CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1L’une des quatre libertés fondamentales dont bénéficient les citoyens de l’Union européenne est la liberté de circulation  [1]. Cette liberté comprend à la fois le droit d’entrer et de séjourner dans un autre État membre et le droit d’y être traité sur un pied d’égalité avec les ressortissants nationaux.

2Pour les travailleurs, cela signifie la possibilité de se rendre dans un autre État membre et d’y travailler ou d’y chercher du travail aux mêmes conditions, en principe, que les travailleurs nationaux. Cela implique donc l’élimination de toute discrimination fondée sur la nationalité en ce qui concerne l’accès à l’emploi, la rémunération et les autres conditions d’emploi et de travail. En effet, les ressortissants d’un État membre travaillant sur le territoire d’un autre État membre doivent pouvoir bénéficier des mêmes avantages sociaux et fiscaux, des mêmes droits syndicaux et du même accès au logement, à l’éducation et à la formation que les ressortissants de cet État membre.

3En principe, ces droits et ces protections contre la discrimination s’appliquent de la même manière à tous les travailleurs, qu’ils soient permanents, saisonniers ou indépendants. Ils s’appliquent également aux enfants des travailleurs mobiles et aux autres membres de la famille d’un travailleur, indépendamment de leur nationalité, même si ceux-ci sont ressortissants d’un pays qui n’est pas membre de l’Espace économique européen (EEE)  [2]. En revanche, ils ne s’appliquent pas aux travailleurs détachés ; dans ce cas de figure en effet, ce n’est pas le travailleur qui fait usage à titre personnel de son droit à la libre circulation, mais son employeur qui bénéficie de la libre prestation de services lorsqu’il envoie un salarié à l’étranger à titre temporaire  [3].

4Pour rendre la liberté de circulation matériellement possible, des règles spécifiques de « portabilité » de la sécurité sociale ont été établies il y a plus de 60 ans, lors de la fondation de la Communauté économique européenne (CEE)  [4]. Sans avoir pour objectif d’harmoniser les différents systèmes nationaux, ces règles visent, encore aujourd’hui, à permettre aux différents systèmes nationaux de dialoguer entre eux, de sorte qu’une personne qui exerce son droit à la libre circulation ne subisse pas une réduction du montant de ses prestations de sécurité sociale du seul fait qu’elle a exercé ce droit.

5Logiquement, ce corps de règles communautaires a dû s’adapter au fil du temps aux évolutions des marchés du travail, des modes de production et de consommation, de la géopolitique mondiale et, par conséquent, de l’idée même d’État-providence. À l’origine, la liberté de circulation des personnes avait une signification strictement économique et concernait essentiellement les travailleurs salariés. Ce n’est qu’à partir des années 1990 qu’elle a été progressivement étendue à tous les citoyens de l’Union européenne  [5]. Aujourd’hui, la liberté de circulation et de séjour est l’un des attributs de la citoyenneté européenne, découplé en principe de la condition de travailleur ou de non-travailleur.

6Toutefois, cette liberté reste soumise à certaines conditions de ressources, toujours ancrées dans l’originaire pilier économique de la libre circulation des travailleurs. Schématiquement, seules deux catégories de personnes peuvent aujourd’hui exercer pleinement leur droit à la libre circulation au sein de l’EEE : d’une part, celles qui disposent de ressources financières propres, de sorte qu’elles ne dépendront pas de l’aide du pays d’accueil, et, d’autre part, les travailleurs, salariés et non salariés.

7Mais si les ressources économiques peuvent, tout bien considéré, être comptées et vérifiées, le fait de déterminer qui peut ou non revendiquer aujourd’hui d’être un travailleur peut devenir une affaire compliquée. Si l’on pense au travail en intérim, aux contrats à court terme, aux contrats à temps partiel, aux stagiaires, aux petites collaborations occasionnelles, aux plateformes numériques, etc., on ne peut s’empêcher de se demander dans quelle mesure ces règles de protection sociale, conçues pour le travail d’une autre époque, peuvent encore fonctionner aujourd’hui pour des personnes employées dans des relations de travail dites non standards.

8Partons pour cela de deux témoignages, tirés de la réalité  [6]. Monsieur Azmani, 39 ans, arrive en Belgique en 2019 pour travailler pendant un an comme médiateur interculturel, après avoir déjà exercé le même travail en France ; à l’expiration de son contrat, il doit, s’il veut recevoir des allocations de chômage de l’État belge, justifier, en vertu de son âge, d’au moins 468 jours de travail au cours des 36 derniers mois. Tout comme M. Azmani, Madame Kaili, 38 ans, est au chômage après un an de travail en Belgique ; elle aussi est passée antérieurement par un autre pays, l’Italie en l’occurrence, où elle a effectué des périodes de travail auprès d’une administration communale. Dans les deux cas, les périodes de travail accomplies en Belgique ne suffisent pas à elles seules à ouvrir le droit au chômage dans ce pays. Pourtant, M. Azmani touche aujourd’hui son allocation de chômage, alors que Mme Kaili doit compter sur les aides de son centre public d’action sociale (CPAS). La différence entre ces deux personnes réside dans le fait que, en France, M. Azmani a eu un contrat de travail standard, qui lui a ouvert des droits à la sécurité sociale des travailleurs salariés, alors que, en Italie, Mme Kaili a été occupée sous un contrat dit de para-subordination, qui constitue une relation de travail hybride, à mi-chemin entre le salarié et l’indépendant  [7]. En Belgique, l’Office national de l’emploi (ONEM) tient donc compte de toutes les périodes d’emploi de M. Azmani comme si elles avaient été entièrement accomplies en Belgique, alors que, dans le cas de Mme Kaili, il ne prend en considération que les périodes de travail effectivement accomplies en Belgique.

9Mais en quoi la relation de travail entre un salarié et son employeur peut être qualifiée de standard, d’hybride ou d’atypique  [8] ? Pourquoi l’ONEM prend-il certaines fois en compte les périodes de travail effectuées dans d’autres pays et d’autres fois non ? Quelle est aujourd’hui l’étendue des relations de travail atypiques ? Quel impact spécifique le fait de travailler avec des contrats non standards peut-il avoir sur le parcours migratoire d’une personne qui se déplace d’un pays de l’EEE à un autre ? Un emploi atypique peut-il, au bout du compte, constituer un bon tremplin pour une intégration professionnelle plus stable ou, au contraire, comporter un risque de rester enfermé dans une relation de second ordre ?

10Pour trouver des réponses à ces questions et à d’autres, nous tenterons, respectivement dans le premier et le deuxième chapitre du présent Courrier hebdomadaire, de préciser ce que recouvre la notion de « travail atypique » puis de déterminer l’ampleur et le développement de ce phénomène, tant au niveau international qu’en Belgique. Dans la conclusion du deuxième chapitre, le travail atypique sera brièvement mis en relation avec la crise sanitaire et sociale actuelle.

11Dans le troisième chapitre, nous présenterons les principes de base de la législation européenne sur la libre circulation des travailleurs, avec une référence particulière, notamment dans une perspective historique, à la question des droits de sécurité sociale des travailleurs migrants. Ce chapitre montrera que le choix de coordonner les différents systèmes nationaux de sécurité sociale plutôt que de les harmoniser est l’une des causes historiques du phénomène connu aujourd’hui sous le nom de « dumping social »  [9]. Nous citerons à cet égard le premier accord de réciprocité sur les travailleurs migrants, signé entre la France et l’Italie en 1904. Ce chapitre montrera également que ce manque d’harmonisation est l’une des causes de bon nombre des problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs migrants aujourd’hui, en particulier ceux qui travaillent sous des contrats atypiques.

12Par souci d’exhaustivité, ce troisième chapitre devrait également traiter des règles spécifiques en vigueur pour les travailleurs ressortissants des pays tiers, tout comme des conventions et accords bilatéraux avec ces pays. Toutefois, pour des raisons bien compréhensibles de concision et de clarté, il sera centré sur les règles établies par l’Union européenne pour ses propres ressortissants, dans la mesure où celles-ci s’appliquent désormais également aux ressortissants de pays tiers lorsqu’ils se déplacent d’un État membre de l’Union à un autre. C’est d’ailleurs dans cet esprit que des termes ou expressions tels que « migrant », « personne en situation de mobilité », « travailleur migrant » et « travailleur mobile » seront utilisés dans ce Courrier hebdomadaire tant pour les Européens que pour les non-Européens, afin de désigner un seul et unique phénomène de mobilité géographique et sociale, indépendamment de la nationalité et du statut de la personne concernée  [10].

13Dans le quatrième et dernier chapitre, nous identifierons à travers quelques exemples les inconvénients principaux qui peuvent être attribués aux relations de travail atypiques lorsque les personnes sont en situation de mobilité. La plupart de ces exemples sont tirés d’une étude comparative internationale réalisée entre 2012 et 2014 par un groupement d’organisations syndicales (projet Accessor  [11]), dont ce Courrier hebdomadaire constitue, à bien des égards, une sorte de mise à jour. L’analyse qui suit s’inspirera donc librement de ces travaux, mais sans en résumer tous les résultats, pour lesquels il convient de se référer au rapport final  [12]. Une seconde source d’inspiration est constituée par des témoignages, expériences et connaissances qui ont été recueillis sur le terrain, mais qui ne sont pas toujours liés à une publication ou à un travail de recherche au sens académique.

14Dans les conclusions, nous ferons le point sur les effets que le travail atypique peut avoir sur les travailleurs migrants, non sans mettre en balance ces effets avec certaines considérations sociales et politiques plus larges. Nous tâcherons également de répondre à la question de savoir si le travail atypique peut constituer une voie d’insertion professionnelle vers des emplois plus stables, mieux rémunérés et qualitativement plus gratifiants. En effet, le but de la présente étude n’est pas de décourager les personnes qui, pour diverses raisons, seraient amenées à entreprendre un travail atypique, mais de souligner la spécificité de ce type de relation, dont les avantages sont souvent immédiatement apparents, alors que les inconvénients peuvent se manifester trop tard, lorsque les conséquences sur les droits sociaux des personnes sont devenues irréversibles.

1. Définitions des formes atypiques d’emploi

15La question de la diffusion des nouvelles formes de travail est un point de départ intéressant pour observer certains des changements qui se produisent sur le marché du travail, en ce compris dans des pays comme la Belgique où, proportionnellement, l’emploi atypique est encore peu développé. Mais en quoi consiste exactement le travail atypique ?

1.1. Quelques définitions internationales

16Pour le Bureau international du travail (BIT), la notion de « travail atypique » désigne, de manière générale, toutes les formes qui ne relèvent pas d’une relation de subordination type, à savoir à temps plein et à durée indéterminée  [13]. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l’emploi atypique comprend le travail occasionnel ou intermittent, les emplois fournis par une agence de travail intérimaire ou dans le cadre d’un contrat de sous-traitance, les contrats de stagiaire ou d’apprenti, les travailleurs dits indépendants dépendants et, dans quelques pays émergents, les emplois informels  [14].

17Certains acteurs considèrent comme un élément important de la relation de travail type, ou standard, le fait que celle-ci se déroule sur un « lieu de travail » autre que le domicile de l’employé  [15]. Si l’on tient compte de cette dernière caractéristique, un éventail encore plus large de relations entrent dans le champ du travail atypique, y compris toutes les formes de travail à distance qui, au vu de certaines méthodes de lutte contre l’actuelle pandémie de Covid-19, sont peut-être destinées à devenir un élément constitutif de nos sociétés.

18La Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound) établit une distinction entre travail « atypique » et « très atypique »  [16]. D’une part, le travail atypique comprend tous les contrats à durée déterminée, contrats à temps partiel et contrats temporaires (intérimaires). Par dérogation aux règles standards, ce n’est qu’à la fin des années 1980 que ces trois dispositions contractuelles ont commencé à être encadrées par des droits et protections similaires à ceux des contrats standards, par le biais de lois nationales et surtout d’accords-cadres européens, devenus par la suite des directives européennes, notamment l’accord-cadre sur le travail à temps partiel, en 1997  [17], et celui sur le travail à durée déterminée, en 1999  [18]. D’autre part, le travail très atypique comprend le travail à durée déterminée de moins de six mois (very short fixed-term work), le travail à temps partiel de moins de dix heures par semaine (very short part-time work), le travail ne comportant pas de nombre fixe d’heures contractuelles ou effectué pendant les heures de garde (zero hours or on-call work) et le travail sans contrat écrit (non-contract work).

19Les formes de travail très atypiques sont non seulement particulièrement flexibles mais aussi, de par leur nature, extrêmement précaires. Ce sont aussi celles qui échappent le plus facilement à la concertation sociale, et donc à la portée tant des lois nationales que des directives européennes sur la protection de l’emploi. Cela conduit à une mosaïque de situations qui rendent l’accès à la sécurité sociale encore plus difficile lorsque des travailleurs passent d’un système national à un autre.

1.2. Quelques définitions nationales

20Cette mosaïque est bien illustrée dans le projet Accessor, où, pour représenter la situation dans les huit pays participants (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Italie, Royaume-Uni, Slovénie et Suède), chaque rapport national adopte la définition du travail atypique qui semble la mieux adaptée à son propre contexte politique et de relations industrielles  [19].

1.2.1. Allemagne

21Dans le rapport allemand  [20], le terme « atypique » comprend tous les emplois qui ne sont pas couverts par des conventions collectives, ceux pour lesquels les travailleurs n’ont aucune protection contre le licenciement et ceux qui ne permettent pas de penser à la vieillesse sans soutien de l’État.

22En ce sens, selon la Deutscher Gewerkschaftsbund (DGB : Fédération allemande des syndicats), sur près de 30 millions d’emplois en Allemagne, 9 millions sont à considérer comme de nature atypique, notamment en raison de l’augmentation des emplois non protégés entraînée par les « réformes Hartz » (réformes du marché du travail opérées entre 2003 et 2005 sous le mandat du chancelier Gerhard Schröder). Toutefois, précisent les auteurs du rapport, tous les changements ne peuvent être attribués à ces réformes. Depuis 1995 déjà, l’Allemagne est l’un des pays de l’OCDE où la croissance du travail faiblement rémunéré est la plus forte, et où l’on trouve donc de nombreux contrats de travail atypiques et hautement atypiques. Comme il n’existe pas de salaire minimum légal dans ce pays, la tendance à la baisse est particulièrement importante, notamment pour les travailleurs temporaires et pour les travailleurs qui sont sous un contrat à durée déterminée, pour qui le faible revenu correspond également à un manque structurel de sécurité de l’emploi.

1.2.2. Belgique

23Le rapport belge  [21] définit le travail typique comme une relation de travail fondée sur un contrat, rédigé conformément à une loi, conclu entre une personne (le salarié) et une seule entité juridique (l’employeur), dont la durée est indéterminée, avec un aménagement du temps de travail relativement stable, lié à un lieu de travail bien précis et à une carrière programmable, qui ouvre tous les droits en matière de sécurité sociale.

24Par conséquent, le travail atypique consiste en toutes les formes de travail qui s’écartent de cette norme, soit par rapport aux heures travaillées, soit par la localisation géographique du travail, soit encore par le degré de subordination. Sont notamment visés le travail intérimaire, les contrats dérogeant à l’interdiction de mise à disposition de travailleurs à des tiers (loi du 24 juillet 1987 sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à la disposition d’utilisateurs  [22]), le travail nettement défini, le travail étudiant, les contrats de stage et d’apprentissage, les titres-services et le (faux) travail indépendant.

25Selon les auteurs du rapport, l’expansion du travail atypique a commencé en Belgique à la fin des années 1990, s’est stabilisée dans les années 2000 et concerne aujourd’hui principalement les femmes, les jeunes et les personnes de plus de 50 ans. Le travail temporaire et le travail à temps partiel sont aujourd’hui les formes les plus courantes de travail atypique.

26Malgré une certaine augmentation, ces contrats ne concernent qu’une minorité de travailleurs, neuf salariés sur dix étant toujours employés sous un contrat à durée indéterminée (CDI). Par ailleurs, la Belgique se distingue par son recours intensif aux contrats temporaires de très courte durée (cf., infra, les données d’Eurostat sur l’emploi de très courte durée)  [23].

27Les femmes sont principalement concernées par le travail à temps partiel. L’existence de divers dispositifs permettant la réduction volontaire du temps de travail, tels que les crédits-temps, les interruptions de carrière et les congés thématiques, a certainement contribué au succès du temps partiel, particulièrement en fin de carrière. Les femmes sont également touchées par le travail temporaire, en particulier les femmes étrangères, mais aussi les jeunes et les personnes de plus de 50 ans.

28Le rapport souligne que le phénomène du travail atypique touche de plus en plus les jeunes en début de carrière. Les différentes formes de contrat d’apprentissage (le rapport en énumère 18), d’une part, et la suppression de la clause d’essai  [24], d’autre part, font que le recours au travail temporaire est devenu la norme pour la plupart des jeunes.

29Une autre forme de travail atypique particulièrement ancrée dans la société belge est celle des « titres-services ». Bien que ce type de contrat – qui s’adresse presque exclusivement aux femmes étrangères ou d’origine étrangère – prévoie en principe les mêmes obligations et garanties en matière de sécurité sociale qu’un contrat standard, il est en réalité soumis à un système de flexibilité qui rend impossible l’obtention du statut à temps plein.

30Par ailleurs, le rapport belge est l’un des rares à prendre également en compte le travail familial, qu’il identifie comme atypique et comportant des risques élevés de précarité, notamment en cas de désaccord ou de rupture familiale.

1.2.3. Espagne

31Dans le rapport espagnol  [25], l’accent est mis sur les formes de contrat donnant lieu à un niveau de protection sociale particulièrement faible. Pour comprendre la situation, il faut remonter aux années 1980, lorsque, après la longue période de dictature et avant l’adhésion à la CEE, le chômage a augmenté de façon spectaculaire dans le pays ; en réaction, le gouvernement socialiste González I a introduit diverses formes de contrats à durée déterminée, tout en mettant en place un système très solide de protection contre le chômage. À tel point qu’aujourd’hui encore, l’Espagne est non seulement le pays de l’Union européenne où le taux de chômage est le plus élevé, mais aussi celui qui dépense le plus en allocations de chômage par rapport à son produit intérieur brut (PIB).

32Cependant, trois formes de contrat en particulier sont restées longtemps dans une zone grise, où la protection sociale n’est pas aussi forte : les contrats d’apprentissage (contratos para la formación), les boursiers et chercheurs (becarios e investigadores) et les travailleurs indépendants économiquement dépendants (trabajadores autónomos económicamente dependientes). Les contratos para la formación sont soumis à une obligation d’assurance minimale unique, qui offre des droits limités en matière de sécurité sociale. Les becarios e investigadores ont obtenu le droit aux prestations sociales grâce à la grève générale du 29 septembre 2010, qui a conduit le gouvernement espagnol à renégocier avec les syndicats les réformes du marché du travail et des pensions ; toutefois, l’assurance chômage n’a été accordée à ces travailleurs qu’en 2013, lorsque la Confederación Sindical de Comisiones Obreras (CCOO : Confédération syndicale des commissions ouvrières) a fait appel devant le Tribunal Supremo (Tribunal suprême). Quant aux trabajadores autónomos económicamente dependientes, ils bénéficient désormais de droits de sécurité sociale comparables à ceux des salariés dans des circonstances telles que le chômage et la maladie, après avoir été longtemps soumis à des cotisations minimales, en tant qu’indépendants, même dans le cas d’un emploi à durée déterminée pour un seul client, comparable à un emploi salarié.

1.2.4. France

33Le rapport français  [26] considère comme atypique tout type de relation de travail dans lequel, d’une manière ou d’une autre, la règle de base du contrat à temps plein à durée indéterminée est levée.

34En ce sens, il est souligné qu’en France, le nombre de travailleurs à durée déterminée a été multiplié par six depuis les années 1980, tandis que celui des contrats conclus par le biais des agences d’intérim et les stages d’apprentissage a quadruplé. Quant au travail à temps partiel, il a presque triplé et concerne actuellement 7 % des travailleurs et 30 % des travailleuses. Selon ce rapport, ces pourcentages seraient encore plus importants aujourd’hui si le travail précaire n’avait pas tendance à diminuer en temps de crise économique, car les emplois à durée déterminée, à temps partiel, temporaires, intermittents et occasionnels sont les premiers à disparaître, pour ensuite se développer à nouveau, lorsque le chômage redevient structurel.

35Les contrats atypiques sur le marché du travail français peuvent être regroupés en deux grandes catégories : ceux dont l’atypicité est due à la durée et à l’instabilité de la relation de travail (les contrats à durée déterminée, les contrats intérimaires, les contrats subventionnés et les stages divers) et ceux dont l’atypicité est due au temps de travail (les différentes formes de contrat à temps partiel).

36Selon les auteurs du rapport, au moins 6 millions de personnes sont concernées par le phénomène du travail atypique en France, dont au moins 4 millions à temps partiel. Cependant, toutes ces formes de travail sont soumises à l’assurance obligatoire et les travailleurs bénéficient donc, au moins en principe, des protections du système général de sécurité sociale. Cependant, toutes les protections ne s’appliquent pas à tous les contrats. Par exemple, le travail des étudiants, le travail saisonnier et les contrats conclus dans le cadre des mesures d’activation des chômeurs ne donnent pas lieu à des indemnités de licenciement de la même manière que les autres formes de relation de travail.

37Le rapport français souligne aussi que, si certes le travail à temps partiel peut être un choix dans certains cas, les statistiques sur la population active montrent que, pour près d’un travailleur à temps partiel sur trois, le travail à temps partiel ne dépend pas de sa propre volonté mais de l’absence de perspective d’un meilleur emploi. En France comme en Belgique par exemple, le travail précaire est un phénomène qui touche particulièrement les femmes et les jeunes. Au moins un tiers des travailleurs pauvres (« working poor ») sont des femmes qui travaillent à temps partiel. Dans la tranche d’âge des 15-29 ans, un salarié sur trois a un contrat précaire (contrat à durée déterminée, stage, apprentissage, intérim), ce qui constitue un pourcentage beaucoup plus élevé qu’au sein des générations précédentes.

1.2.5. Italie

38Ce n’est pas un hasard si l’Italie est apparue dès les premières pages de ce Courrier hebdomadaire. Depuis la fin des années 1990, une série de réformes du marché du travail a en effet conduit à une telle stratification des types de contrat dans ce pays qu’il est devenu difficile, selon les auteurs du rapport italien  [27], d’en estimer le nombre : 19 selon l’organisation patronale Confederazione Generale dell’Industria Italiana (Confindustria : Confédération générale de l’industrie italienne), 26 selon l’ordre des comptables et 46 selon l’organisation syndicale Confederazione Generale Italiana del Lavoro (CGIL : Confédération générale italienne du travail). Quel que soit leur nombre, ces nouvelles relations de travail ont en commun d’être plus souples, moins protégées et moins coûteuses pour les employeurs qu’un contrat à durée indéterminée classique, et d’inciter les personnes contractuellement plus faibles (les femmes, les jeunes et les migrants en particulier) à vivre dans un état de « flexi-insécurité » constante. Cette situation offre aux entreprises la possibilité de se livrer à un véritable contract shopping, consistant à chercher le modèle le plus approprié pour réduire les coûts de main-d’œuvre et ainsi contourner les limites imposées par la loi.

39Parmi cette panoplie de contrats, le rapport italien se centre principalement sur quatre types : le travail temporaire, le travail intermittent, le travail « para-subordonné » et la prestation rémunérée par des vouchers. Les deux derniers peuvent être en particulier considérés comme « très atypiques ».

