CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1En 2017, la Belgique a adopté une nouvelle loi sur les droits des personnes transgenres en matière de modification de l’enregistrement du sexe dans les actes de l’état civil, qui amende et complète celle qui était en vigueur depuis 2007. Le présent Courrier hebdomadaire examine le processus d’adoption de cette loi du 25 juin 2017, que nous appellerons la « loi trans* »  [1]. Elle introduit d’importants changements et octroie aux personnes trans* des droits qui semblaient jusqu’alors inconcevables pour le législateur. Surtout, elle abolit deux dispositions antérieurement prévues par la loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité  [2] : la psychiatrisation et la stérilisation.

2De manière contre-intuitive en regard de l’histoire politique belge et de la littérature internationale, la loi trans* a été proposée par un gouvernement fédéral de centre-droit incluant les chrétiens-démocrates et les nationalistes flamands et a été votée à une large majorité. Ce Courrier hebdomadaire tente de comprendre les raisons de cette situation étonnante. Pour ce faire, il s’appuie sur les cadres théoriques relatifs à l’étude des mouvements sociaux, des politiques publiques et des normes internationales  [3] et privilégie une approche par les acteurs. Il s’efforce de saisir la manière dont des acteurs politiques et sociaux se sont impliqués dans le processus ayant conduit à l’adoption de la loi du 25 juin 2017. De ce fait, l’étude ne porte pas sur les aspects plus structurels qui ont pu intervenir mais examine successivement trois types d’éléments pouvant expliquer, au regard de la littérature, l’adoption de la loi trans* : les développements internationaux, les mobilisations de la société civile et l’action des décideurs politiques.

3Au niveau méthodologique, l’analyse tente de reconstruire aussi finement que possible le processus ayant conduit à l’adoption de la loi trans*. Pour ce faire, elle s’appuie sur deux types de sources : des sources écrites (travaux parlementaires et documents associatifs) et, surtout, des entretiens semi-directifs avec 18 personnes impliquées dans le changement de la loi  [4]. Comme pour tout travail de ce type, l’analyse proposée est tributaire des informations que les acteurs ont bien voulu partager avec nous. Par ailleurs, comme souvent en Belgique (particulièrement sur les questions LGBT  [5]), le travail empirique met au jour des mises en récit concurrentes du passé, qui se superposent au clivage linguistique et correspondent aux divisions du pays. Nous avons confronté autant que possible ces récits distincts et nous les avons croisés afin de produire un seul récit du processus ayant conduit à l’adoption de la loi trans*.

Contexte législatif

4La loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité constitue la première loi belge en matière de droits des personnes trans*. Avant cette date, ces droits ne figuraient dans aucun texte législatif, ce qui se traduisait par un vide juridique quant au changement d’état civil. Le changement de prénom était octroyé comme une faveur à la suite d’une demande introduite auprès du ministre de la Justice. Quant à elle, la procédure de changement de la mention du sexe était judiciaire. Les procédures étaient souvent longues et onéreuses et il était possible que les juges rendent leur décision de manière arbitraire et selon leur libre appréciation. En mettant fin à ces divers problèmes, la loi du 10 mai 2007 est présentée par la ministre de l’Emploi et de l’Égalité des chances du gouvernement fédéral Leterme II (CD&V/MR/PS/Open VLD/CDH), Joëlle Milquet (CDH), comme « un pas en avant dans la protection sociale et juridique des personnes transgenres »  [6].

5Ce texte pose toutefois plusieurs problèmes. Primo, il impose que les personnes souhaitant changer leur mention du sexe (de « homme » à « femme » ou inversement) ne soient plus « en mesure de concevoir des enfants », ce qui implique de recourir à une chirurgie génitale stérilisante appelée « chirurgie de réassignation sexuelle ». Le législateur a souhaité empêcher ainsi qu’un homme (ou une personne enregistrée en tant qu’« homme » à l’état civil) puisse être enceint ou qu’une femme devienne le « père » biologique d’un enfant. Secundo, le changement de la mention du sexe est conditionné à une approbation psychiatrique : la personne concernée doit remettre à l’officier de l’état civil la déclaration d’un psychiatre attestant qu’elle « a la conviction intime, constante et irréversible d’appartenir au sexe opposé à celui qui est indiqué dans l’acte de naissance ». Tertio, la loi prévoit qu’une personne qui souhaite changer de prénom doit suivre ou avoir suivi « un traitement hormonal de substitution visant à induire les caractéristiques sexuelles physiques du sexe auquel l’intéressé a la conviction d’appartenir ». Quarto, par les conditions exigées par le législateur, la loi n’autorise de fait pas l’accès au changement d’état civil pour les personnes mineures.

6La psychiatrisation et la stérilisation prévues par la loi du 10 mai 2007 s’expliquent par plusieurs éléments. Premièrement, la transidentité – autrement dit, l’identité de genre  [7] des personnes trans* – est historiquement comprise sous le prisme de la psychopathologie et qualifiée de « transsexualisme »  [8]. Ce dernier terme renvoie notamment aux chirurgies corporelles et génitales auxquelles les personnes concernées ont recours afin que leur apparence « corresponde » au genre auquel elles s’identifient. D’ailleurs, à partir de 1980, le diagnostic psychiatrique du transsexualisme figure dans le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM : Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) de l’American Psychiatric Association (APA). Adoptée en 1994, la quatrième version du DSM (DSM-IV) supprime la notion de « transsexualisme » en l’intégrant à celle de « trouble de l’identité sexuelle » ; en 2013, cette dernière notion est remplacée par celle de « dysphorie de genre » dans la cinquième version du manuel (DSM-V). En mai 2019, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) décide, lors de la révision de la Classification internationale des maladies (CIM), de retirer les transidentités de la liste de troubles mentaux, tout en maintenant les notions d’« incongruence de genre » et d’« incongruence de genre dans l’enfance » dans un chapitre relatif à la santé sexuelle  [9]. Ces deux nomenclatures internationales ont contribué en 2007 à l’adoption par le législateur belge des conditions de stérilisation et de diagnostic psychiatrique  [10]. Leurs modifications ultérieures ont joué un rôle crucial dans l’évolution des droits des personnes trans* en servant de références dans l’organisation légale du changement d’état civil.

7Deuxièmement, le législateur fédéral belge s’est inspiré des pratiques exercées à l’époque par la Genderteam (« équipe de genre ») de l’Universitair Ziekenhuis Gent (UZ Gent : hôpital universitaire de Gand). Cette équipe pluridisciplinaire (psychiatrie, chirurgie, endocrinologie, etc.) accueille des personnes trans* qui désirent avoir recours à certains traitements médicaux, dont la chirurgie stérilisante de réassignation sexuelle. Bien que ces personnes constituent un public spécifique au sein de la population trans*  [11], le législateur s’est basé sur les pratiques de la Genderteam gantoise pour élaborer la loi du 10 mai 2007. Avant l’adoption de ce texte, les parlementaires ont certes auditionné deux collectifs trans* s’opposant à la stérilisation en question  [12], mais l’avis de ceux-ci n’a manifestement pas eu d’incidence sur le contenu de la loi.

8Troisièmement, la thématique trans* est à l’époque méconnue et même inconnue au sein du monde politique belge et elle apparaît rarement dans le débat public. Cette ignorance explique le poids de la croyance erronée selon laquelle l’immense majorité des personnes trans* souhaite nécessairement avoir recours à une chirurgie génitale et consent ainsi à sa stérilisation (ce souhait se substituant à celui de pouvoir concevoir un jour un enfant). Cette croyance résulte d’une vision binaire du genre, qui se focalise sur le « biologique » (ou autrement dit l’« apparence physiologique ») et répond à une vision globalement essentialiste selon laquelle « être homme/être femme, c’est avoir un certain nombre de caractéristiques et de capacités qui vous définissent comme tel »  [13]. Comme l’écrit la sociologue Cathy Herbrand, si la loi du 10 mai 2007 prévoit la stérilisation en question, c’est aussi parce que le législateur a voulu « maintenir un principe de “vraisemblance biologique” »  [14] dans l’établissement des liens de filiation.

9La loi du 25 juin 2017 répond à ces problèmes. Elle prévoit que l’adulte souhaitant changer d’état civil (prénom et mention du sexe) doit uniquement remettre à l’officier de l’état civil « une déclaration qu’il a signée, indiquant que, depuis un certain temps déjà, il a la conviction que le sexe mentionné dans son acte de naissance ne correspond pas à son identité de genre vécue intimement »  [15]. Cette personne voit alors son changement d’état civil enregistré dans un délai de trois à six mois après confirmation de sa démarche au moyen d’une seconde déclaration. La loi stipule également que les personnes mineures âgées de seize et dix-sept ans souhaitant changer la mention de leur sexe dans le registre d’état civil doivent remettre la même déclaration que celle remise par les adultes, en y joignant toutefois « une attestation établie par un pédopsychiatre qui confirme que l’intéressé dispose d’une faculté de discernement suffisante pour avoir la conviction [en question] ». De plus, les personnes mineures peuvent changer de prénom dès l’âge de douze ans, à la condition d’être assistées de leurs parents ou de leur représentant légal. Par ailleurs, la loi du 25 juin 2017 prévoit, tant pour les adultes que pour les personnes mineures, l’irrévocabilité du changement d’état civil (autrement dit, sauf circonstances exceptionnelles dûment prouvées, il n’est possible d’obtenir ce changement qu’une seule fois). Enfin, elle permet aux femmes trans* ayant conçu un enfant avec leur partenaire de se voir officiellement appelées « coparentes » (et non « pères »). Par contre, les hommes trans* parents ne sont appelés « pères » que dans le cas où c’est leur partenaire qui accouche ; dans le cas où ils accouchent, ils se voient appelés « mères »  [16].

Précisions terminologiques

10Quelques précisions terminologiques s’imposent  [17]. Une personne transgenre est une personne qui ne s’identifie pas au sexe/genre (« homme » ou « femme ») qui lui a été assigné à la naissance. En effet, dès la naissance, dans la plupart des sociétés, chaque personne est « catégorisée » à partir de l’appareil génital dont elle est pourvue (ou, du moins, dont on la pense pourvue) et est alors identifiée comme étant soit un « homme », soit une « femme ». On parle ainsi de « bi-catégorisation sexuée »  [18] des individus. Une fois identifiée comme appartenant à l’une des deux catégories sexuées, toute personne se voit « attribuer » un sexe qui sert d’indicateur de son genre. Autrement dit, la catégorisation sexuée d’une personne marque le début de l’identification sociale de cette personne au genre correspondant à la catégorie sexuée qui lui a été assignée.

11À l’heure actuelle, le terme « transgenre » est celui qui est le plus souvent utilisé pour qualifier les personnes ne s’identifiant pas au sexe/genre qui leur a été assigné à la naissance. Cependant, nous lui préférons le terme générique « trans* », car l’astérisque permet d’inclure l’ensemble des cas de figure en regroupant sous une appellation unique et commune non seulement les personnes assignées « hommes » à la naissance qui s’identifient en tant que « femmes » et inversement, mais aussi les personnes « non binaires » ou « au genre fluide » (c’est-à-dire celles qui ne s’identifient ni en tant qu’« homme » ni en tant que « femme » ou qui s’identifient à des genres différents au cours de leur vie).

12Le terme « transexuel·le » est parfois utilisé par certaines personnes ou certains groupes pour décrire leur expérience, mais il traduit plutôt le contenu de la loi du 10 mai 2007 et, pour cette raison, ne nous paraît pas approprié pour étudier le processus ayant conduit à l’adoption de la loi du 25 juin 2017. En outre, son usage comme terme générique est rejeté par la plupart des organisations de personnes trans*. C’est le cas de l’association belge Genres pluriels (GPs), qui considère que « “transsexuel” est un terme issu du vocabulaire psychiatrique du XIXe siècle. Ce terme désigne une prétendue maladie mentale et est construit de la même façon que homo- ou bi-sexuel, qui tous deux se réfèrent à des préférences sexuelles (comme leur constitution le laisse supposer). Les transidentités sont des questions… d’identités. Le mot “transsexuel” étant stigmatisant et ne désignant pas correctement ce dont on veut parler, Genres pluriels, à l’instar de nombreuses associations dans le monde, a choisi de le bannir dans ses discours publics »  [19].


13Ce Courrier hebdomadaire se divise en trois chapitres. Le premier s’attache à analyser l’influence des développements internationaux sur le processus ayant conduit à l’adoption de la loi trans*. Une première partie porte sur l’influence exercée par les normes internationales, ainsi que sur la manière dont ces normes ont été mobilisées et utilisées par les acteurs politiques et sociaux impliqués dans le processus belge. Une seconde partie analyse l’influence de législations étrangères plus progressistes (c’est-à-dire des lois qui, contrairement à la loi belge du 10 mai 2007, ne prévoient pas la stérilisation et/ou la psychiatrisation). Le deuxième chapitre étudie le rôle joué par les acteurs sociaux en faveur du changement législatif ; il examine la façon dont ils ont collaboré entre eux et celle dont ils ont formulé leurs revendications et ont adressé celles-ci aux acteurs politiques. Enfin, le troisième chapitre analyse le rôle joué par ces derniers, ainsi que les interactions entre ceux-ci et les acteurs sociaux. Il présente tout d’abord la trajectoire gouvernementale du projet de loi ayant mené à la loi du 25 juin 2017 et l’évolution des actions et travaux menés par les cabinets ministériels fédéraux en charge du dossier. Ensuite, il examine les relations entre les acteurs gouvernementaux et les acteurs sociaux, permettant de souligner l’importance d’un réseau d’acteurs basé sur des relations personnelles et informelles. Enfin, ce chapitre étudie le rôle des acteurs parlementaires, à savoir les membres de la Chambre des représentants  [20].

1. Des développements internationaux favorables

14Au cours des dernières années, diverses organisations internationales se sont saisies de la question trans*. Ce premier chapitre analyse dans quelle mesure ces recommandations et décisions, émanant surtout du Conseil de l’Europe, ont influencé le processus ayant conduit à l’adoption de la loi du 25 juin 2017. En d’autres mots, il s’agit de comprendre comment ces recommandations ont été mobilisées par les acteurs tant politiques que sociaux impliqués et d’étudier comment ces développements internationaux ont pu constituer un ensemble de normes, fussent-elles de « droit mou ». Ce chapitre analyse aussi la façon dont des législations étrangères jugées plus progressistes ont été évoquées pour revendiquer une transformation du droit belge.

1.1. Le Conseil de l’Europe

15Avant 2009, les recommandations relatives à la procédure de changement de la mention officielle du sexe à l’état civil émises par le Conseil de l’Europe et la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) favorisent la stérilisation des personnes trans* en préconisant le recours à une modification génitale au moyen d’une intervention chirurgicale de « réassignation sexuelle ». En 1989, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe recommande ainsi que « la mention concernant le sexe de l’intéressé [puisse être] rectifiée dans le registre des naissances, ainsi que dans ses pièces d’identité », tout en considérant que « la conviction profonde [de la personne transsexuelle] d’appartenir à l’autre sexe, [l’entraîne] à demander que son corps soit “corrigé” en conséquence »  [21]. Dans trois arrêts rendus respectivement en 1992  [22], en 2002  [23] et en 2003  [24], la CEDH juge quant à elle « que les États membres ont pour obligation de reconnaître juridiquement le nouveau sexe d’une personne transsexuelle pour autant que cette personne ait subi une intervention de réassignation sexuelle »  [25].

16La situation change à partir de 2009, lorsque plusieurs organes du Conseil de l’Europe émettent des recommandations en faveur de la démédicalisation de la procédure de changement d’état civil pour les personnes trans*. En juillet 2009, le commissaire aux Droits de l’homme, Thomas Hammarberg, publie un document thématique dans lequel il recommande aux États membres de « cesser de subordonner la reconnaissance de l’identité de genre d’une personne à une obligation légale de stérilisation et de soumission à d’autres traitements médicaux »  [26]. En 2010 et en 2015, l’Assemblée parlementaire adopte deux résolutions dans lesquelles elle appelle les États membres « à abolir la stérilisation et les autres traitements médicaux obligatoires, ainsi que le diagnostic de santé mentale, en tant qu’obligation juridique préalable à la reconnaissance de l’identité de genre d’une personne dans les lois encadrant la procédure de changement du nom et du genre inscrits à l’état civil »  [27]. En 2010, le Comité des ministres émet aussi une recommandation en ce sens  [28]. Enfin, la CEDH condamne la Turquie en 2015  [29] et la France en 2017  [30] parce que ces pays conditionnent la reconnaissance de l’identité sexuelle des personnes transgenres à « la réalisation d’une opération ou d’un traitement stérilisants ». Par ailleurs, en 2014, sept agences appartenant à l’Organisation des Nations unies (ONU) publient un document dans lequel elles condamnent la stérilisation en question  [31].

17L’abondance de recommandations et décisions émanant du Conseil de l’Europe à partir de 2009 influence de manière décisive le processus relatif au changement législatif en Belgique  [32]. Élaboré par le ministre de la Justice, Koen Geens (CD&V), et par la secrétaire d’État à l’Égalité des chances, Elke Sleurs (N-VA), du gouvernement fédéral Michel I (N-VA/MR/CD&V/Open VLD), le projet de loi trans* stipule ainsi qu’il tend « à adapter la loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité à la lumière des obligations internationales en matière de droits de l’homme »  [33]. Il faut toutefois noter que, malgré leur autorité interprétative, ces recommandations européennes ne constituent pas des injonctions formellement contraignantes pour la Belgique : elles ressortissent de ce qui est communément qualifié de « droit mou » (cf. infra). De manière générale, dans le cas où un État ne respecte pas une norme émise par le Conseil de l’Europe, il ne se voit pas automatiquement obligé de l’appliquer (contrairement au cas, par exemple, où un État déroge aux « règlements communautaires » de l’Union européenne). De plus, seules la Turquie et la France sont poursuivies par la CEDH au motif de la stérilisation en question. De ce fait, seuls ces deux États se voient directement adresser une obligation de mise en conformité de leur législation avec les normes émises. Il n’en reste pas moins que les autorités belges peuvent craindre une condamnation future de la Belgique sur la base d’un cas similaire si la loi du 10 mai 2007 n’est pas modifiée, d’autant que cette stratégie est discutée au niveau militant.

