CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1Ce Courrier hebdomadaire dresse un état des lieux qualitatif et quantitatif de l’adoption en Communauté française. L’approche est centrée sur les acteurs et sur les dispositifs de l’adoption. En particulier, l’objectif est de déterminer si les candidats adoptants rencontrent plus ou moins de difficultés à voir aboutir leurs démarches selon la catégorie à laquelle ils appartiennent (à savoir les couples de sexes différents, les couples de même sexe et les personnes célibataires) et, le cas échéant, de relever les mécanismes institutionnels ou sociétaux à l’origine des différences constatées. Notamment, il s’agit d’examiner dans quelle mesure la loi du 18 mai 2006 autorisant l’adoption par les couples de même sexe a effectivement contribué à ouvrir l’accès de ces profils conjugaux à la parentalité adoptive. En l’occurrence, l’étude montre que, en dépit des nombreuses réformes juridiques ayant visé à accroître l’accessibilité du processus d’adoption pour les divers profils conjugaux et d’une adaptation en ce sens par les différents acteurs professionnels du secteur, les couples de sexes différents demeurent le profil majoritaire des candidats à l’adoption qui se voient in fine confier un enfant.

2La présente publication expose les résultats d’une recherche originellement conduite par la Structure de recherche interdisciplinaire sur le genre, l’égalité et la sexualité (STRIGES) de la Maison des Sciences humaines (MSH) de l’Université libre de Bruxelles (ULB), suite à une commande de la ministre de l’Égalité des chances du gouvernement de la Communauté française (Isabelle Simonis, PS) et de la Direction de l’Aide à la Jeunesse du Ministère de la Communauté française  [1]. Cette étude s’est appuyée notamment sur des entretiens semi-directifs, menés avec une vingtaine de professionnels du secteur de l’adoption – des assistants sociaux, des psychologues et des responsables de la Direction de l’Adoption de l’Autorité centrale communautaire (ACC, l’instance qui chapeaute ce secteur) et d’organismes d’adoption agréés (OAA) – ainsi qu’avec une dizaine de candidats ou parents adoptants des différents profils conjugaux. Quant à elle, la collecte de données chiffrées relatives à l’adoption a été menée en étroite collaboration avec l’ACC, qui centralise l’ensemble des informations de ce type.

3L’étude est divisée en quatre chapitres. Le premier présente le cadre institutionnel et légal de l’adoption en Communauté française. Le deuxième détaille la procédure d’adoption. Le troisième livre quelques statistiques générales. Enfin, le quatrième permet de disposer d’un bref regard sur la situation prévalant en Communauté flamande.

4Précisons que l’analyse est essentiellement centrée sur l’adoption interne (c’est-à-dire l’adoption d’enfants résidant en Belgique par des adoptants résidant également en Belgique) ; pour sa part, l’adoption internationale est abordée de manière moins approfondie. Par ailleurs, l’adoption intrafamiliale (qui vise à l’adoption d’un enfant connu, à l’intérieur du cercle familial)  [2] n’est pas traitée car, bien qu’elle fasse partie du système global d’adoption et d’aide à la jeunesse, elle constitue une problématique bien spécifique. De même, il convient souligner que la présente étude porte exclusivement sur l’adoption plénière, qui implique un transfert de filiation juridique (au terme de la procédure, l’enfant adopté n’a plus de lien légal avec sa famille d’origine et a le même statut qu’un enfant biologique dans sa famille adoptive) et qui n’est possible que pour les mineurs d’âge. L’autre type d’adoption reconnu par le droit belge, à savoir l’adoption simple, n’est pas étudié ici  [3].

5La situation présentée est celle arrêtée au 31 décembre 2017 pour les aspects qualitatifs et au 31 décembre 2016 pour les aspects quantitatifs.

1. Le cadre institutionnel et légal de l’adoption en Communauté française

6Ce premier chapitre présente brièvement le cadre législatif de l’adoption dans ses différents niveaux – international, national et communautaire –, ainsi que les institutions et organismes afférents.

1.1. Cadre institutionnel belge

7En Belgique, l’adoption de mineurs d’âge est gérée par différentes structures : l’Autorité centrale fédérale (ACF) et trois entités communautaires, à savoir l’Autorité centrale communautaire (ACC) pour la Communauté française, la Vlaamse Centrale Autoriteit voor Adoptie (VCA) pour la Communauté flamande et la Zentrale Behörde der Gemeinschaft für Adoptionen (ZBGA) pour la Communauté germanophone  [4]. Comme l’ensemble de l’aide à la jeunesse, l’adoption est en effet une matière largement communautarisée.

8Les conditions fondamentales requises pour adopter (âge, aptitude, consentement, etc.), les principales règles de procédure et les effets juridiques d’une adoption sont définis au niveau fédéral par la loi. Chaque Communauté réglemente la préparation, l’encadrement de l’adoption et le suivi post-adoptif par ses propres décrets. En outre, interviennent aussi le pouvoir judiciaire (dont les tribunaux de la famille), le Service public fédéral (SPF) Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au développement (en ce compris les postes diplomatiques et consulaires belges à l’étranger), l’Office des étrangers (sis au sein du SPF Intérieur) et les services de l’état civil.

9L’ACF est principalement compétente en matière d’adoption internationale  [5]. Elle intervient dans les démarches administratives de reconnaissance (en droit belge) et d’enregistrement des décisions d’adoption prononcées à l’étranger, c’est-à-dire des adoptions internationales d’enfants par des personnes résidant en Belgique. Le Service de l’Adoption internationale a été désigné pour assurer, au sein du SPF Justice, la mission d’ACF à partir du 1er septembre 2005  [6].

10La gestion de la procédure – préparation des candidats adoptants, prise en charge des enfants et des personnes souhaitant confier leur enfant en adoption, réalisation des enquêtes sociales ordonnées par le tribunal de la famille, conclusion de partenariats avec des pays étrangers – est le fait des trois autorités communautaires (ACC, VCA et ZBGA) et des divers organismes d’adoption agréés (OAA). Pour leur part, les candidats adoptants se dirigent vers telle ou telle autorité communautaire en fonction de leur région de résidence : l’ACC en région de langue française, la VCA en région de langue néerlandaise et la ZBGA en région de langue allemande. Les candidats résidant dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale ont le choix entre l’ACC et la VCA, selon qu’ils souhaitent faire appel aux services de la Communauté française ou à ceux de la Communauté flamande. Les candidats peuvent se tourner vers l’OAA de leur choix, à la condition toutefois que celui-ci soit agréé par la même Communauté que celle qui leur a délivré un certificat de préparation.

11La présente recherche étant centrée sur la Communauté française, c’est de l’ACC et des OAA agréés par cette Communauté dont il est question ci-après.

12Depuis le 1er septembre 2005, la Direction de l’Adoption, sise au sein de la Direction générale de l’Aide à la jeunesse (DGAJ) du Ministère de la Communauté française, est désignée comme ACC pour cette Communauté. Elle est donc compétente pour toutes les procédures d’adoption réalisées en Belgique francophone. Plus précisément, les missions décrétales de l’ACC  [7] sont les suivantes : assurer et diffuser l’information sur l’adoption ; organiser la préparation de toutes les personnes candidates à une adoption ; réaliser les enquêtes sociales que les tribunaux de la famille ordonnent dans le cadre des procédures d’adoption (aptitude des adoptants et adoptabilité des enfants) ; encadrer toutes les procédures d’adoption, tant en Belgique qu’à l’étranger (pour ce faire, l’ACC collabore avec les OAA, auxquels elle délègue une partie de ses compétences en matière d’encadrement  [8]) ; veiller au suivi des enfants adoptés et des adoptants ; assurer le secrétariat du Conseil supérieur de l’adoption (COSA, cf. infra). Par ailleurs, afin de mener à bien ses principales missions, l’ACC encadre, coordonne, contrôle et évalue les OAA ; coopère avec les autres autorités belges compétentes (à savoir l’ACF, les autres autorités centrales communautaires, les tribunaux de la famille, l’Office des étrangers et le SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au développement, en ce compris les ambassades et consulats belges à l’étranger) ; coopère avec les autorités étrangères compétentes en matière d’adoption  [9].

13Le Conseil supérieur de l’adoption (COSA) a été institué par le décret de la Communauté française du 31 mars 2004 relatif à l’adoption  [10]. Il a pour but de formuler des avis  [11], propositions et recommandations dans le domaine de l’adoption, soit à la demande du gouvernement de la Communauté française soit de sa propre initiative. Le COSA est composé de trois délégués de la ou des fédérations représentatives des OAA, de quatre experts dans le domaine de l’adoption, d’un délégué des adoptants, d’un délégué des adoptés, d’un délégué du Conseil communautaire de l’aide à la jeunesse (CCAJ), d’un délégué des conseillers et directeurs de l’aide à la jeunesse et de deux membres du personnel de l’ACC. Toutes ces personnes sont nommées par le gouvernement de la Communauté française pour siéger au COSA durant une période de quatre ans renouvelable. En outre, sont invités aux réunions du COSA avec voix consultative : le ministre ayant l’Aide à la jeunesse dans ses attributions ou son délégué, le délégué général aux Droits de l’enfant ou son délégué, un délégué de l’ACF, un délégué de la VCA, un délégué de la ZBGA, un délégué du SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au développement, et un délégué de l’Union francophone des magistrats de la jeunesse (UFMJ).

14Pour l’adoption interne, il existe essentiellement deux OAA en Communauté française : ONE Adoption (service de l’Office de la naissance et de l’enfance - ONE) et le Service d’adoption Thérèse Wante (asbl sise à Ottignies-Louvain-la-Neuve). S’ajoute un troisième OAA, spécialisé, qui s’occupe des enfants porteurs d’un handicap (désignés par l’expression « enfants à particularités ») : Emmanuel Adoption (asbl sise à Banneux).

15Pour l’adoption internationale, cinq asbl sont actuellement reconnues comme OAA en Communauté française : À la Croisée des Chemins (sise à Genappe, avec des antennes à Bellevaux et à Bruxelles), Amarna (à Bruxelles), Enfants de l’espoir (à Charleroi, avec des antennes à Bruxelles et à Namur), Emmanuel Adoption  [12] (à Banneux) et Sourires d’enfants - Larisa (SDEL, à Liège)  [13]. Les OAA sont autorisés à collaborer avec un certain nombre de pays d’origine  [14], selon un canevas de collaboration entre l’OAA et les autorités locales ou les institutions accueillant des enfants en attente d’adoption (cf. infra).

1.2. Cadre légal international : les conventions

16Trois conventions internationales sont fondatrices en matière d’adoption : la Convention européenne en matière d’adoption des enfants, conclue le 24 avril 1967 au sein du Conseil de l’Europe ; la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), adoptée le 20 novembre 1989 par l’Organisation des Nations unies (ONU) ; la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, adoptée le 29 mai 1993 par la Conférence de La Haye de droit international privé.

17La Convention européenne du 24 avril 1967 vise, par une harmonisation des législations nationales, un meilleur encadrement de l’adoption d’enfants et des principes qui la sous-tendent et, donc, une meilleure protection des enfants. Elle mentionne ainsi comme principes centraux la subsidiarité et le « bien » de l’enfant (sans toutefois placer l’enfant au centre du système adoptif)  [15]. La Belgique n’a jamais signé cette Convention, dont certaines dispositions sont par ailleurs considérées aujourd’hui comme obsolètes et non conformes à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH)  [16]. Cette Convention a été révisée le 27 novembre 2008 par le Conseil de l’Europe : la Belgique a signé cette nouvelle version le 1er décembre 2008 et l’a ratifiée le 7 mai 2015  [17]. La Convention révisée inclut des éléments neufs tels que l’exigence de consentement des deux parents biologiques, la possibilité d’adoption par des couples de sexes différents ou de même sexe non mariés, et la centralité de la notion d’intérêt supérieur de l’enfant.

18La CIDE est entrée en vigueur le 2 septembre 1990 ; la Belgique l’a signée le 26 janvier 1990 et ratifiée le 16 décembre 1991  [18]. Cette convention formule un certain nombre de droits fondamentaux pour les mineurs d’âge. L’adoption y est présentée comme une mesure de protection, répondant aux droits de l’enfant à avoir une famille et à être protégé – deux principes déjà énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH) adoptée le 10 décembre 1948 par l’ONU.

19La Convention de La Haye est entrée en vigueur le 1er mai 1995 ; la Belgique l’a signée le 27 janvier 1999 et ratifiée le 26 mai 2005  [19]. Ce texte constitue aujourd’hui la norme internationale de référence pour la plupart des États acteurs de l’adoption internationale. Fondamentalement, elle vise à lutter contre le trafic d’enfants (phénomène qui demeure une réalité et qui continue de ternir l’image de l’adoption internationale)  [20]. Pour cela, elle poursuit trois objectifs majeurs : garantir le respect de l’« intérêt supérieur » et des droits fondamentaux de l’enfant, établir une coopération entre États en matière d’adoption, assurer la reconnaissance des adoptions dans les États signataires. Pour remplir ces objectifs, la Convention de La Haye prescrit une uniformisation du droit national des États signataires en matière d’adoption internationale. Ainsi, elle énumère une série de conditions préalables à l’adoption, visant à protéger au mieux l’enfant : l’enfant doit avoir fait l’objet d’une évaluation d’adoptabilité (et être autorisé à entrer et à séjourner sur le territoire du pays d’accueil) ; le maintien dans la famille doit être privilégié à l’adoption et l’adoption interne doit être privilégiée à l’adoption internationale (c’est ce que l’on appelle le principe de double subsidiarité) ; les parents biologiques doivent avoir formellement donné leur consentement, de même que l’enfant s’il est en âge de le donner – la Convention ne fixe pas cet âge, laissant ce soin aux États signataires (en Belgique, cet âge est fixé à 12 ans : cf. infra) – ; les parents adoptants doivent avoir fait l’objet d’une procédure évaluant leur aptitude à adopter ; les parents d’origine doivent avoir été conseillés et informés dans leur démarche.

20L’intérêt supérieur de l’enfant, affirmé dans la Convention de La Haye comme l’un des principes fondamentaux de l’adoption, est une notion qui a pu avoir un contenu variable au fil du temps. En effet, savoir « ce qui est mieux pour un enfant » est une question complexe, qui implique des représentations sociales tributaires d’un contexte particulier. Dès lors, cette notion a figuré de diverses manières dans les législations relatives à l’adoption, tout au long de la formalisation de celles-ci dans le courant du XXe siècle. En Belgique, l’affirmation du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant n’a cessé de gagner en importance au fil du temps, culminant avec la loi du 24 avril 2003 (cf. infra), qui inscrit l’adoption comme une mesure de protection de la jeunesse alors que, jusqu’alors, elle avait été perçue exclusivement comme un mode de filiation  [21].

21L’affirmation du principe d’intérêt supérieur de l’enfant dans la Convention de La Haye vise également à lutter contre la libéralisation des pratiques de l’adoption. En effet, un certain nombre de scandales liés au « marché de l’adoption » international (notamment des affaires de trafic d’enfants) avaient été mis au jour. De même, dans le débat de la gestion libérale ou étatique des pratiques d’adoption, le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant sert à légitimer un refus catégorique que l’adoption devienne un marché où des « clients adoptants » pourraient obtenir le « produit de leur choix » s’ils en ont les moyens financiers. À cet égard, en Communauté française, l’ACC indique viser un subventionnement qui soit exclusivement public afin d’éviter tout conflit d’intérêts  [22].

22Un second principe qui est énoncé comme fondamental dans la Convention de La Haye est celui de la double subsidiarité. Il est à noter que ce principe questionne l’état actuel de l’adoption dans le monde : dans certains États, un grand nombre d’enfants qui pourraient être confiés en adoption à l’intérieur du pays sont malgré tout adoptés à l’étranger  [23]. Cependant, ces dernières années ont été celles d’une sensible baisse des adoptions internationales  [24], ce qui s’explique entre autres par une application accrue de la Convention de La Haye. À ce niveau, cette convention a notoirement infléchi les pratiques d’adoption dans le monde.

23Soulignons enfin une autre forme de tension supposée entre les « désirs d’enfant » des candidats adoptants et les « droits de l’enfant ». En effet, la diminution drastique du nombre d’adoptions internationales a rendu l’accès à l’adoption de plus en plus difficile et incertain pour les candidats adoptants. Du point de vue des droits de l’enfant cependant, cette diminution revêt des aspects positifs : elle témoigne de la relative amélioration de la situation socio-économique de certains pays d’origine, de la diminution du nombre d’abandons, de l’évolution sociétale (notamment une baisse de la stigmatisation des mères célibataires) et de la mise en œuvre de la Convention de La Haye  [25].

1.3. Cadre légal national et communautaire

24En Belgique francophone, les différentes réformes du système d’adoption ont suivi une trajectoire d’« humanisation » croissante des pratiques  [26], à savoir une prise en considération progressive du vécu des différentes parties impliquées dans la démarche d’adoption – enfant, parents adoptifs, parents biologiques – et de la préservation de leurs droits.

25Le premier texte législatif à mentionner ici est la loi du 22 mars 1940  [27], qui introduit deux modifications importantes dans les articles du Code civil traitant de la question de l’adoption (articles jusqu’alors restés inchangés depuis le Code Napoléon de 1804) : elle abaisse l’âge minimum des adoptants de 50 ans à 35 ans et permet l’adoption d’enfants mineurs, mais maintient l’obligation pour l’adoptant de ne pas avoir de descendance. Cette loi tranche par l’optique avec laquelle elle aborde la question de l’adoption, à savoir la prééminence de l’intérêt de l’enfant (lui donner une famille) sur celle des adoptants. Les raisons qui ont motivé et permis l’adoption de cette loi sont à trouver notamment dans les séquelles de la Première Guerre mondiale, qui a laissé de nombreux orphelins dans la rue ou dans des familles qui les ont accueillis. Or il n’existait alors aucune structure juridique ou administrative pour donner un statut familial légal à ces enfants.

