CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1 En 2020, la coopération territoriale européenne, mieux connue sous le vocable d’Interreg, a célébré ses trente ans. Cet anniversaire a été l’occasion d’analyser, plus particulièrement, l’évolution en matière de coopération transfrontalière. L’actualité, comme les années récentes d’ailleurs, rappelle à l’envi la difficulté d’inscrire durablement, et encore davantage en période de crise, le processus d’atténuation des effets-frontières.

2 Dès la seconde moitié des années 1980, la Commission européenne a pris conscience du rôle particulier des régions frontalières. Ces dernières constituent à la fois des territoires clés du processus d’intégration européenne mais aussi des lieux d’expérimentation. Comme le souligne Birte Wassenberg, Interreg peut être considéré comme un vecteur de cohésion territoriale, d’une part, et contribue au processus d’intégration par la mise en place de structures de gouvernance transfrontalière, d’autre part  [1].

3 Il est réducteur de circonscrire la coopération transfrontalière à Interreg. Bien qu’il s’agisse d’un outil stratégique et financier important, ses moyens ne lui permettent pas de résoudre l’ensemble des défis transfrontaliers qui se présentent à travers toute l’Union européenne. Néanmoins, sans cette incitation à coopérer, le foisonnement des initiatives transfrontalières aurait difficilement été aussi dense  [2].

4 La succession des différentes générations de programmes entraîne un renforcement et une diversité des dynamiques de coopération permettant de voir émerger, depuis quelques années, des espaces transfrontaliers de plus en plus intégrés. Cette intégration s’appuie sur différents instruments et ressources. L’objectif du présent Courrier hebdomadaire est d’explorer l’un de ces outils : le groupement européen de coopération territoriale (GECT). La démarche adoptée part des principes généraux pour analyser, dans le détail, une situation particulière.

5 Cette publication explore les différentes formes de structuration de la coopération transfrontalière entre territoires européens. Certaines d’entre elles peuvent être considérées comme des coopérations de fait, tandis que d’autres sont dotées d’une personnalité juridique. C’est le cas, entre autres, du GECT au cœur de cette étude. Le premier GECT, l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, est situé sur la frontière franco-belge. Son analyse approfondie permet de retracer le cheminement ayant abouti à sa naissance, d’en comprendre le fonctionnement et l’évolution, d’examiner sa stratégie et, in fine, d’évaluer son apport en tant que bassin de vie pour la population et le territoire concernés.

6 Afin de répondre à ces intentions, ce Courrier hebdomadaire se structure en quatre chapitres. Pour commencer, il importe de proposer des clés de lecture : outre les notions de gouvernance et de gouvernance transfrontalière, le chapitre 1 présente les différents modèles de coopération transfrontalière. Cet inventaire permet d’en cerner les avantages mais aussi les limites.

7 Le chapitre 2 propose un historique succinct de la politique régionale européenne et étudie son articulation avec la coopération transfrontalière. Le contexte et le contenu des règlements instituant le GECT y sont présentés. Depuis l’adoption du premier texte réglementaire jusqu’en janvier 2022, 82 groupements de ce type ont vu le jour le long des frontières européennes  [3]. Bien que tous ces GECT relèvent du même règlement européen, l’inventaire proposé met en lumière la diversité des dynamiques et des réalités qui se structurent sous cette appellation.

8 Le chapitre 3 expose la situation spécifique du premier GECT dans le contexte particulier de la frontière franco-belge. Il s’agit ici de cerner les conditions dans lesquelles le GECT Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai a vu le jour en 2008. Ses principales caractéristiques mais aussi la composition des différents organes mis en place sont présentées. Comme le détaille le chapitre, l’action de ce GECT repose sur sa capacité à faciliter le dialogue transfrontalier entre les autorités de deux États membres et, surtout, à créer les conditions nécessaires au partenariat des versants français, wallon et flamand.

9 La création d’une nouvelle structure constitue non une fin en soi mais un moyen complémentaire pour les acteurs du territoire d’atteindre une stratégie partagée et des objectifs communs. L’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai ne fait pas exception à la règle. Ainsi, le chapitre 4 montre l’action d’ensemblier jouée par le GECT au bénéfice des citoyens, du territoire et des institutions qui le composent. Au travers de quatre champs d’intervention, dont un en lien direct avec la pandémie actuelle, les processus de gouvernance transfrontalière multi-acteurs et multi-scalaires sont explicitement illustrés.

10 Ce Courrier hebdomadaire se clôture par un relevé des principaux enseignements relatifs à l’instrument GECT en général et à l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai en particulier.

1. Gouvernance et instruments de coopération transfrontalière

11 Ce premier chapitre embrasse une triple ambition. Tout d’abord, il s’agit de définir la notion de gouvernance et, plus particulièrement, de gouvernance multi-niveaux dans un environnement transfrontalier (1.1). Ensuite, deux postulats de départ sont présentés (1.2) : l’un relatif à l’objectif induit par la coopération transfrontalière et l’autre portant sur la reconstruction de territoires dans ce contexte spécifique de coopération. Enfin, nous dressons un panorama des différents modèles de coopération transfrontalière européenne (1.3) : des conventions de coopération jusqu’aux structures dotées de la personnalité juridique en passant par les stratégies macro-régionales.

1.1. De la gouvernance à la gouvernance transfrontalière

12 En 2012, dans un article consacré aux enjeux de l’action internationale des collectivités territoriales françaises, Romain Pasquier écrivait que le Nord-Pas-de-Calais et les régions belges faisaient figure de cas d’école dans les stratégies de projection à l’international soutenues par l’Union européenne (UE), cette action internationale devenant « partie intégrante des processus de gouvernance territoriale avec l’objectif de fédérer des coalitions d’acteurs privés et publics autour d’une vision partagée du territoire »  [4].

13 Aujourd’hui, le terme de gouvernance est régulièrement mobilisé pour analyser les conduites de l’action publique. La gouvernance transfrontalière, concrétisée par la création des groupements européens de coopération territoriale (GECT) tels que l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, illustre explicitement ce processus.

1.1.1. Gouvernement et gouvernance

14 Parce que ses usages sont polysémiques et prêtent parfois à confusion  [5], un bref exposé de la définition, des dimensions et de l’évolution de la notion de gouvernance s’avère important. Cette notion renvoie à des formes de coordination et de pilotage  [6] qui se développent entre acteurs publics et privés, issus de secteurs, groupes et institutions divers ; il s’agit de modes de régulation collective originaux  [7], relativement stabilisés, qui permettent la répartition de ressources et l’établissement de sanctions. La gouvernance concerne des cadres institutionnels ou territoriaux originaux, au-delà des formes classiques et connues du gouvernement. Elle renvoie ainsi à l’ensemble de normes, règles, usages politiques et sociaux spécifiquement produits par ces coordinations ou ces pilotages. Ces normes, règles, usages sont produits afin d’atteindre des objectifs élaborés et discutés collectivement. La gouvernance ainsi définie se caractérise par la diversité ou la multiplication des parties prenantes qu’elle associe, parties prenantes issues de différents échelons territoriaux et de divers horizons.

15 Depuis plus d’une trentaine d’années, les modes classiques de gouvernement ne permettent plus le monopole de la conduite de l’action publique. Ses processus de décision et de mise en œuvre nécessitent une pluralité d’acteurs. Plus spécifiquement, l’européanisation des politiques publiques, la délocalisation des pouvoirs au profit notamment des collectivités communales et des régions, l’émergence des métropoles, le poids des opérateurs privés nationaux et internationaux transforment le monopole qu’exerçait l’État en matière d’action publique. En outre, la teneur des problèmes socio-économiques, environnementaux et sociétaux (ne citons que les questions de migration, de pollution ou de pandémie) nécessite de perméabiliser les frontières des espaces administratifs et des silos sectoriels. Non seulement l’action publique se complexifie, mais la fragmentation voire l’épuisement des ressources financières, d’expertise et même d’autorité obligent à la coordination d’administrations et d’agences, de collectivités de divers niveaux, d’organisations publiques, privées ou associatives pour agir  [8]. On assiste alors au passage d’un mode de gouvernement descendant à des modes de gouvernance incluant une coordination verticale et horizontale de l’action publique. Cette évolution a été abondamment illustrée dans le cadre des politiques des villes. Ainsi, Patrick Le Galès a montré dès 1995 comment le « gouvernement » des villes en France et en Grande-Bretagne rendait caduque la vision institutionnelle et hiérarchique liant gouvernement local et État à cause de la fragmentation des pouvoirs et du poids de nouveaux acteurs comme des opérateurs privés ou des organismes spécifiques tels que les chambres de commerce et d’industrie en France  [9].

1.1.2. Gouvernance multi-niveaux et gouvernance territoriale

16 La gouvernance multi-niveaux renvoie à la participation de différents niveaux de gouvernement et à la multiplication d’acteurs et de réseaux d’acteurs coalisés pour agir collectivement  [10]. Ainsi, à la structure hiérarchique du gouvernement classique s’ajoute la prise en compte des interdépendances entre acteurs publics et l’existence de réseaux organisés. Jan Kooiman, inspiré par la sociologie des organisations et l’analyse des réseaux de Roderick A.W. Rhodes, entre autres, a mis l’accent sur ces formes horizontales d’interaction et de coalition  [11]. L’action publique est alors moins le produit d’une décision et d’un contrôle centralisés que d’une co-construction, d’un engagement coordonné entre acteurs impliqués directement par l’action collective, d’origines et de niveaux différents  [12]. Dans le contexte des États européens, cette coordination horizontale s’ajoute aux processus de gouvernement existants. Même si le contexte de mondialisation, de ressources limitées et de démultiplication des acteurs perdure, l’État reste présent et se réaffirme notamment par un pilotage à distance  [13] : cette présence se réalise dans la mise en place de procédures plus incitatives que coercitives, dans le développement d’instruments d’appui facultatifs mais structurants tels que l’appel à projets.

17 L’aspect territorial de la gouvernance, analysé tant par les politologues que par les économistes, renvoie à l’émergence de modes de coordination horizontale et verticale pour des périmètres d’action publique autres que les découpages administratifs prédéfinis, tels que des communautés de communes, des pays, des bassins de vie et des parcs naturels  [14]. Cette notion, approfondie dans le cadre des travaux menés par des économistes grenoblois, associe l’analyse d’un pilotage de l’action collective, multi-acteurs et multi-niveaux, sur un territoire et l’analyse de l’activation des dynamiques spécifiques de développement économique dudit territoire  [15].

18 Parmi les associations caractéristiques de ces nouvelles façons de gouverner, multi-acteurs et multi-niveaux  [16], se retrouvent les groupements européens de coopération territoriale (GECT) tels que l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, cœur du présent Courrier hebdomadaire. Leur originalité porte sur le contexte transfrontalier qu’ils coordonnent.

19 La frontière interétatique est classiquement une des composantes structurantes d’un État moderne, résultat physique et juridique d’une décision politique et périmètre de la sphère de souveraineté. La frontière constitue un lieu institutionnalisé de contrôle matérialisé par les barrières et les bureaux de douanes. Elle constitue une manifestation forte du gouvernement de l’État.

20 Le contexte actuel de libéralisation de la circulation des personnes, biens et services et d’intégration régionale, associé aux politiques de décentralisation et de régionalisation infra-nationales  [17], ont diversifié les activités « à la frontière » : la frontière et la région frontalière s’affirment comme catalyseur de développement (pensons, par exemple, aux situations des ports maritimes) et de coopération  [18]. La politique européenne de coopération territoriale a amplifié ce phénomène notamment par ses programmes Interreg. Les border studies (qui regroupent dans une approche pluridisciplinaire les études sur les frontières notamment interétatiques) parlent ainsi de phénomène de défrontiérisation (debordering), soulignant la porosité des frontières, concrétisée par la suppression des contrôles au passage de la frontière et autres effets de la libre circulation. Cependant, cette ouverture s’avère réversible et la frontière interétatique du XXIe siècle se caractérise davantage par un processus oscillant de durcissement (bordering) – que l’on pense aux effets de la lutte contre le terrorisme, les enjeux des politiques migratoires ou récemment la pandémie de Covid-19 –, de dévaluation (debordering) et de raffermissement (rebordering)  [19]. La sécurisation différenciée de la frontière des Hauts-de-France vis-à-vis du Royaume-Uni ou de la Belgique illustre cette évolution  [20].

21 La coopération transfrontalière sollicite l’émergence d’un nouveau type d’alliances, entre les collectivités locales, acteurs privés ou associations localisées de part et d’autre de la frontière et appartenant dès lors à des juridictions et des systèmes administratifs différents. La frontière n’est plus seulement un enjeu national, elle est aussi une question locale et régionale. La coopération génère un processus de gouvernance transfrontalière au sens d’une juridiction flexible  [21] permettant de coordonner les parties prenantes et de proposer des capacités réelles d’action. À titre d’exemple, le souhait de coopération entre hôpitaux et la coopération avec les organismes d’assurance santé et de mutuelles en Thiérache à la frontière franco-belge ont « inventé » le système Transcards, permettant à un habitant frontalier d’avoir accès aux soins offerts dans les hôpitaux de la zone dans les mêmes conditions de prise en charge que dans son pays, que le patient soit résident français ou belge  [22]. Cette gouvernance transfrontalière redélimite en général  [23] un territoire transfrontalier, au sens d’un espace de projet associant une communauté autour d’un faire et d’un être ensemble. Cette gouvernance peut se doter d’instruments plus ou moins formalisés, tel que le GECT.

1.2. Deux postulats

22 La question de la coopération transfrontalière, et de ses modes de gouvernement et de gouvernance, constitue un domaine de recherches et d’applications extrêmement vaste et hétérogène, spécifiquement depuis le début des années 2000. Elle concerne les divers continents et autant les frontières externes qu’internes de l’UE. Le présent Courrier hebdomadaire s’inscrit dans une perspective essentiellement de sciences politiques. Deux postulats s’avèrent importants à énoncer.

23 Le premier postulat concerne l’objectif induit par la coopération transfrontalière européenne. Il s’agit de gérer la frontière dans la diversité qu’elle induit de part et d’autre du tracé, dans la rencontre, l’échange, la médiation, le partage ou la co-construction. Le programme Interreg IV France-Wallonie-Vlaanderen avait choisi le slogan « Interreg efface la frontière », qui sous-entendait essentiellement d’effacer les contraintes et les contradictions juridico-administratives de la frontière. Contrairement à ce que d’aucuns souhaiteraient ou sous-entendraient, il n’était pas question de proposer une Europe interne sans frontière. Comme le rappelle Régis Debray, la frontière est essentielle au vivre ensemble et constitue même un « remède à l’indifférence et une sauvegarde du vivant »  [24].

24 Cette coopération suppose diverses étapes, comme l’a représenté Joachim Beck (cf. Schéma 1), depuis la rencontre, l’information, la coordination, jusqu’à la planification commune, la décision voire la mise en œuvre conjointe de projets ou de modes de gestion. À chacune de ces étapes, correspond un bénéfice spécifique pour toutes les parties prenantes mais, à aucune de ces étapes, le tracé de la frontière n’est remis en cause : sa traversée est facilitée, comme peut l’être celle d’un fleuve, mais il ne disparaît pas.

25 Le deuxième postulat concerne le territoire reconstruit par les GECT, en particulier, et sa nécessaire ouverture. Même si certains des GECT sont réticulaires (cf. infra, 2.2.3), la plupart redessinent les limites d’un espace spécifique, se définissent par un territoire précis et retracent dès lors des frontières ; les actions développées par ces groupements ne concernent que les lieux inclus dans ce périmètre. En réalité, ces espaces transfrontaliers, ces bassins de vie s’avèrent des espaces toujours ouverts, ne serait-ce que par les flux de circulation les caractérisant (flux de personnes, de biens et de services ou de capitaux) et par leur encastrement dans leur environnement économique, administratif et social national.

26 Le GECT définit donc un nouveau périmètre d’action original, mais son objectif n’est pas d’élever de nouvelles frontières ou de se dissocier des réalités présentes dans les régions et les États auxquels il appartient.

Schéma 1. La gestion de projet en coopération transfrontalière : étapes d’action et de degré de coopération

Schéma 1. La gestion de projet en coopération transfrontalière : étapes d’action et de degré de coopération

Source : d’après J. Beck, « Project Management Handbook, Chapter II. Stage 1: Project Idea Deneration », Interact, 2015, www.interact-eu.net.

1.3. Les différents instruments de coopération transfrontalière européenne

27 D’un point de vue opérationnel, au sein de l’UE, trois types de modèles formels existent et permettent de mettre en œuvre des coopérations transfrontalières adaptées à des objectifs et des territoires divers : les conventions de coopération transfrontalière, les macro-régions et les organismes transfrontaliers dotés d’une personnalité juridique.

28 Avant de détailler la présentation de ces modèles, rappelons qu’il s’agit là, avant tout, d’outils s’inscrivant dans un processus dynamique de formalisation pour lequel les objectifs poursuivis par la coopération sont déterminants quant au choix de l’instrument ad hoc. En d’autres termes, c’est bien la réponse à un besoin particulier dicté par la maturation, l’approfondissement et la pérennisation de la coopération qui aiguille le partenariat vers telle formule plutôt que telle autre. Les différents modèles présentés sont indépendants les uns des autres. En d’autres termes, les premiers présentés ne constituent aucunement des étapes à franchir afin d’atteindre des niveaux d’intégration plus poussés.

1.3.1. Les conventions de coopération

29 Ce premier outil représente un engagement contractuel entre les signataires à réaliser un projet ou une démarche transfrontalière dans leurs domaines communs de compétences (sont exclus les pouvoirs de police et de réglementation). La formalisation du partenariat définit également les objectifs communs et les engagements réciproques afin de mener à bien des concertations, des projets matériels ou immatériels. Pour ce faire, la convention peut prévoir la mise en place de structure de coordination transfrontalière sans personnalité juridique (par exemple, une commission mixte, un groupe de travail ou une conférence).

30 Cet outil trouve son origine dans la Convention-cadre de Madrid du 21 mai 1980 sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales du Conseil de l’Europe. Cette convention constitue l’acte fondateur du cadre juridique de la coopération transfrontalière des collectivités en Europe. En découlent toute une série d’accords interétatiques, définissant les modalités de coopération transfrontalière. Dans le cas de la coopération franco-belge qui nous intéresse plus particulièrement ici, l’accord de Bruxelles du 16 septembre 2002  [25] complète le cadre juridique offert par la convention de Madrid et prévoit ainsi différents outils de coopération (cf. infra, 1.3.3).

31 Une critique importante peut être formulée à l’encontre de pareils instruments : en effet, contrairement à ce qui se produit dans le cadre communautaire européen, il n’existe pas de droit dérivé du Conseil de l’Europe. Outre la signature de l’État membre, il y a lieu également de procéder à sa ratification conformément aux procédures propres à chaque ordre juridique national. Ainsi, à titre d’exemple, la Belgique a signé la Convention-cadre de Madrid le 24 septembre 1980, et l’a ratifiée le 6 avril 1987 pour une entrée en vigueur trois mois plus tard.

32 Sur le fond, le texte de la Convention-cadre ne génère que peu d’obligations, à l’exception de celle énoncée à l’article 1er : « Chaque Partie contractante s’engage à faciliter et à promouvoir la coopération transfrontalière entre les collectivités ou autorités territoriales relevant de sa juridiction et les collectivités ou autorités territoriales relevant de la compétence d’autres Parties contractantes. Elle s’efforcera de promouvoir la conclusion des accords et arrangements qui s’avéreront nécessaires à cette fin dans le respect des dispositions constitutionnelles propres à chaque Partie».

33 D’un point de vue juridique, on se situe donc davantage dans un engagement de portée particulièrement générale et peu contraignant. Il n’en reste pas moins que, sur un plan politique, ce texte incarne la reconnaissance du phénomène de coopération transfrontalière ainsi que la pertinence, pour les collectivités territoriales, de s’investir dans pareille dynamique.

34 Pour résoudre l’écueil lié à l’absence de caractère opérationnel, trois protocoles additionnels ont été rédigés et soumis tant à la signature qu’à la ratification des États à partir de, respectivement, 1995, 1998 et 2009. On en retiendra les ajouts principaux suivants. Primo, concernant le protocole additionnel n° 1 (1995) : d’une part, la reconnaissance d’un droit des collectivités territoriales à développer des relations transfrontalières  [26] et, d’autre part, l’instauration de la possibilité d’accords de coopération conclus par les collectivités et créant un organisme de coopération transfrontalière doté ou pas de la personnalité juridique (la personnalité juridique étant définie par la loi de la partie contractante dans laquelle cette structure a son siège). Secundo, concernant le protocole additionnel n° 2 (1998) : l’extension des règles à la coopération interterritoriale (donc, suppression de la contrainte de voisinage direct dans le cadre de la coopération transfrontalière de proximité). Tertio, concernant le protocole additionnel n° 3 (2009) : la création du groupement eurorégional de coopération (GEC). Cette nouvelle forme juridique paneuropéenne propose un cadre complet offrant aux eurorégions un statut constitué d’un socle de règles internationales détaillées.

35 À ce jour, le dernier protocole de 2009 n’a été signé que par treize états (sur les 45 membres que compte le Conseil de l’Europe), dont seulement sept ont été au bout du processus de ratification.

1.3.2. Les macro-régions

36 Concept employé dans diverses zones du globe, la macro-région est définie par l’UE comme « une zone regroupant différentes régions administratives ayant en commun suffisamment de problématiques pour justifier l’adoption d’une stratégie conjointe »  [27]. Cette proposition de définition présente une dimension territoriale et fonctionnelle  [28]. D’un point de vue territorial, la macro-région voit l’implication d’un certain nombre d’États membres et de régions, nécessitant de facto une coopération au-delà des frontières nationales. On notera que son étendue ne correspond pas nécessairement aux frontières administratives d’un État et qu’elle peut également ne concerner qu’une partie de celui-ci. En ce qui concerne sa dimension fonctionnelle, la macro-région est basée sur de grands systèmes naturels ou liés au paysage et sur les liens qui unissent les territoires en raison de cet écosystème commun ou d’autres connexions économiques et sociales.

37 Selon l’approche de la Commission européenne, il est nécessaire de développer une stratégie intégrée pour chaque macro-région. Ce cadre intégré prend donc la forme d’une stratégie macro-régionale définie en commun  [29]. Celle-ci repose, dès son origine, sur trois rejets : ni de nouveaux fonds, ni de nouvelles législations, ni de nouvelles institutions.

38 Comme le mentionne la Commission européenne dans différents rapports de mise en œuvre ou d’évaluation  [30], quatre stratégies macro-régionales existent actuellement, qui concernent à la fois des États membres et non membres de l’UE. De manière chronologique, il s’agit de : Mer Baltique (2009), Danube (2011), Adriatique et Mer Ionienne (2014), Région alpine (2016).

Carte 1. Carte des stratégies macro-régionales de l’Union européenne

Carte 1. Carte des stratégies macro-régionales de l’Union européenne

Source : Commission européenne, « Rapport au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur la mise en œuvre des stratégies macrorégionales de l’Union », COM(2020) 578, 23 septembre 2020, p. 14.

39 Pour chaque macro-région, un système de gouvernance à trois niveaux est mis en place : un niveau politique (ministres), un niveau de coordination (coordinateurs nationaux) et un niveau d’opérations (coordinateurs thématiques). Chaque macro-région met ensuite en place ses propres structures et mécanismes. Ainsi, comme le soulignait la Chambre des régions du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe en 2013 : « Les structures (ou si nécessaire, les institutions) mises en place doivent être orientées vers les objectifs et non constituer un objectif en soi »  [31].

1.3.3. Les structures transfrontalières dotées de la personnalité juridique

40 En matière d’institutionnalisation de la coopération transfrontalière entre collectivités, plusieurs outils ont été utilisés et mis en place depuis les années 1980. Cette section présentera succinctement le groupement européen d’intérêt économique (GEIE) et le groupement local de coopération transfrontalière (GLCT), auxquels le GECT est venu s’ajouter en 2006. Ce dernier est présenté en détail à la section 2.2.

1.3.3.1. Le groupement européen d’intérêt économique (GEIE)

41 Même si le GEIE n’a pas été développé expressément pour apporter une réponse aux attentes des acteurs de la coopération transfrontalière ou transnationale, force est de constater qu’il a été utilisé comme tel en l’absence d’autres alternatives plus pertinentes.

42 C’est en 1985 que cette forme voit le jour, au travers du règlement spécifique (CE) n° 2137/85 du Conseil  [32]. Au règlement applicable à l’ensemble des États membres, s’ajoutent les dispositions des droits internes définissant le régime juridique des GEIE créés sur le territoire.

43 S’inscrivant dans la logique de développement harmonieux des activités économiques dans le cadre de l’établissement et du bon fonctionnement du marché commun, l’article 3 du règlement précise que l’objectif d’un GEIE est de « faciliter ou de développer l’activité économique de ses membres, d’améliorer ou d’accroître les résultats de cette activité ; il n’est pas de réaliser des bénéfices pour lui-même (…). Son activité doit se rattacher à l’activité économique de ses membres et ne peut avoir qu’un caractère auxiliaire par rapport à celle-ci »  [33].

44 Doté de la personnalité juridique, le GEIE permet d’associer un partenariat aussi large que diversifié (toute personne morale de droit public ou privé ainsi que des personnes physiques exerçant des activités économiques) en provenance d’au moins deux États de l’UE. Contrairement à d’autres organismes de coopération, le GEIE peut être mis en place rapidement sans autorisation préalable mais exclusivement sur des frontières internes à l’UE. Enfin, on retiendra que le champ d’intervention (en lien avec l’activité économique des membres) constitue une importante limite excluant de facto toute activité purement administrative.

45 Parmi les exemples emblématiques de GEIE, citons celui en charge de l’exploitation du tunnel du Mont-Blanc (GEIE-TMB), l’Observatoire franco-belge de la santé (GEIE-OFBS) – dont l’objectif est de constituer un espace de discussion, d’études prospectives et d’actions dans le domaine sanitaire, médico-social et de l’assurance maladie entre les deux pays – et le GEIE Destination Ardenne, chargé d’accompagner et de coordonner le marketing territorial de la marque ardennaise transfrontalière (Belgique, France et Luxembourg).

