CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1Le 1er octobre 2020, la Belgique s’est dotée d’un nouveau gouvernement fédéral, près de 500 jours après les élections du 26 mai 2019. Dans l’accord du gouvernement De Croo (PS/MR/Écolo/CD&V/Open VLD/SP.A/Groen), élaboré sous la coordination des formateurs Alexander De Croo (Open VLD) et Paul Magnette (PS)  [1], est mentionnée à deux reprises une mesure d’accès au travail inconnue du paysage législatif belge : le « territoire zéro chômeur de longue durée » (TZCLD)  [2].

2La mesure, dont cet accord de gouvernement affirme qu’elle devra être mise en œuvre au travers d’une collaboration entre l’Autorité fédérale et les Régions, apparaît d’abord dans le chapitre « Lutte contre la pauvreté et accès aux droits » du titre 1er (« Un pays solidaire ») : « À côté de l’augmentation des allocations sociales en direction du seuil de pauvreté, des systèmes complémentaires pour lutter contre la pauvreté sont en cours de déploiement tels que (…) les territoires zéro chômeu[r] de longue durée »  [3]. Dans le chapitre « Marché et organisation du travail » du titre 2 (« Un pays prospère »), elle est présentée comme un dispositif susceptible de relever le taux d’emploi : « Le gouvernement tiendra des consultations structurelles avec les entités fédérées afin d’élaborer, dans un esprit de fédéralisme coopératif, les mesures nécessaires pour accompagner et soutenir les politiques du marché du travail des entités fédérées. Il examinera également comment des mesures sous-régionales ou des politiques locales peuvent être mises en œuvre, dans le respect des compétences de chacun, par exemple en ce qui concerne (…) l’introduction de “territoires zéro chômeur de longue durée” ».

3À l’été 2019, le gouvernement bruxellois Vervoort III (PS/Écolo/Défi/Groen/Open VLD/one.brussels-sp.a) et le gouvernement wallon Di Rupo III (PS/MR/Écolo) ont déjà tous deux fait part dans leurs déclarations de politique générale respectives  [4] de leur volonté d’introduire cette mesure sur leur territoire. Le premier a indiqué qu’il « mettra en œuvre, dans les quartiers statistiquement les plus pertinents, un projet pilote inspiré du modèle des territoires “zéro chômeur de longue durée” et adapté à la réalité urbaine bruxelloise. L’objectif est de mieux répondre aux besoins de la Région et aux compétences des chercheurs d’emploi »  [5]. Le second a fait savoir que « la Wallonie fixera le cadre légal pour développer l’approche “territoire zéro chômeur de longue durée” sur des territoires volontaires et, sur base d’une démarche volontaire des demandeurs d’emploi, assurera la mise en place d’expériences pilotes dans certains bassins d’emploi, à partir d’un travail avec les acteurs de terrain, notamment avec le soutien des dispositifs d’économie sociale, en mobilisant les outils existants (couveuses d’entreprises, accompagnement par les [centres d’insertion socio-professionnelle (CISP)], etc.) »  [6].

4Ce faisant, ces deux gouvernements régionaux ont répondu à l’appel d’acteurs de la société civile, déjà mobilisés depuis des mois dans la région de Charleroi et dans la province de Luxembourg, qui réclament l’importation de ce dispositif français dans nos contrées et réfléchissent déjà de manière très concrète, avec l’aide d’une série de chercheurs en sciences humaines et sociales, à la meilleure manière de procéder à ce transfert  [7].

5Mais qu’est-ce donc que le projet TZCLD et dans quelle mesure son apparition en Belgique peut-elle sembler souhaitable ? Des auteurs se sont déjà interrogés sur la faisabilité juridique d’une telle incorporation  [8]. Dans une perspective de « legal transplant »  [9], il importe également aux acteurs de se positionner sur l’opportunité de la mesure  [10]. Cette démarche est d’autant plus nécessaire que s’élèvent des voix, dans les rangs politiques ou de l’accompagnement des demandeurs d’emploi, qui considèrent que l’ordre juridique belge comprend déjà de nombreuses mesures semblables, qui permettent de répondre efficacement aux mêmes objectifs – à savoir, offrir un accès au travail à des personnes qui en sont très éloignées. C’est à ces questions qu’est consacré le présent Courrier hebdomadaire, qui s’ancre dans la discipline juridique mais adopte une perspective résolument appliquée. La mesure TZCLD est-elle réellement innovante et, dans l’affirmative, sur quels points ? Quelles leçons tirer de l’expérience française pour veiller à ce que la réception de la mesure, dans l’ordre juridique belge, soit à la hauteur des ambitions qu’elle se fixe ?

6Nous proposons de répondre à ces questions en analysant de manière critique les ambitions dont est porteuse la mesure TZCLD. Celles-ci donnent surtout à s’exprimer au travers des principes généraux de l’expérimentation, décrits sur le site Internet développé par ses initiateurs (www.tzcld.fr) et élaborés bien avant que celle-ci n’ait été institutionnalisée et encadrée par la loi française n° 2016-231 du 29 février 2016  [11].

7Notre analyse repose sur une méthode originale. Afin de mettre en valeur les caractéristiques propres à l’initiative TZCLD, nous utilisons un « agent de contraste » qui, issu de l’ordre juridique belge, partage avec la mesure TZCLD, à côté de sa finalité même de promotion de l’accès à l’emploi, de nombreuses caractéristiques. En l’occurrence, il s’agit de l’article 60, § 7, de la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d’action sociale (CPAS)  [12]. Celui-ci dispose que, « lorsqu’une personne doit justifier d’une période de travail pour obtenir le bénéfice complet de certaines allocations sociales ou afin de favoriser l’expérience professionnelle de l’intéressé, le CPAS prend toutes les dispositions de nature à lui procurer un emploi (...). Le cas échéant, il fournit cette forme d’aide sociale en agissant lui-même comme employeur pour la période visée ». Cette méthode par rapprochement vise à rendre plus compréhensibles les différentes innovations dont la mesure TZCLD est porteuse.

8Cependant, il serait peu scientifique de s’en tenir aux intentions déclarées. D’abord déployée spontanément, l’initiative TZCLD a ensuite fait l’objet d’une réception légale, qui l’a nécessairement figée et transformée. Comme elle s’appuie sur une logique d’expérimentation, elle n’a été implantée que sur un nombre restreint de territoires candidats. Sa mise en œuvre est donc régulièrement évaluée, afin que le législateur français puisse se prononcer, à l’échéance d’un terme de cinq ans, sur l’opportunité de son élargissement à d’autres territoires voire à tout le territoire de la République française. Une loi d’extension vient d’ailleurs tout récemment d’être adoptée  [13]. La réception légale du projet et les premiers rapports d’évaluation produits  [14] font apparaître des impensés, des ambigüités, des contradictions, des failles. Cela permet de poser un regard plus nuancé, parfois critique, sur les ambitions de la mesure TZCLD  [15].

9Cette mise en lumière de différents contrastes permet, à titre subsidiaire, de formuler l’hypothèse suivante. La mesure TZCLD est susceptible de renforcer l’effectivité du droit au travail, entendu non seulement dans son sens traditionnel mais également dans une conception enrichie. Même, elle est susceptible de replacer le droit au travail dans un projet plus large de démocratisation du travail et de l’économie. Le caractère subsidiaire de cette hypothèse s’explique par le manque de recul dont nous disposons encore. Seul l’écoulement du temps permettra de déterminer si cette hypothèse est vérifiée.

10Le premier chapitre de ce Courrier hebdomadaire fournit au lecteur les balises nécessaires à la compréhension de l’analyse critique. Y sont présentés tour à tour la mesure TZCLD, l’« agent de contraste » que nous avons choisi (l’article 60, § 7, de la loi du 8 juillet 1976, donc) et la conception traditionnelle du droit au travail, dont nous voudrions suggérer que les deux mesures visent à renforcer l’effectivité. Le deuxième chapitre comprend l’analyse critique proprement dite. Les ambitions du projet TZCLD y sont examinées au travers de six questions cruciales. Pour chacune d’entre celles-ci, nous montrons en quoi les réponses fournies par la mesure TZCLD se démarquent de celles de l’article 60, § 7, de la loi du 8 juillet 1976. Nous nuançons ensuite les avancées repérées au regard des premières évaluations. Le troisième chapitre, qui se fonde sur les enseignements du précédent, est consacré à la formulation de notre hypothèse subsidiaire, portant sur la capacité de la mesure TZCLD à renforcer l’effectivité du droit au travail en le replaçant dans un horizon démocratique élargi.

11Cette étude présente la situation arrêtée au 1er janvier 2021.

1. Éléments constitutifs de l’analyse

12Les deux mesures qui sont au cœur du présent Courrier hebdomadaire ont été adoptées dans des contextes fondamentalement différents. L’examen du projet de loi ayant débouché sur la loi belge du 8 juillet 1976 organique des CPAS a débuté peu de temps après le premier choc pétrolier de 1973, à un moment où il n’apparaissait pas encore réellement que l’époque des « Trente Glorieuses » venait de prendre fin  [16]. Pour sa part, l’expérience française TZCLD est intervenue alors que le sentiment d’être confronté à une crise de l’emploi persiste de manière quasiment permanente depuis quatre décennies et que quantité de mesures ont été imaginées et tentées pour endiguer cette crise. Si les deux mesures peuvent donc être identifiées comme participant d’une « lutte contre le chômage » (cela est d’ailleurs explicite dans le préambule de la loi française n° 2016-231 du 29 février 2016), aucune d’entre elles ne constitue une réponse directe à la hausse massive du chômage ayant cours depuis la fin des années 1970 : l’une est intervenue avant, tandis que l’autre entend trancher avec les mesures adoptées depuis lors  [17].

1.1. Présentation de la mesure « Territoire zéro chômeur de longue durée »

13Le projet TZCLD a été porté sur les fonts baptismaux par la société civile française au début des années 2010. À l’origine, il a été conçu par le mouvement ATD Quart Monde  [18] en partenariat avec le Secours catholique, Emmaüs France, le Pacte civique et la Fédération des acteurs de la solidarité. Il a été pensé par ces acteurs comme une mesure de lutte contre le chômage de longue durée en rupture avec les méthodes classiques de remise au travail des personnes durablement privées d’emploi. L’argumentaire des promoteurs est articulé sur trois constats  [19]. Primo, personne n’est inemployable, toutes celles et tous ceux qui sont durablement privés d’emploi ont des savoir-faire et des compétences à faire valoir, à la condition que le travail et l’emploi soient adaptés à chacun. Secundo, ce n’est pas le travail qui manque mais bien l’emploi (entendu donc comme un ensemble de « postes » disponibles), puisque de nombreux besoins de la société ne sont pas satisfaits. Tertio, ce n’est pas non plus l’argent qui manque puisque le chômage de longue durée entraîne chaque année de nombreuses dépenses et de nombreux manques à gagner que la collectivité prend à sa charge.

14Partant de ces constats, le projet TZCLD vise à « proposer à tout chômeur de longue durée qui le souhaite, un emploi à durée indéterminée à temps choisi, en développant des activités utiles pour répondre aux besoins des divers acteurs du territoire »  [20]. Les modalités sont fixées par la loi n° 2016-231 du 29 février 2016 d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée. Pour être inclus dans le projet, il suffit de résider depuis six mois au moins sur le territoire de l’expérimentation et d’être inscrit comme demandeur ou demandeuse d’emploi depuis plus d’un an sur les listes de Pôle emploi  [21]. L’embauche doit permettre de développer des activités économiques pérennes et non concurrentes de celles déjà présentes sur le territoire  [22]. Pour réaliser cet objectif, il n’est pas fait appel à un employeur appartenant au secteur public local, mais à une entreprise relevant de l’économie sociale et solidaire  [23] (ayant pour finalité sociale de créer des emplois adaptés au profil des travailleurs, les entreprises de ce type sont communément dénommées « entreprises à but d’emploi » - EBE). Un comité local, composé de différents acteurs du territoire concerné par la mesure, est chargé d’accompagner son déploiement  [24] ; il joue un rôle actif dans la prise de contact avec les travailleurs sans emploi et dans l’identification des besoins du territoire.

15La loi n° 2016-231 du 29 février 2016, qui porte désormais le projet TZCLD  [25], a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale. Elle vise à « restaurer la primauté de la personne privée d’emploi »  [26] et expérimente une inversion de la logique d’offre et de demande d’emploi : la démarche part des compétences et souhaits des personnes privées durablement d’emploi (PPDE) et implique, en principe, de produire autant d’emplois que nécessaire pour supprimer localement la privation d’emploi  [27]. La loi poursuit un objectif d’expérimentation législative. Sur ce plan également, elle emporte un changement de paradigme puisqu’elle s’écarte de la conception traditionnelle selon laquelle la loi trouve sa souveraineté « à raison de son origine populaire mais également du fait de son contenu, la loi étant nécessairement une règle générale »  [28]. Dans le cas de l’expérimentation, la démarche est particulariste et perd en généralité puisqu’elle prend la forme d’un essai, avant une éventuelle généralisation de la norme  [29]. Cette perspective de potentielle généralisation explique que la loi n° 2016-231 du 29 février 2016 ait prévu un processus d’évaluation à différents niveaux ; à ce jour, cela a donné lieu à la réalisation de différents rapports d’évaluation portant soit sur certaines initiatives locales, soit sur l’expérimentation dans son ensemble  [30].

16Dans le deuxième chapitre de ce Courrier hebdomadaire, nous aurons l’occasion de détailler et d’approcher de manière critique, en les mettant en perspective grâce à l’« agent de contraste », les aspects les plus innovants du projet TZCLD. Toutefois, signalons dès ici que, compte tenu de sa dimension expérimentale, ce projet conserve une portée relativement modeste. Valable pour cinq ans, la loi n° 2016-231 du 29 février 2016, a vocation à ne concerner que, au maximum, dix territoires locaux  [31]. À ce jour, elle a permis d’engager, essentiellement de manière volontaire, près de 2 030 personnes privées durablement d’emploi  [32]. Comme indiqué précédemment, la prolongation et l’extension de l’expérimentation ont tout récemment été décidées par la loi n° 2020-1577 du 14 décembre 2020  [33].

1.2. L’agent de contraste : l’article 60, § 7, de la loi du 8 juillet 1976 organique des CPAS

17La mesure connue sous l’appellation « article 60, § 7 » (dans la suite du présent article, nous parlerons, pour plus de facilité, des « emplois article 60 », des « contrats article 60 » et des « travailleurs en article 60 ») résulte de la présence, dans la loi du 8 juillet 1976 organique des CPAS  [34], d’une disposition stipulant que, « lorsqu’une personne doit justifier d’une période de travail pour obtenir le bénéfice complet de certaines allocations sociales, le centre public d’aide sociale prend toutes dispositions de nature à lui procurer un emploi » et que, « le cas échéant, il fournit cette forme d’aide sociale en agissant lui-même comme employeur pour la période visée ». Lors de la discussion de la loi, à l’époque présentée comme une simple loi de modernisation de l’assistance publique  [35], cette mesure a été éclipsée par un débat beaucoup plus sensible sur la place respective de l’aide sociale publique et des aides privées fournies par les associations et autres institutions privées. Ces dernières défendaient l’association des bénéficiaires à la prise de décision ainsi que « la participation démocratique au niveau local et national et la régionalisation des structures »  [36]. Signalons que, depuis lors, la faculté pour les CPAS d’engager des bénéficiaires est devenue une compétence régionale à la faveur de la sixième réforme de l’État  [37] et que, à ce jour, seule la Région de Bruxelles-Capitale a apporté quelques modifications substantielles au dispositif ainsi transféré  [38].

18À l’origine, la mesure était destinée aux bénéficiaires du minimum de moyens d’existence (« minimex »)  [39]. Actuellement, les CPAS peuvent engager tant les bénéficiaires du revenu d’intégration que ceux de l’aide sociale équivalente : ainsi, certaines catégories d’étrangers, qui n’entrent pas dans le champ d’application de la loi du 26 mai 2002 sur le droit à l’intégration sociale  [40], peuvent également bénéficier de la mesure  [41]. Il n’y a pas d’exigence particulière quant à la durée pendant laquelle le bénéfice de l’intégration sociale ou de l’aide sociale a été accordé. Le texte a été adapté de manière à ce que le CPAS puisse, par dérogation à la loi du 24 juillet 1987  [42], mettre des bénéficiaires à la disposition de tiers. En pratique, le CPAS peut ainsi engager des bénéficiaires pour les mettre à la disposition d’autres institutions publiques (communes, CPAS, associations dépendant d’un CPAS, hôpitaux publics) ou d’organismes du secteur associatif (associations sans but lucratif avec un but social ou culturel)  [43], mais aussi de certaines intercommunales, des sociétés à finalité sociale, des initiatives agréées d’économie sociale ou encore de partenaires privés ayant conclu une convention avec le CPAS  [44].

19L’objectif initial de la mise au travail par le CPAS était de permettre au bénéficiaire de justifier de la période de travail permettant d’accéder au bénéfice complet de certaines allocations sociales. Cet objectif figure toujours dans le dispositif légal et continue d’orienter son fonctionnement puisque la durée de la mise au travail reste, en principe, limitée à ce qui est nécessaire pour accéder aux allocations de chômage  [45]. Fin 1999, la loi a toutefois été complétée de manière à ce que le souci « d’acquérir une expérience professionnelle » figure aussi parmi les objectifs du dispositif  [46] ; la réforme a visé aussi à stimuler l’occupation à temps partiel ou de courte durée comme transition vers une occupation régulière ou à temps plein  [47].

20La loi du 26 mai 2002 relative au droit à l’intégration sociale a modifié les contours de l’action des CPAS  [48], le cœur des interventions de ceux-ci visant dorénavant l’intégration des usagers et non plus la simple « aide sociale ». Même si le libellé de l’article 60 n’a pas été modifié, son statut a évolué, dans le sens amorcé par la réforme de 1999. Il n’est plus l’instrument d’accession à un statut social protecteur, mais une manière de réaliser le « droit à l’intégration sociale », en particulier pour les moins de 25 ans. L’accès au travail est donc valorisé « en tant que tel » et l’obtention du revenu d’intégration n’est, en principe, prévue qu’en cas d’impossibilité d’accéder à l’emploi  [49]. En effet, la loi du 26 mai 2002 institue un « droit à l’intégration sociale par l’emploi », qui peut notamment être mis en œuvre selon les dispositions de l’article 60, § 7, ou de l’article 61 de la loi du 8 juillet 1976  [50].

21La loi du 26 mai 2002 renforce également le projet individualisé d’intégration sociale (PIIS), à l’origine destiné aux usagers de moins de 25 ans seulement  [51]. Il s’agit d’une convention signée entre l’usager et le centre. Le PIIS établit en principe les étapes que l’usager doit suivre afin d’avoir accès à un travail, y compris (mais pas seulement) sous la forme d’un emploi article 60. Il peut aussi venir accompagner la mise au travail elle-même. Lorsque la mise au travail n’est pas possible pour des raisons de santé ou d’équité, le PIIS peut porter sur d’autres modalités de réalisation du droit à l’intégration. Le PIIS est, en principe, obligatoire pour tous les bénéficiaires depuis le 1er novembre 2016  [52]. Certains auteurs dénoncent cette tendance à la contractualisation de l’accès à l’aide sociale, en considérant qu’elle intensifie la contrainte exercée sur les usagers et la conditionnalité posée à l’accès à des droits fondamentaux  [53].

1.3. Renforcer l’effectivité du droit au travail ?

22En Belgique  [54], comme en France  [55], le droit d’obtenir un travail est affirmé de manière solennelle dans la Constitution ou son préambule. Depuis la fin du XVIIIe siècle, l’idée selon laquelle l’accès à un travail est la voie privilégiée pour obtenir des moyens de subsistance est largement défendue – d’où la volonté de consacrer ce droit pour chaque personne  [56]. Compromis entre les visions libérales et les visions interventionnistes qui coexistaient alors, différents instruments internationaux adoptés après la Seconde Guerre mondiale ont consacré le droit au travail et, ce faisant, ont fait naître à charge des États des obligations de deux natures différentes : d’une part, celle de s’abstenir d’interférer dans les choix professionnels des individus (composante « négative » ou de liberté de choix de l’activité professionnelle) et, d’autre part, celle d’offrir aux citoyens des possibilités d’accéder au travail (composante « positive », de créance ou de possibilité)  [57].

23L’affirmation du droit au travail, dans sa composante « positive », ne met pas à charge des pouvoirs publics une obligation de résultat. Comme l’a indiqué le Conseil constitutionnel français, il appartient seulement au législateur « de poser les règles propres à assurer au mieux le droit pour chacun d’obtenir un emploi en vue de permettre l’exercice de ce droit au plus grand nombre d’intéressés »  [58]. Le droit au travail, tel que repris à l’article 1er de la Charte sociale européenne révisée du 3 mai 1996 (CSE), est également interprété comme ne consacrant qu’une obligation de moyen  [59]. Ainsi, il n’est pas attendu des États qu’ils « garantissent immédiatement un emploi à chaque individu », mais seulement « qu’ils mettent en œuvre une politique de l’emploi adaptée, qu’ils établissent des services gratuits de l’emploi et qu’ils créent des programmes de formation et d’orientation professionnelle pour assurer un niveau d’emploi aussi élevé que possible »  [60].