18Par ailleurs, les recommandations du Conseil de l’Europe renforcent la coalition d’acteurs en faveur du changement de la loi du 10 mai 2007 et permettent ainsi d’accélérer le processus législatif. Ces recommandations, amplifiées par les mobilisations de la société civile, créent une double pression sur le gouvernement fédéral, à la fois top-down et bottom-up, et permettent de légitimer les revendications des acteurs en faveur du changement législatif. À partir du moment où les résolutions du Conseil de l’Europe pointent publiquement la législation belge du doigt, les revendications de la société civile et des associations n’apparaissent plus comme isolées.

19Un grand nombre d’acteurs et d’actrices politiques issus de trois des quatre partis composant le gouvernement fédéral Michel I, à savoir la N-VA, le CD&V et le MR, peinent à considérer les revendications trans* comme légitimes, à la différence de l’Open VLD. Dès lors, le « recadrage » européen peut s’avérer décisif auprès de ces personnes. Au sein du CD&V, les résolutions du Conseil de l’Europe permettent de clore les débats sur la dépathologisation alors que, à l’origine, nombre de députés et députées de ce parti sont peu disposés à accepter qu’une personne enregistrée à l’état civil comme « homme » puisse être enceinte. Quant à lui, le MR dans son ensemble considère qu’il n’est guère envisageable d’ignorer la nécessité d’une réforme de la législation en vigueur alors que le Conseil de l’Europe recommande celle-ci à de multiples reprises et depuis plusieurs années. Par contre, les recommandations du Conseil de l’Europe et la condamnation de la Turquie en 2015 ne jouent pas un rôle décisif au sein de la N-VA – parti dont est pourtant membre le rapporteur général de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur les droits des personnes LGBTI+ (Piet De Bruyn) –, dans la mesure où ce parti n’accorde pas un tel « pouvoir de persuasion » aux institutions et décisions européennes.

1.2. Une pression internationale accrue

20Le fait que les normes émises par le Conseil de l’Europe et la CEDH ne créent pas une obligation de « mise en conformité » formelle de la législation belge évoque le concept de « droit mou », tel que celui-ci a été utilisé par Kelly Kollman pour étudier la diffusion des droits LGBT sur le continent européen. Dans son étude sur le rôle de l’Europe dans la reconnaissance légale des unions de même sexe  [34], cette auteure décrit en effet le fonctionnement d’un processus selon lequel une norme basée sur les droits humains, créée par des institutions européennes (dont le Conseil de l’Europe) et un réseau transnational de militants politiques LGBT (dont l’« association-parapluie » ILGA-Europe), contribue à la diffusion de l’idée d’une reconnaissance des unions de même sexe et, en fin de compte, à l’adoption de formes de reconnaissance juridique  [35]. Selon K. Kollman, « avec le droit mou, aucun principe juridique formel n’est incorporé dans la législation nationale (…). Les gouvernements peuvent définir la norme générale [en la matière] afin de s’adapter à leur propre environnement juridique et culturel lors de l’adoption de la législation nationale »  [36].

21Il est permis de se demander si un phénomène similaire ne se produit pas dans le cas de la loi trans*. Dans ce cadre, les développements internationaux, tels que les recommandations adoptées par le Conseil de l’Europe et les modifications législatives opérées dans d’autres pays, peuvent accroître la pression sur la Belgique tout en indiquant que des avancées juridiques sont possibles. Plusieurs éléments empiriques permettent d’étayer cette thèse.

1.2.1. Le classement d’ILGA-Europe

22Les recommandations du Conseil de l’Europe, qui appuient la revendication d’une modification de la loi du 10 mai 2007, sont largement diffusées par la fédération ILGA-Europe (qui constitue la branche européenne de l’International Lesbian, Gay, Bisexual, Trans and Intersex Association), qui développe des outils de mise en concurrence et de mise sous pression des États. Chaque année, cette organisation, qui regroupe les organisations LGBTI d’Europe, publie un « classement basé sur l’impact des lois et des politiques de chaque pays sur la vie des personnes LGBTI », connu sous le nom de Rainbow Map  [37]. Ce document, qui prend surtout en compte des indicateurs juridiques, a pour objectif de mettre en « compétition » les États européens, en les encourageant à adopter des dispositions plus favorables aux droits des personnes LGBTI.

23Lors des discussions relatives à la réforme de la loi du 10 mai 2007 au sein des cabinets ministériels fédéraux (Justice, dirigé par K. Geens, et Égalité des chances, dirigé par E. Sleurs), le classement d’ILGA-Europe constitue un point d’attention. Une chute de la Belgique dans ce classement est crainte en raison des dispositions de la loi du 10 mai 2007. Or beaucoup de partis politiques et d’acteurs institutionnels insistent sur le fait que, selon eux, la Belgique se doit de conserver un rôle précurseur au niveau des droits des personnes LGBT. Ainsi, dès 2011, la ministre fédérale de l’Intérieur et de l’Égalité des chances du gouvernement fédéral Di Rupo (PS/CD&V/MR/SP.A/Open VLD/CDH), J. Milquet, indique dans sa note de politique générale que la loi du 10 mai 2007 « sera évaluée et adaptée à la lumière des obligations internationales. La Belgique doit jouer un rôle de précurseur pour ce qui concerne l’égalité des droits pour les holebis [homosexuels, lesbiennes et bisexuels] et transgenres »  [38].

1.2.2. Le discours des droits humains

24Les activistes belges ont recours au langage des droits humains  [39], un constat également posé à l’étranger  [40]. Ils souhaitent convaincre le législateur que le droit de concevoir des enfants et celui de voir son genre reconnu à l’état civil constituent des droits humains et que, de ce fait, tant la stérilisation des personnes trans* que l’exigence d’une approbation psychiatrique ne peuvent conditionner un changement d’état civil. Dans leur discours, ces associations associent « droits humains », « stérilisation » et « psychiatrisation » afin de rendre visible le bafouement de droits inhérent à la loi du 10 mai 2007.

25Comme le souligne Zowie Davy, bien que « la pathologisation de la transsexualité [ait] fait l’objet de discussions limitées dans le contexte du droit international des droits humains, la dépathologisation peut (…) être abordée dans l’article 8 de la [Convention européenne des droits de l’homme] détaillant le droit à la vie privée (…). L’identité de genre est l’un des aspects les plus intimes de la vie d’une personne et rentre alors dans le cadre de l’article 8. L’article 8 protège le droit au développement personnel, de déterminer les spécificités de sa propre identité et de préserver l’intégrité physique et psychologique d’une personne »  [41]. Ces droits sont en effet énoncés dans la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (communément appelée Convention européenne des droits de l’homme) et offrent donc un cadre de référence très largement accepté à celles et ceux qui militent en faveur de la dépathologisation de la procédure de changement d’état civil.

1.2.3. Les Principes de Yogyakarta

26Un autre document semble jouer un rôle important : les Principes de Yogyakarta . Élaboré en 2006 par un groupe international d’experts et d’expertes et présenté au Conseil des droits de l’homme des Nations unies en 2007, ce texte porte sur « l’application de la législation internationale des droits humains en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre »  [42] et vise à encourager les États à mettre leur législation en conformité avec les droits énoncés par les Principes. Si ces derniers constituent un cadre de référence pour la Belgique, c’est notamment parce qu’ils condamnent explicitement la stérilisation et la psychiatrisation des personnes trans* prévues par la loi du 10 mai 2007. Le troisième principe stipule ainsi que « personne ne sera forcé de subir des procédures médicales, y compris la chirurgie de réassignation de sexe, la stérilisation ou la thérapie hormonale, comme condition à la reconnaissance légale de son identité de genre », et le dix-huitième principe que « nul ne peut être forcé de subir une quelconque forme de traitement, de protocole ou de test médical ou psychologique (…) en raison de son orientation sexuelle ou de son identité de genre ».

27Toutefois, bien que le Sénat ait adopté une résolution « relative à la reconnaissance des Principes de Yogyakarta » en décembre 2012  [43] et que l’accord du gouvernement Michel I d’octobre 2014 mentionne ces principes, ceux-ci ne constituent pas un texte contraignant pour la Belgique. Durant le processus menant à l’adoption de la loi du 25 juin 2017, les Principes de Yogyakarta constituent plutôt un ensemble de normes de « droit mou » permettant aux acteurs sociaux de confronter les acteurs politiques à la contradiction entre l’adoption de la résolution par le Sénat et les critères médicaux inhérents à la loi du 10 mai 2007. Leur effectivité est donc à relativiser car, s’ils offrent une ressource discursive aux groupes militants, ces Principes ne constituent pas un cadre de référence important aux yeux des cabinets ministériels fédéraux en charge de l’élaboration de la nouvelle loi.

1.3. L’influence des législations progressistes étrangères

28Pour rappel, le projet de loi trans* vise à démédicaliser la procédure de changement d’état civil prévue par la loi du 10 mai 2007. Les personnes souhaitant changer d’état civil ne devront désormais plus être stérilisées et leur demande ne nécessitera plus une approbation psychiatrique. Avant la Belgique, cinq pays ont adopté une loi ne prévoyant aucune intervention médicale : l’Argentine (2012)  [44], le Danemark (2014)  [45], Malte (2015)  [46], l’Irlande (2015)  [47] et la Norvège (2016)  [48]. En outre, sept autres pays se sont dotés d’une loi partiellement démédicalisée, qui supprime l’exigence de stérilité mais maintient l’exigence d’un diagnostic ou d’une expertise médicale et/ou « psy » (c’est-à-dire de la part d’un psychiatre ou d’un psychologue) : le Royaume-Uni (2004)  [49], l’Espagne (2007)  [50], l’Uruguay (2009)  [51], le Portugal (2011)  [52], l’Islande (2012)  [53], la Suède (2013)  [54] et les Pays-Bas (2013)  [55].

29De nombreux acteurs militants belges font référence à ces exemples étrangers. Ainsi, l’association GPs élabore, en collaboration avec les trois coupoles LGBTI de Belgique (Arc-en-Ciel Wallonie, RainbowHouse Brussels et çavaria) et l’Equality Law Clinic (ELC, groupe de juristes et d’étudiants en droit dirigé par Emmanuelle Bribosia et Isabelle Rorive  [56] et rattaché au Centre Perelman et au Centre de droit européen de l’Université libre de Bruxelles - ULB), une ébauche de proposition de loi co-signée par GPs, Arc-en-Ciel Wallonie, la RainbowHouse Brussels et çavaria, Amnesty International Belgique et la Ligue des droits de l’Homme (LDH, aujourd’hui Ligue des droits humains)  [57]. Ce texte, qui a pour objectif d’appuyer la volonté de donner une forme légale à un ensemble de revendications et qui est remis aux acteurs politiques chargés de travailler sur la modification de la loi du 10 mai 2007, se réfère à plusieurs législations étrangères et affirme que « certains États, comme l’Argentine, le Danemark ou Malte, servent de modèles en la matière ». Lors de leurs rencontres avec les cabinets ministériels fédéraux, les associations se concentrent surtout sur les législations argentine et maltaise, parce que celles-ci prévoient une procédure de changement d’état civil totalement dépathologisée et insistent sur le principe de l’autodétermination  [58].

30Cette influence étrangère est moins prégnante au niveau politique. S’ils en tiennent compte, les cabinets ministériels fédéraux de la Justice et de l’Égalité des chances ne semblent en effet accorder qu’une importance limitée à l’existence de ces législations étrangères. Celles-ci leur permettent simplement de constater qu’une législation trans* dépathologisée peut être envisagée en Belgique, une telle législation étant déjà en vigueur dans divers pays étrangers (depuis plusieurs années pour certains d’entre eux). Cependant, toutes les législations trans* étrangères progressistes (à l’exception de la loi uruguayenne) sont évoquées dans le texte du projet de loi élaboré par ces cabinets ministériels, qui stipule que deux éléments prévus dans la future loi trans* sont inspirés respectivement des lois danoise et néerlandaise  [59].

2. Les mobilisations de la société civile

31Les principaux acteurs associatifs impliqués dans la révision de la loi du 10 mai 2007 sont l’association francophone GPs et la fédération LGBTI flamande çavaria, qui regroupe plus de 120 associations. En outre, GPs est soutenue par la coupole associative bruxelloise dont elle fait partie, la RainbowHouse Brussels, ainsi que par un groupe de juristes et spécialistes des questions de droits humains. À partir de l’année 2009, GPs et çavaria portent la revendication de la dépathologisation de la procédure de changement d’état civil prévue par la loi du 10 mai 2007. Elles dénoncent les exigences de stérilisation et d’approbation psychiatrique, jugées contraires aux droits humains et au principe d’autodétermination de la personne.

32Jusqu’en 2014 (soit trois ans avant l’adoption de la loi du 27 juin 2017), ces deux associations se mobilisent de manière totalement séparée et cette situation persiste partiellement au-delà de cette époque. À partir de 2016, GPs crée un groupe de travail thématique avec ses alliés et alliées du monde juridique, auquel collaborent de manière plus ponctuelle la coupole Arc-en-Ciel Wallonie et çavaria. Ces divergences et ce mode de fonctionnement traduisent des choix idéologiques et stratégiques différents, auxquels contribue également la structure institutionnelle de l’État fédéral belge. En effet, la séparation des associations LGBT du pays reflète la séparation institutionnelle et les associations sont regroupées au sein de coupoles essentiellement régionales : Arc-en-Ciel Wallonie pour la Région wallonne, la RainbowHouse Brussels – dont fait partie GPs – pour la Région bruxelloise et çavaria pour la Communauté flamande (et, dans la pratique, surtout la Région flamande)  [60]. Hormis la Belgian Pride  [61] (organisée par une structure spécifique dans laquelle les trois coupoles sont représentées), les associations LGBT belges issues des différentes régions du pays collaborent peu ensemble et mènent rarement des projets communs.

33Du côté flamand, les revendications sont portées par çavaria. Du côté francophone, elles le sont essentiellement par GPs. Toutefois, Arc-en-Ciel Wallonie et la RainbowHouse Brussels suivent le dossier de près, appuient les revendications et participent à de nombreuses réunions. En outre, deux membres du conseil d’administration de la RainbowHouse Brussels (Joël Le Déroff et Max Nisol puis Londé Ngosso) s’impliquent fortement dans la campagne. Par ailleurs, d’autres acteurs rejoignent ces associations. Ainsi, GPs bénéficie de l’expertise de l’ELC et du soutien d’Amnesty International Belgique et de la LDH. L’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes (IEFH), l’equality body compétent en matière de genre en Belgique au niveau fédéral, interpelle aussi les acteurs politiques au sujet de la nécessité de changer la loi du 10 mai 2007 : il émet des recommandations à l’attention des pouvoirs publics et commandite des rapports  [62]. Enfin, le Transgender Infopunt (TIP) – qui est à la fois une structure flamande accueillant toute personne s’interrogeant sur la diversité des genres et les questions trans* et un centre d’expertise sur ces thématiques réalisant des recherches scientifiques pour son compte ou à la demande d’organisations tierces – est consulté pour son expertise par plusieurs acteurs politiques. Un de ses coordinateurs, Joz Motmans, également professeur à l’Universiteit Gent (UGent), joue d’ailleurs un rôle clé.

34Ce chapitre présente l’ensemble des acteurs de la société civile qui s’investissent dans le processus de changement de la loi du 10 mai 2007, avec une attention particulière pour GPs et çavaria. L’objectif est d’analyser le rôle joué par ces associations et leur réseau respectif, ainsi que d’examiner dans quelle mesure ces acteurs se mobilisent de façon différente. Les interactions et collaborations avec les acteurs politiques seront analysées dans le chapitre suivant.

2.1. L’association Genres pluriels et son réseau

35L’association Genres pluriels (GPs) est fondée en 2008 par trois personnes : Max Nisol, Tanguy Pinxteren et Londé Ngosso. Selon celles-ci, les structures qui accueillent alors les personnes trans* se caractérisent par une mainmise du monde médical, ce qui engendre un accueil malveillant contraire aux droits humains. GPs mène différents types d’actions en faveur du changement de la loi du 10 mai 2007 : des activités visant à interpeller les acteurs politiques telles que des rencontres et des discussions avec ceux-ci, des manifestations (par exemple, lors de la Belgian Pride), des publications en ligne, des annonces et communications dans les médias, ainsi que des conférences, colloques et autres événements.