1.3.3.2. Le groupement local de coopération transfrontalière (GLCT)

46 Le GLCT est une structure unique, pérenne et autonome dont l’objectif est de réaliser des missions et des services transfrontaliers qui présentent un intérêt pour chacun des membres  [34]. Seuls les membres énumérés peuvent créer et participer à un GLCT.

47 Comme mentionné supra, le champ d’application de la Convention-cadre de Madrid doit être précisé par des accords interétatiques. Par exemple, la France s’y emploie avec ses États limitrophes au travers des accords de Rome (1993) sur sa frontière avec l’Italie, de Karlsruhe (1996) sur sa frontière avec l’Allemagne et le Grand-Duché de Luxembourg (et, suite à une extension de l’accord intervenue en 2004, avec la Suisse), de Bayonne (1995) sur sa frontière avec l’Espagne, et de Bruxelles (2002) sur sa frontière avec la Belgique.

48 Précisons la teneur de ce dernier. Signé à Bruxelles le 16 septembre 2002, il entre en vigueur le 1er juillet 2005. D’un point de vue territorial, cet accord couvre l’ensemble de la frontière franco-belge (Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Champagne-Ardenne, Lorraine, Wallonie, Flandre). À l’intérieur de ce périmètre géographique, conformément à son article 2, il s’applique en Belgique aux provinces, aux communes (et à leur centre public d’aide sociale - CPAS), aux structures de coopération intercommunale wallonnes et flamandes  [35], ainsi qu’à certains établissements publics (par exemple, les régies provinciales et communales autonomes) ; en France, sont concernés les régions, les départements et les communes, ainsi que leurs groupements et leurs établissements publics. Ces différentes collectivités peuvent, au travers de la signature de conventions de coopération, créer des organismes de coopération pouvant, désormais, être dotés de la personnalité juridique.

49 De manière plus précise, il peut s’agir d’une participation à une structure déjà constituée, de la création d’une structure spécifique trouvant sa source dans le droit interne belge (l’intercommunale) ou français (par exemple, la société d’économie mixte locale) ou de la création d’un GLCT.

50 Sur l’espace de coopération franco-belge, un seul GLCT est créé, en 2006 : « Lille, Eurométropole franco-belge », étape intermédiaire dans la dynamique de coopération ancrée sur ce territoire, qui donnera naissance au premier GECT. Le chapitre 3 du présent Courrier hebdomadaire y est intégralement consacré.

2. Un instrument à une nouvelle échelle

51 Ce deuxième chapitre permet tout d’abord de mettre en perspective la création du GECT dans le cadre du processus de programmation de la politique régionale européenne (2.1). Ensuite, le cadre réglementaire européen relatif au GECT est présenté et il est procédé à un examen approfondi des GECT à l’échelle européenne (2.2). L’analyse de ceux-ci permet d’appréhender la diversité des réalités en matière de gouvernance (2.3.).

2.1. L’émergence du transfrontalier au plan européen

52 Cette section retrace succinctement l’histoire de la construction de la politique régionale européenne de 1957 à nos jours. Elle s’intéresse en particulier à la question de la prise en compte de la coopération transfrontalière au sein de la politique de cohésion.

2.1.1. Du Traité de Rome à l’Acte unique européen

53 L’idée même de coopération transfrontalière se développe de manière concomitante au processus de construction et d’intégration européennes et, en particulier, à la mise en place progressive de sa politique régionale.

54 Quelques traces de cette politique  [36] se retrouvent dans le Traité de Rome du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne (CEE). Le texte précise en effet, dans son préambule, que les signataires sont soucieux de « renforcer l’unité de leurs économies et d’en assurer le développement harmonieux en réduisant l’écart entre les différentes régions et le retard des moins favorisés ».

55 C’est dans la seconde moitié des années 1960 qu’apparaît la prise de conscience de la nécessité d’une politique régionale dans la CEE et le lien avec le transfrontalier. Ainsi, le rapport Bersani souligne l’importance « d’intégrer harmonieusement non seulement les politiques économiques nationales, mais également les politiques régionales de développement en modifiant sensiblement les déséquilibres »  [37]. Le texte évoque la situation particulière des régions situées aux frontières des États membres, en insistant sur le fait que « la disparition progressive des frontières économiques accroît la nécessité d’une coopération étroite, notamment pour la réalisation de nouvelles infrastructures. (…) Au fur et à mesure de la progression de l’intégration, il conviendra d’appliquer à ce type de régions une série de mesures de plus en plus spécifiques »  [38]. En 1968, une direction générale en charge de la préparation d’une politique régionale européenne est créée au sein de la Commission européenne (la DG XVI, qui deviendra la DG Regio).

56 C’est seulement en 1975, avec la création du Fonds européen de développement régional (FEDER), que la politique régionale européenne est portée sur les fonts baptismaux. Son objectif, tel que repris à l’article 1er du règlement européen qui le crée, est de « corriger les principaux déséquilibres régionaux dans la Communauté »  [39].

57 Une décennie plus tard, les 17 et 28 février 1986, l’Acte unique européen (AUE) est signé. Modifiant le Traité de Rome, ce texte est synonyme de relance de l’intégration européenne et d’achèvement du marché intérieur via les quatre libertés de circulation (personnes, marchandises, services et capitaux). Pour rassurer certains, particulièrement frileux sur la question de la concurrence et de la libéralisation des marchés, le président de la Commission européenne, Jacques Delors, souhaite voir la mise en place de mesures d’accompagnement au travers d’une solidarité renforcée. En 1989, il redira d’ailleurs sa conviction de la nécessité de mettre en place une politique de cohésion : « L’Europe ne conçoit son avenir que dans un équilibre entre la compétition et la coopération. (…) L’Europe ne conçoit son avenir qu’en essayant de maîtriser collectivement le destin des hommes et des femmes qui l’habitent. Est-ce facile à faire ? Non. Les forces du marché sont impressionnantes. Si on laissait faire les choses, les activités de production se concentreraient au Nord et les activités de détente au Sud. Mais précisément, ces forces du marché, pour impressionnantes qu’elles soient, ne jouent pas toujours dans le même sens. La volonté de l’homme, la grandeur de la politique, c’est d’essayer d’aménager cet espace »  [40].

58 L’AUE fait apparaître, pour la première fois, la notion de cohésion économique et sociale (en son article 130). Comme le précise Pierre Pelan, la politique régionale devient un élément de la politique de cohésion économique et sociale  [41] : en réduisant les disparités entre régions, elle contribue à améliorer le fonctionnement du marché intérieur et évite que l’effacement des frontières ne produise des effets négatifs. Dans ce contexte, la création du Marché unique et la mise en place des quatre libertés de circulation constituent des opportunités au développement d’actions de coopération pour les territoires transfrontaliers. Soulignons que l’analyse économique classique considère la frontière comme un obstacle au développement économique en ce sens qu’elle crée une barrière à l’aire de marché naturelle. On rappellera également, dans ce contexte, la signature, des accords de Schengen en 1985, dont un des objectifs réside dans l’abolition des contrôles des personnes aux frontières entre les pays signataires  [42].

59 La relance du processus d’intégration européenne voulue au travers de l’AUE passe également par une réforme d’ensemble de la structure et des règles de fonctionnement des fonds à finalité structurelle. Le FEDER, évoqué supra, en fait partie. C’est dans ce contexte que la Commission européenne présente ses propositions en juin 1988. Celles-ci s’intègrent dans un processus plus large, désigné comme étant le « paquet Delors I » et dont on retiendra son évolution budgétaire majeure. En effet, désormais, un accord interinstitutionnel entre le Parlement, le Conseil et la Commission doit intervenir afin d’adopter des perspectives financières et des priorités budgétaires pluriannuelles. Le premier exercice du genre est réalisé pour la période 1989-1993. Ce dispositif reste pleinement d’actualité et est désigné sous le vocable de cadre financier pluriannuel (CFP).

60 En ce qui concerne plus particulièrement la politique régionale/de cohésion, cette première période s’articule autour de cinq grands objectifs prioritaires et de seize programmes d’initiatives communautaires (PIC)  [43]. C’est alors qu’apparaît pour la première fois Interreg : ainsi, parmi ces PIC, Interreg contribue au développement de la coopération transfrontalière aux frontières internes et externes de l’Europe des Douze. À partir de cette époque, on retrouvera des références à Interreg dans la plupart des récits sur la création et la persistance des partenariats transfrontaliers  [44].

2.1.2. De programmes d’initiatives communautaires à objectif prioritaire

61 La période 1994-1999 se développe dans un climat marqué par la chute du mur de Berlin, l’approfondissement du processus d’intégration politique à l’aune de cette nouvelle réalité géopolitique et l’entrée en vigueur, le 1er novembre 1993, du Traité de Maastricht  [45]. Ce texte introduit un nouvel instrument financier (le Fonds de cohésion), une nouvelle institution (le Comité des régions) et consacre le principe de subsidiarité  [46].

62 L’arborescence de la politique de cohésion ne connaît pas, sur cette période, de grands bouleversements : aux côtés de six objectifs prioritaires, treize PIC sont proposés. Interreg continue d’en faire partie, avec une diversification de sa dimension territoriale incarnée par l’intégration de la coopération transnationale. Sur le plan budgétaire, les moyens consacrés à la politique régionale dans son ensemble doublent par rapport à la période précédente et, désormais, représentent un tiers du budget européen.

63 Comme le constate Solange Verger, les deux premières périodes de programmation Interreg ne disposent que de crédits relativement faibles et rencontrent diverses limites dans leurs réalisations  [47]. Ainsi, de nombreux projets ont un caractère essentiellement unilatéral et donc non transfrontalier. L’absence de cadre juridique adapté et les différences juridico-administratives entre les pays font partie de la liste des principales difficultés rencontrées.

64 Dès l’entame des travaux préparatoires et la publication de l’Agenda 2000, l’intégration de dix pays d’Europe centrale et orientale apparaît au centre des préoccupations de la nouvelle programmation. Le nombre d’objectifs prioritaires diminue ainsi que le nombre de PIC, qui passe de treize à quatre dont Interreg. Le rôle central joué par Interreg est conforté : sa dotation budgétaire augmente.

65 Outre cet élargissement sans précédent, l’année 2004 est également l’occasion de voir la présentation des premières orientations de la Commission européenne pour la période 2007-2013. Celles-ci sont tout d’abord marquées par la reconnaissance de la cohésion territoriale  [48] (aux côtés de la cohésion économique et sociale évoquée supra). Le terme apparaît largement dans le projet de traité instituant une constitution européenne. Bien que le texte soit définitivement écarté suite, entre autres, à la victoire du « non » lors des référendums organisés en France et aux Pays-Bas, force est de constater que le concept de cohésion territoriale n’est pas pour autant enterré. En effet, l’objectif de cohésion territoriale est repris dans le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE, nouveau nom du Traité de Rome depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne du 13 décembre 2007). Entré en vigueur le 1er décembre 2009, celui-ci consacre cette notion en ses articles 3  [49] et 174  [50]. Sur cette dernière référence, outre la proximité rédactionnelle avec l’attendu du Traité de Rome évoqué supra, la mention de régions transfrontalières apparaît explicitement.

66 Dans cette optique, la coopération territoriale et ses trois composantes (transfrontalière, transnationale et interrégionale) est désormais reconnue comme un objectif à part entière de la politique de cohésion et quitte dès lors le giron des PIC pour incarner le troisième objectif prioritaire.

67 Enfin, jusqu’alors, la préparation des périodes de programmation précédentes était synonyme de propositions de règlements formulées par la Commission européenne portant exclusivement, dans le cadre de la politique de cohésion, sur les modalités de mises en œuvre des fonds structurels et d’investissement. Ces textes, d’une très grande technicité, sont liés, dans leur contenu et dans les moyens budgétaires alloués, au budget pluriannuel européen (CFP). Par conséquent, ils produisent des effets juridiques limités dans le temps, en l’occurrence jusqu’au 31 décembre 2013. Les États membres découvrent, à la mi-juillet 2004, en plus des propositions de règlements liés à la gestion des fonds structurels, un règlement déposé concomitamment portant création du GECT. Celui-ci est à considérer comme une forme d’action spécifique en dehors des fonds tel que le permet l’article 159 du Traité  [51].

68 En formulant cette proposition, les services de la Commission européenne montrent qu’ils ont entendu les critiques et observations formulées, tant dans des travaux d’évaluation ex post que, à titre d’exemple, dans des rapports de la Cour des comptes européenne. Cette institution relève, en ce qui concerne la programmation Interreg III (2000-2006), « le manque de caractère transfrontalier des projets et le manque de coopération transfrontalière, y compris dans la gestion des programmes d’initiative communautaire »  [52]. La Cour justifie cet état de fait par l’absence de structure juridique idoine. Par ailleurs, elle constate que le recours au GEIE ne fonctionne pas.

69 Une décennie plus tard, selon le même schéma, la Commission européenne présente, en même temps que ces dispositions réglementaires relatives à la mise en œuvre des fonds structurels pour la période 2021-2027, une proposition de règlement relatif à la « création d’un mécanisme visant à lever les obstacles juridiques et administratifs dans un contexte transfrontalier »  [53]. Dans ce texte, fruit d’une large étude de plus de deux ans portant sur le réexamen de la politique transfrontalière, la Commission a recueilli des éléments démontrant que les régions frontalières s’en sortent économiquement moins bien que les autres régions dans un même État membre. La juxtaposition de systèmes administratifs et juridiques différents générant des processus complexes et coûteux n’est pas étrangère à cet état de fait. Aussi, dans sa communication au Conseil et au Parlement européen du 20 septembre 2017, la Commission met en évidence des pistes pour améliorer la vie des citoyens et des entreprises le long des frontières intérieures en tirant le meilleur parti des possibilités offertes de part et d’autre de la frontière  [54]. Cette communication propose également un plan d’action en dix points, dont un spécifiquement dédié aux obstacles transfrontaliers juridiques et administratifs. On note que les attendus de la proposition de règlement font expressément référence tant au soutien financier des projets Interreg qu’aux GECT. Ce nouveau mécanisme vient donc, à l’instar du GECT pour la période 2007-2013, soutenir la mise en œuvre des fonds structurels et d’investissement, afin de compléter de façon particulière l’arsenal d’outils à disposition de la coopération transfrontalière, et ce par un appui institutionnalisé pérenne et non plus seulement conditionné par des programmations pluriannuelles.

2.2. Les GECT en général : une diversité au service de la coopération territoriale

70 Le 5 juillet 2006 est adopté le règlement (CE) n° 1082/2006 du Parlement européen et du Conseil relatif à un groupement européen de coopération territoriale (GECT). En 18 articles, ce texte institue la création du GECT comme instrument juridique destiné à « faciliter et promouvoir la coopération transfrontalière, transnationale et/ou interrégionale (…) dans le but exclusif de renforcer la cohésion économique et sociale (…) et plus particulièrement (…) la mise en œuvre des programmes ou des projets de coopération territoriale cofinancés par la Communauté au titre du FEDER, du FSE et/ou du Fonds de cohésion » (article 1er, § 2 et article 7). Avant même le Traité de Lisbonne, sont ici abordés la coopération territoriale (considérant 1) et le souci de gérer des actions de coopération territoriale dans le cadre de législations et de procédures nationales différentes (considérant 2) ; la création de semblable GECT répond à l’inadaptation des autres instruments proposés  [55] (considérant 4) et s’inscrit dans le cadre à la fois du principe de subsidiarité et du respect de l’ordre constitutionnel des États (considérant 15).

71 L’étude du contexte et l’analyse du règlement (CE) n° 1082/2006 du 5 juillet 2006 permettent de mettre en évidence la portée du texte, les innovations qu’il propose et les apports spécifiques, notamment en termes d’organisation et de gouvernance. Les évolutions introduites par le règlement (UE) n° 1302/2013 du 17 décembre 2013 seront ensuite précisées. À la suite de ces explications, l’analyse des GECT actuels permettra de montrer leur diversité tant fonctionnelle qu’organisationnelle et leurs modes de gouvernance.

2.2.1. Le contexte et le cadre légal initial

72 Le 5 juillet 2006, le Parlement européen et le Conseil adoptent, selon la procédure de la codécision, un nouveau règlement communautaire relatif au GECT  [56]. Pour la première fois dans l’histoire européenne, ce règlement pose un cadre normatif communautaire à la coopération territoriale, c’est-à-dire non seulement transfrontalière mais aussi transnationale et interrégionale  [57]. En outre, il constitue le premier instrument juridique communautaire à inclure des règles à vocation normative applicables aux structures de coopération entre collectivités territoriales et incluant les États membres comme acteurs à part entière de cette coopération  [58].

73 Le règlement est élaboré, examiné et négocié concomitamment aux règlements relatifs au Fonds européen de développement régional (FEDER), au Fonds social européen (FSE) et au Fonds de cohésion, et se justifie dans le contexte des actions spécifiques en faveur du renforcement de la coopération territoriale que prévoit l’article 159, § 3 du traité instituant la Communauté européenne (considérant 1). Cependant, comme mentionné supra, le fondement juridique des GECT précise clairement qu’il s’agit là d’une action spécifique en dehors des fonds.

74 Le texte a été amendé selon les recommandations émanant du Comité des régions et les propositions du Parlement ; celles-ci portaient essentiellement sur le champ d’application du GECT et sur son organisation. À l’origine, le texte concernait une coopération de strict voisinage, limite qui s’expliquait à la fois par la proportion plus grande d’aides accordées à la coopération transfrontalière dans la coopération territoriale et par le besoin plus aigu de structures juridiques spécifiques au vu des réalisations et des réalités de terrain. In fine, le texte adopté inclut les trois coopérations (transfrontalière, transnationale et interrégionale). Il apporte également des précisions en termes d’organes, de procédures décisionnelles et de contrôle.

75 Le GECT est défini selon un ensemble de caractéristiques. Son caractère transfrontalier est affirmé en premier : cela signifie que ses membres sont situés sur le territoire d’au moins deux États membres (article 3, § 2). La personnalité juridique reconnue implique la reconnaissance dans chaque ordre juridique national (article 2, § 4).

76 Le GECT est une structure établie sur une base volontaire, qui dépend du choix et des besoins des partenaires. La convention fixe ainsi les missions spécifiques du GECT, son territoire et la liste de ses membres. Des statuts sont établis à partir de cette convention, au sein desquels sont précisées entre autres les procédures décisionnelles et les modalités de fonctionnement du GECT telles que les contributions financières des membres (articles 8 et 9) et la ou les langues utilisées (article 9, § 2).

77 Le GECT compte au minimum une assemblée et un directeur, qui permettent l’expression et l’action de la personnalité juridique du groupement. Un budget est également précisé.

78 La création du GECT doit faire l’objet d’une information auprès des États membres concernés et du Comité des régions, ainsi que d’une publication au Journal officiel de l’Union européenne (article 5). Le droit applicable et les règles, en ce compris en matière de contrôle de gestion, relèvent de l’État membre où le GECT a son siège et sont précisés dans la convention du GECT (article 8, § 2).

79 Le règlement dans son caractère général ouvre la voie à une grande diversité de missions et d’objets, sur un plan à la fois quantitatif et qualitatif, et à des partenariats hétérogènes.

80 L’analyse du règlement (CE) n° 1082/2006 du 5 juillet 2006 met en évidence quelques caractéristiques spécifiques. D’emblée, le recours au GECT relève de la bonne volonté exclusive des partenaires : il est défini comme facultatif, et sa constitution relève de l’initiative de ses membres potentiels (article 4, § 1er) et ne vise pas à « fournir un ensemble de règles communes spécifiques qui régiraient de manière uniforme l’ensemble de ces dispositions » (considérant 5). Le GECT limite ses actions aux missions qui lui ont été explicitement confiées et qui sont définies par la convention conclue entre les membres. Ces missions doivent toutes relever de la compétence de ses membres selon leur droit national (article 7).

81 Les actions sont limitées à l’étendue du territoire défini. Ce territoire concerne au moins deux États membres ; une coopération bilatérale entre un État membre et un pays tiers n’est donc pas prévue. Cependant – et cela a été ajouté juste avant l’adoption du texte final –, il n’y a pas d’exclusion des pays tiers à participer à un GECT s’il réunit deux États membres et si la législation de ces États le permet (considérant 16).

82 Le règlement définit le GECT comme un moyen mis au profit de la coopération territoriale voire davantage ; le GECT peut ainsi être lui-même subsidié par les fonds structurels ou conduire une action pour ses membres, dans le respect du droit national des membres. De façon plus générale, la constitution d’un tel groupement établit une vraie structure de coopération, précisant une personnalité juridique propre, et une capacité juridique permettant d’agir vis-à-vis de ses membres mais aussi vis-à-vis des institutions communautaires et des tiers.

83 Les membres du GECT sont des États, collectivités – régionales ou locales – et autres organismes de droit public, ou associations les regroupant (article 3, § 1er). Par État, il faut ici entendre la personnalité juridique de l’État et non l’ensemble de ses composantes. Cette participation s’effectue en fonction des règles d’attribution des compétences de droit interne prévalant dans le pays. Jusqu’alors, les États membres avaient été en général exclus des structures de coopération de ce type. Ils sont ici admis comme acteurs de plein droit potentiels. Même s’ils ne sont pas membres, la convention et les statuts du GECT doivent leur être soumis pour approbation, et ce – en règle générale – dans un délai de trois mois (article 4, § 3, alinéa 2).

84 La convention qui organise le GECT définit le nom, le siège au sein d’un des États – et par là, l’ordre juridique national qui s’appliquera (article 8, § 2, alinéa 5) –, le territoire, les missions et objectifs spécifiques, la durée et les conditions de dissolution. Les statuts, basés sur la convention et approuvés à l’unanimité des membres, doivent préciser au minimum les modalités de fonctionnement, de responsabilité des membres et de contribution financière, les procédures décisionnelles et de modification. Ils spécifient également la ou les langues de travail. La localisation du siège social apparaît stratégique, au-delà de la symbolique, puisque c’est au droit national de ce pays que sera rattaché l’instrument.

2.2.2. La révision du règlement en 2013

85 Le règlement (CE) n° 1082/2006 du 5 juillet 2006 prévoit, en son article 17, que la Commission européenne transmette au Parlement européen et au Conseil un rapport sur son application et d’éventuelles propositions de changement. Il est intéressant de noter que, contrairement aux règlements présentés de manière concomitante et qui, eux, doivent être révisés avant la fin de la période de programmation, l’obligation n’existe pas ici. Cependant, le texte prévoit un rapport sur son application et, le cas échéant, la possibilité de proposer des modifications.

86 Le rapport de la Commission européenne au Parlement européen et au Conseil est daté du 29 juillet 2011  [59]. Il est basé sur les rapports émanant du Parlement européen et du Comité des régions. Il souligne que le GECT a pu répondre aux besoins d’une coopération structurée des autorités locales et régionales, notamment en termes financiers, de statuts juridiques et de gouvernance, mais que des améliorations et des précisions sont souhaitées. Inhérente à la coopération transfrontalière, la disparité des règles nationales donne fréquemment une impression d’incompatibilité et donc dissuade les éventuelles parties prenantes ; les problèmes posés par les contrats de personnel ou la passation de marchés publics freinent les réalisations. Enfin, le rapport mentionne la nécessité de deux évolutions supplémentaires : l’adhésion des pays tiers et d’entités régionales ou locales de ces États à part entière et l’inclusion explicite d’entités privées.

87 Ce rapport amène la publication, le 14 mars 2012, d’une proposition de règlement relatif au GECT qui concerne « la clarification, la simplification et l’amélioration de la constitution et du fonctionnement de groupements de ce type »  [60]. Le règlement (UE) n° 1302/2013 du 17 décembre 2013 – modifiant le règlement (CE) n° 1082/2006 du 5 juillet 2006 – est publié au Journal officiel de l’Union européenne [61] accompagné de trois déclarations : la première concerne les contrats de travail, la deuxième est relative aux efforts de sensibilisation des institutions et États membres à l’instrument GECT et la troisième souligne le travail « remarquable » accompli par le Comité des régions en l’encourageant à des transferts de bonnes pratiques entre GECT. Le rôle du Comité des régions est affirmé : ainsi, c’est lui qui recevra la demande de création du GECT et qui transmettra ladite demande en vue de la publication au Journal officiel (article 5, § 2).

88 Les propositions formulées entendent assurer la continuité de l’existant (non-remise en cause des structures déjà reconnues), simplifier et clarifier les procédures (entre autres, les obstacles institutionnels) et ouvrir les GECT à tous les aspects de la coopération territoriale, d’une part, et aux autorités de pays tiers, d’autre part.

89 Certains changements introduits sont inhérents à l’évolution même de l’UE. Outre ceux-là, les modifications majeures concernent l’élargissement des missions possibles, la simplification, et l’inclusion de nouveaux partenaires et pays participants.

90 Le GECT a désormais « pour objet de faciliter et de promouvoir, en particulier, la coopération territoriale, (…) dans le but de renforcer la cohésion économique, sociale et territoriale de l’Union » (article 1er, § 2). Ces missions concernent donc aussi la coopération développée dans le cadre de politiques autres que la politique de cohésion territoriale.

91 La simplification des procédures concerne notamment le temps de réaction des États membres et stipule que « si un État membre qui a reçu une notification d’un membre potentiel ne soulève pas d’objection dans le délai imparti, la participation de ce membre et la convention sont réputées approuvées » (article 4, § 3). Elle amène également la systématisation des procédures avec l’inclusion d’un modèle type des informations à fournir au Comité des régions en vue de la publication au Journal officiel de l’Union européenne (article 5, § 1er). Elle précise le contenu de la convention et notamment les règles applicables au personnel du GECT et le droit dans lequel opèrent les organes (article 8, § 2).

92 En ce qui concerne les membres, le règlement (UE) n° 1302/2013 du 17 décembre 2013 spécifie que « les entités suivantes peuvent devenir membres d’un GECT (…) : entreprises chargées de l’exploitation de services d’intérêt économique, autorités nationales ou collectivités régionales ou locales ou organismes ou entreprises équivalents à ceux visés au point d) issus de pays tiers » (article 3, § 1er incluant le rectificatif apporté le 3 décembre 2016  [62]).