26La deuxième loi belge relative à l’adoption est promulguée le 10 février 1958  [28]. Elle n’entre toutefois pas dans le cadre de la présente publication, puisqu’elle concerne l’adoption intrafamiliale : en l’occurrence, elle vise principalement à la régularisation du statut des enfants naturels en autorisant l’adoption de l’enfant d’un conjoint même dans le cas où l’adoptant a lui-même déjà des descendants (la condition d’âge passant de 35 ans à 21 ans). Ici, il ne s’agit donc pas d’enfants abandonnés.

27La loi du 8 avril 1965 sur la protection de la jeunesse  [29] ne concerne pas directement l’adoption, mais elle doit être mentionnée ici en tant qu’elle se réfère à la notion d’intérêt supérieur de l’enfant. Elle instaure un système de « protection sociale et judiciaire de la jeunesse en danger », qui, en cas de « déficience du groupe familial » (pouvant se traduire, par exemple, par un délit commis par le mineur), permet à un juge de séparer l’enfant ou l’adolescent de sa famille en vue de le placer dans un environnement considéré comme plus sain. Il est à souligner que, à l’époque, ni le consentement de la famille ni celui de l’enfant ne sont légalement requis : c’est alors au juge qu’il appartient de trancher, selon ce qu’il considère lui-même comme étant le « meilleur intérêt de l’enfant ». Le bien-être subjectif de l’enfant n’a pas voix au chapitre. Le positionnement est donc paternaliste, voire classiste dans la mesure où les enfants concernés sont généralement issus de milieux défavorisés.

28Quatre ans plus tard, la loi du 21 mars 1969  [30] crée la légitimation par adoption, qui assimile complètement l’enfant adopté à l’enfant légitime. Par ailleurs, elle supprime la condition de ne pas avoir de descendants légitimes ou naturels reconnus pour pouvoir adopter et elle affirme l’intégration absolue de l’enfant adopté dans sa famille adoptive. Enfin, elle ajoute une procédure qui permet de pallier le refus abusif de consentir à une adoption de la part des parents d’origine lorsqu’ils ont compromis la santé, la sécurité ou la moralité de l’enfant. Cette loi définit également les premières règles concernant l’adoption internationale. En effet, les années 1960 ont vu s’ouvrir largement l’adoption internationale, principalement avec la Corée, l’Inde et le Viêt Nam.

29En 1987, deux lois changent la politique de l’enfance « assistée » en Belgique : l’une sur l’adoption et l’autre sur l’adoptabilité, visant à sortir des homes les enfants abandonnés qui y grandissent faute notamment d’obtenir le consentement de leurs parents d’origine pour un projet d’adoption  [31]. D’une part, la loi du 27 avril 1987 donne le droit d’adopter à tout « bon citoyen »  [32] ; en outre, elle abaisse l’âge minimum des adoptants de 35 ans à 25 ans  [33]. D’autre part, la loi du 20 mai 1987, qui est complémentaire à la première, déclare que tout enfant abandonné de fait par ses parents d’origine peut, après un an, être déclaré abandonné par le juge du tribunal de la jeunesse (ce délai étant ramené à six mois si l’abandon survient à la naissance)  [34].

30En abaissant l’âge de la majorité civile de 21 ans à 18 ans (à dater du 1er mai 1990), la loi du 19 janvier 1990  [35] a des implications directes en matière d’adoption puisque, en vertu du Code civil, l’adoption plénière n’est permise qu’à l’égard d’une personne qui est mineure d’âge lors du dépôt de la requête en adoption.

31Le décret de la Communauté française du 4 mars 1991  [36] réforme en profondeur le secteur de l’aide à la jeunesse (qui a été communautarisé en 1988). Il instaure les services d’aide volontaire, ce qui modifie fondamentalement la prise en charge de la jeunesse jugée en danger. En effet, avec cette réforme, des services d’aide sociale dispensés par des services de première ligne sont mis en place et les familles en difficulté peuvent y recourir sans que le tribunal de la jeunesse n’intervienne. Le décret promeut par ailleurs la prise en charge des adoptions par des organismes professionnels agréés et contrôlés par la Communauté française via le Service de l’Adoption, ancêtre de l’actuelle ACC  [37]. C’est à partir de cette réforme que l’Aide à la jeunesse « commence à vraiment porter son nom »  [38]. Ce décret a un impact profond sur l’institution de l’adoption en Belgique francophone, notamment parce qu’il introduit l’idée que le bien-être subjectif de l’enfant et le ressenti de la famille d’origine doivent être pris en compte dans le processus de prise en charge de l’enfant.

32La loi du 24 avril 2003 [39] procède à une refonte de l’institution de l’adoption en Belgique, afin d ’harmoniser la législation belge avec les exigences de la Convention de La Haye (cf. supra). En particulier, cette loi crée ou transforme les autorités centrales fédérale et communautaires. Elle instaure une procédure comprenant l’information et la préparation des candidats à l’adoption, ainsi que des critères d’agrément des OAA. Précisant les compétences des Communautés en la matière, elle leur confie d’importantes missions : préparation des candidats adoptants, réalisation des enquêtes sociales, et encadrement de toute demande individuelle d’adoption interne et internationale en collaboration avec les autorités compétentes du pays d’origine des enfants.

33Cette même loi du 24 avril 2003 assouplit les conditions d’état civil à remplir pour pouvoir être candidats adoptants, en ouvrant l’adoption aux couples de sexes différents non mariés (alors que, jusqu’à cette époque, l’adoption était réservée aux couples mariés et aux personnes seules). Par ailleurs, cette loi fixe à 12 ans l’âge à partir duquel un enfant doit consentir à son adoption  [40].

34Dans la lignée du décret du 4 mars 1991, le décret de la Communauté française du 31 mars 2004  [41] se fonde sur le principe de l’adoption comme mesure de protection de l’enfant ; ce changement de statut est un symbole fort, une forme de sacralisation de l’intérêt supérieur de l’enfant dans l’institution  [42]. C’est aussi ce décret qui fixe les modalités de fonctionnement de l’ACC et des OAA, détermine leurs rôles respectifs dans les procédures d’adoption et instaure le COSA  [43].

35La loi du 16 juillet 2004  [44] voit l’adoption du Code de droit international privé, qui codifie l’adoption internationale en ses articles 66 à 72.

36Enfin, la loi du 18 mai 2006 ouvre l’accès à la procédure d’adoption aux couples de même sexe  [45] ; elle s’inscrit en quelque sorte dans le prolongement de l’ouverture opérée trois ans plus tôt en faveur des couples non mariés. Elle consiste simplement en une suppression des mots « de sexes différents » dans le texte de loi.

37Signalons aussi la loi du 11 mars 2018, qui permet, via une réduction d’impôt, de diminuer les frais d’adoption  [46]. Le plafond de cette réduction d’impôt liée aux frais d’adoption s’élève à 5 826 euros (exercice 2018), soit à peu près 20 % du coût maximum d’une adoption internationale. Les députés à l’origine de cette loi ont clairement indiqué que cette disposition « s’inscrit dans une ambition plus large de rendre notre société plus ouverte à l’adoption et dans le souci de mettre parents adoptifs et parents biologiques sur un pied d’égalité »  [47]. À cet égard, précisons par ailleurs que, tout comme les parents biologiques perçoivent une allocation de naissance, les parents adoptants reçoivent une prime d’adoption  [48] (dont le montant est actuellement de 1 122 euros). En outre, comme toute forme de parentalité légalement reconnue, la parentalité adoptive ouvre le droit à des allocations familiales.

1.4. Partenariats internationaux et conventions bilatérales

38La collaboration entre la Communauté française et les pays d’origine donne parfois lieu à des accords de travail administratifs.

1.4.1. Critères d’établissement d’un partenariat international

39L’ACC valide un projet de partenariat sur la base de plusieurs critères, qui renvoient aux critères énoncés dans la Convention de La Haye et à la politique de la Communauté française en matière d’adoption : la transparence des procédures d’adoption dans le pays d’origine (accès à l’histoire des enfants confiés en adoption et au parcours suivi par ceux-ci durant la procédure d’adoption, procédure d’évaluation d’adoptabilité, coûts pour les candidats adoptants, etc.) ; le respect du principe selon lequel l’adoption nationale doit être privilégiée à l’adoption internationale ; la pertinence du partenariat en termes de besoins du pays d’origine (compte tenu notamment de ses partenariats existants avec d’autres pays d’accueil). Pour l’établissement des partenariats, il est de plus en plus fréquent que des missions préliminaires soient organisées, durant lesquelles des représentants de l’ACC et des OAA belges se rendent ensemble sur le terrain pour examiner la réalité de l’adoption dans les pays d’origine.

40Les collaborations des OAA à l’étranger ne sont pas subordonnées à la passation d’accords bilatéraux entre la Communauté française et les pays d’origine concernés.

41Lorsque le pays d’origine a ratifié la Convention de La Haye ou a adhéré à celle-ci (ce qui représente aujourd’hui les deux tiers des collaborations de la Communauté française), le partenariat est régi par l’application de cet accord multilatéral ainsi que par le respect du cadre décrétal et réglementaire édicté par la Communauté française  [49]. La Convention de La Haye assigne des obligations à chacune des parties. D’une part, le pays d’origine a des devoirs vis-à-vis des enfants qu’il confie en adoption dans le pays d’accueil : procédure d’adoptabilité, prise en charge des parents biologiques et de l’information de ceux-ci, etc. D’autre part, le pays d’accueil a des devoirs vis-à-vis des candidats adoptants dont il soumet les dossiers au pays d’origine et vis-à-vis de celui-ci : préparation à l’adoption, transparence quant à la situation du couple, etc.

42Lorsque le pays d’origine n’a ni ratifié la Convention de La Haye ni adhéré à celle-ci, l’ACC examine le dispositif légal et institutionnel dans le pays d’origine, afin de déterminer si le partenariat pourra respecter les garanties exigées par la législation de la Communauté française. Si ce n’est pas le cas, l’ACC peut proposer un canevas de collaboration aux autorités compétentes du pays concerné, prévoyant des modalités particulières permettant à la future collaboration de respecter le prescrit légal de la Communauté française. Cela a par exemple été le cas, en 2009, pour deux partenariats : l’un avec la Côte d’Ivoire (pays qui, depuis lors, a ratifié la Convention de La Haye, rendant l’accord bilatéral obsolète) et l’autre avec le Niger.

1.4.2. Homoparentalité et adoption internationale

43L’adoption internationale est, à de rares exceptions près, fermée aux candidats adoptants en couple de même sexe. La raison de cette fermeture réside dans le regard négatif qui est porté sur l’homoparentalité – et, plus généralement, sur l’homosexualité – dans la plupart des pays d’origine partenaires. En effet, l’homosexualité y est considérée comme un délit ou, du moins, y fait l’objet d’une intolérance et d’une stigmatisation sociales très fortes. Dans nombre des pays avec lesquels la Belgique travaille, l’adoption par des couples de même sexe est interdite de jure. L’ACC et les OAA n’ont aucune marge de manœuvre à ce niveau, considérant que leur première obligation est de respecter la législation des pays d’origine avec lesquels ils collaborent.

44Par ailleurs, dans le cas d’une adoption internationale, c’est l’autorité centrale ou l’autorité compétente du pays d’origine qui pose le choix des candidats adoptants à qui seront confiés les enfants placés en adoption. Quant à lui, le pays d’accueil est tenu à une obligation de transparence et de loyauté vis-à-vis du pays d’origine dans le choix des candidats adoptants. Inscrite dans la Convention de La Haye, cette règle vise à établir un rapport de confiance entre pays d’origine et pays d’accueil. Elle s’oppose donc à toute manœuvre de dissimulation du statut familial des candidats. En effet, même si le phénomène est difficile à quantifier, il existe des cas de personnes en couple de même sexe qui, pour contourner la fermeture de l’adoption internationale, se font passer pour des candidats célibataires afin de pouvoir adopter un enfant à l’international.

45Une telle situation est complexe, car elle met en lumière une tension importante entre, d’une part, l’idéal de la Communauté française d’inclusion des minorités sexuelles et des nouvelles configurations familiales et, d’autre part, le respect de la souveraineté des autres États. Certains jugent à la fois irréaliste, moralisatrice voire néocoloniale une posture qui chercherait à ouvrir les autres cultures aux nouvelles formes familiales qui émergent dans les pays occidentaux depuis quelques décennies. En outre, l’ampleur d’une telle tâche est immense, car la question de l’ouverture dépasse de loin la question spécifique de l’adoption, en interrogeant des normes familiales qui imprègnent les sociétés dans leur entièreté.

2. La procédure d’adoption

46L’adoption implique des acteurs qui forment, pour reprendre les mots d’une récente brochure de l’ACC, un « quadrilatère adoptif »  [50] : l’enfant, la famille biologique (souvent la mère seule), les candidats adoptants et le tiers social (ACC, psychologues et travailleurs sociaux des OAA, personnel hospitalier). Ce chapitre traite de manière assez détaillée de la procédure d’adoption interne, mais n’aborde que bien plus brièvement l’adoption internationale.

2.1. Adoption interne et adoption internationale : principaux repères

47Pour tous les candidats  [51], le processus débute par l’inscription au cycle de préparation organisé par l’ACC. Au terme de ce cycle, qui comporte une phase d’information et une phase de sensibilisation, les candidats se voient remettre un certificat de préparation  [52].

48S’ils souhaitent se diriger vers l’adoption interne, les candidats adoptants détenteurs de leur certificat de préparation se tournent immédiatement vers un OAA, auprès duquel ils déposent leur candidature par courrier écrit. L’OAA doit communiquer sa décision motivée dans le mois qui suit le dépôt de la demande. Cette décision est prise selon les critères légaux et des critères établis par le COSA (notamment l’écart d’âge maximal entre l’enfant et les candidats à son adoption  [53]), et en fonction du nombre de demandes de recevabilité déjà déposées et du nombre de places disponibles sur la liste d’attente. Si la demande est favorablement reçue, s’amorce l’évaluation psycho-médico-sociale (EPMS) qui, si elle est positive, donne lieu à la signature d’une convention entre l’OAA et les candidats. Ceux-ci accèdent alors à la liste d’attente de l’OAA en vue de recevoir une proposition d’enfant. Ce n’est que par la suite, une fois l’enfant accueilli par les adoptants, qu’intervient le tribunal de la famille pour prononcer le jugement d’adoption.

49Pour les candidats souhaitant se diriger vers une adoption internationale, une requête en obtention d’un jugement d’aptitude doit être déposée auprès du greffe du tribunal de la famille. Le juge ordonne une enquête sociale, qui est réalisée par des travailleurs sociaux de l’ACC et par un psychologue d’un OAA désigné par l’ACC. Si le jugement d’aptitude prononcé est favorable, il est valide pendant quatre ans (éventuellement renouvelable par tranche de deux ans) et permet aux candidats adoptants d’introduire une demande de recevabilité auprès d’un OAA, par écrit, en précisant notamment leur choix de pays. L’OAA évalue alors la recevabilité de la demande, considérant les différents facteurs suivants : conditions d’adoption du ou des pays choisi(s), places disponibles sur sa liste d’attente pour le ou les pays en question, mentions du jugement d’aptitude (possibilité d’adopter un ou plusieurs enfants). Il communique sa décision motivée dans le mois qui suit. Si leur candidature est reçue, les candidats font l’objet d’une EPMS et rejoignent la liste d’attente de l’OAA jusqu’à une proposition d’enfant. L’OAA se charge des relations avec le pays tiers, où l’adoption est généralement prononcée (à l’exception de certains pays, pour lesquels elle l’est par le tribunal de la famille en Belgique).

2.2. Parents d’origine : procédure avec consentement et procédure protectionnelle

50Les enfants confiés en adoption interne peuvent l’être par le biais de deux types de procédure : avec le consentement des parents d’origine ou suite à une décision protectionnelle.

51Dans le premier cas, ce sont les parents biologiques – également appelés parents de naissance – qui décident de leur plein gré de confier leur enfant à l’adoption. Il s’agit souvent d’une femme seule. Celle-ci est accompagnée dans ses réflexions par des psychologues et des travailleurs médico-sociaux d’un OAA, qui l’informent sur ses droits et les implications d’une telle décision et l’aident à clarifier son choix. Après la naissance de l’enfant, deux mois de réflexion sont légalement imposés avant que la mère ne puisse consentir à l’adoption, après quoi la décision est formalisée devant un notaire  [54], le plus souvent par l’intermédiaire de travailleurs de l’OAA mandatés pour ce faire. La mère de naissance dispose ensuite de six mois après le dépôt de la requête en adoption pour éventuellement revenir sur ce consentement (dans les faits, cela ne se produit que très rarement  [55]). La procédure de consentement est explicitée dans l’article 348-8 du Code civil  [56].

52Ce consentement est considéré comme la pierre angulaire du transfert de filiation. Les OAA estiment que le respect du « projet d’adoption » des parents de naissance constitue un élément essentiel à leur travail de suivi. En effet, leur raisonnement est le suivant : le fait de ne pas respecter les souhaits des parents biologiques entraînerait le risque d’un retrait du consentement par ceux-ci et d’une décision de garder l’enfant pour de mauvaises raisons. Cela mettrait le projet d’adoption en péril et irait à l’encontre de l’intérêt supérieur de l’enfant.