40En effet, compte tenu de la relative autonomie avec laquelle il peut organiser son activité et de l’absence de pouvoir de gestion et de hiérarchie du client (entreprise), le travailleur para-subordonné n’est pas un salarié au sens strict. Il n’est pas non plus un entrepreneur, puisqu’il ne peut avoir personne à son service, ni un indépendant, étant donné l’absence de relation directe avec le marché, l’exclusivité de la relation contractuelle avec un seul client et sa dépendance économique. En matière de sécurité sociale, les travailleurs para-subordonnés sont affiliés à une caisse obligatoire distincte de celle des salariés, qui couvre les accidents du travail et les maladies professionnelles, l’invalidité et la vieillesse et, sous certaines conditions, la maladie, la maternité, le congé parental et les allocations familiales, mais pas le chômage. En cas de cessation d’activité, et depuis quelques années seulement, une indemnité de fin de contrat unique existe exclusivement pour cette catégorie de travailleurs ; elle est liée à un ensemble de conditions cumulatives assez strictes.

41La prestation rémunérée par des vouchers – sorte de coupons comparables aux « chèques emploi service universel » (CESU) en vigueur en France – est une forme de travail assez particulière ; elle est destinée aux services dits occasionnels et accessoires, qui sont exécutés en absence de contrat. Une des particularités de ce type de prestation réside dans le fait que les vouchers concernent uniquement les prestations occasionnelles de certaines catégories de travailleurs : les chômeurs, les étudiants, les retraités et – il faut le souligner ici – les ressortissants de pays tiers. Le paiement est effectué au moyen de chèques d’une valeur nominale de 10 euros par heure de service, dont la valeur nette finale, en faveur du travailleur, est de 7,50 euros. La sécurité sociale est formellement garantie pour les accidents du travail, les maladies professionnelles et la pension, mais aucune autre prestation n’est prévue en cas de chômage ou de maternité, en matière de congés de maladie ou d’allocations familiales, etc.

42Pensés comme une réponse au travail illégal, les vouchers ont entraîné une précarisation des travailleurs, privés de certains droits et de la possibilité de négocier collectivement. D’après une étude du Ministère italien du Travail et des Politiques sociales  [28], si seuls un peu plus de 500 000 vouchers ont été vendus en 2009 et 1,5 million en 2011, leur nombre a atteint 115 millions en 2015. Cette année-là, 1,7 million de travailleurs ont reçu au moins un paiement via un voucher, soit 8 % de la population active italienne. En mars 2017, le gouvernement italien a supprimé ce régime et, en juin de la même année, a introduit à sa place deux autres formes de services occasionnels, également rémunérés par le biais du système des vouchers : l’emploi direct par des particuliers pour des services à domicile (libretto famiglia) et l’emploi de travailleurs indépendants pour des services occasionnels (prestazione occasionale).

1.2.6. Royaume-Uni

43Le rapport britannique  [29] considère comme « très atypiques » (« very atypical ») les contrats basés sur le principe de la divergence absolue par rapport à la relation de travail standard (absolute divergence from the standard employment relationship)  [30]. Sont principalement concernés les travailleurs ayant un contrat à temps partiel de moins de dix heures par semaine, ceux dont le contrat dure moins de six mois et ceux qui n’ont pas de contrat de travail du tout. À ces trois catégories, peuvent s’ajouter les apprentis, les membres de la famille non rémunérés et les travailleurs indépendants ou faux indépendants.

44Le même rapport souligne que le simple fait qu’un contrat ne soit pas typique ne signifie pas en soi que les travailleurs sont nécessairement désavantagés en termes de protection sociale. Mais il convient de tenir compte de la spécificité des relations professionnelles. Il existe en fait trois grandes formes de contrats au Royaume-Uni : les contrats de service (contracts of service), les contrats de prestation de services (contracts for services) et les contrats de travail des agences intérimaires (agency worker contracts), ainsi que deux catégories de travailleurs : les employees et les workers. Seuls les contracts of service peuvent être considérés comme des formes de relation de travail standard, dans lequel le travailleur (employee) accepte de travailler sous la direction de son employeur, à temps plein et à durée indéterminée, en échange d’une rémunération et de tous les droits en matière de sécurité sociale et d’emploi (en fonction de son ancienneté). En revanche, le terme worker désigne un travailleur dont le travail est régi par un contract for services. Dans ce cas, son statut dépend de son degré d’autonomie, la notion de worker incluant également les travailleurs indépendants. Les workers ont des droits limités en matière d’emploi et de sécurité sociale. Ils ne bénéficient d’aucune protection contre les licenciements abusifs et ne sont pas couverts par la réglementation sur le travail à temps partiel et à durée déterminée, qui garantit entre autres le principe du traitement non moins favorable (no less favorable treatment) aux seuls salariés.

1.2.7. Slovénie

45Le rapport slovène  [31] utilise plutôt l’expression « travail précaire et atypique » (« precarious and atypical work ») pour désigner toute forme de travail dans laquelle les conditions contractuelles ont la faculté de diminuer, à la fois, la sécurité sociale et la sécurité d’emploi.

46Ici, le travail atypique s’inscrit dans le contexte de la profonde transformation sociale (la dissolution de la République fédérale de Yougoslavie, l’indépendance, l’aggravation conséquente des relations avec la Serbie et l’extension du conflit à la Croatie et à la Bosnie-Herzégovine) et de l’internationalisation du pays qui en a découlé. Une attention particulière est donc accordée au travail transfrontalier, qui constitue une nouvelle forme de contrat développée en Slovénie en raison de deux flux migratoires opposés : l’un sortant, vers l’Autriche et l’Italie, l’autre entrant, en provenance de Croatie et de Hongrie. Malgré certains inconvénients incontestables, tels que l’incertitude et la discontinuité en termes de revenus et de sécurité sociale, de nombreux travailleurs en Slovénie choisiraient volontairement l’emploi transfrontalier comme choix de « précarité permanente ». D’où le « paradoxe des travailleurs temporaires », dont les contrats sont renouvelés dans certains cas pour une durée pouvant aller jusqu’à dix ans.

1.2.8. Suède

47Le rapport suédois  [32] se concentre principalement sur les contrats dits très atypiques. Le marché du travail suédois a toujours été caractérisé par un niveau élevé de protection de l’emploi, encore plus que dans les autres pays scandinaves, mais cette protection est devenue exceptionnellement faible pour les contrats à durée déterminée, qui représentent aujourd’hui 40 % de l’emploi total.

48De 2005 à 2014, sous les gouvernements de centre-droit, une grande importance a été en effet accordée au concept de « flexicurité » (flexicurity)  [33] : les politiques d’activation des chômeurs ont été renforcées, des régimes d’emploi plus avantageux ont été mis en place pour encourager les recrutements de personnes particulièrement éloignées du marché de l’emploi, et le recours aux contrats à durée déterminée, sous leurs différentes formes, a été encouragé et facilité. Néanmoins, l’augmentation du travail atypique n’est pas considérée comme une priorité par les syndicats suédois, principalement préoccupés par l’affaiblissement de la loi sur la protection de l’emploi (Lagen om anställningsskydd, LAS), qui protège la sécurité sociale et les règles du marché du travail, et par les effets de cet affaiblissement sur les contrats offrant une protection sociale moindre, notamment les contrats horaires (timanställningar) et les contrats de garde (behovsanställningar). Ces contrats n’étant pas protégés par des conventions collectives de travail, ils ne sont soumis à aucune règle de durée du temps de travail et ne débouchent presque jamais sur un emploi permanent. Le contrat de garde est particulièrement désavantageux du point de vue de la protection sociale, car il ne donne droit à aucun congé payé, même pas pour cause de maladie.

1.2.9. Les éléments communs aux différentes situations nationales

49Malgré la diversité des situations, ces huit rapports nationaux convergent pour dire que les contrats atypiques sont, en général, caractérisés par une moindre sécurité de l’emploi, par des salaires plus bas et discontinus, par des possibilités moindres de formation et de carrière, par de moins bonnes conditions de bien-être psycho-physique et par des droits syndicaux moindres. Et en ce qui concerne la sécurité sociale, ils ont en commun une faible couverture, en particulier s’agissant des allocations de chômage, et de grandes difficultés pour se constituer une pension de vieillesse décente. En bref, l’impossibilité de faire des projets de vie.

50Tous ces rapports s’accordent aussi à dire que certaines formes de travail atypique sont, tout compte fait, comparables au travail standard, dans la mesure où elles sont suffisamment protégées par la législation sociale et qu’elles ouvrent la totalité ou la quasi-totalité des droits à la sécurité sociale  [34]. On ne peut pas en dire autant des formes d’emploi qualifiées de très atypiques, qui se caractérisent par une forte instabilité économique, une faible couverture de la négociation collective et une protection sociale beaucoup plus fragmentée et éphémère, et pour lesquels la relation employeur/employé s’écarte considérablement de la norme du contrat de travail standard  [35].

51Un autre élément commun aux différents rapports nationaux est que ceux-ci se concentrent tous sur les salariés, sans tenir suffisamment compte des personnes travaillant à leur compte. Or parmi les indépendants également, il existe des formes de travail atypiques et, surtout, irrégulières (tels que les faux indépendants)  [36]. Mais il est également vrai que, dans la littérature internationale sur le sujet, prévaut une tendance générale à traiter séparément le travail atypique des indépendants, ou à ne le traiter que par rapport aux « indépendants en situation de dépendance économique » (« dependent self-employed workers »)  [37].

2. Ampleur et tendances des formes atypiques d’emploi

52L’extrême hétérogénéité du travail atypique, ainsi que l’impossibilité actuelle de définir celui-ci de manière univoque (cf. supra), rendent difficile, pour ne pas dire impossible, la quantification de son ampleur, surtout lorsque cet exercice est destiné à être réalisé sur différents pays, de manière comparative.

53En d’autres termes, les statistiques officielles ne fournissent pas d’informations directes sur le poids exact et l’évolution du travail atypique au sein des différents marchés de l’emploi. Toutefois, d’autres indicateurs peuvent être utilisés pour estimer le phénomène à des fins de comparaison, à commencer par ceux relatifs à la part des salariés occupant un emploi à durée limitée ou à temps partiel.

2.1. Le travail à durée limitée

54Dans les statistiques d’Eurostat, les « contrats à durée limitée » regroupent, outre les contrats à durée déterminée (CDD) classiques, le travail saisonnier, l’intérim, les contrats de remplacement, les contrats conclus pour une tâche déterminée, les contrats de formation et le travail étudiant. Dans la plupart des pays de l’Union européenne, la proportion de ce type de relations de travail au sein de l’emploi salarié a augmenté au cours de la dernière décennie (cf. Tableau 1). En Belgique, elle est passée de 7,0 % en 2009 à 9,4 % en 2019 pour la classe d’âge des 15 à 64 ans. Comme déjà mentionné, ce phénomène coïncide avec la suppression de la clause d’essai, entérinée lors de l’harmonisation des statuts d’ouvrier et d’employé  [38], à la suite de laquelle de nombreux employeurs préfèrent offrir en premier lieu des contrats temporaires (à durée déterminée ou d’intérim), pour évaluer si les travailleurs correspondent aux profils recherchés  [39].

Tableau 1. Proportion de salariés de la classe d’âge 15-64 ans ayant un contrat à durée limitée, en % de l’emploi total (moyennes annuelles : 2009 et 2019)

Tableau 1. Proportion de salariés de la classe d’âge 15-64 ans ayant un contrat à durée limitée, en % de l’emploi total (moyennes annuelles : 2009 et 2019)

Tableau 1. Proportion de salariés de la classe d’âge 15-64 ans ayant un contrat à durée limitée, en % de l’emploi total (moyennes annuelles : 2009 et 2019)

Source : Base de données Eurostat (Dernière mise à jour des données : 7 décembre 2020).

Tableau 2. Proportion de salariés de la classe d’âge 15-64 ans ayant un contrat de très courte durée, en % de l’emploi total à durée limitée (quatrième trimestre 2019)

Tableau 2. Proportion de salariés de la classe d’âge 15-64 ans ayant un contrat de très courte durée, en % de l’emploi total à durée limitée (quatrième trimestre 2019)

Tableau 2. Proportion de salariés de la classe d’âge 15-64 ans ayant un contrat de très courte durée, en % de l’emploi total à durée limitée (quatrième trimestre 2019)

Source : Base de données Eurostat (Dernière mise à jour des données : 1er mars 2020).

55Bien entendu, un contrat à durée déterminée n’est pas toujours à considérer comme une forme d’emploi nécessairement atypique. Afin de mieux apprécier le phénomène, il peut donc être préférable de se concentrer sur les formes d’emploi de très courte durée (c’est-à-dire celles portant sur une période inférieure à 4 mois). Dans ce cas, les ordres de grandeur changent considérablement (cf. Tableau 2  [40]). En Belgique, 39,7 % des contrats à durée limitée ont une durée inférieure à 4 mois et plus de la moitié d’entre eux sont des contrats d’une durée inférieure à 1 mois. En France, la proportion de salariés ayant des contrats de très courte durée est également élevée (33,8 %), mais aucun pays n’a une proportion aussi élevée que la Belgique.

2.2. Le travail à temps partiel

56Quant à la part des travailleurs à temps partiel, elle a sensiblement augmenté dans les années 1990 et au début des années 2000, puis s’est stabilisée au cours des dix dernières années, avec des résultats très différents d’un pays à l’autre  [41]. Aujourd’hui, deux travailleurs sur dix sont employés à temps partiel dans la plupart des pays européens, avec un pic au Luxembourg, où ce phénomène touche désormais la moitié des travailleurs (cf. Tableau 3). En Belgique, l’existence de différents dispositifs permettant aux travailleurs de réduire leur temps de travail contribue au succès du temps partiel (crédits-temps, interruptions de carrière et congés thématiques)  [42].

Tableau 3. Proportion de salariés de la classe d’âge 15-64 ans ayant un contrat à temps partiel, en % de l’emploi total (moyennes annuelles : 2009 et 2019)

Tableau 3. Proportion de salariés de la classe d’âge 15-64 ans ayant un contrat à temps partiel, en % de l’emploi total (moyennes annuelles : 2009 et 2019)

Tableau 3. Proportion de salariés de la classe d’âge 15-64 ans ayant un contrat à temps partiel, en % de l’emploi total (moyennes annuelles : 2009 et 2019)

Source : Base de données Eurostat (Dernière mise à jour des données : 7 décembre 2020).

2.3. Un focus sur les jeunes

57Bien que l’évolution soit faible, le travail à durée limitée et le travail à temps partiel ont donc tendance à augmenter. Par ailleurs, si l’on limite l’observation à la tranche d’âge des 15-24 ans, ces deux formes de travail semblent être devenues la norme pour les premiers emplois (cf. Tableau 4). Dans l’Union européenne, quatre travailleurs de moins de 25 ans sur dix sont occupés à durée limitée et un sur trois à temps partiel. Il est entendu qu’une grande partie de cette population combine les deux formes d’emploi, c’est-à-dire qu’elle travaille à temps partiel et pour une durée limitée. Dans certains pays, comme la France, la Grèce, l’Irlande, les Pays-Bas, la Pologne et le Portugal, c’est le travail à durée limitée qui représente aujourd’hui plus de la moitié de l’emploi total des jeunes. Quant au temps partiel, il atteint des sommets de 79,7 % au Luxembourg et de 63,6 % en Belgique.

Tableau 4. Proportion de salariés de la classe d’âge 15-24 ans ayant un contrat à durée limitée ou à temps partiel, en % de l’emploi total (moyennes annuelles : 2009 et 2019)

Tableau 4. Proportion de salariés de la classe d’âge 15-24 ans ayant un contrat à durée limitée ou à temps partiel, en % de l’emploi total (moyennes annuelles : 2009 et 2019)

Tableau 4. Proportion de salariés de la classe d’âge 15-24 ans ayant un contrat à durée limitée ou à temps partiel, en % de l’emploi total (moyennes annuelles : 2009 et 2019)

Source : Base de données Eurostat (Dernière mise à jour des données : 7 décembre 2020).

2.4. L’évolution de l’emploi atypique

58L’évolution de l’emploi atypique serait plus facile à interpréter s’il était également possible d’analyser les données relatives aux secteurs d’activité qui sont ceux ayant le plus recours à ce type de contrat. Un tel exercice n’est toutefois pas envisageable à l’heure actuelle, car les quelques données d’Eurostat disponibles sur les salariés à durée déterminée et à temps partiel par secteur d’activité ne sont ni suffisamment détaillées ni homogènes. On peut cependant supposer que les contrats temporaires sont plus courants dans les secteurs qui ont un besoin particulier de flexibilité. En Belgique, par exemple, la probabilité qu’une personne travaille sous un contrat temporaire est particulièrement élevée dans l’enseignement (en grande partie en raison du processus de nomination des enseignants et du système de remplacement des enseignants absents), dans le travail domestique, dans les arts, dans les spectacles et loisirs, dans le commerce de gros et de détail, et dans l’hébergement et la restauration. En revanche, les contrats temporaires sont proportionnellement moins fréquents dans l’administration publique, dans les transports, dans le secteur des soins et dans le travail social. Le travail temporaire au sens strict semble également peu fréquent dans le secteur de la construction  [43], où le recours au (faux) travail indépendant est particulièrement répandu.

59Une autre façon d’obtenir une estimation indirecte du poids du travail atypique, et de se rendre compte de son évolution dans le sens d’une croissance ou d’une décroissance, consiste à utiliser les indicateurs synthétiques de l’OCDE sur la protection de l’emploi temporaire  [44] (cf. Tableau 5). Sur une échelle de 0 à 6, ces indicateurs mesurent les procédures et les coûts liés à l’embauche et au licenciement, individuel et collectif, de travailleurs ayant un contrat autre qu’à durée indéterminée. En d’autres termes, un indicateur de niveau 6 dans un pays donné indique que la législation en vigueur dans ce pays offre aux contrats temporaires un niveau maximal de protection et un niveau minimal de flexibilité (et vice versa)  [45].

60L’évolution de ces indicateurs montre de quelle manière les changements apportés à la législation du travail au cours des deux dernières décennies ont renforcé ou affaibli la protection de l’emploi dans la plupart des pays. En 1989, la Belgique était l’un des pays dont l’indicateur de protection du travail était le plus élevé (4,5) ; aujourd’hui, cet indicateur est tombé à 2,1. Le même phénomène peut être observé, à des degrés divers, dans presque tous les pays de l’OCDE, et ce de manière particulièrement marquée dans certains d’entre eux (dont la Belgique) : l’indicateur de protection du travail est passé de 3,1 à 1,6 au Danemark, de 3,4 à 1,9 au Portugal, de 4,9 à 3,1 en Italie, de 3,3 à 1,4 en Allemagne, de 4,8 à 2,3 en Grèce, et de 4,1 à 0,8 en Suède.

61En examinant l’évolution de ces indicateurs, il est également intéressant de noter que l’affaiblissement de la protection du travail semble désormais être un phénomène indépendant des « modèles » de protection sociale nationale  [46]. En effet, déjà structurellement faible dans les pays ayant des systèmes de protection sociale « libéraux/anglo-saxons » (concrètement, les États-Unis, l’Irlande et le Royaume-Uni), ainsi que dans toute l’Europe de l’Est, ces indicateurs sont aujourd’hui en déclin – à quelques exceptions près – dans les autres pays aussi, quel que soit leur modèle de protection sociale, « social-démocrate », « continental » ou « méditerranéen/latin ».

Tableau 5. Indicateurs de l’OCDE : Rigueur de la législation sur la protection de l’emploi temporaire (1989-2019)

Tableau 5. Indicateurs de l’OCDE : Rigueur de la législation sur la protection de l’emploi temporaire (1989-2019) Tableau 5. Indicateurs de l’OCDE : Rigueur de la législation sur la protection de l’emploi temporaire (1989-2019)

Tableau 5. Indicateurs de l’OCDE : Rigueur de la législation sur la protection de l’emploi temporaire (1989-2019)

* Évolution 2009-2019.
** Évolution 1999-2019.
Source : chiffres obtenus à partir de la base de données OCDE (Dernière mise à jour des données : 18 novembre 2020).

2.5. Les facteurs d’évolution

62Bien que le travail temporaire et le travail à temps partiel aient incontestablement augmenté, il importe de souligner que les contrats permanents et à temps plein demeurent la norme, en Belgique comme dans la plupart des pays européens.

63Pour les travailleurs, le fait d’avoir un emploi permanent à temps plein permet évidemment d’élaborer davantage de projets à long terme, tant sur le plan professionnel que privé. Pour les employeurs également, des contrats stables constituent un avantage : ils contribuent à attirer et à retenir les travailleurs qualifiés, en réduisant certains coûts de transaction liés au recrutement et à la formation et en augmentant le retour sur investissement dans le travail  [47]. Pourquoi alors, parallèlement, les formes de travail atypiques ont-elles de plus en plus de succès ?

64Presque partout, ces nouvelles formes d’emploi sont apparues à la suite d’un changement extraordinairement rapide des préférences, des modèles économiques, des modes d’organisation du travail, de l’environnement technologique et, surtout, des choix de politiques publiques. L’un des symboles les plus évidents de cette révolution dans l’organisation de la société et du travail est l’économie dite collaborative, où les travailleurs fournissent des services par l’intermédiaire de plateformes numériques. Des plateformes qui, tout en facilitant l’utilisation des services, constituent entre autres un outil puissant pour contourner la législation existante dans les domaines du droit du travail, de la protection des consommateurs et du droit fiscal  [48].

65En principe, ces arrangements de travail particulièrement flexibles peuvent se développer en réponse aux besoins exprimés aussi bien par des employeurs que par des travailleurs. Les entreprises ont besoin de disposer d’une certaine marge de manœuvre en fonction d’une demande qui fluctue et qu’il est difficile d’anticiper. Quant à eux, les travailleurs peuvent rechercher une plus grande flexibilité afin de mieux concilier leurs obligations professionnelles et leurs responsabilités familiales ou leurs loisirs, dans l’objectif de parvenir à un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Cela est parfois le cas dans les professions les plus créatives.

2.6. Le travail atypique est-il un tremplin vers des formes d’emploi plus stables ?

66Pour certains travailleurs, les formes de travail plus flexibles peuvent aussi être synonymes de nouveaux débouchés et de tremplin vers un emploi à temps plein et à durée indéterminée. Selon un rapport de l’OIT, les emplois atypiques peuvent effectivement faciliter l’accès au marché du travail, notamment des groupes contractuellement plus faibles (tels que les femmes, les jeunes et les migrants) et, dans certains cas, offrir l’occasion d’accéder à de meilleurs emplois  [49]. Toutefois, le même rapport met en garde contre certaines formes de travail atypique qui peuvent s’accompagner d’une plus grande insécurité pour les travailleurs, insistant sur le fait que, dans les pays où ces formes de travail sont plus répandues, les travailleurs sont plus susceptibles d’alterner emploi atypique et chômage.

67Selon une analyse réalisée par M. Nautet et C. Piton avant la crise sanitaire qui s’est déclenchée en 2020, près de 40 % des personnes employées sous un contrat temporaire en Belgique obtiennent un contrat à durée indéterminée l’année suivante  [50]. Parmi les travailleurs intérimaires, deux tiers obtiennent un contrat fixe après deux ans et leur taux d’accès à la formation semble supérieur à la moyenne nationale. Cependant, la même analyse montre que les travailleurs non européens ont une probabilité environ trois fois plus élevée que les Belges d’être employés sous un contrat à durée déterminée, souvent avec des salaires inférieurs et même en dessous du seuil de pauvreté. Elle ajoute encore que lorsqu’un contrat à durée déterminée en remplace un autre, cela crée surtout une grande instabilité et un risque de pauvreté pour la personne concernée  [51].