24Le droit au travail reste largement indéterminé  [61], ce qui laisse ouverte la question de son effectivité, entendue comme « le degré de réalisation, dans les pratiques sociales, des règles énoncées par le droit »  [62]. L’indétermination concerne tout particulièrement le volet qualitatif et politique des emplois que le droit au travail invite les pouvoirs publics à permettre ou à mettre eux-mêmes en place en vue de résorber le chômage de longue durée. Sur le plan qualitatif, tant le projet TZCLD que l’article 60, § 7, présentent un intérêt particulier car ils font du travail la porte d’accès à plus qu’une rémunération et des moyens de subsistance. Ils portent la volonté de promouvoir des statuts sociaux considérés au moment de leur adoption comme plus protecteurs. Ainsi en est-il de l’engagement dans un contrat de travail à durée indéterminée (considéré, dans le cadre du projet TZCLD, comme offrant de meilleures perspectives que les mesures temporaires de mise au travail) ou du régime du chômage  [63] (considéré, dans le contexte de l’article 60, § 7, comme plus protecteur que l’aide sociale). De même, ces dispositifs sont envisagés comme pouvant donner accès à des lieux de socialisation, de réalisation et d’expression de soi ou encore de participation collective. Du point de vue politique, ils posent la question de savoir s’il est envisageable que, dans le cadre de la mise en œuvre du droit au travail, soient définies,

25« au terme de délibérations démocratiques, les activités qui ont de la valeur pour la collectivité »  [64]. Le projet TZCLD affirme à cet égard un haut niveau d’ambitions (cf. infra)  [65].

2. Analyse critique des promesses dont la mesure TZCLD est porteuse

26L’initiative TZCLD entend se distinguer des mesures adoptées avant elle dans le but de diminuer le chômage (aides à l’emploi et autres mesures dites de « workfare »  [66]). Il ne s’agit pas d’une réorientation marginale ; les associations initiatrices évoquent volontiers un changement de paradigme. Ce chapitre met en exergue six de ces innovations annoncées, à partir d’une comparaison stratégique (et non exhaustive) avec le dispositif de l’article 60, § 7, de la loi du 8 juillet 1976. Chaque fois, l’analyse des promesses de TZCLD est assortie d’un premier regard critique, fondé sur la réception légale de la mesure et sur les premiers rapports d’évaluation.

2.1. Permettre au travailleur d’entreprendre librement son travail

27L’ambition, portée par le projet TZCLD, de rendre les personnes privées d’emploi pleinement actrices de leur destin professionnel présente deux volets complémentaires : être en mesure de proposer (ou de cocréer) un emploi à une personne si elle se porte volontaire et ne jamais contraindre une personne à travailler.

2.1.1. Le choix de travailler

28Commençons par la mesure de contraste. Le CPAS doit-il fournir un emploi à tous ses usagers, s’ils souhaitent travailler ? La réponse des juges est nuancée  [67]. Le CPAS, agissant ici en sa qualité d’administration en charge de l’aide sociale, est compétent pour déterminer, en fonction des éléments en sa possession, quelle est la meilleure forme d’aide à octroyer au travailleur  [68], au terme d’une enquête sociale  [69]. Il peut donc considérer que cette aide n’est pas adaptée aux besoins d’un usager, que le travail soit exercé dans le cadre d’un contrat article 60 ou non, d’ailleurs. Cependant, un juge saisi par un travailleur insatisfait peut réformer cette décision et forcer le CPAS à fournir un emploi s’il estime, au contraire du CPAS, qu’il s’agit de la forme d’aide pertinente  [70]. Par ailleurs, les juges affirment aussi que le CPAS est titulaire, sur ce point précis, d’une obligation de moyen  [71] si bien qu’ils tiennent compte, dans l’examen d’un éventuel recours, des possibilités réelles (sur le plan financier notamment) d’un CPAS donné d’offrir un emploi à ses usagers. La décision échappe donc largement au travailleur : elle est tributaire de l’évaluation du CPAS et de la demande réelle de travail identifiée par le CPAS, qu’il vise un engagement direct ou une mise à disposition auprès d’un partenaire. Cela dit, lorsque l’emploi est effectivement offert à un usager par le CPAS, il n’est pas forcément aligné sur les compétences et/ou sur les particularités de la situation personnelle de cet usager (cf. infra).

29L’équation se présente très différemment pour le projet TZCLD. Pour les concepteurs de la mesure et certains acteurs impliqués, il s’agit d’atteindre le chiffre « zéro ». Il s’agit d’un premier point d’innovation. Parmi les principes fondateurs de la mesure, figure en effet « l’exhaustivité territoriale », c’est-à-dire l’idée selon laquelle tout travailleur au chômage depuis plus d’un an et domicilié sur le territoire depuis six mois doit se voir offrir un emploi. Cet objectif d’exhaustivité en inclut un autre, complémentaire, de « non-sélectivité ». Pour peu que le travailleur réponde à ces critères, du travail doit pouvoir lui être fourni, sans que ses compétences et aspirations (dont il sera tenu compte : cf. infra, section 2.2), mais aussi le fait qu’il perçoive ou non des allocations sociales ou des allocations de chômage ou les raisons pour lesquelles il aurait perdu un emploi précédent, puissent influer sur son droit à obtenir du travail au travers de l’expérimentation  [72]. L’intention est donc d’offrir un accès non discriminatoire au travail  [73]. Ces deux objectifs peuvent être poursuivis en raison de l’application d’un troisième principe : celui de la création nette d’emplois sur le territoire (cf. infra)  [74]. En effet, c’est bien parce que l’on entend créer des emplois et non pas simplement en trouver (en ce compris sous des formes subsidiées) que l’on peut envisager, en théorie du moins, de répondre à toutes les demandes.

30L’objectif d’exhaustivité, qui aurait pu prendre la forme d’une obligation de résultat, n’est pas repris dans la loi n° 2016-231 du 29 février 2016. L’article 2 de celle-ci précise que des chômeurs « peuvent » être embauchés. Si l’on peut s’étonner du choix du législateur français, il a le mérite d’immuniser les acteurs impliqués de toute poursuite. Les premières évaluations révèlent en effet les longues listes d’attente de travailleurs sur certains micro-territoires de l’expérimentation, qui placent les candidats dans une zone grise juridique pour une durée indéterminée et fait naître en eux une compréhensible frustration au regard des attentes qu’ils ont pu placer dans la mesure  [75]. Il se peut que ce problème se résolve avec le temps mais, dans la négative, il pourrait amener à revoir l’idée selon laquelle il est toujours possible ou suffisant de faire converger les aspirations des travailleurs et les besoins de terrain (cf. infra, section 2.2). Le nombre d’emplois nécessaires variera également en fonction de celui des travailleurs qui réintègrent le marché du travail classique et libèrent ainsi des postes au sein de l’EBE. Cela renvoie à la question de la finalité d’intégration (mesure tremplin ou création d’un nouveau modèle hors marché, ou les deux ?) poursuivie par la mesure (cf. infra, section 2.3.4).

31L’exigence de non-sélectivité est reprise partiellement à l’article 2 de la loi n° 2016-231 du 29 février 2016. Pourtant, les premières évaluations identifient des formes inattendues de sélectivité, liées aux ambiguïtés qui caractérisent la rédaction des conditions de participation au projet  [76] et à la présence des listes d’attente (dont la gestion diffère fortement d’un territoire à l’autre et qui provoque par endroits des formes de concurrence entre travailleurs). Dans plusieurs territoires, des citoyens qui étaient déjà occupés à temps partiel sont parfois recrutés avant d’autres candidats éloignés depuis plus longtemps qu’eux de l’exercice d’une activité professionnelle, alors que ce sont les seconds qui auraient sans doute le plus à bénéficier de la mesure. Plus largement, les travailleurs bénéficiant d’allocations de chômage semblent plus largement impliqués que les bénéficiaires d’autres aides sociales  [77].

2.1.2. Le choix de ne pas travailler

32Complémentaire est la question de savoir si un travailleur peut refuser le fait même de l’engagement par le CPAS, au sein de celui-ci ou en étant mis à disposition d’un tiers (cette question est distincte du refus d’un emploi particulier, qui est abordée dans le point suivant). Nous avons vu que l’usager dépend dans un premier temps d’une décision du CPAS portant sur la forme d’aide la plus appropriée ; une fois de plus, des désaccords peuvent apparaître. Mais les contraintes ne s’arrêtent pas là. La jurisprudence tend à évaluer de manière sévère un éventuel refus de travailler  [78], sur le fondement de l’exigence de « disposition au travail »  [79], qui est l’un des critères d’octroi du droit à l’intégration sociale sous toutes ses formes  [80]. Ainsi, hors les situations où un usager peut se prévaloir de situations d’équité ou de santé justifiant une exemption  [81], il ne peut refuser le principe même de la mise au travail si le CPAS estime qu’il s’agit de la forme d’aide la plus appropriée pour lui et encore moins s’il présente « un profil favorable à la recherche autonome d’un emploi (…) ou s’il existe une pénurie de main-d’œuvre »  [82]. Le refus peut être sanctionné, par la suspension temporaire de l’aide sociale ou du revenu d’intégration.

33Le caractère volontaire de la mesure est ce qui distingue le projet TZCLD de la plupart des mesures dites de workfare développées à travers le monde. C’est une deuxième originalité : le travail doit être librement entrepris  [83]. En effet, jamais un travailleur privé d’emploi remplissant les conditions d’octroi n’est obligé de s’impliquer dans l’initiative locale. Cela présente une cohérence avec la philosophie générale du dispositif : puisque la réussite du projet repose sur une participation active des travailleurs concernés, il serait contre-productif de les forcer à l’intégrer.

34Ce point n’est pas non plus repris tel quel dans la loi n° 2016-231 du 29 février 2016 – seule la participation des collectivités territoriales et des partenaires publics et privés y est désignée comme « volontaire » –, mais il l’est bien dans le décret d’application de la loi, qui mentionne les « demandeurs d’emploi de longue durée volontaires »  [84]. Ce même décret prévoit une collaboration renforcée entre Pôle emploi, dont les agences locales sont notamment chargées du contrôle de la recherche active d’emploi par les bénéficiaires du chômage, et le comité local (cf. infra, section 2.5). Les comités locaux et Pôle emploi sont notamment chargés « des modalités d’accompagnement » des participants  [85]. En pratique, on sait que les agences locales de Pôle emploi sont des partenaires de premier plan. Elles considèrent par exemple que la participation à la mise en place de l’expérimentation, même avant toute conclusion de contrat, constitue un acte de recherche d’emploi au sens légal. Cette mise en place peut prendre du temps. Rien n’empêche de considérer, par contre, que la non-implication du travailleur privé d’emploi dans le projet puisse constituer la preuve d’un manque de disposition au travail  [86]. Le cas semble théorique et sa concrétisation mettrait fondamentalement à mal l’esprit du projet.

2.2. Permettre au travailleur de définir le contenu de son travail

35La mise au travail en article 60 s’inscrit dans une logique assez traditionnelle de réponse à des besoins définis par les employeurs. Lorsque le recours à l’article 60 s’appuie sur un partenariat, avec une organisation publique ou privée à but lucratif ou non lucratif, c’est essentiellement ce partenaire qui définit le contenu du poste. Pour les partenariats avec le privé, le contenu du travail repose encore sur le fonctionnement général du marché des biens et services, qui détermine quelle entreprise survit et quelle autre échoue. Lorsque le CPAS engage dans ses propres services, c’est presque toujours pour répondre à des besoins que sa direction identifie. Dans toutes ces situations, le pouvoir de détermination du contenu du travail reste exclusivement dans les mains de l’employeur (ou de l’utilisateur) tout au long de l’exécution du contrat de travail, conformément à ce que prévoit le droit du travail. L’autorité que le CPAS peut exercer comme employeur s’ajoute à celle, mentionnée plus haut, qu’il exerce sur les usagers en tant qu’administration en charge de l’aide sociale.

36La perspective d’une possibilité pour les usagers d’agir collectivement sur la détermination du contenu du travail est également extrêmement réduite. En raison du caractère temporaire de son contrat et, lorsque c’est le cas, de la nature triangulaire de la mise à disposition, mais aussi de la double casquette du CPAS, l’usager ne peut réellement intégrer aucune communauté de travail. Il se situe également à distance de la concertation sectorielle et, souvent, des préoccupations des syndicats. Cela étant dit, même si de tels liens venaient à être construits, les conséquences resteraient limitées : la négociation collective, quel que soit son niveau, ne porte jamais sur la définition des finalités du travail, cet enjeu crucial étant laissé à la seule compétence des organes de gestion des entreprises.

37Est-ce à dire que le travailleur n’est pas du tout pris en compte dans la détermination du contenu du travail ? Non. En tant qu’administration en charge de la mise en œuvre du droit à l’intégration sociale, y compris dans sa dimension d’intégration par l’emploi, le CPAS doit tenir compte des aptitudes et souhaits de l’usager  [87]. En pratique, cependant, la personnalisation des offres reste limitée. La quantité réduite des postes disponibles sur le marché, en particulier pour des emplois très peu qualifiés, pousse les candidats à accepter ce qui leur est proposé. La jurisprudence se montre sévère d’ailleurs vis-à-vis des usagers qui refusent un « emploi convenable » (même si l’appréciation par les juges de ce qu’est un « emploi convenable » se distingue de celle qui prévaut dans la réglementation du chômage)  [88]. Cette sévérité augmente à mesure que l’usager s’éloigne, par l’écoulement du temps, du marché du travail. S’ajoute à cela l’exigence, posée par certains CPAS, que l’expérience de travail s’avère propice à une intégration future, pérenne, sur le marché du travail  [89]. De plus, note une auteure qui se penche sur la situation spécifique des usagers du CPAS en situation de handicap physique ou de détresse psychique, la question de la disposition au travail ne recouvre pas celle de l’aptitude au travail  [90]. Le contenu des emplois proposés est rarement adapté au public spécifique des CPAS, qui est confronté à « la diversification et le cumul des formes de misères »  [91]. Toutefois, il convient de noter que, même en l’absence de contrainte légale, certains CPAS développent des outils qui permettent au travailleur d’être partie prenante dans le processus de mise à l’emploi : fixation d’objectifs, accompagnement pendant la durée du contrat et fin de contrat, dispositifs d’évaluation, tutorat  [92].

38C’est probablement sur ce point que la mesure TZCLD apporte la plus grande nouveauté. Pas plus qu’elle n’impose le principe de la mise au travail, la mesure TZCLD n’entend établir unilatéralement le contenu du travail. C’est là un autre des principes fondamentaux : « L’emploi est produit en fonction des savoir-faire, des envies, des possibilités des personnes »  [93]. Les comités locaux des territoires impliqués dans l’expérimentation établissent, après une première phase de consultation des travailleurs candidats, un recensement des aspirations et compétences de ceux-ci  [94]. C’est à partir de cette réalité contingente, en prenant en considération le fait que les travailleurs sont titulaires de savoirs et de savoir-faire qui ont une valeur pour le collectif, que les emplois locaux vont être créés  [95]. L’idée entend renverser le paradigme selon lequel ce sont les entreprises, les employeurs, qui déterminent quels emplois doivent être créés, plaçant nécessairement les travailleurs dans une position de passivité puisqu’ils sont recrutés. Encore une fois, cela est rendu possible par le fait que la mesure entend opérer à une création nette d’emploi, et non trouver un emploi existant aux candidats travailleurs.

39La pratique de TZCLD révèle cependant qu’il n’est pas forcément possible de construire au cas par cas, avec les travailleurs, des emplois qui correspondent à leurs aspirations. Cela s’explique parce que les travailleurs ne sont pas toujours à même de se positionner eux-mêmes sur leurs souhaits, ce qui les conduit parfois à accepter tout ce qui leur est proposé. « L’autonomie est libératrice, mais elle a des exigences qui peuvent être angoissantes »  [96]. Les observateurs relèvent également des pratiques d’auto-exclusion chez les publics les moins qualifiés  [97]. Mais c’est aussi la conséquence du fait que la mesure entend, en parallèle, répondre à des besoins locaux (cf. infra). La définition du contenu du travail se fait parfois, en pratique, à l’avantage de la collectivité mais au détriment des souhaits des travailleurs  [98].

40Dans l’expérimentation TZCLD, la volonté de tenir compte de la voix des travailleurs dans la détermination du contenu du travail se traduit également par le rôle dévolu à l’entreprise à but d’emploi (EBE). C’est au sein de celle-ci, bien qu’en concertation et sous le contrôle du comité local, que sont prises les décisions stratégiques d’orientation de l’activité ainsi que les décisions plus opérationnelles. L’EBE, qui fait partie de l’économie sociale et solidaire, n’a pas d’objet social spécifique si ce n’est celui de créer des emplois locaux. Elle peut donc développer des activités de toutes natures. Il existe, en théorie, une convergence entre les intérêts de l’EBE et ceux des travailleurs, puisque la finalité sociale de l’EBE est de créer, avec eux, leur propre emploi. Par ailleurs, la loi prévoit que les travailleurs soient représentés au sein du comité local, au sein duquel des délibérations essentielles sur l’orientation de l’économie du territoire sont menées  [99]. Cela est conforme à ce qui est exprimé dans les principes généraux présentés sur le site Internet de l’expérimentation : « Permettre à chacun d’être acteur de l’animation de l’entreprise à but d’emploi »  [100]. Les travailleurs ont donc une possibilité d’influer sur la détermination des chantiers prioritaires, dans lesquels des emplois vont être créés.

41On peut cependant regretter que, contrairement à ce que la loi n° 2016-231 du 29 février 2016 préconise (sans toutefois l’imposer), peu d’EBE ont adopté des formes sociétaires permettant l’implication active des travailleurs au gouvernement de l’entreprise  [101]. Un écart peut exister entre l’affirmation d’une volonté de gestion participative et sa concrétisation, qui requiert généralement une formalisation juridique (dans la référence à une loi, dans des statuts, etc.). On sait pourtant qu’en droit français, il existe différentes formes de société coopérative axée sur la participation des travailleurs ou des personnes impliquées dans les activités de la société. La participation des travailleurs est ainsi au cœur de la SCOP (« société coopérative de production » ou « société coopérative et participative »), dans laquelle les membres salariés doivent détenir la majorité des parts sociales et le management doit être élu par l’assemblée générale  [102]. Quant à elle, la réunion des différentes parties constituantes (« stakeholders ») est au centre de la SCIC (« société coopérative d’intérêt collectif »), dont le sociétariat associe obligatoirement autour d’un projet des acteurs salariés, des acteurs bénéficiaires (clients, usagers, riverains, fournisseurs, etc.) et des contributeurs (associations, collectivités, sociétés, bénévoles, etc.) pour produire des biens ou des services d’intérêt collectif au profit d’un territoire ou d’une filière d’activités  [103]. La SCIC apparaît particulièrement adaptée à une expérience territoriale telle que le projet TZCLD. Le choix systématique d’une de ces formes juridiques permettrait d’assurer la tenue d’une délibération récurrente sur l’opportunité de poursuivre les projets et sur l’affectation des collaborateurs. Il serait cohérent avec les valeurs de l’économie sociale et solidaire et avec les principes fondamentaux du projet  [104]. L’implication des travailleurs dans le gouvernement de l’entreprise, un enjeu crucial mais éminemment complexe, constitue probablement l’un des impensés du projet  [105].

42De plus, l’EBE assume le rôle de l’employeur de ces nouveaux travailleurs du territoire au regard du droit du travail, ce qui implique la possibilité d’exercer l’autorité, même si le management ne souhaite pas en faire usage. Les observateurs notent d’ailleurs que, en pratique, cette autorité est effectivement exercée, lorsqu’il s’agit d’imposer un projet utile pour le public local en faisant fi des préférences des travailleurs. Ces observateurs relèvent une ambiguïté fondamentale du projet : s’il vise bien à accroître l’autonomie des travailleurs, y compris en les impliquant dans la définition du contenu du travail, il est tout sauf sûr qu’il vise pour autant à se défaire de la figure de l’employeur  [106]. Dans d’autres cas, l’autorité est exercée par des utilisateurs divers auprès desquels les travailleurs sont détachés, ce cas de figure emportant son lot de problèmes d’opportunité et de légalité.

2.3. Assurer au travailleur une stabilité professionnelle

43Les allocations sociales se situent fréquemment en dessous du seuil de pauvreté, fixé à 60 % du revenu médian  [107]. Pour la personne qui bénéficie de l’aide sociale (au sens large) ou des allocations de chômage, l’accès au travail répond donc d’abord à un objectif d’amélioration de ses moyens de subsistance. Toutefois, la démultiplication des contrats de travail de courte, voire très courte, durée et l’instabilité des situations socio-professionnelles, avec de fréquents allers et retours entre l’emploi et l’aide sociale  [108], contribuent à ce qu’un nombre significatif de personnes ayant accédé au travail restent en dessous du seuil de pauvreté  [109]. Le phénomène des travailleurs pauvres rend ainsi compte du fait que le travail n’offre pas nécessairement un niveau de protection suffisant. Face à cette réalité, émerge le besoin non seulement de créer des emplois en nombre suffisant, mais aussi d’assurer un niveau de rémunération et une stabilité professionnelle offrant des perspectives d’avenir. Ce besoin justifie de prêter attention à la durée des contrats de travail ainsi qu’aux rémunérations et aux possibilités de formation qui sont offertes par les dispositifs de remise au travail.

2.3.1. Durée du contrat de travail

44Les dispositifs qui sont au cœur du présent Courrier hebdomadaire ont en commun d’offrir à des citoyens le bénéfice d’un contrat de travail « en bonne et due forme »  [110]. Cela implique que les sommes perçues en contrepartie du travail constituent bien une rémunération et sont traitées comme telles par les administrations sociales et fiscales. Par leurs activités, les travailleurs contribuent ainsi au financement de la sécurité sociale et, pour autant qu’ils remplissent les conditions qui sont attachées à chaque prestation, peuvent bénéficier, à terme, des prestations sociales offertes à tout travailleur salarié. L’intégralité des protections du droit du travail leur est aussi applicable, en ce compris les protections contre le licenciement  [111]. Pour les travailleurs en article 60, il s’agissait à l’origine d’une innovation très importante. On se souviendra, en effet, que le principal dispositif de mise au travail qui préexistait à l’adoption de la loi du 8 juillet 1976 était le régime des chômeurs mis au travail dans lequel les travailleurs conservaient un statut de chômeur  [112].