53Dans d’autres cas, l’adoption consiste en une mesure protectionnelle d’un enfant en danger. Lorsque, pour une raison ou l’autre, l’enfant se retrouve en grave danger physique et/ou psychologique du fait de rester dans sa famille, le juge de la jeunesse peut décider de son placement institutionnel ou en famille d’accueil. Cependant, dans de tels cas, les services de l’Aide à la jeunesse cherchent autant que possible à maintenir le lien avec la famille d’origine. Dans les cas où une situation d’abandon de fait est constatée, il peut arriver qu’une procédure d’adoption soit engagée en l’absence de consentement des parents. Cependant, il s’agit d’exceptions : le maintien du lien à la famille biologique ainsi que la transparence des procédures vis-à-vis de celle-ci sont toujours privilégiés  [57].

54En adoption internationale, toute cette partie du processus est prise en charge par les autorités compétentes dans le pays d’origine.

2.3. Candidats adoptants : possibles freins sociaux, économiques et culturels dans l’accès à l’adoption

55Si l’adoption est en principe ouverte à tous les types de profils, nos propres observations et les remarques des adoptants rencontrés amènent à constater une diversité socio-économique, socio-culturelle et ethnique relativement faible parmi les candidats : il apparaît que ceux-ci sont très majoritairement blancs et font partie des classes moyennes et favorisées  [58]. Il n’existe toutefois pas de statistiques permettant de vérifier cette perception et, le cas échéant, de quantifier cette faible mixité sociale et économique.

56Pour leur part, les personnes appartenant à des milieux sociaux moins favorisés sont potentiellement freinées par une attitude d’auto-exclusion  [59], liée à de moindres ressources, culturelles notamment. Cette auto-exclusion peut avoir pour cause, en premier lieu, un manque d’aisance administrative et linguistique. Ainsi, les phases d’« information » et de « sensibilisation » du cycle de préparation constituent, plus qu’une simple étape de documentation, la véritable entrée dans le processus d’adoption. En outre, le cycle de préparation est payant (actuellement, le prix est de 178,5 euros).

57Le coût de l’adoption peut constituer un facteur d’exclusion de certains profils. Malgré l’absence de statistiques sur la question, il est permis de supposer une auto-exclusion de certains candidats adoptants pour des raisons financières. Si, en adoption interne, les coûts sont limités (quelque 5 000 euros, en ce compris le cycle de préparation)  [60], avec peu de possibilités de frais imprévus  [61], ils sont nettement plus élevés en adoption internationale (jusqu’à 35 000 euros)  [62]. En effet, celle-ci implique des coûts de base élevés, entre autres des frais de traduction, de procédures diverses, ainsi que des séjours dans le pays d’origine. En outre, les candidats à l’adoption internationale mentionnent parfois, en dépit du souci de transparence des OAA en matière de coûts, des frais qui sont imprévus voire opaques  [63], ou du moins qui sont perçus comme tels (dans nombre de cas, les frais supplémentaires sont en réalité prévus par la loi du pays d’origine ; ils servent à financer le fonctionnement d’orphelinats, qui ne sont pour la plupart pas subventionnés par l’État)  [64]. Par ailleurs, les pays d’origine émettent des exigences quant à la situation financière de la famille d’adoption, touchant à leur patrimoine immobilier  [65], leurs revenus, etc.

58Enfin, la procédure d’adoption requiert une importante disponibilité et une flexibilité horaire : les séances de préparation, l’EPMS, l’accueil de l’enfant, etc. nécessitent de prendre un certain nombre de jours de congé. Certes, ces impératifs relèvent de la même logique que la disponibilité exigée par la parentalité en général. Il n’empêche qu’il est reconnu que les personnes issues de milieux socio-économiques plus favorisés disposent de davantage de solutions, par le type d’emploi occupé et par les moyens financiers  [66].

2.4. Préparation à l’adoption

59La préparation à l’adoption est une étape obligatoire pour tous les candidats à une première adoption (interne ou internationale)  [67]. La seule condition pour pouvoir y participer est d’avoir atteint l’âge légal minimum pour entamer une procédure d’adoption, soit 25 ans. Différentes formes du cycle de préparation sont organisées selon le projet d’adoption : préparation de base (pour une première adoption extrafamiliale, qu’elle soit interne ou internationale), préparation pour une adoption intrafamiliale interne, préparation pour une adoption intraamiliale internationale, préparation pour une adoption d’enfant porteur d’un handicap. La préparation de base constitue, de très loin, la forme la plus fréquente ; c’est de celle-ci dont il est question dans cette section.

60La préparation de base comporte deux parties : l’information (deux séances de 4 heures) et la sensibilisation (trois séances de 4 heures). L’objectif de la phase d’information est de mettre les candidats au fait de certaines réalités de l’adoption (il s’agit, d’après l’ACC, de « désidéaliser » l’adoption aux yeux des candidats adoptants). Quant à elle, la phase de sensibilisation est davantage axée sur la préparation au vécu de l’expérience singulière qu’est l’adoption. Elle est éventuellement suivie par une séance facultative de sensibilisation individuelle. La préparation de base est organisée par l’ACC mais est prise en charge par des animateurs extérieurs, qui reçoivent les candidats adoptants en groupe.

61L’objectif de cette étape est de donner une image réaliste de l’adoption (interne ou internationale) et de ses implications, face à un public diversifié tant dans ses profils que dans ses attentes. Cette étape a connu plusieurs modifications au fil du temps, la principale d’entre elles étant le fait que les OAA n’y participent plus depuis 2014 – désormais, elle est donc exclusivement prise en charge par l’ACC. Auparavant, au terme du volet collectif de la phase de sensibilisation, trois « entretiens individuels de sensibilisation » avaient lieu avec des psychologues d’un OAA ; ces derniers rédigeaient ensuite un avis, qui était classé dans le dossier des candidats pour l’évaluation de l’aptitude à adopter ou l’EPMS. Certains membres des OAA regrettent que cette étape ait été abolie, car elle permettait selon eux un suivi davantage individualisé ainsi qu’une information plus fine sur le projet d’adoption. Pour sa part, l’ACC justifie le changement opéré en invoquant une plus grande justice vis-à-vis des candidats adoptants, permettant une approche neutre pour ceux-ci (alors que, dans la procédure précédente, la préparation aboutissait à un rapport pouvant entacher les dossiers de candidats dont le projet devait encore mûrir). Ainsi, la nouvelle procédure permet d’assurer une plus grande présence de l’ACC – donc du rôle institutionnel – dans le processus et de faire ainsi contrepoids à l’influence des OAA.

62Ces dernières années, se produit une baisse du nombre global d’inscriptions à la préparation de base (cf. Graphique 1)  [68]. Cela découle surtout d’une diminution du nombre d’inscriptions de couples de sexes différents, qui sont passées de 411 à 237 couples inscrits entre 2007 et 2015. En revanche, il y a une augmentation des candidatures de couples de même sexe depuis que la procédure d’adoption a été ouverte à ceux-ci : alors que seulement un couple s’était inscrit à la fin de l’année 2006 (l’ouverture de l’adoption à ce profil de candidats adoptants étant entrée en vigueur en juillet 2006), on en comptabilise 24 pour l’année 2015 et 18 pour les sept premiers mois de l’année 2016. Ces couples de même sexe sont à peu près exclusivement masculins. On peut supposer que les couples de femmes favorisent d’autres moyens d’accès – souvent plus rapides – à la parentalité, comme la procréation médicalement assistée (PMA), qui offre en Belgique une voie alternative à l’adoption extrafamiliale  [69]. Quant à lui, le nombre de candidatures de personnes célibataires est resté relativement stable au fil des années, après un pic en 2007 et 2008 ; il était de 67 (dont 64 femmes) en 2015.

Graphique 1

Nombre d’inscriptions à la préparation de base, par catégorie de candidats adoptants (1er juillet 2006 - 31 juillet 2016)

Graphique 1. Nombre d’inscriptions à la préparation de base, par catégorie de candidats adoptants (1er juillet 2006 - 31 juillet 2016)

Nombre d’inscriptions à la préparation de base, par catégorie de candidats adoptants (1er juillet 2006 - 31 juillet 2016)

* À partir du 1er juillet 2006.
** Jusqu’au 31 juillet 2016.
Source : ACC.

63Cette évolution se traduit notamment par une prise d’importance des candidats en couple de même sexe dans la population des candidats adoptants (cf. Graphique 2). Ils ne représentaient que 0,6 % du total des inscriptions en préparation de base dans la seconde moitié de l’année 2006, contre 7,3 % en 2015. La même année 2015, les couples de sexes différents représentaient 72,3 % du total des inscriptions en préparation de base, et les personnes célibataires 20,4 %.

Graphique 2

Part des différentes catégories de candidats adoptants dans l’inscription à la préparation de base (1er juillet 2006 - 31 juillet 2016)

Graphique 2. Part des différentes catégories de candidats adoptants dans l’inscription à la préparation de base (1er juillet 2006 - 31 juillet 2016)

Part des différentes catégories de candidats adoptants dans l’inscription à la préparation de base (1er juillet 2006 - 31 juillet 2016)

* À partir du 1er juillet 2006.
** Jusqu’au 31 juillet 2016.
Source : ACC.

64L’ACC indique que la phase d’information peut s’apparenter à une « douche froide », dans la mesure où les candidats adoptants sont confrontés à certaines réalités concrètes : les difficultés liées au parcours d’adoptant, l’évolution peu encourageante des possibilités d’adoption (notamment le déclin marqué du nombre d’adoptions internationales), et la quasi-impossibilité pour certaines catégories de personnes d’adopter à l’international (les hommes célibataires et les couples de même sexe) ou en interne (les personnes seules). Le fait que les probabilités de pouvoir adopter sont plus réduites pour les couples de même sexe et pour les personnes célibataires – du fait de la possibilité légale des parents de naissance de s’opposer à l’adoption de leur enfant par certaines configurations familiales – est abordé durant les séances de préparation. Cela induit un découragement chez certains candidats, d’autant plus difficile sur le plan émotionnel qu’il a des échos identitaires.

65La préparation est l’étape de la procédure d’adoption durant laquelle le plus grand nombre d’abandons est enregistré. Il faut cependant tenir compte du fait qu’il s’agit également de l’étape qui est la mieux encadrée par l’ACC. Les abandons aux étapes ultérieures de la procédure, prises en charge par d’autres structures, peuvent mettre davantage de temps à être enregistrés.

66Le tableau 1 montre que le taux total d’abandon est de 30,6 % durant la préparation de base  [70]. Plus précisément, l’abandon concerne 28,8 % des couples de sexes différents contre 24,8 % des couples de même sexe, et 37,3 % des femmes célibataires contre 63,0 % des hommes célibataires. Il n’y a donc pas de différence significative entre les couples de même sexe et les couples de sexes différents ; en revanche, les personnes célibataires abandonnent significativement plus que les couples et, surtout, les hommes seuls abandonnent sensiblement plus que les femmes seules.

Tableau 1. Nombre d’abandons durant les différentes étapes de la préparation de base, par catégorie de candidats adoptants (1er juillet 2006 - 31 juillet 2016)

Tableau 1. Nombre d’abandons durant les différentes étapes de la préparation de base, par catégorie de candidats adoptants (1er juillet 2006 - 31 juillet 2016) Tableau 1. Nombre d’abandons durant les différentes étapes de la préparation de base, par catégorie de candidats adoptants (1er juillet 2006 - 31 juillet 2016)

Tableau 1. Nombre d’abandons durant les différentes étapes de la préparation de base, par catégorie de candidats adoptants (1er juillet 2006 - 31 juillet 2016)

Légende : Étape 1 : avant l’information. Étape 2 : pendant l’information. Étape 3 : après l’information. Étape 4 : pendant la sensibilisation. Étape 5 : après la sensibilisation. Étape 6 : pendant la sensibilisation individuelle.
Remarque : L’étape 6 est facultative.
Source : ACC.

67Le graphique 3 indique que le moment où adviennent le plus d’abandons intervient avant la première séance d’information (soit à un moment où, pourtant, la préparation a déjà été payée). Des différences se marquent cependant en fonction du profil. L’abandon des couples de même sexe et celui des femmes seules interviennent surtout avant même l’information, celui des hommes seuls après l’information, et celui des couples de sexes différents après la sensibilisation.

Graphique 3

Proportion d’abandons durant les différentes étapes de la préparation de base (1er juillet 2006 - 31 juillet 2016)

Graphique 3. Proportion d’abandons durant les différentes étapes de la préparation de base (1er juillet 2006 - 31 juillet 2016)

Proportion d’abandons durant les différentes étapes de la préparation de base (1er juillet 2006 - 31 juillet 2016)

Remarque : L’étape 6 est facultative.
Source : ACC.

68Au final, durant la période allant du 1er juillet 2006 au 31 juillet 2016, 66,7 % des couples de sexes différents inscrits à la préparation de base ont reçu le certificat (soit 1 979 couples sur 2 966). Tel a également été le cas de 69,3 % des couples de même sexe (95 sur 137), de 59,1 % des femmes célibataires (374 sur 633) et de seulement 25,9 % des hommes célibataires (14 sur 54)  [71].

69On note par ailleurs que le nombre de couples de même sexe obtenant le certificat de préparation de base va croissant : 26 en 2006-2012 (soit une moyenne de 4,0 par an), contre 69 en 2013-2016 (soit une moyenne de 19,7 par an).

2.5. Demande de recevabilité

70Après avoir obtenu leur certificat de préparation, valable 18 mois, les candidats adoptants doivent introduire une demande de recevabilité auprès d’un ou de plusieurs OAA de leur choix, afin de se lancer dans la procédure d’adoption à proprement parler. Ils ont alors le choix entre entamer une procédure d’adoption interne ou d’adoption internationale. La répartition des candidats entre adoption interne et adoption internationale est difficile à estimer à ce stade.

2.5.1. Choix d’un OAA

71Le choix d’un OAA est le plus souvent posé après une première prise de contact sous la forme d’une séance d’information  [72]. Le mode de fonctionnement de l’OAA, la réception et la sélection des candidatures y sont expliqués.

72L’examen des demandes de recevabilité émises, entre juillet 2016 et décembre 2016, auprès des deux principaux OAA pour l’adoption interne montre ce qui suit  [73]. Durant ce laps de temps, l’ONE Adoption a reçu 259 demandes, à savoir 139 candidatures de couples de sexes différents (soit 53,7 %), 94 de couples de même sexe (36,3 %) et 26 de candidats célibataires (10,0 %). Pour sa part, le Service d’adoption Thérèse Wante a reçu 211 demandes de recevabilité, se ventilant comme suit : 138 de couples de sexes différents (65,4 %), 45 de couples de même sexe (21,3 %) et 28 de candidats célibataires (13,3 %). Ainsi, au cours de la période considérée, à peu près un tiers des demandes de recevabilité pour une adoption interne extrafamiliale a émané de couples de même sexe, avec une préférence significative de ces candidats pour l’ONE Adoption par rapport au Service d’adoption Thérèse Wante.

73Il est à souligner que les chiffres relatifs à la préparation de base ne sont pas comparables à ceux concernant la demande de recevabilité, et ce pour deux raisons. D’une part, les dossiers sont généralement déposés par les candidats adoptants dans les deux OAA afin de maximiser leurs chances de voir leur procédure aboutir. D’autre part, il est très rare qu’un dossier soit admis au premier dépôt, ce qui implique que l’aboutissement de la procédure passe généralement par plusieurs dépôts de dossier successifs de la part des mêmes candidats adoptants. Ainsi, nombre des demandes de recevabilité reçues chaque mois par les OAA correspondent en fait à des dossiers qui ont été refusés les mois précédents.

74Pour l’adoption internationale, les candidats ne peuvent introduire de demande de recevabilité auprès des OAA qu’après le prononcé d’un jugement d’aptitude à l’adoption. Ce dernier est rendu par le tribunal de la famille au terme d’une enquête sociale. Sur la période allant de juillet 2016 à décembre 2016, 59 demandes de recevabilité ont été déposées pour une adoption internationale : 40 par des couples de sexes différents (67,8 %) et 19 par des femmes célibataires (32,2 %). Comme nous l’avons déjà mentionné, les couples de même sexe et les hommes célibataires n’ont en pratique pas accès à ce type d’adoption, du fait des législations et des pratiques des pays d’origine.

2.5.2. Critères de recevabilité, listes d’attente et mode de régulation par quotas

75Les OAA sont chargés de rappeler les conditions et les limites de la recevabilité des candidatures. En adoption interne, comme les enfants à adopter sont le plus souvent des nourrissons, la limite d’âge pour les candidats adoptants est fixée à un maximum de 43 ans au moment de la demande. La procédure durant environ deux ans, le maximum de 45 ans de différence d’âge entre parent adoptif et enfant – établi par le COSA en l’absence de spécification fédérale à ce sujet  [74] – est ainsi respecté  [75]. Dans le cas de l’adoption internationale, c’est le pays d’origine qui fixe la limite d’âge.

76Lors des séances d’information, les OAA indiquent comment déposer une candidature. En l’occurrence, le dossier doit être envoyé chaque mois (sous la forme d’un courrier postal), arriver dans les cinq premiers jours ouvrables du mois  [76], et contenir une copie du certificat de préparation à l’adoption, un extrait de casier judiciaire « modèle 2 » et, pour les candidats non belges, un extrait traduit de la loi du pays d’origine concernant l’adoption (afin de s’assurer de la reconnaissance de l’adoption dans ledit pays). À cela, les candidats peuvent adjoindre un courrier personnalisé, dont le contenu n’est pas précisé et dont l’objectif demeure également opaque ; certains membres des OAA utilisent ce courrier comme un moyen de commencer à mieux connaître la personnalité et le parcours des candidats, tandis que d’autres n’en tiennent pas compte.

