CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1En décembre 2011, la formation du gouvernement fédéral Di Rupo, regroupant les partis socialistes, libéraux et de tradition sociale-chrétienne francophones et flamands (PS/ CD&V/MR/SP.A/Open VLD/CDH), met fin à la plus longue crise politique de l’histoire de la Belgique. Un record mondial a été battu à cette occasion ; il était détenu précédemment par l’Irak où, en 2009, 294 jours avaient été nécessaires pour constituer un exécutif. Le 1er décembre 2011, le président du PS, Elio Di Rupo, peut annoncer au roi Albert II la conclusion d’un accord de gouvernement. Le 5 décembre suivant, les membres du gouvernement Di Rupo sont nommés par le souverain, avant de prêter serment le lendemain, soit 540 jours après les élections fédérales anticipées du 13 juin 2010. Si l’on se rappelle que le précédent Premier ministre, Yves Leterme (CD&V), avait présenté la démission de son gouvernement (Leterme II : CD&V/MR/PS/Open VLD/CDH) le 22 avril 2010 et que celle-ci avait été acceptée par le Roi le 26 avril suivant, la durée de cette crise politique s’allonge encore : elle se porte alors à 588 jours.

2La formation du gouvernement Di Rupo a donné lieu à des négociations extrêmement intenses et complexes entre différentes formations politiques, selon des lignes qui ont évolué au fil du temps. Ces difficultés se sont exprimées tant sur le plan institutionnel – une sixième réforme de l’État a été négociée préalablement à la formation du gouvernement fédéral, avec l’appoint des partis écologistes (Écolo et Groen) – que sur le plan socio-économique.

3Concernant ce dernier volet, il faut rappeler le contexte économique global particulièrement troublé en 2010 et en 2011, à la suite de la crise financière et économique déclenchée en 2008. En Belgique, ce contexte a été marqué par de nombreuses pressions extérieures auxquelles les acteurs chargés par le Roi de former un gouvernement, ou d’avancer dans cette direction, ont été soumis. Il convient en particulier de pointer le rôle de la Commission européenne et du Conseil de l’Union européenne, et de la politique d’austérité budgétaire que ces institutions ont prescrite aux États membres en vertu d’un certain nombre de traités. L’influence grandissante des agences de notation financière a constitué un autre trait caractéristique de cette période, la formation du gouvernement Di Rupo ayant d’ailleurs été concomitante à la dégradation de la note de la Belgique par l’agence Standard & Poor’s  [1].

4Le présent Courrier hebdomadaire entend revenir sur un ensemble de mesures socio-économiques phares du gouvernement Di Rupo, à savoir les réformes de l’assurance chômage. Ces dernières ont eu un impact particulièrement important sur le plan social et ont affecté de nombreuses personnes. Nous examinons également la manière dont ces réformes ont été poursuivies par les deux gouvernements suivants, à savoir le gouvernement Michel I (formé le 11 octobre 2014 : N-VA/MR/CD&V/Open VLD) et, dans une moindre mesure, le gouvernement Michel II (à partir du 9 décembre 2018 : MR/CD&V/Open VLD, gouvernement minoritaire).

5L’assurance chômage a une histoire longue et mouvementée. Il s’avère ainsi nécessaire de poser, dans un premier chapitre, un certain nombre de jalons permettant de saisir les grandes évolutions qu’a connues cette réglementation au fil du temps.

6Ensuite, un deuxième chapitre, le plus long, est consacré à la genèse et à la mise en œuvre de l’accord politique intervenu en décembre 2011. Si la réforme de l’assurance chômage s’est traduite par une série de mesures, ce Courrier hebdomadaire se concentre sur les deux mesures les plus emblématiques que sont, d’une part, l’organisation d’une dégressivité accrue des allocations de chômage ordinaires et, d’autre part, la réforme des allocations d’insertion, anciennement qualifiées d’allocations d’attente. Dans ce même chapitre, les réactions de différents acteurs aux mesures adoptées par le gouvernement Di Rupo sont étudiées en adoptant un triple point de vue : politique, social et juridictionnel. Outre les réactions qui sont survenues sur un plan strictement politique (c’est-à-dire celles provenant de partis politiques), ce Courrier hebdomadaire s’intéresse aux réactions d’un certain nombre d’acteurs sociaux. Ces réactions ont revêtu diverses formes : positions adoptées par les syndicats de manière séparée ou en front commun, manifestations à l’appel des syndicats ou du monde associatif, positions exprimées par les organisations représentatives du patronat, etc. Enfin, sur le terrain juridictionnel, une série de recours, plus ou moins coordonnés, est également mise au centre de l’attention, recours qui ont visé, avec quelques premiers succès, à remettre en cause la constitutionnalité de certaines mesures prises par le gouvernement Di Rupo.