68Ces 40 % de personnes qui passent d’un emploi temporaire à un emploi à durée indéterminée mériteraient d’être analysés de manière beaucoup plus détaillée, par exemple en les comparant aux données d’Eurostat relatives aux probabilités de transition. Bien sûr, les données de M. Nautet et C. Piton et celles d’Eurostat sont basées sur des méthodes différentes et ne doivent donc pas être comparées point par point. Cependant, il semble y avoir une différence frappante entre les deux scénarios résultants.

69Les données d’Eurostat mettent en évidence des différences entre pays beaucoup plus importantes que ce que nous avons observé auparavant (cf. Tableau 6). Selon Eurostat, la Belgique serait le pays où la probabilité qu’une personne employée sur une base temporaire passe à un emploi permanent est la plus faible : 5 % en 2018 (dernière année pour laquelle ces estimations sont disponibles). Au Danemark, cette probabilité est presque huit fois plus élevée : 38 %. Les données d’Eurostat montrent également que les probabilités des femmes sont presque toujours plus faibles que celles des hommes. Mais comme nous l’avons dit, cela mériterait une analyse plus approfondie.

Tableau 6. Transition entre contrat temporaire et contrat à durée indéterminée, par sexe et en %. Moyennes annuelles des transitions trimestrielles, probabilités estimées (année 2018)

Tableau 6. Transition entre contrat temporaire et contrat à durée indéterminée, par sexe et en %. Moyennes annuelles des transitions trimestrielles, probabilités estimées (année 2018)

Tableau 6. Transition entre contrat temporaire et contrat à durée indéterminée, par sexe et en %. Moyennes annuelles des transitions trimestrielles, probabilités estimées (année 2018)

Source : Base de données Eurostat (Dernière mise à jour des données : 1er mars 2021).

70La question de la pauvreté au travail (in-woorking poor)  [52] pour les personnes sous contrat atypique mériterait également un examen plus approfondi. Si la nécessité pour les entreprises de rendre leur travail plus flexible peut effectivement apparaître comme un argument tolérable, il convient de souligner aussi que cet argument en cache souvent un autre, qui est simplement de réaliser des économies quitte à pousser des travailleurs vers le seuil de pauvreté, voire en dessous  [53]. Selon le rapport « Bilan social de l’Union européenne 2020 », en moyenne 9,4 % des travailleurs de l’UE-28 vivent en situation de pauvreté, soit un total de 20,7 millions de personnes. Ce taux de pauvreté est deux fois plus élevé pour les travailleurs à temps partiel que pour les travailleurs à temps plein (en moyenne, 15,6 % versus 7,6 % en Europe en 2018). Et il est presque trois fois plus élevé pour les personnes sous contrat temporaire que pour les travailleurs sous contrat permanent (16,2 % versus 6,0 %)  [54]. Nous reviendrons brièvement sur ce point dans les conclusions générales de ce Courrier hebdomadaire.

2.7. Quel est l’impact de la crise sociale due à la pandémie de Covid-19 ?

71Un autre sujet qui mériterait une analyse approfondie est celui de l’impact de l’actuelle crise sociale sur le travail atypique. Mais il est probablement trop tôt pour s’engager dans un tel exercice.

72À la vérité, nous savons très peu de choses sur les effets de la crise actuelle sur les travailleurs ayant un emploi atypique. Mais il n’en reste pas moins que, si certes le travail atypique doit dans certains cas être considéré comme un choix dicté par le besoin de flexibilité des deux parties (l’employeur et l’employé), la plupart des données et des études convergent quant au fait que, dans d’autres cas, le travail atypique doit plutôt être considéré comme un déséquilibre du marché du travail, qui affecte particulièrement certaines catégories de personnes, qui sont plus vulnérables. Or les premières analyses suggèrent que la situation ne peut que s’être aggravée depuis mars 2020 pour les personnes vivant déjà dans des conditions précaires, en particulier les jeunes, les personnes de nationalité étrangère et les personnes occupant des emplois peu qualifiés  [55]. Selon l’OIT, les travailleurs qui avaient des contrats précaires ou qui exercent des formes atypiques d’emploi ont été particulièrement atteints par les effets de la pandémie de Covid-19, beaucoup d’entre eux n’ayant pas accès aux congés maladie, à l’assurance chômage ou à d’autres formes indispensables de protection.

73En attirant l’attention sur l’importance et la faiblesse de la protection sociale, les conséquences de la pandémie de Covid-19 ont en somme révélé, entre autres, comment certaines formes d’emploi génèrent une plus grande insécurité économique et sociale, et comment cet effet peut se multiplier en situation de crise.

74En Belgique  [56], le chômage temporaire – qui, à court terme, peut effectivement atténuer certaines conséquences d’une crise – s’est avéré inadéquat pendant la pandémie pour de nombreux travailleurs sous contrat atypique. À tel point que, en 2020, le gouvernement fédéral belge a procédé à des ajustements temporaires de la législation sociale pour offrir à ces travailleurs une certaine protection dans le contexte de la crise  [57]. Toutefois, même si certaines conditions d’éligibilité ont été temporairement mises entre parenthèses, et si les formalités pour les employeurs et les travailleurs ont été réduites au minimum, il n’en reste pas moins que le régime de chômage temporaire n’a pas vocation à s’appliquer aux relations de travail précaires, dont le « vice fondamental » est de ne pas disposer d’une relation de travail stable qui, en période de crise, est susceptible d’être suspendue. Cela a été le cas, en particulier, pour les travailleurs en fin de contrat à durée déterminée, les intérimaires, les flexi-jobs, les emplois de plateforme, ainsi que les stagiaires suivant une formation professionnelle individuelle en entreprise  [58].

75Et si tel est le cas en Belgique – pays où, selon le World Social Protection Report [59], la couverture réelle des allocations de chômage (c’est-à-dire la proportion de chômeurs qui reçoivent effectivement des prestations de chômage en espèces) est la plus élevée au monde –, il est facile d’imaginer les dégâts sociaux que l’actuelle pandémie peut causer dans d’autres pays.

76Une enquête réalisée pendant le premier confinement belge (mars-mai 2020), sous la coordination de chercheurs et chercheuses de l’Université catholique de Louvain (UCL), de l’Université Saint-Louis - Bruxelles (USL-B) et du Centre socialiste d’éducation permanente (CESEP), a révélé à quel point cette période d’isolement a amplifié toutes les inégalités et a rappelé le caractère fragile et parfois dépassé de certains dispositifs juridiques  [60]. En l’occurrence, elle montre que les travailleurs sous statut atypique (intérimaires, freelances et indépendants) ont été les plus durement touchés par les premiers mois de la crise. Primo, la proportion de personnes déclarant avoir subi une perte de revenus pendant ce confinement a été de 14 % pour les fonctionnaires, de 33 % pour les personnes sous contrat à durée indéterminée, de 36 % pour les personnes à durée déterminée, et de pas moins de 73 % pour les travailleurs sous statut atypique (intérimaires, freelances et indépendants)  [61]. Secundo, les travailleurs sous statut atypique ont connu une perte de revenus qui est proportionnellement plus importante que celle du reste de la population (la valeur moyenne de leur perte est estimée à 833 euros, soit 41 % d’un salaire mensuel moyen, contre 665 euros pour la population totale, soit 33 % d’un salaire mensuel moyen). Tertio, ils sont également quinze fois plus nombreux à indiquer n’avoir eu aucun revenu pendant cette période. Quarto, il leur est plus difficile d’obtenir des informations fiables sur les nouvelles aides sociales.

77Aggravant les difficultés de ceux qui ne peuvent pas bénéficier efficacement de la protection de l’État social, la crise sociale due à la pandémie de Covid-19 accentue donc les différences entre « insiders » et « outsiders » ; en d’autres termes, entre ceux qui tombent et ceux qui ne tombent pas, ou pas complètement, dans le champ d’application de la protection sociale. Cela est particulièrement vrai pour les « indépendants économiquement dépendants », en ce compris ceux qui exercent une fonction qui était précédemment salariée, et qui a été externalisée par l’entreprise afin de réduire les coûts mais dont le contenu reste identique à tous égards à ce qu’elle était dans le cadre de l’ancien emploi salarié. Bien qu’il existe un rapport de subordination évident, ces travailleurs ne sont pas protégés comme les autres en cas de chômage (au mieux, ils bénéficient d’un droit de passage moins protecteur) et ils ne bénéficient pas des mêmes mesures de protection de la santé et de la sécurité au travail.

78En somme, les lacunes mises en évidence par la crise révèlent que de nombreux travailleurs ayant des contrats atypiques sont exposés à un mécanisme de « double peine »  [62]. Lorsqu’ils sont au travail, ils ne bénéficient pas (ou pas tout à fait) de certaines mesures de protection (par exemple, la limitation des contrats à durée déterminée successifs). Lorsqu’une crise les prive de leur emploi, ils sont moins protégés que les travailleurs ordinaires.

79Qu’en est-il, dans ce cadre, des travailleurs migrants, tant européens que des pays tiers ?

80Depuis le début de la crise sanitaire, les travailleurs saisonniers (tant européens que de pays tiers) se trouvent dans une situation particulièrement difficile : certains n’ont pas été rappelés par leurs employeurs habituels, d’autres ont épuisé leurs droits au chômage et, surtout, beaucoup ont été empêchés de se déplacer, ce qui a entraîné des arrangements de travail flexibles dans le secteur agricole et horticole. En Belgique, le nombre de jours par travailleur saisonnier a été doublé (ce qui permet aux travailleurs du secteur horticole de prester 130 jours par an et à ceux du secteur agricole de prester 60 jours par an) et le régime saisonnier a été élargi à un maximum de 100 jours par année civile pour le secteur de la culture des fruits (ce qui permet aux travailleurs de prester temporairement 200 jours dans ce secteur)  [63]. Le gouvernement fédéral belge a également modifié la règle des « 180 jours »  [64].

81En Europe, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les travailleurs migrants occupent majoritairement des emplois temporaires, informels ou non protégés, souvent dans les secteurs de première ligne des soins de santé, des transports, de la construction, de l’agriculture et de la transformation agroalimentaire, ce qui les rend particulièrement vulnérables aux pertes d’emploi et aux réductions de salaire en cette période de pandémie  [65]. Nombre d’entre eux, en particulier ceux qui travaillent dans l’économie informelle, sont confrontés à des problèmes concernant leur permis de travail et leur visa, et n’ont qu’un accès limité, voire inexistant, aux services de soins de santé, aux équipements de protection individuelle, aux indemnités de maladie, au chômage ou à d’autres prestations sociales, ainsi qu’aux informations concernant leurs droits et les règles de prévention  [66].

82Selon l’OIT, les travailleurs migrants sont souvent les premiers à être licenciés mais les derniers à avoir accès à des tests ou à des traitements équivalents aux citoyens du pays d’accueil lorsqu’ils sont atteints par le coronavirus. Ils sont souvent exclus des politiques nationales afférentes à la pandémie de Covid-19, telles que les subventions salariales, les allocations de chômage et les mesures de sécurité sociale et de protection sociale. Dans le cas des employés de maison, des travailleurs à domicile, des ouvriers agricoles et des autres travailleurs de l’économie informelle, l’exclusion dont ils font l’objet dans de nombreux pays découle du fait que le droit du travail ne les considère pas comme des « travailleurs »  [67].

83De la même manière, la Confédération européenne des syndicats (CES) rappelle que, en étant employés de manière disproportionnée dans des emplois précaires, les travailleurs migrants sont particulièrement susceptibles de devoir continuer à travailler malgré les risques de contracter le coronavirus, notamment dans les emplois externalisés, y compris dans le secteur public. Pour beaucoup d’entre eux, perdre leur emploi signifie perdre leurs revenus, leur logement et même leur droit de rester dans le pays où ils vivent, ainsi que l’impossibilité d’accéder à des prestations sociales  [68].

3. Harmonisation et coordination des normes sociales européennes

84La forme contractuelle qui règle une relation de travail a toujours un impact sur le travailleur, sur son futur et sur sa famille, notamment en ce qui concerne le niveau et la sécurité de revenu, la sécurité sociale, l’accès à la formation, les perspectives de mobilité interprofessionnelle, la protection en matière de sécurité et de santé au travail, et la liberté d’exercer ses droits en matière syndicale et de négociation collective.

85De nombreuses études ont déjà analysé ces aspects, mettant en évidence les risques, mais aussi certains des avantages, qui peuvent être associés au travail atypique  [69]. Plus nombreuses encore sont les études consacrées à l’emploi et à la sécurité sociale des migrants, qui mettent souvent en évidence les avantages des flux migratoires pour les pays d’accueil, tant économiques que culturels, ainsi que les inconvénients pour les pays d’origine, principalement en raison de la fuite des cerveaux, des bras et des contribuables  [70]. En revanche, très peu d’études ont jusqu’à présent abordé ces deux questions simultanément, c’est-à-dire en analysant spécifiquement les effets du travail atypique sur les travailleurs en situation de mobilité  [71].

86Confrontés à des systèmes nationaux de sécurité sociale qui deviennent de plus en plus hétérogènes, ces travailleurs, qui se caractérisent par une forte mobilité géographique et une faible protection de l’emploi, se heurtent souvent à des règles sociales asymétriques qui les excluent des avantages normalement accordés aux autres catégories de travailleurs. Comme nous le verrons dans les pages suivantes, cela est peu compatible avec l’idée de protection sociale des travailleurs mobiles, qui a marqué plus d’un siècle d’histoire politique européenne.

3.1. Les nœuds du « dumping social »

87La mobilité de la main-d’œuvre est un phénomène intrinsèque à toutes les sociétés et est aussi vieux que l’humanité elle-même. En Europe occidentale, avant même la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA)  [72] et de la Communauté économique européenne (CEE)  [73], et parallèlement à la mise en place et au développement des systèmes nationaux de sécurité sociale, les États ont tenté de réguler ce phénomène, de l’encourager ou de le décourager en fonction des cycles économiques et des évolutions géopolitiques, ce qui a souvent donné lieu à des discussions et des négociations longues et difficiles entre les gouvernements, qui ont abouti à une succession de dispositions législatives fondamentales, parfois difficiles à interpréter et à transposer dans les différents systèmes nationaux.

88Deux nœuds principaux se présentent constamment comme difficiles à démêler. D’une part, il y a l’intérêt des pays moins riches à exporter au moins une partie de leur main-d’œuvre afin d’atténuer les frictions internes causées par la pauvreté et le chômage. Ce sont en général des pays qui, pour diverses raisons, dépensent proportionnellement moins pour la protection sociale et qui ont des coûts de main-d’œuvre et de production plus faibles. D’autre part et en conséquence, il y a l’intérêt des pays les plus riches à se défendre contre la concurrence déloyale, pour ainsi dire, de leurs partenaires plus pauvres, tout en profitant de l’arrivée d’une main-d’œuvre plus docile et moins chère que leurs propres ressortissants. Ainsi, non seulement la mobilité de la main-d’œuvre est un phénomène ancien, mais il en va de même pour le phénomène désormais connu sous le nom de « dumping social ». Pour mieux comprendre ce passage, il est intéressant de revenir 120 ans en arrière.

3.2. Les premiers accords de réciprocité sur la sécurité sociale des travailleurs migrants

89Dès la fin du XIXe siècle, des accords de réciprocité existent entre certains pays, permettant aux migrants d’emporter leurs économies avec eux. Par exemple, de tels accords sont conclus entre la France et la Belgique en 1882 et en 1897. Dans un contexte où l’épargne personnelle peut être assimilée à une sorte d’assurance, le transfert d’épargne entre deux pays est une anticipation intéressante des accords bilatéraux de sécurité sociale qui se développeront au cours du siècle suivant  [74].

90Le premier véritable accord international visant littéralement à garantir des droits de sécurité sociale réciproques aux travailleurs migrants est signé par la France et l’Italie le 15 avril 1904  [75]. Si l’objectif de l’une des deux parties est de protéger ses travailleurs expatriés, l’autre protagoniste, la France en l’occurrence, vise à protéger sa propre économie contre les risques de ce que nous appelons, plus de cent ans plus tard, le dumping social.

91À la table des négociations siègent, pour la France, Arthur Fontaine, premier directeur de l’Office du travail, et, pour l’Italie, Luigi Luzzati, ministre du Trésor dans le gouvernement Giolitti II  [76]. L. Luzzati vise à protéger les travailleurs italiens, dont environ 200 000 sont installés en France, contre les règles discriminatoires du droit du travail français. En effet, la loi du 9 avril 1898 sur l’indemnisation des accidents du travail contient des règles discriminatoires à l’égard des étrangers, et il peut en être dit autant du projet de réforme des retraites. Pour sa part, A. Fontaine est confronté à un dilemme de réciprocité formelle : étant donné que l’immigration se fait uniquement de l’Italie vers la France, et non l’inverse, quel intérêt la France aurait-elle à signer un accord qui, après tout, ne protège que les travailleurs italiens ? En contrepartie des avantages accordés aux travailleurs italiens, l’Italie offre des compensations douanières à la France, mais celle-ci ne sait qu’en faire.

92Dès lors, il est conclu que l’accord doit permettre à la France de résoudre une fois pour toutes le problème de la concurrence déloyale de son voisin, dont la législation inadéquate et les inspections du travail indulgentes ou impuissantes désavantagent l’industrie française, créant des problèmes pour les exportations. En deux mots, il s’agit, en contrepartie des facilités accordées aux travailleurs italiens, d’engager l’Italie dans le développement de son droit du travail, pour rendre « plus facile et moins onéreux » le progrès de la législation ouvrière française aux industriels français  [77]. C’est cela, et non des droits de douane, qui doit selon A. Fontaine apporter des avantages économiques tangibles à l’industrie française. Il est difficile d’établir si cet accord contribue réellement à faire progresser la législation sociale de l’Italie. Cependant, la chronologie de l’apparition des premiers régimes d’assurance va précisément dans ce sens : en juillet 1904 l’assurance obligatoire contre les accidents du travail pour les mines de soufre en Sicile, en 1907 le premier Fonds national d’invalidité et de vieillesse, en 1910 le Fonds national de la maternité, en 1917 l’assurance contre les accidents du travail pour les ouvriers agricoles, et en 1919 celle pour tous les travailleurs  [78].

93Si les premiers accords permettant aux migrants d’apporter leurs économies peuvent être considérés comme des antécédents, cette convention de 1904 entre la France et l’Italie est le premier véritable traité international de sécurité sociale jamais signé dans le monde  [79].

3.3. La création de la CECA et de la CEE

94En 1951, c’est encore la France qui fait pression sur les autres futurs pays de la CECA pour qu’ils adoptent des mesures salariales comparables aux siennes. Elle estime que, si elles ne sont pas supprimées, les inégalités existantes en termes de protection des travailleurs, par exemple en ce qui concerne les congés payés, l’égalité des sexes et le niveau général des salaires, constitueront un obstacle majeur à l’ensemble du marché commun émergent  [80]. Toutefois, les pays partenaires considèrent que l’harmonisation est prématurée d’un point de vue politique et impossible dans la pratique  [81]. Le problème réside dans le fait que l’élimination, ou du moins la réduction, des inégalités sociales réduirait certainement la concurrence industrielle déloyale entre les pays, mais aussi les flux migratoires. Or cela ne profiterait qu’à la France, et certainement pas à l’Italie, qui a besoin d’alléger le fardeau de son chômage de masse, ni aux pays plus lourdement industrialisés, désireux de recevoir des « bras ». En conséquence, le Traité de Paris du 18 avril 1951 instituant la CECA stipule que les questions salariales doivent rester de la seule responsabilité des États membres et que, sous certaines conditions, la Haute Autorité, organe exécutif de la CECA, peut intervenir en cas de salaires excessivement bas ou de réductions salariales exagérées.

95Le problème se pose à nouveau quelques années plus tard, lors des négociations devant mener à la création de la CEE. Avec les trois autres libertés de circulation (des marchandises, des services et des capitaux), la libre circulation de la main-d’œuvre est destinée à être l’un des piliers du nouveau marché commun. Elle doit faire correspondre l’offre et la demande d’emploi, à travers les frontières internes du nouveau marché unique européen. Dans un entrelacement complexe de politique économique et sociale intérieure et de politique étrangère, la circulation des travailleurs doit progressivement devenir l’élément central du processus d’intégration européenne, dont une des missions est d’incorporer un droit fondamental à la sécurité sociale pour tout travailleur migrant  [82]. Dans ce contexte, il apparaît clairement que les différents systèmes nationaux de sécurité sociale, contenant des clauses limitant le droit aux prestations en fonction de la nationalité et de la résidence, risquent de constituer un puissant moyen de dissuasion à la circulation des travailleurs, et donc un obstacle aux principes inscrits dans le futur traité.

96Malgré son très faible poids dans les négociations, l’Italie obtient une garantie de libre émigration future à travers les pays membres. Cela convient à ses partenaires, la Belgique et l’Allemagne en tête, qui, contrairement à elle, ne souffrent alors pas de chômage et de pauvreté mais, au contraire, de pénurie de main-d’œuvre (surtout d’une main-d’œuvre docile et non syndiquée, prête à accepter des conditions que les travailleurs nationaux commencent à rejeter catégoriquement)  [83].

97Deux approches sont alors envisageables : l’harmonisation et la coordination  [84]. La première consiste à rendre les différents systèmes nationaux de sécurité sociale plus semblables les uns aux autres. La seconde, à mettre en place un système qui, tout en respectant les diversités nationales, garantit les droits de sécurité sociale aux travailleurs en situation de mobilité d’un pays à l’autre. Ajoutons qu’en matière d’harmonisation, les représentants des six pays fondateurs ont deux façons potentielles de progresser. La première est d’établir un système commun de sécurité sociale. L’autre, moins radicale, consiste à donner aux États membres une certaine marge de liberté pour développer leurs systèmes de sécurité sociale, à la condition qu’ils respectent un ensemble de règles communes.

98La France reste favorable à l’harmonisation, cette fois encore en raison de la concurrence déloyale résultant des disparités entre les législations sociales nationales. En effet, dans les pays où les mesures de protection sociale sont moins avancées, les entreprises peuvent se targuer de coûts de main-d’œuvre plus faibles, et donc attirer davantage d’investissements étrangers et atteindre des niveaux de compétitivité commerciale plus élevés, par rapport aux pays dont les systèmes de protection sociale sont plus développés. Mais l’Italie bloque les négociations : comme son système de protection sociale est le moins développé, seul un manque d’harmonisation garantira à ses entreprises de continuer à bénéficier de l’avantage concurrentiel d’un coût du travail plus faible par rapport aux pays qui ont déjà mis en place une législation du travail et de la sécurité sociale beaucoup plus avancée, comme la France ou les pays du Benelux.

99Dès lors, il est décidé que, en matière de sécurité sociale, l’approche par coordination est plus appropriée que celle par harmonisation, notamment parce qu’elle est plus prudente et plus acceptable politiquement  [85]. C’est donc elle qui figure dans le Traité de Rome du 25 mars 1957 instituant la CEE. Ce point ne sera plus jamais mis à l’ordre du jour et, aujourd’hui encore, la solution arrêtée à l’époque continue de prévaloir.