36À partir de 2014, GPs collabore avec l’ELC, qui rejoint le groupe de travail « Droit et législation » de l’association  [63]. Les deux fondatrices de l’ELC, E. Bribosia et I. Rorive, ainsi que des étudiants-stagiaires tels que Chloé Leroy et Brice Bernaerts, s’impliquent dans le projet. L’intervention de ces juristes s’avère indispensable à l’action militante de GPs, étant donné que le changement législatif constitue par définition une question juridique et que l’association doit disposer d’arguments juridiques précis à adresser aux acteurs politiques. Les juristes accompagnent les membres de GPs lors de certaines rencontres avec des acteurs politiques ; l’intervention de l’ELC contribue à faire comprendre les enjeux des revendications à ceux-ci. Ce groupe de juristes aide aussi GPs à rédiger une ébauche de proposition de loi (cf. supra), qui permet de traduire les revendications de ses co-signataires en langage juridique. Le résultat est présenté aux cabinets ministériels fédéraux en charge de la matière, qui n’accordent cependant qu’une attention limitée à cette initiative. En effet, celle-ci intervient à un stade où la rédaction du projet de loi est déjà bien engagée ; dès lors, le texte élaboré par le groupe de travail associatif ne réussit pas à infléchir de manière significative le processus législatif.

37Enfin, GPs et l’ELC préparent ensemble un recours contre l’État belge auprès du Comité européen des droits sociaux, visant à dénoncer le non-respect des obligations en termes de droits humains par la loi du 10 mai 2007. Ce recours n’est toutefois pas déposé car, alors que sa rédaction vient d’être finalisée, le ministre de la Justice, K. Geens, annonce à la télévision, le jour de la Belgian Pride de 2016, qu’un avant-projet de loi trans* est en cours d’élaboration.

38Par ailleurs, bien que le TIP soit une organisation souvent consultée en Flandre, GPs ne collabore pas avec lui au cours du processus de changement législatif. Cela s’explique par le fait que le TIP travaille avec la Genderteam de l’UZ Gent, alors que GPs est en total désaccord avec l’approche médicale de l’accueil des personnes trans* adoptée par cette équipe. Comme évoqué en introduction, le législateur s’est inspiré des pratiques de la Genderteam gantoise pour élaborer la loi du 10 mai 2007. Or, selon GPs, il s’agit d’une approche psychiatrisante contraire au respect des droits humains des personnes trans*.

39Le type de militantisme choisi par GPs et les revendications portées par l’association paraissent trop « radicaux » ou « intransigeants » aux yeux de divers acteurs  [64]. En effet, GPs ne se limite pas à demander la dépathologisation de la procédure de changement d’état civil prévue par la loi du 10 mai 2007, mais inscrit les problèmes que pose cette loi dans le cadre d’une dénonciation plus large, portant sur l’ensemble des éléments dont l’existence ou l’absence dans la législation belge est jugée contraire ou non favorable aux droits des personnes trans*. Ainsi, GPs revendique la modification de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre les discriminations entre les femmes et les hommes  [65]. En outre, elle réclame que, dans un futur plus lointain, le genre des personnes ne constitue plus une donnée enregistrée à l’état civil (comme le sont, par exemple, l’âge et la nationalité). Il semble que cette radicalité empêche la poursuite d’échanges avec certains acteurs politiques. Par exemple, les échanges avec la N-VA sont brefs et peu nombreux, GPs étant jugée trop « assertive » par ce parti.

40Toutefois, l’association est consciente que la revendication de suppression de la mention du sexe dans les actes de l’état civil ne sera sans doute pas entendue ; dès lors, elle formule essentiellement des demandes relatives à la nouvelle procédure de changement d’état civil. Celles-ci comprennent notamment : (1) la possibilité de disposer d’une mention officielle de genre « neutre » (autrement dit, le fait de pouvoir n’être enregistré·e à l’état civil ni en tant qu’« homme » ni en tant que « femme »), afin que soient incluses les personnes non binaires ou au genre fluide ; (2) la révocabilité (ou réversibilité) du changement d’état civil (autrement dit, le fait de pouvoir changer d’état civil plusieurs fois au cours de sa vie) ; (3) la possibilité pour les personnes mineures de changer d’état civil dès l’âge de six ans (sous certaines conditions) ; (4) la modification de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre les discriminations entre les femmes et les hommes ; (5) l’inclusion dans le texte de loi d’éléments relatifs à l’accès et aux remboursements des soins de santé « trans*-spécifiques » ; (6) l’inclusion d’éléments relatifs aux droits des personnes intersexuées  [66] ; (7) le changement de nom de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes (IEFH) en Institut pour l’égalité des genres. La loi trans* ne répondra pas à toutes ces revendications, et aucune autre loi ne sera par ailleurs modifiée ou adoptée en la matière en 2017.

2.2. La fédération çavaria

41Çavaria est la fédération LGBTI flamande. Fondée en 1977, elle s’est alors appelée successivement Federatie Werkgroepen Homofilie, puis Federatie Werkgroepen Homoseksualiteit, puis Holebifederatie  [67]. Comme ces trois premières appellations ne se rapportaient qu’à l’homo- et à la bi-sexualité, l’association a finalement changé son nom en çavaria en 2009, de manière à inclure les personnes trans*.

42La fédération çavaria commence à militer en faveur du changement de la loi du 10 mai 2007 au même moment que GPs. Comparée à cette dernière, çavaria dispose de davantage de moyens humains et financiers, dont d’importants subsides accordés par des ministères flamands. Le personnel de çavaria s’élève à environ 25 équivalents temps plein (ETP), qui travaillent dans des domaines aussi différents que l’éducation, l’accompagnement des personnes, la formation et l’information sur le genre et la sexualité ou le lobbying national et international.

43Çavaria entretient un réseau de relations très fourni dans l’ensemble du spectre politique flamand (sauf le VB). Pour cette raison, elle est consultée quasi systématiquement par les hommes et femmes politiques flamands sur les questions relatives aux personnes LGBT. Son directeur, Yves Aerts, est lui-même membre du parti écologiste Groen et a été membre du cabinet de la ministre de l’Aide sociale, de la Santé et de l’Égalité des chances du gouvernement flamand Dewael (VLD/SP/Agalev/VU), Mieke Vogels (Agalev), entre 1999 et 2001. De ce fait, il connaît de nombreux acteurs politiques, parfois étroitement, et dispose d’une importante expérience de lobbying. Par ailleurs, la coopération entre çavaria et les acteurs politiques est habituelle et institutionnalisée. En effet, la fédération a pour stratégie de ne pas entrer en confrontation avec les mandataires politiques, mais de les considérer comme des alliés et alliées. De manière générale, çavaria s’abstient de critiquer publiquement ceux et celles avec lesquels elle souhaite maintenir une relation cordiale ou étroite, afin de préserver les intérêts qu’une telle relation peut servir.

44Contrairement à GPs, çavaria se concentre sur la dépathologisation de la procédure de changement d’état civil en tant que but atteignable. Dans un but stratégique, elle préfère demander que les exigences de stérilité et d’approbation psychiatrique ne soient plus des conditions d’octroi de ce changement. En effet, çavaria part du principe qu’« un petit pas dans la bonne direction vaut plus qu’aucun pas » et estime que les changements législatifs s’opèrent lentement. De ce fait, la fédération flamande s’oppose à la stratégie de GPs consistant à émettre de très nombreuses revendications en même temps.

45Le réseau de çavaria comprend un certain nombre d’acteurs politiques. En outre, la fédération collabore « en coulisses » avec le coordinateur du TIP, J. Motmans, dans le but d’établir une position commune face aux acteurs politiques. Elle fait également appel, à partir de la fin 2016, à Pieter Cannoot, alors doctorant à l’Human Rights Centre (HRC) de l’UGent, dont le projet de thèse porte sur le droit à l’autonomie individuelle pour les personnes LGBTI. Son aide permet d’apporter à çavaria des arguments juridiques à adresser aux acteurs politiques.

2.3. Une mobilisation distincte

46Les stratégies et méthodes employées par GPs sont donc très différentes de celles utilisées par çavaria, même si ces organisations maintiennent un dialogue, collaborent sur certaines initiatives et rencontrent conjointement un certain nombre de responsables politiques (surtout durant le processus politique en 2016 et 2017). La question est dès lors de savoir dans quelle mesure cette situation a pu engendrer une forme d’antagonisme ou de concurrence entre les associations, au sens du concept de « mobilisation concurrentielle »  [68] proposé par Pierre Lascoumes et Patrick Le Galès, ou si ces associations ont pu collaborer dans le cadre de leur mobilisation en faveur de l’adoption de la loi trans*.

47GPs et çavaria portent toutes les deux la revendication d’une dépathologisation de la procédure de changement d’état civil prévue par la loi du 10 mai 2007. Toutefois, les revendications de GPs sont plus nombreuses et plus diverses. À l’inverse, çavaria concentre de manière stratégique son lobbying sur la levée des exigences de stérilité et d’approbation psychiatrique comme conditions d’octroi de ce changement. Cela implique que GPs et çavaria définissent et délimitent de manière différente les problèmes qui, selon elles, sont posés par la loi du 10 mai 2007. Elles élaborent également des stratégies spécifiques et proposent des solutions en partie distinctes à ce qu’elles identifient comme des problèmes.

48Cette situation entraîne des processus de mobilisation partiellement séparés. Bien qu’elles poursuivent le même objectif principal, ces organisations ne collaborent pas de manière étroite et ce n’est qu’à partir de l’instauration du gouvernement Michel I en octobre 2014 – gouvernement sous lequel la loi trans* sera adoptée – qu’elles échangent et se rencontrent, notamment dans le cadre du groupe de travail juridique de GPs et des réunions avec les cabinets ministériels fédéraux. Ce mode de fonctionnement illustre assez bien le fonctionnement des mouvements LGBT (et d’autres mouvements sociaux) aujourd’hui en Belgique. De manière classique dans une démocratie consociative, ces groupes – non seulement séparé par des choix idéologiques et stratégiques mais aussi divisés par la frontière linguistique – vivent des vies largement distinctes et se coordonnent ponctuellement au niveau des élites quand les circonstances politiques l’exigent (par exemple, pour revendiquer une loi ou une politique fédérale)  [69].

49Dès lors, deux questions se posent. D’une part, comment les acteurs politiques se positionnent-ils face aux revendications respectives de GPs et de çavaria? D’autre part, en sachant que les membres de çavaria entretiennent des relations personnelles et parfois étroites avec des acteurs politiques, les revendications et opinions émanant de cette association sont-elles davantage prises en compte par ces derniers ? Le chapitre suivant tente notamment de répondre à ces deux questions.

3. Le processus politique

50Ce chapitre présente tout d’abord la trajectoire gouvernementale du projet de changement législatif, c’est-à-dire l’évolution des actions et travaux des acteurs gouvernementaux chargés de travailler sur ce projet. Ensuite, il analyse les liens étroits qu’entretient çavaria avec ces acteurs. Cette analyse confirme l’importance d’un réseau basé sur des relations interpersonnelles et informelles, un constat déjà observé pour d’autres questions sociétales en Belgique. Enfin, ce chapitre étudie le rôle des acteurs parlementaires, dont beaucoup acceptent difficilement la revendication trans*, et examine les débats à la Chambre des représentants.

3.1. Une trajectoire gouvernementale

51Les campagnes en faveur du changement de loi débutent en 2009 (cf. supra). La même année, l’IEFH publie les résultats de l’étude Être transgenre en Belgique, due notamment à la plume de J. Motmans. Cette étude a pour objectif « de brosser un tableau de la situation sociale ainsi que des éventuels problèmes et discriminations [des] personnes transgenres »  [70]. Elle dénonce entre autres les exigences de stérilité et de recours à un traitement hormonal inhérentes à la loi du 10 mai 2007 comme contraires aux droits humains  [71]. Ce document s’avère décisif pour la mise à l’agenda politique du changement de loi. Dès la publication de l’étude, le coordinateur de çavaria, Y. Aerts, fait parvenir des extraits à la ministre fédérale de l’Égalité des chances, J. Milquet. Peu de temps après, celle-ci évoque le sujet au Parlement : fin 2009, la ministre annonce qu’elle compte « utiliser les résultats de cette étude pour déterminer quelles actions et mesures pourront être prises pour assurer l’égalité de traitement des personnes concernées »  [72].

52En décembre 2011, l’accord du gouvernement fédéral Di Rupo contient l’engagement suivant, qui s’appuie sur les recommandations émises par le Conseil de l’Europe : « Pour les personnes transgenres, un inventaire sera fait par le gouvernement pour les problèmes pratiques dont elles sont victimes. Dans ce contexte, la loi actuelle sur les personnes transgenres sera évaluée et adaptée à la lumière des obligations internationales »  [73]. Sur cette base, entre 2011 et 2014, GPs et çavaria rencontrent à plusieurs reprises les cabinets des ministres de la Justice, Annemie Turtelboom (Open VLD), et de l’Égalité des chances, J. Milquet. De plus, çavaria rappelle à plusieurs reprises ses revendications dans la presse, ce qui contribue à renforcer l’impression d’urgence auprès des partis politiques.

53En 2012, l’assassinat homophobe d’Ihsane Jarfi a un fort impact sur les cabinets ministériels fédéraux, qui se penchent davantage sur la réforme de la loi du 10 mai 2007. Un certain consensus émerge alors au sein des partis politiques quant au besoin d’améliorations sur le plan des droits des personnes LGBT. Des plans d’action pour lutter contre l’homophobie et la transphobie sont mis sur pied. Par ailleurs, en mai 2014, la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes est étendue à « l’identité de genre et l’expression de genre »  [74]. Selon la ministre J. Milquet, la législation ne protégeait jusqu’alors pas suffisamment les personnes « en dehors des standards traditionnels en matière de sexe et de genre »  [75]. Au même moment, çavaria demande à chaque parti politique néerlandophone (sauf le VB) de donner son avis sur la nécessité ou non de changer la loi du 10 mai 2007. Tous répondent positivement et ces avis sont publiés dans ZiZo, le magazine de la fédération. Enfin, à la veille des élections fédérales du 25 mai 2014, Y. Aerts prend personnellement contact avec nombre d’acteurs politiques. Comme pour chaque scrutin, les deux autres coupoles associatives adoptent une stratégie similaire. Elles publient aussi un mémorandum et interpellent les candidats dans leur partie du pays. Les revendications d’une révision de la loi du 10 mai 2007 et de la fin des pratiques de stérilisation et de psychiatrisation des personnes trans* sont clairement énoncées. Cette stratégie s’avère payante, puisque l’accord de gouvernement fédéral d’octobre 2014, qui donne naissance au gouvernement Michel I, inclut le projet d’un changement de la loi du 10 mai 2007 : « La loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité sera adaptée en fonction des obligations internationales en matière de droits de l’homme »  [76].

54Au sein du gouvernement Michel I, Koen Geens (CD&V) est ministre de la Justice et Elke Sleurs (N-VA) est secrétaire d’État à l’Égalité des chances  [77]. Tous deux sont chargés de travailler conjointement au changement de la loi du 10 mai 2007. Au cours de la législature, la Genderteam de l’UZ Gent rencontre régulièrement les deux cabinets ministériels. Depuis un certain temps, cette équipe considère que son rôle dans le processus de changement de la mention du sexe à l’état civil ne devrait pas être de délivrer une approbation aux personnes trans* souhaitant changer de mention du sexe à l’état civil, mais de prodiguer des soins. Les liens entre la Genderteam gantoise et E. Sleurs sont étroits et réguliers : la nouvelle secrétaire d’État a été gynécologue au sein de l’UZ Gent et connaît bien le personnel de la Genderteam. Cela contribue à ce qu’elle soit, dès son entrée en fonction, pleinement consciente de la pertinence d’une démédicalisation de la procédure prévue dans la législation.

55Par ailleurs, Y. Aerts connaît certains membres du cabinet d’E. Sleurs. Dans la semaine qui suit la nomination de celle-ci, il est invité au cabinet et convainc les membres de celui-ci de changer la loi le plus rapidement possible. En outre, dans le cadre du changement de la loi, Y. Aerts collabore en coulisses avec J. Motmans, qui côtoie étroitement la Genderteam de l’UZ Gent et l’IEFH depuis des années et qui connaît lui aussi personnellement plusieurs acteurs politiques, notamment du fait qu’il a réalisé plusieurs études pour le compte du gouvernement flamand lorsqu’il était chercheur au Steunpunt Gelijkekansenbeleid (basé à l’Universiteit Antwerpen). Y. Aerts et J. Motmans s’efforcent alors de développer les mêmes arguments à destination des acteurs politiques, tout en rencontrant ceux-ci séparément afin que ces arguments aient potentiellement plus d’impact.

56Au milieu de l’année 2016, les cabinets ministériels commencent à élaborer l’avant-projet de loi. Une fois rédigé, celui-ci est envoyé pour approbation au « groupe inter-cabinets », auquel participent des représentants du cabinet d’E. Sleurs pour la N-VA, du cabinet du Premier ministre Charles Michel pour le MR, du cabinet de K. Geens pour le CD&V, du cabinet du vice-Premier ministre Alexander De Croo pour l’Open VLD. Avant la dernière réunion de ce groupe, des membres de çavaria accèdent confidentiellement au texte de l’avant-projet grâce à leurs contacts dans les cabinets, ce qui leur permet d’indiquer ce qui ne leur convient pas et d’en discuter au sein du groupe de travail initié par GPs. Une fois validé, l’avant-projet de loi est examiné et avalisé par le Conseil des ministres. Il est alors déposé à la Chambre des représentants, qui le confie à la commission de la Justice (cf. infra).

57Outre des réunions ministérielles conjointes avec çavaria, la RainbowHouse Brussels et l’ELC, l’association GPs rencontre aussi de manière séparée certains membres des cabinets de K. Geens et d’E. Sleurs. Ces rencontres semblent toutefois de nature plus formelle. Contrairement à çavaria, GPs n’entretient pas par ailleurs de liens informels et étroits avec ces acteurs politiques. En outre, les rencontres avec le cabinet d’E. Sleurs se déroulent dans une ambiance tendue. Le niveau d’exigence de GPs refroidit plusieurs des personnes rencontrées et les membres de l’association s’expriment d’une manière qui apparaît parfois trop « assertive » aux yeux de celles-ci.