7Le troisième chapitre décrit les réformes décidées par les gouvernements Michel I et Michel II en matière d’assurance chômage, ainsi que les réactions suscitées par ces mesures en suivant la grille d’analyse décrite ci-dessus (réactions politiques, sociales et juridictionnelles).

8En conclusion, un bilan de ces réformes est dressé, de nature à permettre une évaluation des politiques à venir ou, à tout le moins, une compréhension plus fine du contexte dans lequel elles s’inscriront et des différents enjeux qui les affecteront.

9Il convient de préciser que les profondes modifications qui ont été apportées, à partir de 2004, à la réglementation du chômage en ce qui concerne le contrôle de la disponibilité des chômeurs sur le marché de l’emploi ne sont pas placées au centre de ce Courrier hebdomadaire, mais y sont abordées uniquement dans la mesure où elles permettent d’éclairer les différentes réformes adoptées sous les gouvernements Di Rupo, Michel I et Michel II. Dans le même ordre d’idées, la régionalisation du contrôle de la disponibilité des chômeurs, qui a fait suite à la sixième réforme de l’État, n’est considérée ici que de façon incidente, car une telle thématique ne pourrait être traitée de façon adéquate dans le cadre restreint de cette étude. Enfin, étant donné la complexité de la matière et son caractère de « chantier permanent »  [2], ce Courrier hebdomadaire ne prétend pas à l’exhaustivité. Seules les réformes ayant eu l’impact socio-politique le plus notable y sont décrites et analysées. D’autres mesures ayant été décidées durant la période de référence que passe en revue cette étude ne font pas l’objet d’un examen approfondi, mais sont simplement signalées au fil de l’exposé  [3].

1. La réglementation du chômage en Belgique : quelques jalons historiques

10La question qui sera posée dans le chapitre inaugural de ce Courrier hebdomadaire est la suivante : quelle était la situation de la réglementation du chômage en 2011, au moment des réformes décidées par le gouvernement Di Rupo ? Il est en effet difficile d’identifier la portée de ces mesures si l’on ne dispose pas d’une cartographie claire de la situation précédemment applicable. Il ne suffit pas, à cet égard, de proposer une photographie de la situation réglementaire existant à l’automne 2011. Un tel instantané ne serait pas apte à rendre compte de la genèse des mécanismes qui ont fait l’objet de modifications entre 2011 et 2019.

11Une mise au point historique est donc proposée ci-dessous, qui reprend les moments cruciaux d’une lente évolution. Seuls quelques jalons sont posés pour aboutir à la période qui intéresse directement ce Courrier hebdomadaire, à savoir les politiques d’austérité mises en place après la crise économique et financière déclenchée en 2008, parmi lesquelles il convient de ranger les réformes successives de l’assurance chômage  [4].

1.1. La prise en charge du chômage involontaire avant la Seconde Guerre mondiale

12Au XIXe siècle, afin de faire face à la détresse sociale des ouvriers qui se trouvent privés d’emploi, et dont les familles sont dès lors dépourvues de ressources hormis celles provenant éventuellement de la charité, des initiatives naissent qui ont pour caractéristique d’être spontanées, c’est-à-dire de provenir des organisations ouvrières elles-mêmes. En d’autres termes, le système belge d’assurance chômage a partie liée avec l’émergence et la consolidation du mouvement syndical. Des caisses de solidarité sont mises en place, qui doivent permettre aux ouvriers confrontés au chômage involontaire de disposer d’un revenu de remplacement et, par conséquent, d’éviter que ceux-ci fassent pression à la baisse sur les salaires en proposant leurs services à moindre coût. Ces caisses sont gérées par les syndicats de manière autonome.

13À la demande même des syndicats, ces initiatives sont relayées par les pouvoirs publics à partir de la fin du XIXe siècle. De manière schématique, deux systèmes s’affrontent alors, fonctionnant dans différentes régions du pays, fondés l’un et l’autre sur une conception différente de l’articulation entre initiatives publiques et privées quant à la prise en charge du risque de chômage involontaire. Tandis que le système liégeois repose sur l’octroi de subsides payés directement aux caisses de chômage syndicales, afin de soutenir leur action en faveur de leurs affiliés, le système gantois mise sur l’institution de fonds de chômage communaux gérés de façon paritaire par les autorités locales et les syndicats, sans que ceux-ci soient soutenus financièrement en tant que tels. C’est le système gantois, encore appelé de cette façon à travers le monde aujourd’hui, qui sera privilégié et se développera au début du XXe siècle à travers la Belgique  [5].