3.4. L’élimination des obstacles à la libre circulation des travailleurs

100Le Traité de Rome, et plus précisément son article 3, énumère parmi les engagements communs l’élimination des obstacles à la libre circulation des travailleurs entre les États membres. Un arsenal de mesures législatives voit progressivement le jour autour de cela.

101Dès mars 1958, le tout jeune Conseil de la CEE, limité à cette époque aux gouvernements des six pays fondateurs  [86], se penche sur son premier acte véritablement politique : un règlement européen contraignant concernant « la sécurité sociale des travailleurs migrants ». Quelques mois plus tard, en décembre 1958, est adopté le premier règlement établissant un système européen de coordination de la sécurité sociale pour les travailleurs migrants  [87]. Il est suivi, en 1968, par un règlement mettant en œuvre la libre circulation des travailleurs  [88] et par une directive levant concomitamment des restrictions transitoires à la circulation et au séjour des travailleurs et de leur famille  [89] et, en 1971, par l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la CEE. Dans les années 1990, plusieurs directives visent à accorder des droits de séjour aux personnes autres que les travailleurs  [90].

102Afin de rassembler ces différents textes législatifs et de tenir compte de l’abondante jurisprudence qui s’est développée au cours des décennies précédentes, des changements majeurs ont lieu au début du XXIe siècle. En 2004, une nouvelle directive de portée générale est adoptée pour établir le droit des citoyens de l’UE (et des membres de leur famille s’ils ne sont pas citoyens de l’UE) de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres  [91]. En outre, les règles de coordination de la sécurité sociale s’étendent pour la première fois aux ressortissants de pays tiers  [92]. Cette réforme, qui a vu le jour en 2003, s’achève le 1er janvier 2011, après une décennie de négociations laborieuses, par l’entrée en vigueur de nouveaux règlements visant à « moderniser » la coordination des systèmes de sécurité sociale  [93].

3.5. La liberté de circulation aujourd’hui

103Aujourd’hui, la liberté de circulation des personnes est organisée notamment autour de deux piliers  [94] : la citoyenneté européenne (articles 18 à 25 du TFUE) et la libre circulation des travailleurs (articles 45 à 48 du TFUE). Dans ce cadre, deux actes de droit dérivé en codifient principalement les règles : la directive 2004/38 relative au droit des citoyens de l’Union de circuler et de séjourner librement et le règlement (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale.

104La directive 2004/38 définit une série de critères de non-discrimination des citoyens européens et des membres de leur famille, parmi lesquels le droit de séjour sur le territoire d’un autre État membre pour les travailleurs salariés et non salariés, la limitation à l’expulsion des citoyens entrés sur le territoire d’un État membre pour y chercher un emploi et la protection contre l’expulsion en cas de recours à l’aide sociale  [95].

105Au fil des ans, la libre circulation est en effet devenue un droit fondamental pour tous les citoyens de l’Union européenne, y compris donc les non-travailleurs. Mais pas sous n’importe quelles conditions. En fait, la directive 2004/38 fixe également une série de limites, visant à protéger les systèmes d’assistance sociale des États membres. Ainsi, les chômeurs qui perçoivent une allocation à la suite d’un contrat de travail de moins d’un an conservent, mais seulement temporairement, le droit de séjour lié au statut de travailleur salarié. Cela signifie, par exemple, que les demandeurs d’emploi qui sont venus en Belgique pour chercher du travail ont le droit de séjour, à la condition qu’ils puissent prouver qu’ils cherchent encore du travail et qu’ils ont de « réelles possibilités d’être employés ». Les autres personnes « économiquement inactives » ont droit à la résidence à la condition qu’elles disposent d’une assurance maladie et de ressources suffisantes pour ne pas devenir une « charge déraisonnable » pour le système d’assistance sociale. Et c’est là que se pose le risque d’une « circularité perverse » : le citoyen européen a droit à l’assistance sociale s’il a droit au séjour, mais il perd le droit de séjour s’il fait appel au système d’assistance sociale  [96].

106Quant au règlement (CE) n° 883/2004, il garantit la continuité des droits à la sécurité sociale aux personnes en situation de mobilité, à travers quatre principes clés  [97], transposés des accords bilatéraux et multilatéraux conclus sous l’égide de l’OIT dans les années 1930  [98]. Primo, l’égalité de traitement (ou principe de non-discrimination) : c’est le droit de résider dans le territoire d’un État membre en étant soumis aux mêmes devoirs et aux mêmes droits que les ressortissants nationaux. Secundo, l’unicité de la législation applicable : c’est le fait que toute personne est soumise à la législation d’un seul pays, normalement le pays de travail  [99]. Par exemple, ce principe permet de quitter l’Espagne pour s’installer en Belgique, et vice versa, sans devoir payer de doubles cotisations à la sécurité sociale ni bénéficier de doubles allocations. Tertio, la « conservation des droits en cours d’acquisition » (totalisation des périodes) : c’est la possibilité de faire valoir la totalité des périodes de travail accomplies dans un État pour la détermination d’un droit dans un autre État. En d’autres mots, lorsqu’un travailleur demande une prestation sociale, les périodes précédentes d’assurance, de travail ou de séjour dans d’autres pays sont prises en compte, le cas échéant. Quarto, la « conservation des droits acquis » (possibilité d’exporter les prestations) : c’est la possibilité de se déplacer dans un autre pays tout en continuant à recevoir certaines allocations en espèces de l’État membre d’origine. Par exemple, ce principe garantit à un retraité belge la possibilité de s’installer en Espagne, tout en continuant à percevoir sa pension comme s’il continuait à vivre en Belgique. Ce même principe permet à un chômeur indemnisé de se rendre dans un autre pays pour y chercher un emploi, tout en gardant son allocation de chômage pour une période limitée. En effet, selon la législation nationale, le droit à certaines prestations est fréquemment soumis à une condition de résidence, et le versement de ces prestations cesse lorsque le travailleur ne réside plus sur le territoire de l’État en question. Sans ce principe d’exportabilité, en cas de retour dans le pays d’origine ou de transfert vers un autre État membre, les droits aux prestations acquises pourraient être perdus, ce qui constituerait un obstacle important à la libre circulation des travailleurs  [100].

107Les États ayant continué à exclure a priori toute harmonisation de leurs normes sociales, l’objectif de cet ensemble de principes n’est pas d’uniformiser les différents systèmes nationaux de sécurité sociale, mais seulement de les faire « dialoguer » entre eux, afin de contenir la perte des droits sociaux des travailleurs et de faciliter ainsi leur libre circulation. C’est grâce à cette dimension transfrontalière que, à titre d’exemple, dans le cas d’une personne ayant travaillé en Belgique puis en France, c’est seulement ce second pays qui doit en principe lui verser des allocations de chômage (unicité de la législation applicable), comme il le ferait pour ses travailleurs nationaux (égalité de traitement) et comme si la personne concernée avait effectué toutes ses périodes de travail dans un seul pays (totalisation des périodes d’assurance), et ce sans exception ni restriction. En outre, si cette personne est actuellement au chômage en France et qu’elle souhaite retourner en Belgique pour y trouver un nouvel emploi, elle a le droit de conserver son allocation de chômage française pendant trois mois  [101] (exportabilité des prestations).

108Selon la jurisprudence constante de la CJUE, tous ces principes peuvent être réduits à un seul, à savoir que « les travailleurs migrants ne doivent pas subir de réduction du montant des prestations de sécurité sociale du fait qu’ils ont exercé leur droit à la libre circulation »  [102]. En d’autres termes, chaque travailleur doit pouvoir passer sans heurts d’un système de sécurité sociale à l’autre.

Exemple 1
Madame Kopacz, ressortissante polonaise, déménage en Allemagne en 2016, où elle trouve du travail dans un supermarché. Elle est licenciée au bout de 6 mois, alors que le chômage en Allemagne exige au moins 12 mois de travail. Toutefois, avant de s’installer en Allemagne, Mme Kopacz a travaillé sous un contrat à durée déterminée pendant 5 mois en Pologne et 3 mois en Autriche. En vertu de la législation européenne lui permettant de cumuler toutes ses périodes d’assurance, Mme Kopacz a droit aux prestations de chômage allemandes comme si elle était une ressortissante allemande et comme si elle avait travaillé et payé toutes ses cotisations en Allemagne (article 6 du règlement (CE) n° 883/2004). Conformément à la jurisprudence, elle ne subit aucune réduction du montant de ses prestations de sécurité sociale du fait de l’exercice de son droit à la libre circulation.
Exemple 2
Le cas de Monsieur et Madame Rookmaker-De Graaf, tous deux ressortissants néerlandais, est quelque peu différent. Dans leur pays, Mme De Graaf reçoit une pension d’invalidité et M. Rookmaker des allocations de chômage. En 2018, le couple décide de s’installer en Italie. La pension d’invalidité de Mme de Graaf est entièrement exportable (article 7 du règlement (CE) n° 883/2004), tandis que l’exportation des prestations de chômage est limitée en principe à 3 mois (article 64 du même règlement)  [103]. En raison de l’exercice de son droit à la libre circulation, M. Rookmaker subit donc une réduction du montant de ses prestations de sécurité sociale.

3.6. Controverses

109La valeur juridique et sociologique de ce corpus de normes est plus large et plus profonde que son expression ne semble l’indiquer  [104]. Pour le comprendre, il faut se situer à l’époque où ces règles ont été conçues et imaginer comment le marché du travail a évolué depuis lors.

110De six États membres en 1957, la CEE passe d’abord à neuf (1973), puis à dix (1981) et à douze (1986). L’écart de PIB par habitant entre l’État le plus pauvre et le plus riche est à ce stade de 1 à 4,9  [105]. En 1995, les États membres sont quinze. En 2004, la CEE désormais devenue Union européenne compte 25 pays, auxquels se joignent la Roumanie et la Bulgarie en 2007 et la Croatie en 2013. L’Union européenne compte ainsi 28 pays jusqu’en 2020, date à laquelle, avec la sortie du Royaume-Uni, pour la première fois, le nombre d’États membres diminue au lieu d’augmenter.

111Or les six pays fondateurs ont en commun, avec quelques différences, un système de sécurité sociale bismarckien plus ou moins similaire  [106], basé sur le modèle du gagne-pain masculin et des droits dérivés pour les femmes et les enfants. Avec l’adhésion des pays scandinaves et anglo-saxons, une nouvelle philosophie s’impose, avec des systèmes basés sur la résidence et financés par la fiscalité générale plutôt que sur les cotisations sociales liées au travail  [107]. Ensuite, avec l’arrivée des pays de l’ancien bloc soviétique, les dissymétries sociales deviennent gigantesques et l’écart de PIB par habitant entre l’État le plus pauvre et le plus riche monte à 20,1  [108].

112Il est donc naturel que, dans leur mise en pratique, ces principes s’adaptent au fur et à mesure à l’évolution de la société et des phénomènes migratoires. Durant plus de 60 ans, la coordination de la sécurité sociale est modifiée et mise à jour plus de 600 fois par la législation et au moins autant de fois par la jurisprudence de la CJUE, de sorte que la législation actuelle comprend 188 articles et 16 annexes de plus de 200 pages  [109].

113L’un des tournants les plus importants, comme nous l’avons déjà mentionné, a lieu en 2003, lorsque la coordination ouvre ses portes aux ressortissants de pays tiers, permettant ainsi de protéger les droits à la sécurité sociale de tous les travailleurs migrants, européens et non européens, quelle que soit leur nationalité  [110]. Depuis lors, les ressortissants de pays tiers, les membres de leur famille et leurs survivants, peuvent également bénéficier du règlement, ce qui n’était pas le cas auparavant. En effet, les travailleurs ressortissants de pays tiers ont longtemps été exclus de la protection offerte par les règles de sécurité sociale de l’Union européenne, car ils n’ont pas le même droit de circuler librement qu’un citoyen européen. Toutefois, le développement du droit primaire au cours des deux dernières décennies a ouvert la voie à certaines extensions des règlements de coordination afin d’offrir aux ressortissants de pays tiers la même protection en termes de sécurité sociale que les citoyens européens se déplaçant au sein de l’Union européenne (à la condition de résider légalement dans un État membre de l’Union)  [111].

114Par exemple, cela constitue une source de droits, pour les ressortissants de pays hors Union européenne qui ont quitté un pays de l’Union pour un autre pour y travailler, mais dont les enfants sont restés dans le premier pays de l’Union.

115Potentiellement, ce corpus de normes concerne aujourd’hui 18 millions de ressortissants de l’Union européenne vivant dans un pays dont ils n’ont pas la nationalité, près de 1,5 million de travailleurs frontaliers, et environ 20 millions de ressortissants de pays tiers qui vivent, travaillent et étudient dans un pays de l’Union, dont plus de 100 000 sont des saisonniers, qui se déplacent dans différents pays de l’Europe plusieurs fois par an  [112].

116Outre ces règles de coordination à l’intérieur de l’Union européenne, chaque État membre conclut des conventions bilatérales de sécurité sociale avec des pays tiers. Par exemple, la Belgique a signé de telles conventions avec 25 pays : l’Albanie, l’Algérie, l’Argentine, l’Australie, la Bosnie-Herzégovine, le Brésil, le Canada (ainsi qu’une convention séparée avec le Québec), le Chili, la République démocratique du Congo, la Corée du Sud, les États-Unis, l’Inde, Israël, le Japon, le Kosovo, la Macédoine du Nord, le Maroc, le Monténégro, la Moldavie, les Philippines, Saint-Marin, la Serbie, la Tunisie, la Turquie et l’Uruguay  [113]. Les objectifs et principes de ces conventions bilatérales (également appelés accords bilatéraux) sont similaires, mais pas identiques, à ceux qui sont applicables au sein de l’Union européenne.

117Les deux ensembles ont pour but de garantir la continuité des droits à la sécurité sociale aux personnes en situation de mobilité, et reposent sur les mêmes principes fondamentaux que les premiers accords bilatéraux conclus dans les années 1930 sous l’égide de l’OIT, à savoir l’égalité de traitement, l’unicité de la législation applicable, la préservation des droits acquis, la préservation des droits en cours d’acquisition. Tant les règles européennes que les conventions internationales de sécurité sociale coordonnent l’application des législations nationales, mais ne les modifient pas. Chaque convention étant un instrument juridique autonome, il n’est pas rare que des caractéristiques varient ou qu’une clause soit appliquée d’une manière différente d’un pays à l’autre. Par ailleurs, il n’existe aucune cour de justice internationale apte à imposer des interprétations particulières dans ce domaine.

118Par souci d’exhaustivité, ces pages devraient également tenir compte de ces accords. Elles devraient aussi souligner que la politique de sécurité sociale de l’Union européenne à l’égard des ressortissants de pays tiers a été conçue principalement de manière unilatérale, sans négociations formelles avec les pays tiers, ou en laissant le monopole de ces négociations aux États membres, et qu’elle présente par conséquent de nombreuses lacunes, notamment en termes de réciprocité  [114]. Pour des raisons de concision et de clarté, elles se limitent toutefois aux normes européennes générales, qui, en vertu d’un principe d’égalité de traitement, s’appliquent également (à quelques exceptions près) aux ressortissants de pays tiers, lorsqu’ils se déplacent d’un pays à l’autre de l’Union  [115].

119Tout en continuant à utiliser des exemples concrets, les bases de ces règles seront présentées plus en détail dans le chapitre suivant. Cela montrera comment – contrairement à la jurisprudence consolidée de la CJUE – certains travailleurs migrants peuvent être exposés à une réduction du montant de leurs prestations de sécurité sociale lorsqu’ils travaillent dans des conditions atypiques.

4. Principaux problèmes posés par l’emploi atypique à la protection sociale des travailleurs migrants

120Comme les systèmes nationaux de sécurité sociale qu’ils essaient de coordonner, les règlements européens voient le jour pendant l’ère fordiste de la production manufacturière de masse. Leur but est alors de protéger des travailleurs employés à temps plein et à durée indéterminée, qui sont généralement des hommes ayant une famille à charge, contre des risques que l’on pourrait qualifier de traditionnels : maladie, chômage, accidents, vieillesse. Cela correspond à un modèle de société dans lequel le cours de la vie des gens et les accidents qui peuvent survenir sont prévisibles et conséquents, car déterminés par des phases, des rôles et des statuts sociaux distincts, essentiellement la naissance, les études, le travail, l’inactivité et la mort. Dans un tel contexte, il ne fait guère de doute qu’un travailleur est un travailleur. Définir la portée personnelle (ratione personae) des règles sociales est alors un exercice relativement facile.

121Aujourd’hui en revanche, ce modèle ne fonctionne tout simplement plus. Dans tous les pays, à différents degrés, de nouvelles relations de travail se sont en effet imposées. Les régimes nationaux de protection sociale se sont également débarrassés progressivement des modèles autour desquels ils avaient été édifiés et structurés, pour faire place à d’autres formes de protection, extraordinaires, partielles, hybrides, complémentaires, moins solides, en deux mots atypiques.

122C’est la place même du travail dans la société qui est remise en question. De nos jours, le fait de travailler peut aussi signifier que le travail n’occupe qu’une partie minimale de la vie de la personne, ou que le revenu du travail n’est qu’un élément accessoire et complémentaire de ses ressources. Le statut de « travailleur » lui-même est en somme devenu fluide. Ce n’est pas un hasard si la CJUE est régulièrement appelée à se prononcer sur la question de savoir si une telle personne doit ou non être considérée, dans ses circonstances particulières, comme un travailleur salarié, un indépendant ou une personne inactive, au sens du droit européen en vigueur. Et, en fonction de cela, à indiquer à quel régime d’assurance, de quel pays, la personne en question doit éventuellement être affiliée  [116].

123Dans le même temps, la nature des migrations a évolué. Jusqu’au début des années 1970, le travailleur migrant type était l’ouvrier masculin qui prenait un poste à temps plein et retournait dans son pays d’origine à la fin de sa vie professionnelle. Aujourd’hui, la typologie de la migration est beaucoup plus variée, avec notamment des cadres, des spécialistes, beaucoup plus de femmes et une grande mobilité transfrontalière de certains travailleurs  [117].

124Alors, très concrètement, que se passe-t-il lorsqu’une personne se trouve dans une situation de mobilité internationale tout en travaillant sous un statut atypique ? Quels sont les risques auxquels elle est exposée au cours de son parcours migratoire ? Les problèmes se posent à différents niveaux  [118].

125Primo, l’impossibilité de valoriser ses périodes de travail. C’est principalement le problème posé par les relations de travail de type « mini-job », qui permettent une exonération totale de cotisations de sécurité sociale ou une couverture d’assurance uniquement pour certaines branches. Les cotisations de sécurité sociale étant l’élément clé permettant la traçabilité et la portabilité des droits, une rupture des droits de sécurité sociale se produit logiquement en leur absence, chaque fois que le travailleur change de pays et donc de régime d’assurance.

126Secundo, l’impossibilité de valoriser ses cotisations sociales. Dans certains cas, il peut être impossible de faire valoir ses périodes de travail même si les cotisations de sécurité sociale obligatoires ont été payées. Cela se produit lorsque les périodes d’assurance associées à un statut atypique dans un pays ne sont pas prises en compte de la même manière dans le régime d’assurance de l’autre pays. Tel est notamment le cas des relations de travail hybrides, tels que les « indépendants dépendants ».

127Tertio, l’impossibilité d’exporter ses allocations de chômage, lorsque celles-ci relèvent du régime de l’aide sociale. Dans certains pays, la protection sociale des travailleurs ayant des contrats atypiques est limitée à des mesures spéciales, ressortissant plus à la branche de l’aide sociale qu’à celle de la sécurité sociale. Outre l’appauvrissement matériel que ces mesures entraînent, le problème se pose lorsqu’un demandeur d’emploi indemnisé par une prestation de ce type souhaite exporter ses allocations pour pouvoir chercher du travail dans un autre pays.

128Quarto, la difficulté à remplir les conditions minimales d’ouverture des droits. Dans de nombreux pays, les conditions minimales pour avoir droit à certaines prestations de sécurité sociale sont presque impossibles à atteindre pour les personnes qui ont travaillé dans différents pays, avec des carrières partielles, atypiques et fragmentées. Dans d’autres situations, c’est la méthode de calcul des prestations qui défavorise les personnes ayant des périodes d’assurance, de travail ou de résidence incomplètes, accomplies à travers plusieurs pays.

129Quinto, les entraves en droit des étrangers. En raison de la fluidité de leur statut, de la précarité de leur emploi et des faibles revenus qui en résultent, les travailleurs sous contrat atypique ont, dans leur pays d’accueil, plus difficilement accès à certains droits, comme le regroupement familial et la nationalité, et sont plus exposés que d’autres au risque de perdre leur permis de séjour, voire d’être expulsés.

130Ici, ces principaux problèmes sont divisés en catégories, par souci de concision et de clarté de présentation. Mais dans la réalité, ils ne se présentent pas un par un. Au contraire, ils se recoupent souvent et une même personne peut facilement être exposée à plusieurs de ces risques simultanément, selon le phénomène dit des désavantages cumulés  [119].

4.1. L’impossibilité de valoriser ses périodes de travail

131Selon les règles européennes de la coordination de la sécurité sociale, les organismes d’assurance doivent, pour calculer des allocations (de chômage, par exemple) normalement « totaliser » toutes les périodes d’emploi et d’assurance de la personne concernée, y compris celles accomplies dans d’autres pays de l’Union européenne. Cependant, ce principe devient douteux lorsque l’intéressé a cumulé plusieurs contrats non soumis à cotisations sociales obligatoires ou dont l’obligation ne concerne que certaines branches de la sécurité sociale.

132Le cas le plus connu est celui des « mini-jobs » allemands (Geringfügige Beschäftigung). Il s’agit essentiellement d’activités professionnelles dites mineures (ou accessoires, ou encore marginales), introduites en 1971 dans le code de la sécurité sociale allemand (Sozialgesetzbuch). Jusqu’en 2012, les travailleurs dont le mini-job ne dépassait pas les deux seuils de 400 euros par mois et 15 heures par semaine étaient assurés uniquement contre les accidents du travail. Aujourd’hui, le seuil salarial est fixé à 450 euros, le plafond de 15 heures par semaine a été aboli, et l’exonération de cotisations de sécurité sociale a été rendue « facultative » à savoir que, dans la pratique, l’employeur peut proposer au travailleur de renoncer à ses droits à la sécurité sociale ; sous ce statut, la personne qui reste au chômage ne peut logiquement pas faire valoir ces périodes d’emploi, pour lesquelles ni elle ni son employeur n’a cotisé à la sécurité sociale (il en va de même pour la pension).

133Conçus à l’origine pour fournir un revenu secondaire aux femmes mariées dont la sécurité sociale est assurée par leur conjoint, ou pour légaliser le travail accessoire des salariés déjà couverts par la sécurité sociale dans le cadre du régime général, les mini-jobs sont aujourd’hui un phénomène de masse en Allemagne. Selon les données de la Deutscher Gewerkschaftsbund (DGB : Fédération allemande des syndicats), et de l’Institut Arbeit und Qualifikation (IAQ, Institut du travail et de la qualification) de l’Université de Duisburg-Essen, l’Allemagne comptait 7,5 millions de mini-emplois en 2014, soit près d’un emploi sur cinq. Plus de 63 % de ces postes étaient occupés par des femmes. Environ un tiers des travailleurs concernés avaient également d’autres sources de revenus, sociales ou professionnelles, et d’autres couvertures d’assurance, mais, pour au moins 5 millions d’entre eux, un mini-job était la seule source de revenus du travail.