93 L’adhésion de membres de pays tiers ou de pays et territoires d’outre-mer, en ce compris les régions ultrapériphériques, est explicitement prévue (article 3bis). Les actions peuvent dès lors se réaliser dans une certaine mesure à l’extérieur du territoire de l’UE. Le changement amène qu’un GECT peut être composé de membres d’un seul État membre et d’un ou plusieurs pays tiers voisins, dans le cadre d’une coopération territoriale ou même de « relations bilatérales avec les pays tiers concernés » (article 3bis, § 2). Les frontières maritimes entre les pays concernés sont également prises en compte (article 3bis, § 3).

94 Ces modifications renforcent le rôle du GECT en conservant la flexibilité du modèle et son ancrage à la fois dans le droit national et le projet européen.

95 Il est à noter que le règlement (UE) n° 1302/2013 du 17 décembre 2013 prévoit que la Commission européenne dépose un rapport concernant l’application du règlement évaluant spécifiquement « l’efficacité, l’efficience, la pertinence, la valeur ajoutée européenne et les possibilités de simplification du règlement » (article 17). L’évaluation, rédigée par la DG Regio et datée du 20 avril 2018, met l’accent sur le besoin de clarification mais aussi de facilitation et de promotion en proposant de modifier les guides d’application plutôt que le règlement  [63].

2.2.3. Les GECT ou de multiples façons de coopérer

96 Depuis 2008 et la signature du premier GECT  [64] qu’est l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, 81 autres GECT  [65] ont été mis en place  [66].

97 Les années les plus favorables à la création de GECT ont été la période de 2011 à 2013 (cf. Tableau 1).

98 Comme l’anticipe Nicolas Levrat dans le rapport de 2007 qu’il co-dirige pour le Comité des régions  [67], la souplesse du règlement européen permet une grande diversité de GECT. Parmi ces GECT  [68], seuls 12 concernent des réseaux ; ils portent alors sur un objectif thématique et ne visent pas un ancrage dans un territoire spécifique. Citons le cas du réseau Agrupación Europea de Cooperación Territorial Ciudades de la Cerámica (AEuCC), créé le 6 novembre 2010, qui réunit sept associations nationales des villes de céramique : quatre à l’origine (les associations espagnole, française, italienne et roumaine) et trois supplémentaires depuis le 1er janvier 2020 (les associations allemande, portugaise et tchèque). La structure réticulaire de ces GECT met en place un mode de coordination qui diffère des GECT territoriaux, ancrés dans la proximité géographique et auxquels appartient l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai.

Tableau 1. Nombre de nouveaux GECT enregistrés par année (2008-2021)

Tableau 1. Nombre de nouveaux GECT enregistrés par année (2008-2021)

Remarque : Les années correspondent à l’année d’enregistrement ; dans plusieurs cas, un temps long s’est écoulé entre l’enregistrement et l’accord des États membres. En ce qui concerne l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, les partenaires ont instauré le GECT en l’absence de toute réglementation nationale, et un an et demi s’est écoulé entre l’adoption du règlement (CE) n° 1082/2006 du 5 juillet 2006 et la création de l’entité juridique en janvier 2008, ce GECT constituant un cas très rapide d’après METIS GmbH, « Groupements européens de coopération territoriale (GECT) : états des lieux et perspectives », 2009, https://cor.europa.eu.

99 Les sections suivantes proposent un examen approfondi des GECT à l’aune de cinq caractéristiques : la composition du partenariat mobilisé, la localisation du siège social, les objectifs poursuivis, les missions assignées et, enfin, l’utilisation des langues.

2.2.3.1. Partenaires privilégiés des GECT

100 Même si la composition des GECT illustre une assez grande diversité parmi les membres, un examen attentif indique deux « champions », à savoir la France et la Hongrie avec la participation à 26 GECT pour la France et à 25 GECT pour la Hongrie, suivis par l’Espagne et la Slovaquie (cf. Tableau 2).

Tableau 2. Nombre de présences de chaque État membre dans les GECT (janvier 2022)

Tableau 2. Nombre de présences de chaque État membre dans les GECT (janvier 2022)

Source : Comité des régions, 2022.

101 Trois grands ensembles géographiques se dessinent : un dans la zone méditerranéenne, un en Europe centrale autour de la Hongrie et la Slovaquie, et un en Europe occidentale. La multiplicité géographique de pays voisins pourrait constituer un élément explicatif du nombre important de groupements signés mais elle n’est pas vérifiée lorsque l’on examine le faible nombre de GECT de l’Autriche (5), de la République tchèque (5) et de la Slovénie (5)  [69]. Remarquons que, sur les cinq groupements incluant la République tchèque, seuls deux incluent la Slovaquie : TRITIA (avec la Pologne) et Spoločnỳ región, tous deux enregistrés en 2013. Il est également intéressant de constater le faible nombre de GECT en Scandinavie  [70].

102 Comme l’a montré l’évolution du règlement, la question de pays tiers s’est posée dès l’origine des GECT. Quelques pays tiers sont ainsi partenaires : citons l’Albanie et la Palestine, dans le Amphictyony enregistré dès 2008 ; la Suisse, dans EUCOR the European Campus et Interregional Alliance for the Rhine-Alpine Corridor ; l’Ukraine, dans Tisza ETT avec la Hongrie ; la Serbie, citée comme observateur au sein de Bánát-Triplex Confinium.

2.2.3.2. Siège social

103 Les GECT de type territorial associent majoritairement deux partenaires (c’est le cas pour 70 des 82 GECT) et certaines frontières sont manifestement privilégiées : ainsi, la frontière entre la Hongrie et la Slovaquie (15 GECT), entre l’Espagne et le Portugal (9 GECT) et entre l’Espagne et la France (9 GECT).

104 Comme le précise le règlement européen, le choix du siège social détermine l’ordre juridique national pertinent. L’analyse du choix du pays qui héberge le siège social rend lui aussi compte d’une certaine concentration. Parmi les États membres appartenant à 10 GECT ou plus (cf. Tableau 3), la Hongrie accueille le siège social de 21 des 25 GECT dont elle est membre (soit plus de quatre fois sur cinq), alors que la France ne l’héberge que dans un cas sur deux (13 sur 26). Il est à noter que la ville hongroise de Miskolc héberge à elle seule trois GECT.

Tableau 3. Nombre d’hébergements du siège social pour les États membres participant ou ayant participé à au moins dix GECT (janvier 2022)

Tableau 3. Nombre d’hébergements du siège social pour les États membres participant ou ayant participé à au moins dix GECT (janvier 2022)

Source : Comité des régions, 2022.

105 La frontière belge héberge neuf GECT, dont l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai. Parmi ceux-ci, deux sièges sociaux sont localisés en Belgique : Sint-Gillis-Waas pour Linieland van Waas en Hulst enregistré le 15 juin 2011, et Eupen pour l’Euregio Meuse-Rhin enregistré auprès du Comité des régions le 14 mars 2019.

2.2.3.3. Objectifs

106 Parmi les objectifs assignés aux GECT, se retrouvent des formulations assez générales telles que dynamiser les échanges et la coopération transfrontalière, soutenir le développement socio-économique, et améliorer la compréhension et la connaissance des acteurs du territoire.

107 Des objectifs plus précis touchant le domaine de la mobilité, du tourisme ou de la culture sont fréquemment repris, comme en témoignent trois exemples. Huesca Pirineos - Hautes Pyrénées (à la frontière franco-espagnole) entend « créer dans les Pyrénées centrales une zone de coopération économique pour apporter un soutien aux entreprises culturelles et promouvoir les secteurs stratégiques tels que les technologies de l’information et de la communication (TIC), l’agro-industrie, les services et le tourisme »  [71]. Les objectifs de coopération de Pontibus (qui réunit des territoires hongrois et slovaque depuis 2016) portent entre autres sur le renforcement des liaisons de transport entre les deux pays membres, ainsi que le soutien au développement du tourisme, à la recherche et à l’innovation, à la culture, à la santé et au sport, à l’agriculture et à l’industrie alimentaire  [72]. Linieland van Waas en Hulst (sur la frontière belgo-néerlandaise) lance et met en œuvre des projets de coopération en lien avec le port et l’économie, la mobilité, la nature et les loisirs, le logement et la qualité de vie  [73].

108 Cinq GECT s’inscrivent dans une ambition de protection ou de conservation de l’environnement dont le récent Geopark Muskauer Faltenbogen à la frontière germano-polonaise (enregistré le 5 novembre 2021). Le Geopark Karawanken m.b.H. (qui réunit neuf municipalités autrichiennes et cinq slovènes) vise « la conservation des ressources géologiques et naturelles et du patrimoine culturel et naturel du territoire ; la sensibilisation, l’information et l’éducation sur et dans le Geopark ; le développement économique du Geopark notamment par le biais du tourisme durable ; et de façon plus générale la coopération transfrontalière générale »  [74]. Le Parc européen / Parco europeo Alpi Marittime - Mercantour (qui réunit un parc national français et un parc national italien) veut mettre en œuvre des projets sur « la protection de la biodiversité, la protection du paysage transfrontalier et du patrimoine naturel et culturel commun, l’éducation à l’environnement et le bilinguisme, l’agriculture durable, le tourisme durable et la mobilité durable »  [75]. Le ZASNET ibérique a été créé en 2010 comme « un instrument de préservation de la nature et de développement durable » pour gérer la réserve de la biosphère transfrontalière Meseta Ibérica, reconnue par l’UNESCO en juin 2015  [76]. Finalisé en 2012, le Parc marin international des Bouches de Bonifacio (qui regroupe l’Office régional de l’Environnement de la Corse et le parc national italien de l’Archipel de la Maddelana) vise à protéger, gérer et promouvoir les ressources culturelles et naturelles du Détroit de Bonifacio.

109 Quelques autres GECT n’ont pas comme objectif principal le développement durable mais incluent comme partenaire un parc. Citons le cas de Novohrad - Nógrád, qui réunit une municipalité hongroise et une slovaque dans un partenariat avec le géoparc de Novohrad-Nógrád (reconnu comme site de l’UNESCO), et l’Eurorégion Neogradiensis ou Pannon, qui associe des municipalités croates, hongroises et slovènes, deux universités publiques hongroises et un parc national hongrois.

110 En 2020, avec cette même ambition environnementale, s’est engagée une procédure de création d’un nouveau GECT franco-belge : le Parc naturel européen Plaines Scarpe-Escaut (unissant un parc régional français et un parc régional belge). Cette constitution, finalisée en mars 2022  [77], conforte plus de trois décennies de collaboration entre les parcs (un tout premier protocole d’accord ayant été signé le 7 octobre 1983 entre la Région Nord-Pas-de-Calais et la Région wallonne concernant le parc naturel transfrontalier des Plaines de la Scarpe et de l’Escaut). Son siège est situé en Belgique. Épinglons enfin le cas de l’AECT Hospital de la Cerdanya, fréquemment cité dans la presse  [78]. Il constitue un cas particulier puisqu’il concerne la création d’une personnalité juridique destinée à gérer un établissement localisé en Espagne à deux pas de la France, la construction, la mise en place et la gouvernance d’un hôpital transfrontalier, général et cantonal, comme le précisent ses statuts (article 4.1)  [79].

111 Le règlement relatif à un GECT est lié aux fonds européens structurels et d’investissement, mais il précise explicitement qu’il s’agit bien d’une action qui peut en différer (cf. supra). Dans cette perspective, un examen des sites Internet des GECT visant à repérer la présence d’un programme Interreg dans les activités indique deux grandes tendances  [80].

112 Un premier cas concerne les GECT qui participent à des projets, ont été ou sont bénéficiaires ou chefs de file de projet et, dès lors, sont partiellement financés via un programme Interreg et dont le site en fait la publicité. Citons, par exemple, les projets dans le cadre du programme Interreg V-A République tchèque - Pologne et le projet dans le cadre du programme Interreg Central Europe mené par NOVUM ; Alzette Belval, chef de file de « Alzette Belval vivons ensemble ! » et « Alzette Belval, à vélo et à pied ! », opérateur méthodologique pour « Alzette, objectif qualité », AROMA et EDUCO financés par le programme Interreg V-A Grande Région ; l’Eurodistrict PAMINA, impliqué dans les projets Interreg V-A Rhin Supérieur en tant que chef de file et partenaire associé ou co-financeur.

113 Le second cas est celui qui voit un GECT impliqué dans le pilotage même d’un programme. Ainsi, le GECT Autorité de gestion du programme Interreg V-A Grande Région agit en tant qu’autorité de gestion pour le programme de coopération transfrontalière Interreg V-A Grande Région, comme avant lui le GECT Programme Grande Région enregistré en 2010 et gérant le programme IV-A Grande Région. De même, TATRY inclut explicitement dans ses objectifs la préparation et la mise en œuvre de projets de coopération territoriale cofinancés par l’UE au titre du Fonds européen de développement régional (FEDER), du Fonds social européen (FSE) ou du Fonds de cohésion en plus de projets ne bénéficiant pas d’une contribution financière de l’UE  [81].

114 L’évaluation de la mise en œuvre des GECT effectuée en 2018  [82] relevait, à partir des données récoltées, que les GECT participent également aux programmes transnationaux de coopération territoriale européenne : ainsi, l’Euregio Tirolo - Alto Adige Suedtirol - Trentino est partenaire d’Interreg Espace Alpin et le GECT du réseau Central European Transport Corridor est membre associé d’Interreg Mer Baltique.

115 Certains sites Internet précisent enfin le rôle clé des GECT comme relais dans le dispositif d’appel des microprojets  [83] : c’est le cas de l’Eurodistrict Strasbourg-Ortenau dans le cadre du Programme Interreg V-A Rhin supérieur et de Rába-Duna-Vág Korlátolt dans celui du Programme Interreg V-A Slovaquie - Hongrie, ou encore de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai (cf. infra).

2.2.3.4. Missions

116 L’analyse des activités et des missions du GECT fait apparaître leur rôle comme plateformes potentiellement utiles à la vie quotidienne, destinées à faciliter les échanges, la mobilité ou la compatibilité des procédures transfrontalières.

117 Dans le contexte particulier de la pandémie de Covid-19 qui a débuté en Belgique en mars 2020 – où l’on a vu se refermer subitement les frontières nationales et, par là, se réduire drastiquement toutes les interactions transfrontalières que ces groupements favorisent –, quelques GECT sont apparus comme des acteurs de premier plan pour faire face à cette crise  [84]. Les sites Internet publient des informations sur des secteurs touchés par la pandémie et sur l’évolution des normes de travail de chaque côté de la frontière (NOVUM), proposent un onglet spécifique « Covid-19 » qui synthétise les informations sur l’évolution de la pandémie et des mesures en vigueur (Secrétariat du Sommet de la Grande Région; Eurorégion Nouvelle-Aquitaine Euskadi Navarre).

118 Le cas du GECT Pyrénées-Méditerranée, enregistré en 2009 et réunissant la France et l’Espagne, se différencie : il a lancé un plan d’actions pour répondre à la crise générée par la pandémie de Covid-19, a créé un fonds de soutien eurorégional et a alloué différents fonds (de 100 000 euros ou de 200 000 euros) à différents domaines (l’enseignement, le tourisme, la culture, les actions environnementales et l’innovation) en réponse à la crise.

2.2.3.5. De l’usage des langues

119 L’analyse comparée des GECT pourrait faire l’objet de nombreux autres approfondissements. Une dernière caractéristique intéressante à spécifier porte sur un élément culturel, à savoir les langues utilisées.

120 D’une part, les statuts des GECT doivent préciser les langues de travail ; d’autre part, les sites sont publiés en une ou plusieurs langues. Il apparaît que le choix de ces langues est particulièrement stratégique, et une analyse détaillée vérifiant notamment les langues réellement utilisées lors des rencontres officielles ou lors des activités s’avérerait nécessaire  [85]. Nous pouvons déjà constater que, dans les GECT franco-espagnols, une langue régionale – catalane, occitane ou basque – est reprise dans les statuts comme langue de travail et/ou du site Internet, en plus du castillan et du français. De même, le ladin est repris comme langue du site Internet et utilisé dans des domaines particuliers pour l’Euregio Tirolo - Alto Adige Suedtirol - Trentino, de même le galicien pour les sites Internet de l’Eurocidade Chaves-Verín et de Galicia-Norte de Portugal. L’étude menée sur les GECT territoriaux note l’existence de sites Internet publiés dans une seule des langues représentées, comme pour Abaúj - Abaújban et pour Bodrogköz (réunissant tous deux la Hongrie et la Slovaquie), ou en catalan et en français (à la différence des statuts et des langues de travail, qui incluent le castillan) pour le GECT Pays d’Art et d’Histoire Transfrontalier Les Vallées Catalanes du Tech et du Ter. Dans ces cas, l’instrument GECT semble inclus dans une dynamique régionaliste volontaire, et les langues choisies en constituent un des marqueurs.

2.3. Les GECT : un instrument juridique au service d’une gouvernance à géométrie variable

121 L’analyse de la gouvernance transfrontalière est ici basée sur l’examen approfondi des 67 groupements de type territorial enregistrés jusqu’en mars 2021.

122 Comme précédemment évoqué, le règlement (UE) n° 1302/2013 du 17 décembre 2013 prévoit une diversité de membres, de niveaux et de types. Sont ainsi prévus comme membres possibles pour un GECT « les États membres ou autorités à l’échelon national, les collectivités régionales, les collectivités locales, les entreprises publiques et les entreprises » (article 3). Ajoutons à cette diversité que le territoire d’un GECT est situé sur minimum deux pays : deux États membres ou un État membre et un pays tiers.

123 Cette diversité des membres, en plus de leur nature plurinationale, rend compte d’une coordination qui correspond aux caractéristiques inhérentes à un processus de gouvernance  [86]. Le processus de gouvernance renvoie à la participation de différents niveaux de gouvernement et à la multiplication d’acteurs et de réseaux d’acteurs associés pour agir collectivement (cf. supra, 1.1). La gouvernance territoriale amène ainsi l’émergence de modes de coordination horizontale et verticale en dehors des réglementations administratives prédéfinies.

2.3.1. Les municipalités comme partenaires privilégiés

124 L’examen des GECT de type territorial montre le poids indubitable des municipalités dans leur constitution. La majorité incluent des communes et seize regroupent uniquement des municipalités ; le nombre de communes varie de 85 dans le cas de Bánát-Triplex Confinium (40 hongroises, 37 roumaines et 8 serbes, ces dernières en tant qu’observatrices) à 2 pour l’Eurocidade Chaves-Verín (qui n’associe que deux municipalités, une espagnole et une portugaise).

125 Le regroupement d’instances de niveaux différents (local, régional, national) apparaît. Dans la pratique des GECT, existent des combinaisons associant des entités non municipales de même niveau. Ainsi, il y a des groupements entre régions, comme l’Euregio Senza Confini (réunissant deux régions italiennes et une région autrichienne), l’Euroregion Nouvelle-Aquitaine Euskadi Navarre (entre la Navarre et l’Euskadi espagnoles et la Nouvelle Aquitaine française), Pyrénées-Méditerranée (entre la Catalogne, les Îles Baléares et l’Occitanie), Galicia-Norte de Portugal, Pontibus (hongro-slovaque), TRITIA (réunissant quatre régions slovaque, tchèque et polonaises) et Huesca Pirineos - Hautes Pyrénées (entre une province espagnole et un département français). Des associations asymétriques existent aussi : citons le cas du récent Eurodistrict Region Freiburg-Centre et Sud Alsace, enregistré le 14 avril 2020, qui réunit, côté français, deux pôles d’équilibre territorial et rural (PETR), deux communautés d’agglomérations, deux départements et une région, et, côté allemand, une municipalité et deux arrondissements.

2.3.2. La gouvernance multi-acteurs et multiscalaire

126 Depuis la révision opérée par le règlement (UE) n° 1302/2013 du 17 décembre 2013, les GECT peuvent inclure des partenaires publics ou privés. La caractéristique du processus de gouvernance est que, malgré ces différences, chaque opérateur est partenaire du processus décisionnel. Neuf GECT incluent des partenaires autres que des collectivités publiques ou des administrations : on relève des entreprises (deux cas), des parcs naturels (quatre cas), des universités (cinq cas) et un fonds privé.

127 L’étude des partenaires amène à déduire des processus de gouvernance de diverses natures. Ainsi nous trouvons des exemples de gouvernance horizontale dans le cas des GECT associant des instances de même échelon : des villes, des régions ou des parcs. Rappelons que cette coordination apparemment symétrique ne l’est pas dans les faits, puisque les compétences, missions et règlements organisant ces instances diffèrent d’un pays à l’autre (voire au sein même des États fédéraux ou fortement décentralisés, comme dans le cas de l’Allemagne, de la Belgique et de l’Espagne). Sept GECT apparaissent particulièrement complexes puisqu’ils réunissent tous les niveaux de pouvoir, du municipal au national : l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai (enregistré en 2008), West-Vlaanderen / Flandre - Dunkerque - Côte d’Opale (2009), l’AECT Hospital de la Cerdanya (2010), Alzette Belval (2012), le Secrétariat du Sommet de la Grande Région (2013), le Pays d’Art et d’Histoire Transfrontalier Les Vallées Catalanes du Tech et du Ter (2015) et l’Eisenbahnneubaustrecke Dresden-Prag EVTZ (2016).

128 Dès 2007, N. Levrat relevait le rôle reconnu aux États dans l’instrument GECT  [87]. Le règlement (UE) n° 1302/2013 du 17 décembre 2013 cite comme membre, non pas seulement l’État membre  [88], mais l’État membre ou l’autorité à l’échelon national (article 3, § 1er). L’analyse des 67 GECT montre que, outre les sept GECT incluant tous les niveaux de pouvoir, un seul GECT a un État comme membre à part entière : l’Autorité de gestion du programme Interreg V-A Grande Région (enregistré en 2015, associant une région française et l’État luxembourgeois). Des hypothèses liées aux systèmes politiques des États membres peuvent être avancées mais elles doivent sans nul doute être affinées. En effet, alors que, dans les cas des GECT associant des territoires allemands ou l’Espagne, l’État membre ou l’autorité à l’échelon national n’est pas membre, dans 2 des 9 GECT incluant un territoire belge, l’État fédéral belge est, quant à lui, partenaire à part entière. Remarquons la présence de situations asymétriques puisque l’État allemand n’est pas membre du Eisenbahnneubaustrecke Dresden-Prag EVTZ alors que l’État tchèque l’est, que l’État espagnol n’est pas membre de l’AECT Hospital de la Cerdanya et du Pays d’Art et d’Histoire Transfrontalier Les Vallées Catalanes du Tech et du Ter alors que le ministère français compétent l’est dans les deux cas, et que l’État français et l’État luxembourgeois sont présents dans le Secrétariat du Sommet de la Grande Région avec la Région wallonne mais ni l’État fédéral allemand ni l’État fédéral belge.

129 Outre un rôle en tant que membre d’un GECT, l’État reste acteur du GECT puisque c’est lui qui marque son accord sur la participation des membres le concernant (article 4, § 3) et qu’il doit approuver formellement la convention si c’est dans son pays que se localise le siège du GECT. L’article 4 du règlement (UE) n° 1302/2013 du 17 décembre 2013 spécifie cependant que l’État membre qui n’a pas statué dans les six mois de la réception de la notification est réputé l’approuver.

130 Associée à cette question, il est intéressant de relever l’existence de GECT « frères »  [89]. Ainsi, à la frontière luxembourgeoise, quatre GECT concernent des territoires emboîtés ou similaires. Le territoire d’Alzette Belval est intégré dans la Grande Région, qui est elle-même un territoire concerné par trois GECT : l’Autorité de gestion du programme Interreg V-A Grande Région (2015), le Programme Grande Région (2010) – concerné par le programme Interreg IV-A Grande Région – et le Secrétariat du Sommet de la Grande Région (2013). Ce dernier a pour objet d’assurer le rôle de secrétariat du Sommet de la Grande Région et la coordination de ses présidences  [90].

131 Un dernier élément relatif à la gouvernance, européenne cette fois, concerne le rôle du Comité des régions, dont la mission de conseil lors de l’élaboration du règlement s’est accentuée. C’est à ce même Comité que revient la tenue du registre des GECT, le monitoring des activités des GECT existants et en cours de constitution, l’échange des pratiques et l’identification des enjeux communs  [91]. Ce rôle, souligné dans la troisième déclaration du règlement (UE) n° 1302/2013 du 17 décembre 2013 (cf. supra, 2.2.2), est rendu visible par l’animation de la plateforme des GECT  [92] et la remise des « EGCT Awards » depuis 2014.

132 Comme l’analyse des textes l’a indiqué, le cadre réglementaire relatif aux GECT, par sa concision et sa simplicité, ne constitue pas un guide structurant strict. Il permet et amène l’émergence d’une pluralité de groupements et de types d’organisations. Les processus de coordination et de réglementation en œuvre provoquent ainsi des solutions bricolées, au sens du « muddling through » développé par Charles Lindblom  [93], c’est-à-dire non pas un arrangement éphémère mais le fruit d’un projet commun co-construit dans la durée entre partenaires.

3. De la réalité du territoire franco-belge à son institutionnalisation

133 Après un panorama général des GECT, ce troisième chapitre, tout comme le quatrième, propose une plongée dans le contexte particulier de la frontière franco-belge et de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai. L’objectif poursuivi est une immersion dans le processus ayant mené à l’émergence du tout premier GECT européen sur le triangle formé par Lille, Courtrai (en néerlandais, Kortrijk) et Tournai. Il sera ensuite question de détailler les évolutions connues par le groupement, depuis sa création en 2008 jusqu’à nos jours.

3.1. De l’articulation de territoires français et belges à l’idée d’une métropole transfrontalière

134 Cette première section s’intéresse à la phase amont de la création du GECT. Les caractéristiques géographiques particulières, le développement de grandes infrastructures, les démarches proactives d’association ou de structuration sont autant de facteurs ou d’étapes ayant contribué à l’articulation d’un territoire et à la mise en place progressive d’une véritable dynamique transfrontalière.

3.1.1. Un territoire franco-belge qui s’internationalise

135 Une des principales caractéristiques du territoire franco-belge couvert par l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai réside dans son imbrication urbaine transfrontalière – sur une partie de son espace – et dans l’intensité des flux de proximité de toute nature qui le traversent : travailleurs frontaliers, publics scolaires, pratiques commerciales, touristiques, culturelles, sociales, sanitaires ou simplement familiales.