14Le système mis en place à cette époque reste profondément éclaté. Chaque caisse de chômage se dote de sa propre réglementation, sans qu’un effort d’uniformisation des prestations ou de leur durée soit entrepris  [6]. Toutefois, certaines caractéristiques, liées entre elles, du système belge d’assurance chômage – caractéristiques qu’il partage avec l’ensemble des pays industrialisés – sont déjà en voie de consolidation. D’une part, l’entrée dans le chômage doit être involontaire et ne pas être due au fait même de la personne qui sollicite une prise en charge du risque social auquel elle est confrontée. D’autre part, cette même personne doit se montrer disponible à accepter un travail qui lui serait proposé.

15À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, on assiste ainsi progressivement à l’émergence du chômeur en tant que catégorie sociale et juridique spécifique. Celle-ci diffère sur de nombreux points de celle de l’indigent, à laquelle le travailleur involontairement privé d’emploi était assimilé au XIXe siècle, siècle marqué par une misère sociale de grande ampleur qui a accompagné la révolution industrielle. L’intervention des pouvoirs publics dans le paiement des allocations est par ailleurs déterminante. Elle permet d’augmenter la durée de la protection, de quelques jours à quelques semaines, et de rendre dès lors celle-ci plus effective.

16La Première Guerre mondiale est marquée par l’apparition d’une première expérience de système généralisé de soutien aux personnes sans emploi, marquée par une logique assistancielle plus qu’assurancielle : le système de secours-chômage  [7]. Même s’il est mis fin à ce système après la guerre, l’idée de l’édification d’un système centralisé continue à faire son chemin dans l’entre-deux-guerres. Durant cette période, une étatisation croissante de la problématique du chômage est à l’œuvre. Toutefois, ce processus est loin d’être linéaire. Dans quelle mesure les pouvoirs publics doivent-ils prendre en charge le risque de chômage involontaire ? La période de l’entre-deux-guerres est marquée par une lutte entre diverses conceptions concurrentes à ce propos. En outre – faut-il le rappeler –, la physionomie de l’entre-deux-guerres est en partie déterminée par un événement socio-économique de grande ampleur et sans précédent : la crise économique de 1929, qui modifie l’ensemble des problèmes liés à l’emploi.

17L’expérience du Fonds national de crise (FNC) articule les deux logiques, assurancielle et assistancielle, qui s’affrontent alors. Ce fonds est mis en place en 1920 alors qu’« une crise économique majeure touche la Belgique »  [8]. Il est chargé d’assumer deux rôles : d’une part, il soutient financièrement les caisses syndicales, dépassées par l’ampleur prise par le phénomène du chômage (volet assuranciel) ; d’autre part, il opère comme un système d’assistance supplétive pour les chômeurs affiliés à une caisse de chômage qui sont arrivés en fin de droits et sont confrontés au besoin (volet assistanciel). La création du FNC conduit à une augmentation sensible du nombre de personnes affiliées à une organisation syndicale. La protection étant garantie par un organe étatique, elle devient, en effet, beaucoup plus intéressante et effective.

18Cette création se double de l’édiction d’une législation en matière d’assurance chômage, sous la forme d’une réglementation-cadre, c’est-à-dire « qui encadre – mais sans les uniformiser – les modalités de l’intervention des caisses syndicales et des fonds communaux »  [9], car il existe à l’époque plus de 150 caisses syndicales  [10].

19Cette législation est toutefois particulièrement instable et fait l’objet d’incessantes modifications. Ses caractéristiques générales peuvent être résumées comme suit : le stage qu’est tenu d’effectuer le travailleur désireux de bénéficier d’une protection dure un an, l’assurance ne couvre que le chômage involontaire et la période d’indemnisation est de 60 jours.

20On a indiqué que la période de l’entre-deux-guerres avait été marquée par des luttes politiques entre différentes conceptions du rôle des pouvoirs publics face au chômage  [11]. C’est surtout après le krach boursier de 1929, et en raison de la grave crise économique qu’il provoque, que cette lutte s’engage sur le terrain politique, notamment en Belgique. Il faut dire que le chômage s’accroît alors de façon dramatique dans le pays.