134De la même manière, au Royaume-Uni, les salaires inférieurs à 183 livres sterling par semaine bénéficient de la small earnings exception (exception pour les petits revenus), qui exonère le travailleur de ses cotisations de sécurité sociale et, dès lors, l’exclut logiquement de tout régime d’assurance. Des contrats similaires existent également en Autriche, en Slovénie et en Suisse.

135En Belgique, les « flexi-jobs », introduits en 2015 dans l’hôtellerie et la restauration, puis étendus à d’autres secteurs, permettent à une personne qui travaille déjà au moins aux quatre cinquièmes du temps, et donc déjà couverte par l’assurance sociale, de gagner un salaire complémentaire, en prestant occasionnellement des heures supplémentaires pour un autre employeur. Aucune cotisation de sécurité sociale n’est prélevée sur le flexi-salaire et l’employeur ne paie qu’une cotisation spéciale de 25 %.

136Ces flexi-jobs complètent les faibles revenus, réduisent les recettes de la sécurité sociale, favorisent le cumul d’emploi et ne permettent donc pas de diminuer le chômage, mais au moins ne restreignent pas totalement l’ouverture des droits à la sécurité sociale, comme en Allemagne ou au Royaume-Uni. D’une part, parce que le travailleur est censé être déjà assuré et, d’autre part, parce que ses prestations sont communiquées à l’Office national de sécurité sociale (ONSS) et les « flexi-salaires et flexi-pécules sont considérés comme constituant une rémunération journalière moyenne. Ces prestations sont alors comprises dans la base de calcul pour la constitution des droits sociaux, dont les allocations de chômage, les indemnités de maladie, etc. »  [120].

137Un autre domaine où le problème de l’absence de cotisations sociales se pose souvent est celui des contrats hybrides de type formation/travail (apprentissage, stage, formation en alternance, etc.). Nous entrons ici dans une véritable jungle d’assurances sociales, où la protection peut être complète dans un pays, partielle dans un autre et totalement inexistante dans un troisième.

138Bien que, juridiquement, ils ne puissent pas être considérés strictement comme des contrats de travail (c’est en ce sens qu’ils sont considérés comme des hybrides), dans la pratique, ces arrangements sont souvent utilisés comme des formes de travail salarié bon marché. En Belgique, le secrétariat social des employeurs Partena présente ainsi la convention d’immersion professionnelle à ses affiliés en ces termes : « Ce type de contrat est destiné à couvrir tous les stages qui ne sont organisés ni par les écoles ni par un autre cadre réglementaire. La convention d’immersion professionnelle est un contrat de stage par lequel le stagiaire acquiert, dans le cadre d’une formation, certaines connaissances pratiques ou aptitudes professionnelles auprès d’un employeur en effectuant des prestations de travail. Le travail effectué peut correspondre aux tâches d’un employé ou d’un ouvrier. On peut, par exemple, tout aussi bien imaginer la conclusion d’une telle convention pour un stage au sein du service marketing d’une entreprise que pour un stage en tant que mécanicien dans un garage. La différence avec le contrat de travail réside dans le fait que l’accent est mis sur la formation et l’apprentissage. L’objet premier de ce contrat est dès lors de former un stagiaire. Les prestations de travail ne sont qu’un moyen pour arriver à cette fin (…). L’indemnité à octroyer au stagiaire est bien moins élevée que la rémunération qui serait due si l’employeur avait affaire à un travailleur salarié. L’indemnité minimale s’élève à maximum 751 euros par mois (à ce jour, très peu de commissions paritaires ont fixé un minimum plus important). Les jours d’absence du stagiaire ne doivent pas être indemnisés (…). Enfin, les parties conviennent librement de la manière dont le contrat de stage prend fin. Ceci permet à l’employeur de faire en sorte qu’il ne soit pas pieds et poings liés dans le cas où il était confronté à un stagiaire ne convenant pas du tout »  [121].

139En Slovénie, les vajeniskapogodba sont soumis à une obligation de cotisation réduite (pour un an, ne sont versés que six mois de cotisation), mais celle-ci ne leur donne droit qu’à une assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles. En France, en revanche, les apprentis bénéficient de la même protection sociale que les salariés. En Italie, l’apprendistato donne droit aux allocations familiales, à l’assurance contre les accidents et les maladies professionnelles, aux allocations d’invalidité, à la pension de vieillesse et, seulement depuis 2013, aux allocations de chômage aux mêmes conditions que les autres salariés. Par contre, les apprentis sont exclus du chômage économique (cassa integrazione guadagni) et des indemnités de maladie.

140En Belgique, les contrats d’apprentissage sont couverts par un régime de sécurité sociale partiel, qui varie en fonction de l’âge : en règle générale, jusqu’à l’âge de 18 ans, l’apprenti n’est couvert que par les congés payés, les accidents du travail et les maladies professionnelles. Ce n’est qu’à l’âge de 19 ans que toutes ces formes de contrat sont, en principe, soumises aux mêmes obligations de cotisation que le régime général des salariés, y compris les assurances vieillesse et chômage. Mais à partir de ce moment, c’est une véritable mosaïque. Pour le chômage, l’indemnité d’apprentissage n’est pas considérée par l’ONEM comme une rémunération. Par conséquent, les journées prestées sous une convention d’immersion professionnelle ne seront pas comptabilisées pour l’ouverture d’un droit au chômage sur la base du travail. Une convention d’insertion professionnelle est compatible avec le stage d’insertion professionnelle, seulement si elle est considérée comme utile pour l’insertion sur le marché de l’emploi (c’est l’ONEM qui en jugera). D’autres contrats d’apprentissage, comme ceux des apprentis industriels, ouvrent théoriquement le droit au chômage. Mais dans la pratique, l’apprenti reste souvent sans couverture, même si des cotisations sociales ordinaires ont été payées, car l’indemnité de stage qui lui est versée n’atteint presque jamais le montant du salaire minimum légal des salariés, qui est une autre des conditions pour avoir droit aux allocations de chômage en Belgique.

4.2. L’impossibilité de valoriser ses cotisations sociales

141Dans la grande majorité des systèmes juridiques du monde, il existe une « division binaire » entre emploi salarié et travail indépendant, l’emploi salarié servant de base à la réglementation du travail. Cependant, certaines relations de travail peuvent être ambiguës lorsque les droits et les obligations des parties concernées ne sont pas clairs, ou lorsqu’il existe des zones grises dans la loi  [122].

142Dans ces cas, l’OIT utilise des expressions comme « travail économiquement dépendant » ou « travail juridiquement indépendant mais économiquement dépendant », pour désigner toutes les relations dans lesquelles le travailleur fournit des services à une entreprise en vertu d’un contrat autre qu’un contrat de travail salarié, tout en dépendant pour ses revenus d’un ou deux clients/employeurs, dont il reçoit des instructions sur la manière dont le travail doit être exécuté. Le travailleur est ainsi délibérément classé de manière erronée comme travailleur indépendant, à son compte, alors qu’il se trouve en réalité dans une relation de subordination pure  [123].

143Comme ces formes d’emploi ne relèvent pas formellement d’une relation salariée, les travailleurs concernés ne bénéficient pas de la protection offerte par le droit du travail, notamment en ce qui concerne les salaires minimums, la sécurité sociale et les congés de maladie. De plus, ils risquent dans de nombreux cas d’être privés du plein exercice de certains droits fondamentaux généralement réservés aux salariés, tels que la liberté d’association et le droit de négociation collective.

144Si la personne travaillant sous l’un de ces statuts est un migrant, ou du moins une personne susceptible d’émigrer ultérieurement, elle est involontairement exposée à des discriminations supplémentaires, qui se produisent lorsque les périodes d’assurance acquises dans un pays ne sont pas reconnues dans un autre pays. En effet, la coordination européenne de la sécurité sociale stipule que les périodes d’emploi accomplies sous la législation d’un État ne sont prises en compte dans un autre que si ces périodes auraient également été considérées comme des périodes d’assurance au titre de la législation ici applicable  [124].

145Les contrats dits de para-subordination introduits dans le droit du travail italien dans les années 1990 (cf. supra) sont un exemple éloquent à cet égard. Dans la législation italienne, le statut d’un travailleur para-subordonné est équivalent à celui d’un travailleur indépendant sur le plan fiscal, tandis que la nature de la relation de travail avec son client/employeur est comparable à celle d’un salarié. En ce qui concerne la sécurité sociale, ces travailleurs sont affiliés au régime des indépendants, avec en complément une mini-assurance en cas de perte d’emploi, qui n’offre cependant pas le même niveau de protection que les salariés. S’agissant d’une forme d’assurance sociale hybride, créée spécifiquement pour le marché du travail interne, la personne ayant exercé un emploi para-subordonné en Italie qui est ensuite au chômage en Belgique voit ses périodes de travail effectuées dans le cadre du régime italien des para-subordonnés être considérées par l’ONEM comme des activités indépendantes ; les cotisations que cette personne a versées ne sont donc pas prises en compte aux fins du chômage.

146En Espagne, afin de parvenir à une égalité effective en termes de protection sociale entre le travail indépendant et le travail salarié, la loi 20/2007 a introduit le statut de travailleur indépendant économiquement dépendant (trabajador autonomo economicamente dependiente)  [125]. Les personnes qui travaillent sous ce statut paient des cotisations obligatoires pour cese de actividad, une prestation qui couvre les situations dans lesquelles le travailleur cesse son activité en raison d’une situation involontaire, qui doit être dûment justifiée. Cette prestation, qui est gérée par les mutuelles en collaboration avec les services publics de l’emploi des Communautés autonomes, est délibérément assimilée au chômage des salariés  [126]. Contrairement aux travailleurs para-subordonnés italiens, les périodes de travail des indépendants économiquement dépendants espagnols doivent en conséquence être prises en compte aux fins du chômage en Belgique.

Exemple 3
Madame Delli, 32 ans, est une chercheuse résidant en Belgique mais ayant la nationalité d’un pays non européen. Elle s’installe en Italie en 2014 pour participer à un projet d’un établissement de recherche public d’une durée de six mois. Pendant cette période, sa rémunération brute totale s’élève à 18 000 euros et ses cotisations de sécurité sociale sont versées à la caisse d’assurance pour les travailleurs para-subordonnés. En 2015, elle obtient un contrat à durée déterminée dans une université de Bruxelles. Après huit mois, ce projet de recherche prend également fin et Mme Delli se trouve au chômage.
Selon l’ONEM, les cotisations qu’elle a versées en Italie résultent d’une période d’assurance pour les indépendants, ce qui ne lui donne pas droit au chômage en Belgique. Si elle était restée en Italie, elle aurait eu droit à une mini-allocation de chômage, spécifiquement prévue à cet effet. S’étant installée en Belgique, où elle a pourtant continué à payer ses cotisations sociales, la chercheuse n’a droit à ses prestations, ni en Belgique ni en Italie  [127]. Contrairement aux principes de la CJUE, le fait que cette personne ait exercé son droit à la libre circulation entraîne donc une réduction de ses prestations de sécurité sociale, qui n’aurait pas eu lieu si son statut de travailleur salarié n’avait pas été remis en cause.
En revanche, si, toutes conditions égales par ailleurs, Mme Delli avait travaillé en Espagne et non en Italie, elle aurait eu le droit de combiner en Belgique ses six mois de travail en Espagne et ses huit mois de travail en Belgique, sans que l’exercice de son droit à la libre circulation n’entraîne la perte de ses prestations sociales.

4.3. L’impossibilité d’exporter ses allocations de chômage

147Au Royaume-Uni, la jobseeker’s allowance (JSA) est une prestation versée aux personnes qui ne travaillent pas, ou qui ne travaillent qu’à temps partiel, et qui cherchent activement du travail. Il existe deux types de JSA. La contribution-based JSA est une allocation de chômage contributive classique, c’est-à-dire versée sur la base d’une certaine période minimale d’emploi salarié pendant laquelle des cotisations de sécurité sociale ont été payées. L’income-based JSA est une allocation non contributive, uniquement liée à des conditions de revenu ; elle est octroyée au demandeur d’emploi qui n’a pas droit à une allocation contributive, soit parce qu’il n’a pas payé suffisamment de cotisations sociales, soit parce qu’il était indépendant ou parce que sa JSA basée sur les cotisations a pris fin. Sous certaines conditions, le bénéficiaire d’une JSA non contributive peut également prétendre à une aide financière, destinée à rembourser une partie du prêt hypothécaire ou du loyer. En effet, l’allocation non contributive s’apparente davantage à une aide sociale qu’à une allocation de chômage : l’épargne dont dispose l’intéressé (et son partenaire, le cas échéant) ne doit pas excéder 16 000 livres sterling, l’allocation n’est attribuée au demandeur en couple que si son conjoint travaille moins de 24 heures par semaine en moyenne, etc. La JSA contributive est versée pendant au maximum 182 jours, à l’expiration desquels le demandeur d’emploi ne peut prétendre qu’à une allocation non contributive  [128]. Pour de nombreux travailleurs employés dans le cadre de contrats atypiques au Royaume-Uni, l’allocation non contributive est la seule prestation de chômage réellement accessible.

148De même, dans un nombre croissant de pays, la protection sociale des travailleurs les plus précaires a été progressivement confinée à des mesures palliatives, qui relèvent davantage de l’assistance sociale que de la sécurité sociale. Dans la plupart des cas, il s’agit de prestations liées à la perte d’un emploi, mais l’accès à ces prestations est basé sur la vérification des revenus au lieu des cotisations de sécurité sociale. Citons par exemple la sécurité de base pour les demandeurs d’emploi en Allemagne (Arbeitslosengeld II, Sozialgeld), l’allocation pour les demandeurs d’emploi en Irlande (jobseekers’ allowance), l’assistance chômage en Estonie (töötutoetus), les prestations dites de soutien au marché du travail introduites en Finlande (loi sur les allocations de chômage 1290/2002), ou les prestations mixtes non contributives en cas de chômage prévues par la législation cantonale en Suisse  [129].

149En plus de la paupérisation matérielle que ces mesures entraînent, la mauvaise surprise arrive au moment où, voulant trouver du travail dans un autre pays, le demandeur d’emploi se voit obligé de renoncer à l’exportation de ses allocations de chômage. En effet, dans le cadre de la coordination européenne de la sécurité sociale, la personne qui est chômeur indemnisé dans un pays peut s’établir dans un autre pays pour y chercher du travail, tout en gardant ses allocations jusqu’à trois mois  [130]. Ce principe, dit de l’exportation, ne s’applique toutefois qu’aux prestations contributives  [131]. Parmi les prestations non exportables, il en est nombre qui dépendent officiellement des conditions de revenu et non des cotisations, mais qui sont de facto des allocations de chômage.

150Même si le recours à ces mesures palliatives est parfois accepté tacitement par le bénéficiaire, à la fois parce qu’il n’y a pas d’alternative et parce que le montant de l’allocation peut aussi se rapprocher de celui d’une véritable allocation de chômage, le fait d’obliger le travailleur à choisir entre son allocation et son projet de migration est contraire à l’esprit même des règlements européens et crée une rupture nette entre la liberté de circulation et le droit à la sécurité sociale. En outre, puisqu’il s’agit d’une aide sociale et non d’une véritable assurance chômage, des restrictions ultérieures peuvent être imposées en fonction de la nationalité et de la résidence de la personne. En Allemagne, par exemple, plusieurs catégories d’étrangers ne peuvent bénéficier de l’aide sociale de base pour les demandeurs d’emploi : ceux qui résident dans le pays depuis moins de cinq ans, ceux dont le droit de séjour est exclusivement fondé sur la recherche d’un emploi, ceux dont le droit de séjour découle directement ou indirectement du droit de leurs enfants de fréquenter une école, et les demandeurs d’asile  [132]. C’est un exemple parlant de cumul des désavantages.

4.4. La difficulté à remplir les conditions d’ouverture des droits

151D’une manière générale, presque tous les pays imposent des conditions d’assurance minimales pour l’accès aux prestations de sécurité sociale, qu’il s’agisse de prestations de chômage, de maternité et de paternité, de pensions de vieillesse ou autres. C’est du moins la règle courante dans les régimes de type assurantiel  [133]. Ici aussi, le problème réside dans la disparité de traitement selon les différents systèmes nationaux d’application. Dans certains pays, ces exigences sont moins strictes, et donc potentiellement accessibles à des travailleurs aux carrières courtes et fragmentées. Mais dans la plupart des pays, elles sont strictes et complexes, et donc difficiles à atteindre si la personne concernée a longtemps navigué dans les systèmes de sécurité sociale de plusieurs pays, avec des carrières atypiques et particulièrement fragmentées.

152Par exemple, pour ouvrir le droit au chômage en Belgique, il faut avoir travaillé un certain nombre de jours durant une période déterminée qui précède l’inscription au chômage (cette période est appelée « période de référence »). Pour les personnes reconnues comme réfugiées ou apatrides, le travail effectué dans n’importe quel pays du monde peut être pris en considération pour autant qu’il s’agisse d’un travail qui, s’il avait été réalisé en Belgique, aurait ouvert le droit au chômage et que la personne justifie d’au moins trois mois de travail en Belgique. En conséquence, une personne âgée de 50 ans doit remplir l’une de ces trois conditions : soit 624 jours au cours des 42 derniers mois ; soit 312 jours dans les 42 mois ainsi que 1 560 jours dans les dix ans précédant ces 42 mois ; soit 416 jours dans les 42 mois ainsi que, pour chaque jour manquant pour arriver à 624 jours, 8 jours dans les dix ans précédant ces 42 mois. En France, la même personne âgée de 50 ans doit prouver 130 jours de travail au cours des 24 derniers mois. En Espagne, elle doit prouver 360 jours au cours des six années précédant la situation de chômage en Espagne. En Allemagne, indépendamment de son âge, la personne doit prouver 12 mois de travail au cours des 30 derniers mois ; mais si elle a principalement exercé des emplois de courte durée, pour lesquels elle a obtenu des contrats à durée déterminée de 10 semaines au maximum, une période de travail de 6 mois peut éventuellement être suffisante  [134].

153Pour de nombreux travailleurs ayant des contrats occasionnels, ce manque d’harmonisation conduit à une course d’obstacles sans ligne d’arrivée, où la couverture sociale est un objectif inatteignable. Le fait que les conditions d’ouverture des droits diffèrent considérablement d’un pays à l’autre peut donner lieu à des discriminations et empêcher ainsi l’égalité entre les travailleurs de différents pays qui, à cotisations égales, peuvent ou non avoir droit à une prestation, selon le système de sécurité sociale auquel ils sont en dernier lieu soumis.

154Ainsi, en Italie, une allocation de chômage spéciale, versée en une seule fois, a été introduite en 2013 pour certaines catégories de travailleurs ayant un contrat atypique (para-subordination). Pour pouvoir prétendre à cette mini-allocation, le demandeur doit prouver : d’être assuré uniquement en tant que travailleur para-subordonné ; d’avoir travaillé, au cours de l’année précédente, avec un seul client ; d’avoir gagné, au cours de l’année précédente, un revenu brut ne dépassant pas 20 000 euros, provenant uniquement d’un travail de para-subordination ; d’avoir eu une période de chômage sans indemnisation d’au moins deux mois au cours de l’année précédente ; d’avoir été assuré au cours de l’année précédente pour le paiement d’au moins quatre mois de salaire. Ces conditions sont tellement rigides et complexes que, dans la pratique, presque personne ne peut y accéder. Une fois de plus, le cas italien met en évidence un problème qui s’applique également à d’autres pays, à savoir que, au lieu de s’exclure les unes les autres, les difficultés d’accès à la protection sociale rencontrées par les travailleurs ayant des contrats atypiques sont, le plus souvent, cumulatives.

155Dans d’autres situations, c’est la méthode de calcul des prestations qui défavorise les personnes ayant des périodes d’assurance, de travail ou de résidence incomplètes, accomplies à travers plusieurs pays. Ainsi, dans un système tel que celui de la Suède – qui, à d’autres égards, est considéré comme un modèle d’État providence –, la totalisation de plusieurs périodes de travail peut conduire à un résultat désavantageux lorsque la personne a travaillé dans différents pays, en cumulant des courtes périodes faiblement rémunérées. Le cas suédois est illustratif, mais il n’est évidemment pas le seul à présenter ce type de complication.

156Le problème, comme nous l’avons déjà souligné, c’est que les systèmes nationaux de protection sociale reflètent encore, à bien des égards, un ancien modèle de société industrielle fondé sur la continuité du travail, à temps plein et à durée indéterminée, et que leurs systèmes de calcul des prestations suivent souvent la même logique.

Exemple 4
En Suède, l’assurance vieillesse (allmän pension) comporte trois piliers obligatoires : une pension de vieillesse de base (inkomstpension), fondée sur un système par répartition et financée par les cotisations sociales ; une pension complémentaire, financée par capitalisation (premiepension) ; une pension garantie (garantipension), versée sous conditions de ressources et financée par l’impôt, au profit des personnes sans autre pension ou dont la pension professionnelle est de faible importance (cette prestation garantie n’atteint le taux plein qu’avec 40 ans de résidence en Suède).
Monsieur Milazzo, 65 ans, vit en Suède depuis l’âge de 35 ans. Avant de s’établir dans ce pays, il avait travaillé plusieurs années dans le cadre de contrats de formation et de stage, exonérés de cotisations de sécurité sociale. Pendant les dix premières années de résidence en Suède, il a fait des études et suivi des cours de formation professionnelle, non rémunérés. Au cours des 20 années suivantes, il a travaillé occasionnellement dans des restaurants et des pizzerias. Pendant 8 ans de sa résidence en Suède, il est revenu en Italie trois mois chaque été pour travailler comme saisonnier (soit 24 mois au total).
En Italie, n’ayant totalisé que 48 semaines de cotisations sociales, M. Milazzo n’a droit à aucune pension. En Suède, ayant totalisé 12 ans de cotisations, il a droit à une petite pension de vieillesse de base, mais pas à la pension complémentaire. Quant à la pension garantie, elle lui est uniquement octroyée sur la base des 28 années de résidence en Suède ; il reçoit donc l’équivalent de 28/40e. Si M. Milazzo avait résidé tout le temps en Suède et avait versé ses faibles cotisations uniquement dans ce pays, le montant de sa pension serait aujourd’hui considérablement plus élevé. Il s’agit donc d’une personne qui a perdu ses droits à la sécurité sociale pour la seule raison qu’elle a exercé son droit à la libre circulation, et pour l’avoir fait à travers plusieurs contrats atypiques de courte durée.

157Deux arrêts de la CJUE ont bien mis en lumière la discrimination dont peuvent être victimes les personnes qui ont travaillé, sous des contrats atypiques, dans différents pays de l’Union européenne, en particulier en ce qui concerne le système de calcul des pensions  [135].

158Dans son arrêt du 22 novembre 2012 rendu dans l’affaire C-385/11 (Isabel Elbal Moreno vs. Seguridad Social), la CJUE déclare que le fait de conditionner le calcul des cotisations versées au nombre d’heures effectivement prestées ne permet pas au travailleur à temps partiel d’atteindre le nombre minimum de cotisations requis pour obtenir le droit à une pension. Le calcul est clairement discriminatoire selon la Cour, car les périodes minimales de cotisation diffèrent considérablement d’un pays à l’autre et empêchent ainsi l’égalité entre les citoyens de différents pays qui, à cotisations égales, peuvent ou non avoir droit à une prestation, selon le système de sécurité sociale auquel ils sont actuellement soumis.