45Les contrats de travail article 60 peuvent être conclus à durée déterminée (CDD) ou à durée indéterminée (CDI). La loi fixe toutefois plusieurs limites. Lorsque le contrat vise à l’acquisition d’une expérience professionnelle, il est conclu pour une durée déterminée d’un mois au moins et de six mois au plus  [113]. Pour les contrats qui répondent à la finalité de base de l’article 60, qui est d’accéder aux prestations de sécurité sociale, le dispositif ne peut perdurer au-delà de la durée nécessaire pour ouvrir le droit aux allocations de chômage. Cela ne signifie pas que le contrat de travail prend fin automatiquement à cette date  [114]. Mais le dispositif de suivi offert par le CPAS et les subsides corrélatifs accordés par l’autorité régionale s’arrêtent, rendant le plus souvent la poursuite du contrat impossible  [115]. Il en résulte, comme le révèle une étude portant sur le recours à l’article 60 par le CPAS de Schaerbeek, que la durée du contrat, limitée à ce qui est nécessaire pour accéder aux allocations de chômage, ne permet pas toujours de mener à bien « un accompagnement méticuleux, responsable et multidimensionnel » qui permette de donner aux personnes une réelle autonomie  [116]. Du reste, il ne semble pas exceptionnel qu’une personne qui, grâce à un premier article 60, a obtenu le bénéfice des allocations de chômage en soit, à terme, exclue et se trouve à nouveau au CPAS, avec lequel elle a la possibilité de convenir d’un nouvel engagement  [117].

46En ce qui concerne la durée du contrat, le projet TZCLD se distingue clairement de l’article 60. Au rang des principes qui guident l’expérimentation, on trouve la « qualité de l’emploi », qui est définie de la sorte : « Apporter d’emblée une sécurité à ceux qui subissent le plus durement la pénurie d’emploi avec le recours au CDI »  [118]. Le principe est repris explicitement dans la loi  [119]. C’est une caractéristique essentielle du dispositif même si, en réalité, la pérennité des contrats n’est pas entièrement assurée. En effet, ces contrats ne pourront pas subsister en cas de non-reconduction de l’expérimentation  [120] (sauf à gager qu’une EBE parviendrait à s’autofinancer, ce qui semble peu vraisemblable)  [121]. Ils n’en demeurent pas moins assortis des protections les plus étendues, liées au CDI en droit français.

47Tel qu’il est prévu par le projet TZCLD, le recours au CDI contribue à l’émergence d’un sentiment de sécurité économique. Les observateurs s’accordent sur le fait que le CDI ouvre un « horizon lointain mais mobilisateur »  [122], que n’offre pas le CDD. L’enquête de terrain confirme que, « de l’avis des salariés, l’un des aspects cruciaux de l’expérimentation est de leur donner accès au CDI » et que « cette opportunité professionnelle, parfois inédite dans leur parcours, leur permet d’envisager plus sereinement leur avenir professionnel et personnel »  [123]. Grâce au CDI, l’accès à un travail au sein de l’EBE permet d’échapper aux allers et retours entre travail et prestations sociales qui sont constatés à propos d’autres dispositifs ou à la succession d’emplois précaires.

48Cela ne signifie pas que l’engagement d’un travailleur dans l’EBE ne puisse jamais prendre fin. Relevons ainsi que, de manière originale, la loi n° 2016-231 du 29 février 2016 prévoit que le contrat de travail conclu avec l’EBE peut être suspendu, à la demande du salarié, afin de permettre à celui-ci de réaliser un essai dans un autre emploi  [124]. Ce mécanisme permet, sans risque pour le travailleur, de se lancer dans une autre activité salariée. Ce choix est cohérent avec le caractère volontaire de la mesure (cf. supra). Cette faculté de retour au sein de l’EBE en cas d’essai non concluant dans un autre emploi est de nature à sécuriser les évolutions vers le marché du travail classique et à renforcer la fonction d’emploi-tremplin du travail offert dans le cadre du projet TZCLD  [125]. Elle est un « gage de respect de la volonté de la personne tout en lui offrant une sécurité juridique et financière »  [126].

2.3.2. Régime de travail

49Les CPAS offrent généralement un contrat de travail à temps plein, puisque l’intention est de remplir le plus rapidement possible les conditions d’accès au chômage. Il est néanmoins possible, en tout cas depuis 1999, de conclure un contrat de travail à temps partiel, notamment si l’objectif principal est de faire bénéficier le travailleur d’une expérience professionnelle  [127]. Si le salaire du travailleur à temps partiel ne lui permet pas de gagner un montant équivalent au revenu d’intégration sociale (RIS), il peut prétendre à un revenu d’intégration complémentaire  [128]. Le choix du régime de travail n’est pas laissé à la liberté du travailleur, même s’il est, dans la pratique, tenu compte de ses circonstances personnelles  [129].

50L’initiative TZCLD se targuant de promouvoir une plus grande autonomie des travailleurs dans la détermination de leurs conditions de travail, ceux-ci sont libres de s’engager à temps plein ou à temps partiel « choisi »  [130] – cette dernière option étant, pour diverses raisons, retenue par un nombre significatif de travailleurs  [131].

2.3.3. Rémunérations minimales

51Sur la question des rémunérations minimales, les solutions retenues par les deux dispositifs sont comparables et amènent les mêmes réflexions critiques.

52Il apparaît tout d’abord que les usagers et travailleurs ne sont à aucun moment impliqués dans la détermination du niveau de rémunération de leurs prestations. Dans tous les cas, ils toucheront au moins le revenu minimum, légal en France (salaire minimum interprofessionnel de croissance - SMIC)  [132], conventionnel en Belgique (revenu minimum mensuel moyen garanti - RMMMG)  [133], le niveau de ces revenus minima étant très similaire. Dans le projet TZCLD, le SMIC est appliqué uniformément, ce qui a d’ailleurs conduit le Conseil économique, social et environnemental (CESE) français à relever une incompatibilité avec le droit commun de la négociation collective, qui impose le respect des rémunérations négociées dans chaque entreprise et dans chaque secteur  [134]. Évidemment, ce respect est difficile à mettre en œuvre puisque l’EBE ne peut être, a priori, rattachée à aucun secteur unique et puisque les travailleurs sont amenés à offrir des prestations à des donneurs d’ordre très variés. Dans le cadre de l’article 60, l’application d’une certaine diversité de barèmes de rémunération semble devoir être envisagée. Le CPAS doit, en principe, aligner la rémunération sur, soit le « statut pécuniaire » du personnel du CPAS, soit le statut pécuniaire des « agents contractuels subventionnés » (ACS) auprès du CPAS, soit le salaire minimum garanti des agents communaux  [135]. Dans les situations de mise à disposition, il arrive que le travailleur bénéficie de conditions plus favorables, indexées sur celles qui prévalent dans l’entreprise utilisatrice, pour des fonctions équivalentes. La plupart des fonctions occupées ne demandant que peu de qualifications, les barèmes restent malgré tout assez faibles  [136], quoique potentiellement un peu plus élevés que l’équivalent du SMIC français.

53La question de savoir si le niveau des rémunérations permet d’assurer une vie digne et d’éviter la précarité continue donc de se poser avec acuité  [137]. On ne dispose pas d’enquête réalisée auprès des travailleurs occupés dans le cadre de l’article 60. Quant à eux, une partie non négligeable des travailleurs impliqués dans le projet TZCLD déclarent que la rémunération reste insuffisante pour couvrir leurs besoins. Ainsi, l’enquête réalisée auprès des travailleurs des EBE de la Métropole de Lille confirme que si une large majorité des travailleurs reconnaissent que leurs ressources ont augmenté, le sentiment global reste néanmoins qu’ils continuent d’avoir des difficultés à joindre les deux bouts  [138]. Dans la construction d’un sentiment de sécurité économique, l’élément décisif semble se situer plutôt du côté de l’accès à un CDI  [139] que des rémunérations.

2.3.4. Accès à la formation et perspectives de carrière

54Les dispositifs d’accès au travail peuvent également contribuer à ce que le travailleur acquière des savoirs et des savoir-faire nouveaux, qu’il pourra valoriser dans ses projets professionnels. On a vu que, à tout le moins depuis 1999, l’un des usages de l’article 60 vise précisément l’acquisition d’une expérience professionnelle. Si son usage peut être dévoyé vers des formes de périodes d’essai dissimulées  [140], cet usage a initialement été pensé comme un outil de formation. Dans les autres emplois article 60, cet aspect est généralement absent, même si une formation peut être prévue dans le cadre du PIIS, que celui-ci ait été conclu « en vue d’une mise à l’emploi » ou pour encadrer cette mise à l’emploi. Il est à noter qu’une ordonnance bruxelloise du 28 mars 2019 met l’accent sur l’aspect de formation du dispositif de l’article 60, en prévoyant qu’un cinquième du temps de travail annuel lié à l’emploi d’insertion peut y être consacré ; de même, un « plan d’acquisition de compétences » doit être élaboré pour tout engagement en article 60 et une subvention spécifique est octroyée pour les dépenses de formation  [141]. Cette attention particulière pour les besoins de formation paraît d’autant plus utile que, comme nous l’avons relevé, la stabilisation des parcours professionnels se construit difficilement, les allers et retours entre le travail et l’aide sociale restant fréquents.

55L’absence d’une politique de formation à destination des travailleurs est l’une des faiblesses du dispositif TZCLD pointées du doigt par différents acteurs  [142], alors qu’il s’agit de l’un des principes fondateurs de l’initiative  [143], qui fait partie des points sur lesquels la loi n° 2016-231 du 29 février 2016 a spécifiquement prévu une évaluation par un comité scientifique  [144]. Les observateurs « font état d’une insuffisance des actions d’accompagnement et de formation professionnelle à toutes les étapes du parcours professionnel offert aux salariés. À court terme, la prise de poste et l’insertion au sein d’un collectif de travail au sein de l’EBE ne s’en trouvent pas facilitées. À plus long terme, l’absence de telles actions limite la construction de parcours professionnels viables, au sein de l’EBE ou vers l’emploi classique. Certains salariés possèdent des compétences mais celles-ci semblent sous-utilisées. (…) Peu de formations existent, que ce soit en interne ou ailleurs, pour permettre la montée en compétence des salariés »  [145]. Apparemment, aucun budget n’a été dégagé pour la formation des salariés de l’EBE, que ce soit en vue de les aider dans leurs activités pour cette dernière ou pour préparer un éventuel « après EBE ».

56Compte tenu de l’absence d’attention portée aux besoins de formation, qui restent des impensés de la mesure, la fonction d’emploi-tremplin du projet TZCLD n’est, en d’autres termes, pas assumée de manière claire. Cela renvoie à l’ambiguïté plus fondamentale encore de la mesure, qui paraît hésiter entre un objectif de création d’emplois pérennes au service de l’économie locale (cf. infra, section 2.5) et l’accès à terme au marché du travail classique présenté comme un horizon plus enviable, ou encore entre la fonction de « soutien aux personnes les plus fragiles » (pas forcément aptes à une intégration professionnelle classique ou immédiate) et la fonction de « tremplin vers l’emploi classique »  [146].

2.4. Une opération neutre pour les finances publiques

57Traditionnellement, on considère que le travailleur a le droit d’accéder au travail mais également le devoir de travailler. Il a vocation à participer, s’il en est capable, au fonctionnement de l’économie productive et à ne pas faire peser le coût de sa précarité sur la collectivité. Lorsque les postes rendus disponibles par le marché du travail viennent à manquer  [147], l’État est amené à financer soit l’accès au travail, soit l’accès à des allocations. Les mesures politiques visant à créer des opportunités de travail pour les citoyens génèrent des coûts, notamment salariaux, qui sont dans une très large mesure à charge des pouvoirs publics. La hauteur et la pertinence de ces dépenses sont discutées dans le débat public. Émergent ainsi un impératif de justification des coûts mis à charge de la collectivité  [148] et l’apparent besoin d’une analyse « coût/bénéfice » des mesures d’accès au travail dont la rentabilité devrait – mais nous verrons que le projet TZCLD propose une autre approche – être appréciée au regard du coût pour la collectivité de l’accès à la sécurité sociale.

2.4.1. Les dépenses publiques de mise au travail considérées comme un surcoût devant être maîtrisé

58La mise au travail en article 60 coûte, à première vue, plus cher que les allocations sociales. Le CPAS doit supporter le coût de la rémunération et des cotisations de sécurité sociale (même si une exonération des cotisations patronales peut être obtenue  [149], sous certaines conditions  [150]). En pratique, l’emploi en article 60 représente, d’après certaines estimations, un coût de l’ordre du double du montant le plus élevé du revenu d’intégration  [151]. Le surcoût apparaît manifeste même si, grâce aux subventions régionales, il n’est que partiellement supporté par les CPAS  [152]. Par ailleurs, la perspective que l’activité puisse partiellement s’autofinancer semble relativement étrangère à la mise en place des emplois article 60. Elle n’émerge qu’en cas de mise à la disposition d’une personne physique ou morale de droit privé dont l’activité poursuit un but de lucre puisque, dans ce cas, la subvention accordée au CPAS n’est maintenue que pour autant que l’utilisateur s’engage à rembourser mensuellement au CPAS la différence entre la subvention et le coût salarial  [153]. L’identification d’un surcoût et l’absence de véritable possibilité d’autofinancement conduisent à envisager d’autres moyens de limiter les dépenses.

59À cet égard, tout comme le choix de barèmes salariaux réduits, la limitation du contrat article 60 à la période nécessaire pour accéder aux allocations de chômage traduit la volonté de contenir les dépenses dans les limites de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif initial de la mesure, qui est d’assurer l’accès à la sécurité sociale contributive, considérée comme plus protectrice que l’aide sociale. Toutefois, la limitation dans le temps de l’article 60 rend plus incertaine la réalisation d’un objectif supplémentaire portant sur l’accès durable au marché du travail ; en effet, il a été souligné que l’accès à une réelle autonomie suppose un accompagnement de qualité qui, souvent, nécessite un temps plus long que ce qui est requis pour accéder aux allocations de chômage  [154].

60Le risque est donc réel que, afin de ne pas apparaître comme une dépense publique excessive, la mesure doive, pour malgré tout donner l’impression de faciliter l’accès au marché du travail, peser sur le caractère librement entrepris du travail, en imposant certains emplois plutôt que ceux que les demandeurs d’emploi affectionnent ou en rappelant l’obligation d’accepter tout emploi convenable, même si le contenu de l’emploi reste largement défini par le CPAS ou par ses partenaires (cf. supra, section 2.2). En pratique, le CPAS peut aisément faire valoir ces exigences puisqu’il opère à la fois comme employeur et comme évaluateur de la disposition au travail de l’usager – qui, avant d’être travailleur, est bénéficiaire d’une aide sociale ou du droit à l’intégration sociale. Puisqu’il est le bénéficiaire net d’aides publiques, l’usager doit davantage se plier aux exigences de ses donneurs d’ordre – fussent-ils dénués de but de lucre. Il se voit offrir un emploi qui ne correspond pas nécessairement à ses souhaits ou affinités, là où la liberté de choix serait de nature à renforcer l’adhésion individuelle et à accroître les chances de succès de la mesure d’accès au travail. Enfin, il semble que, lorsque la création d’emplois est essentiellement perçue comme une dépense, elle emporte un risque accru de « stigma ». En effet, les emplois article 60 sont parfois considérés comme des emplois « occupationnels », non productifs (sinon ils existeraient par ailleurs, sur le marché), voire comme une dépense sans contrepartie (un « coût pur »). Une enquête de terrain a pu mettre en lumière que ces emplois sont « une étiquette pas toujours évidente à porter » : ils n’échappent pas à la stigmatisation typique des emplois subsidiés, générant pour les travailleurs en article 60 un risque de discrimination au travail  [155].

2.4.2. La mise au travail envisagée comme une mesure sans surcoût significatif

61En documentant le constat que « la privation d’emploi coûte plus cher que la production d’emplois »  [156], le projet TZCLD aborde la question du coût de la mise au travail sous un angle résolument différent que ce qui vient d’être énoncé. L’objectif étant de « rediriger les budgets publics issus des coûts de la privation d’emploi pour financer les emplois manquants »  [157], les promoteurs du projet n’envisagent plus le coût de la mise au travail dans le cadre d’une comparaison avec les seules dépenses de protection sociale qui seront évitées, mais plus globalement avec l’ensemble des coûts estimés du non-emploi. La démarche consiste alors à prendre en considération toutes les dépenses directes et indirectes générées pour les pouvoirs publics par une situation de non-emploi, en ce compris les pertes de recettes sociales et fiscales. Cela permet de hausser sensiblement les termes de la comparaison. Faisant sienne cette approche, la loi n° 2016-231 du 29 février 2016 suggère que l’expérimentation n’aura pas de surcoût significatif dès lors qu’elle est financée par la réaffectation des coûts directs (allocations sociales, accompagnement, formation, contrôle) et indirects (dépenses induites par les conséquences sociales du chômage en matière de logement, de santé, de sécurité, de protection de l’enfance, etc.) et des manques à gagner (en impôts et en cotisations sociales) dus à la privation durable d’emploi  [158].

62En France, les promoteurs de l’expérimentation avaient, dans un premier temps, estimé le coût d’une personne sans emploi à un peu plus de 15 000 euros par an  [159]. Cette estimation a été revue à la hausse lors d’une seconde étude réalisée en 2017  [160]. Elle reste relativement basse. En effet, plusieurs études similaires font état de coûts sensiblement supérieurs. Une étude comparative réalisée au début des années 2010 suggérait que « le coût moyen du chômage va de 18 008 et 19 991 euros au Royaume-Uni et en Espagne respectivement à 33 443 euros en Belgique. L’Allemagne, la France et la Suède se situent dans cette fourchette, avec un coût moyen allant de 25 550 euros en Allemagne à 28 737 euros en France »  [161]. Pour approcher la réalité au plus près, cette étude considérait qu’une estimation fiable du coût annuel moyen pour les pouvoirs publics d’une personne en situation de non-emploi suppose de prendre en compte non seulement les dépenses directes (les prestations sociales), mais aussi les frais d’accompagnement des personnes sans emploi, les dépenses de santé supplémentaires ainsi que les pertes de cotisations sociales, de fiscalité directe et de recettes TVA. Une étude récente actualise l’évaluation et estime qu’un « individu bruxellois se trouvant dans une situation de non-emploi engendre en moyenne un coût annuel de 39 408 euros pour les pouvoirs publics »  [162]. De manière particulièrement éclairante pour notre sujet, cette étude chiffre également ce que coûterait la remise à l’emploi d’un individu bruxellois en situation de non-emploi dans le cadre d’une expérimentation de type TZCLD. Elle conclut que le coût net pour les pouvoirs publics varierait « en moyenne entre 36 263 euros et 37 895 euros par an »  [163], soit un montant inférieur au coût du non-emploi. La rentabilité des mesures de mise au travail serait ainsi démontrée par les chiffres.

63Le débat paraît néanmoins loin d’être clos. En effet, le comité scientifique chargé d’évaluer l’expérimentation TZCLD a estimé le gain socio-fiscal net pour la collectivité sur la base de données réelles, c’est-à-dire sur la base des revenus et de la situation sociale que les personnes effectivement concernées par l’expérimentation présentaient avant leur engagement par une EBE ; or il a conclu à un rendement plus faible qu’attendu  [164]. La différence s’explique notamment par le fait que l’hypothèse théorique que tous les salariés embauchés par l’EBE étaient auparavant des demandeurs d’emploi de longue durée ayant un revenu de remplacement situé au niveau du seuil de pauvreté ne correspond que partiellement à la réalité. D’après les données individuelles, les prestations sociales perçues avant le recrutement étaient souvent inférieures à ce niveau de dépenses. Il apparaît aussi que 40 % des bénéficiaires n’étaient pas totalement privés d’emploi au cours de la période précédant l’entrée dans l’EBE, de sorte que, en ce qui concerne les cotisations salariales et patronales, le gain de l’engagement au sein d’une EBE est inférieur à ce qui était anticipé  [165]. L’enseignement de l’analyse sur la base de données réelles est indéniablement qu’il convient d’être attentif au paramétrage des catégories de bénéficiaires et, dans les embauches, de respecter ce paramétrage.

64Les rapports d’évaluation de la mesure TZCLD soulignent également que le coût des embauches a été sous-estimé sur deux plans. Les mises à l’emploi représentent un coût direct supérieur à celui qui avait été envisagé (soit un coût moyen de l’ordre de 26 000 euros par an, au lieu des 18 000 euros estimés à l’origine  [166]). Il est souligné par ailleurs que « l’équation magique de l’activation des dépenses passives » a conduit à se focaliser sur l’emploi et à ne pas envisager le financement de certains coûts sans lesquels l’EBE ne peut pas fonctionner et le travail ne peut pas y être organisé de manière satisfaisante. Ainsi, les besoins en locaux, les investissements en matériel, la nécessité de disposer d’un management intermédiaire et le coût des formations sans lesquelles les bénéficiaires ne peuvent s’inscrire dans des parcours professionnels qualifiants ont généralement été négligés  [167].

