2018, n° 394206, préc. renvoyant à CE 26 nov. 1993, n° 138967, Lebon ; D. 1994. 256, obs. F. Julien-Laferrière.
  • (55)
    CESEDA, art. L. 743-2. Les nouvelles hypothèses sont les suivantes : décision d’irrecevabilité d’une demande de réexamen ; pays d’origine sûr ; demande de réexamen qui n’est pas irrecevable ; menace grave pour l’ordre public ; décision de rejet ou d’irrecevabilité concernant un demandeur qui fait l’objet d’une mesure d’expulsion ou d’interdiction et qui est placé en rétention ou assigné à résidence à ce titre.
  • (56)
    CESEDA, art. L. 743-3.
  • (57)
    CEDH 2 févr. 2012, n° 9152/09, I.M. c/ France, AJDA 2012. 244 ; ibid. 1726, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D. 2013. 324, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; RFDA 2013. 576, chron. H. Labayle, F. Sudre, X. Dupré de Boulois et L. Milano.
  • (58)
    CJUE 19 juin 2018, aff. C-181/16, Gnandi, AJDA 2018. 1603, chron. P. Bonneville, E. Broussy, H. Cassagnabère et C. Gänser ; D. 2018. 1313 ; CJUE, ord., 5 juill. 2018, aff. C-269/18 PPU, Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie, AJDA 2018. 1603, chron. P. Bonneville, E. Broussy, H. Cassagnabère et C. Gänser ; v. aussi, CJUE, 26 sept. 2018, aff. C-175/17, X. (AJDA 2018. 1808) et CJUE 26 sept. 2018, aff. C-180/17, X, Y (à propos de la procédure d’appel ; la solution n’est pas automatiquement transposable à la CNDA, qui est une juridiction de première instance).
  • (59)
    Cons. const. 6 sept. 2018, n° 2018-770 DC, préc., points 31 à 34.
  • (60)
    Lettre du 8 mars 2018, CommHR/NM/sf 005-2018.
  • (61)
    CESEDA, art. L. 743-3.
  • (62)
    CESEDA, art. L. 743-4.
  • (63)
    Dans le cadre de l’art. L. 571-4, le délai de 48 heures pour saisir le président du tribunal administratif court à compter de la notification de la décision négative de l’OFPRA.
  • (64)
    Pour le contentieux du maintien en zone d’attente (CESEDA, art. L. 222-4 et L. 222-6) et du placement en rétention administrative (CESEDA, art. L. 552-12).
  • (65)
    Pour le contentieux des refus d’entrée (CESEDA, art. L. 213-9) et des OQTF (CESEDA, art. L. 512-1).
  • (66)
    Dans sa décision du 20 nov. 2003, n° 2003-484 DC, le Conseil constitutionnel avait même cité le consentement de l’intéressé parmi les conditions nécessaires à la conformité de la vidéo-audience aux exigences d’un procès juste et équitable (points 82 et 83).
  • (67)
    CESEDA, art. L. 733-1.
  • (68)
    Communiqué de presse du CGLPL sur le « projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif ».
  • (69)
    CNCDH, avis sur le projet de loi Asile et Immigration, 2 mai 2018, p. 19 s., recommandation n° 7.
  • (70)
    Cons. const. 6 sept. 2018, n° 2018-770 DC, préc., points 26 à 30 : une salle spécialement aménagée à cet effet, ouverte au public, située dans des locaux relevant du ministère de la Justice qui sont plus aisément accessibles par le demandeur que ceux de la CNDA ; garantie de confidentialité et de qualité de la transmission ; mise à disposition d’une copie de l’intégralité du dossier ; présence du conseil et de l’interprète ; procès-verbaux d’audience.
  • (71)
    CE, avis, 15 févr. 2018, n° 394206, préc., point 23.
  • (72)
    Art. 9-4 de la loi n° 91-647 du 10 juill. 1991.
  • (73)
    CESEDA, art. L. 731-2 : décisions de l’OFPRA mettant fin au statut de protection en application des art. L. 711-6 et L. 712-3, 1° ou 3° (pour le seul motif prévu à l’art. L. 712-2 d).
  • (74)
    CESEDA, art. L. 744-2.