159Pour sa part, l’arrêt du 21 février 2013 rendu dans l’affaire C-282/11 (Salgado Gonzalez vs. Seguridad Social) est plus étroitement lié au principe de la totalisation inscrit dans les règlements européens. Madame Salgado González avait versé des cotisations de sécurité sociale en Espagne au régime spécial d’assurance des travailleurs indépendants (régimen especial de trabajadores autónomos) pendant une période totale de 3 711 jours, et au Portugal pendant une période totale de 2 100 jours. Appliquant sa règle nationale, l’institution espagnole a calculé la prestation de pension sur la base des cotisations versées pendant une période de 15 ans, en ne prenant en compte que les 10 années de cotisations effectivement versées en Espagne, et en complétant la période de calcul par 5 années à valeur notionnelle, qui, dans le cas d’un travailleur indépendant, est égale à zéro. Ainsi, comme le souligne la CJUE, il existe une discrimination évidente entre un travailleur qui a travaillé dans plus d’un pays et un autre qui a cotisé, pour la même période, dans un seul pays.

160De même, le travail à temps partiel, lorsqu’il est mal rémunéré, peut conduire les institutions sociales à remettre en cause le statut de la personne concernée, annulant ainsi toute une série de droits réservés exclusivement aux travailleurs, comme illustré dans l’exemple 5.

Exemple 5
Madame Tax, une ressortissante néerlandaise, vit depuis janvier 2005 avec ses deux enfants au Royaume-Uni, où elle travaille à temps partiel, pour un salaire hebdomadaire de 65 livres sterling (l’équivalent d’environ 71 euros). Elle perçoit également des allocations familiales de 28,40 livres sterling (32 euros) par semaine et un crédit d’impôt pour enfant (« child tax credit ») de 72,38 livres sterling (80 euros) par semaine  [136]. Après avoir vécu chez des amis pendant un certain temps, en juillet 2006, Mme Tax loue un appartement et fait une demande d’allocations de logement, une prestation à laquelle un citoyen britannique dans sa même situation aurait droit.
L’autorité locale fait valoir que le travail à temps partiel effectué par cette personne ne peut être qualifié de « véritable et réel » (« effective and genuine ») au sens du droit communautaire. En revanche, la chambre des recours administratifs (Administrative Appeals Chamber) fait droit à la demande de Mme Tax, au motif que celle-ci a le statut de « travailleur », même si elle a demandé à bénéficier d’une aide sociale, et que l’autorité locale compétente devait donc lui accorder l’aide qu’elle avait demandée.

4.5. Les entraves au droit de séjour et au statut des étrangers

161En raison de la fluidité de leur statut socio-économique, de l’instabilité de leur emploi et des faibles revenus qui en résultent, les personnes travaillant sous contrat atypique dans des pays dont elles ne sont pas ressortissantes ont plus difficilement accès à certains droits, tels que le regroupement familial ou l’acquisition de la nationalité, et sont plus susceptibles que d’autres de perdre leur permis de séjour, voire d’être expulsées  [137].

162Concernant le regroupement familial, le demandeur doit généralement démontrer un certain revenu annuel minimum, qui doit être stable, déclaré et non inférieur à un certain montant, établi dans chaque pays en fonction des seuils de revenu qui donneraient autrement droit à l’aide sociale. En d’autres termes, le demandeur doit apporter la preuve qu’il est en mesure de subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille, l’objectif étant que l’arrivée de la famille n’entraîne pas de coûts sociaux pour le pays d’accueil.

163En Belgique, la personne qui souhaite se faire rejoindre doit généralement prouver qu’elle dispose d’un revenu équivalant à au moins 120 % du revenu d’intégration sociale (1 555 euros nets par mois au 1er mars 2020). Seuls les revenus du demandeur sont pris en compte, et non ceux des membres de la famille à réunir. Il est évident que les travailleurs occupés de manière intermittente, et faiblement rémunérés, éprouvent davantage de difficultés à d’atteindre ce seuil minimum. Qui plus est, tous les revenus ne sont pas égaux devant la loi. En effet, certaines prestations sociales qui pourraient éventuellement compléter les revenus du regroupant, telles que le revenu d’intégration et l’aide sociale équivalente, les allocations familiales et le supplément aux allocations familiales, l’allocation d’attente et l’allocation transitoire, ne sont pas prises en compte  [138]. Qui plus est, certaines rémunérations de salariés peuvent également être exclues du calcul. Le travail intérimaire n’est pris en compte que s’il a été effectué de manière continue pendant au moins un an ou s’il a été obtenu après une période de chômage. Quant aux revenus provenant d’un contrat d’insertion socio-professionnelle (article 60, § 7, de la loi organique du 8 juillet 1976 sur les centres publics d’action sociale  [139]), ils sont totalement exclus, comme s’il s’agissait d’une aide sociale au lieu d’un emploi  [140].

164Aux yeux de la jurisprudence, cette interprétation imposée à une catégorie particulière de travailleurs est injustifiée, au point qu’elle a été rejetée en 2018 par le Conseil du contentieux des étrangers  [141]. Le Conseil a d’abord observé qu’un tel contrat, même s’il est différent d’un contrat type, est évidemment à toutes fins utiles un « contrat de travail », le droit des contrats de travail lui est en effet applicable et en conséquence le statut que la personne acquiert est à tous les effets celui de « travailleur ». En soulignant qu’« il ne peut pas être exclu qu’un contrat de remplacement conduise à un contrat à durée indéterminée, qu’un contrat à durée déterminée soit renouvelé ou conduise à un contrat à durée indéterminée, ou qu’un contrat à durée indéterminée soit brusquement rompu », le Conseil exprime également son opposition aux restrictions automatiquement appliquées à tout autre type de contrat hors durée indéterminée. Toutefois, l’Office des étrangers s’obstine à ignorer cette jurisprudence.

165En ce qui concerne l’accès à la nationalité, le Code de la nationalité belge distingue trois catégories d’étrangers (pour les personnes de 18 ans et plus) en fonction de la naissance et de la résidence : les étrangers qui sont nés en Belgique et y résident légalement depuis leur naissance, ceux qui y résident légalement depuis cinq ans au moins et ceux qui y résident légalement depuis dix ans au moins. Pour la deuxième catégorie, une des conditions est de « prouver sa participation économique (…) en ayant presté au moins 468 journées de travail au cours des cinq dernières années en tant que travailleur salarié ». Jusqu’en 2016, les jours de travail effectués dans le cadre d’un contrat socio-professionnel (article 60, § 7, de la loi organique des CPAS) n’ont pas du tout été pris en considération, comme si ce type de travail ne participait pas à « l’emploi réel », du fait que les employeurs, les CPAS, sont dans ce cas exemptés du paiement des cotisations patronales. En janvier 2017, le tribunal de première instance du Hainaut a rejeté cette interprétation, déclarant les jours travaillés dans le cadre d’un tel type de contrat comme étant tout à fait recevables aux fins de l’obtention de la nationalité  [142]. À partir de cette jurisprudence, cet obstacle aurait en principe dû être levé. Cependant, selon les quelques témoignages recueillis pour les besoins de cette publication, l’ordonnance du tribunal de première instance du Hainaut n’a que partiellement modifié la pratique de l’Office des étrangers qui, à ce jour, considère comme valable mais insuffisant le fait d’avoir travaillé 468 jours avec un contrat article 60. De facto, les personnes doivent prouver 624 jours de travail, au lieu des 468 normalement requis, comme si un jour de travail en insertion socio-professionnelle équivalait à trois quarts d’un jour dans le cadre d’un contrat standard  [143].

166D’autres interprétations restrictives peuvent affecter directement un travailleur, au point même d’ordonner l’expulsion de celui-ci du territoire national s’il travaille dans le cadre d’un contrat non standard sans disposer d’un titre de séjour permanent. Ainsi, entre 2008 et 2019, près de 17 000 citoyens de l’Union européenne, ou membres de la famille d’un tel citoyen, se sont vu délivrer une mesure d’éloignement du territoire belge, appelée « ordre de quitter le territoire »  [144]. En d’autres termes, ils ont été expulsés. Plusieurs milliers d’entre eux étaient en Belgique des travailleurs, salariés ou non salariés, ou bénéficiaires d’allocations de chômage après de courtes périodes d’emploi, ou encore des travailleurs occasionnels, alternant entre de courtes périodes d’emploi à statut précaire et des périodes d’assistance sociale (CPAS). Brièvement, ce qui est reproché à ces personnes est qu’elles n’ont pas d’activité économique « réelle » et ne peuvent donc pas être considérées comme des « travailleurs », ou qu’elles sont considérées comme une « charge déraisonnable » pour avoir recours au système d’assistance sociale belge.

167À cet égard, les articles 7, § 1, et 14, § 4, de la directive européenne n° 2004/38 établissent que tout citoyen de l’Union européenne, ou tout membre de la famille accompagnant ou rejoignant un citoyen de l’Union, a le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre et ne peut en aucun cas faire l’objet d’une mesure d’éloignement « s’il est un travailleur salarié ou non salarié ». Toutefois, puisqu’il s’agit là d’une directive, et non d’un règlement, la mise en œuvre de cette disposition doit être opérée par le moyen d’un acte de transposition en droit national, ce qui laisse aux États membres une marge d’appréciation, qui peut facilement conduire à des décisions arbitraires voire abusives.

168C’est ainsi que les autorités belges ont révoqué systématiquement le droit de séjour de centaines de travailleurs étrangers, dont le statut professionnel pouvait laisser supposer qu’ils n’étaient pas de « vrais travailleurs » : artistes, travailleurs intermittents, petits indépendants, autres formes de travail à faible revenu alterné à des périodes de chômage ou compensé par des allocations complémentaires et, surtout, personnes travaillant dans le cadre d’un contrat d’insertion des CPAS  [145]. L’Office des étrangers a considéré que ces personnes étaient des « assistés » et non des « travailleurs », et que ces emplois créés en vue d’une meilleure insertion socio-professionnelle ne pouvaient pas être assimilés à des activités économiques réelles et effectives. Encore en janvier 2014, la secrétaire d’État à l’Asile et la Migration, à l’Intégration sociale et à la Lutte contre la pauvreté du gouvernement fédéral Di Rupo (PS/CD&V/MR/SP.A/Open VLD/CDH), Maggie De Block (Open VLD), affirmait que l’article 60, § 7, de la loi organique des CPAS « doit être considéré comme une forme d’extension de services sociaux » et que, « selon la jurisprudence européenne, les personnes employées dans le cadre de [cet article] n’ont pas le statut de travailleur »  [146]. En réaction, quelques associations et syndicats belges et européens ont rassemblé des dizaines de dossiers d’expulsion et ont déposé des plaintes officielles auprès de la Commission européenne  [147].

169Quelques mois plus tard, en novembre 2014, le successeur de M. De Block, le secrétaire d’État à l’Asile et la Migration du gouvernement Michel I (N-VA/MR/CD&V/Open VLD), Theo Francken (N-VA), a admis que les travailleurs visés à l’article 60, § 7, de la loi organique des CPAS sont également des « travailleurs » au sens du droit communautaire et « ne peuvent donc pas être éloignés »  [148]. Cependant, comme ce revirement n’a jamais été officiellement communiqué aux administrations concernées, nombreux sont encore aujourd’hui les CPAS qui refusent ou déconseillent d’engager des personnes en séjour temporaire, au motif – erroné – que cela mettrait en péril le droit de séjour de celles-ci.

170Il est encore à noter que, selon l’article 7 de la directive 2004/38, le citoyen de l’Union européenne qui a involontairement perdu son travail « conserve le statut de travailleur » et donc « a le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre » s’il a travaillé « pendant au moins un an ». Cela signifie que le citoyen européen qui exerce son droit à la libre circulation, ou le membre de la famille d’un tel citoyen, quelle que soit sa nationalité, acquiert une fois pour toutes le statut de « travailleur », et avec lui un droit de séjour permanent, même s’il se retrouve par la suite en chômage involontaire.

Conclusion

171Pour conclure, le travail atypique peut-il être un tremplin vers un emploi plus stable, mieux rémunéré et de meilleure qualité ? Ou bien risque-t-il de piéger la personne, la condamnant à se retrouver coincée dans un marché du travail de second ordre ? La réponse peut sembler ambiguë.

172On a pu constater que, selon certains auteurs, une proportion importante de personnes embauchées sous un contrat temporaire obtiennent ensuite un contrat à durée indéterminée, quelle qu’en soit la raison, et que le taux d’accès à la formation de ces personnes peut même dépasser la moyenne nationale dans certains cas  [149]. Cela mériterait d’être mieux examiné, car on a vu aussi que les chiffres d’Eurostat sur la probabilité de transition d’un emploi à court terme à un emploi permanent semblent contredire ce résultat, surtout en Belgique. En tout cas, cela ne nous empêche pas de supposer que, effectivement et d’une manière générale, le fait de travailler, quelles que soient les conditions, augmente les chances de trouver un emploi.

173Cela peut être particulièrement vrai pour les personnes dont le parcours d’insertion socio-professionnelle s’annonce difficile : les allochtones, les demandeurs d’emploi les plus éloignés du marché du travail, peu qualifiés ou, la plupart du temps, possédant des qualifications, mêmes excellentes, mais qui pour leurs particularités sont systématiquement dépréciées sur nos marchés du travail. D’ailleurs, ce n’est que lorsque la personne travaille qu’elle a le plus de chances de trouver un emploi, et un curriculum vitæ riche en expériences, même de courte durée, est largement préférable, dans la plupart des cas, à un curriculum vitæ vierge. À cela s’ajoute le fait que mettre le pied dans le marché du travail, quel qu’il soit, aide à comprendre son espace de vie, à se situer au sein de la société, à prendre position, à affiner ses capacités à communiquer, à négocier, à coopérer, à respecter les délais et les consignes. C’est en travaillant que l’on apprend à se confronter à d’autres personnes qui travaillent et à se familiariser avec le langage contractuel. C’est là aussi, le cas échéant, que l’on adhère à un syndicat, et que l’on apprend à respecter et à faire respecter les droits de ceux et celles qui travaillent. Avec un peu de chance, ces nouvelles rencontres permettent de « remplir son carnet d’adresses » : d’augmenter ce que les sociologues appellent le « capital social ». En ce sens, et l’on pourrait poursuivre la liste, commencer à travailler avec un contrat atypique peut effectivement aider la personne à mieux s’intégrer dans le marché du travail.

174Il n’en reste pas moins que le marché du travail atypique est, dans son état actuel, un marché de second ordre, qui peut pousser des travailleurs vers le seuil de pauvreté, voire en dessous de celui-ci, surtout lorsqu’il s’agit de jeunes, de femmes, de personnes de nationalité étrangère et, de manière large, de personnes dont les compétences et la créativité sont difficiles à exploiter sur le marché du travail classique. On peut facilement supposer, par exemple, que pour un nombre important de ces personnes, le passage d’un emploi temporaire à un contrat stable ne soit le plus souvent que la conséquence d’un effet de substitution : l’employeur veut engager une personne à titre permanent mais, compte tenu de la suppression de la période d’essai, celle-ci est d’abord mise à l’essai par des contrats à durée déterminée. Dans ce cas, le contrat à durée déterminée, au lieu d’être un véritable tremplin, est utilisé comme une période d’essai cachée et ne sert qu’à retarder l’entrée en vigueur d’un contrat à durée indéterminée.

175Ce sont précisément les travailleurs étrangers, et les non-Européens en particulier, qui présentent la plus forte probabilité d’être employés sur des contrats de courte durée, souvent à des salaires en dessous du seuil de pauvreté. Or, pour ces personnes, le fait d’enchaîner un contrat après l’autre crée notamment un surplus d’instabilité et un risque accru de pauvreté. Cela signifie aussi que l’intégration dans le monde du travail, les rapprochements avec d’autres personnes qui travaillent, l’apprentissage par l’expérience, etc., tout cela risque de se produire dans des situations extrêmes, marginales, démobilisatrices, communautarisées. Et, cela n’est pas un hasard, non syndiquées. En somme, un travail donné n’est pas le même qu’un autre, et le simple fait d’avoir un emploi, régi par un contrat, n’ouvre pas automatiquement la porte à l’intégration et à la protection sociale.

176Bref, le travail atypique est, ou peut devenir, un vecteur d’inclusion socio-professionnelle, à la condition que la personne soit bien informée et consciente des avantages et des risques qui peuvent être envisagés. Pour les travailleurs étrangers, ces désavantages et risques sont plus nombreux et plus évidents que pour les autres, et ils s’additionnent en un effet cumulatif. L’image qui vient à l’esprit est celle du chien qui court après sa queue. D’un côté, ce sont surtout les travailleurs et les travailleuses sous contrat atypique qui sont poussés à migrer vers d’autres pays, à la recherche de meilleures conditions économiques et sociales. Mais d’un autre côté, une fois arrivés dans un nouveau pays, c’est précisément dans l’emploi atypique que les migrants trouvent le plus souvent leurs premières possibilités concrètes d’emploi.

177Les restrictions à la sécurité sociale et aux droits de libre circulation ne doivent pas être sous-estimées, et leurs effets possibles doivent être connus et anticipés, si possible. Selon certains analystes, la crise sanitaire due à la pandémie de Covid-19 a révélé en Belgique le mécanisme de « double peine » auquel sont exposés les travailleurs atypiques  [150]. On pourrait ajouter que lorsque ces travailleurs sont également des migrants, les peines qu’ils subissent sont au nombre de sept au lieu de deux. Primo, ils ont des revenus faibles et instables lorsqu’ils travaillent. Secundo, ils sont mal couverts par les systèmes de sécurité sociale lorsqu’ils perdent leur emploi. Tertio, ils perdent une partie de leurs droits sociaux lorsqu’ils passent d’un régime national de sécurité sociale à un autre. Quarto, ils sont davantage susceptibles de se retrouver avec un contrat atypique lorsqu’ils changent de pays. Quinto, ils éprouvent davantage de difficultés à se construire une carrière complète et donc à obtenir une pension décente à l’âge légal de la retraite. Sexto, ils rencontrent plus de difficultés, en tant qu’étrangers, à accéder à certains droits, tels que l’acquisition de la nationalité du pays d’accueil ou l’organisation du regroupement familial, s’ils le souhaitent. Septimo, ils risquent d’être considérés comme une « charge déraisonnable », et donc d’être expulsés de leur pays d’accueil, si leurs revenus sont jugés insuffisants et pas assez stables.

178Les entreprises, ou du moins un nombre croissant d’entre elles, ont besoin de plus de flexibilité ou préfèrent en avoir. Et elles ont le droit d’avoir une certaine marge de manœuvre par rapport à la fluctuation de la demande, qui est difficile à prévoir. Il est évident que le travail atypique est l’une des réponses à cette demande légitime. Dans un marché libre, ou dans un marché que l’on voudrait libre, cela aurait un coût. Dans une pure logique d’offre et de demande, et si les rapports de force n’étaient pas disproportionnés, à une demande de travail flexible correspondrait logiquement une offre, avec prix conséquent.

179En bref, le paradoxe, à notre sens, est surtout que ce travail flexible et mal protégé est moins bien payé qu’un emploi stable et bien protégé. Dans les secteurs où le rapport de force n’est pas exagérément disproportionné (pensons, par exemple, aux plateformes pétrolières), le coût du travail est en fait proportionnel aux risques – économiques, sociaux et sanitaires – auxquels le travailleur est exposé. Or, au lieu de coûter plus cher, le travail atypique est un travail à meilleur marché que le travail standard. Cela rend entre autres le chemin de l’insertion socio-professionnelle particulièrement fragile et vulnérable : le problème réside non pas tant dans le fait d’avoir travaillé sous des contrats atypiques, mais dans celui de s’être prêté à des formes de travail qui, étant peu appréciées économiquement, finissent par être dévalorisées même socialement.