58Par ailleurs, GPs et çavaria rencontrent conjointement le cabinet de la ministre fédérale des Affaires sociales et de la Santé publique, Maggie De Block (Open VLD), étant donné la revendication sur l’accès et le remboursement des soins de santé « trans*-spécifiques ». Cependant, cet échange ne produit aucun résultat car le cabinet, qui poursuit une approche plutôt « technique » de l’organisation des soins de santé trans*-spécifiques, envisage déjà d’attribuer des subsides aux équipes spécialisées des hôpitaux universitaires de Gand et de Liège. Enfin, GPs et çavaria rencontrent ensemble le cabinet du Premier ministre, mais cette brève rencontre n’est pas à la hauteur des attentes des membres de ces deux organisations.

3.2. L’importance des réseaux d’acteurs

59Cette présentation du processus gouvernemental montre l’importance du rôle joué par l’équipe de çavaria et par son coordinateur, Y. Aerts, dès le début du processus. C’est ce dernier qui, en 2009, entre en contact avec la ministre J. Milquet par l’intermédiaire d’une amie. Sous le gouvernement Michel I, Y. Aerts est en relation constante avec plusieurs acteurs gouvernementaux, dont la secrétaire d’État fédérale E. Sleurs. En fin de parcours, avant que le futur texte de loi soit transmis à la commission de la Justice de la Chambre des représentants, il est même invité à donner son avis sur celui-ci. À l’inverse, l’association GPs semble plus en retrait, probablement en raison de son orientation plus radicale. Ce constat s’impose d’autant plus que la majorité gouvernementale est dominée par des partis néerlandophones et de droite, alors que les relais politiques de GPs se situent avant tout dans la gauche francophone.

60L’influence exercée par çavaria s’inscrit dans une relation de coopération habituelle et institutionnalisée entre cette fédération et les acteurs politiques flamands, qui assure la confiance de ces derniers. Ce type de relation témoigne d’une stratégie ancienne de cette organisation, qui repose sur une approche réformiste et des contacts soutenus avec le monde politique  [78]. Çavaria est d’ailleurs connue pour sa diplomatie dans les milieux politiques, au point qu’elle apparaît parfois trop complaisante aux yeux d’autres associations (surtout francophones). À l’inverse, le rôle de GPs et de ses alliés juridiques est plus important dans les échanges avec les ministres libéraux francophones.

61L’importance des relations personnelles évoque le processus de revendication du mariage pour les personnes de même sexe, dans lequel David Paternotte a observé une configuration similaire en s’appuyant sur le concept de « triangle de velours »  [79]. Développé par Alison Woodward, ce concept décrit un réseau de politique publique triangulaire unissant une élite militante, des décideuses et des expertes  [80]. Les rapports entre ces trois groupes se caractérisent par la confiance, la fluidité et l’informalité (la douceur du velours), ainsi que par une dimension élitiste (le velours est une étoffe riche) opposée à une approche plus « grassroots », qui caractérise beaucoup plus le militantisme de GPs. Ce réseau, dont le nom est construit en écho au triangle de fer de la science politique états-unienne, se manifeste avant tout dans des domaines de politiques publiques peu institutionnalisés. Proposé pour étudier l’adoption de la politique de gender mainstreaming au niveau européen, cet outil a ensuite été adopté comme instrument de politique publique par l’administration flamande de l’égalité des chances  [81]. Il offre à la fois une description empirique de la manière dont s’élabore une politique et un outil prescriptif. Çavaria en a probablement eu écho au cours des échanges avec l’administration flamande en charge de l’égalité des chances, qui a adopté l’approche du triangle de velours pour ses politiques de genre, et s’est à son tour efforcée de le mettre en œuvre dans ses relations avec les pouvoirs publics. J. Motmans a lui-même travaillé sur le concept de triangle de velours, notamment dans sa thèse de doctorat codirigée par A. Woodward  [82].

62La trajectoire du projet de loi étudié ici rappelle ce mode d’élaboration des politiques publiques et confirme le rôle central des relations interpersonnelles et informelles, voire étroites, entre plusieurs acteurs : E. Sleurs, Y. Aerts, des membres des deux cabinets (dont Lynn Verrydt), J. Motmans, la Genderteam de l’UZ Gent et certains travailleurs de l’IEFH.

Schéma 1. Le triangle de velours à l’œuvre dans l’élaboration de la loi du 25 juin 2017

Schéma 1. Le triangle de velours à l’œuvre dans l’élaboration de la loi du 25 juin 2017

Schéma 1. Le triangle de velours à l’œuvre dans l’élaboration de la loi du 25 juin 2017

63L’émergence de ce triangle de velours est par ailleurs favorisée par la faible institutionnalisation de la thématique trans* et par sa mauvaise connaissance au niveau politique. Les échanges avec les experts et expertes et les militants et militantes, qui travaillent de concert, s’intensifient d’ailleurs en raison du fait qu’un grand nombre de membres de la majorité gouvernementale peinent à comprendre la revendication trans* et à l’accepter comme étant légitime. De ce fait, J. Motmans et Y. Aerts sont invités à expliquer les revendications aux membres du CD&V. De même, Y. Aerts et la secrétaire d’État à l’Égalité des chances, Zuhal Demir (qui remplace E. Sleurs comme secrétaire d’État à partir du 24 février 2017, soit peu de temps avant le vote de la loi), se rencontrent afin d’établir ensemble une stratégie aidant celle-ci à convaincre les députés et députées de son parti, la N-VA, de voter favorablement.

64Trois raisons expliquent l’absence des membres de GPs de ce triangle de velours. Primo, les acteurs du triangle se connaissaient déjà avant que ne débute le processus relatif au changement de loi. Ces relations antérieures contribuent à fermer ce réseau à de nouveaux acteurs comme GPs. Ce réseau est en outre exclusivement flamand et cette caractéristique participe probablement à la non-inclusion de l’association francophone. Secundo, le caractère excluant d’un triangle de velours peut s’expliquer par le « contrôle » ou le pouvoir exercé par certains acteurs. L’un ou l’autre acteur gouvernemental manifeste peut-être la volonté claire et explicite que les membres de GPs en soient exclus. Certes, aucune source n’évoque un tel veto, mais plusieurs éléments peuvent décourager certains acteurs gouvernementaux à vouloir inclure GPs. Par exemple, les rencontres entre GPs et L. Verrydt sont tendues parce que les membres de l’association se seraient exprimés d’une manière jugée trop radicale. Par ailleurs, Y. Aerts utilise les caractéristiques du militantisme de GPs dans ses conversations privées avec les cabinets comme moyen de pression : il leur conseille de ne pas tarder à se pencher sur les revendications de çavaria pour ne pas devoir se confronter à l’intransigeance de GPs, qui formule des revendications plus nombreuses et plus radicales. Tertio, GPs se distancie volontairement des organisations qui sont proches de la Genderteam de l’UZ Gent (telles que le TIP) car elle est en porte-à-faux avec les pratiques de cette équipe.

3.3. Le parcours parlementaire

65Le projet de loi est déposé à la Chambre des représentants par le gouvernement Michel I le 4 avril 2017. Le texte est envoyé pour examen à la commission de la Justice, qui l’adopte le 17 mai 2017. La discussion en séance plénière de la Chambre a lieu les 23 et 24 mai 2017. À l’issue de ce débat, le texte est adopté.

3.3.1. Des difficultés d’acceptation de la revendication trans*

66Au terme du processus, la nouvelle loi sera adoptée par 117 membres de la Chambre des représentants émettant un vote favorable. Six députés et députées s’abstiendront : 3 N-VA et les 3 VB. Aucun vote négatif ne sera émis, mais 27 députés seront absents au moment du vote.

67Le fait que l’ensemble des députés et députées du MR et du CD&V et la majorité de ceux et celles de la N-VA soutiendront in fine l’adoption de la loi ne va pas de soi au début des débats. En effet, de nombreux parlementaires de ces partis peinent à intégrer la revendication de la dépathologisation. Le principal écueil réside dans la suppression de l’exigence de stérilité comme condition à l’octroi du changement d’état civil et, par conséquent, dans le fait de rendre légal et possible qu’un homme (c’est-à-dire une personne trans* reconnue officiellement comme un homme) puisse être enceint. À l’inverse, le quatrième parti de la majorité gouvernementale, l’Open VLD, se rallie très tôt au changement de la loi, sans nécessité de longues discussions et négociations internes ; il votera d’ailleurs unanimement la loi.

68Les contacts avec les associations, surtout néerlandophones, s’avèrent cruciaux pour convaincre les membres de la Chambre des représentants. Au sein du MR, Jean-Jacques Flahaux, qui se présente comme étant un député homosexuel prenant à cœur les questions relatives aux droits des personnes LGBT, porte le dossier. Il travaille longuement à convaincre les membres de son groupe de la nécessité de ce changement, lesquels finiront par voter tous et toutes favorablement. En concertation avec Y. Aerts et J. Le Déroff, qui le contactent pendant les débats au sein de la commission de la Justice, il dépose de sa propre initiative des amendements visant à rendre le texte de loi plus progressiste.

69Alors que la plupart des membres du CD&V ne sont pas favorables au changement de la loi, le parti invite çavaria et le TIP pour expliquer les enjeux d’une dépathologisation de la législation. De manière intéressante, les députés et députées les plus réticents n’invoquent pas leurs croyances religieuses pour s’opposer au texte  [83], mais bien des raisons morales et la crainte de ne pas être compris par leur électorat. Contrairement à la secrétaire d’État à l’Égalité des chances, E. Sleurs, le ministre de la Justice, K. Geens, éprouve lui-même des difficultés à considérer la revendication trans* comme légitime. Initialement, il s’oppose à ce qu’une personne puisse changer officiellement de genre tout en conservant la possibilité de concevoir un enfant et il souhaite que l’avant-projet de loi comprenne une disposition selon laquelle toute personne qui souhaite demander de changer officiellement de genre doit remettre à l’officier d’état civil une déclaration sur l’honneur promettant de ne pas concevoir d’enfants à compter du jour de la demande de ce changement. Quelques mois plus tard, Y. Aerts joue à nouveau de son influence au sein du parti. Lors des auditions des représentants et représentantes d’associations, auxquelles assistent K. Geens et Z. Demir, il échange des textos avec ceux-ci afin d’améliorer le texte. En retour, il conseille les deux membres du gouvernement sur la manière de réagir à ce qui est en train d’être dit  [84].

70De nombreux membres de la N-VA considèrent également la revendication trans* comme inacceptable. Quelques jours avant le vote de la loi à la Chambre des représentants, il semble qu’une majorité des parlementaires N-VA ne votera pas en faveur de la loi. Trois membres de la N-VA sont alors chargés de convaincre les parlementaires du parti : le président du parti, Bart De Wever, la secrétaire d’État Z. Demir et le sénateur P. De Bruyn. Ultérieurement, Y. Aerts obtient aussi un entretien en face à face avec Z. Demir pour l’aider à convaincre les députés et députées de son parti.

71Toutefois, de nombreux acteurs associatifs s’interrogent sur les motivations du vote in fine favorable des élus et élues N-VA et accuse le parti nationaliste flamand d’homonationalisme. Ce concept, créé par Jasbir Puar pour penser l’instrumentalisation des droits LGBT dans le cadre de la politique impériale des États-Unis sous le président républicain George W. Bush  [85], « provient (…) de la contraction du terme “homonormativité” (…) avec le terme “nationalisme” »  [86]. En Europe, ce terme a souvent été utilisé pour étudier le virage gay-friendly d’un certain nombre de partis de droite et d’extrême droite. Dans le cas présent, cette lecture suggère que le vote favorable émis par des membres de la N-VA s’expliquerait aussi voire surtout par le désir de stigmatiser d’autres communautés, en particulier la communauté musulmane. La loi trans* n’est pas la seule mesure pour laquelle le soutien de la N-VA est analysé à l’aune de cette grille de lecture. Ainsi, le jour de la Belgian Pride 2018, plus d’une centaine de signataires du monde associatif et académique (surtout francophones) publient une carte blanche contre le plan d’action interfédéral LGBTI coordonné par la secrétaire d’État Z. Demir  [87], au motif que ce plan « propose une politique raciste et homonationaliste » et présente de façon répétée « la population musulmane comme particulièrement homophobe, sans plus de nuances ». L’homonationalisme a aussi fait l’objet d’un colloque de la Coordination Holebi Bruxelles en 2015  [88] et la présence de la N-VA à la Belgian Pride est contestée depuis plusieurs années par une partie importante du mouvement LGBT francophone, qui n’hésite plus à marquer son opposition de manière visible  [89].

72Il est intéressant de constater que cette lecture n’est pas démentie par les acteurs politiques, tant au sein de la N-VA que dans d’autres partis. Pour plusieurs d’entre eux, le soutien de la N-VA à la communauté LGBT et sa mise en avant dans les médias ou à la Belgian Pride découle bien, dans le chef de plusieurs membres du parti, de la volonté pour la N-VA d’être considérée comme progressiste concernant les droits LGBT à défaut de pouvoir l’être à l’égard des minorités ethniques ou religieuses telles que la communauté musulmane. Dans le même état d’esprit, certains leaders de la N-VA auraient même affirmé lors de réunions internes que voter en faveur de l’adoption de la loi trans* permettrait à la N-VA de « briller davantage aux yeux de la société », tout en continuant à ne pas faire preuve de progressisme à l’égard de certaines minorités.

3.3.2. La loi trans* : le résultat d’un compromis

73L’objectif principal de l’adoption de la loi trans* est de démédicaliser (ou dépathologiser) la procédure de changement d’état civil qui était jusqu’alors prévue par la loi du 10 mai 2007. En effet, les revendications associatives et les recommandations européennes en la matière considèrent que les conditions d’octroi de ce changement – à savoir la stérilité des personnes et l’approbation psychiatrique – sont contraires aux droits humains et au principe d’autodétermination (cf. supra). Afin de répondre à cette demande, les deux cabinets ministériels fédéraux en charge de l’élaboration du projet de loi sont confrontés à trois enjeux : la question de l’irrévocabilité du changement d’état civil, la question de la garantie contre les décisions irréfléchies et la question du droit au changement d’état civil pour les personnes mineures  [90]. Dans cette section, nous analysons les débats qui se sont tenus à la Chambre des représentants sur ces trois questions.

La question de l’irrévocabilité du changement d’état civil

74Dans sa version initiale, le projet de loi prévoit que « [le changement de l’enregistrement du sexe] est en principe irrévocable. Toutefois, si dans des circonstances exceptionnelles un deuxième changement (…) est souhaité, il faudra suivre une procédure plus lourde en ayant recours au tribunal [de la famille] »  [91]. Lors de leur audition en commission  [92], plusieurs acteurs sociaux manifestent leur opposition, invoquant l’exclusion de facto des personnes non binaires ou au genre fluide qui résulterait de cette disposition. Selon eux, il faut que le changement de la mention du genre puisse être révocable, afin que les personnes au genre fluide puissent procéder à ce changement selon leurs besoins. Certains de ces acteurs sont même favorables à une « politique de l’indifférence du genre »  [93], qui impliquerait que le sexe des personnes ne soit plus une donnée enregistrée à l’état civil ; cela permettrait aux personnes non binaires ou au genre fluide de ne pas devoir choisir entre les seules mentions « homme » ou « femme ».

75Cette demande est toutefois refusée par le ministre de la Justice, K. Geens, qui justifie sa volonté de conserver l’irrévocabilité du changement d’état civil en arguant qu’il est nécessaire de procéder étape par étape et qu’accepter tout de suite la révocabilité serait aller « trop loin ». Cette volonté « d’avancer graduellement » et de « ne pas aller plus loin » semble être également celle des membres de la Chambre des représentants. En effet, aucun amendement relatif à l’irrévocabilité du changement d’état civil ou à la suppression de la mention du sexe ou du genre à l’état civil n’est déposé. Comme l’indique J.-J. Flahaux quelques minutes avant le vote relatif à la loi trans* : « Il y aura encore ultérieurement des améliorations à apporter [à cette loi]. On pourra d’autant plus en apporter qu’on aura l’expérience de [celle-ci]. Ce n’est pas – je l’ai d’ailleurs dit au milieu associatif – une volonté de ne pas accepter d’autres choses, mais c’est faire en sorte que la loi aboutisse, parce que le gros travail sera désormais la pédagogie vis-à-vis de l’ensemble de la population de notre pays. Il ne suffit pas de faire voter une loi, il faut aussi qu’elle percole, si j’ose dire, dans la population »  [94].

La question de la garantie contre les décisions irréfléchies

76Le texte initial du projet de loi prévoit qu’une « brochure d’information rédigée par les ministres compétents » sera fournie aux personnes demandant de changer d’état civil et que la consultation de cette brochure sera certifiée au moyen d’une attestation délivrée par une « organisation de transgenres agréée »  [95]. Pour le législateur, des « garanties contre les changements de l’enregistrement du sexe irréfléchis » s’avèrent en effet nécessaires.