  • (75)
    Le demandeur doit en être préalablement informé, ainsi que des conséquences du non-respect des obligations : CESEDA, art. L. 744-7.
  • (76)
    CESEDA, art. L. 744-7.
  • (77)
    CESEDA, art. L. 744-8.
  • (78)
    En cas de reconnaissance de la protection internationale, l’hébergement doit être libéré dans un délai de 3 mois.
  • (79)
    CESEDA, art. L. 744-11.
  • (80)
    V. CNCDH, avis du 19 juin 2018 sur la situation des personnes migrantes à la frontière franco-italienne, spéc. 10.
  • (81)
    CESEDA, art. L. 313-7-2.
  • (82)
    CESEDA, art. L. 313-24.
  • (83)
    L’étude d’impact accompagnant le projet de loi indiquait que « des suspicions de détournement ont été signalées en 2017 par quelques consulats [introduction de travailleurs salariés déguisés en détachements ; qualification d’experts douteux, etc.] ».
  • (84)
    En ce sens, v. Défenseur des droits, 15 mars 2018, avis 18-09.
  • (85)
    La jurisprudence était déjà en ce sens pour la preuve de sa propre contribution : CE 29 juin 2018, n° 407087 et 408778, Lebon ; AJDA 2018. 1360 ; D. 2019. 347, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; AJ fam. 2018. 463, obs. M. Saulier.
  • (86)
    CJUE 8 mars 2011, aff. C-34/09, AJDA 2011. 479 ; ibid. 1082 ; ibid. 1007, chron. M. Aubert, E. Broussy et F. Donnat, note M. Houser ; D. 2011. 1325, note S. Corneloup ; ibid. 2012. 390, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; RFDA 2011. 1225, chron. L. Clément-Wilz, F. Martucci et C. Mayeur-Carpentier ; ibid. 2012. 377, chron. L. Clément-Wilz, F. Martucci et C. Mayeur-Carpentier ; RDSS 2011. 449, note C. Boutayeb et A. Raccah ; Rev. crit. DIP 2012. 352, note J. Heymann ; RTD eur. 2011. 564, obs. E. Pataut ; ibid. 2012. 23, étude S. Platon ; ibid. 398, obs. F. Benoît-Rohmer ; Rev. UE 2013. 45, chron. E. Sabatakakis ; ibid. 2014. 596, étude H. Pongérard-Payet.
  • (87)
    V. L. Carayon, Nouvelle procédure de reconnaissance de filiation : viser les personnes étrangères, frapper tous les pères, AJ fam. 2018. 541.
  • (88)
    GISTI, art. préc., p. 62.
  • (89)
    V. infra
  • (90)
    Comp. avec le divorce sans juge.
  • (91)
    Avis préc., n° 57.
  • (92)
    C. pén., art. 441-7
  • (93)
    JORF 31 janv. texte n° 37 ; v. pour le texte du décret, infra, p. 251.
  • (94)
    Sur ce point, dans le cadre de l’assistance éducative, v. Civ. 1re, 16 nov. 2017, n° 17-24.072, AJDA 2017. 2276 ; D. 2017. 2367 ; ibid. 2018. 313, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; ibid. 1664, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; ibid. 2039, chron. C. Barel, S. Canas, V. Le Gall, I. Kloda, S. Vitse, S. Gargoullaud, R. Le Cotty, J. Mouty-Tardieu et C. Roth ; AJ fam. 2018. 172, obs. P. Pedron ; RDSS 2018. 155, note F. Monéger ; Rev. crit. DIP 2018. 810, note F. Jault-Seseke.
  • (95)
    V. la QPC renvoyée par Civ. 1re, 21 déc. 2018, n° 18-20.480, AJDA 2019. 8. Pour la réponse, v. Cons. const. 21 mars 2019, n° 2018-768 QPC, AJDA 2019. 662 ; D. 2019. 742, et les obs., note P. Parinet ; ibid. 709, point de vue H. Fulchiron ; AJ fam. 2019. 222, obs. A. Bouix.
  • (96)
    CESEDA, art. L. 313-9
  • (97)
    CESEDA, art. L. 313-27, 4°
  • (98)
    CESEDA, art. L. 313-7
  • (99)
    CESEDA, art. L. 313-20, 4°
  • (100)
    CESEDA, art. L. 313-8
  • (101)
    Sur la directive, v. K. Parrot, C. Santulli, La « directive retour », l’Union européenne contre les étrangers, Rev. crit. DIP 2009. 205.