Notes

  • [1]
    * Dans cet article, les termes « salarié », « employeur », « travailleur », « migrant », etc. désignent des personnes au sens générique, dans le seul but de ne pas alourdir le texte ; ils ont à la fois valeur d’un féminin et d’un masculin.
    Article 3, § 2, du Traité sur l’Union européenne (TUE) ; article 4, § 2, point a), et articles 20, 26 et 45 à 48 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).
  • [2]
    L’EEE est une union économique rassemblant les 27 États membres de l’Union européenne et trois des quatre États membres de l’Association européenne de libre-échange (AELE) : l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège.
  • [3]
    Ces travailleurs sont couverts par la directive (UE) 2018/957 du Parlement européen et du Conseil du 28 juin 2018 modifiant la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services (Journal officiel de l’Union européenne, L 173, 9 juillet 2018). Le cadre socio-juridique s’appliquant aux travailleurs détachés étant tout à fait spécifique, il ne sera pas abordé dans le présent Courrier hebdomadaire. Nous renvoyons à ce sujet à l’abondante littérature scientifique (cf., par exemple, A. Essers, K. Distler, Guide pour le travailleur mobile européen, Bruxelles, Confédération européenne des syndicats (ETUC), 2017, www.etuc.org ; A. Rea, « Les nouvelles figures du travailleur immigré : fragmentation des statuts d’emploi et européanisation des migrations », Revue européenne des migrations internationales, volume 29, n° 2, 2013, http://journals.openedition.org, p. 15-35 ; M.-C. Amauger-Lattes, G. Jazottes, « Libre prestation de services et circulation des travailleurs : entre concurrence et droit social », Revue de jurisprudence sociale, n° 11, 2007, p. 911-917 ; J. Thoemmes, D. Oliveira da Silva, « Temporalités, réseaux et mobilités transnationales des travailleurs saisonniers en Andorre et des travailleurs détachés portugais en France », Espace populations sociétés en ligne, n° 2, 2017, https://journals.openedition.org).
  • [4]
    La CEE est l’ancêtre de l’actuelle Union européenne. Elle a été fondée en 1957 par le Traité de Rome, signé par six pays européens : la Belgique, la France, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et la République fédérale allemande.
  • [5]
    Plusieurs directives adoptées dans les années 1990 visent à accorder des droits de séjour aux personnes autres que les travailleurs : la directive 90/365/CEE du Conseil du 28 juin 1990 relative au droit de séjour des travailleurs salariés et non salariés ayant cessé leur activité professionnelle (Journal officiel des Communautés européennes, L 180, 13 juillet 1990) ; la directive 90/366/CEE du Conseil du 28 juin 1990 relative au droit de séjour des étudiants (Journal officiel des Communautés européennes, L 180, 13 juillet 1990) ; la directive 90/364/CEE du Conseil du 28 juin 1990 relative au droit de séjour (Journal officiel des Communautés européennes, L 180, 13 juillet 1990) (pour les ressortissants des États membres qui ne bénéficient pas de ce droit en vertu d’autres dispositions du droit communautaire ainsi que les membres de leur famille). Afin de renforcer ces différents actes législatifs et de tenir compte de l’abondante jurisprudence, une nouvelle directive de portée générale, toujours en vigueur actuellement, a été adoptée en 2004 : la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (Journal officiel de l’Union européenne, L 158, 30 avril 2004).
  • [6]
    Les patronymes des personnes en question ont été modifiés. En effet, dans le souci de protéger la vie privée de chacun, nos exemples seront toujours anonymisés par l’emploi de noms fictifs.
  • [7]
    Concernant les contrats italiens de para-subordination, cf. C. Azaïs, « Les enjeux de la relation formation-emploi en Italie : la place du travail et des territoires », Espaces et sociétés, n° 136-137, 2009, p. 63-77 ; S. Bertolini, « Entre travail salarié et indépendant : les formes de travail hybrides en Italie », Formation Emploi, n° 90, 2005, p. 21-35 ; A. Lamine, M. Rocca, « Subordination et para-subordination en Italie, France et Royaume-Uni. Aspects de droit comparé », in S. Gilson (dir.), Subordination et para-subordination : entre dépendance juridique et économique, Louvain-la-Neuve, Anthémis, 2017, p. 83-122.
  • [8]
    8 Dans ce Courrier hebdomadaire, les expressions « travail atypique » et « travail non standard » seront utilisées comme synonymes. À ce propos, cf. P. Schoukens, « Social security coordination and non-standard forms of (self)employment », Revue belge de sécurité sociale, n° 1, 2019, p. 81-112.
  • [9]
    La définition de « dumping social » ne fait pas encore l’objet d’un consensus. Dans ce Courrier hebdomadaire, nous l’utilisons pour indiquer, de manière générale, toute pratique qui permet à un État, une entreprise ou une personne de tirer profit des différences de rémunération, de réglementation du travail et de protection sociale existantes entre les pays.
  • [10]
    Certains lecteurs contesteront peut-être ce choix, s’appuyant sur le fait que, depuis quelques années, la tendance est en Europe de réserver le terme « migrant » aux ressortissants de pays tiers et d’utiliser des termes tels que « travailleur mobile » et « EU mover » s’agissant des citoyens européens. Toutefois, cette option ne fait pas l’unanimité, même dans les publications officielles de l’Union européenne. Ainsi, le terme « migrant » apparaît, dans ses différentes dérivations, 389 fois dans la publication consacrée au demi-siècle de coordination de la sécurité sociale, qui s’adresse particulièrement aux citoyens européens, et 286 fois dans le dernier rapport relatif à la libre circulation des travailleurs (Commission européenne, Direction générale Emploi, Affaires sociales et Égalité des chances, 50 ans de coordination de la sécurité sociale. Passé, présent, futur. Rapport de la conférence célébrant le 50e anniversaire de la coordination européenne de la sécurité sociale (Prague, 7 et 8 mai 2009), Luxembourg, Office des publications de l’Union européenne, 2010, https://op.europa.eu ; Commission européenne, Direction générale Emploi, Affaires sociales et Inclusion, « Annual Report on intra-EU Labour Mobility 2020 », 2020, https://ec.europa.eu). Pour notre part, nous ferons donc référence aux travailleurs migrants en tant que termes généraux, tels que définis par l’Organisation internationale pour les migrations. (OIM) dans son Glossary on Migration, Genève, 2019, p. 132 et 136.
  • [11]
    Le projet Accessor a été réalisé par une association de syndicats d’Allemagne, de Belgique, d’Espagne, de France, d’Italie, du Royaume-Uni, de Slovénie et de Suède, avec la participation de la Confédération européenne des syndicats (CES). Son objectif était d’identifier, à travers l’analyse de cas réels, la « place » du travail atypique dans la libre circulation des travailleurs, ainsi que de former des conseillers syndicaux et de formuler des recommandations sur les mesures à adopter pour atteindre un niveau acceptable de protection sociale pour tous les travailleurs mobiles.
  • [12]
    C. Caldarini, S. Giubboni, S. McKay, « The “place” of atypical work in the European social security coordination: A transnational comparative analysis (Belgium, France, Germany, Italy, Slovenia, Spain, Sweden, United Kingdom) », Centre for the Study of European Labour Law Massimo D’Antona (CSDLE), Working Paper, n° 2, 2014, http://csdle.lex.unict.it.
  • [13]
    Bureau international du travail (BIT), « Les formes atypiques d’emploi. Rapport pour discussion à la Réunion d’experts sur les formes atypiques d’emploi (Genève, 16-19 février 2015) », 2015, www.ilo.org, p. 1. Pour rappel, le BIT est un organe de l’Organisation internationale du travail (OIT).
  • [14]
    Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2019. L’avenir du travail, Paris, 2019, www.oecd.org, p. 251.
  • [15]
    Organisation internationale du travail (OIT), Non-standard employment around the world: Understanding challenges, shaping prospects, Genève, 2016, www.ilo.org, p. 7.
  • [16]
    A. Broughton, I. Biletta, M. Kullander, « Flexible forms of work: “very atypical” contractual arrangements », Eurofound, 2010, www.eurofound.europa.eu ; S. Riso, « Very atypical work: Exploratory analysis of fourth European Working Conditions Survey. Background paper », Eurofound, 2010, www.eurofound.europa.eu.
  • [17]
    Directive 97/81/CE du Conseil du 15 décembre 1997 concernant l’accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES (Journal officiel des Communautés européennes, L 14, 20 janvier 1998).
  • [18]
    Directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (Journal officiel des Communautés européennes, L 175, 10 juillet 1999).
  • [19]
    C. Caldarini, S. Giubboni, S. McKay, « The “place” of atypical work in the European social security coordination », op. cit.
  • [20]
    Ibidem, p. 71-76.
  • [21]
    Ibidem, p. 15 et 62-70.
  • [22]
    Moniteur belge, 20 août 1987.
  • [23]
    À ce sujet, cf. M. Nautet, C. Piton, « An analysis of non-standard forms of employment in Belgium », Banque nationale de Belgique (BNB), NBB Economic Review, juin 2019, www.nbb.be.
  • [24]
    Loi du 26 décembre 2013 concernant l’introduction d’un statut unique entre ouvriers et employés en ce qui concerne les délais de préavis et le jour de carence ainsi que de mesures d’accompagnement (Moniteur belge, 31 décembre 2013).
  • [25]
    C. Caldarini, S. Giubboni, S. McKay, « The “place” of atypical work in the European social security coordination », op. cit., p. 77-80.
  • [26]
    Ibidem, p. 81-84.
  • [27]
    Ibidem, p. 85-91.
  • [28]
    Ministero del Lavoro e delle Politiche Sociali, « L’utilizzo dei voucher per le prestazioni di lavoro accessorio », 22 mars 2016, www.lavoro.gov.it.
  • [29]
    C. Caldarini, S. Giubboni, S. McKay, « The “place” of atypical work in the European social security coordination », op. cit., p. 101-107.
  • [30]
    A. Broughton, I. Biletta, M. Kullander, « Flexible forms of work », op. cit.
  • [31]
    C. Caldarini, S. Giubboni, S. McKay, « The “place” of atypical work in the European social security coordination », op. cit., p. 97-100.
  • [32]
    Ibidem, p. 92-96.
  • [33]
    Y. Thorsén, T. Brunk, « Sweden: Flexicurity and industrial relations », Eurofound, 14 septembre 2009, www.eurofound.europa.eu.
  • [34]
    Un contrat régulier à durée déterminée d’un an ouvre, en effet, les mêmes droits à la sécurité sociale qu’un emploi stable, bien qu’évidemment pour une durée limitée.
  • [35]
    A. Broughton, I. Biletta, M. Kullander, « Flexible forms of work », op. cit. ; S. Riso, « Very atypical work », op. cit.
  • [36]
    En ce qui concerne les faux indépendants, la question suscite toujours un débat, mais en général l’adjectif « faux » tend à souligner davantage l’aspect illégal de cette forme de travail que l’aspect atypique.
  • [37]
    OIT, Non-standard employment around the world, op. cit.
  • [38]
    Loi du 26 décembre 2013 concernant l’introduction d’un statut unique entre ouvriers et employés en ce qui concerne les délais de préavis et le jour de carence ainsi que de mesures d’accompagnement (Moniteur belge, 31 décembre 2013). Sur cette loi, cf. P. Knaepen, « L’harmonisation des délais de préavis », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2170, 2013 ; B. Conter, V. Demertzis, E. Martinez, « La conflictualité sociale interprofessionnelle en 2013 », in I. Gracos, « Grèves et conflictualité sociale en 2013 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2208-2209, 2014, p. 23-26.
  • [39]
    M. Nautet, C. Piton, « An analysis of non-standard forms of employment in Belgium », op. cit.
  • [40]
    Ici, il n’est pas possible de comparer avec les données de 2009, les statistiques n’étant disponibles qu’à partir de 2018.
  • [41]
    Étant donné la difficulté de comparer des régimes juridiques différents, il importe de noter que, dans les enquêtes sur les forces de travail d’Eurostat, la distinction entre le travail à temps plein et le travail à temps partiel est établie uniquement sur la base de la réponse spontanée du répondant, et non selon la manière dont le temps de travail est considéré dans chaque pays.
  • [42]
    M. Nautet, C. Piton, « An analysis of non-standard forms of employment in Belgium », op. cit.
  • [43]
    M. Nautet, C. Piton, « An analysis of non-standard forms of employment in Belgium », op. cit.
  • [44]
    Dans les statistiques de l’OCDE, « l’emploi temporaire recouvre tous les travailleurs salariés au bénéfice d’un contrat de travail de durée déterminée. La définition qui en est donnée dans chaque pays est globalement identique à cette définition générique même si des différences sont possibles selon le contexte national. L’indicateur est exprimé en pourcentage des travailleurs salariés d’une même tranche d’âge » (cf. la base de données OECD.Stat : https://stats.oecd.org).
  • [45]
    Les indicateurs « Strictness of employment protection – temporary contracts » sont compilés par le secrétariat de l’OCDE en tenant compte de la législation, des conventions collectives et de la jurisprudence, à partir des contributions des autorités des pays membres de l’OCDE ainsi que de conseils d’experts. Pour chaque année, les indicateurs se réfèrent à la réglementation en vigueur au 1er janvier (pour plus d’informations et la méthodologie complète, cf. le site Internet www.oecd.org). Ces indicateurs ne mesurent qu’un seul aspect de la flexibilité du marché du travail (pour plus d’informations sur d’autres politiques du marché du travail et les institutions dans les pays de l’OCDE, cf. la base de données OECD.Stat : https://stats.oecd.org).
  • [46]
    En fonction des liens existant entre les éléments économiques, politiques, culturels et sociaux des politiques sociales, quatre modèles théoriques de protection sociale en Europe sont généralement distingués : libéral (pays anglo-saxons), social-démocrate (pays scandinaves), corporatif/continental (Allemagne, Autriche, Belgique, France) et méditerranéen (Espagne, Grèce, Italie, Portugal). C’est dans son ouvrage The Three Worlds of Welfare Capitalism (paru à Cambridge chez Polity Press en 1990) que l’économiste et sociologue danois Gøsta Esping-Andersen a posé les bases d’une typologie des régimes de protection sociale dans les démocraties occidentales avancées. Il y distinguait trois régimes : libéral (pays anglo-saxons), social-démocrate (pays nordiques) et conservateur (Allemagne, Autriche, Belgique, France, Pays-Bas). Plus tard, certains observateurs ont proposé l’ajout d’un quatrième type : le régime latin (Espagne, Grèce, Italie, Portugal), qui n’est en réalité qu’une variante plus élémentaire et familière du régime conservateur. À ce sujet, cf. aussi M. Ferrera, Modelli di solidarietà. Politica e riforme sociali nelle democrazie, Bologne, Il Mulino, 1993.
  • [47]
    OCDE, Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2019, op. cit., p. 30.
  • [48]
    M. Lambrecht, « L’économie des plateformes collaboratives », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2311-2312, 2016, p. 18-32. Pour quelques exemples en Belgique, cf. B. Bauraind, C. Vanroelen, « L’effet de la numérisation de l’économie sur la conflictualité sociale : le secteur des taxis bruxellois contre Uber », in I. Gracos, « Grèves et conflictualité sociale en 2015 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2291-2292, 2016, p. 57-67 ; A. Dufresne, C. Leterme, J. Vandewattyne, « Les mobilisations du Collectif des coursier.e.s contre Deliveroo », in I. Gracos, « Grèves et conflictualité sociale en 2017 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2383-2384, 2018, p. 45-58 ; A. Dufresne, E. Demeester, « Les coursiers en Belgique : d’une grève locale au rassemblement international en passant par la première assemblée nationale », in I. Gracos, « Grèves et conflictualité sociale en 2019. II. Luttes sociales : entre salariat et précariat », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2475-2476, 2020, p. 47-61.
  • [49]
    OIT, Non-standard employment around the world, op. cit.
  • [50]
    M. Nautet, C. Piton, « An analysis of non-standard forms of employment in Belgium », op. cit., p. 7.
  • [51]
    Ibidem, p. 10.
  • [52]
    Sur la base des statistiques européennes sur les revenus et les conditions de vie (EU-SILC), est considéré comme « travailleur pauvre » la personne ayant occupé un emploi durant plus de six mois au cours de l’année précédant l’enquête et faisant partie d’un ménage dont l’ensemble du revenu disponible se situe sous le seuil du risque de pauvreté, établi à 60 % de la médiane du revenu équivalent national (cf. https://ec.europa.eu/eurostat).
  • [53]
    J. Horemans, « Atypical employment and in-work poverty », in H. Lohmann, I. Marx (dir.), Handbook of research on in-work poverty, Cheltenham, Edward Elgar Publishing, 2019 ; Eurofound, « In-work poverty in the EU », 2017, https://ec.europa.eu.
  • [54]
    R. Peña-Casas, D. Ghailani, « Un cadre européen pour les salaires minimums : la solution pour contrer la progression constante de la pauvreté au travail en Europe ? », in B. Vanhercke, S. Spasova, B. Fronteddu (dir.), Bilan social de l’Union européenne 2020, Bruxelles, Institut syndical européen (ETUI) / Observatoire social européen (OSE), 2021, p. 153.
  • [55]
    Cf., par exemple, Eurofound, « Living, working and Covid-19 », 2020, www.eurofound.europa.eu ; « Le monde du travail et la Covid-19 », Note de synthèse, juin 2020, www.un.org.
  • [56]
    Cf., par exemple, Revue belge de sécurité sociale, n° 1, 2020 ; Working group Social impact Corona crisis (WGSIC), « Monitoring des conséquences du Covid-19 sur l’emploi et la protection sociale en Belgique », Note analytique, 12 février 2021, https://socialsecurity.belgium.be.
  • [57]
    J.-F. Neven, A. Mechelynck, « Un renforcement du chômage temporaire pour tous les travailleurs ? Certains travailleurs atypiques privés à la fois de travail et du chômage temporaire », Journal des tribunaux du travail, 2020, p. 157-167.
  • [58]
    Ibidem.
  • [59]
    OIT, World Social Protection Report 2014/15: Building economic recovery, inclusive development and social justice, Genève, 2014, www.ilo.org, p. 36.
  • [60]
    J. Charles, S. Desguin (dir.), « “Aux confins”. Travail et foyer à l’heure du (dé)confinement », Centre socialiste d’éducation permanente (CESEP), Travail Entreprise Démocratie (TED, UCLouvain), USL-B, 2020, https://cdn.uclouvain.be.
  • [61]
    Ibidem, p. 27.
  • [62]
    J.-F. Neven, A. Mechelynck, « Un renforcement du chômage temporaire pour tous les travailleurs ? », op. cit.
  • [63]
    Arrêté royal du 9 avril 2020 (Moniteur belge, 20 avril 2020).
  • [64]
    Concrètement, aujourd’hui, pour pouvoir engager un travailleur ayant le statut de travailleur occasionnel, ce travailleur ne peut pas avoir travaillé dans le secteur agricole ou horticole au cours des 180 jours précédents dans un statut autre que celui de travailleur occasionnel. Cependant, les employeurs ne bénéficient d’aucun moyen pour vérifier cela. C’est pourquoi l’arrêté royal prévoit que la règle des 180 jours est désormais limitée au niveau de l’entreprise au lieu du niveau sectoriel.
  • [65]
    Organisation mondiale de la santé (OMS), Bureau régional de l’Europe, « Comment atténuer les effets de la pandémie de Covid-19 sur la santé des travailleurs migrants », 12 novembre 2020, www.euro.who.int.
  • [66]
    Ibidem.
  • [67]
    OIT, « Protéger les travailleurs migrants pendant la pandémie de Covid-19. Recommandations aux décideurs politiques et aux mandants », Note de synthèse sur les politiques, mai 2020, www.ilo.org.
  • [68]
    ETUC, « Les travailleuses et travailleurs migrants dans la crise du Covid-19 », 16 avril 2020, www.etuc.org.
  • [69]
    69 Pour n’en citer que quelques-uns : C. Lagala, Precariato e welfare in Europa. La tutela dei lavoratori precari in Belgio, Francia, Germania, Inghilterra e Spagna, Rome, Ediesse, 2007 ; L. Zoppoli, M. Delfino (dir.), Flexicurity e tutele. Il lavoro tipico e atipico in Italia e in Germania, Rome, Ediesse, 2008 ; F. Berton, M. Richiardi, S. Sacchi, Flex-insecurity. Perché in Italia la flessibilità diventa precarietà, Bologne, Il Mulino, 2009 ; M. Militello, « La flessibilità normata: una storia lunga dieci anni », in G. Altieri (dir.), Un mercato del lavoro atipico: storia ed effetti della flessibilità in Italia, Rome, Ediesse, 2009, p. 191-233 ; A. Broughton, I. Biletta, M. Kullander, « Flexible forms of work », op. cit. ; L. Burroni, M. Carrieri, « Bargaining for social rights (BARSORI) country report Italy », University of Teramo, 2011 ; ETUC, BusinessEurope, Union européenne de l’artisanat et des PME (UEAPME), Centre européen des employeurs et entreprises (CEEP), « Study on flexicurity in the EU », 2011, http://resourcecentre.etuc.org ; M. T. Carinci, « Il rapporto di lavoro al tempo della crisi. Modelli europei e flexicurity “all’italiana” a confronto », Giornale di diritto del lavoro e di relazioni industrial, n° 136, 2012, p. 527-572 ; K. V. W. Stone, H. Arthurs, Rethinking Workplace Regulation: Beyond the Standard Contract of Employment, New York, Russell Sage Foundation, 2013 ; C. Caldarini, « The “Labour Mobility Package”: A European Fraud against Mobile Workers and their Countries of Origin? », E-Journal of International and Comparative Labour Studies, volume 5, n° 2, 2016, http://ejcls.adapt.it ; M. Nautet, C. Piton, « An analysis of non-standard forms of employment in Belgium », op. cit. Parmi les publications disponibles sur le site Internet d’Eurofound (www.eurofound.europa.eu), cf. A. Corral Alza, « Working conditions of non-standard workers », 2009 ; A. Broughton, I. Biletta, M. Kullander, « Flexible forms of work: “very atypical” contractual arrangements », 2010 ; H. Dribbusch, « Germany. Flexible forms of work: “very atypical” contractual arrangements », 2010 ; J. Durán, « Spain. Flexible forms of work: “very atypical” contractual arrangements », 2010 ; Eurofound, « Very atypical work: Exploratory analysis of fourth European Working Conditions Survey », 2010 ; B. Kraemer, « Crisis impacts usage of fixed-term contracts », 2010 ; S. Vogel, « Development and structure of flexible forms of employment », 2010 ; B. Kraemer, « Germany. Working conditions of young entrants to the labour market », 2013.
  • [70]
    Pour n’en citer que quelques-uns : X. Chojnicki, L. Ragot, L’immigration coûte cher à la France [Qu’en pensent les économistes ?], Paris / Eyrolles, Les Échos / DL (collection « On entend dire que… »), 2012 ; Commission européenne, Direction générale Emploi, Affaires sociales et Inclusion, « A fact finding analysis on the impact on the Member States’ social security systems of the entitlements of non-active intra-EU migrants to special non-contributory cash benefits and healthcare granted on the basis of residence », 2013, https://op.europa.eu ; A. Manço, C. Barras (dir.), La diversité culturelle dans les PME : accès au travail et valorisation des ressources, Paris, L’Harmattan / DL, 2013 ; M. Blauberger, S. K. Schmidt, « Welfare Migration? Free Movement of EU Citizens and Access to Social Benefits », Research & Politics, volume 1, n° 3, 2014, p. 1-7 ; C. Dustmann, T. Frattini, « The Fiscal Effects of Immigration to the UK », The Economic Journal, volume 124, n° 580, 2014, p. 593-643 ; C. Giulietti, « The welfare magnet hypothesis and the welfare take-up of migrants. Welfare benefits are not a key determinant of migration », Institute of Labor Economics (IZA), World of Labor, n° 37, 2014, https://wol.iza.org ; C. Caldarini, « The “Labour Mobility Package” », op. cit. ; A. Manço, J. Gatugu (dir.), L’insertion des travailleurs migrants. Efficacité des dispositifs, Liège / Paris, Institut de recherche, formation et action sur les migrations (IRFAM) / L’Harmattan, 2018. Parmi les publications disponibles sur le site Internet de l’OCDE (www.oecd.org), cf. « Études économiques de l’OCDE. Belgique », 2020 ; « Perspectives des migrations internationales », 2020.
  • [71]
    C. Caldarini, S. Giubboni, S. McKay, « The “place” of atypical work in the European social security coordination », op. cit. ; P. Schoukens, « Social security coordination and non-standard forms of (self)employment », op. cit.
  • [72]
    La CECA a été la première communauté européenne créée par six États : la France, l’Italie, la République fédérale d’Allemagne et les trois pays du Benelux (Belgique, Luxembourg et Pays-Bas). Elle avait pour mission de combiner les industries du charbon et de l’acier afin de créer un marché commun autour de ces ressources. Elle a été établie en 1951 et son traité fondateur a expiré en 2002.
  • [73]
    La CEE a été fondée par les membres de la CECA, en 1957. Elle avait pour but de créer une union douanière et un marché unique européen. La CEE a disparu en tant que telle, et est devenue d’abord la Communauté européenne en 1992, et ensuite l’Union européenne en 2009.
  • [74]
    S. Roberts, « Bref historique de la coordination de la sécurité sociale », in Commission européenne, Direction générale Emploi, Affaires sociales et Égalité des chances, 50 ans de coordination de la sécurité sociale, op. cit., p. 14.
  • [75]
    Convention conclue à Rome le 15 avril 1904 entre la France et l’Italie, en vue d’assurer des garanties à la personne du travailleur.
  • [76]
    M. Cointepas, « L’entrée de la direction du travail dans les relations internationales à travers la naissance du droit international du travail », Comité d’histoire des administrations chargées du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (CHATEFP), Cahiers du CHATEFP, n° 7, 2007, p. 61-80.
  • [77]
    A. Fontaine, « Convention conclue à Rome le 15 avril 1904 entre la France et l’Italie, en vue d’assurer des garanties à la personne du travailleur. Exposé de la convention franco-italienne relative au travail et à la prévoyance sociale », Association internationale pour la protection légale des travailleurs (AIPLT), 1904.
  • [78]
    R. Vuoli, Sulle origini delle assicurazioni sociali, Rome, Istituto nazionale fascista della previdenza sociale, 1935.
  • [79]
    S. Roberts, « Bref historique de la coordination de la sécurité sociale », op. cit., p. 14.
  • [80]
    Ibidem.
  • [81]
    P. Watson, Loi sur la sécurité sociale des Communautés européennes, Londres, Mansell, 1980.
  • [82]
    P. Salvetti, « La politica migratoria dello Stato italiano dall’Unità agli anni settanta del XX secolo », in S. Casmirri (dir.), L’emigrazione italiana in 150 anni di storia unitaria, Cassino, Università degli Studi di Cassino e del Lazio meridionale, 2013, p. 23.
  • [83]
    A. Morelli, « L’appel à la main d’œuvre italienne pour les charbonnages et sa prise en charge à son arrivée en Belgique dans l’immédiat après-guerre », Revue belge d’histoire contemporaine, volume 19, n° 1-2, 1988, p. 83-130.
  • [84]
    S. Roberts, « Bref historique de la coordination de la sécurité sociale », op. cit., p. 8-29 ; R. Cornelissen, F. De Wispelaere, « Soixante ans de coordination européenne de la sécurité sociale : réalisations, controverses et défis », in B. Vanhercke, D. Ghailani, S. Spasova (dir.), Bilan social de l’Union européenne 1999-2019 : une route longue et sinueuse, Bruxelles, ETUI / OSE, 2020, p. 153-177.
  • [85]
    S. Roberts, « Bref historique de la coordination de la sécurité sociale », op. cit. ; J. Holloway, Social Policy Harmonisation in the European Community, Farnborough, Gower, 1981 ; R. Cornelissen, F. De Wispelaere, « Soixante ans de coordination européenne de la sécurité sociale », op. cit.
  • [86]
    86 La Belgique, la France, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et la République fédérale d’Allemagne.
  • [87]
    Règlement n° 3 du Conseil du 16 décembre 1958 concernant la sécurité sociale des travailleurs migrants (Journal officiel des Communautés européennes, 16 décembre 1958).
  • [88]
    Règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté (Journal officiel des Communautés européennes, L 257, 19 octobre 1968).
  • [89]
    Directive 68/360/CEE du Conseil du 15 octobre 1968 relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des travailleurs des États membres et de leur famille à l’intérieur de la Communauté (Journal officiel des Communautés européennes, L 257, 19 octobre 1968).
  • [90]
    Directive 90/365/CEE du Conseil du 28 juin 1990 relative au droit de séjour des travailleurs salariés et non salariés ayant cessé leur activité professionnelle (Journal officiel des Communautés européennes, L 180, 13 juillet 1990) ; Directive 90/366/CEE du Conseil du 28 juin 1990 relative au droit de séjour des étudiants (Journal officiel des Communautés européennes, L 180, 13 juillet 1990) ; Directive 90/364/CEE du Conseil du 28 juin 1990 relative au droit de séjour (Journal officiel des Communautés européennes, L 180, 13 juillet 1990).
  • [91]
    Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (Journal officiel de l’Union européenne, L 158, 30 avril 2004).
  • [92]
    92 Règlement (CE) n° 859/2003 du Conseil du 14 mai 2003 visant à étendre les dispositions du règlement (CEE) n° 1408/71 et du règlement (CEE) n° 574/72 aux ressortissants de pays tiers qui ne sont pas déjà couverts par ces dispositions uniquement en raison de leur nationalité (Journal officiel de l’Union européenne, L 124, 20 mai 2003). Ce règlement étend les règles de la coordination de la sécurité sociale aux ressortissants des pays non membres de l’Union européenne (ressortissants de pays tiers), autorisés à travailler dans un pays de l’Union et qui se déplacent à l’intérieur de l’Union. Les membres de la famille et les survivants de ces personnes sont également couverts s’ils résident dans l’Union européenne.
  • [93]
    Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (Journal officiel de l’Union européenne, L 166, 30 avril 2004).
  • [94]
    En dehors de ces deux piliers, la question des migrations internationales – non intra-européennes – est abordée au niveau européen principalement sous forme de « drame », de « tragédie », de « problème exceptionnel », de « protection des frontières », etc. (cf. Commission européenne, « Rapport d’avancement sur la mise en œuvre de l’agenda européen en matière de migration », Communication au Parlement européen, au Conseil européen et au Conseil, COM(2019) 481 final, 16 octobre 2019, https://eur-lex.europa.eu).
  • [95]
    Cf. C. Caldarini, « Belgique. Citoyenneté européenne : de la liberté de circulation à la liberté d’expulsion », Institut de recherches économiques et sociales (IRES), Chronique internationale de l’IRES, n° 153, 2016, p. 3-20.
  • [96]
    J.-F. Neven, « Citoyens européens, CPAS et expulsions : le mode d’emploi de l’Office des étrangers », La Revue nouvelle, n° 4-5, 2014, www.revuenouvelle.be.
  • [97]
    Cf. C. Caldarini, « Passaporto dei diritti. Passport of rights. Passeport des droits », Confederazione Generale Italiana del Lavoro (CGIL), Istituto Nazionale Confederale di Assistenza (INCA) Belgio, 2014, www.osservatorioinca.org.
  • [98]
    Cf. OIT, Convention n° 48 sur la conservation des droits à pension des migrants, 22 juin 1935.
  • [99]
    Ce principe compte toutefois des exceptions importantes, par exemple pour les travailleurs détachés. À ce propos, cf. le site Internet https://ec.europa.eu.
  • [100]
    Un cinquième principe, connu sous le nom d’assimilation des faits, a été clarifié en 2010. Il stipule que lorsque, en vertu du droit national, des effets juridiques sont attribués à la survenance de certains faits ou événements, tels que la maladie, la maternité ou un accident du travail, il est également tenu compte des faits ou événements similaires survenus sur le territoire de tout autre État membre. À titre d’exemple, supposons que, dans le pays A, la période de service militaire soit considérée comme une période de travail aux fins de l’accès aux allocations de chômage ; si une personne a effectué son service militaire dans le pays B, puis se rend dans le pays A, le service militaire effectué dans le pays B doit, le cas échéant, être pris en compte aux fins du chômage comme s’il avait été effectué dans le pays A.
  • [101]
    La période de trois mois peut être étendue par l’institution compétente jusqu’à un maximum de six mois (article 64 du règlement (CE) n° 883/2004 précité).
  • [102]
    « Répertoire de la jurisprudence relative à la politique intérieure de l’Union européenne », 4.04 : « Libre circulation des personnes et des services », https://curia.europa.eu.
  • [103]
    La période de trois mois peut être étendue par l’institution compétente jusqu’à un maximum de six mois (cf. supra).
  • [104]
    S. Giubboni, Diritti e solidarietà in Europa. I modelli sociali nazionali nello spazio giuridico europeo, Bologne, Il Mulino, 2012 ; S. Giubboni, « Il diritto alla sicurezza sociale tra frontiere nazionali e solidarietà europea », Immigrazione.it. Rivista professionale di scienze giuridiche e sociali, n° 175, 2012, p. 1-9.
  • [105]
    C. Samary, « L’Europe de l’Est à l’épreuve de l’intégration européenne. Du miroir aux alouettes à l’exigence de réaliser les promesses ? », Savoir/Agir, n° 18, 2011, p. 43-54.
  • [106]
    Cf. supra, note 46.
  • [107]
    Commission européenne, Direction générale Emploi, Affaires sociales et Égalité des chances, 50 ans de coordination de la sécurité sociale, op. cit., p. 20.
  • [108]
    Ibidem.
  • [109]
    Règlement (CE) n° 883/2004 précité ; Règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d’application du règlement (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (Journal officiel de l’Union européenne, L 284, 30 octobre 2009).
  • [110]
    Règlement (CE) n° 859/2003 du Conseil du 14 mai 2003 visant à étendre les dispositions du règlement (CEE) n° 1408/71 et du règlement (CEE) n° 574/72 aux ressortissants de pays tiers qui ne sont pas déjà couverts par ces dispositions uniquement en raison de leur nationalité (Journal officiel de l’Union européenne, L 124, 20 mai 2003). Ce règlement étend les règles de la coordination de la sécurité sociale aux ressortissants des pays non membres de l’Union européenne (ressortissants de pays tiers), autorisés à travailler dans un pays de l’Union et qui se déplace à l’intérieur de l’Union. Les membres de la famille et les survivants de ces personnes sont également couverts s’ils résident dans l’Union européenne.
  • [111]
    R. Cornelissen, F. De Wispelaere, « Soixante ans de coordination européenne de la sécurité sociale », op. cit.
  • [112]
    Commission européenne, Direction générale Emploi, Affaires sociales et Inclusion, « Annual Report on intra-EU Labour Mobility. Final Report », 2019, https://ec.europa.eu.
  • [113]
    Cf. le site Internet www.socialsecurity.be.
  • [114]
    Pour donner un exemple, si la législation d’un État membre de l’Union européenne autorise, pour ses propres ressortissants, l’exportation des pensions vers un pays tiers, le ressortissant de ce pays bénéficie également de ce droit. Mais il arrive aussi que certains droits soient accordés aux ressortissants de pays tiers travaillant dans l’Union, sans que les pays tiers soient à leur tour obligés d’accorder les mêmes droits aux citoyens de l’Union qui y travaillent (Cf. C. García de Cortázar Nebreda, « Coordination des régimes de sécurité sociale entre l’Union européenne et les pays de l’espace euro-méditerranéen », Comité économique et social européen (CESE), 2016, www.eesc.europa.eu). En Belgique, le principe est qu’un Belge peut exporter une pension belge partout dans le monde, alors qu’un ressortissant d’un pays tiers ne peut l’exporter dans son pays d’origine que dans le cadre d’une convention bilatérale. En 2014, la Cour de cassation belge a jugé ce système discriminatoire dans une affaire opposant l’Office national des pensions (ONP) à un pensionné de nationalité malgache ayant travaillé en Belgique (Cour de cassation, Arrêt S.12.0081.F, 15 décembre 2014).
  • [115]
    Pour ceux qui souhaitent en savoir davantage, cf. l’analyse réalisée en 2012 par l’OIT sur la manière dont les règles de la coordination européenne s’appliquent aux ressortissants de pays tiers : G. Strban, « Social security coordination for non-EU countries in South and Eastern Europe: a legal analysis », OIT, 2012, www.ilo.org.
  • [116]
    Cf., à titre d’exemples, les arrêts de la CJUE du 11 avril 2019 (Affaire C-483/17 : Tarola vs. Minister for Social Protection), du 11 avril 2019 (Affaire C-483/17 : Tarola vs. Minister for Social Protection), du 19 juin 2014 (Affaire C-507/12 : Jessy Saint Prix vs. Secretary of State for Work and Pensions), du 21 février 2013 (Affaire C-282/11 : Salgado Gonzalez vs. Seguridad Social), du 22 novembre 2012 (Affaire C-385/11 : Isabel Elbal Moreno vs. Seguridad Social), du 11 novembre 2010 (Affaire C-232/09 : Danosa vs. LKB Līzings SIA) et du 12 mai 1998 (Affaire C-85/96 : Martinez Sala vs. Freistaat Bayern).
  • [117]
    Y. Jorenset al., « Think Tank Report 2008. Towards a New Framework for Applicable Legislation: New Forms of Mobility, Coordination Principles and Rules of Conflict », Universiteit Gent (UGent), 2008, https://biblio.ugent.be ; S. Roberts, « Bref historique de la coordination de la sécurité sociale », op. cit.
  • [118]
    C. Caldarini, S. Giubboni, S. McKay, « The “place” of atypical work in the European social security coordination », op. cit.
  • [119]
    Une personne est dite en situation de cumul des désavantages lorsqu’elle se trouve dans une situation précaire dans différents domaines simultanément, par exemple sur le plan de la santé, du logement et du revenu (B. Capéauet al., « En faut-il peu pour être heureux ? Conditions de vie, bonheur et bien-être en Belgique », Regards économiques, n° 144, 2019, www.regards-economiques.be).
  • [120]
    S. Lisein, « Les flexi-jobs. Allez hop ! Encore un peu plus d’insécurité et de surcharge pour les travailleurs ! », L’Atelier des droits sociaux (LADDS), 2019, https://ladds.be, p. 11. Pour une analyse des contrats de travail flexibles en vigueur en Belgique, dans le contexte de la législation nationale et européenne de protection du travail, cf. Parlement européen, Direction générale des Politiques internes de l’Union, « Temporary contracts, precarious employment, employees’ fundamental rights and EU employment law. Study for Committee on Petitions », 2017, www.europarl.europa.eu (notamment p. 58 à 62).
  • [121]
    P. Baudemprez, « La convention d’immersion professionnelle, un contrat de stage en entreprise qui mérite d’être plus utilisé ? », Partena Professional, 18 février 2015, www.partena-professional.be.
  • [122]
    Cf. le site Internet www.ilo.org.
  • [123]
    OIT, Recommandation n° 198 sur la relation de travail, 15 juin 2006.
  • [124]
    Article 61 du règlement (CE) n° 883/2004 précité.
  • [125]
    Cf. le site Internet du Servicio Público de Empleo Estatal, www.sepe.es.
  • [126]
    Plusieurs conditions doivent cependant être remplies pour que la prestation soit accordée, ce qui signifie que, en fin de compte, plus de la moitié des demandes sont rejetées (C. Caldarini, S. Giubboni, S. McKay, « The “place” of atypical work in the European social security coordination », op. cit., p. 77-80).
  • [127]
    Ce cas de figure montre, entre autres, qu’il est généralement infondé d’affirmer que les travailleurs étrangers représentent un coût pour les systèmes de protection sociale des pays d’accueil. Selon un rapport de l’OCDE sur les migrations internationales, la « contribution nette » des immigrés, c’est-à-dire la différence entre les contributions sociales et fiscales payées et les prestations sociales perçues, est positive dans la quasi-totalité des pays (OCDE, « Perspectives des migrations internationales », 2013, p. 133-173). En Belgique, la contribution nette des migrants est de 9 159 euros par an, pour les ménages nés dans le pays, de 5 560 euros pour les ménages immigrés et de 16 830 euros pour les ménages mixtes. Cf. aussi C. Caldarini, « Belgique. Citoyenneté européenne : de la liberté de circulation à la liberté d’expulsion », op. cit. ; C. Dustmann, T. Frattini, « The Fiscal Effects of Immigration to the UK », op. cit. ; C. Giulietti, « The welfare magnet hypothesis and the welfare take-up of migrants », op. cit. ; Commission européenne, Direction générale Emploi, Affaires sociales et Inclusion, « A fact finding analysis on the impact on the Member States’ social security systems of the entitlements of non-active intra-EU migrants to special non-contributory cash benefits and healthcare granted on the basis of residence », op. cit.
  • [128]
    À titre de comparaison, c’est comme si, en Belgique, au bout de six mois, tous les chômeurs indemnisés par l’ONEM étaient automatiquement dirigés vers les CPAS.
  • [129]
    Commission européenne, Direction générale Emploi, Affaires sociales et Inclusion, « A fact finding analysis on the impact on the Member States’ social security systems of the entitlements of non-active intra-EU migrants to special non-contributory cash benefits and healthcare granted on the basis of residence », op. cit. ; C. G. De Cortazar, E. Rentola (dir.), « Coordination of Unemployment Benefits. Think Tank Report 2012 », Training and Reporting on European Social Security (TRESS), 2012, www.tress-network.org.
  • [130]
    La période de trois mois peut être étendue par l’institution compétente jusqu’à un maximum de six mois (cf. supra).
  • [131]
    Pour être plus précis, les règlements sur la coordination de la sécurité sociale s’appliquent en principe à toute la législation de sécurité sociale, qu’elle soit contributive ou non contributive (article 3 du règlement (CE) n° 883/2004 précité). Le simple fait qu’une prestation ne soit pas fondée sur des critères contributifs ne suffit pas à l’exclure du champ d’application objectif de la coordination. Toutefois, le règlement (CE) n° 883/2004 établit que certaines prestations à caractère non contributif restent soumises à la clause de résidence et ne peuvent donc pas être exportées en dehors de l’État membre qui les établit et les octroie (article 70 et Annexe X).
  • [132]
    Cf. le site Internet www.stmas.bayern.de.
  • [133]
    Le Danemark, la Finlande et la Suède font partiellement exception à cette règle. En effet, leurs systèmes de pension comportent un premier pilier constitué d’un régime universel soumis à une simple condition de résidence, complété par un élément de ressources sans rapport avec la carrière professionnelle. Cela peut également créer des difficultés supplémentaires pour les personnes qui ont interrompu leur résidence afin de combiner plusieurs petits contrats de travail dans d’autres pays.
  • [134]
    Cf. le site Internet du Beauftragten der Bundesregierung für Migration, Flüchtlinge und Integration, Gleichbehandlungsstelle EU-Arbeitnehmer, www.eu-gleichbehandlungsstelle.de.
  • [135]
    C. Caldarini, S. Giubboni, S. McKay, « The “place” of atypical work in the European social security coordination », op. cit., p. 77-80.
  • [136]
    Depuis 2003, il existe au Royaume-Uni deux systèmes de prestations familiales, le crédit d’impôt pour enfant (child tax credit) et le crédit d’impôt pour emploi (working tax credit). Ils ont un double objectif de contribuer à éliminer la pauvreté des enfants et à rendre le travail rémunérateur. Le child tax credit est versé, sous condition de ressource, à la personne qui a principalement la charge des enfants. Le working tax credit soutient les travailleurs, y compris les indépendants, en les aidant à compléter les revenus. Il comprend un élément de garde d’enfants, qui aide à couvrir les frais de garde d’enfants enregistrés ou approuvés (cf. Commission des Communautés européennes, « Moderniser la protection sociale pour des emplois plus nombreux et de meilleure qualité. Une approche globale pour rendre le travail rémunérateur », Communication au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, COM(2003) 842 final, 30 décembre 2003, https://eur-lex.europa.eu, p. 13).
  • [137]
    C. Caldarini, « Travailler sous contrat article 60 : ascenseur vers le chômage ou vers l’emploi ? », in A. Manço, L. Scheurette (dir.), Inclusion des personnes d’origine étrangère sur le marché de l’emploi. Bilan des politiques en Wallonie, à paraître en 2021.
  • [138]
    138 Quant aux allocations de chômage, elles peuvent être prises en considération si le regroupant apporte la preuve qu’il recherche activement du travail ou qu’il est dispensé de cette recherche active.
  • [139]
    Moniteur belge, 5 août 1976.
  • [140]
    Il s’agit d’un contrat de travail institué par la loi du 8 juillet 1976, permettant aux CPAS de procurer un emploi à une personne éloignée du marché du travail afin de la réintégrer dans le régime de la sécurité sociale et dans le marché du travail. La durée du contrat est établie en fonction de la législation sur les allocations de chômage.
  • [141]
    Conseil du contentieux des étrangers, Arrêt n° 200 882, 8 mars 2018.
  • [142]
    Tribunal de première instance du Hainaut (division de Mons), ordonnance, 11 janvier 2017. Cf. P. Wautelet, « Travailler pour devenir Belge : à travail égal, accès égal à la nationalité belge ? », Revue@dipr.be. Revue de droit international privé, n° 1, 2017, www.dipr.be, p. 124-132.
  • [143]
    Nous n’avons pas pu identifier la base juridique qui pourrait éventuellement justifier cette pratique.
  • [144]
    C. Caldarini, « Belgique. Citoyenneté européenne : de la liberté de circulation à la liberté d’expulsion », op. cit. ; Statistiques de l’Office des étrangers, https://dofi.ibz.be.
  • [145]
    C. Caldarini, « Belgique. Citoyenneté européenne : de la liberté de circulation à la liberté d’expulsion », op. cit. ; C. Caldarini, « Travailler sous contrat article 60 », op. cit.
  • [146]
    Chambre des représentants, Commission de l’Intérieur, des Affaires générales et de la Fonction publique, Compte rendu intégral, n° 901, 21 janvier 2014, p. 30.
  • [147]
    C. Caldarini, « Belgique. Citoyenneté européenne : de la liberté de circulation à la liberté d’expulsion », op. cit.
  • [148]
    Chambre des représentants, Note de politique générale. Asile et migration, n° 588/26, 28 novembre 2014, p. 27-28.
  • [149]
    M. Nautet, C. Piton, « An analysis of non-standard forms of employment in Belgium », op. cit.
  • [150]
    A. Mechelynck, « La crise sanitaire révèle les faiblesses de la protection sociale des travailleurs précaires au chômage », Carnet de crise du Centre de droit public de l’ULB, n° 17, 2020, https://droit-public.ulb.ac.be.
  1. Introduction
  2. 1. Définitions des formes atypiques d’emploi
    1. 1.1. Quelques définitions internationales
    2. 1.2. Quelques définitions nationales
      1. 1.2.1. Allemagne
      2. 1.2.2. Belgique
      3. 1.2.3. Espagne
      4. 1.2.4. France
      5. 1.2.5. Italie
      6. 1.2.6. Royaume-Uni
      7. 1.2.7. Slovénie
      8. 1.2.8. Suède
      9. 1.2.9. Les éléments communs aux différentes situations nationales
  3. 2. Ampleur et tendances des formes atypiques d’emploi
    1. 2.1. Le travail à durée limitée
    2. 2.2. Le travail à temps partiel
    3. 2.3. Un focus sur les jeunes
    4. 2.4. L’évolution de l’emploi atypique
    5. 2.5. Les facteurs d’évolution
    6. 2.6. Le travail atypique est-il un tremplin vers des formes d’emploi plus stables ?
    7. 2.7. Quel est l’impact de la crise sociale due à la pandémie de Covid-19 ?
  4. 3. Harmonisation et coordination des normes sociales européennes
    1. 3.1. Les nœuds du « dumping social »
    2. 3.2. Les premiers accords de réciprocité sur la sécurité sociale des travailleurs migrants
    3. 3.3. La création de la CECA et de la CEE
    4. 3.4. L’élimination des obstacles à la libre circulation des travailleurs
    5. 3.5. La liberté de circulation aujourd’hui
    6. 3.6. Controverses
  5. 4. Principaux problèmes posés par l’emploi atypique à la protection sociale des travailleurs migrants
    1. 4.1. L’impossibilité de valoriser ses périodes de travail
    2. 4.2. L’impossibilité de valoriser ses cotisations sociales
    3. 4.3. L’impossibilité d’exporter ses allocations de chômage
    4. 4.4. La difficulté à remplir les conditions d’ouverture des droits
    5. 4.5. Les entraves au droit de séjour et au statut des étrangers
  6. Conclusion
Carlo Caldarini
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Une des quatre libertés fondamentales dont bénéficient les citoyens de l’Union européenne est la liberté de circulation. Celle-ci comprend notamment le droit de se rendre dans un autre État membre et d’y travailler aux mêmes conditions que les ressortissants nationaux, notamment en termes de protection sociale.