136 Précisons que le territoire de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai est fait d’un espace disposant de plus de 900 000 emplois et dont le potentiel d’enseignement supérieur s’exprime au travers de la présence de plus de 306 000 étudiants  [94]. En 2021, quelque 46 000 travailleurs transfrontaliers passaient régulièrement la frontière pour aller travailler en France ou en Belgique  [95]. Après la Suisse, le Luxembourg et l’Allemagne, la Belgique est le pays qui accueille le plus grand nombre de travailleurs frontaliers en provenance de la France (37 800 personnes en 2017, selon un rapport du Commissariat général à l’égalité des territoires  [96]). Dans le sens inverse, le flux de la Belgique vers la France est en légère progression : ainsi, le nombre de salariés belges venant travailler dans les Hauts-de-France a augmenté de 14 % depuis 2013  [97]. Une enquête consacrée aux déplacements des ménages en 2016 indiquait que la mobilité s’élevait à 95 000 déplacements quotidiens entre les territoires de la Métropole européenne de Lille (MEL) et de la Wallonie picarde et se chiffrait à 26 000 déplacements entre la MEL et le sud de la province de Flandre occidentale  [98].

Carte 2. Carte de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai

Carte 2. Carte de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai

Source : Agence de développement et d’urbanisme de Lille Métropole (ADULM), 2020.

137 L’imbrication extrême des zones franco-belges autour de Lille engendre depuis des décennies une multitude d’obstacles, obligeant les collectivités locales, françaises et belges, à résoudre ensemble les problèmes communs, notamment en ce qui concerne la gestion de l’eau et des transports. Même si la frontière entre la France et la Belgique ne se matérialise pas par des obstacles physiques, elle reste pourtant bien présente entre les deux États ; elle marque l’inscription historique et géographique des pouvoirs, leurs limites juridiques. Elle a vu se renforcer des fonctionnements administratifs différents : centralisation du pouvoir en France, fédéralisme de plus en plus marqué en Belgique. Bien que non visible, la frontière sépare pourtant clairement des systèmes politiques, économiques, culturels et sociaux différents.

138 Comme le développe S. Verger, la perspective transfrontalière et le fait qu’elle soit mise à l’agenda des mandataires politiques ne sont pas naturels  [99] ; un ensemble d’opportunités, de contraintes et de circonstances diverses doivent réussir à modifier la perception du décideur public et, dès lors, le périmètre de son action publique.

139 Plus précisément, d’un point de vue strictement français, l’agglomération lilloise, se situant au carrefour de la France, de la Wallonie et de la Flandre belge et couvrant un territoire de près de deux millions d’habitants, revêt dans les années 1980 le statut de première agglomération transfrontalière en Europe. En 1986, le choix du projet de tunnel sous la Manche sélectionné par les gouvernements britannique et français marque le renforcement d’importants travaux d’aménagement pour Lille  [100] et les agglomérations françaises voisines : non seulement les travaux à Calais, mais aussi la construction de la gare TGV Lille-Europe (qui sera inaugurée en 1994 et permettra de desservir entre autres Paris, Londres, Bruxelles et Cologne) et celle du complexe commercial et d’affaires Euralille  [101]. Une réflexion réellement transfrontalière s’engage alors à l’échelle de l’agglomération lilloise.

140 Certes, Lille était déjà un centre commercial, culturel et financier de niveau régional, mais les différents investissements cités renforcent sa position et la transforment en un point névralgique de l’Europe du Nord  [102], situé à une heure de Paris, à deux heures de Londres et d’Anvers et à une demi-heure de Bruxelles. Dans cette configuration, une vision internationale et transfrontalière s’impose : elle devient une opportunité permettant d’envisager l’émergence d’une véritable métropole internationale, diverse tant dans ses langues, ses cultures, ses législations, voire ses pratiques entrepreneuriales, située au centre du triangle Paris-Londres-Bruxelles.

Carte 3. L’aire métropolitaine de Lille, point névralgique au centre du triangle Paris-Londres-Bruxelles

Carte 3. L’aire métropolitaine de Lille, point névralgique au centre du triangle Paris-Londres-Bruxelles

Source : Agence de développement et d’urbanisme de Lille Métropole (ADULM), 2018.

3.1.2. Des grands travaux d’infrastructure à une réflexion stratégique transfrontalière

141 En 1991, le souhait d’une « aire métropolitaine transfrontalière autour de l’agglomération de Lille » énoncé par Pierre Mauroy – qui, « dès les années 1980, souhaitait former un ensemble urbain à caractère métropolitain reconnu mondialement »  [103] – se concrétise sous la forme d’une association entre les intercommunales belges et l’intercommunalité française concernées. Plus précisément, naît à Courtrai, sous la forme d’une association de droit français, la Conférence permanente intercommunale transfrontalière (COPIT), dont l’objectif est d’être un organe de pilotage et de concertation franco-belge.

142 Elle rassemble ainsi quatre intercommunales belges (pour environ 700 000 habitants) : l’Intercommunale de développement économique (IDETA : communes de l’arrondissement de Tournai à l’exception de la commune d’Estaimpuis, communes de l’arrondissement d’Ath, et communes de Lessines, Silly et Enghien), l’Intercommunale d’étude et de gestion (IEG : communes de l’arrondissement de Mouscron et commune d’Estaimpuis), Leiedal (communes de l’arrondissement de Courtrai) et West-Vlaamse Intercommunale (WVI : communes des arrondissements d’Ypres, Tielt et Roulers). Côté français, on trouve une intercommunalité représentant plus d’un million d’habitants : Lille Métropole Communauté urbaine (LMCU), devenue depuis lors Métropole européenne de Lille (MEL) à dater du 1er janvier 2015.

143 La COPIT doit impulser une dynamique de coopération. Les missions qui lui sont attribuées sont énumérées dans sa charte constitutive du 12 octobre 1991 : il s’agit de «décider des programmes d’action sur la base de priorités proposées par les différents partenaires », de « créer et animer des groupes de travail thématiques », d’« envisager et solliciter des concours financiers », d’« évaluer les actions engagées » et d’« initier et conduire toute étude se rapportant au rôle précédemment défini». De plus, il est précisé que la COPIT œuvre « dans le respect des législations européennes et nationales, de l’autonomie et des compétences de chacune des collectivités »  [104]. La COPIT a bien un objectif de diagnostic et d’appui à une stratégie.

144 De 1991 à 1998, la COPIT fonctionne en s’appuyant sur un secrétariat composé de délégués de ses cinq membres fondateurs (intercommunalité et intercommunales) dont la coordination est assurée par la Communauté urbaine de Lille  [105]. Durant cette période, la COPIT accompagne la mise en œuvre d’une série de projets, financés par les premiers programmes européens Interreg, sur la thématique des services urbains dans le domaine du transport. Ainsi, en 1992, une ligne de bus transfrontalier entre Mouscron et Wattrelos est créée ; son prolongement jusqu’à Roubaix intervient en 1995  [106].

145 La COPIT se dote en 1998 d’une structure opérationnelle unique, l’Atelier transfrontalier, hébergé dans les locaux de l’Agence de développement et d’urbanisme de Lille Métropole (ADULM)  [107]. Les intercommunalité française et intercommunales belges versant leurs contributions financières à l’ADULM, la COPIT a confié à l’Atelier transfrontalier l’élaboration du projet européen Grootstad (financé par le programme TERRA)  [108] ; il s’agit d’un schéma transfrontalier d’aménagement et de développement, autour de thèmes privilégiés, dont la métropolisation du territoire, la mobilité et la mise en cohérence de la planification locale. Poursuivi jusqu’en 2001, ce projet aboutit à la publication d’une proposition de « Stratégie pour une métropole transfrontalière » en 2002  [109].

146 En 2000, la COPIT devient une association de droit français avec l’aide de la Mission opérationnelle transfrontalière (MOT)  [110]. Elle est alors composée d’un président, d’une assemblée générale de 30 élus, d’un conseil d’administration de 24 élus et d’un bureau de 6 élus, ainsi que, à côté de ces instances politiques, d’instances techniques  [111].

147 En parallèle aux travaux de la COPIT autour de la métropole lilloise, les autorités française et belges concluent un accord pour favoriser la coopération transfrontalière franco-belge. Signé à Bruxelles le 16 septembre 2002 (cf. supra, 1.3.3.2), cet accord permet de créer des organismes publics transfrontaliers tels qu’un groupement local de coopération transfrontalière (GLCT)  [112].

148 À la suite de l’Accord de Bruxelles, se tient à Lille, le 25 novembre 2002, la réunion des Assises régionales des libertés locales, lors de laquelle le Premier ministre français, Jean-Pierre Raffarin, se prononce en faveur d’une « vraie stratégie transfrontalière de rayonnement et de coopération, pour le développement économique, social et culturel de la métropole et de sa région [transfrontalière] »  [113]. Il lance une démarche d’expérimentation transfrontalière, mobilisant les administrations nationales. Cette réalité transfrontalière de l’agglomération lilloise est reconnue officiellement en 2005 par la République française, qui intègre dans son programme de coopération métropolitaine l’ensemble du périmètre de la COPIT.

149 Afin d’approfondir la boîte à outils institutionnels favorisant la coopération franco-belge, un groupe de travail parlementaire franco-belge est mis en place en 2005. Présidé par les services du Secrétariat général pour les Affaires régionales (SGAR) français  [114], son objectif est d’identifier les freins juridiques à la coopération transfrontalière et des solutions à y apporter dans des domaines spécifiques : l’urbanisme et l’aménagement, le transport et les télécommunications, l’emploi et la fiscalité, l’eau et l’environnement, la santé, la sécurité, l’enseignement et la formation.

3.1.3. COPIT, GLCT, eurodistrict et GECT

150 En 2006, les cinq membres de la COPIT créent un GLCT dénommé Lille Eurométropole franco-belge. Celui-ci fixe son siège à Lille. Le groupement peut maintenant porter et réaliser des projets transfrontaliers en son nom propre.

151 Dans le cadre des travaux du groupe de travail parlementaire franco-belge  [115], est débattue la question de la mise en place d’une coopération dotée d’un organe politique de gouvernance spécifique. Parmi les membres, figurent deux personnalités politiques de poids de la zone de Lille et de Courtrai, à savoir Pierre Mauroy, ancien Premier ministre français et président de LMCU, et Stefaan De Clerck, bourgmestre de Courtrai. En 2006, une démarche de constitution d’un eurodistrict  [116] est lancée.

152 Finalement, une nouvelle étape est franchie le 19 mars 2007 : est alors signée, à Lille, une déclaration d’intention fixant les grands principes de la création d’un GECT, un instrument européen nouvellement créé et jamais utilisé jusqu’alors, dont « l’objet est de faciliter et de promouvoir la coopération, en particulier entre ses membres, y compris un ou plusieurs des volets transfrontaliers, transnationaux et interrégionaux de coopération, dans le but de renforcer la cohésion économique, sociale et territoriale de l’Union »  [117].

3.2. La naissance du premier GECT

153 L’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai devient ainsi le premier GECT créé en Europe, conformément à l’article 5, § 1er du règlement (CE) n° 1082/2006 du 5 juillet 2006 (cf. supra, 2.2). La convention de coopération est officiellement signée par les 14 partenaires à Courtrai le 28 janvier 2008, date à laquelle la première assemblée de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai se tient. Pierre Mauroy, toujours président de LMCU, est élu premier président de ce GECT pour une durée d’un an. Trois vice-présidents (un Français, un Wallon et un Flamand) l’encadrent : Martine Aubry, Rudy Demotte et Stefaan De Clerck  [118]. Dans la foulée, le premier budget est voté.

154 La création de cette nouvelle institution constitue donc non seulement une étape d’approfondissement du processus de coopération transfrontalière entrepris depuis la COPIT, mais également une opportunité tirant parti de la présence et de la volonté de personnalités politiques de premier ordre.

155 Cette section s’intéresse, tout d’abord, à l’ancrage territorial et au mode de financement du premier GECT. Dans un second temps, les modalités d’organisation et de fonctionnement institutionnel sont présentées.

3.2.1. L’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai : son territoire et son financement

156 D’un point de vue géographique, l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai dans sa première forme constitue un territoire de 3 550 km² composé de 90 communes françaises  [119] (Lille Métropole, soit plus de 1,1 million d’habitants), 23 communes wallonnes (du Hainaut occidental (ou Wallonie picarde), avec plus de 300 000 habitants) et 44 communes flamandes (du sud de la Flandre occidentale, représentant plus de 630 000 habitants). Elle rassemble au total plus de 2 millions d’habitants, parlant le français ou le néerlandais. Le territoire de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai réunit donc des communes appartenant à deux États (la France et la Belgique) et dépendant de trois Régions (le Nord-Pas-de-Calais, la Wallonie et la Flandre). Comme le précise Bénédicte Grosjean, « deux jeux de limites (…) traversent ce territoire : l’un est politique, étatique, l’autre est linguistique, culturel, et les deux ne coïncident pas »  [120]. Le 1er janvier 2016, à la suite de l’entrée en vigueur du nouveau découpage du territoire français en régions, les Hauts-de-France succèdent au Nord-Pas-de-Calais.

157 Sur un plan institutionnel, le GECT réunit toutes les autorités compétentes sur le territoire couvrant Lille Métropole, la Wallonie picarde et le sud de la Flandre occidentale, à savoir la République française, le Royaume de Belgique, la Région Nord-Pas-de-Calais (puis la Région Hauts-de-France), la Région wallonne, la Communauté française, la Région flamande et la Communauté flamande, le Département du Nord, la Province de Hainaut, la Province de Flandre occidentale, l’intercommunalité française MEL et les intercommunales belges IDETA, IEG, Leiedal et WVI. Toutes y sont représentées.

158 Le GECT est financé à parts égales au travers des contributions de quatre membres français (50 %) et de dix membres belges (50 %). Cette répartition a été arrêtée dans les statuts du GECT de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai (cf. Tableau 4)  [121].

Tableau 4. Sources de financement de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai

Tableau 4. Sources de financement de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai

Source : Article 19 des statuts de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai (« Contribution annuelle des membres »).

3.2.2. Le fonctionnement institutionnel de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai

159 Les statuts de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai institutionnalisent des principes généraux de représentation territoriale et de fonctionnement, dont la parité France/Belgique et, au sein de la Belgique, la parité entre francophones et néerlandophones, ainsi que le bilinguisme. Le site Internet est ainsi disponible en français et en néerlandais, ainsi qu’en anglais pour répondre au souhait de rayonnement international du GECT.

160 Le siège social du GECT se situe à Lille (plus exactement, au siège de la MEL) et son agence opérationnelle (Agence de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai) est installée à Courtrai. En outre, il a été décidé de dédier un lieu fixe à la société civile de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, dont le siège est établi à Tournai (au sein de l’Office de Tourisme).

161 Un GECT dispose d’au moins une assemblée constituée par les représentants de ses membres et d’un directeur (cf. supra, 2.2). Dans le cadre de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, la structure mise en place est plus complexe. Six instances de concertation ont été créées : la présidence, l’assemblée, le bureau, les groupes de travail thématiques, la conférence des maires et des bourgmestres et, enfin, l’agence transfrontalière.

162 La présidence est composée de quatre membres, dont deux membres issus de la France et deux membres originaires de la Belgique (Wallonie et Flandre). La présidence est assurée alternativement, pour une durée d’un an, par un représentant français et par un représentant belge. Pour ce dernier, le rôle revient en alternance à un représentant francophone et à un représentant néerlandophone. Lors d’une modification ultérieure des statuts, la durée de la présidence sera augmentée à deux ans (soit deux ans de présidence française, un an de présidence wallonne et un an de présidence flamande). L’alternance profite à la France, ce qui est cohérent compte tenu de sa contribution financière qui s’élève à 50 % du budget total de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai (cf. Tableau 4).

163 L’assemblée, prévue dans le règlement européen, compte ici 84 représentants (42 membres français et 42 membres belges, dont 21 membres belges francophones et 21 membres belges néerlandophones) désignés au sein des instances de chaque entité membre, c’est-à-dire des quatorze partenaires de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai. La durée du mandat est fixée au regard du processus électif en vigueur chez chaque partenaire (ainsi, par exemple, le changement de membres pour la Région wallonne est effectué après le scrutin régional). Les membres de l’assemblée cessent de siéger dans cette instance dès lors qu’ils perdent leur qualité de représentant de l’organisme qui les a désignés.

164 Est invité aux réunions de l’assemblée tout représentant d’institution, organisation ou organisme que l’assemblée juge utile de convier. L’assemblée est présidée par le président ou, à défaut, par l’un des trois vice-présidents désignés collégialement. Elle se réunit au moins deux fois par an. Elle définit les grandes lignes du fonctionnement de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, approuve le budget, contrôle le compte des résultats et le bilan, élit et fixe l’effectif de l’agence transfrontalière. L’assemblée ne délibère valablement que lorsque la majorité absolue de ses membres en exercice est présente. Les délibérations sont adoptées via un vote en séance avec obtention de la majorité absolue (50 % + 1 voix). Les documents et les procès-verbaux des séances sont rédigés en langues française et néerlandaise.

165 Le bureau compte 32 représentants (16 membres français et 16 membres belges, dont 8 membres belges francophones et 8 membres belges néerlandophones) désignés par l’assemblée et sur proposition de chaque partenaire. Comme ceux de l’assemblée, les membres du bureau cessent de siéger dans cette instance dès lors qu’ils perdent la qualité de représentant de l’organisme qui les a désignés. Le bureau définit les projets et autres initiatives concrètes que prend l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, propose le budget, rédige les profils de fonction pour le personnel de l’agence transfrontalière et règle toutes les questions qui ne font pas partie des compétences de l’assemblée. Les décisions du bureau sont prises à l’unanimité.

166 Une conférence des maires et bourgmestres est également instituée. Initialement, elle réunit, au moins une fois par an, l’ensemble des élus des communes du GECT. Le trop grand nombre de membres (147) et l’implication diverse des élus communaux ayant limité les résultats de cette instance, elle sera remplacée en 2016 (cf. infra).

167 En 2012, à la lumière des enjeux identifiés dans le cadre de la préparation de la période de programmation européenne 2014-2020 de la politique de cohésion et dans le contexte de la Stratégie Europe 2020 « Croissance intelligente, durable et inclusive », il est décidé de répertorier, en étroite concertation avec les quatorze partenaires, les priorités partagées et de construire une stratégie baptisée « Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai 2014-2020 ». Trois axes de travail, appelés « commissions », sont fixés : la commission socio-économique (axe 1), la commission mobilité (axe 2) et la commission bleue et verte (axe 3). De chacun de ces axes, découlent des « ambitions eurométropolitaines » répondant à un ou plusieurs objectifs fixés dans la Stratégie Europe 2020, autour desquels des groupes de travail incluant élus et techniciens sont mis en place. La fréquence des réunions dépend de l’état de maturation des projets en cours et chaque commission fait l’objet d’une rencontre entre élus partenaires de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai afin d’informer et, au besoin, d’ajuster les actions mises en place. Au total, onze champs d’action (« ambitions ») sont pris en compte.

168 Au cœur de l’organisation, l’agence transfrontalière constitue l’instrument administratif et technique en charge de la programmation et du suivi des actions, de l’animation des commissions thématiques, de l’assistance technique aux projets, de la préparation et de la mise en œuvre des décisions de l’assemblée et du bureau. L’équipe est composée en moyenne de huit personnes (en tendant vers une parité entre membres français et belges) ; le nombre précis et les profils évoluent en fonction de la vie des projets. Le directeur de l’agence assiste aux réunions du bureau et en assure le secrétariat. Il est nommé par le bureau de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai.

169 Enfin, afin d’associer le citoyen au développement de son territoire, l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai imagine, dès sa création, la mise en place d’un forum de la société civile. Cet organe ne sera toutefois officialisé statutairement qu’en 2017. Ce forum est constitué de 80 représentants émanant des conseils de développement  [122] des trois territoires : Conseil de développement de la Métropole européenne de Lille (versant français), Conseil de développement de la Wallonie picarde (versant wallon) et Transforum (versant flamand). Rassemblant 40 Français, 20 Belges francophones et 20 Belges néerlandophones désignés sur la base de candidatures, ce forum associe des acteurs de la sphère socio-économique (chefs d’entreprise, représentants des différents syndicats, etc.), du monde associatif (coordinateurs et directeurs de structures liées à la jeunesse), de la scène culturelle et des citoyens (des habitants lambda intéressés par le transfrontalier). Les membres sont élus pour deux ans. Le forum participe à la réflexion transfrontalière, émet des avis et formule des propositions de projets pour l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai. Il peut même co-organiser certaines actions comme, en 2015, le Heartbeats Eurometropolis Festival, festival de musiques pop-rock organisé sur la frontière franco-belge (entre Halluin en France et Menin en Belgique). Le forum a également réalisé une étude visant à identifier les hiatus qui existent en matière de mobilité transfrontalière, et a ainsi aidé à identifier les potentielles lignes de bus qui pourraient être prolongées au-delà de la frontière. Il s’est aussi attelé à analyser les blocages quant à la mise en place d’un cadre juridique relatif à la formation en alternance transfrontalière visant la possibilité pour un stagiaire français d’aller faire un stage dans une entreprise belge et inversement.

3.3. L’Évolution de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai : d’hier à aujourd’hui

170 Faisant suite au départ volontaire du premier directeur de l’agence transfrontalière en 2015 et dans le cadre d’une restructuration des ambitions de sa stratégie, l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai consacre près d’une année (2016-2017) à l’élaboration d’un nouveau projet. Celui-ci, intitulé « Eurométropole 2.0 », se recentre sur les habitants du territoire et vise l’implication accrue des partenaires ainsi que de la société civile. Le premier temps du GECT correspondait à la fondation institutionnelle et à la construction de la légitimité politique de la structure ; le deuxième temps – toujours en cours actuellement – est celui de l’appropriation par les habitants et de l’implantation au cœur du territoire. L’évolution est politiquement appuyée par Rudy Demotte (alors bourgmestre de Tournai et ministre-président de la Communauté française) puis par Martine Aubry (maire de Lille), qui se succèdent à la présidence du GECT.

171 Le projet inscrit le GECT dans la mise en œuvre d’une gouvernance dite de proximité : la volonté des partenaires est de répondre de manière opérationnelle aux besoins des acteurs de terrain et d’œuvrer de concert à l’expérimentation de solutions communes. La remise en question entraîne une redéfinition de la stratégie et des objectifs à atteindre : le rôle de l’agence transfrontalière est réaffirmé en tant qu’ensemblier d’une stratégie commune à l’échelle de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, médiateur et coordinateur au profit de dialogues durables entre des acteurs diversifiés de part et d’autre de la frontière. La redéfinition confirme le fait que la structure du GECT ne dispose pas de compétences propres. Il s’agit donc, avant de tout, de faire converger la coopération entre partenaires français et belges dans un contexte où il n’existe pas de symétrie entre les compétences institutionnelles de part et d’autre de la frontière.

172 Outre l’officialisation du forum de la société civile (cf. supra) au travers de son intégration dans les statuts de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai en 2017, trois autres principes sont reconnus comme fondements du groupement : un fonctionnement participatif, une concentration des actions et une implication accrue des élus.

3.3.1. Un fonctionnement participatif

173 Le principe de fonctionnement participatif signifie que l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai se lance le défi de faire travailler ensemble, dans une démarche de coproduction, le monde politique et celui de la société civile, avec l’appui des techniciens des quatorze partenaires du GECT. Concrètement, des groupes d’actions tripartites associant élus, société civile et techniciens remplacent les commissions politiques précédemment formées (cf. supra, 3.2) et sont mis en place en fonction des objectifs et pour la durée nécessaire à la démarche.

174 À titre d’exemple, ce dispositif a été déterminant dans la mise en œuvre du projet du Parc bleu de l’eurométropole (cf. infra, 4.1), qui vise à développer un produit touristique de mobilité douce transfrontalière appelé le Carré bleu  [123]. C’est au travers de cette convergence collective qu’il a été possible de définir le trajet cycliste transfrontalier via les techniciens issus des organismes touristiques, l’appropriation par les élus de ce nouveau produit transfrontalier et l’expertise de terrain de la société civile en amont et en aval au travers d’associations cyclistes.

3.3.2. La priorisation des actions

175 La priorisation des actions amène l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai à limiter strictement sa production à deux ou trois actions prioritaires concrètes pour chacune des trois thématiques choisies, à savoir : le redéploiement économique en travaillant particulièrement sur l’approche du numérique ; la corrélation emploi-formation pour favoriser l’adéquation entre l’offre et la demande des deux côtés de la frontière ; la mobilité transfrontalière dans une optique de développement durable avec un focus particulier sur les transports ferroviaires et l’Espace bleu (cf. infra).

176 Ces thématiques sont définies en début de mandature pour une période indéterminée. L’objectif de ces thématiques est de répondre le plus possible aux enjeux conjoncturels et structurels du territoire transfrontalier. Dès lors, l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai se laisse l’opportunité de pouvoir répondre à des problématiques à court terme comme à moyen terme ou à plus long terme. D’un point de vue méthodologique, le choix des actions prioritaires repose sur un mode de travail ouvert. Les groupes actions, pilotés par un co-animateur politique et un co-animateur issu de la société civile, deviennent les ambassadeurs du projet dont ils ont la responsabilité. Ils alimentent le projet et le présentent aux différentes instances du GECT ainsi que dans toute autre enceinte intéressée. Lorsque l’action est opérationnelle et tangible, le groupe est soit dissous soit recomposé afin de poursuivre d’autres objectifs liés.

3.3.3. L’implication accrue des élus

177 Le dernier principe constitue un enjeu de taille : il s’agit de susciter un engagement accru et une implication plus directe des élus (ou de leurs hauts représentants) dans les groupes actions mis en place ; ces prestations restant de l’ordre du volontariat, l’investissement personnel de chacun des élus reste une des clés du succès de la coopération.