77En adoption interne, la demande de recevabilité est l’étape où les attentes des candidats adoptants se heurtent à la réalité de la faible possibilité effective d’adoption : alors que la préparation est ouverte à toute personne rencontrant les critères énoncés, c’est lors du dépôt de candidature que les candidats se trouvent concrètement confrontés à la forte disproportion entre le nombre d’enfants adoptables et le nombre de candidats adoptants. Les refus de candidature, soit par inadéquation par rapport aux critères de recevabilité, soit (et surtout) par manque de places, sont ainsi très nombreux.

78Pour les adoptions internes, chaque OAA recourt à un système de liste d’attente, élaborée en collaboration avec l’ACC, ce qui explique le nombre de places limité en amont de la procédure. Le nombre de places sur la liste d’attente d’un OAA donné est déterminé par le nombre moyen d’adoptions internes réalisées par cet OAA sur un an, multiplié par deux, ce dispositif permettant de réduire à environ deux ans l’attente des candidats ayant signé une convention.

79On constate l’existence d’une « recevabilité différenciée » selon les catégories de candidats adoptants, qui s’explique par le mode de régulation par quotas annuels  [77] propre à l’adoption interne en Communauté française. En effet, étant donné le déséquilibre existant entre le nombre de candidats adoptants (toutes configurations confondues) et le nombre d’enfants en besoin d’adoption, la Communauté française (l’ACC et les OAA internes) a élaboré un dispositif de régulation des demandes de recevabilité reposant sur plusieurs critères objectivables. Au sein de ce dispositif général de régulation, une attention particulière a été portée à l’adéquation entre la configuration familiale des candidats et la position (exprimée en termes d’exclusion de certaines configurations familiales) des parents de naissance (qui doivent in fine consentir à l’adoption de leur enfant au cours de la procédure judiciaire).

80Sur la base de ce dispositif, des quotas sont mis en place par les différents acteurs de l’adoption en Communauté française. Ces quotas portent sur le nombre d’enfants que les OAA seront susceptibles de confier chaque année aux candidats en couple de même sexe ou célibataires. Ils sont calculés sur la base du taux de parents de naissance qui expriment un refus catégorique de voir confier leur enfant à ce type de candidats. En l’occurrence, le taux de refus des parents de naissance est actuellement d’environ 80 % en ce qui concerne les candidats en couple de même sexe. Dès lors, les OAA admettent au maximum 20 % de couples de même sexe sur leurs listes d’attente. Toujours à l’heure actuelle, 100 % des parents de naissance refusent de voir leur enfant adopté par un candidat célibataire (ce qui s’explique par le fait que la plupart des parents de naissance confient leur enfant en adoption précisément pour éviter que celui-ci soit élevé par un parent seul). Dès lors, aucun candidat célibataire n’est repris sur les listes d’attente des OAA.

81Ce système a fait l’objet d’une formalisation récente de la part de l’ACC par le moyen d’une circulaire interne, qui mentionne que la répartition des places disponibles sur les listes d’attente des OAA est effectuée en fonction de l’exclusion de certains profils par les parents de naissance. Les statistiques de consentement étant réévaluées de manière semestrielle, les quotas sont susceptibles d’évoluer avec le temps. Il est par exemple possible que la médiatisation de certains débats de société et la lutte contre l’homophobie contribuent à favoriser le consentement des parents de naissance.

82En matière d’adoption internationale, la définition des modalités d’accès à l’EPMS n’est pas centralisée – le dispositif décrit ci-dessus ne s’applique pas. Les périodes d’attente sont variables et souvent de plus longue durée qu’en adoption interne ; cependant, il convient de souligner qu’elles concernent, pour leur part, la période précédant l’apparentement (cf. infra).

2.5.3. Parents de naissance et projet parental

83Le système de quotas vise à éviter aux candidats adoptants, notamment ceux aux profils exclus de facto, une attente trop longue voire interminable. Il constitue une adaptation à des normes légales contradictoires : d’une part, le contenu des lois du 24 avril 2003 et du 18 mai 2006 et, d’autre part, la nécessité de considérer avant toute chose l’intérêt supérieur de l’enfant en respectant le consentement légal des parents de naissance et en évitant une rupture au cours de la procédure de consentement.

84En effet, le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant est notamment décliné sous la forme du respect du « projet de vie » formulé par les parents de naissance – le plus souvent, la mère seule  [78]. Le fait de suivre et de respecter ce projet de vie est censé permettre d’assurer une continuité symbolique dans le transfert de filiation. Dans ce contexte, les OAA se perçoivent comme des « relais », des « passeurs d’histoire ». Ce processus est considéré comme un moyen d’enraciner l’enfant dans un développement psychologique « sain », en évitant un « trou dans un besoin de continuité ». Cette préoccupation, issue de cadres de référence psychologiques et considérations émotionnelles, vise aussi, aux yeux des OAA, à apaiser voire à faire disparaître le traumatisme de l’abandon.

85En outre, une partie du travail des OAA consiste à servir de médiateurs entre les familles de naissance et les adoptés, dans le cas où ces derniers émettront dans l’avenir le souhait de connaître leur contexte de naissance ou leurs origines, ou même de rencontrer leurs parents biologiques. Cette éventualité d’une rencontre ultérieure est aussi un argument en faveur de la préservation du « projet de vie » des parents de naissance : une rencontre pourrait ainsi, selon les OAA, mettre en lumière l’éventuelle brèche dans ce projet et, à nouveau, impliquer une rupture de continuité dans le développement personnel et identitaire de l’enfant. Il est à noter que, en revanche, cette logique de la continuité est nettement moins présente dans le cadre de l’adoption internationale  [79] (où, au contraire, les candidats adoptants sont parfois rassurés par la distanciation vis-à-vis de la famille d’origine).

86Les choix posés par les parents de naissance sont donc déterminants en ce qui concerne l’accessibilité réelle de l’adoption aux différentes catégories d’adoptants. Les institutions (l’ACC pour ce qui est de l’encadrement de la procédure et les OAA pour ce qui est de sa mise en application et du suivi des différentes parties) sont néanmoins des acteurs qui contribuent, par leurs décisions et leur accompagnement, à cette responsabilité.

87Cet accompagnement s’étale sur une durée plus ou moins longue, dépendant de l’étape de la grossesse ou de la vie de l’enfant à partir de laquelle la mère de naissance commence à envisager la possibilité d’un placement en adoption. Les modalités de l’adoption sont alors explicitées par les travailleurs sociaux. Ceux-ci dressent un tableau assez large de la diversité de profils, de modes de vie, de personnalités, etc. des candidats adoptants retenus sur les listes d’attente. Ils évoquent notamment la possibilité légale que l’enfant soit adopté par un couple de sexes différents, par un couple de même sexe ou par une personne seule.

88Il apparaît que la situation familiale des candidats adoptants (en couple ou célibataires et, dans le premier cas, de sexes différents ou de même sexe) est le seul critère de choix qui soit précisé d’office. Il est également le seul qui soit considéré comme devant être absolument respecté ; pour leur part, les autres critères sont davantage négociables. Ainsi, les préférences qui seraient émises quant à des profils de parents adoptants appartenant à un type ethnique, financier ou religieux donné sont recadrées et réorientées vers un projet plus ouvert.

2.5.4. Candidatures reçues et candidatures retenues

89Tous les types de candidats adoptants n’ont pas la même probabilité de voir aboutir leur procédure d’adoption, notamment du fait de la prise en compte du consentement des parents de naissance. Pour l’adoption internationale, cette probabilité dépend également des restrictions légales propres à chaque pays.

90Ainsi, en ce qui concerne l’adoption interne, les couples de même sexe se heurtent à un taux de refus très important lors de l’étape de la demande de recevabilité (il est à noter que les données qui suivent comptabilisent les dépôts répétés de dossier par les mêmes candidats, et ne constituent donc pas un taux de refus de couples ou de personnes candidats). Sur la période allant de décembre 2015 à juillet 2016, l’ONE Adoption n’a retenu que 2,2 % des dossiers de couples de même sexe pour l’étape qui suit l’acceptation de la demande de recevabilité, à savoir l’EPMS, contre 13,0 % des dossiers de couples de sexes différents (cf. Tableau 2). Du côté du Service d’adoption Thérèse Wante, les proportions sont respectivement de 2,2 % et de 5,8 %.

Tableau 2. Nombre de dossiers retenus pour l’EPMS (1er décembre 2015 - 31 juillet 2016)

Tableau 2. Nombre de dossiers retenus pour l’EPMS (1er décembre 2015 - 31 juillet 2016)

Tableau 2. Nombre de dossiers retenus pour l’EPMS (1er décembre 2015 - 31 juillet 2016)

Source : ACC.

91En outre, les rares candidats célibataires qui déposent leur candidature en adoption interne se retrouvent confrontés au fait que pour ainsi dire aucun enfant n’est confié en interne à un candidat célibataire (depuis juillet 2006, il n’y a eu que deux exceptions à cet état de fait, qui concernaient des enfants à particularités, cf. infra). À cet égard, les chiffres sont clairs : entre décembre 2015 et juillet 2016, ni l’ONE Adoption ni le Service d’adoption Thérèse Wante n’ont retenu le moindre candidat célibataire pour l’EPMS (cf. Tableau 2)  [80].

92Rappelons toutefois à nouveau qu’il est nécessaire d’établir ici une distinction entre candidatures (qui sont répétées chaque mois) et candidats. Ainsi, les pourcentages qui viennent d’être donnés renvoient bien au taux d’acceptation de dossiers qui sont déposés à plusieurs reprises par les mêmes couples ou personnes, et souvent dans les deux OAA, afin de maximiser leurs chances de voir leur procédure aboutir. À cet égard, les chiffres publiés dans les rapports d’activité de l’ONE Adoption apportent des informations qui sont précieuses, puisqu’ils ne se réfèrent pas au nombre de dépôts de candidature, mais au nombre de couples ou personnes à l’origine desdites candidatures. Ces chiffres sont dès lors plus proches de la réalité que nous souhaitons appréhender ici. En l’occurrence, ils montrent que, durant l’année 2015, l’ONE Adoption a retenu pour l’EPMS 36 couples de sexes différents sur 44 (soit 81,8 %), 7 couples de même sexe sur 28 (soit 25,0 %) et 0 personne célibataire sur 2 (soit 0,0 %). Le rapport entre le nombre de candidats retenus pour l’EPMS et le nombre de candidats à l’origine des demandes de recevabilité diffère donc bien fortement selon le type de candidat adoptant. Par ailleurs, il est à noter que la recevabilité différenciée au niveau des dossiers suggère que, en moyenne, les couples de même sexe doivent soumettre leur dossier à davantage de reprises que les couples de sexes différents avant de voir leur candidature retenue.

93Compte tenu du fait que l’adoption interne est de facto fermée aux candidats célibataires, et en partant de l’hypothèse que ces derniers ont été mis au courant de cette réalité durant la préparation, il est interpellant de constater que certains candidats célibataires cherchent malgré tout à s’engager dans une procédure d’adoption interne. Cela peut s’expliquer par le fait que, lors des séances d’information, l’institution est astreinte à une position relativement ambiguë : en effet, les candidats sont mis au courant que, légalement, les OAA ne peuvent pas refuser un dépôt de demande et se doivent d’examiner tous les dossiers reçus ; il leur est cependant annoncé qu’aucune adoption n’a été prononcée en interne pour un candidat célibataire.

94Face à ces résultats de « recevabilité différenciée », certains candidats s’interrogent. Ils rappellent que, pour les couples d’hommes  [81], les possibilités de devenir parents sont réduites, surtout en adoption internationale, où elles sont pour ainsi dire nulles. Dès lors, il serait logique à leurs yeux de retrouver une plus importante proportion de couples d’hommes en adoption interne.

95Dans les procédures d’adoption internationale, les candidats ne se dirigent vers les OAA qu’une fois munis du jugement reconnaissant leur aptitude à adopter. Étant donné cette première sélection en amont, les refus de candidature sont rares de la part des OAA. Ainsi, entre juillet 2016 et décembre 2016, une seule candidature a été refusée (émanant d’une femme célibataire, et au motif que le pays choisi n’avait plus de place en liste d’attente).

2.6. Évaluation psycho-médico-sociale (EPMS)

96Après la demande de recevabilité, vient pour les candidats adoptants acceptés l’étape de l’évaluation psycho-médico-sociale (EPMS). Celle-ci est réalisée par l’OAA, avec l’aide de psychologues et d’assistants sociaux. Pour les candidats à une adoption internationale, cette étape n’intervient qu’après que le jugement d’aptitude à adopter a été prononcé par un tribunal de la famille (étape qui est elle-même conditionnée aux résultats d’une enquête sociale menée par l’ACC, qui détache pour ce faire des travailleurs d’OAA).

97Durant l’EPMS, les candidats adoptants ont l’occasion de définir leur « projet parental ». Cette étape donnera ensuite lieu à une décision prise collectivement au sein de l’OAA et, éventuellement, à la signature d’une convention. Celle-ci marquera l’inscription des candidats sur la liste d’attente de l’OAA.

98L’évaluation est constituée d’une série d’entretiens lors desquels les candidats sont rencontrés tantôt individuellement tantôt, le cas échéant, en couple. Un volet d’anamnèse sociale amène les candidats à décrire leur parcours de vie et à identifier la façon dont ils en sont venus à concevoir un projet d’adoption. Un volet psychologique, plus individuel, explore les trajectoires personnelles et familiales ainsi que la trajectoire de fertilité et le désir d’enfant. Un examen médical et une visite du domicile clôturent l’évaluation.

99Le tableau 3 indique le nombre d’EPMS réalisées par les trois OAA d’adoption interne en 2016. Comme attendu, les personnes célibataires en sont totalement absentes. Au total, 54,9 % des couples de sexes différents ayant réalisé l’EPMS ont vu leur candidature retenue et ont signé une convention, contre 66,7 % des couples de même sexe. Certes, les échantillons examinés ici sont fort réduits. Toutefois, il est remarquable que les couples de même sexe sont proportionnellement plus nombreux à signer une convention que les couples de sexes différents, d’autant qu’un traitement différencié subjectif aurait été a priori plus vraisemblable dans cette étape de la procédure que dans d’autres, plus formalisées.

Tableau 3. Nombre d’EPMS réalisées par les OAA d’adoption interne (2016)

Tableau 3. 

Nombre d’EPMS réalisées par les OAA d’adoption interne (2016) Tableau 3. 

Nombre d’EPMS réalisées par les OAA d’adoption interne (2016)

Tableau 3. Nombre d’EPMS réalisées par les OAA d’adoption interne (2016)

(A) : ONE Adoption.
(B) : Service d’adoption Thérèse Wante.
(C) : Emmanuel Adoption.

2.6.1. Limites du projet d’adoption

100Avec une durée d’environ six mois, c’est d’abord une progression qui est attendue chez les candidats dans le processus d’EPMS. L’objectif est que l’idée de devenir parents adoptifs se concrétise en un projet clairement défini. Ainsi, c’est l’occasion pour les candidats d’émettre à leur tour des souhaits et des restrictions quant à l’enfant à accueillir. Il s’agit là de trouver un équilibre des « forces » et des « limites » par rapport au projet. Les candidats ont la possibilité de poser des « limites » en ce qui concerne les handicaps et les problèmes de santé de l’enfant (qui peuvent être divers et qui sont dus notamment aux conditions de vie parfois précaires des parents biologiques), ainsi qu’à l’égard de l’histoire de l’enfant (puisque le parcours particulier de celui-ci peut être porteur de conséquences importantes dans son développement et dans son lien avec sa nouvelle famille, ou faire écho de façon douloureuse au parcours de la famille adoptante).

101Les préférences émises en matière de santé amènent de nombreux questionnements éthiques, en adoption interne comme en adoption internationale. Notamment, les candidats questionnent leur possibilité de poser une exclusion à cet égard, alors que des parents qui conçoivent naturellement ne peuvent choisir d’avoir ou non un enfant porteur d’un handicap. Par ailleurs, les candidats sont amenés à effectuer un choix difficile entre, d’une part, poser leurs propres limites dans un contexte déjà exigeant (avec souvent des parcours d’infertilité et des démarches lourdes administrativement comme émotionnellement) et, d’autre part, éventuellement accepter un enfant avec certains problèmes de santé, ce qui permettrait de faciliter l’attribution d’un enfant.

102Environ 40 % des enfants à adopter dans le circuit interne sont d’origine extra-européenne. Un avis du COSA datant du 28 octobre 2015 indique que les candidats adoptants doivent montrer une ouverture vis-à-vis d’une possible différence ethnique, sans quoi leur dossier est discrédité (ce qui constitue donc un critère supplémentaire de sélection en cours de l’enquête). L’ACC semble se montrer très ferme à ce sujet, après que des cas problématiques soient apparus. Pourtant, il arrive que certains critères liés à l’ethnicité soient considérés par les OAA lors du processus d’apparentement, tels que la crainte que l’enfant soit exposé au racisme de certains milieux familiaux et socio-professionnels. Dans de tels cas, ce sont alors les OAA qui jugent de la légitimité de la demande du candidat, malgré le fait que celle-ci apparaît a priori non recevable. Cette crainte d’une discrimination dont l’enfant ferait l’objet au cours de sa vie semble pourtant aller à l’encontre du principe d’ouverture mis en place par l’ACC, dans la mesure où il semble impossible d’évaluer les difficultés effectives liées au parcours d’un enfant racisé dans le contexte spécifique de l’adoption. Cette crainte peut en outre dissimuler le souhait de maintenir une filiation biologique vraisemblable – afin d’éviter de devoir fournir des explications sur l’adoption.