65Dans l’argumentaire déployé en faveur du financement public du projet TZCLD, la possibilité d’obtenir une part d’autofinancement est aussi mise en avant. L’un des objectifs de l’expérimentation est en effet d’assurer « la viabilité économique sur le long terme des entreprises conventionnées »  [168]. Toutefois, le résultat économique des activités des EBE reste relativement modeste. Le rapport d’évaluation de l’expérimentation relève qu’en 2018, le chiffre d’affaires ne représentait que 13 % du total des produits des EBE, tout en signalant qu’il est en progression de 3 points de pourcentage par rapport à 2017 et que cette moyenne cache de fortes disparités entre les EBE (6 % pour l’EBE la moins rentable, contre 38 % pour l’EBE la plus rentable)  [169]. Selon le rapport, le manque de performances économiques des EBE résulte d’une multiplicité de facteurs, tels que des objectifs économiques peu clairs et contradictoires, des indicateurs de pilotage insuffisants et des contraintes trop fortes pesant sur le recrutement et le déploiement des activités. À cet égard, il pointe « le niveau de compétences des salariés et leur capacité de production, le respect des principes de non-concurrence, la nécessité de proposer des activités à impact social positif, la volonté de permettre aux salariés de développer des projets qui leur tiennent à cœur, la nécessité d’entretenir une certaine cohésion de groupe au sein du collectif de travail des EBE »  [170]. Dans ce contexte, conclut le rapport, « plus que la rentabilité, c’est le développement de la production qui est visée dans les activités développées » ; en d’autres termes, l’objectif premier est de développer une activité, le souci de rentabilité étant secondarisé.

2.4.3. S’émanciper du besoin de justification ?

66Ainsi donc, s’il est démontré que tel travail ne peut exister que tant qu’il est subsidié ou, pire, que son coût dépasse celui d’une allocation sociale, il s’agit de trouver une justification à ces dépenses collectives. Il en résulte des restrictions posées à la liberté du travailleur (de travailler et de choisir son travail) pour privilégier les besoins du marché du travail – le travailleur est mis au service d’un opérateur dont la productivité est assurée ou au service de la société au sens large – mais sans que ni le travailleur ni les citoyens n’aient nécessairement été impliqués dans la définition des besoins collectifs. La nécessité de « rationnaliser » les dépenses peut aussi justifier le recours à des formes de travail plus précaires, moins coûteuses. Ces traits sont caractéristiques de la mesure article 60 (cf. supra), même si dans cette mesure une hausse des coûts trouve comme justification particulière le fait que les usagers échapperont, à court ou moyen terme, à la compétence du CPAS, pour qui les coûts seront alors réduits à zéro.

67La philosophie du projet TZCLD (activation des dépenses couplée à des objectifs de rentabilité, à terme, des EBE) permet de s’émanciper partiellement de cette nécessité de justification, puisqu’il s’agit ici de faire différemment, « à coûts constants » par rapport au non-emploi. Ce changement dans le langage permet aux porteurs du projet TZCLD de justifier les grandes nouveautés de la mesure, décrites ci-dessus : le caractère volontaire de la participation des travailleurs et la définition en commun du contenu du travail. Dans la pratique toutefois, les exigences de rentabilité agissent à leur tour comme des contraintes dans la sélection du travail à accomplir – au détriment des aspirations des travailleurs, mais parfois aussi d’activités à haute valeur sociale mais à valeur marchande faible.

68C’est que, prise isolément, même la philosophie d’« activation des dépenses » proclamée par le projet TZCLD reste en défaut de fournir les instruments d’évaluation de ce que serait la création de valeur sociale par le travail. Celle-ci, comme l’ont montré depuis longtemps les penseuses féministes, n’est pas reflétée au travers des métriques dominantes  [171]. Ainsi, dans le cas du projet TZCLD, « ne prendre en compte que le coût de l’expérimentation en insistant lourdement sur le fait que cela coûterait cher à la collectivité relève d’une pensée unidimensionnelle, étroite, niant l’effet multiplicateur de la dépense, mais aussi la valeur sociale de ce projet »  [172]. Il n’est d’ailleurs sans doute pas anodin que la loi n° 2016-231 du 29 février 2016 prévoie que le projet doive être évalué, non pas seulement sur le fondement de critères classiques de rentabilité, mais aussi sur celui de « nouveaux indicateurs de richesses »  [173]. Une ambiguïté demeure autour du caractère productif du projet, ce qui se répercute dans le positionnement du projet, ambigu lui aussi, par rapport aux « marchés » – entre dépendance et émancipation. Ce sera l’objet du point suivant. Pourtant, le projet TZCLD est porteur de mécanismes ambitieux permettant de procéder autrement à l’évaluation de la valeur et des coûts du travail, de manière plus contextualisée – par l’implication des acteurs locaux dans des délibérations.

2.5. Le développement d’une économie alignée sur les besoins locaux

69Dans sa volonté de justifier la dépense publique, la loi n° 2016-231 du 29 février 2016 énonce que les activités de l’expérimentation TZCLD ne peuvent faire d’ombre au tissu économique local  [174]. Ce postulat renvoie à la question fort vaste de la définition des besoins, à la fois locaux et non concurrents, que ces activités peuvent rencontrer.

2.5.1. Besoins locaux, principe de non-concurrence et activités hors marchés

70Répondre à des besoins locaux n’a jamais été l’objectif affiché par l’article 60, même si la mesure est déployée localement et peut de facto servir de tels besoins. Le CPAS, en tant que subdivision de l’autorité communale avec laquelle il fait plus ou moins corps  [175], participe à la satisfaction de l’intérêt communal. L’intérêt communal dont il est question à l’article 162, alinéa 2, de la Constitution  [176] est une notion particulièrement vague puisqu’elle n’est pas définie. Il apparaît ainsi que, en « attribuant de principe la plénitude de compétence aux autorités locales sur tout ce qui est d’intérêt communal, le Constituant élabore un canevas particulièrement souple qui permet, d’une part, aux autorités municipales de gérer les problèmes au fur et à mesure qu’ils surviennent dans la vie quotidienne de leur communauté locale et, d’autre part, au législateur de conserver la liberté de s’approprier certaines matières pour en faire des objets d’intérêt régional »  [177]. La notion d’intérêt communal ne s’identifie donc pas strictement à ce qui est local et hors marché. Il est très fréquent, par exemple, que des travailleurs en article 60 soient occupés au sein de crèches ou de maisons de repos dépendant du CPAS. De telles activités procèdent d’une conception large des besoins locaux et entrent potentiellement en concurrence avec des entreprises privées, même si les CPAS assument généralement des charges, et notamment une tarification « sociale » des services, qui les situent pour partie au moins en dehors du marché des biens et services. Les CPAS vont fréquemment à la rencontre de la demande « non solvable » des personnes dont le niveau de revenus ne leur permet pas d’accéder (aisément) aux services de même nature offerts par le marché.

71Par le biais des possibilités de mises à disposition autorisées par la loi, les emplois article 60 sont susceptibles de satisfaire une panoplie encore plus large de besoins, puisque les intérêts des différents partenaires extérieurs peuvent être très diversifiés. Parmi ces partenaires, certaines organisations, telles que les intercommunales, les hôpitaux publics ou les entreprises privées, exercent des activités qui ne sont pas d’intérêt strictement local et sont susceptibles de concurrencer des structures privées, même si, s’agissant des intercommunales et des hôpitaux publics, leur appartenance au secteur public leur impose généralement des charges (notamment en termes de non-sélectivité des bénéficiaires et de tarification des services) qui les distinguent des entreprises marchandes. D’autres partenaires, comme les initiatives de développement de l’emploi dans le secteur des services de proximité à finalité sociale (IDESS) en Région wallonne  [178] et les entreprises sociales en Région bruxelloise  [179], poursuivent, en tant qu’acteurs de l’économie sociale, des finalités sociales centrées sur des besoins locaux. Par exemple, les IDESS offrent des services de proximité tels que des petits travaux dans la maison, l’entretien des cours et jardins et des services destinés à un public précarisé (taxi social, buanderie sociale, magasin social, etc.). Une subvention majorée est accordée au CPAS lorsqu’un travailleur en article 60 est mis à la disposition d’une de ces entreprises  [180]. Cet incitant pousse certains CPAS à eux-mêmes créer en leur sein une entreprise d’économie sociale. La préoccupation que les entreprises d’économie sociale ne fassent pas concurrence aux acteurs économiques locaux n’est rencontrée qu’indirectement, par le biais d’un agrément qui n’est accordé par l’autorité régionale que pour un nombre restreint d’activités. Les besoins que les travailleurs en article 60 mis à la disposition des entreprises d’économie sociale sont susceptibles de satisfaire ne sont donc pas définis localement mais de manière centralisée par les autorités en charge de l’agrément de ces entreprises. Cette définition semble échapper autant aux acteurs locaux qu’aux travailleurs eux-mêmes, la discussion sur les besoins à rencontrer, et donc sur le contenu et la valeur du travail, étant largement absente à leur niveau.

72Dans le cadre du projet TZCLD, l’objectif affirmé est plus clairement de satisfaire les besoins locaux dont la prise en charge n’est assurée ni par le marché local des biens et services ni par les administrations. Parmi les principes fondamentaux figure « la création nette d’emploi : les EBE doivent s’attacher à proposer des emplois supplémentaires sur le territoire et en articulation avec le tissu économique local »  [181]. La loi n° 2016-231 du 29 février 2016 précise en ce sens que les demandeurs d’emploi sont embauchés « pour exercer des activités économiques pérennes et non concurrentes de celles déjà présentes sur le territoire »  [182]. Cette idée repose sur deux motifs au moins. D’une part, il faut éviter que l’expérimentation débouche sur une situation qui verrait la concurrence entre opérateurs économiques être faussée par l’aide financière accordée par les pouvoirs publics  [183]. D’autre part, le principe de non-concurrence vise « à garantir l’absence d’effet d’aubaine pour les emplois créés dans le cadre de l’expérimentation »  [184] : il s’agit de s’assurer que les emplois n’auraient pas été créés en l’absence de l’expérimentation et que celle-ci ne contribue pas à des glissements de l’emploi classique (potentiellement mieux rémunéré) – que celui-ci soit privé ou public – vers des emplois subsidiés. Ainsi, la mesure agit aussi positivement sur le taux d’emploi (création nette) et réduit un peu la concurrence entre les travailleurs (ces deux points se répercutant sur l’étendue de la liberté du travailleur : cf. supra, section 2.1).

73Toutefois, cette préoccupation n’est pas sans poser un certain nombre de questions pratiques. Comment s’assurer de ne pas faire concurrence aux entreprises locales s’il faut par ailleurs dégager un certain surplus pour garantir une part d’autofinancement des EBE (cf. supra, section 2.4) ? De même, peut-on vraiment parler de concurrence si c’est un autre public (non solvable) qui est visé par les retombées de l’activité ? En l’absence de cadre conceptuel précis, ces questions ne peuvent trouver réponse que dans la gouvernance des besoins locaux et la délibération portant sur la définition au cas par cas de ces besoins. Précisément, c’est encore là un point sur lequel l’initiative entend innover : puisque les emplois sont créés en dehors du marché local des biens et services et de ses exigences, ce n’est plus ce dernier (et les acteurs qui y posent des choix économiques) qui détermine quels sont les besoins et la valeur du travail, mais ce sont les citoyens eux-mêmes.

2.5.2. Gouvernance et délibération des besoins locaux

74Le projet TZCLD n’est pas piloté par une autorité administrative locale déjà existante, mais par un comité local ad hoc dont la création, la composition et les missions sont exclusivement liées à l’expérimentation. Les collectivités participant à l’expérimentation sont chargées de mettre en place un comité local dont la tâche principale est de piloter l’expérimentation et de déterminer les modalités d’accompagnement des personnes engagées dans le cadre du projet, en lien avec les acteurs du service public de l’emploi  [185]. Chaque comité local est composé, au minimum, de représentants des collectivités territoriales participantes, du « directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi », ainsi que de représentants de Pôle emploi et des EBE. Sans autre précision, le décret d’application précise que le comité local doit également comprendre en son sein « des demandeurs d’emploi de longue durée embauchés par des entreprises du territoire conventionnées par le fonds »  [186].

75Les missions du comité local sont particulièrement vastes  [187]. Il est chargé de piloter localement l’expérimentation à ses différents stades. Il est ainsi amené à analyser la situation socio-économique du territoire, à recenser les besoins non satisfaits du territoire, à élaborer le programme d’actions destiné à promouvoir la création d’une ou plusieurs EBE, à informer les demandeurs d’emploi susceptibles de participer au projet, à les accompagner et à identifier leurs besoins de formation, à fournir les données nécessaires à l’évaluation, etc. Le comité local dispose d’une large autonomie, même si ses modalités de fonctionnement  [188] et le plan d’action ayant pour objet de promouvoir la création d’EBE ou le conventionnement d’entreprises existantes doivent être approuvés par le Fonds d’expérimentation  [189]. De même, l’accompagnement des demandeurs d’emploi doit se faire en collaboration avec l’administration de l’emploi (Pôle emploi).

76Le rapport du comité scientifique souligne l’importance des dynamiques associatives ou locales préexistantes et relève que « les territoires choisis lors de la première vague d’expérimentation se caractérisent tous globalement – bien que dans des proportions variables – par l’existence préalable d’un milieu associatif important et dynamique, d’un secteur de l’insertion et de l’[économie sociale et solidaire] développé, et d’un militantisme politique et syndical qui sont autant de points d’appui sollicités dans le cadre du déploiement de l’expérimentation pour mobiliser les populations résidentes »  [190]. Compte tenu de l’importance des dynamiques locales et du souci d’adapter un cadre juridique expérimental et incomplet aux spécifications du territoire, on observe ainsi l’émergence de « politiques territoriales »  [191], initiées, accompagnées, évaluées par les acteurs de terrain dont il est considéré qu’ils sont les plus à même d’assurer la mise en œuvre effective du dispositif, à distinguer de l’application territorialisée de politiques définies de manière centralisée (comme c’est le cas des emplois article 60).

77Le principe de non-concurrence limite la performance économique des EBE tout en ouvrant un espace pour des discussions notamment au sein des Comités locaux de l’emploi (CLE), où les employeurs locaux sont représentés. En théorie, ces comités pourraient poser les premiers jalons d’une économie locale « hors marché », mettant la force de travail disponible sur le territoire au service de « ce qui est utile », de « bénéfices obtenus aux plans humain, sociétal et économique »  [192] – la redécouverte d’une forme de service public ou de « commun social »  [193] ?

78En pratique, le projet TZCLD ne s’émancipe que partiellement des impératifs de marché. Il semble que les comités locaux n’entendent pas définir les besoins du territoire de manière abstraite, mais bien dans le cadre d’arbitrages entre le souci de rentabilité des EBE, les aspirations individuelles des travailleurs, la demande non solvable existant localement et les possibilités de collaboration avec le tissu économique déjà en place. Ainsi, le principe de non-concurrence est, en quelque sorte, procéduralisé de manière à permettre une adaptation aux réalités et spécificités de terrain. Comme le relève le rapport du comité scientifique, « les acteurs locaux ont intégré qu’il était nécessaire de développer pour partie des activités rentables de façon à assurer le fonctionnement et le développement des EBE », de sorte que, en pratique, le choix des activités est « l’objet de compromis qui ont pu conduire les EBE à s’inscrire sur les segments non solvables d’une activité assurée par une entreprise locale, sous sa supervision, voire en sous-traitance, ou à développer des activités de services aux populations résidentes sur commande des collectivités territoriales »  [194]. Ces compromis permettent une coopération avec les entreprises locales plutôt qu’un cloisonnement entre, d’une part, une sphère marchande et supposée rentable et, d’autre part, les activités non rentables des EBE qui ciblent prioritairement la catégorie des « besoins non satisfaits »  [195]. Ce désenclavement des EBE semble intéressant, non seulement sur le plan économique mais aussi pour réduire le risque de stigmatisation pouvant toujours peser sur les travailleurs occupés dans les programmes identifiés comme des programmes spécifiques de mise à l’emploi (cf. supra).

2.6. Une méthode juridique expérimentale

79Le dispositif de l’article 60 est né d’une procédure législative très classique et, même s’il a été, à partir de la fin des années 1990, inséré dans une philosophie nouvelle de l’intégration sociale par l’insertion professionnelle, il n’a lui-même que peu évolué. Son champ d’application s’étend sur l’ensemble du territoire mais l’usager du CPAS actionne son droit au niveau local, à travers l’intervention d’une administration spécialisée. Tout le dispositif est construit autour de lui en tant qu’individu, et les travailleurs sociaux, avec qui l’usager construit idéalement des liens de confiance, sont chargés d’effectuer un suivi tout au long de la mise à l’emploi en article 60. Si la mesure est couronnée de succès, l’usager quitte le giron du CPAS dès l’issue de son contrat. Le conseil de l’action sociale, organe décisionnel composé de représentants communaux élus (de façon directe ou indirecte), délibère sur l’opportunité des mesures proposées par les travailleurs sociaux, en ce compris les emplois article 60. Dans ce dernier cas toutefois, il ne se préoccupe pas de l’intérêt collectif mais plutôt de l’adéquation de la mesure avec les besoins de l’usager, dans le respect des cadres légaux.

80Quant à elle, la loi n° 2016-231 du 29 février 2016 poursuit un objectif d’expérimentation législative, qui emporte avec lui un autre renversement de paradigme. Cette forme d’expérimentation peut être définie comme la « technique légistique qui vise à étudier les effets d’une réforme ou d’une loi sur un échantillon de personnes et dans un temps limité »  [196]. Une telle démarche s’écarte de la conception traditionnelle de la loi, qui trouve sa souveraineté « à raison de son origine populaire mais également du fait de son contenu, la loi étant nécessairement une règle générale »  [197]. Dans le cas de l’expérimentation, la démarche est particulariste et perd en généralité, puisqu’elle prend la forme d’un essai, avant généralisation éventuelle de la norme  [198].

81Cette technique peut être considérée comme la traduction, dans la sphère du droit, des propositions formulées par les tenants de l’« expérimentalisme démocratique », héritiers du pragmatisme états-unien du début du XXe siècle  [199]. Ces auteurs partent de l’idée que, face à une situation problématique nouvelle, par exemple l’indisponibilité de l’emploi et la pauvreté croissante, les acteurs sont forcés de remettre en question les normes et habitudes acquises mais devenues obsolètes. Dans le cas du projet TZCLD, les normes mises en question sont nombreuses : primauté et efficacité du marché de l’emploi, subordination dans le travail, caractère non productif du travail subsidié, etc. Ce constat pragmatique est pratique et politique : il réaffirme le caractère « man-made » (et donc perfectible et révisable) des institutions et le fait que seuls les acteurs en prise avec un problème sont à même de développer des réponses efficaces. Ils le font au travers d’une délibération renouvelée sur la définition des problèmes et des solutions. Cette attitude permanente de mise en question des normes (supposant l’évaluation de celles-ci) et de révision par essai-erreur tranche évidemment avec la configuration bien ancrée dans les organisations (publiques et privées) d’un exercice top-down et très centralisé du pouvoir. Elle constitue, pour ces auteurs, une composante indispensable de la démocratie.

82En France, les lois d’expérimentation bénéficient d’un support dans la Constitution avec, d’une part, l’article 37-1, qui précise que « la loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental »  [200] et, d’autre part, l’article 72, alinéa 4, qui permet au législateur d’autoriser, sous certaines conditions, les collectivités territoriales à déroger aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice habituel de leurs compétences  [201]. Dans le cadre du processus d’expérimentation du projet TZCLD, la loi n° 2016-231 du 29 février 2016 prévoit que la mesure doit être évaluée dans la perspective, notamment, de sa prolongation éventuelle  [202]. À cet égard, le rôle du comité local est crucial, tout comme l’identification en amont des finalités à l’aune desquelles l’initiative est évaluée  [203].

83La logique d’expérimentation, ainsi saisie par le droit, n’est pas sans poser des questions importantes. La première concerne le respect du principe d’égalité. La sélection des territoires et corrélativement des personnes pouvant participer à l’expérience ne heurte-t-elle pas nécessairement le principe d’égalité (territoriale) ? La jurisprudence semble admettre que même si elle ne concerne qu’un nombre limité de bénéficiaires sélectionnés, une loi d’expérimentation est compatible avec le principe d’égalité pour autant que l’expérience soit temporaire, qu’un terme soit fixé dans l’instrument législatif qui la met en place, qu’une évaluation des effets de l’expérience soit organisée dans cet instrument législatif et que l’extension ou la généralisation du dispositif au terme de l’expérimentation ne soit pas automatique et soit subordonnée à l’adoption d’un texte législatif ultérieur  [204]. Ces conditions, qui reposent sur le caractère exceptionnel des lois d’expérimentation, permettent de sauvegarder la logique expérimentale que pourrait menacer une approche trop formaliste du principe d’égalité. Au besoin, on relèvera que ces conditions présentent une certaine analogie avec les conditions qui, notamment en droit de l’Union européenne, permettent de valider les actions et les discriminations positives  [205]. En effet, il ne paraîtrait pas injustifié de considérer qu’une expérimentation territoriale destinée à lutter contre le chômage de longue durée massivement présent sur un territoire puisse être qualifiée d’action positive.