178 Des réalisations concrètes ont permis de concrétiser l’implication de certains élus. Ainsi, le micro-projet Interreg France-Wallonie-Vlaanderen, TALATA (Le TAlent pour les LAngues - TAlent voor TAlen) a pu voir le jour dans le cadre de la programmation Interreg 2014-2020. C’est en effet au travers de l’investissement et du soutien politique de trois élus français, wallon, et flamand, membres de l’assemblée de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, qu’a émergé la constitution du projet favorisant l’apprentissage des langues entre douze écoles primaires et secondaires du territoire transfrontalier.

179 En lien avec ce souci de l’implication des élus, une réforme importante de la gouvernance du GECT a été entérinée lors de sa transformation. La conférence des maires et bourgmestres a été remplacée par un nouveau modèle de rencontres de proximité à géométrie variable. Il s’organise en fonction de la topologie du territoire dont les trois axes de coopération sélectionnés se situent, respectivement, autour de la rivière de la Lys, du versant nord-est de la Métropole européenne de Lille (MEL) ou de l’axe Tournai-Lille (secteur sud-est de la MEL).

180 Ces rencontres de proximité visent la constitution de trois groupes distincts et l’émergence de structures réactives au regard des opportunités et des besoins locaux. Co-animées par un maire français et un bourgmestre belge, ces rencontres se veulent avant tout pragmatiques car structurées autour de projets locaux, régionaux ou nationaux dont l’impact concerne les intérêts locaux.

181 Enfin, au chapitre des évolutions significatives à mentionner, l’assemblée générale du 11 septembre 2017 a modifié la durée de la présidence. Tout en conservant le principe de rotation entre la France et la Belgique (incluant une alternance Wallonie puis Flandre), la durée du mandat passe désormais d’un à deux ans (cf. supra).

182 La réforme mise en place en 2017 marque donc le besoin de poursuivre le processus de coopération mais aussi de renforcer opérationnellement la coopération entre les différentes parties prenantes du territoire. L’objectif est maintenant de tisser des liens durables entre l’ensemble des différents acteurs du territoire, en ce compris les citoyens. Cette nouvelle orientation s’appuie sur les deux visions complémentaires à l’origine même du GECT, à savoir, d’une part, une vision de proximité menant à la création de valeur ajoutée pour les habitants du territoire et tous ses acteurs dans une perspective locale et, d’autre part, une vision d’intégration visant le développement harmonieux d’un territoire dans son ensemble et au sein des dynamiques et des enjeux européens.

4. L’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, acteur transfrontalier au service du citoyen et du territoire

183 En tant que groupement européen de coopération territoriale, l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai peut élaborer ou coordonner divers types d’actions. Quatre d’entre elles sont détaillées dans ce chapitre, en ce qu’elles illustrent concrètement la mission de coopération transfrontalière et les processus de gouvernance multi-acteurs et multi-scalaires initiés.

184 La première action, la construction de l’Espace bleu, s’élabore autour d’un enjeu majeur de nombreuses zones transfrontalières (dont celle ici couverte), à savoir la gestion de l’eau. L’action spécifique menée tire son origine d’une réflexion historique sur le thème de la trame bleue  [124] au sein du territoire eurométropolitain et intègre divers enjeux : tourisme, biodiversité, transport fluvial, inondations, potabilité. Le projet de l’Espace bleu vise une connaissance approfondie de l’eau et de sa gestion sur le territoire.

185 La deuxième action, l’Espace citoyen européen, repose sur un des quatre principes de la stratégie mise en place par le GECT en 2017 (cf. supra, 3.3). Elle s’élabore en parallèle aux initiatives de dialogue et de participation citoyennes mises en place par l’Europe telles que l’Initiative citoyenne européenne (obligation pour la Commission européenne de prendre en compte une proposition législative soumise par au moins un million de ressortissants de l’UE) ou les Dialogues citoyens (débats publics organisés avec des commissaires et d’autres décideurs européens, tels que des membres du Parlement européen ou des responsables politiques nationaux, régionaux et locaux)  [125]. Partant d’événements de consultation citoyenne liée aux élections européennes, elle évolue vers la création d’un espace de dialogue permanent entre personnalités des institutions européennes et citoyens du territoire.

186 La troisième action concerne la gestion transfrontalière de la pollution et spécifiquement la question de la qualité de l’air. Bien que régie par une directive européenne, la mise en œuvre des politiques diffère d’un versant à l’autre de la frontière, remettant en cause son efficacité. L’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai intervient afin d’initier et appuyer une administration concertée dans ce domaine.

187 Enfin, au vu de la situation sanitaire des années 2020-2022, le chapitre se clôt par une quatrième illustration du rôle de courroie de transmission joué par un GECT dans le cadre de l’application des dispositions adoptées pour faire face à la pandémie de Covid-19. La très faible prise en compte des particularités intrinsèques aux territoires transfrontaliers dans l’adoption des mesures sanitaires a nécessité un important travail dans l’ensemble des zones transfrontalières européennes  [126]. La section détaille les mesures de pédagogie, de communication mais aussi de coordination menées par l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai dans ces circonstances exceptionnelles.

4.1. La construction de l’Espace bleu, d’une évidence géographique à un projet eurométropolitain

188 Dès la création de l’Eurométropole, la coopération s’amorce autour des enjeux que représente l’eau sur ce territoire franco-belge (4.1.1). La dynamique transfrontalière du maillage bleu à l’Espace bleu (4.1.2) illustre comment les partenaires français et belges tendent à atténuer, par leur coopération, les effets des frontières administratives des deux États dans le traitement de la gestion de l’eau. Dès le commencement, cette réalisation englobe divers secteurs et défis ; l’eau est ainsi abordée dans une approche transversale couvrant le tourisme, l’environnement, le transport fluvial et la ressource en eau potable (4.1.3).

4.1.1. L’eau comme évidence et enjeu de la coopération transfrontalière

189 La littérature en border studies l’illustre abondamment  [127], l’eau est un élément naturel qui dépasse les frontières. Sous toutes ses formes, qu’il s’agisse de fleuves, de ruisseaux ou de nappes phréatiques, l’eau fait partie d’un réseau hydrographique interconnecté au sein d’un bassin versant. Ce réseau hydrographique fait fi des découpages politiques dessinés par l’être humain et constitue donc un enjeu privilégié de la coopération transfrontalière – et ce sans même évoquer des frontières interétatiques directement matérialisées par des fleuves comme le Rhin ou le Rio Grande.

190 À l’échelle du territoire de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, le potentiel hydrographique représente 5 440 kilomètres de cours d’eau dont 300 kilomètres de voies navigables. Il est à noter que, au-delà du projet de l’Espace bleu (cf. infra), la dimension « eau » constitue un thème récurrent des projets transfrontaliers de la zone eurométropolitaine. Ainsi, plusieurs initiatives, financées par les programmes Interreg successifs, concernent cette thématique tant d’un point de vue de la gestion des eaux de surface ou des bassins que de l’épuration des eaux usées, de la protection des parcs paysagers ou du développement du tourisme et de la navigation fluviale. Le tableau 5 met en lumière la diversité de ces projets et souligne la forte présence des opérateurs publics : communes ou communautés de communes, provinces, régions et administrations diverses.

Tableau 5. Liste des projets transfrontaliers sur la thématique de l’eau menés en tout ou partie sur le territoire de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai

Tableau 5. Liste des projets transfrontaliers sur la thématique de l’eau menés en tout ou partie sur le territoire de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai

Légende :
  • FWV : France-Wallonie-Vlaanderen.
  • NWE : North-West Europe.

191 D’autres coopérations autour de l’eau existent aussi notamment autour de la Lys et de l’Escaut. Ainsi, le bassin versant de l’Escaut constitue un district hydrographique international gouverné par la Commission internationale de l’Escaut (CIE), qui réunit, pour une gestion durable du district de l’Escaut, les autorités publiques de France, de Belgique et des Pays-Bas.

4.1.2. Le maillage bleu et l’Espace bleu

192 Dès les premiers travaux de la COPIT, la thématique de l’eau est évoquée comme un sujet essentiel de la coopération transfrontalière. Ainsi, la COPIT participe à l’organisation d’un colloque transfrontalier sur la question des eaux usées en 1994 et cette thématique est retenue parmi les neuf thèmes de travail choisis par l’Atelier transfrontalier pour le projet Grootstad. En 2004, une étude de l’Atelier transfrontalier parle d’un « maillage bleu métropolitain »  [128]. Cette étude entend définir les caractéristiques de ce maillage, formuler des recommandations en matière de gestion et revaloriser les rivières et les canaux du territoire.

193 Le colloque transfrontalier « Maillage bleu » de 2006 et la remise en navigation du canal de Roubaix en 2009 dans le cadre du projet européen Blue Links constituent des facteurs favorables à une réflexion stratégique sur la thématique. Cela aboutit à l’installation, en 2011-2012, du concept de trame verte et bleue, notion française placée au cœur de la stratégie 2014-2020 de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai dans l’axe « feel eurometropolis » : « La trame bleue, avec ses rives vertes, en tant que réseau transversal transfrontalier, est le thème retenu pour fédérer l’ensemble des partenaires, citoyens et acteurs du territoire autour d’un grand projet emblématique »  [129]. Cette conception se traduit par le soutien à des projets Interreg tels que Dostrade  [130], Green Links  [131] et Corrid’Or  [132].

194 Dans le cadre de l’élaboration de sa stratégie 2014-2020, l’assemblée de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai adopte la trame bleue comme projet fédérateur de son territoire dans le cadre d’un axe consacré au développement durable. La voie d’eau est considérée comme un élément fédérateur du territoire transfrontalier, et ce notamment au travers de la liaison Seine-Escaut et de ses opportunités en matière de développement local. La perspective de la réalisation du canal Seine-Nord Europe, connexion fluviale à grand gabarit entre le bassin de la Seine et celui de l’Escaut, constitue ainsi « un objet géostratégique qui induit une dynamique de coopération interterritoriale à de multiples échelles (locale, métropolitaine, interrégionale et inter-métropolitaine »  [133].

Schéma 2. Trajet de l’Espace bleu de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai (1991-2020)

Schéma 2. Trajet de l’Espace bleu de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai (1991-2020)

Source : Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, 2020.

195 Par la suite, est commandée une mission d’expertise auprès de Paola Viganò, du bureau d’étude Studio 015. Sur la base de son rapport, remis en mai 2015, l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai crée l’atelier Espace bleu, dont la feuille de route est validée par l’assemblée du GECT le 3 juillet 2015.

196 Le projet fédérateur de l’Espace bleu est officiellement lancé le 22 mars 2016 à l’occasion de la Journée mondiale de l’eau, plus de vingt ans après les premières réflexions.

197 Des spring schools et des summer schools, c’est-à-dire des travaux académiques et participatifs ayant pour objectif de formuler des actions pour l’atelier Espace bleu, sont élaborés en trois étapes en se basant sur les trois parties du réseau d’eau : les couloirs, les capillaires et les nappes phréatiques  [134]. Ces travaux proposent les fondements d’une charte stratégique et opérationnelle  [135]. En 2017, la commission Trame verte et bleue eurométropolitaine, l’atelier Espace bleu, le groupe Ambition transport fluvial et le groupe de travail du forum de la société civile de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai Aménagement de territoire fusionnent en un groupe unique : « Coordonner et animer l’Espace bleu eurométropolitain », destiné à finaliser la charte et élaborer un plan d’actions.

198 En 2018, le projet prend l’appellation de Parc bleu de l’eurométropole  [136], circonscrit à un espace à intérêts de loisirs et de récréation ouvert aux habitants et aux citoyens du territoire. Oriol Clos, ancien directeur de l’Agence de développement et d’urbanisme de Lille Métropole (ADULM), Pierre Got, ancien urbaniste de l’intercommunale wallonne IDETA, et Karel Debaere, ancien directeur de l’intercommunale flamande Leiedal, experts dans le cadre de la commission Trame verte et bleue eurométropolitaine, rédigent conjointement un récit-projet pour le territoire avec l’eau comme fil conducteur. Le parc multifonctionnel est appelé à s’intégrer dans les démarches des parcs naturels existant sur le territoire : parc de la Deûle, parc de la Lys et parc naturel des plaines de l’Escaut. La publication d’un livre éponyme  [137] rend compte de la coopération multi-acteurs siégeant au sein du groupe actions Espace bleu.

199 Six ateliers de travail sont mis en place pour concrétiser la stratégie : « Vélo » (un micro-projet co-financé par Interreg France-Wallonie-Vlaanderen), « BlueWalks », « Site et cartographie », « Culture dans le Parc bleu », « Le Carré bleu » et « Réflexions académiques ».

4.1.3. Le Parc bleu de l’eurométropole en actions

200 Divers types d’activités sont mis en œuvre. Les exemples repris (la Journée mondiale de l’eau, le Carré bleu, la « Capitale mondiale du design » de Lille, les BlueWalks et la bière du Parc bleu de l’eurométropole) illustrent, d’une part, la multi-scalarité de tels projets transfrontaliers et, d’autre part, leur effet structurant dans la stratégie de l’Espace bleu et le rôle spécifique joué par le GECT.

201 Le caractère fédérateur s’est vu conforté le 8 décembre 2020 par l’assemblée générale de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai dans le cadre de l’actualisation du plan d’actions Parc bleu. Cette actualisation s’organise en trois verbes d’actions : voir, vivre et construire. « Voir le Parc bleu » signifie, entre autres, transformer le site Internet ainsi que la cartographie en un espace collaboratif et valoriser le Parc bleu de l’eurométropole dans le cadre du développement de la plateforme touristique de rencontres virtuelles Tripster. Le « vivre » insiste sur la poursuite des BlueWalks, la mise en valeur renforcée du potentiel cyclo-touristique du Parc et le développement d’initiatives culturelles. Quant à lui, le « construire » renvoie notamment à la réalisation d’un plan écologique et à la valorisation d’un partenariat entre académiques et gestionnaires des voies d’eau. Enfin, le Parc bleu, comme d’autres actions de l’Eurométropole, donne la parole au citoyen, qu’il s’agisse de créer du lien avec les initiatives citoyennes locales ou, par exemple, de faire collaborer les écoles de la zone.

4.1.3.1. Le Carré bleu et son balisage

202 Le Carré bleu consiste en une boucle transfrontalière de cheminements doux de 90 kilomètres qui longe les principaux cours d’eau du territoire de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, à savoir l’Escaut, le canal de l’Espierres, le canal de Roubaix, la Marque, la Deûle, la Lys et le canal Bossuit-Courtrai. Ce Carré bleu structure le territoire grâce à ses chemins de halage. Ce circuit, en grande partie non carrossable, permet une mise en valeur du patrimoine lié à l’eau, du patrimoine industriel, des parcs, des zones naturelles et des villes. Il passe par 24 points d’intérêt (musées, estaminets, guinguettes, bois, bassins filtrants, cimetières, etc.). L’itinéraire franco-belge est identifiable grâce à un balisage bilingue (français-néerlandais) homogène inauguré à l’été 2020.

203 À terme, le Carré bleu devrait permettre de faire le lien avec l’offre des hôtels, restaurants et caterings situés dans les communes de Tournai ou Mouscron et d’assurer le raccordement avec le parcours « EuroVelo 5 : Via Romea Francigena » reliant l’Angleterre à Rome  [138]. Un guide vélo expose le potentiel cyclo-touristique de l’Espace bleu traversé par l’EuroVélo 5 et divers itinéraires cyclables thématiques (patrimoine, biodiversité, culture, etc.) des trois versants.

4.1.3.2. « Capitale mondiale du design » de Lille et le marquage durable du Carré bleu

204 La coordination multi-acteurs et multiscalaire des projets est illustrée dans le cadre de l’obtention par Lille du titre de « Capitale mondiale du design » en 2020. L’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, en partenariat avec le projet TRIPOD-II  [139], a ainsi lancé un appel international aux designers afin de proposer un marquage design durable du Carré bleu (cf. supra) soulignant son caractère transfrontalier. Le projet a abouti à l’installation d’œuvres design sur le territoire de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai: par exemple, le long du canal Bossuit-Courtrai à Zwevegem, un aménagement du site Transfo  [140] et, à la confluence de la Marque et de la Deûle, des Grands Moulins de Paris  [141].

205 Dans la continuité de ce projet, une offre en matière d’installations d’œuvres design est proposée à destination des communes sous des formes diverses telles que bancs, marquages au sol de la frontière, etc.

4.1.3.3. BlueWalks

206 Entre avril et septembre 2019, dans le cadre du microprojet Interreg V France-Wallonie-Vlaanderen, BlueWalks a proposé treize promenades guidées gratuites à pied, à vélo ou en bateau, en français et en néerlandais.

207 L’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai ayant reçu de nombreux retours positifs, il a été décidé de poursuivre le projet, au-delà du programme et du financement européen.

4.1.3.4. La Journée mondiale de l’eau

208 Chaque année, le 22 mars, à l’occasion de la Journée mondiale de l’eau célébrée à l’instigation de l’UNESCO, l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai visibilise les activités de l’Espace bleu en organisant des événements spécifiques qui permettent de valoriser le patrimoine, la biodiversité, la nature, la culture, etc., et présente divers travaux académiques réalisés autour de l’enjeu de l’eau.

4.1.3.5. La bière « la Parc bleu de l’eurométropole »

209 Comme le territoire de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai est historiquement une région brassicole, la collaboration entre trois brasseurs – La Brasserie Lilloise (Lille), Nectar Bohème (Wallonie picarde) et De Ranke (Flandre) – a amené la création d’une bière du terroir : « la Parc bleu de l’eurométropole ».

4.1.3.6. La fête du Parc bleu de l’eurométropole

210 En vue de renforcer l’attractivité du Parc bleu de l’eurométropole, le GECT a entrepris la création d’un événement citoyen et festif. Ce temps fort s’est déroulé du 20 au 22 mai 2022 sur les trois versants du territoire. Trois organisations culturelles : l’Aéronef (France), La Petite Fabriek (Wallonie) et Wilde Westen (Flandre) et l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai ont proposé ensemble un programme culturel en lien avec la dimension « eau » du territoire : représentations musicales, expositions et balades dans le réseau hydrographique du Parc bleu.

4.2. D’une Eurométropole pour les habitants à un Espace citoyen de l’Europe

211 Les règlements européens relatifs aux GECT visent à faciliter la participation et l’action des collectivités et organisations locales et régionales à la coopération transfrontalière, sans citer le citoyen ou l’habitant (cf. supra, 2.2). L’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, au travers de sa stratégie actualisée et dans la perspective du scrutin européen de mai 2019 (4.2.1), a renforcé l’inclusion de la société civile organisée puis a entrepris un processus pérenne de co-construction d’un espace citoyen européen (4.2.2).

4.2.1. Les élections européennes, l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai et les citoyens

212 Un an avant les élections du Parlement européen prévues entre le 23 et le 26 mai 2019, le Président de la République française, Emmanuel Macron, appelle les États membres à organiser, jusqu’en octobre 2018, des consultations citoyennes sur l’avenir de l’Europe (CCAE). L’objectif est de reconnecter le citoyen à l’Union européenne à la veille des élections au travers de la mise en place de débats citoyens et d’ainsi faire remonter des propositions au Conseil de l’Union européenne. Quelque 1 700 consultations citoyennes sont organisées dans 25 pays, selon des processus de consultation variés. Le rapport du Conseil de l’Union européenne de décembre 2018 est considéré comme une contribution au prochain programme stratégique de l’Union européenne et souligne la nécessité d’améliorer le dialogue avec la société civile européenne  [142].

213 L’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai prend part à cette consultation tout en souhaitant inscrire sa démarche dans une perspective à plus long terme. La démarche commence par l’organisation d’un panel citoyen lors d’ateliers intergénérationnels transfrontaliers. La question posée à cette occasion est : « En quoi une consultation citoyenne sur l’avenir de l’Europe vous donnera-t-elle envie de venir ? » La première consultation citoyenne est organisée le 27 octobre 2018 à Tournai. Un double objectif est fixé pour la suite : d’une part, fidéliser les citoyens à la dynamique amorcée en communiquant régulièrement sur les résultats des CCAE et, d’autre part, positionner l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai comme coordinateur dans la mise en œuvre d’un dialogue centré sur le citoyen.

214 D’octobre 2018 à décembre 2019, l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai organise une consultation citoyenne dans un format convivial en trois temps : avant (27 octobre 2018), pendant (24 avril 2019) et après (12 décembre 2019) les élections européennes.

4.2.2. L’émergence de l’Espace citoyen de l’Europe

215 Le leitmotiv de la consultation proposée par l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai est d’échanger au départ des émotions, des vécus, des représentations ou des croyances. Ce projet se résume dans un triptyque intitulé « Europe je t’aime, moi non plus ? Les citoyens parlent à l’Europe ».

216 Le processus se localise sur les trois versants du territoire franco-wallon-flamand : le Palais de la Bourse de Lille, la Petite Fabriek à Tournai (une résidence internationale d’artistes) et le théâtre alternatif Antigone de Courtrai. Des techniques d’intelligence collective sont utilisées et élaborent trois scénographies spécifiques  [143]. La participation à l’événement est gratuite et son organisation par l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai s’appuie sur un partenariat académique (avec l’UCLouvain FUCAM Mons), l’Institut Jacques Delors, la Mission opérationnelle transfrontalière (MOT) et des ressources telles qu’Europe Direct. La triple consultation conclut à l’intérêt des citoyens à se mobiliser autour des questions européennes  [144]. L’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai programme la naissance d’un processus pérenne citoyen à l’horizon 2021-2022  [145].

217 Le 9 septembre 2020 est créé l’Espace citoyen de l’Europe (ECE) à l’échelle de l’Eurométropole. L’initiative est co-construite par une trentaine de volontaires et l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, qui en élaborent l’organisation, les valeurs, les canaux de communication, les messages et les objectifs. L’ECE ambitionne de « ramener l’Europe au contact direct des citoyens, autour de trois piliers fondamentaux : la pédagogie, le dialogue et la rencontre ».

218 Plusieurs outils sont développés sur des plateformes différentes. Le site Internet « Let’s talk about EU » constitue une bibliothèque de courtes vidéos variées explicatives sur l’Europe, dont les contenus sont résumés en français, néerlandais et anglais. Des balades européennes sont programmées pour le printemps 2022. Des petits-déjeuners en ligne visent à faire découvrir les travailleurs des institutions européennes.

219 Le point d’orgue de l’initiative est la rencontre, trois fois par an, de 30 citoyens tirés au sort et représentatifs du territoire de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, auxquels s’ajoutent dix représentants de l’Europe (élus, institutionnels, fonctionnaires, membres de think tanks européens ou experts). Cette rencontre doit créer les conditions d’un dialogue permanent amenant à une meilleure interconnaissance entre les instances politiques, institutionnelles européennes et les citoyens. La première rencontre de l’ECE a été postposée à mai 2022 eu égard aux mesures sanitaires découlant de la pandémie de Covid-19.

4.3. La gestion de la qualité de l’air dans l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai

220 La gestion de l’air, comme celle de l’eau, pour être efficace, ne peut s’arrêter aux frontières des États. Des directives et autres décisions sont prises à l’échelle européenne  [146] ; cependant, les acteurs publics de part et d’autre de la frontière franco-belge mettent en œuvre des décisions non partagées. Cette distorsion empêche, par exemple, une gestion commune des pics de pollution et, plus globalement, ralentit l’atteinte des objectifs européens. Au-delà de la prise de conscience des autorités publiques de la zone (4.3.1), cette gestion amène un engagement des partenaires du GECT élargi aux enjeux environnementaux (4.3.2).

4.3.1. Un dysfonctionnement transfrontalier à résoudre

221 L’axe de développement durable du projet de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, outre la valorisation de la ressource en eau, vise à coopérer à une gestion transfrontalière de la pollution de l’air extérieur. En effet, lors des pics de pollution sur le territoire transfrontalier, les autorités françaises prennent des mesures de limitation de vitesse ou de circulation différenciée ; mais il n’existe pas de mesure similaire du côté belge, ce qui amplifie le trafic et la pollution en zones wallonne et flamande.

222 Depuis 2017, la Préfecture des Hauts-de-France organise des rencontres avec les autorités belges appelées « séquences transfrontalières de la qualité de l’air ». Elles ont permis d’enclencher les premières pistes de collaboration sur la pollution extérieure. À la suite de cette initiative, l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai a été sollicitée par le préfet de la Région Hauts-de-France, afin de poursuivre le travail et de mettre en place une coopération stable des trois versants sur ce sujet.

223 Une délibération cadre est adoptée le 29 mars 2019 par l’assemblée de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai : elle entérine les objectifs communs et porte sur l’engagement stratégique du GECT pour la préservation de la qualité de l’air dans le bassin transfrontalier. Basé sur diverses sources (analyses d’experts et spécialistes, bonnes pratiques, travaux scientifiques et universitaires, analyse de projets européens, initiatives des trois Régions, des deux états et des instances européennes), ce document amène à la sélection de trois étapes pour les actions (savoir pour agir, passer à l’acte et viser le long terme)  [147] et à la définition de huit pistes d’action visant à contribuer à répondre aux différents enjeux de la pollution de l’atmosphère.

4.3.2. De la qualité de l’air aux enjeux environnementaux

224 La première étape, « savoir pour agir », entraîne l’élaboration d’une cartographie transfrontalière de l’air pour l’entièreté du territoire franco-belge, en plus d’un diagnostic, sur la situation des émissions, des concentrations, sur les sources de polluants, sur leur localisation et sur leurs origines.

225 Une collaboration entre le GECT et le Joint Research Centre de la Commission européenne permet d’évaluer les outils d’aide à la décision tels que SHERPA (outil destiné aux pouvoirs publics qui permet d’évaluer l’impact des mesures de circulation en observant l’évolution de la pollution au dioxyde d’azote)  [148]. Les partenaires du GECT partagent alors les diagnostics à partir de la cartographie commune.

226 En termes de partage de données scientifiques sur la pollution de l’air, le projet TransfAIR, soutenu par le programme Interreg V France-Wallonie-Vlaanderen, concrétise la collaboration des experts de la qualité de l’air des trois versants. Les opérateurs concernés sont l’Association de surveillance de la qualité de l’air (Atmo) pour la Région Hauts-de-France, la Cellule interrégionale belge de l’Environnement (CELINE), l’Agence wallonne de l’Air et du Climat (AWAC), l’Institut scientifique de service public (ISSEP) wallon et le Vlaamse Milieumaatschappij (VMM). L’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai y a été incluse en tant que partenaire associé.