103L’équilibre est donc difficile à trouver entre le respect des projets familiaux personnels et la nécessité de traiter justement des dossiers dont dépendent des trajectoires humaines.

2.6.2. Critères de légitimité : stérilité, disponibilité, altérité

104L’EPMS constitue l’étape durant laquelle sont abordés les éléments sur lesquels reposera l’évaluation réalisée par l’OAA quant à l’opportunité de permettre aux candidats adoptants d’accéder potentiellement à la parentalité adoptive. Les principaux critères portent sur les questions de stérilité, de disponibilité et d’altérité. Il ne s’agit cependant pas là d’une grille qui serait appliquée uniformément à tous les candidats, de manière indifférenciée, mais plutôt de points d’attention qui sont déterminés par les OAA. La centralité et la pertinence qui sont accordées à ces points fluctuent ainsi en fonction de la situation conjugale des candidats.

105La question de la stérilité est abordée principalement avec les couples de sexes différents et, dans une moindre mesure, avec les personnes célibataires. Pour les couples d’hommes qui choisissent l’adoption, la question n’est pas posée en termes de stérilité  [82].

106Les couples de sexes différents se tournant vers l’adoption ont souvent fait l’expérience d’une infertilité et de parcours médicaux lourds sur ce plan. L’effectivité d’un deuil (parfois concret mais souvent symbolique) de la piste de la procréation biologique fait alors figure de condition sine qua non pour l’adoption. Pour les professionnels, il s’agit de s’assurer que l’enfant adopté ne sera pas mis en concurrence avec un idéal de l’enfant biologique.

107Pour les éventuels candidats célibataires, la question de la stérilité est plus trouble. Ces situations forcément diverses placent les candidats dans un questionnement qui confine à une sorte de mise en concurrence des légitimités en fonction des parcours (stérilité, célibat, couple, divorce, présence d’enfants biologiques, etc.)  [83].

108Les célibataires sont présents de longue date en adoption internationale  [84] et les OAA concernés recourent à un dispositif d’évaluation les concernant. Si les personnes seules arrivent rarement à cette étape de la procédure, les travailleurs psycho-sociaux n’en savent pas moins comment évaluer leur projet. Même si cela ne pèse pas trop négativement sur leurs candidatures, la pérennité de la situation conjugale des célibataires est généralement mise en doute. Il leur est ainsi opposé qu’une situation de couple avec un nouveau partenaire pourrait être un facteur disruptif dans la relation avec l’enfant adopté. De leur côté, les candidats concernés indiquent ne pas nécessairement considérer leur célibat comme une période transitoire et font valoir l’argument qu’un couple peut être tout aussi éphémère. Il semble par ailleurs que les candidatures de personnes célibataires sont moins valorisées par les pays d’origine, lesquels leur confieraient alors plutôt des enfants plus âgés et à particularités.

109Le critère de la disponibilité joue également en défaveur des candidats célibataires. Ce point est également abordé avec les candidats en couple, mais il n’est alors pas d’emblée considéré comme problématique. La question est formulée de manière pragmatique par les OAA, qui parlent d’une « logique mathématique » selon laquelle la présence de deux parents signifierait forcément deux fois plus de disponibilité et de compétences pour accompagner et élever l’enfant, au détriment d’un parent seul. Pour les couples de sexes différents, cette logique est pourtant infirmée par les statistiques et recherches disponibles, qui montrent d’importantes disparités sur le plan du temps consacré aux tâches parentales entre hommes et femmes, faisant des premiers des acteurs parfois très secondaires de l’éducation  [85].

110Quant à elle, la question de l’altérité n’est pour ainsi dire abordée qu’avec les couples de même sexe. Si la réception de couples de même sexe en EPMS pose moins question aujourd’hui qu’il y a quelques années encore, il n’en reste pas moins que le critère de l’altérité se voit toujours accorder une sensible importance. Cela montre que, au sein des OAA, la question de l’altérité suscite toujours une préoccupation spécifique en matière de rôles parentaux. Les OAA considèrent que la configuration du couple homoparental repose sur une logique du « même », une indifférenciation due à la similarité du genre. L’accent est donc mis sur la différenciation des identités et sur celle des fonctions parentales, face à la crainte du « même absolu » ou de l’« égalité absolue » qui mettrait en péril le bon développement de l’enfant.

111Dans cette question de l’altérité, la façon dont l’enfant appellera ses deux futurs parents et le choix du nom de famille qui lui sera donné prennent une place centrale, censée symboliser ce rapport à l’autre. Certains psychologues des OAA accordent davantage d’attention à ces points s’agissant de couples de même sexe que dans le cas de couples de sexes différents. Parfois, l’entretien ouvre les parents adoptifs à un questionnement critique à ce sujet ; d’autres fois, il confronte les futurs parents à une série de clichés sur l’entre-soi masculin que connaîtra l’enfant adoptif. Cela semble indiquer qu’une fusion est opérée entre différenciation des rôles et hiérarchisation des rôles, ainsi qu’entre différence des personnalités au sein du couple et différenciation genrée. La famille nucléaire hétéroparentale n’est ainsi plus ouvertement érigée en modèle, mais son ombre n’en demeure pas moins présente  [86].

112Il est à noter qu’un élément, reconnu dans le milieu de la psychologie, est de nature à réduire la perception d’un risque lié à l’adoption homoparentale. Il s’agit du processus de désir d’enfant, qui suit un cheminement souvent plus réfléchi chez les couples d’hommes  [87] en raison de leur moindre accessibilité à la parentalité  [88]. En tant que choix longuement mûri, le fait qu’un couple d’hommes ait opté pour l’adoption (parmi un panel de solutions certes réduit  [89] mais où l’adoption n’est pas l’option la plus simple) constitue pour certains psychologues un élément à porter au crédit de ce profil de candidats adoptants.

2.7. Apparentement et jugement d’adoption

113La procédure d’adoption se clôt par une étape déclinée en deux volets. D’une part, l’apparentement, réalisé par l’OAA, qui vise à mettre en correspondance une future famille et un enfant. D’autre part, le jugement d’adoption, qui est effectué par un tribunal de la famille.

2.7.1. Apparentement

114Les candidats sélectionnés au terme de l’EPMS peuvent être inscrits sur la liste d’attente d’un OAA après qu’ils ont signé une convention avec celui-ci. Les OAA communiquent aux candidats leur place sur la liste d’attente, qui évolue en fonction du nombre d’enfants adoptés et à adopter. Cependant, une fois arrivés au sommet de la liste (dans les cinq à dix premières places), les candidats ne sont plus informés de leur classement. En effet, lorsqu’un enfant est confié à l’adoption par le biais d’un OAA, cet organisme ne choisit pas forcément la famille qui est placée le plus haut dans la liste, mais celle qui semble le mieux correspondre aux besoins de l’enfant à adopter. Les critères du projet de vie formulé par les parents de naissance sont ainsi respectés dans la mesure du possible, ainsi que les critères formulés par les candidats adoptants. Des éléments conjoncturels liés à la situation spécifique de l’enfant sont également considérés dans le cadre de ce choix (notamment, le fait que le lieu de résidence de la famille adoptive ne soit pas trop proche de celui des parents de naissance, afin d’éviter toute situation délicate dans le quotidien des deux familles).

115Les candidats adoptants sélectionnés se voient proposer un enfant. Ils ont le droit de refuser cette proposition : la situation est rare, mais elle peut être légitime au regard du projet formulé par les adoptants ou des différents parcours de vie  [90]. En cas d’acceptation, des rencontres multiples sont organisées avec l’enfant, de manière à créer une familiarité entre lui et ses futurs parents. Ces rencontres ont souvent lieu en pouponnière, vu le jeune âge moyen des enfants placés en adoption. Elles sont aussi l’occasion pour les futurs parents d’acquérir les gestes de soin d’un enfant en bas âge de la part du personnel spécialisé, de la même manière que pourraient les apprendre de jeunes parents dans le service de néonatologie d’un hôpital.

116Assez rapidement, l’enfant est placé dans sa famille adoptive, ce qui implique que les candidats doivent être rapidement prêts à l’accueil d’un enfant en très bas âge, en termes d’espace et de matériel notamment. En effet, si l’ensemble du processus d’adoption est long, l’arrivée de l’enfant et donc l’accession au statut de parent sont au contraire relativement rapides, formant en cela un processus très différent d’une parentalité biologique. Les OAA veillent à sensibiliser également les candidats à ces éléments.

117En adoption internationale, la proposition d’enfant et l’apparentement se déroulent dans un cadre différent, notamment dans la mesure où il dépend des procédures propres aux législations nationales et des modes de fonctionnement des structures locales. Il nécessite également un déplacement des parents adoptifs dans le pays d’origine.

118Il est à noter que, après la signature de la convention, les candidats à une adoption internationale sont souvent confrontés à des délais qui peuvent être extrêmement longs avant de recevoir une proposition d’enfant, alors que les candidats qui signent une convention en vue d’une adoption interne se voient généralement confier un enfant dans les deux années qui suivent.

2.7.2. Jugement

119L’arrivée de l’enfant dans sa famille adoptive est le moment où peut être déposée la requête en vue d’obtenir le jugement d’adoption auprès du tribunal de la famille. Une fois la requête déposée, le tribunal demande l’avis du ministère public et ordonne à l’ACC de mener une enquête sociale, incluant trois entretiens psychologiques et deux entretiens sociaux, dont un au domicile des candidats. Il est également à noter que c’est à partir du dépôt de la requête que débute le délai de six mois au cours duquel la mère de naissance a la possibilité de revenir sur son consentement.

120Ainsi, l’adoption n’est prononcée le plus souvent qu’un an après l’arrivée de l’enfant dans sa nouvelle famille. Cette ultime étape est essentielle, puisqu’elle garantit le transfert légal de la filiation (et, notamment, le changement de nom de l’enfant). Durant la période qui précède le jugement, l’enfant est confié à ses parents adoptifs mais sans leur être légalement lié et sans porter leur nom, ce qui peut mener à des situations délicates en cas, par exemple, de voyage ou d’hospitalisation. Il n’empêche que le jugement n’est le plus souvent qu’une formalité, puisque les nombreux filtres en amont ont permis de s’assurer que les candidats étaient aptes à adopter. Néanmoins, la possibilité demeure que l’adoption ne soit pas prononcée.

121Dans le cadre de l’adoption internationale, le jugement d’aptitude intervient en début de procédure (cf. supra), ce qui laisse moins d’incertitude planer sur la suite de celle-ci. Une réforme, qui prendra cours au 1er janvier 2020, vise à harmoniser les deux circuits et à résoudre le problème posé par le fait que l’EPMS et l’enquête sociale menée par les professionnels de l’ACC sont largement redondantes (quelle que soit leur chronologie : EPMS puis enquête en adoption interne, et enquête puis EPMS en adoption internationale)  [91].

122Pour l’adoption internationale, l’ACC indique que 1 243 jugements d’aptitude à l’adoption ont été prononcés entre le 1er juillet 2007 et le 31 août 2016, à savoir 1 037 pour des couples de sexes différents (83,4 %), 2 pour des couples de même sexe (en l’occurrence, masculin) (0,2 %), 200 pour des femmes célibataires (16,1 %) et 4 pour des hommes célibataires (0,3 %). Ces chiffres ne sont toutefois peut-être pas parfaitement complets, l’ACC étant susceptible de n’avoir pas encore été tenue au courant de l’ensemble des jugements. Par ailleurs, les statistiques disponibles montrent une importante chute du nombre de jugements d’aptitude pour les couples de sexes différents (de 198 en 2008 à 69 en 2015), alors que la tendance est stable pour les femmes célibataires.

2.8. Résumé

123Toute personne âgée d’au moins 25 ans peut entamer auprès de l’ACC un cycle de préparation à une adoption, quelle que soit sa situation familiale. Il existe dès lors cinq catégories de candidats adoptants : couples de sexes différents (mariés et non mariés), couples d’hommes, couples de femmes, hommes célibataires et femmes célibataires.

124Les différentes catégories d’adoptants sont confrontées à des possibilités d’adoption effective différenciées, en fonction des profils et du type de procédure (interne ou internationale). Les candidats en couple de sexes différents sont ceux qui ont la plus grande probabilité de voir aboutir leur dossier, tant en adoption interne qu’en adoption internationale. Les candidats en couple de même sexe (qu’ils soient d’hommes ou de femmes) sont confrontés à une impossibilité d’adopter un enfant à l’international ; les couples d’hommes se dirigent préférentiellement (voire exclusivement) vers l’adoption interne tandis que les couples de femmes se tournent essentiellement vers d’autres voies d’accès à la parentalité comme la PMA. En raison d’un enchâssement complexe de normes et de pratiques, les femmes célibataires sont confrontées à la quasi-impossibilité d’adopter en interne et posent dès lors essentiellement leur candidature pour des procédures d’adoption internationale. Enfin, les hommes célibataires sont de facto exclus de l’adoption, tant interne qu’internationale.

125Les candidats adoptants sont informés de ces disparités dès la préparation à l’adoption. Ces renseignements influencent leur choix pour tel ou tel type de procédure. Au-delà de la seule situation conjugale, le choix pour une voie ou une autre peut être également posé en fonction d’une logique de calcul rationnel prenant en compte divers autres paramètres personnels : moyens matériels, âge, origine et état de santé de l’enfant, etc.

126Il semble notamment se produire un phénomène d’auto-exclusion des personnes moins favorisées (en raison de leurs ressources financières, de leur niveau d’éducation, de leur degré d’aisance verbale et administrative ou de la disponibilité que leur permet leur activité professionnelle).

127Les écarts entre les procédures de l’adoption interne et celles de l’adoption internationale induisent des expériences et de potentielles difficultés qui varient selon les profils. Pour les candidats à une adoption interne, l’étape de la demande de recevabilité pour l’EPMS auprès des OAA constitue le moment où ils se heurtent à la réalité de la forte disparité entre le nombre d’enfants disponibles pour une adoption et le nombre de candidats adoptants. Ils se trouvent alors dans une situation où ils doivent déposer leur dossier de candidature à de multiples reprises, avec l’espoir de se voir un jour retenus pour l’EPMS. Cette étape est particulièrement difficile pour les candidats en couple de même sexe, qui se heurtent à un taux de refus de candidatures très élevé. Celui-ci s’explique par l’existence d’un système de listes d’attente renvoyant au nombre d’enfants disponibles en adoption chaque année, à laquelle s’ajoute un système de régulation par quotas d’enfants confiés à des couples de même sexe afin de garantir la sécurité juridique liée au consentement des parents biologiques.

128Au terme de l’EPMS, un certain nombre de candidats signent une convention les liant à un OAA, qui est suivie par l’apparentement dans un délai relativement court (généralement deux ans). Il est à noter que les couples de même sexe acceptés pour l’EPMS ont autant de chance d’être retenus au terme de l’évaluation que les couples de sexes différents.

129Dans la procédure d’adoption internationale, la demande de recevabilité est précédée par l’obtention d’un jugement d’aptitude (exigé par la loi) sur la base d’une enquête sociale menée par l’ACC. Dès lors, l’EPMS ne confronte pas les candidats à un important taux de refus, étant donné le travail d’analyse des candidatures déjà effectué en amont. En revanche, le délai entre la signature de la convention et la proposition d’enfant est généralement plus important qu’en adoption interne.

3. L’adoption en quelques statistiques

130Si le nombre des adoptions internes enregistré en Communauté française est fort stable, celui des adoptions internationales diminue en revanche de manière marquée et presque continue (cf. Graphique 4). À tel point que, alors que l’adoption internationale avait toujours été la forme d’adoption prédominante, les chiffres qu’elle présente aujourd’hui ne sont plus que très légèrement supérieurs à ceux de l’adoption interne. Si cette tendance devait se poursuivre, le nombre des adoptions internationales passerait bientôt sous celui des adoptions internes, ce qui constituerait une configuration inédite dans l’histoire récente du secteur.

Graphique 4

Nombre d’adoptions internes et internationales (2004-2016)

Graphique 4. Nombre d’adoptions internes et internationales (2004-2016)

Nombre d’adoptions internes et internationales (2004-2016)

Source : ACC.

3.1. Adoption interne

131Au total, en Communauté française, du 1er juillet 2006 au 31 juillet 2016, 276 adoptions ont été prononcées en interne. Plus précisément, 252 enfants ont été confiés à des couples de sexes différents (91,3 %), 22 à des couples de même sexe (8,0 %) et 2 à des personnes seules (0,7 %). L’adoption par un couple de sexes différents est donc, et de loin, le cas de figure le plus fréquent. Quant à l’adoption par une personne célibataire, elle est l’exception. Il est à noter à ce propos que les deux seuls cas, qui datent de 2008 et 2011, ont tous deux consisté en l’adoption d’un enfant à besoins spécifiques par une femme seule.

132L’évolution des adoptions internes (cf. Graphique 5) montre une lente et légère augmentation au fil des années du nombre d’adoptions internes par des couples de même sexe. On observe un pic en 2015, année au cours de laquelle 7 enfants sur 42 (16,7 %) ont été confiés à des couples de même sexe. Il s’agit d’une première, dans la mesure où, auparavant, jamais il n’avait été confié plus de 3 enfants par an à cette catégorie de candidats adoptants. Cependant, l’année 2015 a peut-être été marquée par un soubresaut davantage que par un changement, puisque l’année 2016 n’indique pas un prolongement de tendance.

Graphique 5

Nombre d’adoptions internes par année (2004-2016)

Graphique 5. Nombre d’adoptions internes par année (2004-2016)

Nombre d’adoptions internes par année (2004-2016)

* Enfants à particularités confiés à des femmes célibataires.
Source : ACC.