21De manière quelque peu paradoxale, cette bataille entre conceptions différentes du rôle des pouvoirs publics fait également apparaître un consensus sur un point crucial, ce qui constitue une indéniable nouveauté par rapport à la situation antérieure. Tous les acteurs et les observateurs admettent que l’on ne peut se contenter d’une simple solution de laisser-faire : il faut intervenir. Mais de quelle façon  [12] ? De manière schématique, durant les années 1930, trois options sont sur la table, incarnées par trois acteurs principaux : le patronat, les syndicats et un gouvernement dominé à l’époque par une ligne conservatrice.

22Le patronat s’oppose par principe à l’assurance chômage, car un tel mécanisme constituerait une entrave au libre marché du travail dans lequel doit s’opérer un équilibre entre l’offre et la demande. Toutefois, comme cela vient d’être indiqué, le patronat ne va pas jusqu’à refuser toute intervention publique visant à atténuer certains effets sociaux du chômage involontaire.

23Le monde syndical est quant à lui agité par une lutte interne. Celle-ci oppose, d’une part, les tenants, essentiellement socialistes, d’une étatisation complète du chômage qui permettrait de décharger les syndicats de tâches devenues encombrantes et de se concentrer sur la contestation et, d’autre part, ceux qui prônent une consolidation du système en place, dans lequel les syndicats jouent un rôle important. C’est cette deuxième option, largement majoritaire au sein du monde ouvrier chrétien, qui semble recueillir au total le plus d’adhésion, en raison de l’appui additionnel d’une partie du mouvement socialiste.

24Pour sa part, le gouvernement est soucieux du coût important du chômage en cette période de crise : celui-ci représente 10 % des dépenses de l’État en 1932. La réponse porte un nom qui est familier à nos oreilles contemporaines : politiques d’austérité  [13]. La position des forces politiques conservatrices rejoint ainsi celle du patronat : puisque l’« assurance chômage » s’est transformée, selon eux, en « assistance chômage », il faut rendre le système moins généreux  [14]. Cette stratégie prend la forme d’une « politique de restriction drastique des dépenses »  [15] qui se concrétise dans une série de mesures : les femmes mariées se voient exclues du système, une définition revue et plus restrictive de la notion d’état de besoin est mise en avant (qui conditionne l’intervention, de nature assistancielle, fournie par le FNC au-delà de 60 jours), les sanctions pour manquements aux obligations inhérentes aux différents systèmes de chômage sont alourdies, une réforme des suppléments est entreprise, et un système de réquisition des chômeurs pour effectuer des travaux d’intérêt général est pour la première fois établi.

25En 1935, la crise se fait moins dure et la situation politique se modifie : les socialistes (POB) reviennent au pouvoir, au sein du gouvernement Van Zeeland I. Un nouvel organisme central est créé, qui remplace les fonds de chômage communaux et le FNC : l’Office national du placement et du chômage (ONPC, qui sera rebaptisé Office national de l’emploi - ONEM en 1961). L’ONPC agit à la fois comme organisme de placement des travailleurs sans emploi, chargé à ce titre de leur orientation sur le marché de l’emploi, et comme organisme investi d’une mission de contrôle du respect par les chômeurs des conditions d’octroi de leurs allocations  [16]. Cet organisme parastatal fait l’objet d’une gestion paritaire entre représentants des employeurs et représentants des travailleurs.

26S’ouvre alors une période de discussion sur les contours d’un futur système public et obligatoire d’assurance chômage cogéré par les acteurs sociaux eux-mêmes. En 1936, le gouvernement nomme Henri Fuss, une personnalité socialiste, au poste de commissaire royal au chômage. Dans son rapport  [17], celui-ci met en avant une solution de compromis. Il appelle de ses vœux la création d’un système obligatoire, le paiement des allocations étant assuré par le service public du chômage pour les travailleurs sans emploi non syndiqués et par les syndicats pour leurs affiliés. Les bases du système actuel sont posées. À l’époque, cette solution n’emporte cependant pas la conviction du gouvernement.

