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Si La Condition fœtale est un livre terrible, ce n’est pas pour les raisons auxquelles on pourrait s’attendre, compte tenu de son sujet, mais parce qu’il restaure un lien rompu ; celui qu’entretient l’avortement avec ce qu’il vient nier : l’engendrement. Une sociologie de l’avortement, pose Luc Boltanski, est dépendante d’une sociologie de l’engendrement entendu comme un double processus naturel et social : reproduction au sens biologique et reproduction de la société elle-même, par le flux continu requis, même s’il est diversement régulé, de nouveaux êtres appelés à s’y incorporer.
Replacer l’acte d’avorter et celui d’engendrer dans une même topique est une décision théorique risquée. Elle peut faire craindre un nouveau procès de l’avortement. Le point de vue adopté n’étant pas celui du sujet avortant et de ses droits, mais de l’être qui peut ou non être engendré, le pas est vite franchi qui conduit à une comparution du premier au nom des droits du second. Il faut immédiatement écarter cette lecture. Les « problèmes de société » – si cette catégorie a un sens – appellent peut-être la sentence du pour ou du contre. Il n’en va pas de même des problèmes sociaux – qui, eux, existent certainement, puisque les individus les éprouvent comme tels et mobilisent différentes ressources (affectives, cognitives, pratiques) pour les résoudre, sans jamais y parvenir tout à fait, ce qui les configure et relance comme problèmes. L’inquiétude que suscite ce livre ne vient pas de ce qu’il évacue la questio…
Auteur
Cité par
- Mis en ligne sur Cairn.info le 01/12/2011
- https://doi.org/10.3917/criti.695.0321
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