3.2. Adoption internationale

133Pour ce qui est de l’adoption internationale, l’évolution la plus flagrante est celle d’une chute quasi continue : de 327 cas en 2004, la Communauté française est passée à 59 en 2016 (cf. Graphique 4).

134Une telle diminution drastique du nombre d’adoptions internationales s’observe depuis dix à quinze ans dans l’ensemble des pays d’accueil occidentaux (cf. supra). En effet, il s’agit là d’un mouvement de fond dans les pratiques d’adoption à l’échelle mondiale. Cette évolution est due à de multiples facteurs, à commencer par la conjoncture socio-économique de certains pays d’origine (en particulier, l’émergence de classes moyennes, susceptibles d’adopter les enfants abandonnés, dans les pays en voie de développement) et la ratification par ceux-ci de la Convention de La Haye (qui subordonne l’éventualité de l’adoption internationale à l’impossibilité d’une adoption interne). En outre, elle résulte aussi d’un plus grand contrôle des pratiques d’adoption dans de nombreux pays (par exemple, la Chine), et ce parfois en réponse à des scandales de trafic (cf. supra).

135En revanche, contrairement à la crainte exprimée par certains à l’époque  [92], l’ouverture de l’adoption à des couples de même sexe n’a pas amené certains pays à rompre leur partenariat avec la Belgique et ses composantes : les pays d’origine semblent avoir été rassurés par la qualité des partenariats, et notamment par la garantie de transparence dans les démarches (qui est prescrite aux pays d’accueil par la Convention de La Haye et qui, en Communauté française, fait l’objet d’une attention soutenue de la part de l’ACC).

136Parmi les candidats inscrits à la préparation de base depuis 2005, l’ACC recense, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2016, 979 adoptions internationales, dont 891 (91,0 %) par des couples de sexes différents et 88 par des femmes célibataires (9,0 %). Aucun enfant n’a été confié à des couples de même sexe ni à des hommes seuls, ce qui confirme le fait que l’immense majorité des pays avec lesquels la Belgique collabore refusent, implicitement ou explicitement, ce type de profil d’adoptants  [93].

137Bien que ces données n’apparaissent pas dans les chiffres et qu’il soit impossible de quantifier le phénomène, il est occasionnellement fait mention, dans la presse ou dans la littérature scientifique, d’adoptions par des femmes seules qui sont en réalité le fait de couples lesbiens qui ont dissimulé leur relation et leur orientation sexuelle afin d’avoir accès à l’adoption internationale [94]. D’après l’ACC, les enquêtes sociales menées auprès des candidats adoptants ne révèlent pas de telles pratiques de dissimulation des couples de même sexe pour avoir accès à l’adoption (pratiques qui, par ailleurs, vont à l’encontre des prescriptions de la Convention de La Haye).

3.3. Influence du profil des candidats adoptants

138Il convient évidemment d’examiner également la proportion de candidats des différentes catégories qui se sont vu à terme confier un enfant.

139Le tableau 4 compare le nombre de candidats adoptants ou couples de candidats adoptants ayant obtenu leur certificat de préparation de base au nombre de ceux qui ont effectivement accédé à la parentalité adoptive. Pour l’adoption interne, les chiffres retenus sont les suivants : candidats ou couples de candidats ayant obtenu leur certificat de préparation de base entre juillet 2006 et décembre 2013  [95] et jugements d’adoption prononcés entre juillet 2006 et décembre 2016. Pour l’adoption internationale, il s’agit des candidats ou couples de candidats ayant obtenu leur certificat de préparation de base entre janvier 2005 et décembre 2013 et des jugements d’adoption prononcés entre juillet 2006 et décembre 2015.

140Les données mettent clairement en évidence que de sensibles différences existent quant à l’accès à l’adoption effective. Les chances de se voir confier un enfant sont de 74,6 % pour un couple de sexes différents, contre 53,7 % pour un couple de même sexe. Ces chances descendent à 32,2 % pour une femme célibataire et sont nulles pour un homme célibataire.

Tableau 4. Comparaison entre le nombre de certificats de préparation de base délivrés * et le nombre d’adoptions prononcées **

Tableau 4. Comparaison entre le nombre de certificats de préparation de base délivrés * et le nombre d’adoptions prononcées ** Tableau 4. Comparaison entre le nombre de certificats de préparation de base délivrés * et le nombre d’adoptions prononcées **

Tableau 4. Comparaison entre le nombre de certificats de préparation de base délivrés * et le nombre d’adoptions prononcées **

*  Entre le 1er juillet 2006 et le 31 décembre 2013 pour l’adoption interne ; entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2013 pour l’adoption internationale.
**  Entre le 1er juillet 2006 et le 31 décembre 2016 pour l’adoption interne ; entre le 1er juillet 2006 et le 31 décembre 2015 pour l’adoption internationale.
# À savoir 37 couples d’hommes et 4 couples de femmes.
Source : ACC.

141Les couples de sexes différents sont donc clairement les candidats adoptants qui voient le plus souvent leur procédure d’adoption aboutir. Les données qui viennent d’être présentées sont cependant à mettre en perspective avec le déclin de l’adoption internationale (cf. supra).

142Alors qu’ils n’ont accès qu’à l’adoption interne, les couples de même sexe ont vu, sur la période examinée, leurs démarches être couronnées de succès plus d’une fois sur deux. Peut-être toutefois la hausse récente du nombre de couples de même sexe obtenant le certificat de préparation de base (depuis 2013, cf. supra) empêchera-t-elle cette situation de se maintenir à l’avenir. Néanmoins, il faut tenir compte de la diminution progressive du nombre de mères de naissance refusant l’adoption de l’enfant par un couple de même sexe. Ainsi, il est permis de supposer une évolution des quotas en faveur de ce profil de candidats. Les personnes seules sont pour ainsi dire exclues de l’adoption interne par le système des quotas. En outre, leur accès à l’adoption internationale est marginal (et même inaccessible aux hommes célibataires, qui, de ce fait, se trouvent exclus de l’adoption tant interne qu’internationale). Il est à noter que le cantonnement des candidates célibataires à l’adoption internationale implique que celles-ci sont soumises aux délais caractérisant cette forme d’adoption ; il est dès lors probable qu’un certain nombre de ces candidates aient signé une convention dans un OAA d’adoption internationale et soient dans l’attente d’une proposition d’enfant depuis plusieurs années.

4. Un bref regard sur la situation en Communauté flamande

143Afin de mettre quelque peu en perspective le système et les réalités de l’adoption ayant cours en Communauté française, ce chapitre s’intéresse, de façon moins approfondie, à la situation prévalant en Communauté flamande.

4.1. Cadre institutionnel et légal

144En Communauté flamande, l’adoption se structure d’une manière similaire à celle qui prévaut en Communauté française.

145Les principaux textes réglementaires adoptés par la Communauté flamande en la matière sont les suivants : le décret du 3 mai 1989 portant agrément des services d’adoption  [96], le décret du 15 juillet 1997 relatif à l’adoption internationale  [97], le décret du 30 avril 2004 réglant l’adoption nationale et internationale d’enfants  [98], le décret du 15 juillet 2005 réglant l’adoption internationale d’enfants  [99], le décret du 20 janvier 2012 réglant l’adoption internationale d’enfants  [100], le décret du 20 mars 2015 modifiant le décret du 3 mai 1989 et le décret du 20 janvier 2012  [101], le décret du 3 juillet 2015 réglant l’adoption nationale d’enfants et modifiant le décret du 20 janvier 2012  [102].

146Les OAA prennent en charge l’accompagnement des mères de naissance, ainsi que le suivi des procédures entamées par les candidats adoptants. Les activités des OAA sont supervisées par la Vlaamse Centrale Autoriteit voor Adoptie (VCA, communément appelée Vlaamse Centrum voor Adoptie) : il s’agit de l’équivalent flamand de l’ACC. C’est Kind & Gezin (équivalent flamand de l’ONE) qui a été désigné comme VCA en 2005. Les cycles de préparation obligatoire sont ici gérés par un organisme extérieur à l’ACC : le Steunpunt Adoptie, qui assume une fonction générale d’information sur l’adoption.

147Pour l’adoption interne, il existe quatre OAA en Communauté flamande : Adoptiedienst Stedelijk Ziekenhuis Roeselaere, De Mutsaard, Gents Adoptiecentrum et Gewenst Kind  [103]. Pour l’adoption internationale, il en existe trois : Flanders Intercountry Adoption Care (FIAC-Horizon), Ray of Hope et Het Kleine Mirakel.

148En ce qui concerne le parcours d’adoption, de sensibles différences avec la Communauté française sont à pointer. Les trois principales sont les suivantes. Primo, en Communauté flamande, les candidats adoptants doivent préciser avant la préparation s’ils comptent recourir à une adoption interne ou à une adoption internationale (alors que, en Communauté française, la préparation de base inclut tous les candidats, quel que soit leur projet de parcours ultérieur). Secundo, dans le système d’adoption de la Communauté flamande, les personnes qui souhaitent entamer une procédure d’adoption intègrent une liste d’attente dès leur inscription ; elles ne peuvent donc entamer le cycle de préparation qu’après que la VCA leur en a donné l’autorisation. Tertio, il n’existe pas de système de régulation par quotas en Communauté flamande.

149En raison des deux premières différences entre système néerlandophone et système francophone qui viennent d’être précisées, il n’est pas possible de comparer de manière pertinente les données relatives à la Communauté flamande avec celles ayant trait à la Communauté française (notamment, les candidats inscrits une année donnée ne sont pas ceux qui commencent leur cycle de préparation la même année).

4.2. Adoption interne

150Les statistiques montrent que, pour l’adoption interne, les deux principaux profils de candidats adoptants sont les couples de sexes différents et les couples de même sexe (cf. Tableau 5 et Graphique 6). En particulier, le nombre de couples d’hommes va croissant ; il dépasse même celui des couples de sexes différents en 2015 (année par ailleurs atypique en raison d’une décision de Kind & Gezin, cf. infra).

Tableau 5. Nombre de candidats inscrits pour une adoption interne en Communauté flamande (2008-2015)

Tableau 5. Nombre de candidats inscrits pour une adoption interne en Communauté flamande (2008-2015)

Tableau 5. Nombre de candidats inscrits pour une adoption interne en Communauté flamande (2008-2015)

Source : Kind & Gezin.
Graphique 6

Nombre de candidats inscrits pour une adoption interne en Communauté flamande (2008-2015)

Graphique 6. Nombre de candidats inscrits pour une adoption interne en Communauté flamande (2008-2015)

Nombre de candidats inscrits pour une adoption interne en Communauté flamande (2008-2015)

Source : Kind & Gezin.

151Au total, entre 2008 et 2015, un total de 215 enfants a été confié en adoption interne en Communauté flamande (cf. Tableau 6 et Graphique 7). Les adoptants se ventilent comme suit : 67,4 % à un couple de sexes différents, 29,8 % à un couple de même sexe (dans une très large majorité des cas, il s’agit d’un couple d’hommes) et 2,8 % à une personne célibataire.

152Étant donné que le système néerlandophone est astreint (tout comme le système francophone) au respect de la volonté des parents de naissance, il semble que les parents biologiques néerlandophones refusent moins souvent que leurs homologues francophones de voir leur enfant confié à un couple de même sexe  [104].

Tableau 6. Nombre d’adoptions internes en Communauté flamande (2008-2015)

Tableau 6. Nombre d’adoptions internes en Communauté flamande (2008-2015)

Tableau 6. Nombre d’adoptions internes en Communauté flamande (2008-2015)

Source : Kind & Gezin.
Graphique 7

Nombre d’adoptions internes en Communauté flamande (2008-2015)

Graphique 7. Nombre d’adoptions internes en Communauté flamande (2008-2015)

Nombre d’adoptions internes en Communauté flamande (2008-2015)

Source : Kind & Gezin.

153Comme on peut le constater en comparant les chiffres des inscriptions et des adoptions pour l’adoption interne, le nombre annuel d’inscriptions de candidats (153,4 en moyenne) est très largement supérieur au nombre d’enfants adoptés chaque année (26,9 en moyenne). Il en résulte un phénomène marqué d’allongement des délais d’attente pour les personnes inscrites ; aucun chiffre n’est disponible à ce propos, mais les délais peuvent être estimés à plus d’une dizaine d’années. Le problème posé par cette situation est tel que, au début de l’année 2015, alors que 504 candidats étaient inscrits sur une liste d’attente, Kind & Gezin a décidé de geler les inscriptions en adoption interne – ce qui explique le faible nombre de candidats inscrits pour l’année 2015.

4.3. Adoption internationale

154On observe une chute importante du nombre d’adoptions internationales prononcées en Communauté flamande au cours des dernières années : 244 en 2009, contre 61 en 2014 (mais 71 en 2015, suite au développement d’un partenariat avec l’Ouganda). Comme en Communauté française, l’adoption internationale n’est en pratique pas accessible aux candidats adoptants en couple de même sexe en Communauté flamande. Des collaborations ont été récemment entamées avec l’Afrique du Sud et avec les États-Unis, mais l’on ne peut déjà en apprécier les résultats en termes d’adoptions effectives  [105].

Conclusion

155Au terme de notre recherche, il apparaît sans ambiguïté que, pour une série de raisons, les candidats adoptants rencontrent plus ou moins de difficultés à voir aboutir leur procédure de demande d’adoption selon leur situation conjugale : couples de sexes différents, couples de femmes, couples d’hommes, femmes célibataires, hommes célibataires.

156Actuellement, ce sont les couples de sexes différents qui ont la probabilité la plus élevée de voir leurs démarches amener à une adoption effective. Cette situation tient essentiellement au fait que ces couples constituent la seule catégorie de candidats adoptants, avec les femmes célibataires, à avoir accès à l’adoption internationale (type d’adoption qui, cependant, connaît un important déclin depuis plusieurs années). Viennent ensuite, un peu plus loin, les couples de même sexe (représentés quasi exclusivement par des couples d’hommes), et ce en dépit du fait que seule l’adoption interne leur est de facto ouverte  [106]. Loin derrière, arrivent les femmes célibataires. Quant aux hommes célibataires, leurs chances de voir aboutir leur procédure sont tout simplement nulles.

157Une évolution qui sera intéressante à observer au cours des prochaines années concerne les couples de même sexe. En effet, ceux-ci représentent une proportion croissante des candidats adoptants (tant parce qu’ils sont de plus en plus nombreux à s’inscrire à la préparation de base et à obtenir le certificat que parce que les couples de sexes différents, pour leur part, voient leurs rangs s’éclaircir), et cette tendance est susceptible de se poursuivre dans un futur proche. Or, comme cette étude l’a montré, les couples de même sexe sont confrontés à des filtres plus importants que les couples de sexes différents. Il conviendra donc de déterminer dans quelle mesure, à l’avenir, les pratiques de l’adoption interne s’adapteront à la présence grandissante des couples de même sexe parmi les candidats. Sans doute une certaine évolution des représentations et des pratiques devra-t-elle se poursuivre pour que se produise une évolution de tendance favorable aux couples de même sexe.

158La question de l’homoparentalité s’est posée en réponse à des évolutions sociétales récentes et les recherches en sciences humaines sur la question sont a fortiori tout aussi récentes. Certaines d’entre elles ont mis en évidence les difficultés rencontrées par les psychologues et intervenants sociaux sur les questions liées à l’homosexualité et à l’homoparentalité  [107]. À cet égard, nos recherches ont permis de mettre en évidence la persistance ponctuelle de certaines représentations normatives – liées à certains cadres conceptuels psychanalytiques – qui peuvent mettre en marge les couples de même sexe. Par exemple, le critère d’altérité, selon lequel l’enfant devrait, pour se développer sainement, avoir accès à des modèles tant « féminin » que « masculin » et échapper à une logique du « même », peut déstabiliser les couples de même sexe dans leur parcours d’adoptants. Et ce alors que les études empiriques sur la question – qui commencent à être nombreuses  [108] – ont montré que les enfants élevés dans des familles homoparentales ne présentent aucune déficience développementale (en ce compris lorsque ces familles ont eu recours à l’adoption) par rapport à ceux qui grandissent dans des familles hétéroparentales.

159Actuellement, la première cause de l’accès différencié à l’adoption effective en adoption interne est le recours à un système de régulation par quotas calqué sur le taux d’exclusion, par les parents de naissance, de l’éventualité de voir leurs enfants confiés à un couple de même sexe (ou à une personne célibataire). En effet, au regard de la législation belge régissant les procédures d’adoption, il apparaît impossible de ne pas tenir compte de la volonté des parents de naissance par rapport au choix de profil des futurs adoptants de l’enfant en termes de situation conjugale (couple de même sexe, couple de sexes différents ou personne seule). Or la crainte d’un retrait de consentement de la mère de naissance (légalement possible endéans les six mois suivant le dépôt de la requête en adoption), couplée à l’accent mis sur le projet de vie formulé par les parents de naissance, est à l’origine du système de quotas. Par conséquent, il est permis de supposer que l’évolution du regard que la société belge francophone porte sur l’homosexualité et sur l’homoparentalité (ainsi que sur la monoparentalité) contribuera à faire bouger les lignes à cet égard. L’exemple tout proche de la Communauté flamande semble prouver que la marge de progression est non négligeable en Communauté française.