84On voit que la rupture d’égalité se justifie notamment par le caractère temporaire des dispositifs. Au terme d’un délai fixé, l’expérimentation a vocation à être abandonnée ou, au contraire, à être étendue à tous les territoires et à tous les citoyens. Or, et cela est au fondement de la logique pragmatiste sur lequel repose l’expérimentation, les solutions à des problèmes concrets sont adaptées aux contextes ; pour cette raison, elles sont donc difficilement généralisables. Est-ce à dire qu’il faudrait renoncer à encadrer juridiquement l’expérimentation ? Nous ne le pensons pas. Le cadre juridique est tout sauf superflu : il est celui qui légitime et limite les ruptures d’égalité, qui donne corps à la participation, qui veille au respect des droits fondamentaux, qui permet l’évaluation, l’adaptation et le perfectionnement des initiatives, et qui fixe les balises nécessaires (temporelles, territoriales) à l’intérieur desquelles les acteurs vont pouvoir déployer leur autonomie et imaginer des réponses adaptées aux défis colossaux auxquels ils font face.

85La définition du cadre ne doit ainsi pas être trop détaillée ou précise. De ce fait, les auteurs du rapport qualitatif portant sur les EBE de la Métropole de Lille ont observé que l’incomplétude du dispositif légal est parfois utilisée comme une ressource conduisant « les acteurs à adopter des comportements innovants “par projet”, (…) à produire des arrangements institutionnels locaux. Autrement dit, ils ne se limitent pas à tenir compte de règles qui s’imposeraient à eux, mais ils s’appuient sur l’incomplétude de la règle pour l’interpréter, la fabriquer, l’amender »  [206].

3. Bilan provisoire et perspectives

86Dans le deuxième chapitre de cette contribution, nous avons analysé la mesure TZCLD, en la contrastant avec une autre, issue de l’ordre juridique belge (l’article 60, § 7, de la loi du 8 juillet 1976 organique des CPAS), afin de faire apparaître en quoi la mesure TZCLD est porteuse d’innovations. Cet exercice de mise en perspective nous permet de formuler une hypothèse, à titre subsidiaire : la mesure TZCLD contribue à renforcer l’effectivité du droit au travail. Non seulement, elle propose une réalisation particulièrement aboutie du droit au travail dans ses composantes négatives et positives, mais aussi elle permet d’enrichir notre compréhension du droit au travail par l’adjonction d’un troisième volet, qualitatif (3.1). Elle permet ensuite, et le geste est radical, de replacer ce droit au travail dans l’horizon d’un projet plus vaste de démocratisation de l’économie (3.2). Évidemment, un recul plus important sera nécessaire pour déterminer si cette hypothèse est vérifiée.

3.1. Renforcer l’effectivité du droit au travail et élargir le champ de ce droit

87Un dispositif juridique peut être considéré comme à même de réaliser le droit au travail s’il offre à une personne – c’est l’évidence même – l’opportunité de travailler : c’est la fameuse « composante positive » du droit au travail (cf. supra, section 1.3). Dans ses ambitions, la mesure TZCLD va plus loin encore, puisqu’elle n’entend pas se satisfaire de la traditionnelle obligation de moyen, mise à charge des autorités publiques dans la réalisation du droit au travail. Elle vise l’exhaustivité de l’accès au travail rémunéré sur un territoire donné. Tout travailleur, quel que soit son profil, doit se voir garantir cet accès au travail sans entrave et sans discrimination. Sans minimiser les écueils que révèlent les premières évaluations, le dispositif nous semble participer, sur ce point, d’un renforcement substantiel de l’effectivité du droit au travail.

88Nous l’avons dit, le droit au travail comprend également un versant négatif : le travail doit être librement entrepris, ce qui signifie que le travailleur ne peut être forcé à travailler et qu’il doit pouvoir influer sur le choix de l’activité professionnelle. Sur cette dimension, la mesure TZCLD promet également une réalisation plus poussée du droit au travail. Sans ignorer les nuances que nous avons apportées au regard des premières expériences, les contraintes qui pèsent sur les candidats travailleurs sont faibles dans la mesure TZCLD. Non seulement ils ne s’engagent que s’ils sont volontaires, mais en plus les postes créés ne doivent pas seulement être « convenables », relativement alignés sur leurs compétences : ils sont créés à partir de leurs aspirations et de leur expérience. Même si les mécanismes au travers desquels les travailleurs sont amenés à participer à la détermination du contenu du travail devraient encore être améliorés, cet aspect de leur droit au travail est réalisé plus effectivement.

89Ces gains en effectivité sont rendus possibles par l’attachement de la mesure à d’autres finalités examinées dans le deuxième chapitre. L’effectivité du droit au travail, tant dans son aspect positif (de possibilité) que dans son aspect négatif (de liberté), et des dispositifs de mise à l’emploi qui visent en général à le réaliser est affectée par l’état et le fonctionnement du marché des biens et services et par ceux du marché du travail qui en découlent. En effet, comment garantir l’accès au travail s’il y a trop peu d’emplois vacants ? Comment garantir la liberté dans le travail dans ce même contexte de rareté ? Au contraire, couplée aux mécanismes de dégressivité du chômage et de conditionnalité du bénéfice des allocations qui n’ont fait que se durcir ces dernières décennies, les chômeurs sont souvent condamnés à accepter le premier emploi qui leur est présenté. La mesure TZCLD propose la création nette d’emplois, destinés à répondre à des besoins locaux non rencontrés par le marché local et ouvre la voie, par là même, à la reconnaissance de la valeur sociale de ces activités, qui permet d’ailleurs de justifier la dépense collective, présentée comme neutre budgétairement. En « démarchandisant » ainsi une partie de l’activité économique, la mesure se donne des moyens pour atteindre ses ambitions.

90La prise de distance vis-à-vis du marché du travail classique revêt en réalité plusieurs formes. Ce ne sont pas les besoins du marché qui dirigent la création d’emploi, comme c’est le cas pour une partie toujours croissante des emplois disponibles dans le système économique actuel (nous pensons à la privatisation des services publics), mais bien ceux d’un territoire, identifiés au terme d’une délibération au sein du comité local. Il ne s’agit pas de « débusquer » un emploi disponible sur le marché mais bien de le créer de zéro, à partir des compétences et souhaits des travailleurs. Si l’EBE assume les responsabilités de l’employeur au sens du droit du travail, elle est surtout un véhicule juridique permettant la création d’emploi, dont la forme et l’activité ne peuvent être définies a priori. L’entreprise est mise au service des travailleurs et du territoire. La philosophie d’activation des dépenses qui sous-tend le projet (« Ce n’est pas l’argent qui manque ») participe également à accroître la légitimité d’une mesure qui fait la part belle à l’autonomie des travailleurs (cf. supra). Celle-ci permet, dans le même temps, de faire échapper la mesure à certaines critiques récurrentes adressées à l’emploi subsidié, et aussi de se débarrasser progressivement de formes de stigmatisation visant les allocataires sociaux « mis au travail ». Enfin, le nombre d’emplois sur le marché classique n’est que peu affecté ; la réalisation du droit au travail des autres travailleurs n’est pas érodée.

91La réalisation du droit sera d’autant plus aboutie que l’accès au travail emporte avec lui l’accès à un emploi de qualité et à un statut social protecteur. Sur ce point, la mesure TZCLD ne fait pas qu’accroître l’effectivité du droit au travail dans ses deux composantes traditionnelles. Elle enrichit notre compréhension de ce droit d’une dimension qualitative. Il ne s’agit pas de donner l’accès à n’importe quel emploi, mais bien à un travail décent, qui s’effectue dans des conditions respectueuses de la dignité du travailleur et lui assure une stabilité économique et sociale à long terme  [207]. Le droit doit donc, pour être réalisé, être lu en combinaison avec d’autres droits fondamentaux. Ici encore, le fait que les emplois sont créés de zéro et en dehors du fonctionnement des marchés locaux et de leurs exigences, ouvre la voie à l’innovation et permet de battre en brèche les tendances contemporaines à la précarisation du travail : la mesure TZCLD propose des CDI, à temps choisi, et rend possible une mobilité professionnelle des travailleurs, sans contrainte. Nous l’avons vu toutefois, la stabilisation permise par la mesure TZCLD reste partielle : on peut déplorer un salaire fixé au SMIC et l’absence de politique de formation.

92C’est toujours bien le travail qui donne l’accès à cette stabilisation sociale et économique  [208]. Contrairement à des dispositifs qui, comme le revenu universel, entendraient détacher l’accès à cette stabilité sociale et économique de l’exercice d’un emploi, la mesure TZCLD continue de promouvoir le travail comme vecteur d’émancipation. Seulement, cette valeur instrumentale du travail (le fait de pouvoir subvenir à ses besoins grâce au travail) coexiste avec une valeur expressive et de socialisation reconnue au travail (le travail permet de réaliser son humanité), qui gagne en importance dès lors que l’autonomie du travailleur est accrue. « Le travail est un des moyens les plus importants dont dispose la personne humaine pour s’épanouir et, en même temps, servir la collectivité »  [209]. Cette dimension peut être présentée comme une caractéristique de l’emploi de qualité  [210]. C’est également celle qui illustre le mieux en quoi la mesure TZCLD permet de replacer le droit au travail dans un horizon démocratique élargi.

3.2. Replacer le droit au travail dans l’horizon de la démocratisation de l’économie

93Et précisément, il est encore un aspect sur lequel le projet TZCLD nous semble enrichir la conception classique du droit au travail. En effet, il replace la réalisation de ce droit dans un projet plus large de démocratisation de la sphère économique, au sein duquel ce droit se voit offrir une place de choix. Il ne s’agit pas seulement, au travers de la mesure TZCLD, de diminuer les chiffres du chômage et de procurer à des personnes exclues un emploi et, à travers lui, un statut et une reconnaissance sociale. Avec la mesure TZCLD, le travail quitte la sphère privée (du domicile puis de l’entreprise privée) où l’histoire l’a cantonné pour réintégrer la sphère publique ; pour cette raison, il peut être démocratisé.

94Le projet de démocratisation de l’économie était au cœur des revendications syndicales du XXe siècle et a été récemment remis à jour et porté par la Confédération européenne des syndicats (CES)  [211]. Ce projet était ainsi décrit par le législateur belge au sortir de la Seconde Guerre mondiale, lorsque le gouvernement déposa le texte qui allait devenir la loi du 20 septembre 1948 portant organisation de l’économie  [212] : « Les signataires du présent projet [de loi] ont le sentiment de réaliser un premier stade de la démocratie économique. (…) Ils considèrent, notamment, que les travailleurs ont un droit indéniable à participer, tant sur le plan général que sur le plan de l’entreprise, non seulement à l’élaboration de la réglementation sociale, mais aussi à la direction de l’économie. Ainsi, ils espèrent résoudre l’antinomie qui s’est affirmée entre la démocratie politique et le pouvoir économique et fondre sous le signe d’une véritable démocratie, les lois de la société politique et de la société économique »  [213].

95La contribution du droit au travail au projet de démocratisation, telle qu’elle apparaît de l’examen de la mesure TZCLD, recouvre plusieurs aspects complémentaires. Elle concerne d’abord l’ambition du projet TZCLD d’offrir aux travailleurs des perspectives de carrière assorties à une sécurité d’existence. Ce choix, qui prend explicitement le contrepied de la montée en puissance de l’emploi dit atypique caractérisé par l’intermittence et la précarité des revenus, est la condition sine qua non de l’exercice, par les travailleurs, de l’autonomie nouvelle qu’entend par ailleurs leur offrir le projet. Parce qu’il ne doit pas craindre à tout moment de perdre son emploi ou l’accès à une protection sociale, le travailleur est mis en position de faire valoir ses positions, avant et dans le cours de son activité, et au long de sa carrière.

96Et en effet, la mesure TZCLD vise à mettre les travailleurs en situation de définir, non pas uniquement les modalités d’exécution du travail ou la répartition d’un surplus dégagé, mais bien le contenu de leur travail. Un écart est pris ici, non pas seulement vis-à-vis de mécanismes classiques de mise à l’emploi, ou des emplois dits atypiques, mais vis-à-vis du régime salarial dans son ensemble, qui conditionne l’octroi de protections fondamentales à l’acceptation de la domination dans le travail. L’EBE n’est pas un employeur comme les autres. L’équation classique appelle à être renversée : ce sont les protections qui rendent possible l’exercice de l’autonomie, conçue individuellement et collectivement  [214].

97« Réaliser effectivement » le droit au travail, dans une perspective démocratique, c’est ainsi mener une délibération sur l’utilité sociale du travail elle-même et sur sa valeur. Dans le sillage des propositions d’Élise Dermine (ULB), il s’agirait d’émanciper le droit au travail de l’impératif productiviste qui le contraint encore  [215] ou à tout moins de redéfinir la notion de productivité pour y inclure la création de valeur sociale hors marché. Dans la mesure TZCLD, ce débat n’est pas seulement ouvert aux travailleurs. Il engage les citoyens les plus à même d’identifier les besoins sociaux d’un territoire, au travers de mécanismes de délibération et d’un suivi orienté par la poursuite de finalités définies en commun et au préalable. Ce nouvel espace de débats sur l’activité souhaitable – et donc sur le travail souhaitable – et sur la valorisation que l’on entend lui donner (financière mais pas seulement) n’est ouvert que parce que le projet poursuit l’ambition, nous l’avons dit, d’une démarchandisation partielle de l’activité travail. C’est parce que l’on formule un doute sur la capacité du marché de désigner, par l’initiative d’entrepreneurs qui sont toujours (même si pas seulement) animés par la nécessité de dégager du profit, les activités utiles pour une société, que l’on peut concevoir que s’y substituent des mécanismes de discussion collective. C’est parce que l’on a perdu la confiance dans la capacité du marché d’établir, par le fait d’une main invisible, la juste valeur du travail et par là même sa rémunération, que l’on s’accorde à envisager cette question à nouveaux frais. La crise sanitaire due à la pandémie de Covid-19 le prouve encore : les métiers les plus indispensables, ceux de première ligne, surtout du soin, souvent exercés par des femmes, sont peu valorisés et peu rémunérés, ou sont simplement invisibles, et échappent à ce titre aux protections du salariat mais aussi aux indicateurs économiques traditionnels qui établissent la valeur créée par les citoyens sur un territoire donné.

98Si l’on ajoute à cela l’adoption d’une nouvelle méthode législative fondée sur l’expérimentation et qui repose sur l’idée que ce sont les acteurs de terrain qui possèdent les savoirs et les savoir-faire pour solutionner les problèmes auxquels ils font face, on comprend en quoi la mesure TZCLD, du moins au travers des promesses dont elle est porteuse, est susceptible de faire apparaître la réalisation du droit au travail comme un élément crucial d’une reconquête nécessaire, par les citoyens, du gouvernement de la sphère économique. Cette reconquête est, selon nous, indispensable afin de rendre nos institutions plus résilientes aux crises à venir, à même de protéger les citoyens en leur donnant les capacités de prendre soin des autres et de la Terre et de se réaliser.

99Évidemment, il ne s’agirait pas pour autant d’idéaliser ce dispositif, et les premiers rapports d’évaluation (adoptés car il s’agit d’un dispositif expérimental) nous offrent une perspective plus contrastée. Les rapports pointent plusieurs problèmes : dispositifs de formation insuffisants, rémunération insuffisante, surtout pour les temps partiels, mécanismes de participation insuffisants ou déficients, retour de formes de domination dans le travail au travers des « réquisits du territoire » privilégiés au détriment des aspirations de travailleurs, conséquences néfastes des impératifs de rentabilité, conséquences des financements trop réduits accordés aux EBE pour les frais autres que les coûts salariaux, glissements de mesures d’aide existantes vers la mesure TZCLD, difficultés et ambiguïtés liées à la gestion de la « liste d’attente », etc. Sur tous ces points, des réponses pragmatiques pourraient probablement être imaginées, les dispositifs améliorés. Ce sont parfois des imprécisions qui sont dénoncées : définition trop floue du public cible ne permettant pas d’atteindre les citoyens les plus éloignés du travail, ambiguïtés quant au rapport que la mesure entretient avec le marché (à qui ne peut-on pas faire concurrence ? vise-t-on à créer une économie du territoire ou à organiser le retour des travailleurs sur le marché du travail ?). Ces questions appellent quant à elles des positionnements politiques, mais eux aussi peuvent être amorcés. C’est en effet la vertu d’un dispositif expérimental que de créer les lieux d’une telle discussion. En effet, il donne à voir une autre manière de faire du droit, moins élitiste et moins technocratique. Le législateur prend acte de la complexité des problématiques sociales, de la spécificité des contextes, de l’importance du savoir de terrain pour faire face à l’incertain.