77Toutefois, l’ensemble des acteurs sociaux auditionnés s’y opposent. Les arguments employés sont résumés en audition par J. Le Déroff : « Les associations [trans*] n’ont pas la mission, ni les moyens d’être des gardes-barrières lors de la procédure de changement de la mention du genre à l’état civil. Ce positionnement contredit le principe d’autodétermination, qui veut que toute consultation, même associative, soit choisie et non imposée. Il est de plus irréaliste en tenant compte des moyens limités qui sont [ceux des associations trans*] »  [96]. De plus, plusieurs militants et militantes estiment que le projet de loi fait preuve d’une vision « maternante » ou « protectrice », non souhaitable de leur point de vue. Par exemple, un membre de GPs, Maël Pire, indique : « En tant que personnes majeures et capables de discernement, les trans* ne désirent pas être protégés davantage contre une hypothétique erreur qu’une personne cisgenre désirant se marier : on lui fait la lecture de ses nouveaux droits et devoirs, on lui fait confiance pour avoir correctement estimé l’importance de son engagement. Les personnes trans* ne veulent plus être considérées comme “vulnérables” et “incapables” de mesurer les conséquences de leurs actes. S’ils ont besoin d’accompagnement, d’aide, de conseils, les trans[*] iront les chercher eux-mêmes. Ils demandent à pouvoir utiliser leurs droits sans tutelle »  [97].

78Plusieurs amendements  [98] introduits afin d’abolir cette obligation de délivrance d’une attestation sont adoptés et la loi trans* ne prévoit donc pas cette condition. Toutefois, elle exige qu’un délai de trois à six mois s’écoule entre le jour où la personne souhaitant changer d’état civil en fait la demande à l’état civil et le jour où ce changement lui est accordé. Au cours de ce délai, la personne doit confirmer son souhait et indiquer qu’elle est consciente des conséquences d’un tel changement. Il s’agit d’un délai de réflexion par lequel le législateur tente d’établir un compromis entre les critiques des acteurs sociaux et la volonté de garanties contre des « décisions irréfléchies ».

La question du droit au changement d’état civil pour les personnes mineures

79La crainte de « décisions irréfléchies » apparaît dans un autre élément du projet de loi : les conditions d’octroi du changement d’état civil pour les personnes mineures. Le texte initial indique en effet : « Étant donné les répercussions considérables que le changement de l’enregistrement du sexe peut avoir pour le mineur, on exige la satisfaction de deux conditions supplémentaires. D’un côté, on exige une déclaration d’un pédopsychiatre qui confirme que la personne a la conviction constante que le sexe mentionné dans son acte de naissance ne correspond pas à son identité de genre vécue intimement. L’intervention du psychiatre n’a pas pour but d’établir un diagnostic mais uniquement de confirmer la volonté réfléchie et exprimée sans contrainte du mineur doté de capacité de discernement. (…) Par ailleurs, l’assistance des parents ou du représentant légal est également exigée. Si ceux-ci refusent d’assister le mineur, il peut se faire autoriser par le tribunal à poser cet acte avec l’assistance d’un tuteur ad hoc, pour autant que le tribunal de la famille estime ce refus infondé »  [99]. De plus, le projet de loi n’autorise pas le changement d’état civil des personnes âgées de moins de seize ans.

80Tous les acteurs sociaux auditionnés s’opposent au fait qu’un pédopsychiatre doive confirmer la trans*identité de la personne mineure ; ils invoquent principalement le principe d’autodétermination et la volonté de dépathologiser la procédure de changement d’état civil  [100]. Des amendements se basant sur cet argument sont par ailleurs déposés par des parlementaires PS et Écolo–Groen  [101]. Deux autres critiques sont émises par les associations. La première remet en question la limite d’âge de seize ans, considérant que « les jeunes peuvent avoir conscience de leur identité de genre bien avant cet âge » (M. Pire)  [102]. La deuxième, s’appuyant sur le respect du principe d’autodétermination pour les personnes mineures, réclame qu’il n’y ait, comme pour les adultes, aucune intervention médicale ou psychiatrique. Plusieurs députés et députées y opposent le principe de « protection du mineur » et estiment que, « dans ce cadre, le psychiatre peut en effet jouer un rôle afin de constater surtout si la personne a la maturité nécessaire pour prendre une telle décision » (Karin Jiroflée, SP.A)  [103].

81Finalement, la procédure prévue par la loi du 25 juin 2017 pour les personnes mineures traduit un compromis entre le gouvernement Michel I, la Chambre des représentants et les associations : elle exige « une attestation établie par un pédopsychiatre qui confirme [uniquement] que l’intéressé dispose d’une faculté de discernement suffisante pour avoir la conviction durable que le sexe mentionné dans son acte de naissance ne correspond pas à son identité de genre vécue intimement ». Il n’est donc plus question que le pédopsychiatre confirme la transidentité des personnes mineures. Par contre, seules celles âgées de plus de seize ans ont la possibilité de changer d’état civil.

3.4. Prolongement : l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 19 juin 2019

82Bien que la loi du 25 juin 2017 soit incontestablement une avancée pour les personnes trans*, elle ne constitue qu’une « demi-victoire » aux yeux des associations. Cette loi résulte d’un compromis entre différentes conceptions de ce que peuvent et doivent être les droits des personnes trans* en matière de changement d’état civil. Ce compromis découle du fait que le législateur ne conçoit et n’accepte pas la possibilité que le changement d’état civil puisse être révocable (ou que le sexe ne soit plus enregistré à l’état civil) et qu’il craint des « changements de l’enregistrement du sexe irréfléchis », tant pour les adultes que les personnes mineures. Or, si ces changements sont révocables (ou si le sexe des personnes ne constitue plus une donnée enregistrée à l’état civil), il n’y a pas lieu de craindre qu’une personne prenne une décision irréfléchie, puisque cette personne peut à tout moment modifier cette mention officielle en fonction du genre auquel elle se sent appartenir (et cette même crainte n’aurait pas lieu d’être si le genre ne constituait plus une donnée administrative à enregistrer). Surtout, en ne donnant la possibilité d’être enregistré·e à l’état civil qu’en tant qu’« homme » ou « femme », la loi du 25 juin 2017 exclut de facto les personnes non binaires ou au genre fluide.

83En janvier 2018, les associations GPs, RainbowHouse Brussels et çavaria introduisent conjointement un recours en annulation partielle devant la Cour constitutionnelle. Les trois associations souhaitent que la Cour annule l’irrévocabilité du changement d’état civil et exige la mise en place d’alternatives pour l’enregistrement du genre (en plus des mentions « homme » et « femme »). Ces demandes sont entendues par la Cour constitutionnelle dans son arrêt 99/2019 du 19 juin 2019  [104]. D’une part, la Cour déclare : « Il n’est pas raisonnablement justifié que, contrairement aux personnes dont l’identité de genre est binaire et non fluide, les personnes dont l’identité de genre est fluide soient obligées d’accepter un enregistrement qui ne correspond pas à leur identité de genre et soient soumises à une procédure exceptionnelle devant le tribunal de la famille si elles souhaitent modifier plus d’une fois l’enregistrement du sexe dans leur acte de naissance »  [105]. Au sujet de l’impossibilité d’être enregistré·e à l’état civil autrement qu’en tant qu’« homme » ou « femme », la Cour constitutionnelle indique : « Il n’est pas raisonnablement justifié que, contrairement aux personnes dont l’identité de genre est binaire, les personnes dont l’identité de genre est non binaire soient tenues d’accepter dans leur acte de naissance un enregistrement qui ne correspond pas à leur identité de genre. Par conséquent, en limitant à un choix binaire la modification de l’enregistrement du sexe dans l’acte de naissance, la loi attaquée présente une lacune, laquelle viole le principe d’égalité, lu en combinaison avec le droit à l’autodétermination »  [106]. Suite à cet arrêt, le législateur doit adapter la loi trans* afin de rendre le changement d’état civil révocable et de supprimer l’alternative binaire relative à l’enregistrement de la mention du genre.

Conclusion

84En 2017, une nouvelle loi relative aux droits des personnes trans* est adoptée par la Chambre des représentants. Datée du 25 juin 2017, cette loi trans* transforme en profondeur la loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité, dont elle abolit deux dispositions centrales : la psychiatrisation et la stérilisation des personnes trans*. L’adoption de cette loi surprend au regard de l’histoire politique récente de la Belgique. En effet, les principales avancées éthiques des vingt dernières années ont été adoptées sous des gouvernements laïques avec une présence importante des partis de gauche. Or cette loi, votée à une large majorité à la Chambre, a été élaborée par un gouvernement de centre-droit, comprenant les chrétiens-démocrates et les nationalistes flamands (gouvernement fédéral Michel I, N-VA/MR/CD&V/Open VLD). Ce Courrier hebdomadaire tente d’expliquer l’adoption a priori inattendue de ce texte. En regard de la littérature sur le sujet, il explore trois pistes : l’influence des développements internationaux, les mobilisations de la société civile et le processus politique. L’analyse révèle le rôle central de ces trois éléments qui, ensemble, constituent les roues de l’engrenage politique ayant conduit à l’adoption de la loi trans*.

85Pour commencer, cette loi n’aurait pas pu être adoptée sans les campagnes menées par divers acteurs de la société civile. Dès 2009, ceux-ci ont réclamé une législation dépathologisée, qui supprimerait les conditions de stérilisation et de psychiatrisation relatives à l’octroi du changement d’état civil prévues par la loi du 10 mai 2007. Les principaux acteurs sont l’association francophone GPs et la fédération flamande çavaria, qui ont revendiqué cette dépathologisation en s’appuyant sur le cadre juridique des droits humains et en demandant le respect du principe d’autodétermination selon lequel toute personne doit pouvoir voir son genre reconnu à l’état civil sans intervention médicale préalable. GPs a été accompagné par l’ELC, tandis que çavaria a collaboré avec J. Motmans et P. Cannoot. Même si elles ont été amenées à collaborer dans le cadre de cette campagne, ces deux organisations ont en partie mené des mobilisations séparées. Si GPs est parvenue à convaincre rapidement la gauche francophone (telle que le PS et Écolo), alors dans l’opposition, ses revendications nombreuses et son orientation plus radicale ont été mal reçues par les cabinets ministériels fédéraux en charge du dossier. Il semble donc que c’est le lobbying de çavaria qui a fait pencher la balance au niveau politique au sein d’un gouvernement composé majoritairement de partis flamands.

86À ce niveau, cette étude révèle une nouvelle fois le rôle central des réseaux informels dans les dossiers éthiques en Belgique. Dans le cas présent, une figure émerge comme ayant été le principal interlocuteur des cabinets du ministre de la Justice, K. Geens, et de la secrétaire à l’Égalité de chances, E. Sleurs puis Z. Demir, ainsi que des partis de droite : le coordinateur de çavaria, Y. Aerts. C’est lui qui, en 2009, alors que le gouvernement Leterme II était à la tête de la Belgique, est entré en contact avec la ministre fédérale de l’Égalité des chances, J. Milquet. Tout au long du processus politique et au fil des gouvernements qui se sont succédé, il a entretenu des contacts étroits avec les cabinets ministériels et avec un nombre important de partis politiques, qui ont souvent reposé sur des liens antérieurs à la revendication de modification de la législation trans*.

87Enfin, l’adoption de la loi du 25 juin 2017 ne peut se comprendre sans une transformation radicale des débats internationaux, qui a placé la législation belge de 2007 dans une position de retard. Dès 2009, le Conseil de l’Europe a émis des recommandations visant à encourager les États à dépathologiser leur législation trans*. Plusieurs acteurs sociaux ont aussi eu recours aux Principes de Yogyakarta, qui donnent un cadre juridique des droits humains LGBT. Même si ce document n’est pas contraignant, son invocation s’est avérée efficace parce qu’un certain nombre d’acteurs politiques ont considéré que l’État belge doit être précurseur en matière de droits des personnes LGBT. Enfin, douze pays ont adopté une législation trans* (partiellement) dépathologisée avant la Belgique, renforçant l’impression d’un retard de la Belgique en la matière. Les cabinets ministériels en charge de l’élaboration du projet de loi trans* se sont d’ailleurs inspirés de ces législations étrangères.

88La combinaison de ces trois éléments permet d’expliquer l’adoption a priori surprenante de la loi du 25 juin 2017. Toutefois, si celle-ci constitue un progrès considérable pour les droits des personnes trans*, les associations la considèrent comme une « demi-victoire ». Aujourd’hui, GPs et çavaria militent pour que les personnes mineures trans* puissent voir la mention de leur genre reconnue à l’état civil sans devoir consulter préalablement un pédopsychiatre. En outre, ces deux organisations veillent à ce que, comme l’a exigé – à leur demande – la Cour constitutionnelle dans son arrêt du 19 juin 2019, le législateur rende le changement d’état civil révocable et supprime l’alternative binaire relative à l’enregistrement de la mention du genre, afin de reconnaître l’identité de genre des personnes non binaires ou au genre fluide. Une des options renvoie à la création d’une mention de genre « X », comme l’administration belge le prévoit depuis 2015 dans ses annonces pour des postes vacants. Si GPs et çavaria prennent note de ce changement, elles soulignent que ce « X » peut présenter à long terme un effet stigmatisant à l’égard des personnes trans*.

89Le 30 septembre 2020, le rapport des formateurs Magnette et De Croo indique (avec un vocabulaire pour le moins surprenant dans sa version française  [107]) : « En Belgique, toute personne décide elle-même de son identité sexuelle. La législation (relative à l’enregistrement du sexe) sera adaptée pour être en phase avec la décision de la Cour constitutionnelle. Les autres implications de cette décision seront étudiées »  [108]. Au début du mois de novembre 2020, cette volonté est confirmée par le ministre de la Justice du gouvernement De Croo (PS/MR/Écolo/CD&V/Open VLD/SP.A/Groen), Vincent Van Quickenborne (Open VLD), lors de la présentation de sa note de politique générale : « La législation sur l’enregistrement du sexe sera modifiée pour être conforme à la jurisprudence de la Cour constitutionnelle »  [109]. Des propositions de résolution sont aussi déposées au Parlement, certaines reproduisant assez fidèlement les demandes des associations  [110]. La question des droits trans* et la révision de la loi du 25 juin 2017 figurent donc d’ores et déjà à l’agenda politique de cette législature.

Loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité (Moniteur belge, 11 mai 2007)

90Chapitre Ier. - Disposition générale

91Article 1. La présente loi règle une matière visée à l’article 78 de la Constitution.

92Chapitre II. - Modifications du Code civil

93Article 2. Dans le livre Ier, titre II, chapitre II, du Code civil, il est inséré un article 62bis, libellé comme suit :

94« Article 62bis. § 1er. Tout Belge ou tout étranger inscrit aux registres de la population qui a la conviction intime, constante et irréversible d’appartenir au sexe opposé à celui qui est indiqué dans l’acte de naissance et dont le corps a été adapté à ce sexe opposé dans toute la mesure de ce qui est possible et justifié du point de vue médical, peut déclarer cette conviction à l’officier de l’état civil.

95  Le mineur transsexuel non émancipé qui fait une déclaration de sa conviction est assisté de sa mère, de son père ou de son représentant légal.

96  La déclaration est faite à l’officier de l’état civil de la commune dans laquelle il est inscrit aux registres de la population.

97  Le Belge qui n’est pas inscrit aux registres de la population fait la déclaration à l’officier de l’état civil de son lieu de naissance. S’il n’est pas né en Belgique, il fait la déclaration à l’officier de l’état civil de Bruxelles.

98  Lors de la déclaration, le Belge qui n’est pas inscrit aux registres de la population informe l’officier de l’état civil de l’adresse à laquelle un refus d’établir l’acte portant mention du nouveau sexe peut être communiqué.

99  § 2. Lors de la déclaration, l’intéressé remet à l’officier de l’état civil une déclaration du psychiatre et du chirurgien, en qualité de médecins traitants, attestant :

  •   1° que l’intéressé a la conviction intime, constante et irréversible d’appartenir au sexe opposé à celui qui est indiqué dans l’acte de naissance ;
  •   2° que l’intéressé a subi une réassignation sexuelle qui le fait correspondre au sexe opposé, auquel il a la conviction d’appartenir, dans toute la mesure de ce qui est possible et justifié du point de vue médical ;
  •   3° que l’intéressé n’est plus en mesure de concevoir des enfants conformément à son sexe précédent.
  •   § 3. Le cas échéant, l’officier de l’état civil peut demander une traduction certifiée conforme de la déclaration des médecins traitants.
  •   § 4. À la suite de cette déclaration, l’officier de l’état civil établit un acte portant mention du nouveau sexe.

101  L’acte portant mention du nouveau sexe produit ses effets à compter de son inscription au registre des actes de naissance.

102  Cette inscription a lieu lorsque l’officier de l’état civil constate qu’aucun recours n’a été introduit contre l’acte portant mention du nouveau sexe et au plus tôt 30 jours après l’expiration du délai de recours.

103  L’officier de l’état civil qui établit l’acte portant mention du nouveau sexe en informe, dans les trois jours, le procureur du Roi près le tribunal de première instance.

104  § 5. L’officier de l’état civil mentionne le nouveau sexe en marge de l’acte de naissance concernant l’intéressé ou notifie l’acte portant mention du nouveau sexe à l’officier de l’état civil compétent.

105  § 6. L’officier de l’état civil qui refuse d’établir un acte portant mention du nouveau sexe porte sans délai sa décision motivée à la connaissance de la partie intéressée. Simultanément, une copie de ce document ainsi que de tous les documents utiles est transmise au procureur du Roi de l’arrondissement judiciaire dans lequel le refus a été exprimé.

106  § 7. Le refus de l’officier de l’état civil est susceptible de recours.

107  La procédure de recours a pour effet que, dans l’attente de la décision judiciaire, l’officier de l’état civil n’inscrit pas dans les registres l’acte portant mention du nouveau sexe.