227 Un protocole d’accord pour la gestion partagée des épisodes de pollution a été signé lors de la séquence transfrontalière de la qualité de l’air du 16 octobre 2020. Cette formalisation suit les étapes d’action de la coopération transfrontalière présentée par J. Beck (cf. supra, Schéma 1). Ainsi, les instances publiques de l’État, les services techniques de gestion de crise et les observatoires qui surveillent et alertent du niveau de la pollution de l’air – Zone de défense et de sécurité Nord, CELINE, AWAC, Centre régional de crise de Wallonie (CRC-W) et VMM – se sont réunis à plusieurs reprises. Dans un premier temps, il s’est agi de faire se rencontrer les acteurs concernés de part et d’autre de la frontière, de leur permettre de faire connaissance et d’échanger sur leurs pratiques. Dans un deuxième temps, des exercices fictifs communs d’épisodes de pollution sont organisés. Ces simulations impliquent toutes les parties prenantes du réseau responsable, dans les situations réelles, de la gestion de la communication aux citoyens. La démarche implique la mobilisation des techniciens possédant les données et des instances chargées de la gestion de crise dans les deux pays. Le but est alors d’élaborer ensemble des modalités de travail.

228 Les inventaires effectués sur les méthodes, les outils et le travail sur les données permettent une observation franco-belge homogène des situations de pollution et donc une communication identique sur les épisodes de pollution. L’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai contribue à ces activités en participant à leur promotion publique. À ce titre, elle a lancé, en 2021, une campagne de sensibilisation, l’Aéro-aventure, qui amène les familles avec enfants à tester la mesure de la qualité de l’air au moyen de capteurs passifs.

229 La collaboration couvre deux autres activités : une plateforme de signalement des phénomènes atmosphériques atypiques (signalAIR), impliquant les partenaires du projet Interreg TransfAIR, et un « serious game » sur les enjeux relatifs à la qualité de l’air  [149]. Le GECT a été sollicité afin de collaborer à cette expérimentation territoriale associant les communes et d’organiser, en tant que relai transfrontalier, un renforcement de la coopération avec les intercommunales.

230 Au travers des résultats engrangés dans les différents projets, le volet « passer à l’acte » envisage d’organiser des concertations publiques ainsi qu’un travail d’implication citoyenne par le biais du projet TransfAIR et de proposer une nouvelle phase de sensibilisation afin d’accompagner les citoyens et les élus dans leurs pratiques. Parmi les expériences inspirantes, le GECT s’est appuyé sur le projet de sensibilisation à la qualité de l’air HackAIR  [150], une plateforme technologique ouverte qui permet d’accéder, de collecter et d’améliorer les informations sur la qualité de l’air en Europe.

231 Dans une perspective de long terme, l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai développe une approche prospective et systémique qui prend en compte les questions de qualité de l’air et de pollution mais aussi la précarité énergétique et les effets sur la santé environnementale, appelant à une transition énergétique durable et donc à des changements pérennes de comportements et de réglementations.

4.4. Le bassin de vie transfrontalier à l’épreuve de la pandémie de Covid-19

232 Les régions transfrontalières en général et les acteurs de la coopération territoriale européenne en particulier ont constitué des territoires et des parties prenantes particulièrement touchés par les conséquences de la pandémie de Covid-19  [151].

233 Rappelons qu’avec l’Union européenne et les accords de Schengen, les frontières intra-européennes voient les effets frontières largement atténués. Or, depuis 2015, les crises migratoires et sécuritaires, et de façon accélérée et amplifiée la crise sanitaire déclenchée en mars 2020, ont littéralement refermé de nombreuses frontières : des blocs de béton ont été érigés dans les rues et des points de passages frontaliers ont été strictement contrôlés. Les barrières sont ainsi réapparues et le périmètre des décisions publiques des États membres s’est retrouvé circonscrit au territoire national.

234 Sur le territoire de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, la crise due à la pandémie de Covid-19 a eu un impact au premier chef sur les habitants, habitués, en temps normal, à franchir quotidiennement la frontière franco-belge pour le travail, pour la consommation, dans le cadre de leurs relations familiales ou autres. De même, la coopération transfrontalière entre les acteurs des services publics locaux, régionaux et nationaux a été mise à rude épreuve. Les services de police et de douane ont à nouveau été chargés de contrôler les citoyens français et belges, au regard de règles différentes édictées par chacun des deux États et régulièrement mises à jour ; les services diplomatiques ont été interpellés afin d’assurer la circulation des informations issues des mesures prises dans leurs États respectifs. Au fur et à mesure des confinements, les institutions européennes, les programmes Interreg et certains GECT ont, dans la mesure de leur mandat et de leurs moyens, tenté d’agir pour davantage de coopération et de soutien face à la crise sanitaire.

235 Plus spécifiquement, l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai a pris différents types d’initiatives. En lien avec la vie quotidienne des populations frontalières, le GECT a accru ses contacts avec les institutions locales, régionales, nationales des deux côtés de la frontière et avec les instances européennes, et a ainsi voulu servir de trait d’union entre celles-ci et les citoyens. Elle a produit des résumés comparatifs et simples des mesures prises par chaque versant (français, wallon et flamand). Grâce notamment aux échanges avec la Préfecture de la Région Hauts-de-France, les Provinces, les services de police et les diplomates, le GECT a pu clarifier les règles, parfois contradictoires, et fournir une communication comparative pratique  [152].

236 L’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai a également joué un rôle de réceptacle des témoignages des citoyens et élus locaux (notamment, via des interviews filmées) et de rediffusion de ces interpellations auprès des autorités des trois versants, mettant en exergue les difficultés vécues. L’objectif a été de sensibiliser les autorités compétentes pour qu’elles comprennent les réalités de terrain et envisagent un déconfinement davantage concerté. Ces informations ont été diffusées via les canaux de communication du GECT et via la presse locale et nationale  [153].

237 Sur un plan institutionnel, l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai a été conviée aux réunions du Comité de gestion transfrontalier de la pandémie organisées conjointement par la Préfecture de la Région Hauts-de-France et par l’ambassade de Belgique en France en présence de l’ensemble des institutions et organismes du territoire transfrontalier concerné, où elle a pu relayer les difficultés vécues par les citoyens frontaliers. Les témoignages ont aussi été diffusés notamment via la Mission opérationnelle transfrontalière (MOT), en lien avec le Comité des régions  [154].

238 De façon plus globale, cette période particulière a renforcé le rôle pédagogique de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai quant aux relations entre acteurs français, wallons et flamands et, plus largement, au rôle de l’Union européenne et à l’effectivité des frontières. Cela s’est traduit notamment par des interventions au sein de médias des trois versants et par la participation à divers webinaires et débats scientifiques tels que la Nuit des Idées organisée le 28 janvier 2021 sur le thème « Frontières, nos limites ? »  [155].

4.5. Une institution transfrontalière au service de son bassin transfrontalier

239 Au travers de ce chapitre, une partie importante du travail formel et informel mené par le GECT Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai a été présentée.

240 Le recours aux institutions, le renforcement des réseaux, la mise en contact des acteurs et des citoyens constituent autant de pratiques multifonctionnelles usitées par l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai. Au-delà de sa posture de médiateur, de facilitateur, voire d’accélérateur de « prise de conscience transfrontalière », la diffusion de l’information représente pour le GECT une mission essentielle pour le développement transfrontalier du territoire. Cet enjeu de la connaissance mutuelle prenant racine dans l’échange d’informations renforce le rôle de sensibilisation, d’intermédiation, d’identification des blocages dans les espaces frontalier et transfrontalier du territoire du GECT.

241 Le GECT, par sa structure institutionnelle et territoriale, assure un appui pérenne et fonctionnel à la médiation et/ou à la coordination des acteurs du territoire franco-belge. Malgré la continuité territoriale du GECT, on observe le maintien d’une certaine discontinuité en matière de gouvernance. Comme tout processus multi-acteurs et multi-niveaux, la gouvernance à l’échelle transfrontalière entraîne aussi un ensemble de contraintes, tant sur un plan organisationnel qu’administratif. La territorialisation de la gouvernance se retrouve contrainte par les cadres réglementaires et institutionnels des deux pays. Ces difficultés incitent, comme illustré dans ce chapitre, au besoin d’une approche à géométrie variable afin de pouvoir répondre aux défis du territoire transfrontalier observé.

Conclusion

242 Depuis 2015, même au sein de l’Union européenne, les frontières redeviennent visibles. Qu’il s’agisse de la « crise » des migrants, de la crise sécuritaire ou de la crise sanitaire – sans parler du Brexit –, la fermeture de frontières est revenue à l’agenda des États membres comme un dispositif apparemment jugé pertinent pour gérer un problème public. Entre les barrières refermées et les contrôles, le passage de frontière est à nouveau conditionné par des décisions prises à l’échelle nationale. Cependant, en parallèle à ces difficultés et dans le prolongement de son action, la Commission européenne et l’ensemble des institutions européennes ont continué à œuvrer pour encourager et faciliter la coopération transfrontalière. Ainsi, alors que 2020 a célébré les trente ans des programmes Interreg, le nombre de groupements européens de coopération transfrontalière (GECT) n’a cessé d’augmenter et la portée de leurs réalisations, illustrée par l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, de se diversifier.

243 L’analyse des GECT, en général, et celle de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, en particulier, sont révélatrices de nouveaux types de dispositifs d’action transfrontalière, mis en place par la Commission européenne. Instruments souples, basés sur le volontariat et la spécificité des situations, ils incarnent des processus de gouvernance multi-acteurs, multi-scalaires, hétérogènes et bricolés.

244 Depuis 1990, la politique européenne de cohésion territoriale soutient et co-finance la coopération transfrontalière au niveau européen. En effet, il ne suffit pas d’avoir des frontières ouvertes ou une proximité géographique retrouvée pour que les acteurs frontaliers échangent voire collaborent. Les programmes Interreg offrent ainsi des incitants destinés à initier des partenariats et des complémentarités. À l’heure de cette rédaction, le programme Interreg VI France-Wallonie-Vlaanderen est, à l’instar de ses homologues européens, en cours de préparation et de négociation pour une nouvelle période. Comme le démontrent les pratiques transfrontalières des GECT – pensons aux micro-projets ou aux projets initiés et coordonnés par l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai dans le cadre du Parc bleu de l’eurométropole ou de la gestion de la qualité de l’air –, Interreg confirme son rôle de laboratoire de l’intégration européenne. Au-delà de cette programmation, l’Europe élabore divers instruments destinés à faciliter cette coopération et les travaux de la Commission européenne, du Conseil de l’Union européenne et du Parlement européen actuellement menés sur le Mécanisme européen transfrontalier constituent un prolongement de cette volonté.

245 Le GECT a été plus spécifiquement développé comme instrument original de politique publique destiné à coordonner et structurer les acteurs du transfrontalier. Initié en 2006 et revu en 2013, le modèle a pour objectif de faciliter et d’amplifier la coopération, essentiellement mais non exclusivement entre autorités publiques locales et régionales, et, par là, le développement de bassins de vie transfrontaliers. Les règlements européens proposent une structure souple, basée sur le volontariat. Réunissant tous les niveaux d’autorités publiques impliquées par le développement du territoire transfrontalier – du local au national – ou ne coordonnant que deux parcs ou deux municipalités, la structure prévue dans les règlements permet des formes, des ampleurs et des ambitions extrêmement diverses. C’est ainsi que l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, premier GECT institué (en 2008), « fait travailler ensemble les forces vives françaises et belges du territoire : élus politiques, institutionnels, services publics et société civile (chefs d’entreprises, associatifs, syndicats, étudiants, artistes…) pour agir sur le terrain et concrétiser plus rapidement ce qui sera utile à tous les citoyens du territoire franco-belge »  [156].

246 Le GECT franco-belge réunit deux millions d’habitants, 157 communes et trois versants (français, wallon et flamand). L’institutionnalisation de la coopération sur ce territoire s’inscrit dans une histoire relativement longue, enrichie par les ambitions de reconversion et de métropolisation de Lille, au sein d’un triangle Paris-Londres-Bruxelles renforcé par le Tunnel sous la Manche et le TGV. Favorisé par les réformes territoriales françaises, soutenu par la volonté de personnalités politiques issues des trois versants et appuyé par une démarche de diagnostic et d’analyse continue (depuis la COPIT jusqu’aux partenariats scientifiques actuels, que ce soit en matière de gestion de l’eau ou de processus participatifs citoyens), ce GECT a vu ses objectifs, ses actions et son organisation évoluer et se renforcer. La structure de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai a elle-même connu une mutation importante en 2017 en termes à la fois stratégiques et organisationnels, misant sur une concentration des actions, la participation accrue de ses habitants et une gouvernance de proximité. Comme tous les GECT, l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai constitue un instrument institutionnel de soutien à la coopération transfrontalière. Elle illustre le souhait de la Commission européenne d’une gouvernance issue des acteurs du terrain, flexible et non contraignante, destinée à effacer les effets frontières au sein de l’Union européenne.

247 Dépourvus de compétences en dehors de celles de leurs membres, les GECT concrétisent les dynamiques des acteurs régionaux et locaux – souvent publics et municipaux – ; ils rendent compte de l’aptitude acquise et de l’expertise accumulée à se saisir des dispositifs européens et à (re)créer des territoires de proximité et de projets, à cheval sur les frontières inter-étatiques. La structuration des GECT illustre la volonté de la Commission européenne de faciliter le travail de coordination et de coopération entre acteurs issus des États membres, de prolonger les projets et partenariats initiés par sa politique de cohésion tout en proposant – et non en imposant – des instruments de pérennisation et de structuration. La création des GECT constitue donc le point de rencontre entre une démarche descendante, gérée par le Comité des régions, et une réponse ascendante d’acteurs régionaux et locaux frontaliers.

248 En termes d’opérationnalisation, le règlement relatif aux GECT permet des regroupements entre acteurs publics et privés, de tous les niveaux. Cependant, la forte présence des municipalités au sein des groupements actuels illustre l’intérêt de gérer la coopération au plus près du terrain, avec les acteurs publics locaux que sont les élus communaux ou municipaux. Toutefois, l’État membre reste un acteur : au minimum, il doit reconnaître l’existence du GECT s’il héberge son siège social, il peut lui-même en être membre à part entière et, dans tous les cas, il reste présent, ne serait-ce que par l’imbrication des structures politico-administratives de part et d’autre de la frontière (comme l’a rappelé la gestion récente de la crise due à la pandémie de Covid-19). Comme le montre l’exemple de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, la constitution et la pérennisation du GECT représentent un défi pour enclencher et établir une stratégie partagée puisque le groupement n’a globalement que les compétences et les financements de ses membres. Le GECT évolue selon les ambitions, les capacités et les intérêts de ses parties prenantes.

249 Certes, l’ensemble des zones transfrontalières de l’Union européenne ne se redécoupent pas en GECT, mais cela ne signifie pas pour autant une absence d’échanges, de coordination ou de coopération. L’instrument, par sa structure institutionnelle, assure en effet un appui fonctionnel à la médiation ou à la coordination, mais il entraîne aussi un ensemble de contraintes, tant sur un plan organisationnel qu’administratif, comme tout processus multi-acteurs et multi-niveaux. Qu’il s’agisse de la participation au premier programme Interreg  [157] ou du caractère historique de la coopération en matière de santé  [158], la frontière franco-belge se révèle pionnière dans la construction transfrontalière de l’Europe. La dynamique d’institutionnalisation initiée par le premier GECT, l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, se perpétue et s’amplifie à l’échelle européenne mais aussi au sein même du territoire franco-belge ; c’est dans cette perspective que s’inscrit la création, en mars 2022, du GECT Parc naturel européen Plaines Scarpe-Escaut.

Annexes

Annexe 1. Carte de la Conférence permanente intercommunale transfrontalière (COPIT)

Source : Agence de développement et d’urbanisme de Lille Métropole (ADULM), 2020.

Annexe 2. Statuts du groupement européen de coopération territoriale Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai

250 Les statuts initiaux ont été adoptés en 2008 et ont fait l’objet d’une révision en 2017, 2020 et 2021. C’est cette version actualisée qui est reproduite ici.

251 Sur la base du règlement (CE) n° 1082/2006 du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relatif à un groupement européen de coopération territoriale (GECT), il est convenu ce qui suit :

252 Titre A. Compétences, siège et durée

253 Article 1er. Constitution

254 Un groupement européen de coopération territoriale (GECT) est constitué entre les membres suivants, signataires de la Convention de coopération :

255 Côté français :

  • l’État,
  • la Région Hauts-de-France,
  • le Département du Nord,
  • la Métropole européenne de Lille (MEL) ;

257 Côté belge :

  • l’État fédéral,
  • la Région et la Communauté flamande[s],
  • la Province de Flandre occidentale,
  • l’intercommunale Leiedal, au nom des communes de l’arrondissement de Kortrijk,
  • West-Vlaamse Intercommunale (WVI), au nom des communes des arrondissements de Roeselare, Ieper et Tielt,
  • la Région wallonne,
  • la Communauté française de Belgique,
  • la Province de Hainaut,
  • l’Agence intercommunale de développement IDETA, au nom des communes de l’arrondissement de Tournai à l’exception de la commune d’Estaimpuis, et de l’arrondissement d’Ath ainsi que des communes de Lessines, Silly et Enghien,
  • l’intercommunale d’étude et de gestion (IEG), au nom des communes de l’arrondissement de Mouscron et de la commune d’Estaimpuis.

259 Article 2. Dénomination

260 Le groupement européen est dénommé « Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai ».

261 Ce nom sera complété pour la communication par la mention « Ath-Ieper-Mouscron-Roeselare-Tielt ».

262 Article 3. Objet et missions

263 L’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai a pour objet la mise en œuvre de la convention de coopération approuvée par ses membres.

264 L’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai a pour mission principale de promouvoir et de soutenir une coopération transfrontalière efficace et cohérente au sein du territoire concerné.

265 En rassemblant l’ensemble des institutions compétentes, l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai est un lieu permettant :

  • d’assurer la concertation, le dialogue et de favoriser le débat politique,
  • de produire de la cohérence transfrontalière à l’échelle de l’ensemble du territoire,
  • de faciliter, de porter et de réaliser des projets traduisant la stratégie de développement à élaborer en commun,
  • de faciliter la vie quotidienne des habitants de la métropole franco-belge.

267 Article 4. Délimitation géographique

268 Le territoire de référence de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai est le suivant :

  • en France, le périmètre de la Métropole européenne de Lille (MEL),
  • en Belgique, au sein de la Wallonie, les arrondissements de Mouscron, Tournai et Ath ainsi que les communes de Lessines, Silly et Enghien, et, au sein de la Flandre, les arrondissements de Kortrijk, Ieper, Roeselare et de Tielt.

270 Les territoires, villes et communes qui ne sont pas situées dans le territoire de référence, mais qui en sont limitrophes ou proches, pourront être associés aux travaux de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai.

271 Article 5. Siège

272 Le siège juridique de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai est fixé en France, 2, boulevard des Cités unies – 59040 Lille Cedex.

273 Les services opérationnels seront localisés en Belgique.

274 L’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai peut également établir des représentations en dehors de son territoire de référence.

275 Article 6. Droit applicable

276 Conformément à l’article 2 du règlement GECT et à l’article 5 des présents statuts, l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai est régi[e] subsidiairement par le droit français.

277 L’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai prend la forme d’un syndicat mixte ouvert, auquel s’appliquent les articles L. 5721-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales[,] à moins qu’il n’y ait des dispositions contraires dans le règlement GECT.

278 Article 7. Durée

279 L’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai est créé[e] pour une durée illimitée. [Elle] est opérationnel[le] à compter de la date d’achèvement des formalités de publication prévues à l’article 5 du règlement GECT.

280 Titre B. Organes de l’Eurométropole

281 Article 8. L’assemblée

282 L’assemblée de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai est composée de 84 représentants à raison de :

  • au titre des membres français :
    • 32 représentants de la Métropole européenne de Lille (MEL) désignés par le Conseil métropolitain,
    • 2 représentants de l’État désignés par le ministre chargé de l’Intérieur et par le ministre chargé des Affaires étrangères,
    • 4 représentants de la Région Hauts-de-France désignés par le Conseil régional,
    • 4 représentants du Département du Nord désignés par le Conseil départemental ;
  • au titre des membres belges :
    • 13 représentants, élus locaux, désignés en commun accord entre les communes des arrondissements de Kortrijk, Ieper, Roeselare et de Tielt, et les intercommunales Leiedal et WVI,
    • 15 représentants, élus locaux, désignés en commun accord entre les communes des arrondissements Mouscron, Tournai et Ath ainsi que les communes de Lessines, Silly et Enghien et les intercommunales IDETA et IEG,
    • 1 représentant francophone et 1 représentant néerlandophone de l’État fédéral désignés par le gouvernement fédéral,
    • 4 représentants de la Région et de la Communauté flamande[s] désignés par le gouvernement flamand,
    • 2 représentants de la Région wallonne désignés par son gouvernement,
    • 2 représentants de la Communauté française de Belgique désignés par son gouvernement,
    • 3 représentants de la Province de Flandre occidentale dont au moins 2 ont un mandat exécutif local ou sont membres d’un conseil d’administration de Leiedal ou WVI, désignés par le conseil provincial,
    • 1 représentant de la Province de Hainaut désigné par la députation.

284 Article 9. Fonctionnement de l’assemblée

285 L’assemblée de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai se réunit sur convocation de son président, avec un ordre du jour précis, au moins deux fois par an.

286 Elle se réunit de droit dans un délai maximum de trente jours à la demande motivée qui lui en est faite par le quart au moins des représentants sur un ordre du jour que ceux-ci déterminent.

287 Les convocations aux réunions de l’assemblée sont envoyées aux représentants au moins quinze jours francs à l’avance, par écrit, sous quelque forme que ce soit. En cas d’urgence, ce délai est ramené à cinq jours francs à l’avance.

288 Une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération y est jointe.

289 L’assemblée est présidée par le président ou, à défaut, par l’un des trois vice-présidents désigné collégialement.

290 L’assemblée ne délibère valablement que lorsque la majorité absolue des représentants de ses membres en exercice est présente physiquement ou valablement représentée par un pouvoir remis à un pair également membre de l’assemblée.

291 Si, après une première convocation régulièrement faite selon les dispositions ci-dessus, ce quorum n’est pas atteint, l’assemblée est à nouveau convoquée à sept jours francs au moins d’intervalle. Elle délibère alors valablement sans condition de quorum.

292 Les séances de l’assemblée de l’Eurométropole sont publiques.

293 Néanmoins, sur la demande d’un tiers des représentants ou du président, l’assemblée peut décider, sans débat, à la majorité absolue des représentants de ses membres présents ou représentés, qu’elle se réunit à huis clos.

294 Un représentant empêché d’assister à une séance peut donner à un autre représentant de son choix pouvoir écrit de voter en son nom. Un même représentant ne peut être porteur que d’un seul pouvoir. Le pouvoir est toujours révocable. Sauf cas de maladie dûment constatée, il ne peut être valable pour plus d’une séance.

295 Dans les situations où les réunions physiques de l’assemblée (et du bureau le cas échéant) ne peuvent être tenues, la présidence peut décider d’organiser des séances à distance, par vidéo(conférence) et/ou audioconférence, en utilisant des outils d’aide à l’organisation de séances virtuelles. Les autres conditions statutaires continuent à s’appliquer : règles de convocations, de quorum, de représentations, de vote, … Le quorum est apprécié en fonction de la présence des membres dans le lieu de réunion et de ceux présents à distance (chacun pouvant détenir un pouvoir). Les participants sont identifiés par une liste visible sur la plateforme utilisée pour la réunion virtuelle et sont appelés à attester sur l’honneur et par écrit (document signé) de leur participation effective. La séance est enregistrée. Le mode de scrutin est public. Les modalités techniques de connexion et de vote sont transmises au préalable à chaque membre de l’instance statutaire, en fonction des technologies utilisées.

296 Les délibérations sont adoptées à condition d’obtenir à la fois :

  • la majorité absolue des suffrages exprimés des représentants des membres français,
  • la majorité absolue des suffrages exprimés des représentants francophones des membres belges,
  • la majorité absolue des suffrages exprimés des représentants néerlandophones des membres belges.

298 Cette règle ne s’applique pas dans le cas de modification des statuts (article 27).

299 Les documents de séance sont rédigés en langues française et néerlandaise et envoyés simultanément dans un délai acceptable. Une traduction simultanée est assurée pour les débats de l’assemblée. Un procès-verbal de séance est rédigé en langues française et néerlandaise.

300 Toute personne physique ou morale a le droit de demander communication sans déplacement et de prendre copie totale ou partielle des procès-verbaux de l’assemblée, des budgets et des comptes ainsi que des délibérations du bureau et [d]es arrêtés du président. Chacun peut les publier sous sa responsabilité.

301 Sont également invités aux réunions de l’assemblée, tout représentant d’institution, organisation ou organisme que l’assemblée juge utile d’inviter. Ils participent aux débats, mais ne participent pas aux votes de l’assemblée.

302 Article 10. Compétences de l’assemblée

303 L’assemblée de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai règle par ses délibérations les affaires qui relèvent de son objet. L’assemblée statue sur les points suivants :

  • Elle débat de la stratégie de développement commune et délibère sur les orientations générales de l’action de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai.
  • Elle vote le budget. À compter du deuxième exercice budgétaire, le budget sera adopté sur proposition du bureau.
  • Elle délibère sur le compte de résultat (compte administratif) et le bilan comptable qui sont présentés annuellement par le président.
  • Elle délibère sur la modification des statuts, notamment en cas d’adhésion ou de retrait d’un membre.
  • Elle procède, en son sein, à l’élection du bureau sur proposition de chacun des membres de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, et à l’élection du président et des vice-présidents.
  • Elle crée par délibération les emplois nécessaires au fonctionnement de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai sur proposition du bureau.
  • Elle approuve et modifie le règlement intérieur sur proposition du bureau.
  • Elle délibère sur la dissolution de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai et des mesures afférentes.
  • Elle approuve le rapport annuel d’activités.
  • Lors de chaque réunion de l’assemblée, le président rend compte des travaux du bureau.