Notes

  • [1]
    Cf. C. Sägesser, « La formation du gouvernement De Croo (mai 2019 - octobre 2020 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2471-2472, 2020.
  • [2]
    « Pour une Belgique prospère, solidaire et durable. Introduction par les deux formateurs / Voor een welvarend, solidair en duurzaam België. Inleiding door de twee formateurs », Note de formation (document bilingue), 30 septembre 2020, p. 33 et 47-48. Cf. aussi le rapport remis au roi Philippe le même jour : P. Magnette, A. De Croo, « Rapport des formateurs. Verslag van de formateurs » (version française), 30 septembre 2020, p. 20 et 29.
  • [3]
    Il est annoncé que le « plan de lutte contre la pauvreté » projeté par le gouvernement De Croo sera fondé sur cinq principes, dont deux peuvent selon nous être rapprochés de la mesure TZCLD : « l’emploi durable en tant que levier très important pour la réduction de la pauvreté » (principe 4) et la participation des personnes dans la pauvreté comme « experts du vécu » (principe 5).
  • [4]
    Sur la constitution de ces deux exécutifs, cf. B. Biard, P. Blaise, J. Faniel, S. Govaert, C. Istasse, « La formation des gouvernements régionaux et communautaires après les élections du 26 mai 2019 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2444-2445, 2019, p. 13-73.
  • [5]
    « Déclaration de politique générale commune au gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale et au collège réuni de la Commission communautaire commune. Législature 2019-2024 », 18 juillet 2019, p. 23.
  • [6]
    « Déclaration de politique régionale pour la Wallonie. 2019-2024 », s.d. [septembre 2019], p. 24.
  • [7]
    Pour un aperçu de ces premières démarches et des revendications des porteurs de projet, cf. P. Timmermans, « Expérimentation Territoire zéro chômeur de longue durée. Document de travail », 2019. L’auteur de ce document, Paul Timmermans, est président de la chambre emploi-formation de l’Instance Bassin EFE (Enseignement qualifiant, formation, emploi) Hainaut-Sud. Cf. aussi Instance Bassin EFE Hainaut-Sud, « Appel à manifestation d’intérêt. “Projet territoire zéro chômeur de longue durée - Mise en place d’expérimentations sur le Bassin Hainaut Sud” », s.d. [2019], https://instancebassin-hainautsud.be.
  • [8]
    J.-F. Neven, É. Dermine, « Importer l’expérience française “Territoire zéro chômeur de longue durée” en Belgique : questions juridiques », Université libre de Bruxelles (ULB), Centre de droit public (CDP) / Université ouverte (UO) / Instance Bassin Hainaut-Sud, 2019 ; J. Charles, É. Dermine, P. Hermant, « Territoires zéro chômeur de longue durée en Belgique : 20 conditions pour une appropriation réussie », Centre socialiste d’éducation permanente (CESEP), 2019 ; J.-F. Neven, É. Dermine, A. Mechelynck, « Importer l’expérience française “Territoire zéro chômeur de longue durée” en Région de Bruxelles-Capitale : questions juridiques » (rapport commandité par Actiris), ULB, CDP, 2020. Ces études envisagent très concrètement la marche à suivre et les obstacles d’une telle transposition. Le présent Courrier hebdomadaire n’aborde pas ces aspects, son objectif étant de se pencher sur la mesure telle qu’elle est actuellement déployée en France.
  • [9]
    A. Watson, Legal Transplant: An Approach to Comparative Law, 2e édition, Athens, University of Georgia Press, 1993 ; P. Legrand, « What Legal Transplants? », in D. Nelken, J. Feest (dir.), Adapting Legal Cultures, Oxford, Hart Publishing, 2001, p. 55 ; R. Peerenboom, « Toward a Methodology for Successful Legal Transplants », The Chinese Journal of Comparative Law, volume 1, n° 1, 2013, p. 4-20.
  • [10]
    Pour une démarche aux intentions similaires, cf. H. De Bolster, « Territoire zéro chômeur de longue durée : bien plus que de l’emploi ! », SAW-B, 2018, https://saw-b.be ; H. De Bolster, « Territoire zéro chômeur de longue durée : l’État social actif enfin actif ? », SAW-B, 2018, https://saw-b.be.
  • [11]
    Loi n° 2016-231 du 29 février 2016 d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée (Journal officiel de la République française, 1er mars 2016), parfois désignée « loi TZCLD ». Elle est complétée par le décret n° 2016-1027 du 27 juillet 2016 relatif à l’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée (Journal officiel de la République française, 28 juillet 2016).
  • [12]
    Loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d’action sociale (Moniteur belge, 5 août 1976).
  • [13]
    Loi n° 2020-1577 du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation “territoire zéro chômeur de longue durée” (Journal officiel de la République française, 15 décembre 2020). Ce texte prévoit une prolongation de l’expérimentation pour les dix territoires participants et une possibilité de son extension à cinquante territoires supplémentaires.
  • [14]
    Un rapport a été produit par un comité scientifique conformément à ce que prévoit la loi : O. Bouba Olga (dir.), « Expérimentation Territoire zéro chômeur de longue durée. Rapport intermédiaire du comité scientifique », 2019, https://dares.travail-emploi.gouv.fr (il est complété de quatre études qualitatives portant sur des territoires spécifiques : « Territoire zéro chômeur à Jouques », Asdo Études / Agence nouvelle des solidarités actives (ANSA), 2019 ; « Territoire zéro chômeur entre Nièvres et Forêts », Asdo Études / ANSA, 2019 ; A. Fretel, F. Jany-Catrice (dir.), « Une analyse de la mise en œuvre du programme expérimental visant à la résorption du chômage de longue durée dans le territoire urbain de la Métropole de Lille. Rapport intermédiaire », Université de Lille, Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé), 2019 ; « Évaluation de l’expérimentation Territoire zéro chômeur de longue durée. Lot 3 : Territoires urbains - petites villes. Rapport d’évaluation intermédiaire », KPMG, 2019, https://dares.travail-emploi.gouv.fr). Le gouvernement français a commandité un rapport complémentaire, centré sur les aspects économiques : F. Allot, A. Perrot, G. Lallemand-Kirche, « L’évaluation économique de l’expérimentation visant à résorber le chômage de longue durée (ETCLD) », Inspection générale des finances (IGF) / Inspection générale des affaires sociales (IGAS), 2019, www.igas.gouv.fr. Ces deux rapports sont complétés par un troisième, sur la base des rapports annuels du Fonds d’expérimentation en charge du financement : L. Grandguillaume, L. Gallois (dir.), « Rapport d’analyse », Territoire zéro chômeur de longue durée (TZCLD) / Expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée (ETCLD), 2019, https://travail-emploi.gouv.fr.
  • [15]
    Certaines de ces limites sont exprimées, dans le débat autour de la transposition en Belgique, par le coordinateur du Collectif Solidarité contre l’exclusion (CSCE), Yves Martens. Cf. Y. Martens, « “Territoires zéro chômeur de longue durée” : outil intéressant ou poudre aux yeux ? », Politique, 15 octobre 2019, www.revuepolitique.be ; J. Winkel, « Territoires zéro chômeur : un chantier qui divise », Alterechos, n° 488, 2020, www.alterechos.be.
  • [16]
    Sur le fait que la loi du 8 juillet 1976 est intervenue à une époque charnière pour les politiques sociales en Belgique, entre la fin de la figure classique du « travailleur » et celle du néo-libéralisme et de la fragmentation du sujet social, cf. D. Zamora y Vargas, De l’égalité à la pauvreté. Une socio-histoire de l’assistance en Belgique (1895-2015), Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2018, p. 91-109.
  • [17]
    Cela éclaire sans doute partiellement la raison pour laquelle ces deux mesures laissent une place plus importante à des enjeux qualitatifs (travail adapté à l’homme) plutôt qu’à des enjeux seulement quantitatifs (lutte contre le taux de chômage).
  • [18]
    Initialement, c’est-à-dire à la fondation du mouvement en 1957 en banlieue parisienne, « ATD » signifiait « Aide à toute détresse ». Depuis 2009, ce sigle signifie « Agir tous pour la dignité ». À l’origine, le projet TZCLD a été porté par Patrick Valentin, membre actif de l’association, et développé dans une première version expérimentale en 1993 à Seiches-sur-le-Loir, en l’absence de tout cadre juridique.
  • [19]
    Cf. le site Internet de l’association Territoire zéro chômeur de longue durée (TZCLD) : www.tzcld.fr.
  • [20]
    Ibidem.
  • [21]
    Loi n° 2016-231 du 29 février 2016 précitée, article 2 (faisant référence à l’article L5411-1 du Code du travail). Pôle emploi est l’agence administrative française en charge de l’accompagnement des personnes demandeuses d’emploi. Elle est active via des agences locales réparties sur tout le territoire français. Elle organise notamment la mise en relation entre les demandeurs d’emploi (qu’elle accompagne dans leurs recherches) et les employeurs potentiels. Pour le compte de l’Unédic, qui est l’association en charge de la gestion de l’assurance chômage, elle procède aussi à l’identification des allocataires, ainsi qu’au calcul et au versement des indemnités de chômage. À l’exception de ces dernières tâches, ses compétences sont comparables à celles qui sont exercées, en Belgique, par l’Office wallon de la formation professionnelle et de l’emploi (Forem) pour la Région wallonne, Actiris pour la Région de Bruxelles-Capitale, le Vlaamse Dienst voor Arbeidsbemiddeling en Beroepsopleiding (VDAB) pour la Région flamande et l’Arbeitsamt der Deutschsprachigen Gemeinschaft (ADG) pour la Communauté germanophone.
  • [22]
    Loi n° 2016-231 du 29 février 2016 précitée, article 1er, I.
  • [23]
    Loi n° 2016-231 du 29 février 2016 précitée, article 1er, I. L’entreprise doit répondre aux conditions des articles 1er et 2 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire (Journal officiel de la République française, 1er août 2014).
  • [24]
    Décret n° 2016-1027 du 27 juillet 2016 précité, articles 20 et suivants.
  • [25]
    Pour leur part, ATD Quart Monde, le Secours catholique, Emmaüs France, le Pacte civique et la Fédération des acteurs de la solidarité ont créé l’association Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD) le 7 octobre 2016 « pour prendre la suite de l’action et démontrer qu’il est possible à l’échelle de petits territoires, sans surcoût significatif pour la collectivité, de proposer à tout chômeur de longue durée qui le souhaite, un emploi à durée indéterminée à temps choisi, en développant des activités utiles pour répondre aux besoins des divers acteurs du territoire » (cf. www.tzcld.fr).
  • [26]
    P.-Y. Verkindt, « L’expérimentation “territoires zéro chômeur de longue durée” », Regards, n° 56, 2019, p. 44.
  • [27]
    L. Grandguillaume, L. Gallois (dir.), « Rapport d’analyse », op. cit., p. 2.
  • [28]
    F. Crouzatier-Durand, « Réflexions sur le concept d’expérimentation législative (à propos de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République) », Revue française de droit constitutionnel, n° 56, 2003, p. 677.
  • [29]
    Ibidem, p. 680.
  • [30]
    Loi n° 2016-231 du 29 février 2016 précitée, article 1er, II à IV. Cf. supra, note 14.
  • [31]
    Loi n° 2016-231 du 29 février 2016 précitée, article 1er, I. Ces dix territoires, qui tous comptent entre 5 000 et 10 000 habitants, sont pour moitié des territoires ruraux (par exemple, le Pays de Colombey et le Sud Toulois) et pour moitié des territoires urbains (par exemple, la Métropole de Lille) ; cf. la carte disponible sur la section « Les territoires », du site Internet https://etcld.fr.
  • [32]
    Cf. L. Grandguillaume, L. Gallois (dir.), « Rapport d’analyse », op. cit., p. 2. Sur l’ensemble des personnes engagées, 1 849 se sont déclarées volontaires. Parmi ces volontaires, 1 112 sont sortis de la privation d’emploi, soit directement, par l’embauche en EBE (770), soit de manière indirecte, par la méthode de mobilisation inhérente au projet, avant même d’entrer en EBE (278). Il est à noter que ces salariés étaient privés d’emploi depuis 53,9 mois en moyenne, ont un âge moyen de 44 ans et un niveau 5 de formation, et sont reconnus en situation de handicap pour 21 % d’entre eux.
  • [33]
    Cette loi, note un commentateur, place définitivement le mécanisme dans le champ de l’« insertion par l’activité économique », répondant ainsi à certaines critiques (P.-Y. Verkindt, « Territoire zéro chômeur de longue durée. Acte II », Droit social, 2021, à paraître).
  • [34]
    Les centres publics d’action sociale (CPAS) sont des services communaux (chaque commune disposant d’un tel service) compétents en matière d’aides sociales au sens large et légalement habilités à allouer le revenu d’intégration (revenu minimum de base alloué aux personnes qui ne disposent pas, par ailleurs, de ressources suffisantes) ou des aides sociales spécifiques, pouvant prendre des formes diverses (matérielles, financières, en nature, sous la forme d’hébergement, etc.) dans la mesure où ces aides sont nécessaires pour permettre à la personne concernée de mener une vie conforme à la dignité humaine. Sur la philosophie de base de l’aide sociale et des CPAS, cf. J. Fierens, Droit et pauvreté. Droits de l’homme, sécurité sociale, aide sociale, Bruxelles, Bruylant, 1992.
  • [35]
    Cf. M.-L. Opdenberg, « La réforme de l’assistance publique », L’année sociale 1976, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles / Institut de sociologie, 1977, p. 23-46.
  • [36]
    Ibidem, p. 29-31. Les milieux laïques (relayés par les parlementaires socialistes) craignaient que les structures publiques soient « désavantagées par rapport aux organismes privés, en grande partie catholiques » (ibidem, p. 26).
  • [37]
    Cf. l’article 6, § 1er, IX, 2°/1, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles (Moniteur belge, 15 août 1980), tel que modifié par la loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la sixième réforme de l’État (Moniteur belge, 31 janvier 2014) : « la mise au travail des personnes qui bénéficient du droit à l’intégration sociale ou du droit à l’aide sociale financière » est dorénavant une compétence régionale.
  • [38]
    Cf. l’ordonnance bruxelloise du 28 mars 2019 relative au dispositif d’insertion à l’emploi dans le cadre de l’article 60, § 7, de la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d’action sociale (Moniteur belge, 5 avril 2019) et l’arrêté du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 23 mai 2019 relatif à l’emploi d’insertion visé à l’article 60, § 7, de la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d’action sociale (Moniteur belge, 18 juin 2019). La Région flamande a apporté des modifications en ce qui concerne le subventionnement des CPAS et la réduction de cotisations sociales (cf. le décret flamand du 9 décembre 2016 relatif à l’expérience professionnelle temporaire, à la réglementation de stages et à diverses mesures dans le cadre de la sixième réforme de l’État, Moniteur belge, 17 janvier 2017).
  • [39]
    Loi du 7 août 1974 instituant le droit à un minimum de moyens d’existence (Moniteur belge, 18 septembre 1974). La loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l’intégration sociale (Moniteur belge, 31 juillet 2002) a remplacé le minimex par le revenu d’intégration.
  • [40]
    Loi du 26 mai 2002 précitée.
  • [41]
    Loi du 24 décembre 1999 portant des dispositions sociales et diverses (Moniteur belge, 31 décembre 1999), article 124.
  • [42]
    Cf. la loi du 8 juillet 1976 précitée, article 60, § 7, alinéa 3. Il est ainsi dérogé à l’interdiction de la mise à disposition prévue par l’article 31 de la loi du 24 juillet 1987 sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à la disposition d’utilisateurs (Moniteur belge, 20 août 1987).
  • [43]
    Loi du 22 décembre 1995 portant des mesures visant à exécuter le plan pluriannuel pour l’emploi (Moniteur belge, 30 décembre 1995), article 34 ; Loi du 29 avril 1996 portant des dispositions sociales (Moniteur belge, 30 avril 1996), article 168.
  • [44]
    Loi du 24 décembre 1999 précitée, articles 120 et 121.
  • [45]
    Loi du 8 juillet 1976 précitée, article 60, § 7, alinéa 2.
  • [46]
    Loi du 24 décembre 1999 précitée, article 120.
  • [47]
    Chambre des représentants, Projet de loi portant des dispositions sociales, n° 297/1, 30 novembre 1999, p. 49.
  • [48]
    Loi du 26 mai 2002 précitée.
  • [49]
    Loi du 26 mai 2002 précitée, article 10.
  • [50]
    Loi du 26 mai 2002 précitée, articles 6, § 1er, et 8.
  • [51]
    Il a été initialement introduit dans la loi du 12 janvier 1993 contenant un programme d’urgence pour une société plus solidaire (Moniteur belge, 4 février 1993), dont les articles 12 à 15 modifient la loi du 7 août 1974 précitée.
  • [52]
    Loi du 21 juillet 2016 modifiant la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l’intégration sociale (Moniteur belge, 2 août 2012).
  • [53]
    J. Fierens, « Le droit à l’intégration sociale. Mise en perspectives », in M. Bodart (dir.), Vers le droit à l’intégration sociale, Bruxelles, La Charte, 2002, p. 25.
  • [54]
    Constitution belge, article 23, alinéa 3, 1°.
  • [55]
    Le préambule de la Constitution française de 1946 auquel renvoie le préambule de la Constitution de 1958 dispose : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi ». Sur cette disposition, cf. M. Verpeaux, « La valeur constitutionnelle du droit au travail », Le genre humain, n° 38-39, 2002, p. 177-197. En France, l’expérience des ateliers nationaux au début de la IIe république et son échec semblent avoir été un épisode particulièrement marquant (cf. A. Jeammaud, M. LeFriant, « L’incertain droit à l’emploi », Travail, genre et sociétés, n° 2, 1999, p. 30-31).
  • [56]
    Cf. F. Tanghe, Le droit au travail entre histoire et utopie. 1789-1848-1989 : de la répression de la mendicité à l’allocation universelle, Bruxelles, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, 1989.
  • [57]
    À propos de la formulation, dans les instruments internationaux, du droit au travail soit comme droit de créance orienté vers l’obtention d’un travail, soit comme liberté impliquant que les États s’abstiennent d’entraver le libre accès au marché du travail, cf. É. Dermine, Droit au travail et politiques d’activation des personnes sans emploi. Étude critique du rôle du droit international des droits humains, Bruxelles, Bruylant, 2017, p. 105-161.
  • [58]
    Conseil constitutionnel, Décision n° 83-156 DC, 28 mai 1983.
  • [59]
    Cf. Comité européen des Droits sociaux, Conclusions I relatives à l’application de la CSE, Observation interprétative relative à l’article 1er, § 1er, de la CSE, 31 mai 1969 : « Le Comité a interprété cette disposition comme comportant une obligation de moyens plutôt qu’une obligation de résultat. Il a reconnu que pour déterminer si un État satisfait effectivement à cette obligation, il y a lieu de se placer dans une perspective dynamique et d’apprécier la situation existant à un moment donné, en tenant compte de la continuité de l’effort poursuivi ».
  • [60]
    É. Dermine, V. De Greef, « Le droit au travail librement entrepris (article 1er, § 2, de la CSE) face aux situations de travail non protégées par le droit social. Les cas du travail pénitentiaire et des mesures de workfare », in S. Van Drooghenbroeck, F. Dorssemont, G. Van Limberghen (dir.), Charte sociale européenne, droits sociaux et droits fondamentaux au travail, Bruges, La Charte, 2016, p. 313, avec référence à l’article 1er, § 1er, 3 et 4, de la CSE.
  • [61]
    É. Dermine, Droit au travail et politiques d’activation des personnes sans emploi, op. cit., p. 22. Cf., toutefois, infra, note 207 : Élise Dermine suggère, sur la base de la quasi-jurisprudence de l’Organisation internationale du travail (OIT) et du Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies (CESCR), que le droit au travail contient déjà l’idée de qualité des emplois.
  • [62]
    P. Lascoumes, « Effectivité », in A.-J. Arnaudet al. (dir.), Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, 2e édition, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1993, p. 217.
  • [63]
    Et, depuis 2002, de l’emploi comme tel.
  • [64]
    É. Dermine, Droit au travail et politiques d’activation des personnes sans emploi, op. cit., p. 509.
  • [65]
    Il est à noter que, dans la présente étude, nous nous abstenons de nous prononcer sur l’appartenance de la mesure TZCLD à un champ donné des politiques sociales plutôt qu’à un autre (politique d’aide sociale et de lutte contre la pauvreté ou politique d’aide à l’emploi et d’accès au marché du travail). Nous avons vu que le gouvernement fédéral De Croo a rattaché la mesure aux deux champs dans sa déclaration de politique générale. Le simple fait que les deux mesures partagent des finalités communes suffit selon nous à légitimer la comparaison entre l’initiative TZCLD et l’article 60 et cette classification n’est pas mobilisée dans l’étude. Toutefois, elle aura son importance au moment d’envisager l’élaboration d’une réglementation pour encadrer l’initiative en Belgique, puisqu’elle déterminera qui sont les autorités compétentes pour légiférer et financer la mesure.
  • [66]
    C’est-à-dire « l’ensemble des mesures qui conditionnent l’octroi de prestations sociales à l’accomplissement de prestations de travail non rémunérées dans le secteur public, associatif ou privé. Elles se développent dans les systèmes d’assistance sociale ou d’assistance chômage » (É. Dermine, Droit au travail et politiques d’activation des personnes sans emploi, op. cit., p. 8).
  • [67]
    Cf. aussi F. Bouquelle, C. Maes, K. Stangherlin, « Nature et formes des droits à l’intégration sociale et à l’aide sociale », in H. Mormont, K. Stangherlin (dir.), Aide sociale, intégration sociale. Le droit en pratique, Bruxelles, La Charte, 2011, p. 41.
  • [68]
    Ibidem (les auteurs insistent sur le fait qu’il s’agit d’une obligation de moyen).
  • [69]
    Loi du 26 mai 2002 précitée, article 19.
  • [70]
    Conseil d’État, Arrêt n° 21588, 25 novembre 1981 ; Conseil d’État, Arrêt n° 28010, 28 mai 1987 ; Conseil d’État, Arrêt n° 38704, 10 février 1992.
  • [71]
    Cour constitutionnelle, Arrêt n° 5/2004, 14 janvier 2004, B.3.7 à B.3.10 (notamment parce que la compétence de remise à l’emploi est exclusivement régionale) ; F. Bouquelle, C. Maes, K. Stangherlin, « Nature et formes des droits à l’intégration sociale et à l’aide sociale », op. cit., p. 41.
  • [72]
    Cf., sur le site Internet de présentation du projet, le premier « principe fondamental » (« Découvrir l’expérimentation. Les fondements », www.tzcld.fr).
  • [73]
    Le débat suivant est également révélateur. À l’origine, il était question d’imposer un an de résidence. Le Conseil d’État a considéré que cette exigence pouvait « soulever une difficulté au regard du principe d’égalité comme du principe de non-discrimination consacré par le droit de l’Union [européenne]. La haute juridiction a suggéré de réduire de moitié cette condition de domicile, afin de mieux la proportionner à la durée nécessaire pour que les acteurs locaux et le demandeur d’emploi ayant changé de domicile se connaissent mutuellement et que des actions préparatoires à l’embauche, dans le cadre de l’expérimentation, puissent, le cas échéant, être décidées et mises en œuvre » (cf. Assemblée nationale, Commission des Affaires sociales, Proposition de loi d’expérimentation pour des territoires zéro chômage de longue durée. Rapport, n° 3228, 18 novembre 2015, p. 45).