108  § 8. L’acte portant mention du nouveau sexe ne modifie en rien les liens de filiation existants, ni les droits, pouvoirs et obligations qui en découlent. Toutes les actions concernant ces liens de filiation et les droits, pouvoirs et obligations qui en découlent peuvent encore être intentées après l’établissement de l’acte portant mention du nouveau sexe.

109  Les dispositions du livre Ier, titre VII, chapitre II du Code civil ne s’appliquent pas à la personne de sexe masculin qui a fait une déclaration conformément à l’article 62bis et pour laquelle un acte portant mention du nouveau sexe a été établi. ».

110Article 3. Dans le livre Ier, titre II, chapitre Il, du même Code, il est inséré un article 62ter, libellé comme suit :

111  « Article 62ter. L’acte portant mention du nouveau sexe indique :

  •   1° les nom, prénoms, lieu et date de naissance ainsi que le nouveau sexe ;
  •   2° le nouveau lien de filiation avec la mère et le père, si la filiation paternelle est établie. ».

113Chapitre III. - Modifications du Code judiciaire

114Article 4. II est inséré, dans la partie IV, livre IV, du Code judiciaire, un chapitre XXV, comprenant les articles 1385duodecies à 1385quaterdecies, rédigé comme suit :

115  « Chapitre XXV. - Des recours relatifs au changement de sexe d’une personne. ».

116Article 5. Un article 1385duodecies, rédigé comme suit, est inséré dans le même Code :

117  « Article 1385duodecies. § 1er. Toute personne qui a un intérêt et le procureur du Roi peuvent introduire, par une requête adressée au tribunal de première instance, un recours contre la décision de l’officier de l’état civil prise conformément à l’article 62bis du Code civil.

118  Le recours doit être introduit dans les soixante jours à compter du jour de l’établissement de l’acte portant mention du nouveau sexe ou du jour de la notification par l’officier de l’état civil du refus d’établir cet acte.

119  Le greffier informe sans délai l’officier de l’état civil de la procédure de recours.

120  § 2. La requête est signée par le requérant ou son avocat. ».

121Article 6. Un article 1385terdecies, rédigé comme suit, est inséré dans le même Code :

122  « Article 1385terdecies. Le président de la chambre à laquelle l’affaire a été distribuée ordonne la communication de la requête au ministère public et commet un juge pour faire rapport à un jour indiqué.

123  Le requérant est invité par le greffier, par pli judiciaire, à comparaître à cette audience pour y être entendu en ses explications. ».

124Article 7. Un article 1385quaterdecies, rédigé comme suit, est inséré dans le même Code :

125  « Article 1385quaterdecies. § 1er. Tout exploit de signification d’un jugement ou arrêt relatif à un changement de sexe d’une personne est immédiatement communiqué, en copie, au greffier.

126  § 2. Dans le mois de l’expiration du délai d’appel ou de pourvoi en cassation ou, le cas échéant, après le prononcé de l’arrêt rejetant le pourvoi, le greffier envoie par pli judiciaire un extrait reprenant le dispositif du jugement ou de l’arrêt, à l’officier de l’état civil du lieu de la déclaration.

127  Le greffier en avertit les parties.

128  § 3. Si le dispositif du jugement ou de l’arrêt constate le nouveau sexe, l’officier de l’état civil inscrit sans délai l’acte existant portant mention du nouveau sexe et transcrit le dispositif du jugement ou de l’arrêt sur ses registres. II est fait mention du dispositif en marge de l’acte portant mention du nouveau sexe.

129  Si aucun acte portant mention du nouveau sexe n’a encore été établi, l’officier de l’état civil transcrit le dispositif du jugement ou de l’arrêt sur ses registres.

130  § 4. Après la transcription, l’officier de l’état civil en informe sans délai le procureur du Roi près le tribunal qui s’est prononcé sur la demande.

131  § 5. Le jugement ou arrêt relatif à un changement de sexe d’une personne produit ses effets à partir du jour de la transcription.

132  § 6. L’officier de l’état civil mentionne le nouveau sexe en marge de l’acte de naissance concernant l’intéressé ou notifie le nouveau sexe à l’officier de l’état civil compétent soit par le biais de l’acte portant mention du nouveau sexe soit par le biais de l’acte de transcription constatant le nouveau sexe. ».

133Chapitre IV . - Modification du Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe

134Article 8. À l’article 249 du Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe, modifié par la loi du 5 juillet 1998 et par la loi du 7 décembre 2006, sont apportées les modifications suivantes :

  •   1) au § 1er, l’alinéa suivant est inséré entre les alinéas 1er et 2 :
      « Le droit est fixé à 49 euros pour les autorisations de changement de prénoms accordées aux personnes visées à l’article 2, alinéa 3, de la loi du 15 mai 1987 relative aux noms et prénoms » ;
  •   2) le mot « ou » est supprimé au § 1er, alinéa 2, 2° ;
  •   3) le § 1er, alinéa 2, 3°, est complété par le mot « ou ».

136Chapitre V. - Modifications de la loi du 15 mai 1987 relative aux noms et prénoms

137Article 9. L’article 2 de la loi du 15 mai 1987 relative aux noms et prénoms est complété par l’alinéa suivant :

138  « Les personnes qui ont la conviction intime, constante et irréversible d’appartenir au sexe opposé à celui qui est indiqué sur leur acte de naissance et qui ont adopté le rôle sexuel correspondant joignent à leur demande une déclaration du psychiatre et de l’endocrinologue, qui atteste :

  •   1° que l’intéressé a la conviction intime, constante et irréversible d’appartenir au sexe opposé à celui qui est indiqué dans l’acte de naissance ;
  •   2° que l’intéressé suit ou a suivi un traitement hormonal de substitution visant à induire les caractéristiques sexuelles physiques du sexe auquel l’intéressé a la conviction d’appartenir ;
  •   3° que le changement de prénoms constitue une donnée essentielle lors du changement de rôle. ».

140Article 10. Dans l’article 3 de la même loi, l’alinéa suivant est inséré entre les alinéas 1er et 2 :

141  « Le ministre de la Justice autorise le changement de prénoms aux personnes visées à l’article 2, alinéa 2, sauf si les prénoms sollicités sont de nature à prêter à confusion ou peuvent nuire au requérant ou à des tiers. ».

142Chapitre VI. - Modifications de la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé

143Article 11. Dans le chapitre II de la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé, il est inséré une section 1rebis, comprenant les articles 35bis et 35ter, rédigée comme suit :

144  « Section 1rebis. Réassignation sexuelle. ».

145Article 12. Un article 35bis, rédigé comme suit, est inséré dans le même Code :

146  « Article 35bis. Compétence internationale en matière de réassignation sexuelle.

147  Une déclaration de réassignation sexuelle peut être établie en Belgique si le déclarant est belge ou est inscrit à titre principal en Belgique dans les registres de la population ou les registres des étrangers. ».

148Article 13. Un article 35ter, rédigé comme suit, est inséré dans le même Code :

149  « Article 35ter. Droit applicable en matière de réassignation sexuelle.

150  La réassignation sexuelle est régie par le droit visé à l’article 34, § 1er, alinéa 1er.

151  Les dispositions du droit applicable en vertu de l’alinéa 1er qui interdisent la réassignation sexuelle ne sont pas appliquées. ».

152Chapitre VII. - Disposition transitoire

153Article 14. Tout Belge ou tout étranger inscrit aux registres de la population qui a subi une réassignation sexuelle avant l’entrée en vigueur de la présente loi, peut, conformément à l’article 62bis du Code civil, en faire la déclaration auprès de l’officier de l’état civil, même s’il a déjà introduit, auprès du tribunal compétent, une demande de changement de sexe ou une demande de rectification des actes de l’état civil.

154Chapitre VIII. - Entrée en vigueur

155Article 15. La présente loi entre en vigueur le premier jour du deuxième mois qui suit celui au cours duquel elle aura été publiée au Moniteur belge.

Loi du 25 juin 2017 réformant des régimes relatifs aux personnes transgenres en ce qui concerne la mention d’une modification de l’enregistrement du sexe dans les actes de l’état civil et ses effets (Moniteur belge, 10 juillet 2017)

156Chapitre Ier. - Disposition introductive

157Article 1er. La présente loi règle une matière visée à l’article 74 de la Constitution.

158Chapitre 2. - Modifications du Code civil

159Article 2. L’article 45 du Code civil, remplacé par la loi du 21 mars 1969 et modifié en dernier lieu par la loi du 12 mai 2014, est complété par un paragraphe 3 rédigé comme suit :

160  « § 3. Par dérogation au paragraphe 1er, la délivrance d’extraits qui mentionnent la modification de l’enregistrement du sexe n’est pas autorisée vis-à-vis des actes modifiés en application de l’article 62bis ou de l’article 1385quaterdecies, § 3 du Code judiciaire.

161  Des copies conformes de ces actes peuvent uniquement être délivrées à la personne que l’acte concerne, à son représentant légal, à ses héritiers, à leur notaire et à leur avocat. Les autorités publiques peuvent en obtenir une copie conforme dans la mesure où il est démontré que cela se justifie par des motifs liés à l’état de la personne. ».

162Article 3. L’article 62bis du même Code, inséré par la loi du 10 mai 2007, est remplacé par ce qui suit :

163  « Article 62bis. § 1er. Tout Belge majeur ou Belge mineur émancipé ou tout étranger inscrit aux registres de la population qui a la conviction que le sexe mentionné dans son acte de naissance ne correspond pas à son identité de genre vécue intimement, peut faire déclaration de cette conviction à l’officier de l’état civil.

164  § 2. La déclaration est faite à l’officier de l’état civil de la commune dans laquelle il est inscrit aux registres de la population.

165  Le Belge qui n’est pas inscrit aux registres de la population fait la déclaration à l’officier de l’état civil de son lieu de naissance. S’il n’est pas né en Belgique, il fait la déclaration à l’officier de l’état civil de Bruxelles.

166  Lors de la déclaration, le Belge qui n’est pas inscrit aux registres de la population informe l’officier de l’état civil de l’adresse à laquelle un refus d’établir l’acte de modification de l’enregistrement du sexe peut lui être communiqué.

167  § 3. Lors de la déclaration, l’intéressé remet à l’officier de l’état civil une déclaration qu’il a signée, indiquant que, depuis un certain temps déjà, il a la conviction que le sexe mentionné dans son acte de naissance ne correspond pas à son identité de genre vécue intimement et qu’il souhaite les conséquences administratives et juridiques d’une modification de l’enregistrement du sexe dans son acte de naissance.

168  L’officier de l’état civil indique à l’intéressé le caractère en principe irrévocable de la modification de l’enregistrement du sexe mentionné dans l’acte de naissance, l’informe sur la suite de la procédure et ses conséquences administratives et juridiques, et met à sa disposition la brochure d’information visée à l’alinéa 5, ainsi que les coordonnées d’organisations destinées aux personnes transgenres.

169  L’officier de l’état civil prend acte de la déclaration et délivre un accusé de réception à l’intéressé.

170  L’officier de l’état civil qui prend acte de la déclaration en informe dans les trois jours le procureur du Roi près le tribunal de première instance. Le procureur du Roi en accuse réception sans délai.

171  Le Roi rédige une brochure d’information.

172  § 4. Le procureur du Roi peut, dans les trois mois à compter de la date de l’accusé de réception, rendre un avis négatif en raison d’une contrariété à l’ordre public.

173  En l’absence d’avis négatif ou en cas d’envoi d’un document attestant qu’aucun avis négatif n’a été émis avant l’écoulement du délai de trois mois, l’avis est réputé favorable.

174  § 5. Au plus tôt trois mois et au plus tard six mois après la délivrance de l’accusé de réception, l’intéressé se présente une seconde fois devant l’officier de l’état civil devant qui la déclaration avait été faite.

175  L’intéressé remet à l’officier de l’état civil une déclaration signée indiquant :

  •   1° qu’il a toujours la conviction que le sexe mentionné dans son acte de naissance ne correspond pas à son identité de genre vécue intimement ;
  •   2° qu’il est conscient des conséquences administratives et juridiques qu’entraîne la modification de l’enregistrement du sexe dans l’acte de naissance ;
  •   3° qu’il est conscient du caractère en principe irrévocable de la modification de l’enregistrement du sexe dans l’acte de naissance.

177  En l’absence d’avis négatif du procureur du Roi, l’officier de l’état civil peut rédiger l’acte de modification de l’enregistrement du sexe et l’inscrire dans les registres de l’état civil.

178  En cas d’avis négatif du procureur du Roi, l’officier de l’état civil refuse d’établir l’acte de modification de l’enregistrement du sexe.

179  § 6. L’officier de l’état civil mentionne la modification de l’enregistrement du sexe en marge des actes de l’état civil qui concernent l’intéressé et ses descendants du premier degré. Si un autre officier de l’état civil doit effectuer une mention marginale, le premier officier de l’état civil notifie l’acte de modification de l’enregistrement du sexe à l’officier de l’état civil compétent.

180  § 7. L’officier de l’état civil qui refuse d’établir un acte de modification de l’enregistrement du sexe notifie sa décision motivée et, le cas échéant, l’avis négatif du procureur du Roi à l’intéressé sans délai.

181  § 8. L’intéressé peut introduire un recours contre le refus de l’officier de l’état civil conformément à l’article 1385duodecies du Code judiciaire.

182  § 9. Le procureur du Roi poursuit la nullité d’une modification de l’enregistrement du sexe dans l’acte de naissance en raison d’une contrariété à l’ordre public.

183  § 10. La modification de l’enregistrement du sexe dans l’acte de naissance est en principe irrévocable.

184  Moyennant la preuve de circonstances exceptionnelles, le tribunal de la famille peut autoriser une nouvelle modification de l’enregistrement du sexe dans l’acte de naissance.

185  Si la preuve visée à l’alinéa 2 est établie, le tribunal de la famille déclare que la modification de l’enregistrement du sexe dans l’acte de naissance cessera de produire ses effets à partir de la transcription du dispositif de la décision de la nouvelle modification de l’enregistrement du sexe dans les registres de l’état civil.

186  À partir de ce moment, la personne concernée retrouve son sexe d’origine enregistré dans son acte de naissance. Les dispositions relatives à l’établissement de la filiation, applicables au sexe d’origine enregistré s’appliquent à nouveau aux enfants nés après la transcription visée à l’alinéa 3.

187  § 11. Le mineur non émancipé doué de discernement peut, à partir de l’âge de seize ans, faire la déclaration prévue par le présent article, en remettant une attestation établie par un pédopsychiatre qui confirme que l’intéressé dispose d’une faculté de discernement suffisante pour avoir la conviction durable que le sexe mentionné dans son acte de naissance ne correspond pas à son identité de genre vécue intimement. Lors de sa déclaration, l’intéressé est assisté par ses parents ou son représentant légal.

188  Si ces personnes refusent d’assister le mineur non émancipé, celui-ci peut demander au tribunal de la famille de l’autoriser à poser cet acte assisté d’un tuteur ad hoc. ».

189[Par son arrêt n° 99/2019 du 19-06-2019 (Moniteur belge, 21 janvier 2020), la Cour constitutionnelle a annulé le présent article.]

190Article 4. Dans le même Code, il est inséré un article 62bis/1 rédigé comme suit :

191  « Article 62bis/1. § 1er. L’acte de modification de l’enregistrement du sexe ne modifie ni les liens de filiation à l’égard d’enfants déjà nés, ni les droits, pouvoirs et obligations qui en découlent.

192  Toutes les actions concernant ces liens de filiation et celles relatives aux droits, pouvoirs et obligations qui en découlent peuvent encore être intentées après l’établissement de l’acte de modification de l’enregistrement du sexe.

193  § 2. Si l’intéressé donne naissance à un enfant après la modification de l’enregistrement du sexe féminin en sexe masculin dans l’acte de naissance, le livre I, titre VII, chapitre 1, est d’application par analogie, ainsi que les chapitres 3, 4 et 5.

194  Si, l’intéressé conçoit un enfant ou a consenti à la conception de l’enfant conformément à la loi du 6 juillet 2007 relative à la procréation médicalement assistée et à la destination des embryons surnuméraires et des gamètes, et que l’enfant est né après la modification de l’enregistrement du sexe masculin en sexe féminin sur l’acte de naissance, le livre I, titre VII, chapitre 2, est d’application par analogie, ainsi que les chapitres 3, 4 et 5.

195  La personne dont la filiation est établie conformément aux dispositions de l’alinéa 2 est mentionnée comme coparente sur l’acte de naissance.

196  Dans tous les autres cas, l’application du livre I, titre VII, du Code civil est fondée sur le nouveau sexe. ».

197Article 5. L’article 62ter du même Code, inséré par la loi du 10 mai 2007 et modifié par la loi du 5 mai 2014, est remplacé par ce qui suit :

198  « Article 62ter. L’acte de modification de l’enregistrement du sexe mentionne les nom, prénoms, lieu et date de naissance ainsi que le nouveau sexe de l’intéressé. ».

199Article 6. L’article 329, alinéa 2, du même Code, remplacé par la loi du 5 mai 2014, est complété par la phrase suivante :

200  « Cette disposition n’est pas non plus d’application dans le cas d’une reconnaissance de paternité d’un enfant qui a été reconnu par la mère conformément à l’article 62bis/1, § 2, alinéa 1er. ».

201Chapitre III. - Modifications du Code judiciaire

202Article 7. Dans l’article 628, 24°, du Code judiciaire, inséré par la loi du 9 mai 2007, les mots « portant mention du nouveau sexe » sont remplacés par les mots « de modification de l’enregistrement du sexe ».