160En ce qui concerne l’adoption internationale, c’est à une totale impossibilité de fait que sont confrontés les couples de même sexe faisant appel aux services de la Communauté française. Les obstacles sont dus à l’absence d’acceptation de l’homoparentalité (voire, plus largement, de l’homosexualité) dans la plupart des pays avec lesquels la Belgique collabore. Ce refus se marque soit dans la législation, soit dans les décisions prises par les institutions locales chargées de sélectionner les futurs parents des enfants confiés en adoption. Il existe certes des exceptions, comme l’Afrique du Sud, la Colombie ou les États-Unis, mais, dans ces trois cas, le principe de double subsidiarité (couplé à la bonne situation de la classe moyenne des pays concernés) rend peu probables les adoptions non internes  [109].

161La disproportion croissante entre le nombre des candidats adoptants en couple de même sexe et celui des enfants confiés en adoption attire l’attention sur les formes alternatives d’accès à la parentalité que sont la gestation pour autrui (GPA) – autour de laquelle il existe actuellement, en Belgique, un flou juridique aussi bien qu’éthique  [110] – ou la coparentalité – qui pose la question satellite de la parenté sociale.

Notes

  • [1]
    A. Aromatario, L. deMorati, K. Nera, « État des lieux de l’adoption tant par des couples, des hommes et des femmes seul-e-s que par des couples gays et lesbiens en Fédération Wallonie-Bruxelles. Enquête quantitative, qualitative et recommandations. Rapport final », ULB, MSH, STRIGES, 2017.
  • [2]
    Signalons simplement que l’adoption intrafamiliale ne passe pas par un OAA, mais est du ressort de l’ACC et des tribunaux de la famille. Cf. notamment C. Herbrand, « L’impasse de la pluriparentalité au niveau légal : analyse du projet de “parenté sociale” en Belgique », Enfances, familles, générations, n° 14, 2011, p. 26-50.
  • [3]
    L’adoption simple implique un transfert d’autorité parentale, tout en maintenant certains liens juridiques entre l’adopté et sa famille d’origine. Par exemple, l’adopté demeure héritier de ses parents biologiques, tout en devenant héritier de ses parents adoptifs (article 343 du Code civil belge).
  • [4]
    La Commission communautaire commune (COCOM) a également mis en place une autorité centrale communautaire, mais les attributions de celle-ci sont exercées soit par l’ACC soit par la VCA selon le choix des candidats adoptants. En effet, en région bilingue de Bruxelles-Capitale, les candidats adoptants peuvent choisir de faire appel soit aux services de la Communauté française soit à ceux de la Communauté flamande, selon la langue dans laquelle ils préfèrent que leur dossier soit traité. Notamment, les enquêtes sociales sont réalisées par les services de l’une ou l’autre Communauté en fonction de la langue de la chambre du tribunal de la famille auprès de laquelle la requête a été déposée (cf. Accord de coopération du 12 décembre 2005 entre l’Autorité fédérale, la Communauté flamande, la Communauté française, la Communauté germanophone et la COCOM relatif à la mise en œuvre de la loi du 24 avril 2003 réformant l’adoption, Moniteur belge, 1er juin 2006).
  • [5]
    Elle intervient également dans le cas des adoptions non internationales par des personnes belges résidant à l’étranger (« expatriés »).
  • [6]
    Arrêté ministériel du 24 août 2005 désignant l’autorité centrale fédérale en matière d’adoption internationale, visée à l’article 360-1, 2°, du Code civil (Moniteur belge, 29 août 2005).
  • [7]
    Décret de la Communauté française du 5 décembre 2013 modifiant le décret du 31 mars 2004 relatif à l’adoption (Moniteur belge, 4 février 2014).
  • [8]
    Les adoptions internationales intrafamiliales sont toutefois encadrées exclusivement par l’ACC.
  • [9]
    Autorité centrale communautaire, Direction de l’Adoption, « Rapport d’activités (2014-2015) », s.d. [2016], www.adoptions.be.
  • [10]
    Moniteur belge, 13 mai 2004.
  • [11]
    Ces avis ont une portée réflexive, mais ils peuvent éventuellement déboucher sur de nouvelles procédures.
  • [12]
    Spécialisée dans l’adoption d’enfants porteurs de handicap, l’asbl Emmanuel Adoption est doublement agréée pour l’adoption interne et l’adoption internationale. Cette dernière n’intervient cependant que de manière marginale dans ses activités.
  • [13]
    Jusqu’au 31 décembre 2015, une sixième asbl était reconnue comme OAA pour l’adoption internationale : Los Niños de Colombia.
  • [14]
    Ces pays sont actuellement les suivants. À la Croisée des Chemins : Bulgarie, Colombie, Maroc, Pérou, République dominicaine, Russie. Amarna : Afrique du Sud, Albanie, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Inde, Madagascar, Thaïlande. Enfants de l’espoir : Haïti, Inde, Maroc, Roumanie, Thaïlande, Viêt Nam. SDEL : Haïti, Kazakhstan, Niger, Nigeria, Philippines, Togo.
  • [15]
    G. Shannon, R. Horgan, G. Keehan, C. Daly,Adoption. Droit et pratique établis par la Convention européenne révisée en matière d’adoption des enfants, Strasbourg, Conseil de l’Europe, 2014, p. 14-15.
  • [16]
    Cf. aussi la recommandation « Pour un respect des droits de l’enfant dans l’adoption internationale », adoptée par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe le 26 janvier 2000 ; le « Livre blanc sur les principes relatifs à l’établissement et aux conséquences juridiques du lien de filiation », publié par le Conseil de l’Europe en 2003 ; la Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants, adoptée par le Conseil de l’Europe le 25 janvier 1996.
  • [17]
    Cf. les loi du 25 août 2012 (Moniteur belge, 21 août 2015), décret de la Communauté germanophone du 14 octobre 2013 (Moniteur belge, 6 décembre 2013), décret de la Communauté française du 27 février 2014 (Moniteur belge, 25 avril 2014), décret flamand du 14 mars 2014 (Moniteur belge, 17 avril 2014) et ordonnance de la COCOM du 26 février 2015 (Moniteur belge, 3 mars 2015) portant assentiment à la Convention européenne en matière d’adoption des enfants (révisée) faite à Strasbourg le 27 novembre 2008.
  • [18]
    Cf. la loi du 25 novembre 1991 portant approbation de la Convention relative aux droits de l’enfant adoptée à New York le 20 novembre 1989 (Moniteur belge, 17 janvier 1992).
  • [19]
    Cf. les décret de la Communauté française du 31 mars 1994 (Moniteur belge, 19 mai 1994), décret flamand du 8 mai 2002 (Moniteur belge, 18 juin 2002), décret de la Communauté germanophone du 27 octobre 2003 (Moniteur belge, 12 février 2004), ordonnance de la COCOM du 13 mai 2004 (Moniteur belge, 16 juin 2004) et loi du 24 juin 2004 (Moniteur belge, 6 juin 2005) portant assentiment à la Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale faite à La Haye le 29 mai 1993.
  • [20]
    Cf. notamment P. Selman, « The Global Decline of Intercountry Adoption. What Lies Ahead? », Social Policy and Society, volume 11, n° 3, 2012, p. 381-397 ; B. D. Mezmur, « Intercountry Adoption as a Measure of Last Resort in Africa: Advancing the Rights of a Child rather than a Right to a Child », Sur. Revista Internacional de Direitos Humanos, volume 6, n° 10, 2009, p. 82-105 ; C. Juntunen, Both Ends Burning: My Story of Adopting Three Children from Haiti, Parker, Outskirts Press, 2009 ; P. J. Meier, X. Zhang, «  Sold into Adoption: The Hunan Baby Trafficking Scandal Exposes Vulnerabilities in Chinese Adoptions to the United States »,Cumberland Law Review, volume 39, n° 1, 2008, p. 87-130.
  • [21]
    V. Provost, F. Van Houcke, « L’adoption d’enfants : vers une humanisation de la législation en Communauté française ? », Coordination des ONG pour les droits de l’enfant, 2005, www.lacode.be.
  • [22]
    Autorité centrale communautaire, Direction de l’Adoption, « Rapport d’activités (2014-2015) », op. cit., p. 19.
  • [23]
    P. Selman, « The Global Decline of Intercountry Adoption », op. cit., p. 386.
  • [24]
    Ibidem.
  • [25]
    I. Lammerant, M. Hofstetter, « Adoption : à quel prix ? Pour une responsabilité éthique des pays d’accueil dans l’adoption internationale », Terre des hommes Fédération internationale, 2008, www.tdh.ch.
  • [26]
    V. Provost, F. Van Houcke, « L’adoption d’enfants », op. cit.
  • [27]
    Loi du 22 mars 1940 sur l’adoption (Moniteur belge, 24 mars 1940).
  • [28]
    Loi du 10 février 1958 modifiant certaines dispositions du Code civil (livre I, titres VII et VIII) relatives à la paternité, à la filiation et à l’adoption (Moniteur belge, 20 février 1958).
  • [29]
    Loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction et à la réparation du dommage causé par ce fait (Moniteur belge, 15 avril 1965).
  • [30]
    Loi du 21 mars 1969 modifiant l’article 45 du Code civil, les titres VIII et X du livre Ier du même Code, ainsi que les lois sur l’acquisition, la perte et le recouvrement de la nationalité, coordonnées le 14 décembre 1932 (Moniteur belge, 12 avril 1969).
  • [31]
    Cf. C. Paulis, « L’adoption et l’abandon d’enfants mineurs », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1337, 1991.
  • [32]
    Loi du 27 avril 1987 modifiant diverses dispositions légales relatives à l’adoption (Moniteur belge, 27 mai 1987).
  • [33]
    En son article 345, le Code civil dispose désormais : « L’adoptant doit avoir atteint l’âge de 25 ans au moment de la passation de l’acte d’adoption. En outre, il doit avoir au moins 15 ans de plus que l’adopté ». Toutefois, une exception est prévue en cas d’adoption intrafamiliale : « Si l’adopté est l’enfant ou l’enfant adoptif du conjoint, même décédé, de l’adoptant, il suffit que ce dernier soit majeur et ait 10 ans de plus que l’adopté ». Suite aux modifications apportées par la loi du 24 avril 2003 réformant l’adoption (Moniteur belge, 16 mai 2003 : cf. infra) et la loi du 20 février 2017 modifiant le Code civil en ce qui concerne l’adoption (Moniteur belge, 22 mars 2017), cet article 345 du Code civil se lit actuellement comme suit : « L’adoptant ou les adoptants doivent avoir atteint l’âge de 25 ans et avoir au moins 15 ans de plus que l’adopté. Toutefois, si l’adopté est un descendant au premier degré ou un adopté du conjoint, du cohabitant ou de l’ancien partenaire, même décédé, de l’adoptant, il suffit que ce dernier ait atteint l’âge de 18 ans et ait 10 ans de plus que l’adopté. Ces conditions doivent être remplies au moment du dépôt de la requête en adoption ».
  • [34]
    Loi du 20 mai 1987 relative à l’abandon d’enfants mineurs (Moniteur belge, 27 mai 1987).
  • [35]
    Loi du 19 janvier 1990 abaissant à 18 ans l’âge de la majorité civile (Moniteur belge, 30 janvier 1990).
  • [36]
    Décret de la Communauté française du 4 mars 1991 relatif à l’aide à la jeunesse (Moniteur belge, 16 juin 1991).
  • [37]
    La législation fédérale ne l’interdisant pas formellement, les « filières libres » pourront néanmoins se poursuivre jusqu’en 2005 (cf. infra).
  • [38]
    V. Provost, F. Van Houcke, « L’adoption d’enfants », op. cit., p. 49.
  • [39]
    Loi du 24 avril 2003 réformant l’adoption (Moniteur belge, 16 mai 2003). Cf. aussi la circulaire de la ministre de la Justice du 24 août 2007 relative à la mise en œuvre de la réforme de l’adoption (Moniteur belge, 29 août 2005) et l’accord de coopération du 12 décembre 2005 entre l’Autorité fédérale, la Communauté flamande, la Communauté française, la Communauté germanophone et la Commission communautaire commune relatif à la mise en œuvre de la loi du 24 avril 2003 réformant l’adoption (Moniteur belge, 1er juin 2006). Cette loi est entrée en vigueur le 1er septembre 2005, en vertu de son arrêté royal d’exécution du 24 août 2005 (Moniteur belge, 29 août 2005).
  • [40]
    Article 348-1 du Code civil. Les dérogations à cette règle seront élargies par la loi du 17 mars 2013 réformant les régimes d’incapacité et instaurant un nouveau statut de protection conforme à la dignité humaine (Moniteur belge, 14 juin 2013).
  • [41]
    Décret de la Communauté française du 31 mars 2004 relatif à l’adoption (Moniteur belge, 13 mai 2004).
  • [42]
    V. Provost, F. Van Houcke, « L’adoption d’enfants », op. cit.
  • [43]
    C’est une modification apportée à ce décret en 2005 qui mettra définitivement fin aux filières libres, au profit du recours exclusif aux OAA (Décret de la Communauté française du 1er juillet 2005 modifiant le décret du 31 mars 2004 relatif à l’adoption : Moniteur belge, 7 septembre 2005).
  • [44]
    Loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé (Moniteur belge, 27 juillet 2004).
  • [45]
    Loi du 18 mai 2006 modifiant certaines dispositions du Code civil en vue de permettre l’adoption par des personnes de même sexe (Moniteur belge, 20 juin 2006). Cf. C. Herbrand, « L’adoption par les couples de même sexe », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1911-1912, 2006.
  • [46]
    Loi du 11 mars 2018 modifiant le Code des impôts sur les revenus 1992 en vue d’instaurer une réduction d’impôt pour les frais d’adoption (Moniteur belge, 23 mars 2018).
  • [47]
    Chambre des représentants, Proposition de loi modifiant le Code des impôts sur les revenus 1992 en vue d’instaurer une réduction d’impôt pour les frais d’adoption, n° 2740/1, 24 octobre 2017, p. 3. Cette proposition de loi avait déjà été déposée à deux reprises auparavant : cf. Sénat, Proposition de loi insérant un article 145/33 dans le Code des impôts sur le revenu 1992, instaurant une réduction d’impôt pour frais d’adoption, n° 1022/1, 24 novembre 2008 et n° 384/1, 22 octobre 2010.
  • [48]
    Loi du 30 décembre 1992 portant des dispositions sociales et diverses (Moniteur belge, 9 janvier 1993).
  • [49]
    Une exception est cependant à noter : le Viêt Nam, qui a exigé la passation d’un accord bilatéral administratif.
  • [50]
    Autorité centrale communautaire, « L’adoption : mesure de protection de l’enfant ? Regards croisés de professionnels sur l’adoption interne en Fédération Wallonie-Bruxelles », 2016.
  • [51]
    Hormis les candidats qui, précédemment, ont déjà adopté un ou plusieurs enfants. Depuis 2012, ceux-là sont dispensés de suivre le cycle de préparation (cf. infra).
  • [52]
    Jusqu’au 1er janvier 2020, la procédure différait sensiblement selon que les candidats visaient une adoption interne ou une adoption internationale ; depuis lors, les deux procédures suivent un ordre chronologique identique, calqué sur la procédure d’adoption internationale. Dans le présent Courrier hebdomadaire, est présentée la chronologie du processus tel qu’il se déroulait avant 2020. Quant à la situation actuelle, elle est la suivante (les étapes restant sensiblement similaires, bien qu’ordonnées différemment). Les candidats adoptants détenteurs de leur certificat de préparation doivent déposer une requête en obtention d’un jugement d’aptitude auprès du greffe du tribunal de la famille. Le juge ordonne une enquête sociale, qui est réalisée par des travailleurs sociaux de l’ACC et par un psychologue d’un OAA désigné par l’ACC. Si le jugement d’aptitude prononcé est favorable, il est valide pendant quatre ans (éventuellement renouvelable par tranche de deux ans) et permet aux candidats adoptants d’introduire par écrit une demande de recevabilité auprès des OAA de leur choix, en adoption interne comme internationale. Les OAA disposent ensuite d’un mois pour communiquer aux candidats leur décision motivée quant à la candidature reçue. En adoption interne, cette décision est prise selon les critères légaux et des critères établis par le COSA (notamment, l’écart d’âge maximal entre l’enfant et les candidats à son adoption), et en fonction du nombre de demandes de recevabilité déjà déposées et du nombre de places disponibles sur la liste d’attente. En adoption internationale, la recevabilité de la demande est évaluée avec les mêmes critères mais doivent, en outre, être prises en considération les conditions d’adoption du ou des pays d’adoption choisi(s). En cas de procédure positive, l’OAA se charge des relations avec le pays tiers, où l’adoption est généralement prononcée (à l’exception de certains pays, pour lesquels elle l’est par le tribunal de la famille en Belgique). Si la demande est favorablement reçue, s’amorce l’EPMS qui, si elle est positive, donne accès à la liste d’attente de l’OAA en vue de recevoir une proposition d’enfant.
  • [53]
    Il est à noter que, en adoption interne, étant donné le très jeune âge des enfants à adopter, les candidats adoptants voient cette limite comme celle d’un âge maximal pour pouvoir adopter.
  • [54]
    Si la loi mentionne une comparution des parents de naissance devant le tribunal lors du jugement d’adoption afin de donner ce consentement, cette situation ne se produit cependant que rarement, étant remplacée par un consentement par procuration établi devant notaire.
  • [55]
    Un premier cas a été recensé récemment en Communauté flamande, tandis qu’aucun cas ne s’est encore produit en Communauté française (RTBF Info, 29 novembre 2017, www.rtbf.be).
  • [56]