  • [74]
    C’est le sixième principe retenu sur le site Internet du projet (« Découvrir l’expérimentation. Les fondements », www.tzcld.fr).
  • [75]
    O. Bouba Olga (dir.), « Expérimentation Territoire zéro chômeur de longue durée », op. cit., p. 8 ; A. Fretel, F. Jany-Catrice (dir.), « Une analyse de la mise en œuvre du programme expérimental visant à la résorption du chômage de longue durée dans le territoire urbain de la Métropole de Lille », op. cit., p. 20-21 (analyse de la nécessaire et problématique « gestion » de ces listes).
  • [76]
    A. Fretel, F. Jany-Catrice (dir.), « Une analyse de la mise en œuvre du programme expérimental visant à la résorption du chômage de longue durée dans le territoire urbain de la Métropole de Lille », op. cit., p. 19-20. Il est à noter aussi que semble s’être ajoutée dans la loi une condition supplémentaire de participation : celle d’avoir accompli, sans succès, des « actes positifs de recherche d’emploi » (loi n° 2016-231 du 29 février 2016 précitée, article 2). Les principes généraux mentionnent, parmi les critères à prendre en compte dans l’élaboration des emplois, « la date de la candidature » (« Découvrir l’expérimentation. Les fondements », www.tzcld.fr).
  • [77]
    Il est à noter que l’un des changements opérés par la nouvelle loi n° 2020-1577 du 14 décembre 2020 est de confier au comité local l’appréciation de « l’éligibilité, au regard des conditions fixées au VI, des personnes dont l’embauche est envisagée par les entreprises conventionnées » (article 9, VII, 2°), alors que la participation était auparavant réservée aux personnes répertoriées sur les listes de Pôle emploi. Cette modification permet une acceptation plus large de la notion de « personne durablement privée d’emploi » ; le cadre légal s’aligne ainsi avec l’interprétation plus souple qui prévalait en pratique et soumet cette notion à la délibération démocratique.
  • [78]
    Par exemple, Tribunal du travail de Gand, n° 15/2676/A, 1er septembre 2017 (non publié ; il y est notamment affirmé, en se fondant sur Cour du travail de Liège, 19 avril 1994, Journal des tribunaux du travail, 1995, p. 162, que le fait que le CPAS offre l’opportunité d’un article 60, et un éventuel refus, est un indicateur de la disposition au travail ; même en reconnaissant qu’il s’agit d’une obligation de moyen pour l’usager, le tribunal reconnaît le refus d’octroi du revenu d’intégration) ; Tribunal du travail d’Audenarde, n° 14/479/A, 16 décembre 2014 (non publié ; arrêt par lequel le tribunal confirme une ordonnance en référé qui prive un usager de son revenu d’intégration pour avoir refusé d’être mis à disposition d’un partenaire durant les congés de l’utilisateur principal) ; Cour du travail d’Anvers, n° 2015/AA/433, 2 mars 2016 (non publié ; arrêt dans lequel la cour invalide la décision du CPAS de retirer entièrement le revenu d’intégration pour manque de disponibilité en raison d’un refus de signer un article 60, mais semble faire reposer sa décision sur le fait que l’usagère avait par ailleurs effectué de nombreuses recherches et suivi des formations, et que ce refus était temporaire et ponctuel et que le CPAS avait considéré que ses candidatures dans le secteur artistique – proche de sa formation – étaient inadaptées car elles n’offraient aucune perspective de carrière, même si les offres portaient sur des contrats de plus d’un an).
  • [79]
    Loi du 26 mai 2002 précitée, article 3, § 1, 5° et 10 (dans la continuité de la loi du 7 août 1974 précitée, qui l’édictait déjà).
  • [80]
    Il s’agit là encore d’une obligation de moyen (cf. F. Bouquelle, P. Lambillon, « La disposition au travail », in H. Mormont, K. Stangherlin (dir.), Aide sociale, intégration sociale, op. cit., p. 322 et suivantes).
  • [81]
    Loi du 26 mai 2002 précitée, article 10, alinéa 3 (pour les moins de 25 ans) et article 13, § 4, alinéa 3 (pour les plus de 25 ans).
  • [82]
    F. Bouquelle, P. Lambillon, « La disposition au travail », op. cit., p. 324-325 (ainsi que la jurisprudence citée aux p. 329-330). Sur ce sujet, cf. J. Duchêne, S. Xhauflaire, La disposition au travail et le PIIS, Boîte à outils des CPAS, Namur, Union des villes et communes de Wallonie (UVCW), 2017, spécialement p. 59-63.
  • [83]
    Ainsi le principe d’exhaustivité (cf. supra) implique les personnes privées durablement d’emploi volontaires du territoire. Est toutefois à noter, en amont des principes fondamentaux, cet extrait du préambule de la Constitution française : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi », qui porte en lui-même une ambiguïté autour du caractère volontaire de l’accès au travail.
  • [84]
    Décret n° 2016-1027 du 27 juillet 2016 précité, article 21, 3°. Quant à elle, la nouvelle loi n° 2020-1577 du 14 décembre 2020 précitée reprend la notion de « personnes volontaires privées durablement d’emploi depuis au moins un an » (article 9) ; cette dimension a donc été explicitement intégrée.
  • [85]
    Décret n° 2016-1027 du 27 juillet 2016 précité, article 21, 5°.
  • [86]
    Article L5412-1 du Code du travail, modifié par l’article 60 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel (Journal officiel de la République française, 6 septembre 2018) : « Est radiée de la liste des demandeurs d’emploi, dans des conditions déterminées par un décret en Conseil d’État, la personne qui (…) sans motif légitime, refuse à deux reprises une offre raisonnable d’emploi mentionnée à l’article L5411-6-2 du Code du travail ».
  • [87]
    Le CPAS doit tenir compte « des aspirations, aptitudes, qualifications et besoins » de la personne de moins de 25 ans concernée dans l’établissement d’un PIIS (loi du 8 juillet 1976 précitée, article 11, § 1, alinéa 2) ; un PIIS « adapté à la situation personnelle et aux capacités » de l’usager est imposé pour la personne de plus de 25 ans (article 13, § 2). Cela semble pouvoir être élargi, par analogie, à la mise au travail sans PIIS. Il est à noter qu’il existait auparavant une obligation de signer une convention tripartite dans le cas de la mise à disposition (travailleur, utilisateur, CPAS). Ce document était le gage, sur le plan formel, d’une implication du travailleur. Introduite par l’article 34 de la loi du 22 décembre 1995 précitée, cette obligation a été supprimée par l’article 276 de la loi du 22 février 1998 portant des dispositions sociales (Moniteur belge, 3 mars 1998).
  • [88]
    F. Bouquelle, P. Lambillon, « La disposition au travail », op. cit., p. 326-327.
  • [89]
    Sur ces questions, cf. la jurisprudence citée dans J. Duchêne, S. Xhauflaire, « La disposition au travail et le PIIS », op. cit., p. 59-62.
  • [90]
    V. De Greef, Droit au travail et troubles mentaux. Une analyse critique des exclusions et des inclusions par le droit en assurance chômage et en aide sociale, Bruxelles, La Charte, 2016, p. 251.
  • [91]
    S. Roberti, « Aide sociale et mise au travail », Ensemble, n° 88, 2015, www.asbl-csce.be, p. 14 ; N. Gunduz, « La remise au travail “article 60” : une voie sans issue », Atelier des droits sociaux, 2019, www.atelierdroitssociaux.be, p. 5.
  • [92]
    M. Castaigne, « L’article 60, § 7 », UVCW, Fédération des CPAS, 2020, www.uvcw.be, p. 45-46. Ces pratiques sont recensées par la Fédération des CPAS, qui recommande leur adoption.
  • [93]
    « Découvrir l’expérimentation. Les fondements », www.tzcld.fr.
  • [94]
    Cf. le décret n° 2016-1027 du 27 juillet 2016 précité, article 21, alinéa 2, qui précise que le comité local est chargé notamment d’« établir un état de la situation socio-économique du territoire en termes de chômage de longue durée et d’activités économiques existantes », d’« informer et accueillir l’ensemble des demandeurs d’emploi de longue durée volontaires », de « déterminer, en lien avec Pôle emploi, la liste des demandeurs d’emploi (…) volontaires pour participer à l’expérimentation, et identifier leurs compétences ainsi que leurs projets professionnels », d’« organiser, avec Pôle emploi, les modalités d’accompagnement des demandeurs d’emploi participant à l’expérimentation et identifier leurs besoins de formation » et de « recenser les activités répondant à des besoins non satisfaits, adaptées aux compétences des demandeurs d’emploi participant à l’expérimentation, non concurrentes des activités économiques existantes et ne se substituant pas aux emplois privés ou publics déjà présents sur le territoire ».
  • [95]
    À cela correspond le principe fondateur d’« embauche non sélective » (« Découvrir l’expérimentation. Les fondements », www.tzcld.fr).
  • [96]
    F. Jany-Catrice, L. Nirello, « Une politique sociale locale consolidée par “la mobilisation territoriale”. Le cas du projet “territoire zéro chômeur de longue durée” » (entretien avec M. Godefroy), Revue française des affaires sociales, numéro hors-série 1, 2019, p. 190.
  • [97]
    A. Fretel, F. Jany-Catrice (dir.), « Une analyse de la mise en œuvre du programme expérimental visant à la résorption du chômage de longue durée dans le territoire urbain de la Métropole de Lille », op. cit., p. 19-20.
  • [98]
    M. Béraud, J.-P. Higelé, « “Territoire zéro chômeur de longue durée” : les luttes d’interprétation d’un droit à l’emploi », La nouvelle revue du travail en ligne, n° 17, 2020, https://journals.openedition.org, § 28-29.
  • [99]
    Décret n° 2016-1027 du 27 juillet 2016 précité, article 20 in fine.
  • [100]
    Cet élément est présenté sous le principe « Qualité de l’emploi » (« Découvrir l’expérimentation. Les fondements », www.tzcld.fr).
  • [101]
    Il y a trois SCIC sur un total de douze associations (F. Allot, A. Perrot, G. Lallemand-Kirche, « L’évaluation économique de l’expérimentation visant à résorber le chômage de longue durée (ETCLD) », op. cit., p. 11).
  • [102]
    Loi n° 78-763 du 19 juillet 1978 portant statut des sociétés coopératives ouvrières de production (Journal officiel de la République française, 20 juillet 1978).
  • [103]
    Loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération (Journal officiel de la République française, 11 septembre 1947), articles 19quinquies à 19sexdecies.
  • [104]
    « Permettre à chacun d’être acteur de l’animation de l’entreprise à but d’emploi (EBE) » (« Découvrir l’expérimentation. Les fondements », www.tzcld.fr). La nouvelle loi n° 2020-1577 du 14 décembre 2020 précitée charge le nouveau fonds d’expérimentation, d’une part, de veiller à ce que les entreprises de l’économie sociale et solidaire respectent les orientations de l’expérimentation et, d’autre part, de procurer l’appui et l’accompagnement nécessaires à ces entreprises ainsi qu’aux collectivités territoriales, aux établissements publics de coopération intercommunale et aux groupes de collectivités territoriales volontaires (article 10, I).
  • [105]
    A. Fretel, F. Jany-Catrice (dir.), « Une analyse de la mise en œuvre du programme expérimental visant à la résorption du chômage de longue durée dans le territoire urbain de la Métropole de Lille », op. cit., p. 48 (les auteures relèvent notamment la difficulté de l’implication à mesure que l’effectif de l’organisation augmente).
  • [106]
    M. Béraud, J.-P. Higelé, « “Territoire zéro chômeur de longue durée” », op. cit. (ces auteurs présentent brillamment ce problème, sous-jacent du projet, qui reste tiraillé entre une conception du droit à l’emploi – il est ainsi nommé en France – comme droit à un employeur capable d’assurer l’accès à une sécurité d’existence et une conception émancipatrice, qui privilégie d’abord l’autonomie du travailleur : cf. ibidem, § 7).
  • [107]
    Selon Eurostat, « le taux de risque de pauvreté est défini comme la part des personnes ayant un revenu disponible équivalent (après transferts sociaux) inférieur au seuil de risque de pauvreté, fixé à 60 % du revenu disponible équivalent médian national après transferts sociaux ».
  • [108]
    Cf. S. Carpentier, Lost in Transition? Essays on the Socio-Economic Trajectories of Social Assistance Beneficiaries in Belgium, Universiteit Antwerpen, Département Sociologie, 2016 (en analysant les trajectoires d’une cohorte de bénéficiaires de l’aide sociale au cours des quatre ans suivant leur première demande d’aide au CPAS, cette auteure montre que ce parcours est fait d’allers et retours entre l’aide sociale ou le revenu d’intégration et différents statuts, parmi lesquels celui de travailleur salarié, mais aussi d’invalide, de chômeur ou encore de « lost in transition », c’est-à-dire de personne sans statut qui n’apparaît plus dans les banques de données sociales).
  • [109]
    B. Garbarczyk, « Entre insertion professionnelle et émancipation sociale : quels nouveaux défis pour les CISP ? », Solidarité des alternatives wallonnes et bruxelloises (SAW-B), 2015, www.saw-b.be, p. 3.
  • [110]
    Cf. la loi du 8 juillet 1976 précitée, article 56, § 3.
  • [111]
    Dans le cas de l’article 60, cela implique parfois la perte d’un certain nombre d’avantages sociaux octroyés aux seuls bénéficiaires des aides sociales (au sens large). L’attention portée à ce phénomène dit des « pièges à l’emploi » a conduit à adapter différentes réglementations de manière à ce que l’accès au travail ne soit pas pénalisé (cf., à titre d’exemple, l’arrêté royal du 15 janvier 2014 relatif à l’intervention majorée de l’assurance visée à l’article 37, § 19, de la loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, Moniteur belge, 29 janvier 2014). La question est complexe et on ne peut pas affirmer que tous les pièges à l’emploi ont été éradiqués.
  • [112]
    Cf. P. Blaise, « Le chômage en Belgique », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1182-1183, 1987, p. 34.
  • [113]
    Cf., par exemple, la durée du contrat prévue par l’arrêté royal du 4 septembre 2002 déterminant les conditions d’octroi de la subvention, accordée aux centres publics d’aide sociale, pour une occupation en application de l’article 60, § 7, de la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d’aide sociale, d’un ayant droit à l’intégration sociale qui est mis à disposition d’une entreprise privée (Moniteur belge, 2 octobre 2002).
  • [114]
    Contra : la Cour Constitutionnelle affirme que la personne perd son emploi dès qu’elle est en mesure de prétendre à une prestation sociale, sans fonder légalement l’absence d’obligation pour le CPAS de respecter un préavis (Cour constitutionnelle, Arrêt n° 5/2004, 14 janvier 2004, B.12.4).
  • [115]
    Le CPAS doit cependant respecter les conditions de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail (Moniteur belge, 22 août 1978) et, plus généralement, les dispositions relatives à la fin du contrat de travail (cf. Tribunal du travail du Hainaut, Division de Tournai, 4 octobre 2019, RG n° 18/177/A).
  • [116]
    C. Caldarini, « De l’article 60 à l’emploi d’insertion », op. cit., p. 19.
  • [117]
    M. Sylin, R. Maes, « Les politiques d’activation sont-elles durables ? Le cas des “articles 60 § 7” en Belgique », Travail, emploi, formation, n° 10, 2012, p. 54.
  • [118]
    « Découvrir l’expérimentation. Les fondements », www.tzcld.fr.
  • [119]
    Loi n° 2016-231 du 29 février 2016 précitée, article 4, I. Cf. aussi P.-Y. Verkindt, « L’expérimentation “territoires zéro chômeur de longue durée” », op. cit., p. 42 (pour cet auteur, il s’agit d’un élément clé permettant l’intégration future sur le « marché principal du travail »).
  • [120]
    Comme déjà signalé, la prolongation de l’expérimentation vient d’être décidée par la loi n° 2020-1577 du 14 décembre 2020 précitée.
  • [121]
    Loi n° 2016-231 du 29 février 2016 précitée, article 6. La loi prévoit des modalités spécifiques de licenciement (assimilation au licenciement pour motif économique) en cas d’interruption des financements.
  • [122]
    F. Jany-Catrice, L. Nirello, « Une politique sociale locale consolidée par “la mobilisation territoriale” », op. cit., p. 191 ; A. Fretel, F. Jany-Catrice (dir.), « Une analyse de la mise en œuvre du programme expérimental visant à la résorption du chômage de longue durée dans le territoire urbain de la Métropole de Lille », op. cit., p. 34.
  • [123]
    O. Bouba Olga (dir.), « Expérimentation Territoire zéro chômeur de longue durée », op. cit., p. 43.
  • [124]
    Loi n° 2016-231 du 29 février 2016 précitée, article 4.
  • [125]
    Par contre, la législation n’envisage pas les allers et retours volontaires vers les systèmes de protection sociale, pour les travailleurs qui souhaiteraient par exemple suspendre temporairement leur participation à l’initiative. Sur cette question, la mesure TZCLD reste dominée par une idée de « travail comme devoir » : celui-ci est privilégié, et la sécurité sociale n’est envisagée qu’à titre subsidiaire, de remplacement, et non en accès universel. Sur ce point, l’article 60 est plus ambigu : vise-t-il en premier lieu l’ouverture des droits sociaux (mais sous couvert de « disposition au travail ») ou plutôt l’accès, indirect, à l’intégration professionnelle ?
  • [126]
    P.-Y. Verkindt, « L’expérimentation “territoires zéro chômeur de longue durée” », op. cit., p. 45.
  • [127]
    Loi du 24 décembre 1999 précitée, article 120 (cf. supra).
  • [128]
    Loi du 26 mai 2002 précitée, article 10, alinéa 2 (pour les moins de 25 ans) et article 13, § 4, alinéa 2 (pour les plus de 25 ans). Avec application, sous certaines conditions, d’une exonération socio-professionnelle de sorte que les revenus seront globalement supérieurs au revenu d’intégration : cf. l’arrêté royal du 11 juillet 2002 portant règlement général en matière de droit à l’intégration sociale (Moniteur belge, 31 juillet 2002), article 35.
  • [129]
    F. Bouquelle, C. Maes, K. Stangherlin, « Nature et formes des droits à l’intégration sociale et à l’aide sociale », op. cit., p. 39-40.
  • [130]
    C’est l’un des six principes fondamentaux de l’initiative (« Découvrir l’expérimentation. Les fondements », www.tzcld.fr).
  • [131]
    La proportion est de 30 % en général (O. Bouba Olga (dir.), « Expérimentation Territoire zéro chômeur de longue durée », op. cit., p. 42), de 32,4 % dont trois quarts de femmes à Lille (A. Fretel, F. Jany-Catrice (dir.), « Une analyse de la mise en œuvre du programme expérimental visant à la résorption du chômage de longue durée dans le territoire urbain de la Métropole de Lille », op. cit., p. 35) et de 50 % des travailleurs à Loos-lez-Lille (P. Lorent, « Ces “territoires zéro chômeur” qui fascinent la Wallonie et Bruxelles », Le Soir en ligne, 12 février 2020, https://plus.lesoir.be).
  • [132]
    Loi n° 2016-231 du 29 février 2016 précitée, article 4, I.
  • [133]
    Chambre des représentants, Projet de loi concernant le droit à l’intégration sociale, n° 1603/1, 23 janvier 2002, p. 15. L’affirmation dans les travaux préparatoires de l’application du RMMMG mérite d’être discutée ; dans la mesure où ce salaire minimum résulte d’une convention collective de travail (CCT) conclue au sein du Conseil national du travail (CNT), il ne s’applique qu’aux entreprises soumises à la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires (Moniteur belge, 15 janvier 1969), ce qui n’est pas le cas des CPAS.
  • [134]
    P. Lenancker, « Expérimentation “Territoires zéro chômage de longue durée” : conditions de réussite », Avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE), 2015, www.vie-publique.fr, p. 42.
  • [135]
    N. Gunduz, « La remise au travail “article 60” », op. cit., p. 22.
  • [136]
    Ibidem. Au 1er janvier 2019, 63 % des CPAS wallons faisaient usage d’un barème du secteur public et 37 % du RMMMG ou d’autres minima sectoriels pour le travail en article 60 (M. Castaigne, « Radioscopie 2020 des politiques d’insertion menées dans les CPAS wallons. Chiffres au 1er janvier 2019 », UVCW, Fédération des CPAS, www.uvcw.be, p. 34). Pour un aperçu du niveau de qualification des travailleurs, cf. ibidem, p. 37.
  • [137]
    A. Fretel, F. Jany-Catrice (dir.), « Une analyse de la mise en œuvre du programme expérimental visant à la résorption du chômage de longue durée dans le territoire urbain de la Métropole de Lille », op. cit., p. 35 ; J. Charles, É. Dermine, P. Hermant, « Territoires zéro chômeur de longue durée en Belgique », op. cit. (ces auteurs en font un critère d’évaluation pour la transposition en droit belge).
  • [138]
    A. Fretel, F. Jany-Catrice (dir.), « Une analyse de la mise en œuvre du programme expérimental visant à la résorption du chômage de longue durée dans le territoire urbain de la Métropole de Lille », op. cit., p. 34.
  • [139]
    Ibidem.
  • [140]
    On pense à la pratique des « stages non rémunérés en préparation d’un contrat article 60 », née dans les années 1990 et aujourd’hui révolue (cf. S. Roberti, « Aide sociale et mise au travail », op. cit., p. 14).
  • [141]
    Ordonnance bruxelloise du 28 mars 2019 précitée. Les modalités de mise en œuvre du plan de compétences sont à trouver dans l’arrêté du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 23 mai 2019 précité. Cette orientation est conforme à la position de Stéphane Roberti, ancien président du CPAS de Forest (Écolo), qui souhaite que l’article 60 devienne ou redevienne (l’auteur préconise un retour vers la philosophie universaliste originale) « une formation sur mesure assortie d’un salaire et ouvrant le droit à la sécurité sociale » (S. Roberti, « Aide sociale et mise au travail », op. cit., p. 15).
  • [142]
    Le Code du travail français (L.6323-1 et suivants) consacre le droit à la formation, sous la forme du compte individuel de formation (précédemment, droit individuel à la formation). Nous n’avons pas relevé dans les études auxquelles nous avons eu accès d’indication particulière sur la manière dont les travailleurs des EBE font usage du droit général consacré par le Code. Ce que nous entendons souligner ici, c’est que, indépendamment de ce que prévoit le Code, les EBE ne semblent pas en mesure ou n’affichent pas comme priorité d’accentuer la dimension qualifiante de l’emploi créé.
  • [143]
    « Découvrir l’expérimentation. Les fondements », www.tzcld.fr.
  • [144]
    Loi n° 2016-231 du 29 février 2016 précitée, article 1er, III, alinéa 2.
  • [145]
    O. Bouba Olga (dir.), « Expérimentation Territoire zéro chômeur de longue durée », op. cit., p. 61.
  • [146]
    Ibidem, p. 61.
  • [147]
    Le marché du travail ne s’arrête pas aux portes du secteur privé. Les emplois publics sont, eux aussi, offerts sur ce marché très particulier. Évidemment, alors que la création et les suppressions d’emplois dans le secteur privé sont quasi exclusivement dictées par des exigences de productivité, l’autorité publique est susceptible de faire coexister ces exigences avec d’autres, notamment celle de rencontrer les besoins des citoyens. Cependant, la prédominance d’idées libérales néoclassiques a produit une colonisation de l’emploi public par les logiques privées – ce que montre bien le recours systématisé au contrat de travail dans le secteur public.