  • (102)
    CJUE 7 juin 2016, aff. C-47/15, AJDA 2016. 1151 ; ibid. 1681, chron. E. Broussy, H. Cassagnabère et C. Gänser ; D. 2016. 1255, et les obs. ; AJ pénal 2016. 387, obs. C. Saas.
  • (103)
    Civ. 1re, 7 févr. 2018, n° 17-10.338 et 17-11.767, AJDA 2018. 304 ; D. 2018. 355 ; ibid. 2019. 347, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; déjà Civ. 1re, 7 déc. 2016, n° 15-28.426 et 15-28.427 et 9 nov. 2016, n° 13-28.349, AJDA 2017. 23 ; D. 2016. 2344.
  • (104)
    Cons. const. 6 juill. 2018, n° 2018-717/718 QPC, AJDA 2018. 1421 ; ibid. 1781 ; ibid. 1786 ; ibid. 1781, note J. Roux, note V. Tchen ; D. 2018. 1894, note C. Saas ; AJ fam. 2018. 426 et les obs. ; RFDA 2018. 959, note J.-E. Schoettl ; ibid. 966, note M. Verpeaux ; Constitutions 2018. 341, Décision ; ibid. 389, chron. B. Mathieu ; ibid. 399, chron. A. Ponseille ; RSC 2018. 1001, obs. B. de Lamy.
  • (105)
    Crim. 12 déc. 2018, n° 17-85.736, D. 2019. 49, note A. Dejean de la Bâtie ; JA 2019, n° 593, p. 10, obs. X. Delpech ; AJ pénal 2019. 92, obs. J.-B. Perrier, dans la médiatique affaire concernant Cédric Herrou, affaire à l’origine de la QPC tranchée le 6 juill. 2018.
  • (106)
    Cons. const. 6 juill. 2018, n° 2018-717/718 QPC, préc.
  • (107)
    CESEDA, art. L. 321-4.
  • (108)
    V. infra outre-mer.
  • (109)
    V. le rapport présenté en février 2018 par le député A. Taché, 72 propositions pour une politique ambitieuse d’intégration des étrangers arrivant en France, Doc. fr. 2018.
  • (110)
    CESEDA, art. L. 311-4.
  • (111)
    CESEDA, art. L. 313-20, 1° qui doit être précisé par un décret.
  • (112)
    CESEDA, art. L. 313-20, 10°.
  • (113)
    CESEDA, art. L. 313-21.
  • (114)
    CESEDA, art. L. 314-8.
  • (115)
    CESEDA, art. L. 311-11, 11°.
  • (116)
    CESEDA, art. L. 316-4.
  • (117)
    Comp. CAA Douai, 1er févr. 2018, n° 17DA00775 (AJDA 2018. 1072) affirmant qu’une nouvelle demande de titre de séjour, présentée à la suite d’un refus assorti d’une OQTF, est, lorsque l’étranger ne fait pas valoir d’éléments nouveaux, dilatoire et ne peut être enregistrée.
  • (118)
    Avis préc. n° 62.
  • (119)
    Cass., ass. plén., 7 juill. 2006, n° 04-10.672, Bull. ass. plén., n° 8 ; D. 2006. 2135, note L. Weiller ; RDI 2006. 500, obs. P. Malinvaud ; RTD civ. 2006. 825, obs. R. Perrot.
  • (120)
    CESEDA, art. L. 511-1, I 6°. Le recours contre l’OQTF relève alors de l’art. L. 512-1, I bis CESEDA : le recours est soumis à un délai de 15 jours (contre 30 jours autrement) et est examiné à juge unique, par le président du tribunal administratif (et non en formation collégiale).
  • (121)
    Art. 7 point 4 de la directive n° 2008/115 du 16 déc. 2008.
  • (122)
    En conformité avec la recommandation n° 2017/432 de la Commission européenne du 7 mars 2017, points 15 à 21.
  • (123)
    CESEDA, art. L. 511-1, II, 3°, h).