    « Toute personne dont le consentement à l’adoption est requis, l’exprime soit : 1° par déclaration faite en personne au tribunal de la famille saisi de la requête en adoption, et dont celui-ci dresse procès-verbal ; 2° par acte passé devant un notaire de son choix ou devant le juge de paix de son domicile. Il est précisé si le consentement est donné pour une adoption simple ou pour une adoption plénière. Le retrait du consentement n’est possible que jusqu’au prononcé du jugement et, au plus tard, six mois après le dépôt de la requête en adoption et doit être établi dans la même forme que celle requise pour le consentement à l’adoption. »
  • [57]
    G. Declercq, « La perspective d’une adoption au Service de l’aide à la jeunesse (SAJ) ou au Service de protection judiciaire (SPJ) comme mesure d’aide à l’enfant et à sa famille », in « L’adoption : mesure de protection de l’enfant ? », op. cit., p. 33. C’est le décret du 4 mars 1991 qui a consacré cette priorité du maintien du lien, en instaurant notamment les services d’aide volontaire et en insistant sur l’importance des droits de la famille biologique et de l’enfant.
  • [58]
    Il est cependant à noter qu’il existe, dans l’adoption internationale, la filière spécifique de l’adoption au Maroc (dite kafala), réservée aux candidats adoptants musulmans. Il est possible que ceux-ci se dirigent préférentiellement vers ce système.
  • [59]
    « Les difficultés de procréation dépendent peu du milieu social ; pourtant les catégories sociales favorisées s’engagent relativement plus souvent dans une procédure d’adoption que les moins favorisées. (…) En outre, les personnes dont les ressources sont précaires ne font pas de demande » (C. Villeneuve-Gokalp, « Du désir d’adoption à l’accueil d’un enfant. Une enquête en France », Population, volume 62, n° 2, 2007, p. 301-302).
  • [60]
    Cette somme se répartit comme suit : cycle de préparation organisé par l’ACC (178,5 euros), examen psycho-médico-social auprès de l’OAA (1 224 euros), convention passée avec l’OAA (2 652 euros), frais juridiques, frais relatifs à l’enfant (séjour en pouponnière, frais médicaux, etc.), frais de déplacement, frais d’enquête sociale (178,5 euros, pour la procédure de jugement d’adoption) et suivi post-adoptif (612 euros).
  • [61]
    À titre de comparaison, le coût de l’hospitalisation liée à un accouchement (hors frais engendrés par le suivi pré- et post-natal) est estimé en Belgique à entre 1 095 et 1 541 euros à charge de la patiente, soit entre 4 004,5 et 5 554,3 euros au total en incluant la part du ticket modérateur (C. Neirynck, « Le coût hospitalier des accouchements en Belgique », Mutualités libres, 2012).
  • [62]
    Estimation a maxima renseignée dans Chambre des représentants, Proposition de loi modifiant le Code des impôts sur les revenus 1992 en vue d’instaurer une réduction d’impôt pour les frais d’adoption, n° 2740/1, 24 octobre 2017, p. 3.
  • [63]
    Cf. F. Vandendorpe, J. Marquet, J. Sosson, N. Gurnet, « Recherche relative à la procédure d’adoption en Communauté française de Belgique », Université catholique de Louvain (UCL), Centre interdisciplinaire de recherche sur les familles et les sexualités (CIRFASE), 2011.
  • [64]
    En Inde, la loi prévoit ainsi un don d’environ 5 000 euros à l’orphelinat ; en Haïti, la somme est de quelque 12 000 euros.
  • [65]
    Ainsi, la Chine exige un patrimoine financier de minimum 80 000 dollars pour consentir à une adoption (K. De Graeve, « Queering the Family? A Multi-layered Analysis of Relations of Inequality in Transnational Adoption », Culture, Health and Sexuality.An International Journal for Research, Intervention and Care, volume 16, n° 6, 2014, p. 683-696).
  • [66]
    H. Bretin, M. De Koninck, M.-J. Saurel-Cubizolles, « Conciliation travail/famille : quel prix pour l’emploi et le travail des femmes ? À propos de la protection de la grossesse et de la maternité en France et au Québec », Santé, société et solidarité, volume 3, n° 2, 2004, p. 149-160.
  • [67]
    Les personnes ayant déjà adopté en sont dispensées si elles le souhaitent, cela en vertu de la loi du 20 juin 2012 modifiant le Code civil afin de simplifier la procédure lors de l’adoption nationale ou internationale à partir d’un deuxième enfant (Moniteur belge, 10 août 2012).
  • [68]
    Dans les statistiques qui suivent, il est question du nombre de candidatures par catégorie de candidats adoptants, et non du nombre total de candidats. Ainsi, la candidature d’un couple est comptabilisée comme une seule candidature, au même titre que la candidature d’une personne seule.
  • [69]
    À ce sujet, cf. N. Schiffino, « La régulation publique de la biomédecine. Procréation médicalement assistée, recherche sur embryons, gestation pour autrui », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2348-2349, 2017, p. 7-20. Cf. aussi, par exemple, T. Lenie, P. Baetens, I. Ponjaert-Kristoffersen, « Une étude sur les demandes d’insémination artificielle avec sperme de donneur (IAD) chez des couples homosexuels féminins », in M. Gross (dir.), Homoparentalités, état des lieux, Toulouse, Érès, 2005, p. 231-240 ; P. Baetens, « Belgique : faire un bébé toutes seules », Alternatives internationales, n° 42, 2009, 52 ; C. Herbrand, « Déclinaisons du désir d’enfant dans les coparentalités homosexuelles », Revue des sciences sociales, n° 41, 2009, p. 42-51.
  • [70]
    Les tests statistiques effectués pour obtenir ces résultats sont des analyses de variance classique, avec en variable dépendante la catégorie de candidats et en variable dépendante dichotomique l’abandon (abandon/pas d’abandon). Pour toutes les différences significatives, p < .01. Les différences sont donc solidement établies statistiquement.
  • [71]
    Source : ACC. Signalons que le nombre des candidats ayant obtenu le certificat de préparation est inférieur à celui des candidats n’ayant pas abandonné au cours de la préparation. La raison en est due aux arrêts de procédure découlant du fait que certains candidats n’entrent pas dans les conditions ou ont rendu un dossier de préparation incomplet ; de ce fait, ces personnes ne peuvent obtenir de certificat de préparation mais n’ont pas à proprement parler abandonné au cours de la préparation.
  • [72]
    Sauf chez Emmanuel Adoption, l’OAA spécialisé dans l’adoption d’enfants porteurs de handicap, qui, recevant un très petit nombre de demandes, procède par rendez-vous individuels.
  • [73]
    Source : ACC.
  • [74]
    COSA, Avis, 26 mai 2014.
  • [75]
    Néanmoins, les candidats dépassant cette limite d’âge peuvent espérer la proposition d’un enfant un peu plus âgé, dont le placement en adoption procède souvent d’une procédure protectionnelle n’incluant pas nécessairement l’obligation de consentement de la famille d’origine. La rareté et le caractère aléatoire de ces situations rendent l’accès à l’adoption de facto moins aisé pour les candidats plus âgés. L’accueil réservé à cette question demeure délicat auprès des OAA. En effet, des candidats avec un projet le plus « ouvert » possible – c’est-à-dire le moins soumis à des critères limitatifs – sont favorisés, étant donné qu’ils pourront s’adapter à une plus grande diversité de projets : nourrissons comme enfants plus âgés.
  • [76]
    C’est là le résultat d’une simplification de la procédure antérieure, dans laquelle le courrier devait arriver très exactement le premier jour ouvrable du mois, donnant lieu à un véritable casse-tête postal pour les candidats. À une autre période, il fallait téléphoner aux OAA, mais l’absence de traçabilité quant aux informations données oralement a pu mener à des situations injustes, voire à des tris implicites.
  • [77]
    Le terme « quota » est utilisé par les acteurs de terrain eux-mêmes pour qualifier ce dispositif.
  • [78]
    Il s’agit très majoritairement de femmes menant leur grossesse dans le célibat ou dans le secret vis-à-vis d’une famille ou d’un conjoint.
  • [79]
    Tel est également le cas dans d’autres systèmes adoptifs (par exemple, en France), où l’État joue le rôle d’intermédiaire sans maintenir une continuité avec un projet des parents de naissance.
  • [80]
    Il convient toutefois de noter que, en novembre 2016, un OAA a accepté d’admettre une femme célibataire pour l’EPMS (sans que l’on sache, à l’heure de la recherche, si cela pourra déboucher sur la signature d’une convention).
  • [81]
    Contrairement aux couples de femmes, qui font préférentiellement appel à la PMA avec tiers-donneur et que l’on retrouve dès lors peu dans le système adoptif (cf. supra).
  • [82]
    Les voies d’accès à la parentalité biologique que sont la coparentalité et la gestation pour autrui (GPA) sont probablement encore vues comme trop marginales pour être abordées dans ce cadre.
  • [83]
    K. De Graeve, « Queering the Family? », op. cit.
  • [84]
    Il s’agit presque uniquement de femmes.
  • [85]
    Cf. notamment L. Ricroch, « En 25 ans, moins de tâches domestiques pour les femmes, l’écart de situation avec les hommes se réduit », Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), 2012, www.insee.fr ; L. Maron, « Les inégalités hommes-femmes dans l’utilisation du temps en Belgique », Brussels Economic Review/Cahiers économiques de Bruxelles, volume 53, n° 1, 2010, p. 129-156 ; C. Brugeilles, P. Sebille, « Le partage des tâches parentales : les pères, acteurs secondaires », Informations sociales, Caisse nationale d’allocations familiales (CAF), n° 176, 2013, www.caf.fr, p. 24-30.
  • [86]
    Sur cette problématique, cf. B. Perreau, « L’instrumentation biographique du risque : homosexualité et adoption plénière en France », Politique et sociétés, volume 26, n° 2-3, 2007, p. 91-103.
  • [87]
    C. Herbrand, « Déclinaisons du désir d’enfant dans les coparentalités homosexuelles », op. cit. ; E. Gratton, L’homoparentalité au masculin. Le désir d’enfant contre l’ordre social, Paris, Presses universitaires de France, 2008.
  • [88]
    M. Gross, « Désir d’enfant chez les gays et les lesbiennes », Terrain. Anthropologie et sciences humaines, n° 46, 2006, p. 151-164.
  • [89]
    Parmi ceux-ci, la coparentalité ou la GPA sont en effet des formes de parentalité très différentes, où le projet d’enfant ainsi que son accompagnement sont vécus de tout autre manière.
  • [90]
    En effet, des éléments biographiques personnels ou familiaux (décès prématurés, suicides, assuétudes, etc.) peuvent être des freins légitimes à l’accueil d’un enfant ayant connu les mêmes événements. Ce type de situation justifie d’ailleurs, selon les OAA, le fait que les candidats soient amenés à leur confier un maximum d’informations sur eux-mêmes, même lorsque ces informations ne semblent pas en lien direct avec leur projet d’adoption.
  • [91]
    Cf. supra, note 52.
  • [92]
    C. Herbrand, « L’adoption par les couples de même sexe », op. cit.
  • [93]
    B. Schneider, O. Vecho, « Le développement des adoptés par des familles homoparentales : une revue de la littérature », Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, volume 63, n° 6, 2005, p. 401-412 ; A. Carroll, L. R. Mendos, « State-Sponsored Homophobia. A World Survey of Sexual Orientation Laws: Criminalisation, Protection and Recognition », Association internationale des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans et intersexuées (ILGA), 2016, https://ilga.org.
  • [94]
    K. De Graeve, « Queering the Family? », op. cit. ; La Libre Belgique, 3 octobre 2007 ; Ligue des droits de l’homme (LDH), « Synthèse pédagogique. Position de la Ligue des droits de l’homme : homoparentalité, adoption par un couple homosexuel », s.d. [2007], www.liguedh.be ; T. Smets, « Nouvelle loi sur l’adoption par les couples homosexuels », Droit belge, 28 juin 2006, www.droitbelge.be. Le procédé est par contre régulièrement avéré pour la France : cf. B. Perreau, « L’instrumentation biographique du risque » , op. cit. ; A. Fine, « La question de l’adoption par les couples homosexuels », Cahiers français, n° 371, 2012.
  • [95]
    Nous avons limité notre échantillon de candidats adoptants à 2013, car il n’aurait pas été adéquat de prendre en compte l’intégralité des certificats de préparation de base dans le calcul : les candidats inscrits après 2013 avaient de fortes probabilités d’être encore en procédure en décembre 2016, comme en témoigne le fait que les enfants confiés en adoption interne en 2015 l’ont été à des candidats adoptants dont le certificat de préparation remontait à 2013 (à une exception près, qui l’a reçu en 2014).
  • [96]
    Moniteur belge, 12 août 1989.
  • [97]
    97 Moniteur belge, 23 septembre 1997.
  • [98]
    98 Moniteur belge, 8 septembre 2004.
  • [99]
    99 Moniteur belge, 16 septembre 2005.
  • [100]
    100 Moniteur belge, 2 mars 2012.
  • [101]
    101 Moniteur belge, 9 avril 2015.
  • [102]
    102 Moniteur belge, 7 août 2015.
  • [103]
    Jusqu’en 2014, s’ajoutait à cette liste l’Adoptiedienst Sociaal Centrum De Visserij.
  • [104]
    La raison de ce taux de refus moindre n’est pas établie. Il n’est en tout cas pas dû à un moindre respect, du côté néerlandophone, des volontés des parents biologiques à cet égard, de même qu’il ne peut être entièrement imputé à l’absence de régulation par quotas dans le système flamand.
  • [105]
    Kind & Gezin, « 10 jaar holebi-adopties », 20 avril 2016, www.kindengezin.be.
  • [106]
    Des pistes en termes d’adoption internationale semblent cependant s’ouvrir depuis que la présente recherche a été réalisée.
  • [107]
    Cf., par exemple, T. Scali, S. D’Amore, « Défis et besoins des intervenants psychosociaux en planning familial face à la thématique de l’homoparentalité », Thérapie familiale, volume 37, n° 2, 2016, p. 187-204.
  • [108]
    B. Schneider, O. Vecho, « Le développement des adoptés par des familles homoparentales », op. cit. ; D. Julien, « Trois générations de recherches empiriques sur les mères lesbiennes, les pères gays et leurs enfants », in P. Lafond, B. Lefebvre (dir), L’union civile. Nouveaux modèles de conjugalité et de parentalité au XXIe siècle, Cowansville, Yvon Blais, 2003, p. 359-384.
  • [109]
    Dans le cas des États-Unis, la situation est différente entre la Communauté française (qui met en avant le principe de double subsidiarité) et la Communauté flamande (qui a signé des conventions et entamé des procédures d’adoptions avec des organismes d’adoption états-uniens).
  • [110]
    À ce sujet, cf. N. Schiffino, « La régulation publique de la biomédecine », op. cit., p. 46-48.
  1. Introduction
  2. 1. Le cadre institutionnel et légal de l’adoption en Communauté française
    1. 1.1. Cadre institutionnel belge
    2. 1.2. Cadre légal international : les conventions
    3. 1.3. Cadre légal national et communautaire
    4. 1.4. Partenariats internationaux et conventions bilatérales
      1. 1.4.1. Critères d’établissement d’un partenariat international
      2. 1.4.2. Homoparentalité et adoption internationale
  3. 2. La procédure d’adoption
    1. 2.1. Adoption interne et adoption internationale : principaux repères
    2. 2.2. Parents d’origine : procédure avec consentement et procédure protectionnelle
    3. 2.3. Candidats adoptants : possibles freins sociaux, économiques et culturels dans l’accès à l’adoption
    4. 2.4. Préparation à l’adoption
    5. 2.5. Demande de recevabilité
      1. 2.5.1. Choix d’un OAA
      2. 2.5.2. Critères de recevabilité, listes d’attente et mode de régulation par quotas
      3. 2.5.3. Parents de naissance et projet parental
      4. 2.5.4. Candidatures reçues et candidatures retenues
    6. 2.6. Évaluation psycho-médico-sociale (EPMS)
      1. 2.6.1. Limites du projet d’adoption
      2. 2.6.2. Critères de légitimité : stérilité, disponibilité, altérité
    7. 2.7. Apparentement et jugement d’adoption
      1. 2.7.1. Apparentement
      2. 2.7.2. Jugement
    8. 2.8. Résumé
  4. 3. L’adoption en quelques statistiques
    1. 3.1. Adoption interne
    2. 3.2. Adoption internationale
    3. 3.3. Influence du profil des candidats adoptants
  5. 4. Un bref regard sur la situation en Communauté flamande
    1. 4.1. Cadre institutionnel et légal
    2. 4.2. Adoption interne
    3. 4.3. Adoption internationale
  6. Conclusion
Aurélie Aromatario
Louise de Morati
Kenzo Nera
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Ce Courrier hebdomadaire dresse un état des lieux qualitatif et quantitatif de l’adoption en Communauté française. L’approche est centrée sur les acteurs et sur les dispositifs de l’adoption.

En particulier, l’objectif est de déterminer si les candidats à l’adoption rencontrent plus ou moins de difficultés à voir aboutir leurs démarches selon la catégorie à laquelle ils appartiennent (à savoir les couples de sexes différents, les couples de même sexe et les personnes célibataires) et, le cas échéant, de relever les mécanismes institutionnels ou sociétaux à l’origine des différences constatées. Notamment, il s’agit d’examiner dans quelle mesure la loi du 18 mai 2006 autorisant l’adoption par les couples de même sexe a effectivement contribué à ouvrir l’accès de ces profils conjugaux à la parentalité adoptive.

L’étude présente le cadre institutionnel et légal de l’adoption en Communauté française, détaille la procédure d’adoption et livre quelques statistiques générales. Elle se complète par un bref regard sur la situation prévalant en Communauté flamande.

Mis en ligne sur Cairn.info le 09/03/2021
https://doi.org/10.3917/cris.2482.0005
ISBN 9782870752555
Pour citer cet article
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