203Article 8. À l’article 764 du même Code, remplacé par la loi du 3 août 1992 et modifié en dernier lieu par la loi du 29 février 2016, les modifications suivantes sont apportées :

204  a) dans l’alinéa 1er, le 12° tel qu’inséré par la loi du 9 mai 2007, est abrogé ;

205  b) l’alinéa 1er est complété par le 17°, rédigé comme suit :

206  « 17° les demandes relatives à la modification de l’enregistrement du sexe d’une personne dans son acte de naissance ; ».

207Article 9. L’article 1385duodecies du même Code, inséré par la loi du 10 mai 2007 et modifié par la loi du 30 juillet 2013, est remplacé par ce qui suit :

208  « Art. 1385duodecies. § 1er. La personne qui fait une déclaration conformément à l’article 62bis, § 1er, du Code civil peut introduire, par une requête adressée au tribunal de la famille, un recours contre un refus de l’officier de l’état civil.

209  § 2. Le recours doit être introduit dans les soixante jours à compter du jour de la notification par l’officier de l’état civil du refus d’établir cet acte.

210  Le greffier informe l’officier de l’état civil sans délai de la procédure de recours.

211  § 3. La requête est signée par le requérant ou son avocat. ».

212Article 10. À l’article 1385quaterdecies du même Code, inséré par la loi du 10 mai 2007, les modifications suivantes sont apportées :

213  1° le paragraphe 3 est remplacé par ce qui suit :

214  « § 3. Si le dispositif du jugement ou de l’arrêt constate la modification de l’enregistrement du sexe, l’officier de l’état civil établit sans délai l’acte de modification de l’enregistrement du sexe. Il transcrit le dispositif du jugement ou de l’arrêt sur ses registres et fait mention du dispositif en marge de l’acte de modification de l’enregistrement du sexe.

215  L’officier de l’état civil mentionne la modification de l’enregistrement du sexe en marge des actes de l’état civil qui concernent l’intéressé et ses descendants du premier degré. Si un autre officier de l’état civil doit effectuer une mention marginale, le premier officier de l’état civil notifie pour ce faire l’acte de modification de l’enregistrement du sexe à l’officier de l’état civil compétent. » ;

216  2° dans le paragraphe 6, les mots « portant mention du nouveau sexe » sont remplacés par les mots « de modification de l’enregistrement du sexe ».

217Chapitre IV. - Modifications de la loi du 15 mai 1987 relative aux noms et prénoms

218Article 11. Dans l’article 2 de la loi du 15 mai 1987 relative aux nom[s] et prénoms, l’alinéa 3, inséré par la loi du 10 mai 2007, est remplacé par ce qui suit :

219  « Toute personne qui a la conviction que le sexe mentionné dans son acte de naissance ne correspond pas à son identité de genre vécue intimement joint à sa requête une déclaration sur l’honneur à ce propos. Le prénom choisi doit être conforme à cette conviction. Sans préjudice de l’alinéa 6, un changement de prénom ne peut être demandé qu’une seule fois pour ce motif sauf lorsque le changement de prénom est autorisé par le tribunal de la famille après une nouvelle modification de l’enregistrement du sexe.

220  Le mineur non émancipé peut demander le changement de son prénom pour ce motif à partir de l’âge de douze ans, avec l’assistance de ses parents ou de son représentant légal.

221  Si ces personnes refusent d’assister le mineur non émancipé, celui-ci peut saisir le tribunal de la famille afin de l’autoriser à poser cet acte avec l’assistance d’un tuteur ad hoc.

222  Le mineur non émancipé dont le prénom a été changé conformément à l’alinéa 4 peut demander un changement de prénom une deuxième fois pour le même motif, pour autant qu’il ne modifie pas l’enregistrement de son sexe conformément à l’article 62bis du Code civil. ».

223Chapitre V. - Dispositions transitoires

224Article 12. L’article 62bis/1 du Code civil s’applique aux liens de filiation avec les enfants nés après l’entrée en vigueur de la présente loi.

225  Sans préjudice de l’alinéa 1er, l’article 62bis/1 du Code civil s’applique à dater de l’entrée en vigueur de la présente loi aux enfants nés avant l’entrée en vigueur de la présente loi, pour autant qu’aucun lien de filiation n’ait encore été créé entre la personne qui a conçu l’enfant ou qui a consenti à sa conception conformément à la loi du 6 juillet 2007 relative à la procréation médicalement assistée et à la destination des embryons surnuméraires et des gamètes et l’enfant par la voie de l’adoption.

226Article 13. Tout Belge ou tout étranger inscrit aux registres de la population qui a fait une déclaration de modification de l’enregistrement du sexe avant l’entrée en vigueur de la présente loi peut, conformément à l’article 62bis du Code civil, refaire une déclaration à l’officier de l’état civil. Il en va de même si l’intéressé avait essuyé un refus de l’officier de l’état civil ou s’il avait entamé une procédure judiciaire contre ce refus devant le tribunal compétent, ou encore si un tiers a introduit un recours contre le changement de sexe.

227Article 14. Les personnes qui satisfont aux conditions de l’article 62bis ancien du Code civil peuvent demander l’application de cet ancien article au changement de sexe dans l’acte de naissance jusqu’au sixième mois inclus qui suit l’entrée en vigueur de la présente loi.

228Chapitre VI. - Entrée en vigueur

229Article 15. La présente loi entre en vigueur à une date fixée par le Roi et au plus tard le premier jour du sixième mois qui suit celui de sa publication au Moniteur belge.