  • (124)
    Interdiction automatique de retour sur le territoire français, examen des recours contre l’OQTF en procédure accélérée, possibilité d’une assignation à résidence immédiate.
  • (125)
    CESEDA, art. L. 511-1, II, 3°, e). L’usage par des travailleurs étrangers de documents authentiques « prêtés » par des compatriotes correspond à une situation fréquente en pratique qui permet désormais le refus d’un délai de départ volontaire : Dict. perm. Droit des étrangers, bull. n° 281-1, oct. 2018, p. 44.
  • (126)
    CESEDA, art. L. 511-1, II, 3°, g).
  • (127)
    CESEDA, art. L. 511-1, II, 3°, f).
  • (128)
    CJUE, 6 déc. 2012, aff. C-430/11, Sagor, point 41, AJDA 2012. 2354 ; ibid. 2013. 335, chron. M. Aubert, E. Broussy et H. Cassagnabère ; D. 2012. 2967 ; RFDA 2013. 367, chron. C. Mayeur-Carpentier, L. Clément-Wilz et F. Martucci ; CJUE, 5 juin 2014, aff. C-146/14 PPU, Mahdi, AJDA 2014. 1651, chron. M. Aubert, E. Broussy et H. Cassagnabère.
  • (129)
    CESEDA, art. L. 511-1, III, transposant CJUE, 26 juill. 2017, Ouhrami, aff. C-225/16, AJDA 2017. 2299, chron. P. Bonneville, E. Broussy, H. Cassagnabère et C. Gänser.
  • (130)
    CESEDA, art. L. 511-1, III.
  • (131)
    CESEDA, art. L. 744-9-1.
  • (132)
    CESEDA, art. L. 571-4.
  • (133)
    CESEDA, art. L. 651-2. La durée maximale est en principe de 3 heures par période de 24 heures. La règle existait déjà auparavant mais avait une nature réglementaire dont la constitutionalité était douteuse.
  • (134)
    CESEDA, art. L. 513-4.
  • (135)
    V. l’exposé des motifs accompagnant le projet de loi.
  • (136)
    CESEDA, art. L. 541-3 al. 2. La mesure concerne les personnes sous interdiction judiciaire du territoire.
  • (137)
    CESEDA, art. 552-7 al. 5.
  • (138)
    V. parmi d’autres Commissaire aux droits de l’homme du Conseil d’Europe, Lettre du 8 mars 2018, CommHR/NM/sf 005-2018 ; CNCDH, Avis sur le projet de loi Asile et Immigration du 2 mai 2018, p. 38 s.
  • (139)
    Cimade, Centres et locaux de rétention administrative. Rapport 2017, p. 15.
  • (140)
    Art. 15(4) dir. « retour ». V. CJCE 30 nov. 2009, aff. C-357/09 PPU, Kadzoev, D. 2010. 2868, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; RSC 2010. 244, obs. L. Idot ; RTD eur. 2010. 113, chron. L. Coutron ; CJUE 28 avr. 2011, aff. C-61/11 PPU, El Dridi, AJDA 2011. 878 ; ibid. 1614, chron. M. Aubert, E. Broussy et F. Donnat ; D. 2011. 1880, note G. Poissonnier ; ibid. 1400, entretien S. Slama ; ibid. 2012. 390, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; AJ pénal 2011. 362, note S. Slama et M.-L. Basilien-Gainche ; RFDA 2011. 1225, chron. L. Clément-Wilz, F. Martucci et C. Mayeur-Carpentier ; ibid. 2012. 377, chron. L. Clément-Wilz, F. Martucci et C. Mayeur-Carpentier ; Rev. crit. DIP 2011. 834, note K. Parrot.
  • (141)
    V. S. Gargoullaud, Loi Asile et immigration, Just. et cass. 2019, à paraître.
  • (142)
    CESEDA, art. 552-1.
  • (143)
    Selon l’art. 552-7 CESEDA, les motifs justifiant la prolongation sont désormais les suivants : en cas d’urgence absolue ; de menace d’une particulière gravité pour l’ordre public ; lorsque l’impossibilité d’exécuter la mesure d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ; ou du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ; ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la mesure d’éloignement.