305 Article 11. Le bureau

306 Le bureau de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai est composé de 32 membres à raison de :

  • au titre des membres français :
    • 11 représentants parmi ceux de la Métropole européenne de Lille (MEL),
    • 1 représentant parmi ceux de l’État,
    • 2 représentants parmi ceux de la Région Hauts-de-France,
    • 2 représentants parmi ceux du Département du Nord.
  • au titre des membres belges :
    • 4 représentants, parmi ceux désignés en commun accord entre les communes des arrondissements de Kortrijk, Ieper, Roeselare et de Tielt, et les intercommunales Leiedal et WVI,
    • 4 représentants, parmi ceux désignés en commun accord entre les communes des arrondissements [de] Mouscron-Comines, Tournai et Ath ainsi que les communes de Lessines, Silly et Enghien et les intercommunales IDETA et IEG,
    • le représentant francophone et le représentant néerlandophone de l’État fédéral,
    • 2 représentants parmi ceux de la Région et de la Communauté flamande,
    • 1 représentant parmi ceux de la Région wallonne,
    • 1 représentant parmi ceux de la Communauté française de Belgique,
    • le représentant de la Province de Flandre occidentale,
    • le représentant de la Province de Hainaut.

308 Article 12. Compétences du bureau

309 Le bureau est l’organe de décision de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai. Il règle par ses délibérations les affaires qui relèvent de son objet et qui ne sont pas du ressort de l’assemblée.

310 Les décisions du bureau sont prises à l’unanimité.

311 Le bureau statue notamment sur les points suivants :

  • détermination des actions à conduire au sein de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai et établissement du programme de travail des services opérationnels,
  • à compter du deuxième exercice budgétaire, consolidation de la proposition de budget, en particulier par la confirmation de l’accord de chacun des membres sur le montant de leur participation,
  • détermination des postes administratifs et techniques nécessaires au fonctionnement des services opérationnels et de leurs profils,
  • approbation du choix du directeur des services opérationnels et de ses éventuels adjoints,
  • mise en place, composition et fonctionnement de groupes de travail et détermination de leurs missions,
  • création des organes consultatifs éventuels nécessaires à l’accomplissement de l’objet de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai. Il en fixe les modalités de fonctionnement et en désigne les membres.

313 Le fonctionnement du bureau est détaillé dans le règlement intérieur.

314 Les documents de séance sont rédigés en langues française et néerlandaise et envoyés simultanément dans un délai acceptable. Une traduction simultanée est assurée pour les débats du bureau. Un procès-verbal de séance est rédigé en langues française et néerlandaise.

315 Article 13. Élection et compétences du président et des vice-présidents

316 Au sens des présents statuts, le rôle de directeur tel que déterminé par le règlement GECT est assuré par le président de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai.

317 Le président et les trois vice-présidents sont élus par l’assemblée de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai au sein des membres du bureau :

  • pour deux d’entre eux parmi les représentants des membres français à l’exception de l’État,
  • pour un d’entre eux parmi les représentants néerlandophones des membres belges,
  • pour un d’entre eux parmi les représentants francophones des membres belges.

319 Le président et les vice-présidents sont élus pour deux ans. La présidence est assurée pour deux ans par la France et deux ans par la Belgique (avec pour celle-ci, une alternance entre le représentant francophone (un an) et le représentant néerlandophone (un an) des membres belges).

320 Les fonctions du président et [d]es vice-présidents cessent lorsqu’ils perdent la qualité de représentant[s] de l’organisme qui les a désignés.

321 Le président est responsable de la préparation et de l’exécution des décisions de l’assemblée et du bureau. Il peut sous sa propre responsabilité et surveillance déléguer une partie de ses fonctions aux vice-présidents, ainsi que sa signature au directeur des services opérationnels ou aux responsables désignés.

322 Le président, ou, sous réserve des dispositions juridiques françaises, l’un ou l’autre des vice-présidents ou responsable désigné :

  • est l’ordonnateur des dépenses et met en recouvrement les recettes de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai,
  • a la responsabilité d’administrer l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai,
  • pourvoit aux emplois,
  • représente l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai en justice.

324 Article 14. Services opérationnels

325 L’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai est dotée de services opérationnels fonctionnant sous la forme d’une agence transfrontalière et chargés, sur les plans administratif et technique, de la préparation et de la mise en œuvre des décisions de l’assemblée et du bureau.

326 Le directeur des services opérationnels assiste aux réunions du bureau et en assure le secrétariat.

327 Le directeur des services opérationnels, ainsi que le personnel chargé du secrétariat et de l’accueil devront maîtriser de façon active les deux langues de travail de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai. Les autres membres du personnel de ces services opérationnels auront l’obligation de posséder une compétence en langues permettant au minimum de s’exprimer dans l’une de ces deux langues, tout en comprenant l’autre.

328 Pour chacun des membres du personnel, le délai et les modalités d’acquisition ainsi que l’évaluation du niveau, selon les postes tenus, de cette capacité linguistique seront précisés dans le règlement intérieur.

329 Article 15. Conférence des maires et bourgmestres

330 Une conférence des maires et bourgmestres réunira l’ensemble des maires et bourgmestres de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai.

331 Cette conférence a pour objet d’informer les maires et bourgmestres des travaux et projets de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai et d’échanger avec eux.

332 Elle se réunit au moins une fois par an, sur convocation du président, de préférence en articulation avec une réunion de l’assemblée.

333 Article 15bis. Forum

334 L’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai associe la société civile à ses travaux notamment et autant que de besoin par le biais du forum.

335 Le forum réunit des représentants bénévoles de la société civile issus des trois versants de l’Eurométropole.

336 Article 16. Langues de travail

337 Les langues de travail de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai sont le français et le néerlandais.

338 Les outils de communication généraux (plaquettes, site Internet, …) et les documents (rapports d’étude, …) produits au sein de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai et à destination de l’extérieur devront être édités au moins dans les deux langues de travail.

339 Titre C. Moyens financiers, budget et comptabilité

340 Article 17. Ressources

341 Les ressources de l’Eurométropole comprennent :

  • la contribution annuelle des membres,
  • les subventions, dons et participations reçues,
  • les emprunts,
  • les produits afférents aux services assurés.

343 Article 18. Utilisation des ressources

344 Les ressources servent à la réalisation de l’objet. Les excédents comme les déficits seront repris au budget de l’exercice suivant.

345 Article 19. Contribution annuelle des membres

346 La contribution annuelle des membres est répartie à parité entre la France et la Belgique à raison de :

  • 50 % pour les membres français :
    • l’État 5 %,
    • la Région Hauts-de-France 10 %,
    • le Département du Nord 10 %,
    • la Métropole européenne de Lille 25 % ;
  • 50 % pour les membres belges :
    • l’État fédéral 7,140 %,
    • la Région et la Communauté flamande[s] 7,143 %,
    • la Province de Flandre occidentale 7,143 %,
    • l’intercommunale Leiedal 3,572 %,
    • l’intercommunale WVI 3,572 %,
    • la Région wallonne 4,286 %,
    • la Communauté française de Belgique 4,286 %,
    • la Province de Hainaut 4,286 %,
    • l’intercommunale IDETA 4,286 %,
    • l’intercommunale IEG 4,286 %.

348 Article 20. Versement des contributions

349 Les membres de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai inscrivent à leur budget la somme nécessaire pour couvrir les contributions qui leur sont notifiées après approbation du budget primitif par l’assemblée.

350 Les contributions des membres constituent pour ceux-ci des dépenses obligatoires.

351 Article 21. Emprunts

352 Chaque emprunt ainsi que les modalités de remboursement doivent faire l’objet d’un accord préalable des organes de décision des membres.

353 Article 22. Budget et compte administratif

354 L’assemblée de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai vote les budgets sur proposition du bureau. Un compte administratif ainsi que le compte de gestion sont présentés chaque année et soumis à approbation à l’assemblée. Copie des budgets et des comptes est adressée chaque année aux membres.

355 Lorsque le compte administratif est débattu, l’assemblée élit un président de séance. Dans ce cas[,] le président peut, même s’il n’est plus en fonction, assister à la discussion ; mais il doit se retirer au moment du vote.

356 Article 23. Comptabilité et gestion

357 La comptabilité de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai est tenue et sa gestion est assurée selon les règles de la comptabilité publique. Ce comptable public sera désigné par le préfet après avis du trésorier-payeur général.

358 Article 24. Passation de marchés publics

359 L’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, établissement public de coopération intercommunale, est soumise au Code des marchés publics français.

360 Conformément à ce Code, une commission d’appel d’offres sera mise en place. Elle veillera notamment à garantir la plus large publicité des commandes publiques de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai.

361 Article 25. Contrôle

362 Le contrôle administratif, budgétaire et financier de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai sera réalisé conformément aux dispositions du droit français. Les autorités chargées du contrôle en France communiqueront toute information sollicitée par les autorités équivalentes en Belgique et pourront être saisies par elles. Elles les informeront des dispositions qu’elles comptent prendre et des résultats de leurs contrôles dans la mesure où cette information peut avoir une incidence sur la coopération des organismes participan[t] à l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai.

363 Titre D. Personnel

364 Article 26. Personnel

365 Les services de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai fonctionnent avec du personnel propre (titulaire ou contractuel) et du personnel mis à disposition.

366 Les conditions de recrutement, de travail, de rémunération et de protection sociale des agents sont décidées par le bureau, qui veille à ce qu’elles soient équivalentes pour l’ensemble du personnel, quel que soit le droit applicable au regard de son statut, sa nationalité ou son lieu de résidence.

367 Dans le cas de personnel mis à disposition, des conventions entre l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai et l’organisme concerné en détermineront les modalités.

368 Titre E. Modification des statuts et adhésion

369 Article 27. Modification des statuts

370 Toute modification des statuts entraînant directement ou indirectement une modification de la convention de coopération doit être conclue à l’unanimité des membres de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai.

371 Toute autre décision relative à la modification des statuts est adoptée à condition d’obtenir à la fois un nombre de voix supérieur au[x] trois quarts du nombre statutaire de représentants ainsi que la majorité des voix des représentants des membres français présents ou représentés, la majorité des voix des représentants néerlandophones des membres belges présents ou représentés et la majorité des voix des représentants francophones des membres belges présents ou représentés.

372 La délibération est notifiée aux membres.

373 Article 28. Adhésion

374 La demande de tout organisme relevant de l’article 3 du règlement GECT pour adhérer à l’Eurométropole est formulée par écrit et porte acceptation de la convention de coopération et des statuts de l’Eurométropole.

375 L’adhésion et la modification des statuts afférente sont soumises au consentement de l’assemblée selon les modalités de l’article 27, alinéa 1 des présents statuts.

376 La délibération de l’assemblée de l’Eurométropole est notifiée aux membres. La décision d’admission est constatée par un arrêté du représentant de l’État français dans la région après approbation concordante des organes de décision des membres.

377 Article 29. Retrait

378 Tout membre de l’Eurométropole peut se retirer à l’expiration d’un exercice budgétaire sous réserve qu’il ait notifié son intention trois mois avant la fin de cet exercice et qu’il ait obtenu accusé de réception.

379 La décision de retrait est constatée par l’assemblée et notifiée aux autres membres, qui engagent en conséquence la modification des statuts.

380 Le membre se retirant participe à l’apurement des dettes proportionnellement à ses engagements financiers antérieurs tel que cela ressort du compte administratif de l’exercice budgétaire annuel.

381 Titre F. Responsabilité et droit applicable vis-à-vis des tiers

382 Article 30. Responsabilité et droit applicable

383 La responsabilité de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai et de ses membres vis-à-vis des tiers est basée sur le droit français conformément à l’article 11 du règlement GECT, le siège de l’établissement transfrontalier étant en France.

384 Les conséquences financières de la mise en œuvre de cette responsabilité seront supportées par le budget de l’Eurométropole.

385 Titre G. Dissolution et liquidation

386 Article 31. Dissolution

387 L’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai peut être dissoute par décision concordante et unanime de ses membres. La dissolution prend effet trois mois après que la décision en a été prise et après liquidation et apurement du droit des tiers. La dissolution est prononcée par arrêté du représentant de l’État français dans la région pris au plus tard quinze jours avant la date d’effet fixée pour la dissolution ou dès satisfaction des conditions de liquidation et d’apurement des droits des tiers.

388 Article 32. Liquidation

389 En cas de dissolution de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, ses comptes sont liquidés et son patrimoine est réparti entre ses membres par rapport à leur contribution prévue à l’article 19 des présents statuts sous réserve de la garantie du droit des tiers. Les équipements et matériels mis à la disposition de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai par ses membres restent leur propriété et leur reviennent à la dissolution de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai.

390 L’assemblée de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai fixe les conditions précises de la liquidation. L’arrêté de dissolution pris par le représentant de l’État français dans la région approuve ces conditions.

Annexe 3. Synthèse réalisée par les services de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai des mesures prises de part et d’autre de la frontière dans le cadre du plan de déconfinement (9 juin 2021)

Source : Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, juin 2021.