Notes

  • [1]
    Loi du 25 juin 2017 réformant des régimes relatifs aux personnes transgenres en ce qui concerne la mention d’une modification de l’enregistrement du sexe dans les actes de l’état civil et ses effets, Moniteur belge, 10 juillet 2017.
  • [2]
    Loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité, Moniteur belge, 11 mai 2007.
  • [3]
    Pour plus d’informations sur le cadre d’analyse, cf. D. Paternotte, Revendiquer le “mariage gay”. Belgique, France, Espagne, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2011.
  • [4]
    Yves Aerts, coordinateur de l’association çavaria et membre de Groen ; Piet De Bruyn, député flamand (N-VA) et rapporteur général de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur les droits des personnes LGBTI+ ; Jacinta De Roeck, ancienne sénatrice (Groen), en charge des dossiers « Éthique » au sein de l’Open VLD ; Jean-Jacques Flahaux, ancien député fédéral (MR) ; Zoé Genot, députée régionale bruxelloise et ancienne députée fédérale (Écolo) ; Muriel Gerkens, ancienne députée fédérale (Écolo) ; Benoit Hellings, ancien député fédéral (Écolo) ; Elias Kartout, ancien conseiller du groupe N-VA de la Chambre, en charge des dossiers « Éthique » au sein du parti ; Karine Lalieux, ministre fédérale et ancienne députée fédérale (PS), en charge des dossiers LGBT au sein du parti ; Joël Le Déroff, membre du conseil d’administration de la RainbowHouse Brussels et membre du PS ; Chloé Leroy, coordinatrice de l’Equality Law Clinic (ELC) de l’ULB ; Joz Motmans, coordinateur du Transgender Infopunt (TIP) et professeur à l’UGent ; Max Nisol, membre fondateur de l’association Genres pluriels (GPs) et psychologue en son sein ; Dorothée Perini, collaboratrice du groupe PS de la Chambre en charge des dossiers « Égalité hommes-femmes » ; Maxence Roelstraete, administrateur des Cercles homosexuels estudiantins francophones fédérés (CHEFF) ; Hildegard Van Hove, coordinatrice des statistiques de genre au sein de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes (IEFH) ; Lynn Verrydt, conseillère politique au sein du cabinet de la secrétaire d’État fédérale à l’Égalité des chances (Elke Sleurs, N-VA) ; Tim Wuyts, ancien chef-adjoint du cabinet du ministre fédéral de la Justice (Koen Geens, CD&V) et membre du CD&V.
  • [5]
    D. Paternotte, « Quinze ans de débats sur la reconnaissance légale des couples de même sexe », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1860-1861, 2004, p. 8.
  • [6]
    Chambre des représentants, Note de politique générale. Emploi, n° 2225/25, 25 novembre 2009, p. 133-134 .
  • [7]
    « L’identité de genre est comprise comme faisant référence à l’expérience intime et personnelle de son genre profondément vécue par chacun, qu’elle corresponde ou non au sexe assigné à la naissance, y compris la conscience personnelle du corps (qui peut impliquer, si consentie librement, une modification de l’apparence ou des fonctions corporelles par des moyens médicaux, chirurgicaux ou autres) et d’autres expressions du genre, y compris l’habillement, le discours et les manières de se conduire » (« Les Principes de Jogjakarta », 2007, http://yogyakartaprinciples.org).
  • [8]
    É. Macé, « Ce que les normes de genre font aux corps / ce que les corps trans font aux normes de genre », Sociologie, volume 1, n° 4, 2010, p. 498.
  • [9]
    Conseil de l’Europe, Commissaire aux Droits de l’homme, Déclaration « CIM-11 : des progrès réels, mais insuffisants, vers la dépathologisation des personnes transgenres », www.coe.int, 25 mai 2019.
  • [10]
    Z. Davy, A. Sørlie, A. Suess Schwend, « Democratising diagnoses? The role of the depathologisation perspective in constructing corporeal trans citizenship », Critical Social Policy, volume 38, n° 1, 2017, p. 3.
  • [11]
    J. Defreyne, J. Motmans, E. Wyverkens, Être une personne transgenre en Belgique. Dix ans plus tard, Bruxelles, Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, 2017.
  • [12]
    Ces deux collectifs sont le Genderactiegroep et le Collectif Trans-Action. Cf. Chambre des représentants, Commission de la Justice, Proposition de loi relative à la transsexualité. Rapport, n° 903/6, 30 juin 2006.
  • [13]
    L. Hérault, « Procréer à la manière des femmes, engendrer en tant qu’homme », in L. Hérault (dir.), La parenté transgenre, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2014, p. 81.
  • [14]
    C. Herbrand, « La filiation à l’épreuve de la présomption de “paternité” pour les couples de même sexe : questionnements et perspectives à partir du cas belge », Droit et société, n° 82, 2012, p. 708.
  • [15]
    De cette façon, la loi du 25 juin 2017 introduit une certaine confusion quant à ce qui est enregistré par l’État. En effet, historiquement et dans une vision naturaliste des rapports entre sexe et genre, c’est le sexe qui est enregistré à l’état civil et le genre est supposé correspondre à cette donnée. Or la situation des personnes trans* dévoile la complexité de ces présupposés et la nouvelle loi permet l’enregistrement du genre de ces personnes sans toutefois en tirer toutes les conclusions juridiques. Comme le soulignent Petra Meier et Joz Motmans, « l’État belge se débat avec l’enregistrement du sexe en même temps qu’il reconnaît l’existence de genres multiples et souligne les tensions inhérentes auxquelles les États font face quand ils reconnaissent la diversité de genre tout en s’accrochant aux systèmes d’enregistrement du sexe » (P. Meier, J. Motmans, « Trans laws and constitutional rulings in Belgium: The ambiguous relations between sex and genre », Politics and Governance, volume 8, n° 3, 2020, p. 243). Face à cette situation, nous utilisons tant les termes d’enregistrement du genre que du sexe, en essayant de choisir au cas par cas l’expression qui correspond le mieux à ce qui est décrit.
  • [16]
    Le législateur donne priorité au principe relatif à la filiation maternelle « mater semper certa est », c’est-à-dire le principe selon lequel une personne qui accouche d’un enfant est obligatoirement et automatiquement la mère de celui-ci.
  • [17]
    Pour la terminologie utilisée du côté néerlandophone, cf. « Woordenlijst », www.cavaria.be.
  • [18]
    E. Dorlin, « Sexe, genre et intersexualité : la crise comme régime théorique », Raisons politiques, volume 18, n° 2, 2005, p. 117-137.
  • [19]
    Ibidem.
  • [20]
    Ce Courrier hebdomadaire est issu d’un mémoire de master en sciences politiques : D. Tomsej, « De la stérilisation et la psychiatrisation à l’autodétermination : l’adoption de la nouvelle loi belge relative aux droits des personnes transgenres en matière de changement d’état civil », ULB, 2019. Nous remercions Joël Le Déroff pour ses commentaires précieux.
  • [21]
    Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, « Condition des transsexuels », Recommandation n° 1117, 29 septembre 1989.
  • [22]
    Cour européenne des droits de l’homme, Affaire B. c. France, Requête n° 13343/87, Arrêt, 25 mars 1992.
  • [23]
    Cour européenne des droits de l’homme, Affaire Christine Goodwin c. Royaume-Uni, Requête n° 28957/95, Arrêt, 11 juillet 2002.
  • [24]
    Cour européenne des droits de l’homme, Affaire Van Kück c. Allemagne, Requête n° 35968/97, Arrêt, 12 mars 2003.
  • [25]
    P. Borghs, Les critères médicaux dans la loi relative à la transsexualité. Étude de droit comparé menée pour le compte de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, s.l., 2013, https://igvm-iefh.belgium.be, p. 42.
  • [26]
    Conseil de l’Europe, Commissaire aux Droits de l’homme, Droits de l’homme et identité de genre, Strasbourg, 2009, https://rm.coe.int, p. 43.
  • [27]
    Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, « Discrimination sur la base de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre », Résolution n° 1728, 29 avril 2010 ; Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, « La discrimination à l’encontre des personnes transgenres en Europe », Résolution n° 2048, 22 avril 2015.
  • [28]
    Comité des ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation aux États membres sur des mesures visant à combattre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, CM/Rec(2010)5, 31 mars 2010.
  • [29]
    Cour européenne des droits de l’homme, Affaire Y.Y. c. Turquie, Requête n° 14793/08, Arrêt, 10 mars 2015. Sur cet arrêt, I. Isailovic, « The Y.Y. v. Turkey case and trans individuals’ gender recognition », Strasbourg Observers Blog, https://strasbourgobservers.com, 24 avril 2015.
  • [30]
    Cour européenne des droits de l’homme, Affaire A.P., Garçon et Nicot c. France, Requêtes n° 79885/12, 52471/13 et 52596/13, Arrêt, 6 avril 2017.
  • [31]
    Organisation mondiale de la santé, Eliminating forced, coercive and otherwise involuntary sterilization, Genève, 2014, https://apps.who.int.
  • [32]
    En revanche, la recommandation onusienne a très peu d’influence sur les acteurs politiques belges. Par contre, une organisation comme çavaria profite de la révision périodique universelle de la Belgique réalisée par le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU en 2015-2016 pour souligner les limites de la loi du 10 mai 2007, un avis qui est repris dans les recommandations onusiennes.
  • [33]
    Chambre des représentants, Projet de loi réformant des régimes relatifs aux personnes transgenres en ce qui concerne la mention d’un changement de l’enregistrement du sexe dans les actes de l’état civil et ses effets, n° 2403/1, 4 avril 2017, p. 4.
  • [34]
    K. Kollman, « European Institutions, Transnational Networks and National Same-Sex Unions Policy: When Soft Law Hits Harder », Contemporary politics, volume 15, n° 1, 2009, p. 37-53.
  • [35]
    Ibidem, p. 50.
  • [36]
    K. Kollman, « Same-Sex Unions: The Globalization of An Idea », International Studies Quarterly, volume 51, n° 2, 2007, p. 350.
  • [37]
    Rainbow Europe, « Country Ranking », 2019, https://rainbow-europe.org.
  • [38]
    Chambre des représentants, Note de politique générale. Égalité des chances, n° 1964/23, 29 décembre 2011, p. 31-32.
  • [39]
    K. Kollman, M. Waites, « The global politics of lesbian, gay, bisexual and transgender human rights: an introduction », Contemporary Politics, volume 15, n° 1, 2009, p. 1-17.
  • [40]
    S. Hines, A. C. Santos, « Trans* policy, politics and research: the UK and Portugal », Critical Social Policy, volume 38, n° 1, 2017, p. 35-56.
  • [41]
    Z. Davy, A. Sørlie, A. Suess Schwend, « Democratising diagnoses? », op. cit., p. 27.
  • [42]
    « Les Principes de Jogjakarta », op. cit.
  • [43]
    Sénat, Commission des Relations extérieures et de la Défense, Proposition de résolution relative à la reconnaissance des principes de Yogyakarta sur l’application des droits humains en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre. Texte adopté, n° 1847/3, 27 novembre 2012 ; Sénat, Annales, n° 82, 6 décembre 2012, p. 45-51 et 59.
  • [44]
    Ley establécese el derecho a la identidad de género de las personas (Loi du 9 mai 2012 relative à l’identité de genre des personnes).
  • [45]
    Lov om ændring af lov om Det Centrale Personregister (Loi du 11 juin 2014 modifiant la loi sur l’enregistrement central des personnes).
  • [46]
    Gender Identity, Gender Expression and Sex Characteristics Act 2015 (Loi du 14 avril 2015 sur l’identité de genre, l’expression de genre et les caractéristiques sexuelles).
  • [47]
    Gender Recognition Act 2015 (Loi du 22 juillet 2015 sur la reconnaissance du genre).
  • [48]
    Lov om endring av juridisk kjønn (Loi du 17 juin 2016 sur le changement de genre légal).
  • [49]
    Gender Recognition Act 2004 (Loi du 1er juillet 2004 sur la reconnaissance du genre).
  • [50]
    Ley reguladora de la rectificación registral de la mención relativa al sexo (Loi du 15 mars 2007 relative à la rectification de l’enregistrement officiel du sexe).
  • [51]
    Ley derecho a la identidad de género y al cambio de nombre y sexo en documentos identificatorios (Loi du 25 octobre 2009 relative au droit à l’identité de genre et au changement de prénom et sexe dans les documents d’identité).
  • [52]
    Lei cria o procedimento de mudança de sexo e de nome próprio no registo civil e procede à décima sétima alteração ao Código do Registo Civil (Loi du 15 mars 2011 relative à la procédure de modification de l’enregistrement du sexe et du prénom).
  • [53]
    Lög um réttarstöðu einstaklinga með kynáttunarvanda (Loi du 25 juin 2012 relative au statut légal des personnes présentant un trouble de l’identité de genre).
  • [54]
    Lag om fastställande av könstillhörighet i vissa fall (Loi du 21 avril 1972, telle que modifiée le 14 février 2013, relative à la détermination de l’appartenance sexuelle).
  • [55]
    Wet gemeentelijke basisadministratie persoonsgegevens in verband met het wijzigen van de voorwaarden voor en de bevoegdheid ter zake van wijziging van de vermelding van het geslacht in de akte van geboorte (Loi du 11 septembre 2012 sur le changement des conditions et de l’autorité concernant le changement de la mention du sexe dans le certificat de naissance).
  • [56]
    E. Bribosia, I. Rorive, « L’Equality Law Clinic aux prises avec les droits bafoués des personnes trans* en Belgique », Sextant, n° 35, 2018, p. 23-36.
  • [57]
    Genres pluriels, « Loi relative à l’identité de genre, l’expression de genre et les caractères sexuels », 2016, www.genrespluriels.be.
  • [58]
    À titre d’exemple, la loi maltaise prévoit que, lorsqu’un nouveau-né est intersexué, l’enregistrement de son sexe peut être retardé sans délai jusqu’à ce que son genre/sexe soit déterminé.
  • [59]
    Le premier élément, inspiré de la loi danoise, est le délai de trois à six mois qui doit s’écouler entre le jour où la personne souhaitant changer d’état civil en fait la demande à l’état civil et le jour où ce changement lui est accordé (après confirmation du souhait). Le deuxième élément, inspiré de la loi néerlandaise, a finalement été abandonné à la suite d’amendements parlementaires, et n’est donc pas prévu par la loi trans* : il s’agit de l’attestation de consultation d’une brochure (cf. infra).
  • [60]
    D. Paternotte, « Belgium: The Paradoxical Strength of Disunion », in M. Tremblay, D. Paternotte, C. Johnson (dir.), The Lesbian and Gay Movement and the State: Comparative Insights into a Transformed Relationship, Farnham, Ashgate, 2011, p. 43-56 ; D. Paternotte, « Militer dans une démocratie consociative et pilarisée. Le cas du mouvement gay et lesbien », in J. Faniel, C. Gobin, D. Paternotte (dir.), Se mobiliser en Belgique. Raisons, cadres et mobilisations, Louvain-la-Neuve, Academia L’Harmattan, 2020, p. 161-180. Cf. aussi P. Borghs, B. Eeckhout, « LGB Rights in Belgium, 1999-2007: A Historical Survey of a Velvet Revolution », International Journal of Law, Policy and the Family, volume 24, n° 1, 2010, p. 2-3.
  • [61]
    La Belgian Pride est une manifestation à caractère fédéral organisée annuellement en Région bruxelloise et qui a pour objectif, entre autres, d’émettre des revendications relatives aux droits des personnes LGBTI+.
  • [62]
    Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, Éliminer les discriminations structurelles des personnes transgenres en Belgique, Bruxelles, 2013, https://igvm-iefh.belgium.be.
  • [63]
    Hildegard Van Hove, coordinatrice des statistiques de genre au sein de l’IEFH, a également été invitée à rejoindre le groupe de travail « Droit et législation » de GPs. Elle a toutefois refusé, estimant que le fait de participer aux activités de ce groupe de travail générerait un conflit avec ses activités professionnelles.
  • [64]
    À titre indicatif, la pseudo-proposition de loi élaborée par GPs et l’ELC comporte 154 articles (cf. Genres pluriels, « Loi relative à l’identité de genre, l’expression de genre et les caractères sexuels », op. cit.).
  • [65]
    Moniteur belge, 30 mai 2005.
  • [66]
    L’expression « personnes intersexuées » désigne « l’ensemble des personnes dont le corps de naissance combine des caractéristiques sexuelles dérogeant aux normes médicales délimitant les “mâles” et les “femelles”. Elles sont l’objet ou sont sujettes à des modifications chirurgicales ou hormonales non consenties de leur corps » (J. Bastien-Charlebois, « À qui appartient-il de déterminer les modes d’intervention auprès des personnes intersexuées ? », Nouvelles pratiques sociales, volume 28, n° 1, 2016, p. 67).
  • [67]
    P. Borghs, Holebipioniers: Een geschiedenis van de holebi- en transgenderbeweging in Vlaanderen, Berchem, EPO, 2015.
  • [68]
    Le concept de « mobilisation concurrentielle » renvoie au « processus dans lequel un ensemble d’acteurs privés et publics interagit afin d’imposer leur représentation d’un enjeu, l’interprétation qu’ils en font et pour orienter la direction et les moyens de l’action à entreprendre » (P. Lascoumes, P. Le Galès, Sociologie de l’action publique, Paris, Armand Colin, 2012, p. 72).
  • [69]
    D. Paternotte, « Militer dans une démocratie consociative et pilarisée », op. cit.
  • [70]
    J. Motmans, I. de Biolley, S. Debunne, Être transgenre en Belgique. Un aperçu de la situation sociale et juridique des personnes transgenres, Bruxelles, Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, 2009, https://igvm-iefh.belgium.be, p. 15.
  • [71]
    Ibidem, p. 16.
  • [72]
    Chambre des représentants, Note de politique générale. Emploi, n° 2225/25, 25 novembre 2009, p. 134.
  • [73]
    « Accord de gouvernement fédéral belge », 1er décembre 2011, www.lachambre.be.
  • [74]
    Loi du 22 mai 2014 modifiant la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes en vue de l’étendre à l’identité de genre et l’expression de genre, Moniteur belge, 24 juillet 2014.
  • [75]
    Chambre des représentants, Commission de la Justice, Projet de loi modifiant la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes en vue de l’étendre à l’identité de genre et l’expression de genre. Rapport, n° 3483/3, 1er avril 2014, p. 3.
  • [76]
    « Accord de gouvernement fédéral belge », 9 octobre 2014, www.premier.be.
  • [77]
    E. Sleurs, qui souhaite se présenter aux élections communales du 14 octobre 2018, est remplacée par Zuhal Demir (N-VA) le 24 février 2017, soit trois mois avant l’adoption de la loi trans*.
  • [78]
    D. Paternotte, « Militer dans une démocratie consociative et pilarisée », op. cit.
  • [79]
    D. Paternotte, Revendiquer le “mariage gay”, op. cit., p. 109-113.
  • [80]
    A. Woodward, « Building Velvet Triangles: Gender and Informal Governance », in T. Christiansen, S. Piattoni (dir.), Informal Governance in the European Union, Cheltenham, Edward Elgar, 2004, p. 79.
  • [81]
    D. Paternotte, A. Woodward, « Les métamorphoses du triangle de velours : de l’étude universitaire de la politique de genre européenne à l’élaboration des politiques d’égalité flamandes », in P. Meier, D. Paternotte (dir.), La professionnalisation des luttes pour l’égalité : genre et féminisme, Louvain-la-Neuve, Academia L’Harmattan, 2016, p. 29-45.
  • [82]
    J. Motmans, Op brakke grond. Identiteitenpolitiek als mobilisatiestrategie in de Vlaamse transgenderbeweging, thèse de doctorat, Universiteit Antwerpen, 2010.
  • [83]
    D. Paternotte, Revendiquer le “mariage gay”, op. cit.
  • [84]
    Y. Aerts tente aussi d’influencer d’autres membres de la commission de la Justice. Il assiste d’ailleurs à celle-ci en tant qu’assistant du député Écolo Benoit Hellings (Y. Aerts est membre de Groen) alors que les militants et militantes ne sont pas autorisés à assister aux réunions de commissions parlementaires. Cela lui permet d’assurer une présence durant les débats.
  • [85]
    J. Puar, Terrorist Assemblages: Homonationalism in Queer Times, Durham, Duke University Press, 2007.
  • [86]
    G. Rebucini, « Homonationalisme et impérialisme sexuel : politiques néolibérales de l’hégémonie », Raisons politiques, volume 49, n° 1, 2013, p. 77. Selon le même auteur, l’homonormativité (un concept proposé par Lisa Duggan) désigne le fait que, dans certains pays, « des pans entiers de la culture gay et lesbienne sont passés d’une condition de contestation à une croissante “normalisation”. C’est le cas, notamment, du travail d’une population gay largement blanche, de classe moyenne, avec des capacités de mobilité (dans l’espace et socialement) élevées, centrée de plus en plus sur la seule revendication de droits civiques, et particulièrement sur l’accession au mariage ».
  • [87]
    « Un plan d’action interfédéral LGBTI : pour qui et pour quoi ? », RTBF Info, 19 mai 2018, www.rtbf.be.
  • [88]
    Cf. « Conférences en éducation permanente. Coordination Holebi Bruxelles », http://rainbowhouse.be.
  • [89]
    B. Eeckhout, « Sex and the nation », Politique, n° 89, 2015, p. 26-28.
  • [90]
    Une autre question, liée à l’usurpation d’identité, est également entrée en compte lors de l’élaboration du projet de loi. En effet, les étapes à suivre dans le cadre du changement de l’enregistrement du genre ont aussi été fondées sur la crainte de certains acteurs politiques que des criminels et criminelles (en particulier des terroristes) n’abusent de cette procédure pour échapper à la justice.
  • [91]
    Chambre des représentants, Projet de loi réformant des régimes relatifs aux personnes transgenres en ce qui concerne la mention d’un changement de l’enregistrement du sexe dans les actes de l’état civil et ses effets, n° 2403/1, 4 avril 2017, p. 9.
  • [92]
    Les personnes auditionnées sont les suivantes : Brice Bernaerts et Maxence Roelstraete (Arc-en-Ciel Wallonie), Emmanuelle Bribosia et Isabelle Rorive (ELC), Raïssa Coulibaly et Joël Le Déroff (RainbowHouse Brussels), Karlien Dhondt (Kindergendertem de l’UZ Gent), Max Nisol et Maël Pire (GPs), Michel Pasteel et Hildegard Van Hove (IEFH), et Katrien Van Leirberghe (çavaria). Les prises de parole d’Arc-en-Ciel Wallonie, de çavaria, de l’ELC, de GPs et de la RainbowHouse Brussels, jusque dans le choix des intervenants et intervenantes, ont été pensées par l’ensemble des associations, dans le cadre du groupe de travail les réunissant, afin d’assurer une certaine complémentarité. Ainsi, B. Bernaerts, qui parle officiellement comme personne désignée par Arc-en-Ciel Wallonie, n’a en réalité pas de lien concret avec celle-ci, mais est un juriste issu de l’ELC et co-animateur du groupe de travail de GPs.
  • [93]
    Termes employés par B. Bernaerts (Chambre des représentants, Commission de la Justice, Projet de loi réformant des régimes relatifs aux personnes transgenres en ce qui concerne la mention d’un changement de l’enregistrement du sexe dans les actes de l’état civil et ses effets. Rapport, n° 2403/4, 19 mai 2017, p. 55).
  • [94]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 170, 24 mai 2017 , p. 44.
  • [95]
    Cet élément est inspiré de la loi néerlandaise. « L’objectif [de cette brochure] est que l’intéressé sache ce qu’il va faire et quelles en seront les conséquences. Il doit avoir conscience de l’importance de la décision ainsi que de son caractère en principe irrévocable, des effets juridiques et de la portée sociale du changement de sexe (…). L’intention n’est pas que les organisations transgenres agréées expliquent toutes les conséquences juridiques et administratives d’un changement de l’enregistrement du sexe dans l’acte de naissance mais bien qu’elles parcourent d’un point de vue pratique avec l’intéressé la brochure d’information rédigée par les ministres compétents » (Chambre des représentants, Projet de loi réformant des régimes relatifs aux personnes transgenres en ce qui concerne la mention d’un changement de l’enregistrement du sexe dans les actes de l’état civil et ses effets, n° 2403/1, 4 avril 2017, p. 19).
  • [96]
    Chambre des représentants, Commission de la Justice, Projet de loi réformant des régimes relatifs aux personnes transgenres en ce qui concerne la mention d’un changement de l’enregistrement du sexe dans les actes de l’état civil et ses effets. Rapport, n° 2403/4, 19 mai 2017, p. 39.
  • [97]
    Ibidem, p. 48-49.
  • [98]
    Chambre des représentants, Projet de loi réformant des régimes relatifs aux personnes transgenres en ce qui concerne la mention d’un changement de l’enregistrement du sexe dans les actes de l’état civil et ses effets. Amendements, n° 2403/2, 2 mai 2017 et n° 2403/3, 9 mai 2017.
  • [99]
    Chambre des représentants, Projet de loi réformant des régimes relatifs aux personnes transgenres en ce qui concerne la mention d’un changement de l’enregistrement du sexe dans les actes de l’état civil et ses effets, n° 2403/1, 4 avril 2017, p. 16-17.
  • [100]
    Chambre des représentants, Commission de la Justice, Projet de loi réformant des régimes relatifs aux personnes transgenres en ce qui concerne la mention d’un changement de l’enregistrement du sexe dans les actes de l’état civil et ses effets. Rapport, n° 2403/4, 19 mai 2017.
  • [101]
    Chambre des représentants, Projet de loi réformant des régimes relatifs aux personnes transgenres en ce qui concerne la mention d’un changement de l’enregistrement du sexe dans les actes de l’état civil et ses effets. Amendements déposés en séance plénière, n° 2403/6, 23 mai 2017, p. 2 et n° 2403/7, 24 mai 2017, p. 3.
  • [102]
    Chambre des représentants, Commission de la Justice, Projet de loi réformant des régimes relatifs aux personnes transgenres en ce qui concerne la mention d’un changement de l’enregistrement du sexe dans les actes de l’état civil et ses effets. Rapport, n° 2403/4, 19 mai 2017, p. 47.
  • [103]
    Ibidem, p. 15.
  • [104]
    Pour une analyse approfondie, E. Bribosia, I. Rorive, H. Ouhnaoui, « Rapport au sujet de l’arrêt n° 099-2019 de la Cour constitutionnelle annulant partiellement la loi du 25 juin 2017 réformant des régimes relatifs aux personnes transgenres, et de ses conséquences en droit belge à la lumière du droit comparé », Equality Law Clinic / Université libre de Bruxelles, 2019, https://igvm-iefh.belgium.be.
  • [105]
    Cour constitutionnelle, Arrêt n° 99/2019, 19 juin 2019, p. 39.
  • [106]
    Ibidem, p. 33.
  • [107]
    La version néerlandaise de ce texte utilise l’expression plus appropriée d’identité de genre : « In België beschikt elke persoon zelf over haar/zijn/hun genderidentiteit. Wetgeving (m.b.t. genderregistratie) wordt aangepast om in overeenstemming te zijn met de beslissing van het Grondwettelijk Hof. De verdere implicaties daarvan worden onderzocht » (P. Magnette, A. De Croo, « Verslag van de formateurs », 30 septembre 2020, p. 74).
  • [108]
    P. Magnette, A. De Croo, « Rapport des formateurs. Verslag van de formateurs », 30 septembre 2020, p. 75.
  • [109]
    Chambre des représentants, Note de politique générale. Justice, n° 1580/16, 4 novembre 2020, p. 9.
  • [110]
    Deux textes ont déjà été déposés durant la présente législature fédérale : Chambre des représentants, Proposition de résolution visant à reconnaître le droit à l’intégrité physiques des mineurs intersexes, n° 43/1, 9 juillet 2019 ; Chambre des représentants, Proposition de résolution visant à établir un cadre juridique en vue de garantir la protection des droits fondamentaux des personnes intersexes, n° 974/1, 28 janvier 2020. Le premier a été adopté à l’unanimité le 11 février 2021.
Dimitri Tomsej
David Paternotte
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.

Les personnes transgenres (ou « trans* ») sont les personnes qui ne s’identifient pas au sexe/genre (homme ou femme) qui leur a été assigné à la naissance. En Belgique, les droits de ces personnes ont connu diverses avancées notables en matière de modification de l’enregistrement du sexe dans les actes de l’état civil.

La loi du 10 mai 2007 a mis fin au vide juridique qui prévalait jusqu’alors. Cependant, elle a conditionné le changement d’état civil à une approbation psychiatrique, au recours à une chirurgie génitale stérilisante et au suivi d’un traitement hormonal de substitution. La loi du 25 juin 2017 a aboli ces éléments, sans toutefois satisfaire pleinement les associations de défense des droits des personnes trans*. C’est à leur demande que, deux ans plus tard, la Cour constitutionnelle a estimé que le législateur doit rendre le changement d’état civil révocable et supprimer l’alternative binaire relative à l’enregistrement de la mention du genre.

Ce Courrier hebdomadaire étudie le processus d’adoption de la loi de 2017 et tente notamment de comprendre comment, de manière contre-intuitive, celle-ci a été proposée par un gouvernement fédéral de centre-droit. Pour ce faire, il se penche sur les développements internationaux, les mobilisations de la société civile et l’action des décideurs politiques.

Mis en ligne sur Cairn.info le 06/10/2021
https://doi.org/10.3917/cris.2505.0005
ISBN 9782870752708
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour CRISP © CRISP. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...