  • (144)
    Civ. 1re, 23 nov. 2016, n° 15-28.375, D. 2016. 2470 ; Civ. 1re, 22 oct. 2014, n° 13-26.589. Il a été suggéré de fonder un tel contrôle désormais sur l’art. L. 554-1 CESEDA : GISTI, art. préc., p. 109.
  • (145)
    CESEDA, art. 552-7 al. 5 : l’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la mesure d’éloignement ; ou présenté, dans le seul but de faire échec à la mesure d’éloignement, une demande de protection contre l’éloignement au titre du 10° de l’article L. 511-4 ou du 5° de l’article L. 521-3 (c’est-à-dire pour des raisons médicales) ; ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 551-3 et L. 556-1 ; ou lorsque la mesure d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
    Les trois premiers motifs doivent être intervenus entre 45e et 60e jour de la rétention. La preuve du caractère dilatoire d’une demande d’asile ou d’une demande pour raisons médicales sera problématique. Il ne faut pas que le caractère tardif de la demande et son rejet suffisent à établir l’intention de faire échec à l’éloignement. Dans son avis du 15 février 2018, le Conseil d’État a estimé qu’une présomption irréfragable que toute demande tardive est nécessairement dilatoire « paraît difficile ».
  • (146)
    CEDH 19 janv. 2012, n° 39472/07, Popov c/ France, AJDA 2012. 127 ; ibid. 1726, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D. 2012. 363, obs. C. Fleuriot ; ibid. 864, entretien S. Slama ; ibid. 2267, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; ibid. 2013. 324, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; AJ pénal 2012. 281, note S. Slama ; RFDA 2013. 576, chron. H. Labayle, F. Sudre, X. Dupré de Boulois et L. Milano ; Rev. crit. DIP 2012. 826, note K. Parrot ; CEDH 12 juill. 2016, n° 33201/11, R. M. et autres c/ France, AJDA 2016. 1423 ; D. 2017. 261, obs. N. Joubert ; Commissaire aux droits de l’homme du Conseil d’Europe, Lettre du 8 mars 2018, CommHR/NM/sf 005-2018 ; CNCDH, Avis sur le projet de loi Asile et Immigration du 2 mai 2018, p. 51 s., recommandation, n° 30 ; Contrôleur général des lieux de privation de liberté, avis du 9 mai 2018 relatif à l’enfermement des enfants en centres de rétention administrative, JORF 14 juin 2018, texte 57.
  • (147)
    CESEDA, art. 551-1, III bis.
  • (148)
    Les motifs sont les suivants : non-respect de l’une des prescriptions d’une précédente mesure d’assignation à résidence ; prise de fuite ou opposition d’un refus à l’occasion de la mise en œuvre de la mesure d’éloignement ; préservation de l’intéressé et du mineur des contraintes liées aux nécessités de transfert dans 48 heures précédant le départ programmé.
  • (149)
    V. sur ce point S. Gargoullaud, art. préc.
  • (150)
    CESEDA, art. 551-1, IV.
  • (151)
    CJUE 15 mars 2017, aff. C-528/15, Al Chodor, D. 2018. 313, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot.
  • (152)
    Les critères du risque non négligeable de fuite sont désormais définis à l’art. L. 551-1, II CESEDA.
  • (153)
    V. not. CESEDA, art. L. 743-1 et supra, sur le droit de séjour pendant la procédure devant la CNDA.
  • (154)
    CESEDA, art. 551-2.
  • (155)
    CESEDA, art. L. 512-1, inchangé sur ce point.
  • (156)
    Civ. 1re, 5 déc. 2018, nos 17-30.978 et 17-30.979, AJDA 2018. 2424 ; D. 2018. 2417 ; ibid. 2019. 347, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot. Le principe a pour conséquence que le juge judiciaire, lorsqu’il statue sur la prolongation de la rétention, ne peut pas apprécier le risque de traitement inhumain ou dégradant dans le pays de renvoi en cas de mise à exécution de la décision d’éloignement, puisque cela reviendrait à apprécier l’opportunité d’un renvoi vers l’État en question.
  • (157)
    CESEDA, art. L. 552-1.
  • (158)
    Au lieu de 72 heures à compter de la saisine.
  • (159)
    CESEDA, art. L. 554-2.
  • (160)
    CESEDA, art. L. 552-6 et L. 552-7.