1.2. L’arrêté-loi du 28 décembre 1944 et la mise en place d’un régime obligatoire d’assurance chômage pour les travailleurs salariés (1944-1960)

27La Seconde Guerre mondiale est marquée par un régime de soutien aux chômeurs de nature assistancielle qui correspond à un retour à la situation qui avait prévalu au XIXe siècle et au système de secours-chômage mis en place pendant la Première Guerre mondiale. Ce retour en arrière, dû à l’occupant allemand et aux autorités ayant collaboré, peut expliquer la ferme volonté exprimée par l’ensemble des acteurs concernés, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, « de tourner définitivement le dos au modèle de l’assistance, au profit de la mise en place d’un système à caractère plus assuranciel »  [18].

28Le texte de référence est ici le célèbre arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs  [19], qui met en œuvre le « projet d’accord de solidarité sociale » négocié dans la clandestinité par le « Comité patronal-ouvrier » présidé par H. Fuss  [20]. En matière d’assurance chômage, ce texte, qui a certes fait l’objet de diverses modifications au fil du temps, constitue encore aujourd’hui le socle légal de la matière. Le régime de chômage alors mis en place devait être provisoire. Comme cela arrive parfois, le bâtiment provisoire est devenu définitif  [21].

29Il est courant de citer le rapport au Régent qui précède l’arrêté-loi du 28 décembre 1944  [22]. Il s’agit en effet d’un texte fondateur, qui éclaire les intentions du législateur. Si ce dernier est résolument tourné vers l’avenir, il est également soucieux de tenir compte des expériences passées. D’un côté, les acteurs sociaux et le législateur souhaitent marquer une rupture nette à l’égard de ce qui était de mise pendant l’Occupation, durant laquelle les chômeurs ont été assimilés à des indigents. Le système mis en place repose ainsi sur une logique assurancielle et non assistancielle. Toutefois, il ne s’agit pas de faire du passé table rase, de marquer une rupture absolument radicale, mais de s’inspirer également des expériences d’avant-guerre.

30Quelle est la grande révolution en la matière ? Contrairement à ce qui était de mise précédemment, le système devient obligatoire pour tous les travailleurs salariés  [23]. Il s’agit là d’une révolution à la fois silencieuse et transversale, c’est-à-dire partagée par l’ensemble des branches de la sécurité sociale, et peut-être silencieuse parce que transversale. Elle n’est que peu voire pas justifiée dans le rapport au Régent en ce qui concerne l’assurance chômage, sans doute parce qu’un tel choix n’est pas posé pour celle-ci uniquement mais pour l’ensemble des branches de la sécurité sociale. Quel que soit le risque considéré, le législateur entend en effet instaurer des systèmes obligatoires et non plus facultatifs  [24].

31Comme le rappelle Pierre Reman (UCL), loin d’être née en 1944, la sécurité sociale s’est construite en Belgique de façon progressive : « Si l’on prend comme référence les assurances sociales obligatoires pour les travailleurs salariés, il convient de remonter à 1903, année où les premières dispositions obligatoires furent prises en matière de couverture des accidents du travail. Quelques années après, en 1924 et 1925, ce fut l’assurance vieillesse qui rentra dans un système d’obligation. En 1927, ce fut le tour des maladies professionnelles et, en 1930, fut créé un système obligatoire d’allocations familiales. Enfin, en 1936, des dispositions obligatoires furent prises en matière de vacances annuelles. Seules l’assurance maladie-invalidité et l’assurance chômage restaient des assurances libres, subventionnées par les pouvoirs publics »  [25].

32Concernant le rôle joué par les syndicats, c’est à peu de choses près le compromis élaboré par le commissaire au chômage H. Fuss avant la guerre qui est adopté  [26]. Les syndicats sont ainsi consacrés en tant qu’organismes de paiement vis-à-vis de leurs membres, tandis que les administrations communales jouent ce rôle vis-à-vis des travailleurs non syndiqués. En 1951, les administrations communales seront déchargées de cette tâche au profit d’un nouvel organisme public – dénommé dans un premier temps Organisme officiel de paiement des allocations de chômage (OOPAC) et rebaptisé en 1955 Caisse auxiliaire de paiement des allocations de chômage (CAPAC) – toujours actif aujourd’hui.

33Si l’article 7 de l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 définit les grandes lignes du système, ses modalités plus précises sont fixées par un arrêté du Régent du 26 mai 1945, véritable premier code du chômage  [27]. Quelles en sont les grandes caractéristiques ?