  • [148]
    Pour une approche critique du besoin fréquemment constaté d’offrir des justifications chiffrées, cf. A. Supiot, La gouvernance par les nombres. Cours au Collège de France (2012-2014), Paris, Fayard, 2015.
  • [149]
    Loi du 22 décembre 1995 précitée, article 33. Il s’agit d’une réduction groupe cible qui, comme les autres réductions de ce type, a été régionalisée à l’occasion de la sixième réforme de l’État. En Région flamande, la réduction a été supprimée par le décret flamand du 9 décembre 2016 précité.
  • [150]
    En règle, le bénéfice tiré de l’exonération doit être affecté à l’insertion socio-professionnelle (cf. l’arrêté royal du 2 avril 1998 portant exécution de l’article 33 de la loi du 22 décembre 1995 portant des mesures visant à exécuter le plan pluriannuel pour l’emploi, Moniteur belge, 11 avril 1998).
  • [151]
    Cf. Association de la ville et des communes de la Région de Bruxelles-Capitale (AVCB), Section CPAS, « Emplois subventionnés en CPAS : “l’article 60, § 7, LO” : “… de la voie vers le chômage à la voie vers l’emploi…” », 2007, p. 23.
  • [152]
    Loi du 26 mai 2002 précitée, articles 37 et 38.
  • [153]
    Arrêté royal du 4 septembre 2002 précité, article 1er, alinéa 1, 2°. En Région bruxelloise, tous les utilisateurs externes sont susceptibles de devoir payer une contribution, mais les associations et les entreprises sociales agréées sont susceptibles d’être exonérées (cf. l’arrêté du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 23 mai 2019 précité, articles 8 et 9).
  • [154]
    C. Caldarini, « De l’article 60 à l’emploi d’insertion. Première analyse des données à Schaerbeek et dans les 19 CPAS de la Région de Bruxelles-Capitale », Observatoire du social du CPAS de Schaerbeek, Focus 1, 2020, p. 19.
  • [155]
    S. Lemaître, « Les politiques d’insertion socio-professionnelle des CPAS wallons. Perceptions et commentaires des bénéficiaires », UVCW, Fédération des CPAS, 2003, p. 10.
  • [156]
    C’est l’une des trois hypothèses énoncées : « Ce n’est pas l’argent qui manque » (« Découvrir l’expérimentation. Les fondements », www.tzcld.fr).
  • [157]
    « Découvrir l’expérimentation. Le modèle économique », www.tzcld.fr.
  • [158]
    Loi n° 2016-231 du 29 février 2016 précitée, article 1er : « [L’expérimentation] est mise en place avec le concours financier de l’État, des collectivités territoriales volontaires, des établissements publics de coopération intercommunale volontaires (…) et d’organismes publics et privés volontaires susceptibles de tirer un bénéfice financier de ces embauches, avec pour objectif que ce bénéfice soit supérieur au coût du dispositif ».
  • [159]
    P. Valentin (dir.), « Demande d’expérimentation ATD Quart Monde : Territoires zéro chômeur de longue durée. Annexe n° 3 - Synthèse. Étude macro-économique sur le coût de la privation durable d’emploi », ATD Quart Monde, 2015, www.atd-quartmonde.fr.
  • [160]
    C. Abrossimov, D. Prost, « Étude macro-économique sur le coût de la privation durable d’emploi », TZCLD, 2017, www.tzcld.fr.
  • [161]
    Pour une étude comparative couvrant l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, la France, le Royaume-Uni et la Suède, cf. G. Maarten, D. Valsamis, W. Van der Beken, « Pourquoi investir dans l’emploi ? Une étude sur le coût du chômage », Étude pour la Fédération européenne des services à la personne (EFSI), IDEA Consult, 2012.
  • [162]
    M. Fontaine, M. Rennoir, I. Tojerow, « Étude des conditions budgétaires liées à la mise en place d’un dispositif “Territoire zéro chômeur de longue durée” (TZCLD) en Région de Bruxelles-Capitale », ULB, Département d’Économie appliquée (DULBEA), 2020, https://dulbea.ulb.be, p. 1 (cf. aussi p. 4).
  • [163]
    Ibidem, p. 1 (cf. aussi p. 4).
  • [164]
    O. Bouba Olga (dir.), « Expérimentation Territoire zéro chômeur de longue durée », op. cit., p. 64-69. Cf. aussi F. Allot, A. Perrot, G. Lallemand-Kirche, « L’évaluation économique de l’expérimentation visant à résorber le chômage de longue durée (ETCLD) », op. cit.
  • [165]
    Cf. O. Bouba Olga (dir.), « Expérimentation Territoire zéro chômeur de longue durée », op. cit., p. 66.
  • [166]
    O. Bouba Olga (dir.), « Expérimentation Territoire zéro chômeur de longue durée », op. cit., p. 7.
  • [167]
    A. Fretel, F. Jany-Catrice (dir.), « Une analyse de la mise en œuvre du programme expérimental visant à la résorption du chômage de longue durée dans le territoire urbain de la Métropole de Lille », op. cit., p. 64.
  • [168]
    « Découvrir l’expérimentation. Les fondements », www.tzcld.fr. La loi n° 2016-231 du 29 février 2016 précitée indique que les EBE exercent « des activités économiques pérennes » (article 1er, I) et envisage une modalisation du financement « en fonction de l’évolution de la situation économique de l’entreprise » (article 4).
  • [169]
    O. Bouba Olga (dir.), « Expérimentation Territoire zéro chômeur de longue durée », op. cit., p. 47.
  • [170]
    Ibidem, p. 49.
  • [171]
    Cf. E. Hatton, « Mechanisms of Invisibility: Rethinking the Concept of Invisible Work », Work, Employment and Society, n° 31, 2017, p. 336-351. À cette absence de reconnaissance économique, souvent corrélée à la condition que le travail soit cantonné à la sphère privée, correspond le plus souvent l’absence ou l’insuffisance de reconnaissance de droits sociaux fondamentaux.
  • [172]
    M. Béraud, J.-M. Harribey, J.-P. Higelé, D. Lang, « Territoires zéro chômeur de longue durée. En réponse à Pierre Cahuc », Mediapart, 28 octobre 2019, https://blogs.mediapart.fr. Les auteurs évoquent encore « l’effet multiplicateur en termes de création d’emplois en dehors des EBE ». Ils écrivent : « On peut (…) considérer qu’à l’échelle des territoires où elle se déploie, l’expérimentation puisse favoriser un développement vertueux et dynamique (plus de production, plus de revenus, plus de consommation), effets qui s’exprimeront sans doute sur un plus long terme (rappelons que les premières embauches ont été réalisées en janvier 2017) et dont l’évaluation reste en cours. À la différence des dispositifs sociaux-fiscaux qui subventionnent des employeurs, plutôt que des emplois, l’expérimentation subventionne des emplois dont la création n’est pas subordonnée au marché, mais au contraire à forte contribution sociale. Les emplois créés voient leur utilité sociale validée par les acteurs organisant l’expérimentation (comités locaux, salariés, élus, citoyens, etc.) et servent en cela des objectifs plus larges que ceux poursuivis par les entreprises du secteur marchand ».
  • [173]
    Loi n° 2016-231 du 29 février 2016 précitée, article 1er. Cet article renvoie en cela à la loi n° 2015-411 du 13 avril 2015 visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques (Journal officiel de la République française, 14 avril 2015) ; lesdits indicateurs comprennent notamment des « indicateurs d’inégalités, de qualité de vie et de développement durable ».
  • [174]
    Cf. la loi n° 2016-231 du 29 février 2016 précitée, article 1er.
  • [175]
    En Région flamande, il a été question de fusionner CPAS et communes ; le projet a été abandonné pour des raisons légistiques. Toutefois, le décret flamand du 22 décembre 2017 sur l’administration locale (Moniteur belge, 15 février 2008) prévoit que les membres du conseil communal et du collège des bourgmestre et échevins assument une double fonction, étant organes à la fois de la commune et du CPAS.
  • [176]
    Cf. aussi l’article 117 de la nouvelle loi communale du 24 juin 1988 (Moniteur belge, 3 septembre 1988) ; selon cette disposition, le conseil communal « règle tout ce qui est d’intérêt communal ».
  • [177]
    L.-M. Bataille, « L’intérêt communal n’est heureusement pas défini par la Constitution », UVCW, 11 juin 2004, www.uvcw.be.
  • [178]
    Décret wallon du 14 décembre 2006 relatif à l’agrément et au subventionnement des “Initiatives de développement de l’emploi dans le secteur des services de proximité à finalité sociale”, en abrégé “IDESS” (Moniteur belge, 5 janvier 2007). Cf. aussi l’arrêté du gouvernement wallon du 21 juin 2007 portant exécution du décret du 14 décembre 2006 précité (Moniteur belge, 19 juillet 2007) et le décret-programme wallon du 17 juillet 2018 portant des mesures diverses en matière d’emploi, de formation, d’économie, d’industrie, de recherche, d’innovation, de numérique, d’environnement, de transition écologique, d’aménagement du territoire, de travaux publics, de mobilité et de transports, d’énergie, de climat, de politique aéroportuaire, de tourisme, d’agriculture, de nature, de forêt, des pouvoirs locaux et de logement (Moniteur belge, 8 octobre 2018).
  • [179]
    Au sens de l’ordonnance bruxelloise du 23 juillet 2018 relative à l’agrément et au soutien des entreprises sociales (Moniteur belge, 18 septembre 2018), une entreprise sociale est une entreprise qui met en œuvre un projet économique, tout en poursuivant une finalité sociale et en exerçant une gouvernance démocratique dans sa manière de fonctionner.
  • [180]
    Arrêté royal du 14 novembre 2002 portant octroi d’une subvention majorée de l’État aux centres publics d’aide sociale pour des initiatives spécifiques d’insertion sociale dans l’économie sociale pour des ayants droit à une aide sociale financière (Moniteur belge, 29 novembre 2002), articles 2 à 5.
  • [181]
    « Découvrir l’expérimentation. Les fondements », www.tzcld.fr.
  • [182]
    Loi n° 2016-231 du 29 février 2016 précitée, article 1er. La nouvelle loi n° 2020-1577 du 14 décembre 2020 précitée (article 9, VII) ajoute d’ailleurs cette mission parmi celles dévolues au comité local : celui-ci « promeut le conventionnement d’entreprises existantes ou la création d’entreprises (…) en veillant au caractère supplémentaire des emplois ainsi créés par rapport à ceux existant sur le territoire ».
  • [183]
    Sur la question de savoir si les subventions accordées dans le cadre des projets d’accès au travail constituent des aides d’État au sens des règlements européens, cf. J.-F. Neven, É. Dermine, A. Mechelynck, « Importer l’expérience française “Territoire zéro chômeur de longue durée” en Région de Bruxelles-Capitale », op. cit., p. 23-29.
  • [184]
    O. Bouba Olga (dir.), « Expérimentation Territoire zéro chômeur de longue durée », op. cit., p. 7-8.
  • [185]
    Cf. la loi n° 2016-231 du 29 février 2016 précitée, article 3, II.
  • [186]
    Décret n° 2016-1027 du 27 juillet 2016 précité, article 20.
  • [187]
    Cf. l’énumération des missions dans le décret n° 2016-1027 du 27 juillet 2016 précité, article 21.
  • [188]
    Loi n° 2016-231 du 29 février 2016 précitée, article 3, II.
  • [189]
    Décret n° 2016-1027 du 27 juillet 2016 précité, article 5, 8°. Sur les missions et la composition de ce Fonds, cf. la loi n° 2016-231 du 29 février 2016 précitée, article 3, I. Ce Fonds participe à la sélection des dix territoires participants et assure le financement d’une « fraction du montant de la rémunération des personnes » engagées par les entreprises à but d’emploi. Le Fonds est géré par une association dont le conseil d’administration est composé des interlocuteurs sociaux, de représentants des autorités publiques (État et associations représentatives des collectivités) et de différents conseils consultatifs ; chaque comité local y dispose également d’un siège. La nouvelle loi n° 2020-1577 du 14 décembre 2020 précitée y accorde un siège au président du conseil départemental ; ce dernier doit d’ailleurs donner son accord pour qu’un territoire situé dans sa juridiction puisse déposer sa candidature à l’expérimentation (article 10, I et II) et il signe les conventions liant les entreprises au fonds d’expérimentation (article 11, I). Cela s’explique par la participation, désormais requise, des départements au financement des initiatives développées sur leur territoire.
  • [190]
    O. Bouba Olga (dir.), « Expérimentation Territoire zéro chômeur de longue durée », op. cit., p. 27-28.
  • [191]
    A. Fretel, F. Jany-Catrice (dir.), « Une analyse de la mise en œuvre du programme expérimental visant à la résorption du chômage de longue durée dans le territoire urbain de la Métropole de Lille », op. cit., p. 69.
  • [192]
    « Découvrir l’expérimentation. Les fondements », www.tzcld.fr.
  • [193]
    Dans ce sens, cf. H. De Bolster, « Territoire zéro chômeur de longue durée : bien plus que de l’emploi ! », op. cit., p. 12-13.
  • [194]
    O. Bouba Olga (dir.), « Expérimentation Territoire zéro chômeur de longue durée », op. cit., p. 7-8.
  • [195]
    A. Fretel, F. Jany-Catrice (dir.), « Une analyse de la mise en œuvre du programme expérimental visant à la résorption du chômage de longue durée dans le territoire urbain de la Métropole de Lille », op. cit., p. 50-51 (à propos des stratégies coopératives).
  • [196]
    F. Crouzatier-Durand, « Réflexions sur le concept d’expérimentation législative », op. cit., p. 675.
  • [197]
    Ibidem, p. 677.
  • [198]
    Ibidem, p. 680.
  • [199]
    En particulier, R. Unger, Democracy Realized, New York, Verso, 2001 ; C. Sabel, « Dewey, Democracy, and Democractic Experimentalism », Contemporary Pragmatism, volume 9, n° 2, 2012, p. 35-55.
  • [200]
    Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République (Journal officiel de la République française, 29 mars 2003), article 3.
  • [201]
    Constitution française, article 72, alinéa 4 : « Dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l’a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences ». Cf. aussi la loi organique n° 2003-704 du 1er août 2003 relative à l’expérimentation par les collectivités territoriales (Journal officiel de la République française, 2 août 2003).
  • [202]
    Loi n° 2016-231 du 29 février 2016 précitée, article 1er, II à IV. Ainsi, la loi a récemment été évaluée par l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale des affaires sociales (F. Allot, A. Perrot, G. Lallemand-Kirche, « L’évaluation économique de l’expérimentation visant à résorber le chômage de longue durée (ETCLD) », op. cit.), par le comité scientifique institué en vertu de la loi (O. Bouba Olga (dir.), « Expérimentation Territoire zéro chômeur de longue durée », op. cit.), et par le Fonds d’expérimentation territoriale et l’association TZCLD (L. Grandguillaume, L. Gallois (dir.), « Rapport d’analyse », op. cit.). Le rapport scientifique a été préparé par des enquêtes qualitatives portant sur quatre territoires (cf. supra et, en particulier, A. Fretel, F. Jany-Catrice (dir.), « Une analyse de la mise en œuvre du programme expérimental visant à la résorption du chômage de longue durée dans le territoire urbain de la Métropole de Lille », op. cit.).
  • [203]
    J. Charles, É. Dermine, P. Hermant, « Territoires zéro chômeur de longue durée en Belgique », op. cit. (suite à plusieurs réunions auxquelles ont assisté chercheurs et acteurs de terrain, ces auteurs définissent ce que pourraient être ces finalités dans la version belge).
  • [204]
    F. Crouzatier-Durand, « Réflexions sur le concept d’expérimentation législative », op. cit., p. 687.
  • [205]
    M. Miné, Droit des discriminations dans l’emploi et le travail, Bruxelles, Larcier, 2016, p. 118-128. Cf. aussi le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), article 157, § 4 : « Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l’égalité de traitement n’empêche pas un État membre de maintenir ou d’adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l’exercice d’une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle ».
  • [206]
    A. Fretel, F. Jany-Catrice (dir.), « Une analyse de la mise en œuvre du programme expérimental visant à la résorption du chômage de longue durée dans le territoire urbain de la Métropole de Lille », op. cit., p. 55-56.
  • [207]
    Selon différents auteurs, cette composante est déjà inscrite dans le droit au travail. Cf. É. Dermine, A. Eleveld, « Constructing a Human Rights Framework for the Evaluation of Mandatory Work Programmes », International Journal of Law in Context, soumis pour publication, p. 5-6 ; É. Dermine, V. De Greef, « Le droit au travail librement entrepris (article 1er, § 2, de la CSE) face aux situations de travail non protégées par le droit social », op. cit., p. 317-319. Ces auteures suggèrent que « la question de la qualité de l’emploi ne constitue pas une composante distincte du droit au travail. Il s’agit d’une voie concrète de réalisation du droit au travail dans sa dimension de liberté ». Elles se réfèrent à la quasi-jurisprudence de l’OIT et du CESCR qui suggère que le droit au travail contient l’idée de qualité des emplois, la protection sociale et les protections du travail étant des vecteurs concrets de sécurisation du droit au travail librement choisi.
  • [208]
    À cet égard d’ailleurs, l’accès à la sécurité sociale reste visé comme un droit subsidiaire, le travail reste conçu comme un devoir citoyen. Sur ce sujet, cf. É. Dermine, Droit au travail et politiques d’activation des personnes sans emploi, op. cit., p. 103.
  • [209]
    Chambre des représentants, Proposition de révision de la Constitution. Révision du titre II de la Constitution, par l’insertion d’un article 24bis relatif aux droits économiques et sociaux, n° 381/1, 3 avril 1992, p. 10.
  • [210]
    Rappelons que c’est le choix opéré par les porteurs du projet initial (« Découvrir l’expérimentation. Les fondements », www.tzcld.fr). Sur la fonction intrinsèque du travail qui doit permettre de se réaliser et de s’épanouir, cf. les travaux préparatoires de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH, 10 décembre 1948), de la Charte sociale européenne (CSE, 18 octobre 1961) et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC, 16 décembre 1966) cités par É. Dermine, Droit au travail et politiques d’activation des personnes sans emploi, op. cit., p. 108-111.
  • [211]
    Confédération européenne des syndicats (CES), « Résolution de la CES : Stratégie pour davantage de démocratie au travail », 20 mars 2018, www.etuc.org.
  • [212]
    Moniteur belge, 27 septembre 1948.
  • [213]
    Chambre des représentants, Projet de loi portant organisation de l’économie, n° 50, 3 décembre 1947, p. 4.
  • [214]
    Pour une autre tentative de combiner de manière innovante autonomie du travail et protections du salariat, cf. le cas de la coopérative SMart : J. Charles, I. Ferreras, A. Lamine, « A Freelancers’ Cooperative as a Case of Democratic Institutional Experimentation for Better Work: A Case Study of SMart-Belgium », Transfer. European Review of Labour and Research, volume 26, n° 2, 2020, p. 157-174 ; S. Capiau, A. Lamine, « Le cas d’une coopérative de travailleurs autonomes », in D. Dumont, A. Lamine, J.-B. Maisin (dir.), Le droit de négociation collective des travailleurs indépendants. Cadrages théoriques et études de cas, Bruxelles, Larcier, 2020, p. 223-289.
  • [215]
    É. Dermine, Droit au travail et politiques d’activation des personnes sans emploi, op. cit., n° 521 et suivants ; É. Dermine, D. Dumont, « Le droit social et le productivisme. Droit de la croissance ou droit de l’autonomie ? Une cartographie du rapport de force », in A. Bailleux (dir.), Le droit en transition. Les clés juridiques d’une prospérité sans croissance, Bruxelles, Presses de l’Université Saint-Louis, 2020, p. 207-244.
  1. Introduction
  2. 1. Éléments constitutifs de l’analyse
    1. 1.1. Présentation de la mesure « Territoire zéro chômeur de longue durée »
    2. 1.2. L’agent de contraste : l’article 60, § 7, de la loi du 8 juillet 1976 organique des CPAS
    3. 1.3. Renforcer l’effectivité du droit au travail ?
  3. 2. Analyse critique des promesses dont la mesure TZCLD est porteuse
    1. 2.1. Permettre au travailleur d’entreprendre librement son travail
      1. 2.1.1. Le choix de travailler
      2. 2.1.2. Le choix de ne pas travailler
    2. 2.2. Permettre au travailleur de définir le contenu de son travail
    3. 2.3. Assurer au travailleur une stabilité professionnelle
      1. 2.3.1. Durée du contrat de travail
      2. 2.3.2. Régime de travail
      3. 2.3.3. Rémunérations minimales
      4. 2.3.4. Accès à la formation et perspectives de carrière
    4. 2.4. Une opération neutre pour les finances publiques
      1. 2.4.1. Les dépenses publiques de mise au travail considérées comme un surcoût devant être maîtrisé
      2. 2.4.2. La mise au travail envisagée comme une mesure sans surcoût significatif
      3. 2.4.3. S’émanciper du besoin de justification ?
    5. 2.5. Le développement d’une économie alignée sur les besoins locaux
      1. 2.5.1. Besoins locaux, principe de non-concurrence et activités hors marchés
      2. 2.5.2. Gouvernance et délibération des besoins locaux
    6. 2.6. Une méthode juridique expérimentale
  4. 3. Bilan provisoire et perspectives
    1. 3.1. Renforcer l’effectivité du droit au travail et élargir le champ de ce droit
    2. 3.2. Replacer le droit au travail dans l’horizon de la démocratisation de l’économie
Auriane Lamine
Jean-François Neven
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
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Le projet « Territoire zéro chômeur de longue durée » (TZCLD) a pour objectif d’offrir un accès au travail à des personnes qui en sont très éloignées. Né en France il y a une dizaine d’années, il y a reçu un caractère légal en 2016. En Belgique, et notamment dans la région de Charleroi et en province de Luxembourg, divers acteurs de la société civile réclament l’importation de ce dispositif français. Répondant à leur appel, le gouvernement bruxellois Vervoort III, le gouvernement wallon Di Rupo III et le gouvernement fédéral De Croo ont chacun fait part de leur volonté de développer une telle approche. Cependant, l’unanimité n’est pas de mise. Certains, dans les rangs politiques ou de l’accompagnement des demandeurs d’emploi, considèrent que le droit belge comprend déjà des mesures semblables.

Dans quelle mesure le projet TZCLD est-il réellement innovant ? Et quelles leçons tirer de l’expérience française pour qu’une mise en œuvre en Belgique soit à la hauteur des ambitions affichées ?

Pour répondre à ces questions, ce Courrier hebdomadaire déploie une méthode originale. Il utilise un « agent de contraste » qui, issu de l’ordre juridique belge, partage de nombreuses caractéristiques communes avec la mesure TZCLD : l’article 60, § 7, de la loi organique des centres publics d’action sociale (CPAS) du 8 juillet 1976. Il en ressort que le projet TZCLD apparaît susceptible de renforcer l’effectivité du droit au travail en le replaçant dans un horizon de démocratisation de l’économie.

Mis en ligne sur Cairn.info le 26/05/2021
https://doi.org/10.3917/cris.2493.0005
ISBN 9782870752623
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