  • (161)
    Cons. const. 1er juin 2018, n° 2018-709 QPC, AJDA 2018. 1131 ; D. 2018. 1155, et les obs. ; Constitutions 2018. 297, chron. C. Pouly ; ibid. 335, Décision.
  • (162)
    CESEDA, art. L. 512-1, IV.
  • (163)
    Cons. const. 6 sept. 2018, n° 2018-770 DC, préc.
  • (164)
    CESEDA, art. L. 624-1 à L. 624-4.
  • (165)
    Préc.
  • (166)
    CJUE 6 déc. 2011, aff. C-329/11, AJDA 2011. 2384 ; ibid. 2012. 306, chron. M. Aubert, E. Broussy et F. Donnat ; D. 2012. 333, et les obs., note G. Poissonnier ; ibid. 390, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; ibid. 2013. 324, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; RFDA 2012. 377, chron. L. Clément-Wilz, F. Martucci et C. Mayeur-Carpentier ; Constitutions 2012. 63, obs. A. Levade ; Rev. crit. DIP 2013. 117, note K. Parrot.
  • (167)
    L. Vatna, Les outre-mers dans la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, RFDA 2017. 525, citant J.-P. Thiellay, Le droit des outre-mers, Dalloz, 2011, p. 1.
  • (168)
    V. supra
  • (169)
    V. supra
  • (170)
    V. supra
  • (171)
    Rapport du Défenseur des droits, Les droits fondamentaux des étrangers en France, p. 181.
  • (172)
    V. F. Jault-Seseke, Les spécificités du droit des étrangers à Mayotte, in J. Dupont-Lassalle, F. Hermet, E. Ralser (dir.), La départementalisation de Mayotte, un premier bilan juridique et économique, L’Harmattan 2019, p. 47 s.
  • (173)
    Cons. const. 13 août 1993, n° 93-325 DC, § 66, D. 1994. 111, obs. D. Maillard Desgrées du Loû ; Dr. soc. 1994. 69, étude J.-J. Dupeyroux et X. Prétot ; RFDA 1993. 871, note B. Genevois ; Rev. crit. DIP 1993. 597 ; ibid. 1994. 1, étude D. Turpin.
  • (174)
    CE 4 avr. 2011, n° 345661, Lebon ; AJDA 2011. 757 ; CE 1er juill. 2011, n° 347322 ; CE 27 août 2012, n° 361404, AJDA 2012. 1553 ; CE 20 mai 2010, avis sur l’application du droit à Mayotte après la départementalisation ; CE 22 juill. 2015, n° 381550 et n° 383034, Lebon ; AJDA 2015. 1512 ; D. 2016. 336, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot.
  • (175)
    Cons. const. 13 mars 2003, n° 2003-467 DC, § 110, D. 2004. 1273, obs. S. Nicot ; RSC 2003. 614, obs. V. Bück ; ibid. 616, obs. V. Bück.
  • (176)
    CE 22 juill. 2015, n° 381550, préc., à propos de la condition de ressources mise à la délivrance de la carte de résident au parent ou au conjoint d’un Français et de la validité géographique limitée des titres de séjour.
  • (177)
    Cons. const. 28 déc. 2018, n° 2018-777 DC estimant que la condition de résidence de 15 ans exigée des étrangers pour l’obtention du RSA en Guyane « dépasse la mesure des adaptations susceptibles d’être justifiées par les caractéristiques et contraintes particulières de la collectivité de Guyane » et méconnaît le principe d’égalité. Cette condition est néanmoins présente à Mayotte. Le Conseil d’État avait néanmoins alerté sur la violation du principe d’égalité (Rapport public 2012, vol. 1, Doc. fr., mars 2012, p. 20272).
  • (178)
    V. par ex. Défenseur des droits, Rapport annuel d’activité 2013, spéc. p. 94 (sur le droit au recours), et p. 163 (sur la rétention des enfants). Sur la nécessité, pour le droit à un recours effectif, d’appliquer le droit commun en outre-mer, V. aussi le rapport n° 16-02 du 15 janv. 2016.
  • (179)
    Rapport de N. Muižnieks, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, établi le 17 févr. 2015.