Notes

  • [1]
    B. Wassenberg, « Les politiques structurelles européennes », in F. Moullé (dir.), Frontières, Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, 2017, p. 245-265.
  • [2]
    É. Delecosse, « Politique de cohésion : la simplification à l’épreuve de la complexité d’Interreg », Reflets et perspectives de la vie économique, volume 58, n° 1, 2020, p. 65-78.
  • [3]
    Comité des régions, « Liste des groupements européens de coopération territoriale », 20 janvier 2022.
  • [4]
    R. Pasquier, « Quand le local rencontre le global : contours et enjeux de l’action internationale des collectivités territoriales », Revue française d’administration publique, volume 141, n° 1, 2012, p. 169.
  • [5]
    Signalons d’emblée que la gouvernance ici analysée n’a aucun lien avec la « bonne gouvernance » dont il est question dans le discours de diverses organisations internationales et autorités publiques. La « bonne gouvernance » prône l’adoption par le secteur public de modes de gestion issus du privé. Il s’agit d’une façon d’administrer destinée à minimiser les coûts de transaction et à maximiser l’efficacité des politiques publiques, et qui s’impose à l’organisation interne de l’état dans une perspective néo-managériale.
  • [6]
    P. Le Galès, « Gouvernance », in L. Boussaguet, S. Jacquot, P. Ravinet (dir.), Dictionnaire des politiques publiques, 2e édition, Paris, Presses de Sciences Po, 2006, p. 244-252.
  • [7]
    O. Nay (dir.), Lexique de science politique. Vie et institutions politiques, Paris, Dalloz, 2008, p. 230.
  • [8]
    R. Epstein, « La gouvernance territoriale : une affaire d’État. La dimension verticale de la construction de l’action collective dans les territoires », L’Année sociologique, volume 65, n° 2, 2015, p. 457-482.
  • [9]
    P. Le Galès, « Du gouvernement des villes à la gouvernance urbaine », Revue française de science politique, volume 45, n° 1, 1995, p. 57-95.
  • [10]
    L. Hooghe, G. Marks, Multi-Level Governance and European Integration, Lanham, Rowman & Littlefield, 2001.
  • [11]
    J. Kooiman,Governing as Governance, Rotterdam, Sage, 2003.
  • [12]
    J. Aust, B. Cret, « L’État entre retrait et réinvestissement des territoires. Les délégués régionaux à la recherche et à la technologie face aux recompositions de l’action publique », Revue française de sociologie, volume 53, n° 1, 2012, p. 3-33.
  • [13]
    R. Epstein, « Gouverner à distance. Quand l’État se retire des territoires », Esprit, n° 319, 2005, p. 96-111.
  • [14]
    F. Leloup, « La transcommunalité à l’épreuve du fédéralisme : une illustration en Région wallonne », Revue française d’administration publique, volume 162, n° 2, 2017, p. 353-368.
  • [15]
    C. Courlet, B. Pecqueur, L’économie territoriale, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2013.
  • [16]
    F. Leloup, S. Pradella, « Gouvernance, gouvernance multi-niveaux et gouvernance transfrontalière », in F. Moullé (dir.), Frontières, op. cit., p. 143-164.
  • [17]
    D. King, P. Le Galès, « Sociologie de l’État en recomposition », Revue française de sociologie, volume 52, n° 3, 2011, p. 453-480.
  • [18]
    T. Perrin, « La frontière, espace de coopération. Illustration depuis l’Europe », L’information géographique, volume 85, n° 1, 2021, p. 53-69.
  • [19]
    B. Reitel, « La frontière, une approche polysémique et multi-scalaire », in F. Moullé (dir.), Frontières, op. cit., p. 55.
  • [20]
    F. Moullé, « La sécurisation de la frontière ou l’apparition de territoires-frontières. L’exemple de la région des Hauts-de-France », Revue d’économie régionale et urbaine, n° 3, 2018, p. 601-618.
  • [21]
    K. Zumbusch, R. Scherer, « Cross-Border Cooperation in Political Sciences », in J. Beck (dir.), Transdisciplinary Discourses on Cross-Border Cooperation in Europe, Bruxelles, Peter Lang, 2019, p. 29-58.
  • [22]
    É. Delecosse, F. Leloup, H. Lewalle, European Crossborder Cooperation on Health: Theory and Practice, Bruxelles, Commission européenne, DG Sanco / DG Regio, 2017, http://ec.europa.eu.
  • [23]
    Dans la section 2.2.3, nous reviendrons sur le cas spécifique des GECT de réseaux transfrontaliers.
  • [24]
    R. Debray, Éloge des frontières, Paris, Gallimard, 2010, quatrième de couverture.
  • [25]
    Il s’agit de l’accord entre le gouvernement de la République française, d’une part, et le gouvernement du Royaume de Belgique, le gouvernement de la Communauté française, le gouvernement de la Région wallonne et le gouvernement flamand, d’autre part, sur la coopération transfrontalière entre les collectivités territoriales et organismes publics locaux, signé à Bruxelles le 16 septembre 2002 (Moniteur belge, 24 mai 2005 ; Journal officiel de la République française, 5 juillet 2005).
  • [26]
    L’article 1er du premier protocole additionnel (STE n° 159) va largement au-delà du simple engagement à faciliter et à promouvoir la coopération transfrontalière : « Chaque Partie contractante reconnaît et respecte le droit des collectivités ou autorités territoriales soumises à sa juridiction (…) de conclure, dans les domaines communs de compétence, des accords de coopération transfrontalière avec les collectivités ou autorités territoriales d’autres États, selon les procédures prévues par leurs statuts, conformément à la législation nationale et dans le respect des engagements internationaux pris par la Partie en question ».
  • [27]
    Commission européenne, « Communication au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions concernant la stratégie de l’Union européenne pour la région de la mer Baltique », COM(2009) 248, 10 juin 2009.
  • [28]
    S. Dühr, Mer Baltique, Danube et stratégies, macro-régionales : un modèle de coopération transnationale dans l’Union européenne ?, Paris, Institut Jacques Delors, 2011, p. 6, https://institutdelors.eu.
  • [29]
    Le Conseil de l’Union européenne charge la Commission européenne de préparer la stratégie, dans le cadre d’un processus de concertation entre ses différentes directions générales, les États, les collectivités et les parties prenantes. La stratégie est ensuite approuvée par le Conseil.
  • [30]
    Commission européenne, « Rapport au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur la mise en œuvre des stratégies macrorégionales de l’Union », COM(2016) 805, 16 décembre 2016 et COM(2019) 21, 29 janvier 2019.
  • [31]
    Conseil de l’Europe, Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, Chambre des régions (23e session), « La gouvernance des macro-régions en Europe », CPR(23) 2, 7 février 2013.
  • [32]
    Règlement (CEE) n° 2137/85 du Conseil du 25 juillet 1985 relatif à l’institution d’un groupement européen d’intérêt économique (GEIE) (Journal officiel des Communautés européennes, L 199, 31 juillet 1985).
  • [33]
    Ibidem, article 3.
  • [34]
    Article 11 de l’accord de Bruxelles du 16 septembre 2002.
  • [35]
    La Région de Bruxelles-Capitale n’est pas signataire de l’accord vu sa non-contiguïté frontalière.
  • [36]
    S. Curzi, É. Delecosse, V. Moyse, « La coopération transfrontalière européenne. Les dynamiques décisionnelles du programme Interreg France-Wallonie-Vlaanderen », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2300, 2016, p. 6.
  • [37]
    Parlement européen, « Rapport fait au nom de la Commission économique et financière sur la première communication de la Commission de la CEE sur la politique régionale dans la CEE », n° 58, 23 mai 1966.
  • [38]
    Ibidem, point 49.
  • [39]
    Règlement (CEE) n° 724/75 du Conseil du 18 mars 1975 portant création d’un Fonds européen de développement régional (Journal officiel des Communautés européennes, L 73, 21 mars 1975).
  • [40]
    Inforegio Panorama, Commission européenne, Direction générale de la Politique régionale et urbaine, n° 26, 2008, p. 9, https://ec.europa.eu .
  • [41]
    P. Pelan, Fonds structurels de l’Union européenne : principes et bonnes pratiques, Paris, Gualino, 2008.
  • [42]
    Ces premiers accords sont signés par l’Allemagne (RFA), la Belgique, la France, le Luxembourg et les Pays-Bas.
  • [43]
    Le règlement (CEE) n° 4254/88 du Conseil du 19 décembre 1988 portant dispositions d’application du règlement (CEE) n° 2052/88 en ce qui concerne le Fonds européen de développement régional (Journal officiel des Communautés européennes, L 374, 31 décembre 1988) prévoit la possibilité pour la Commission européenne de mener, de sa propre initiative, des programmes. L’article 3 précise que ces derniers visent à contribuer, d’une part, « à la solution de problèmes graves directement liés à la réalisation d’autres politiques de la Communauté et affectant la situation socio-économique d’une ou de plusieurs régions » et, d’autre part, « à la solution de problèmes communs à certaines catégories de régions ». En outre, l’article 10 de ce même règlement fait clairement référence à la coopération transfrontalière dans le cadre du financement de projets pilotes pouvant être soutenus par le FEDER. Face au succès de ces opérations pilotes, la Commission européenne décide, en 1990, de consacrer un PIC à la coopération transfrontalière.
  • [44]
    S. Verger, Les chemins multiples de la coopération transfrontalière franco-belge : analyse des dynamiques institutionnelles, Thèse de doctorat en science politique, Facultés universitaires catholiques de Mons / Université de Grenoble, 2011, p. 98.
  • [45]
    S. Curzi, É. Delecosse, V. Moyse, « La coopération transfrontalière européenne. Les dynamiques décisionnelles du programme Interreg France-Wallonie-Vlaanderen », op. cit., p. 10.
  • [46]
    L’article 5, § 3 du traité stipule que, « en vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l’Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, tant au niveau central qu’au niveau régional et local, mais peuvent l’être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, au niveau de l’Union ». En d’autres mots, l’autorité supérieure s’interdit de faire ce que l’autorité inférieure peut faire mieux ou aussi bien.
  • [47]
    S. Verger, Les chemins multiples de la coopération transfrontalière franco-belge, op. cit., p. 95.
  • [48]
    Le terme « cohésion territoriale » apparaît, pour la première fois et de manière isolée, dans le Traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997. L’article 7D, qui porte sur les services d’intérêt économique général (SIEG), précise qu’ils « jouent un rôle dans la cohésion sociale et territoriale de l’Union ».
  • [49]
    « [L’Union européenne] promeut la cohésion économique, sociale et territoriale, et la solidarité entre les États membres » (article 3.3 du TFUE).
  • [50]
    « Afin d’assurer son développement harmonieux, l’Union développera et mènera ses actions visant à renforcer sa cohésion économique, sociale et territoriale. En particulier, l’Union visera à réduire les écarts entre les niveaux de développement des différentes régions et le retard des régions les moins favorisées. Parmi les régions concernées, une attention particulière est accordée aux zones rurales, aux zones où s’opère une transition industrielle et aux régions qui souffrent de handicaps naturels ou démographiques graves et permanents telles que les régions les plus septentrionales à très faible densité de population et les régions insulaires, transfrontalières et de montagnes » (article 174 du TFUE).
  • [51]
    « Si des actions spécifiques s’avèrent nécessaires en dehors des fonds, et sans préjudice des mesures décidées dans le cadre des autres politiques de l’Union, ces actions peuvent être arrêtées par le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire et après consultation du Comité économique et social et du Comité des régions » (article 159, § 3 du TFUE).
  • [52]
    « Rapport spécial n° 4/2004 relatif à la programmation de l’initiative communautaire de coopération transeuropéenne Interreg III, accompagné des réponses de la Commission (présenté en vertu de l’article 248, paragraphe 4, deuxième alinéa, du traité CE) », s.d. (Journal officiel de l’Union européenne, C 303, 7 décembre 2004).
  • [53]
    Commission européenne, « Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la création d’un mécanisme visant à lever les obstacles juridiques et administratifs dans un contexte transfrontalier », COM(2018) 373, 29 mai 2018.
  • [54]
    Commission européenne, « Communication au Conseil et au Parlement européen. Stimuler la croissance et la cohésion des régions frontalières de l’Union européenne », COM(2017) 534, 20 septembre 2017.
  • [55]
    Tel qu’expliqué supra dans la section 2.1.2.
  • [56]
    Règlement (CE) n° 1082/2006 du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relatif à un groupement européen de coopération territoriale (GECT) (Journal officiel de l’Union européenne, L 210, 31 juillet 2006). Sur ce texte, cf. V. Biot, « Les systèmes de gouvernance des territoires transfrontaliers : la mise en œuvre du règlement européen sur les GECT (Groupements européens de coopération territoriale) », Belgeo. Revue belge de géographie, n° 1, 2013, http://journals.openedition.org .
  • [57]
    N. Levrat (dir.), Le groupement européen de coopération territoriale - GECT, Bruxelles, Comité des régions, 2007.
  • [58]
    Pour plus de détails sur les enjeux juridiques de la mise en œuvre du règlement relatif au GECT, cf. ibidem, p. 127-151.
  • [59]
    Commission européenne, « Rapport au Parlement européen et au Conseil sur l’application du règlement (CE) n° 1082/2006 relatif à un groupement européen de coopération territoriale (GECT) », COM(2011) 462, 29 juillet 2011.
  • [60]
    Commission européenne, « Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1082/2006 du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relatif à un groupement européen de coopération territoriale (GECT) en ce qui concerne la clarification, la simplification et l’amélioration de la constitution et de la mise en œuvre de groupements de ce type », COM(2011) 610, 6 octobre 2011 : document annulé et remplacé par le corrigendum COM(2011) 610/2, 14 mars 2012.
  • [61]
    Règlement (UE) n° 1302/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 modifiant le règlement (CE) n° 1082/2006 relatif à un groupement européen de coopération territoriale (GECT) en ce qui concerne la clarification, la simplification et l’amélioration de la constitution et du fonctionnement de groupements de ce type (Journal officiel de l’Union européenne, L 347, 20 décembre 2013).
  • [62]
    Rectificatif du 3 décembre 2016 au règlement (UE) n° 1302/2013 du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) du Parlement européen et du Conseil relatif à un groupement européen de coopération territoriale (GECT) en ce qui concerne la clarification, la simplification et l’amélioration de la constitution et de la mise en œuvre de groupements de ce type (Journal officiel de l’Union européenne, L 330, 3 décembre 2016).
  • [63]
    Commission européenne, Direction générale de la Politique régionale et urbaine, « Assessment of the Application of EGTC Regulation. Final Report », n° 2017CE160AT116, 20 avril 2018.
  • [64]
    Le nom choisi pour désigner les GECT est l’acronyme officiel tel qu’il apparaît dans la liste officielle du Comité des régions.
  • [65]
    Comité des régions, « Liste des groupements européens de coopération territoriale », 20 janvier 2022.
  • [66]
    Trois GECT ont été dissous : le Zoskupenie Karst-Bodva (enregistré en 2009 et dissous en 2017), l’Agrupación Europea de Cooperación Territorial « Espacio Portallet » (enregistré en 2011 et dissous en 2021) et Huesca Pirineos - Hautes Pyrénées (enregistré en 2014 et dissous en 2020).
  • [67]
    N. Levrat (dir.), Le groupement européen de coopération territoriale - GECT, op. cit., p. 167.
  • [68]
    N. Moens, « Analyse descriptive des GECT », Working Paper, Institut des frontières et discontinuités (IFD), 2020.
  • [69]
    Mission opérationnelle transfrontalière (MOT), « Groupement européens de coopération territoriale », 2019, www.espaces-transfrontaliers.org.
  • [70]
    Ce qui est souligné sur le site Internet du Kvarken Council EGTC institué le 31 décembre 2020 (« the first fully Nordic EGCT area ») : www.kvarken.org.
  • [71]
    « Membres », sur le site Internet Huesca Pirineos - Hautes Pyrénées, www.hp-hp.eu.
  • [72]
    « Pontibus », sur le site Internet du Comité des régions, https://portal.cor.europa.eu .
  • [73]
    Site Internet www.egtslinieland.eu.
  • [74]
    « EGTC Geopark Karawanken/Karavanke », sur le site Internet du Comité des régions, https://portal.cor.europa.eu .
  • [75]
    « Parc européen Parco europeo Alpi Marittime - Mercantoure », sur le site Internet du Comité des régions, https://portal.cor.europa.eu.
  • [76]
    « ZASNET », sur le site Internet du Comité des régions, https://portal.cor.europa.eu.
  • [77]
    Journal officiel de l’Union européenne, C 115, 11 mars 2022.
  • [78]
    Cf. ActuSoins Magazine, décembre 2016 ; Le Monde, 25 mai 2019 ; France 3 Occitanie, 16 avril 2019 ; France Bleu, 25 mars 2020.
  • [79]
    « Convention de coopération sanitaire transfrontalière et de constitution du Groupement européen de coopération territoriale (GECT) - Hôpital de Cerdagne », 26 avril 2010, www.hcerdanya.eu.
  • [80]
    N. Moens, « Analyse descriptive des GECT », op. cit.
  • [81]
    Cf. « Convention for the formation of the European Grouping of Territorial Cooperation TATRY Ltd », s.d., www.euwt-tatry.eu.
  • [82]
    Commission européenne, Direction générale de la Politique régionale et urbaine, « Assessment of the Application of the EGCT Regulation », op. cit., p. 29.
  • [83]
    Un micro-projet est une opération de petite taille, limitée dans le temps, financée par un programme Interreg permettant d’initier et de développer des collaborations transfrontalières de proximité dans un cadre simplifié.
  • [84]
    N. Moens, « Analyse descriptive des GECT », op. cit. ; Mission opérationnelle transfrontalière (MOT), « La crise du Covid-19 aux frontières : retours d’expérience du réseau de la MOT. Rapport », juin 2020, www.espaces-transfrontaliers.org.
  • [85]
    Une analyse de ce type a été menée à l’échelle des eurorégions : M.-H. Hermand, « La formation discursive eurorégionale. Articulation et approche sémantique d’un corpus multilingue », Corpus, n° 17, 2017, http://journals.openedition.org ; M.-H. Hermand, Eurorégions. L’éclosion de la communication transfrontalière, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2020, p. 75-76.
  • [86]
    Commission européenne, Direction générale de la Politique régionale et urbaine, « Assessment of the Application of EGTC Regulation », op. cit., p. 8.
  • [87]
    N. Levrat (dir.), Le groupement européen de coopération territoriale - GECT, op. cit.
  • [88]
    Comme c’était le cas de l’article 3 du règlement (CE) n° 1082/2006 du 5 juillet 2006 précité.
  • [89]
    Comité des régions, « EGTC Monitoring Report 2017 », 2018, https://portal.cor.europa.eu.
  • [90]
    Arrêté grand-ducal du 12 décembre 2019 approuvant la convention modifiée et les statuts modifiés du GECT - Secrétariat du Sommet de la Grande Région (Journal officiel du Grand-Duché de Luxembourg, 18 décembre 2019).
  • [91]
    « Déclaration commune du Parlement européen, du Conseil et de la Commission concernant le rôle du Comité des régions dans le cadre la plateforme GECT », Journal official de l’Union européenne, L 347, 20 décembre 2013.
  • [92]
    « EGTC Platform », https://portal.cor.europa.eu.
  • [93]
    P. Zittoun, La fabrique politique des politiques publiques. Une approche pragmatique de l’action publique, Paris, Presses de Sciences Po, 2013, p. 75-148.
  • [94]
    Chambre de commerce et d’industrie Hauts-de-France, « Les chiffres clés de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai », 10 mai 2017, https://hautsdefrance.cci.fr.
  • [95]
    Institut national d’assurance maladie-invalidité (INAMI), « Statistiques des travailleurs frontaliers », 2021, www.inami.fgov.be/fr.
  • [96]
    Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), « Dynamiques de l’emploi transfrontalier en Europe et en France », Fiche d’analyse de l’Observatoire des territoires, 2017, p. 1.
  • [97]
    E. Crocquey, F. Mille, A. Roszak, « L’emploi frontalier des Hauts-de-France vers la Belgique : une attractivité modérée et contrastée », INSEE Analyses Hauts-de-France, Institut national de la statistique et des études économiques, n° 94, 2019.
  • [98]
    Métropole européenne de Lille (MEL), « Enquête de déplacements », 2016.
  • [99]
    S. Verger, Les chemins multiples de la coopération transfrontalière franco-belge, op. cit., p. 40.
  • [100]
    Il est à noter que, dès les années 1960, Lille fait partie des quatre premières communautés urbaines créées en France, au même titre que Bordeaux, Lyon et Strasbourg.
  • [101]
    Euralille est la vitrine tertiaire de la métropole lilloise, symbole de sa mutation économique. Quelque 14 000 emplois sont recensés dans un périmètre élargi d’Euralille, principalement dans les secteurs des services financiers, des assurances, des télécommunications, du conseil et de l’informatique (cf. « Euralille », www.lillemetropole.fr).
  • [102]
    B. Reitel, « L’ambition internationale d’une métropole française : la diplomatie territoriale de Lille de 1958 à nos jours », Relations internationales, volume 179, n° 3, 2019, p. 67-82.
  • [103]
    F. Durand, « Émergence d’une gouvernance métropolitaine transfrontalière au sein de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai. Analyse des relations entre les organisations dans le domaine du transport public transfrontalier », Annales de géographie, volume 691, n° 3, 2013, p. 293.
  • [104]
    S. Verger, Les chemins multiples de la coopération transfrontalière franco-belge, op. cit., p. 176-177.
  • [105]
    Ibidem, p. 146.
  • [106]
    F. Durand, « Émergence d’une gouvernance métropolitaine transfrontalière au sein de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai », op. cit., p. 294.
  • [107]
    Sous forme associative, les agences d’urbanisme développent une expertise sur les différents domaines de l’urbanisme et du développement territorial (planification, habitat, mobilités, économie, environnement, foncier, etc.). Cf. « Les agences d’urbanisme », sur le site Internet de la Fédération nationale des agences d’urbanisme, www.fnau.org.
  • [108]
    « Grootstad. Results », https://ec.europa.eu.
  • [109]
    Conférence permanente intercommunale transfrontalière (COPIT), « Stratégie pour une métropole transfrontalière », mars 2002, www.espaces-transfrontaliers.org.
  • [110]
    Créée en 1997 par le gouvernement français, la Mission opérationnelle transfrontalière (MOT) est un outil au service des territoires transfrontaliers (cf. le site Internet www.espaces-transfrontaliers.org).
  • [111]
    S. Verger, Les chemins multiples de la coopération transfrontalière franco-belge, op. cit., p. 175.
  • [112]
    Concernant l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, cf. par exemple : F. Leloup, « Le développement territorial et les systèmes complexes : proposition d’un cadre analytique », Revue d’économie régionale et urbaine, n° 4, 2010, p. 687-705.
  • [113]
    P. Louguet, S. Bridoux, D. Delbaere, B. Grosjean, M. Prevotet al., « Inventer les futurs de la métropole lilloise : échelles, modèles et scénario. Une métropole transfrontalière en projet(s) », Rapport de recherche AGE-2007-LOU, Ministère de la Culture et de la Communication / Bureau de la recherche architecturale, urbaine et paysagère (BRAUP), Ministère de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables, Plan Urbanisme, Construction et Architecture (PUCA), École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Lille, Laboratoire d’architecture conception territoire histoire (LACTH), 2008, p. 35.
  • [114]
    Le secrétaire général pour les Affaires régionales assiste le préfet de région dans l’exercice de ses missions. Il dirige les services du SGAR et assure la suppléance du préfet de région.
  • [115]
    Ce groupe de travail parlementaire franco-belge comprend alors : pour la France, Alain Lamassoure (député européen), porte-parole du groupe parlementaire pour le versant français, Pierre Mauroy (sénateur), Patrick Delnatte (député), Bernard Roman (député), Christian Vanneste (député) et Francis Vercamer (député) ; pour la Belgique, Stefaan De Clerck (député flamand), porte-parole du groupe parlementaire pour le versant belge, Christian Brotcorne (sénateur), Sabine Lahaye-Battheu (députée fédérale), Gilbert Bossuyt (député flamand), Jean-Luc Crucke (député de la Communauté française) et Paul-Olivier Delannois (député wallon).
  • [116]
    Un eurodistrict est un espace frontalier de coopération dont l’objectif est d’organiser et d’institutionnaliser la coopération entre les pays au niveau des zones frontalières.
  • [117]
    F. Gouardères, « Groupements européens de coopération territoriale (GECT) », Fiche thématique sur l’Union européenne, mars 2022, www.europarl.europa.eu.
  • [118]
    La présidence se compose dès lors de trois socialistes (P. Mauroy, M. Aubry et R. Demotte) et d’un chrétien-démocrate (S. De Clerck).
  • [119]
    Le nombre de communes françaises et belges au sein de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai évolue en fonction des réformes territoriales françaises. Il se chiffre en 2020 à 157, dont 95 communes émanant de la MEL. Il est à noter que la France n’a pas connu de fusion des communes (contrairement à la Belgique qui, depuis 1977, est passée de 2 359 à 581 communes).
  • [120]
    B. Grosjean, « L’imagibilité de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai : dilemmes et difficultés des représentations d’une région transfrontalière », Communication à la Lille Jean Monnet Conference : « Régions et régionalisme dans l’Union européenne », Lille, Université de Lille / Laboratoire TVES (programme Erasmus+), juin 2018, p. 3.
  • [121]
    Ces statuts sont reproduits en annexe 2 du présent Courrier hebdomadaire.
  • [122]
    Les conseils de développement constituent des espaces de dialogue entre la société civile et les citoyens, à l’échelle des intercommunalités ou intercommunales. La particularité du Conseil de développement de la Wallonie picarde est d’accueillir des élus locaux en son sein.
  • [123]
    Le Carré bleu est une boucle de cheminement doux de 90 kilomètres le long des principaux cours d’eau qui traversent les trois régions de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai : Deûle, canal de Roubaix, canal de l’Espierres, Escaut, canal Bossuit-Courtrai et Lys.
  • [124]
    La trame bleue désigne généralement le réseau écologique et écopaysager constitué par les cours d’eau (dont le continuum fluvial) et les zones humides adjacentes ou en dépendant.
  • [125]
    L. Damay, F. Delmotte, « Les dialogues citoyens de la Commission européenne. Renforcer l’appartenance ou confirmer l’impuissance ? », Politique européenne, n° 62, 2018, p. 120-150.
  • [126]
    Cf. par exemple : F. Leloup, Research for REGI Committee. Cross-Border Cooperation in Healthcare, Bruxelles, Parlement européen, Département thématique des politiques structurelles et de cohésion, 2021, p. 41-51, www.europarl.europa.eu.
  • [127]
    Ainsi, la recherche à partir du seul mot « water » au sein de la revue spécialisée Journal of Borderland Studies permet de retenir pas moins de 353 articles publiés.
  • [128]
    « Un maillage bleu métropolitain », Les cahiers de l’Atelier transfrontalier, West Vlaamse Intercommunale (WVI) et Lille Métropole Communauté urbaine (LMCU), n° 13, 2004.
  • [129]
    « Rapport sur les avancées de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai (avril 2011-juin 2012) », www.eurometropolis.eu.
  • [130]
    « Dostrade. Trajet transfrontalier pour le développement durable de la vallée de l’Escaut », www.interreg4-fwvl.eu.
  • [131]
    « Green Links », www.interreg4-fwvl.eu.
  • [132]
    « Corrid’Or », www.interreg4-fwvl.eu.
  • [133]
    Agence de développement et d’urbanisme de Lille Métropole (ADULM), « La voie d’eau, fédératrice de territoires dans les Hauts-de-France. La liaison Seine-Escaut et ses opportunités de développement local », septembre 2018, p. 9, www.espacebleu.eu.
  • [134]
    Les couloirs représentent les grands cours d’eau du territoire, naturels ou artificiels. Quant à eux, les capillaires sont les cours d’eau qui ne sont pas et n’ont jamais été navigables, ainsi que les affluents et les fossés.
  • [135]
    « Études et projets régionaux », www.espacebleu.eu.
  • [136]
    Il est à noter que l’orthographe de l’appellation de « Parc bleu de l’eurométropole » s’écrit sans majuscule à « eurométropole » en raison dans ce cadre de la désignation d’un territoire et non de l’institution.
  • [137]
    K. Debaere (dir.), Le Parc bleu de l’eurométropole, s.l., Agence de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, 2019, www.espacebleu.eu.
  • [138]
    « EuroVelo 5 : Via Romea Francigena », https://ravel.wallonie.be.
  • [139]
    TRIPOD (acronyme de « Transregional Project for Innovation and Promotion of Design ») est un projet financé par le programme Interreg V France-Wallonie-Vlaanderen et est porté par 12 partenaires : Aditec Pas-de-Calais, Chambre de commerce et d’industrie (CCI) du Grand Lille, Lille-Design, Métropole européenne de Lille (MEL) pour la France ; Design Innovation, Héracles, IDETA, Progress/Maison du Design et Wallonie Design pour la Wallonie ; Antwerp Management School, Designregio Kortrijk et Leiedal pour la Flandre.
  • [140]
    Le site Transfo est une ancienne centrale électrique située à Zwevegem. En 2004, la commune de Zwevegem a décidé de l’acquérir en partenariat avec l’intercommunalité flamande Leiedal et de lui donner une vocation socio-culturelle (cf. le site Internet www.transfozwevegem.be).
  • [141]
    Situés dans le département du Nord, sur la commune de Marquette-lez-Lille, les Grands Moulins de Paris sont une minoterie désaffectée ; ils sont inscrits depuis 2001 au titre des monuments historiques de France.
  • [142]
    Conseil de l’Union européenne, « Consultations citoyennes. Rapport conjoint », Note de transmission de la présidence aux délégations, n° INST 457 POLGEN 224, 3 décembre 2018.
  • [143]
    Il y a, à cet égard, trois entrées en matière. « Lille et le café de l’Europe » : de nouveaux candidats aux élections européennes interagissent avec des citoyens souhaitant partager leur sentiment (positif comme négatif) par rapport à l’Europe. « Tournai, Europa et le jeu de la marguerite » : les émotions des participants sont interrogées à partir d’un conte créé au départ des bribes mythologiques d’Europa : « Il était une fois l’Europe ». Les participants sont invités à se positionner selon l’effeuillage de la marguerite (« Europe, je t’aime, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout »). « Courtrai et le jardin de l’Europe du futur » : il s’agit d’initier un processus pérenne.
  • [144]
    L’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai a reçu pour cette initiative le prix « Coup de cœur » du Comité des régions : « Conference on the Future of Cross-Border Cooperation », https://portal.cor.europa.eu.
  • [145]
    « L’Espace citoyen de l’Europe lance un appel à participation citoyenne », www.eurometropolis.eu.
  • [146]
    Directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe (Journal officiel de l’Union européenne, L 152, 11 juin 2008) ; Directive 2016/2284 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016 concernant la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques, modifiant la directive 2003/35/CE et abrogeant la directive 2001/81/C (Journal officiel de l’Union européenne, L 344, 17 décembre 2016) ; Résolution 2018/2792 du Parlement européen du 13 mars 2019 sur une Europe qui protège : de l’air pur pour tous (Journal officiel de l’Union européenne, C 23, 21 janvier 2021).
  • [147]
    Assemblée de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, « Délibération cadre sur l’engagement stratégique de l’Eurométropole pour la préservation de la qualité de l’air dans le bassin transfrontalier », n° 19.01, 29 mars 2019, https://eurometropolis.eu.
  • [148]
    Cf. B. Degraeuwe, E. Pisoni, P. Christidis, A. Christodoulou, P. Thunis, « SHERPA-City: A Web Application to Assess the Impact of Traffic Measures on NO2 Pollution in Cities », Environmental Modelling & Software, n° 135, 2021, www.sciencedirect.com.
  • [149]
    M. Libert, « Hauts-de-France : Quand des gestes du quotidien polluent l’air de nos logements », 20 minutes, 27 mai 2021, www.20minutes.fr.
  • [150]
    Cf. le site Internet www.hackair.eu.
  • [151]
    Mission opérationnelle transfrontalière (MOT), « The Effects of Covid-19 Induced Border Closures on Cross-Border Regions. An Empirical Report Covering the Period March to June 2020 », Commission européenne, Direction générale de la Politique régionale et urbaine, 2021, https://op.europa.eu.
  • [152]
    Cf., à titre d’exemple, le document reproduit en annexe 3 du présent Courrier hebdomadaire.
  • [153]
    Cf. les articles répertoriés dans la rubrique « Presse » du site Internet https://eurometropolis.eu.
  • [154]
    Mission opérationnelle transfrontalière (MOT), « The Effects of Covid-19 Induced Border Closures on Cross-Border Regions », op. cit.
  • [155]
    « La Nuit des idées », www.francebelgiqueculture.com.
  • [156]
    « L’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai », www.eurometropolis.eu.
  • [157]
    S. Curzi, É. Delecosse, V. Moyse, « La coopération transfrontalière européenne. Les dynamiques décisionnelles du programme Interreg France-Wallonie-Vlaanderen », op. cit., p. 9.
  • [158]
    É. Delecosse, F. Leloup, H. Lewalle, European Crossborder Cooperation on Health, op. cit., p. 71-86.
  1. Introduction
  2. 1. Gouvernance et instruments de coopération transfrontalière
    1. 1.1. De la gouvernance à la gouvernance transfrontalière
      1. 1.1.1. Gouvernement et gouvernance
      2. 1.1.2. Gouvernance multi-niveaux et gouvernance territoriale
    2. 1.2. Deux postulats
    3. 1.3. Les différents instruments de coopération transfrontalière européenne
      1. 1.3.1. Les conventions de coopération
      2. 1.3.2. Les macro-régions
      3. 1.3.3. Les structures transfrontalières dotées de la personnalité juridique
        1. 1.3.3.1. Le groupement européen d’intérêt économique (GEIE)
        2. 1.3.3.2. Le groupement local de coopération transfrontalière (GLCT)
  3. 2. Un instrument à une nouvelle échelle
    1. 2.1. L’émergence du transfrontalier au plan européen
      1. 2.1.1. Du Traité de Rome à l’Acte unique européen
      2. 2.1.2. De programmes d’initiatives communautaires à objectif prioritaire
    2. 2.2. Les GECT en général : une diversité au service de la coopération territoriale
      1. 2.2.1. Le contexte et le cadre légal initial
      2. 2.2.2. La révision du règlement en 2013
      3. 2.2.3. Les GECT ou de multiples façons de coopérer
        1. 2.2.3.1. Partenaires privilégiés des GECT
        2. 2.2.3.2. Siège social
        3. 2.2.3.3. Objectifs
        4. 2.2.3.4. Missions
        5. 2.2.3.5. De l’usage des langues
    3. 2.3. Les GECT : un instrument juridique au service d’une gouvernance à géométrie variable
      1. 2.3.1. Les municipalités comme partenaires privilégiés
      2. 2.3.2. La gouvernance multi-acteurs et multiscalaire
  4. 3. De la réalité du territoire franco-belge à son institutionnalisation
    1. 3.1. De l’articulation de territoires français et belges à l’idée d’une métropole transfrontalière
      1. 3.1.1. Un territoire franco-belge qui s’internationalise
      2. 3.1.2. Des grands travaux d’infrastructure à une réflexion stratégique transfrontalière
      3. 3.1.3. COPIT, GLCT, eurodistrict et GECT
    2. 3.2. La naissance du premier GECT
      1. 3.2.1. L’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai : son territoire et son financement
      2. 3.2.2. Le fonctionnement institutionnel de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai
    3. 3.3. L’Évolution de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai : d’hier à aujourd’hui
      1. 3.3.1. Un fonctionnement participatif
      2. 3.3.2. La priorisation des actions
      3. 3.3.3. L’implication accrue des élus
  5. 4. L’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, acteur transfrontalier au service du citoyen et du territoire
    1. 4.1. La construction de l’Espace bleu, d’une évidence géographique à un projet eurométropolitain
      1. 4.1.1. L’eau comme évidence et enjeu de la coopération transfrontalière
      2. 4.1.2. Le maillage bleu et l’Espace bleu
      3. 4.1.3. Le Parc bleu de l’eurométropole en actions
        1. 4.1.3.1. Le Carré bleu et son balisage
        2. 4.1.3.2. « Capitale mondiale du design » de Lille et le marquage durable du Carré bleu
        3. 4.1.3.3. BlueWalks
        4. 4.1.3.4. La Journée mondiale de l’eau
        5. 4.1.3.5. La bière « la Parc bleu de l’eurométropole »
        6. 4.1.3.6. La fête du Parc bleu de l’eurométropole
    2. 4.2. D’une Eurométropole pour les habitants à un Espace citoyen de l’Europe
      1. 4.2.1. Les élections européennes, l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai et les citoyens
      2. 4.2.2. L’émergence de l’Espace citoyen de l’Europe
    3. 4.3. La gestion de la qualité de l’air dans l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai
      1. 4.3.1. Un dysfonctionnement transfrontalier à résoudre
      2. 4.3.2. De la qualité de l’air aux enjeux environnementaux
    4. 4.4. Le bassin de vie transfrontalier à l’épreuve de la pandémie de Covid-19
    5. 4.5. Une institution transfrontalière au service de son bassin transfrontalier
  6. Conclusion
Éric Delecosse
Loïc Delhuvenne
Fabienne Leloup
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Toute frontière implique une rupture sur les plans juridique et administratif. Dernièrement, la crise migratoire, le Brexit et la gestion de la pandémie de Covid-19 ont encore rappelé cette réalité.

L’Union européenne est née de la volonté, non d’abolir les frontières entre les États membres, mais d’atténuer leurs effets en termes socio-économiques, sociétaux et environnementaux. Dans ce cadre, elle œuvre notamment, d’une part, à favoriser les coopérations territoriales transfrontalières et, d’autre part, à permettre aux régions frontalières de tirer pleinement parti des atouts liés à la spécificité de leur situation géographique.

Dans ce but de cohésion et de développement, l’Europe a institué plusieurs instruments stratégiques et financiers. L’un des principaux d’entre eux est le groupement européen de coopération territoriale (GECT), c’est-à-dire un espace transfrontalier présentant un haut degré d’intégration entre les différents partenaires. Le premier GECT a été créé en 2008, sur la frontière franco-belge : il s’agit de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai (*). Depuis lors, pas moins de 81 autres GECT ont vu le jour, aux formes et aux objectifs très divers.

À travers l’analyse de la création, des structures, du fonctionnement, de la gouvernance, des réalisations, des dynamiques et des évolutions de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, ce Courrier hebdomadaire participe à l’évaluation de l’apport des GECT en tant que bassins de vie pour les populations et les territoires concernés.



(*) Les partenaires de l’Eurométropole sont : pour le versant français, l’État, la Région Hauts-de-France, le Département du Nord et la Métropole européenne de Lille (MEL) ; pour le versant belge, l’Autorité fédérale, la Région wallonne, la Communauté française, la Région et la Communauté flamandes, la Province de Hainaut, la Province de Flandre occidentale, et les intercommunales IDETA, IEG, Leiedal et WVI.

Mis en ligne sur Cairn.info le 06/07/2022
https://doi.org/10.3917/cris.2526.0005
ISBN 9782870752845
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