Afin qu’une personne ne subisse pas de réduction du montant de ses prestations de sécurité sociale du fait qu’elle exerce ou a exercé son droit à la libre circulation, des règles spécifiques ont été établies il y a plus de 60 ans, lors de la fondation de la Communauté économique européenne (CEE). Toutefois, en dépit de leurs multiples évolutions, ces règles peinent aujourd’hui à s’appliquer aux travailleurs employés dans le cadre de relations de travail dites atypiques (ou non standards) : travail en intérim, contrat à court terme, stage, petite collaboration occasionnelle, travail via une plateforme numérique, etc.

En quoi la relation de travail entre un salarié et son employeur peut-elle être qualifiée de standard, d’hybride ou d’atypique ? Quelle est aujourd’hui l’étendue des relations de travail atypiques ? Pourquoi les systèmes nationaux de protection sociale ne prennent-ils en compte que certaines périodes de travail effectuées dans un autre pays ? Quel impact le fait de travailler sous un contrat non standard peut-il avoir sur le parcours migratoire d’un travailleur ? Et, au bout du compte, un emploi atypique peut-il constituer un tremplin pour une intégration professionnelle plus stable et rémunératrice ou, au contraire, comporte-t-il le risque de rester enfermé dans une relation de travail de second ordre ? C’est à ces différentes questions que tente de répondre C. Caldarini dans ce Courrier hebdomadaire.

Mis en ligne sur Cairn.info le 14/04/2021
https://doi.org/10.3917/cris.2488.0005
ISBN 9782870752593
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