  • (180)
    CEDH 13 déc. 2012, n° 22689/07, De Souza Ribeiro c/ France, AJDA 2012. 2408 ; ibid. 2013. 165, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D. 2013. 91, et les obs. ; ibid. 324, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; RFDA 2013. 576, chron. H. Labayle, F. Sudre, X. Dupré de Boulois et L. Milano ; Rev. crit. DIP 2013. 448, note F. Jault-Seseke. C’est l’absence de recours effectif contre la décision d’éloignement qui a ici été condamnée.
  • (181)
    Art. L. 514-1 : l’étranger a déposé un référé-liberté, la mesure d’éloignement ne peut pas être exécutée avant la décision du juge.
  • (182)
    CEDH, 5 févr. 2002, n° 51564/99, Conka c/ Belgique, AJDA 2002. 500, chron. J.-F. Flauss.
  • (183)
    Arrêt préc. de Souza Ribeiro c/ France, § 95.
  • (184)
    CE 20 oct. 2016, n° 395105, AJDA 2016. 2358 ; D. 2017. 261, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; Constitutions 2016. 671, chron. C. Pouly.
  • (185)
    V. supra, s’ajoutant à l’accélération déjà mise en place, à titre expérimental, par le décret n° 2018-385 du 23 mai 2018. L’antenne locale de l’OFPRA traite en principe les demandes d’asile en Guyane dans un délai de 15 jours, contre 6 mois en métropole. Les délais aux autres étapes de la procédure ont également été réduits.
  • (186)
    C. pén., art. 78-2.
  • (187)
    CESEDA, art. L. 611-11.
  • (188)
    C. const. 9 févr. 1980, n° 79-109 DC.
  • (189)
    Les pouvoirs publics se montrent très déterminés. Le gouvernement a été jusqu’à envisager de placer l’hôpital de Mayotte sous statut extra-territorial afin que les naissances qui y auraient eu lieu soit considérées comme des naissances hors de France. V. Placer l’hôpital de Mayotte sous un statut d’extra-territorialité, est-ce possible ?, Le Figaro, 15 mars 2018.
  • (190)
    V. F. Jault-Seseke, S. Corneloup et S. Barbou des Places, Droit de la nationalité et Droit des étrangers, PUF, coll. « Thémis », 2015, n° 158.
  • (191)
    L’entrée en vigueur suppose un décret en Conseil d’État, et au plus tard elle interviendra le 1er mars 2019.
  • (192)
    L’art. 2494 C. civ. qui permet de substituer à la condition de résidence régulière du parent lors de la naissance une condition de résidence régulière du parent pendant cinq ans (calquée sur la condition de résidence de l’enfant) montre bien la logique du droit du sol est ici pervertie. On exige une intégration des parents là où le droit commun de la nationalité française pose une présomption d’intégration de l’enfant.
  • (193)
    CE 5 juin 2018, avis n° 394925.
  • (194)
    Avis préc. n° 63.
Français

La loi du 10 septembre 2018 modifie sur de nombreux points les règles instables du droit des étrangers. La réforme de la procédure d’asile et l’allongement de la durée de la rétention administrative sont les mesures phare de ce texte. Elles ne doivent pas occulter que l’ensemble du droit des étrangers est revisité, soit en renforçant, souvent de façon disproportionnée, les dispositifs de lutte contre la fraude, soit en retouchant les règles récemment adoptées pour les rendre plus cohérentes ou simplement pour mettre le droit français en conformité avec les exigences européennes. Elle multiplie en outre les possibilités de contrôle de l’étranger.

English

The thrust of the text known as the “Collomb Act 2018” modifies the already unstable legal regime applicable to aliens in France on various points. The reform of asylum procedures and the prolongation of permissible administrative detentions are the two most highlighted measures. However, less visibly, the whole regime is revisited, either by reinforcing, often disproportionately, the apparatus for fighting fraud, or by reformating recent reforms in order to introduce more coherence or to make them compatible with European legal requirements. Moreover, police controls of aliens are multiplied.

Sabine Corneloup
Professeur à l’Université Paris II Panthéon-Assas
Fabienne Jault-Seseke
Professeur à l’Université de Versailles Saint-Quentin (Paris Saclay)
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 07/06/2020
https://doi.org/10.3917/rcdip.191.0005
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