34Arrêtons-nous en premier lieu sur les bénéficiaires du nouveau régime d’assurance chômage obligatoire. L’une des grandes caractéristiques du système belge d’assurance chômage – qui sera d’ailleurs souvent évoquée dans ce Courrier hebdomadaire – est introduite en 1945  [28] : les bénéficiaires ne sont plus uniquement les travailleurs salariés qui ont cotisé pendant une période donnée, mais également les jeunes âgés de moins de 25 ans qui ont terminé des études leur donnant accès à une profession. Il est à souligner que le fait d’avoir terminé des études secondaires générales n’est donc pas jugé suffisant : les études prises en considération doivent effectivement préparer à l’exercice d’une profession. En revanche, il n’est pas requis que ces études soient réussies. Le demandeur doit avoir suivi un cycle d’études et être déchargé des obligations qui en découlent (suivre des cours, rédiger un mémoire de fin d’études, etc.).

35Si l’accomplissement d’un stage n’est pas requis en 1945, une condition de passé de travail et de durée de cotisation (pour les travailleurs) ou de carence (pour les jeunes sortis des études) sera introduite en 1951. Il sera alors requis des travailleurs sans emploi qu’ils aient travaillé et cotisé 6 mois au cours des 10 mois qui précèdent la survenance du risque  [29]. Les jeunes sortant des études devront quant à eux effectuer un « stage » – concrètement, chercher de l’emploi sans être encore indemnisés – d’une durée de 75 jours avant de percevoir des allocations.

36Outre ces conditions d’admissibilité au système d’assurance chômage, penchons-nous sur les conditions d’octroi qui le régissent. En matière d’assurance chômage, il convient en effet de distinguer entre les conditions d’admissibilité et les conditions d’octroi. Les premières sont celles qui tracent le cercle des bénéficiaires de la protection que constitue le régime d’assurance chômage et qui doivent, par voie de conséquence, être réunies avant qu’une indemnisation puisse intervenir. Les secondes sont celles qui sont requises après la survenance du risque pris en charge (en l’occurrence, le chômage involontaire) pour que l’indemnisation puisse effectivement avoir lieu.

37À partir de 1945, comme cela vient d’être indiqué, le cercle des bénéficiaires de l’assurance chômage est constitué non seulement par les travailleurs salariés engagés dans les liens d’un contrat de travail, mais aussi par les jeunes de moins de 25 ans sortis des études, moyennant, à partir de 1951, une condition supplémentaire de stage (ou de période de carence). Une fois que ces conditions d’admissibilité sont réunies, le demandeur doit encore remplir les conditions d’octroi auxquelles le paiement effectif des allocations de chômage est subordonné. Le chômeur doit ainsi être « apte au travail, privé de travail et de rémunération à la suite de circonstances indépendantes de sa volonté, et disponible pour le marché de l’emploi, c’est-à-dire inscrit comme demandeur d’emploi auprès des services de placement et disposé à accepter tout emploi convenable qui lui serait proposé »  [30].

38En ce qui concerne la période qui est considérée ici, à savoir celle qui débute à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les conditions d’octroi restent globalement identiques à celles qui étaient déjà de mise avant la guerre : n’est pris en charge que le chômage qui a été causé et qui perdure involontairement. Contrairement à ce qui est parfois affirmé, il s’agit là d’une caractéristique classique des systèmes d’assurance chômage qui sont mis en place dans divers pays au cours du XXe siècle, et non d’une spécificité du système belge  [31].

39Comment est calculé le montant des allocations ? Celles-ci sont forfaitaires. Toutefois, des adaptations des montants forfaitairement arrêtés interviennent en fonction de divers paramètres dont certains imprègnent encore la réglementation actuelle, comme la composition du ménage, le passé professionnel et, dans une moindre mesure, l’âge. D’autres critères ont en revanche disparu depuis lors, comme le sexe et le lieu de résidence (une distinction était en effet opérée en fonction du lieu de résidence du chômeur, selon qu’il se situait en milieu rural, urbain ou intermédiaire  [32]). À l’époque, « le caractère assuranciel du système reste peu affirmé »  [33]. L’indexation automatique des allocations sera décidée assez rapidement, à la fin des années 1950, afin de neutraliser les effets de l’inflation.

40Quelle est la durée de la protection qu’organise l’arrêté du Régent du 26 mai 1945 ? Une autre grande caractéristique du système belge est ici introduite, à côté de l’élargissement du cercle de ses bénéficiaires aux jeunes sortis des études (et non uniquement aux travailleurs salariés), à savoir son caractère illimité dans le temps. Cette « illimitation dans le temps des allocations de chômage constitue une caractéristique particulièrement originale du système belge d’assurance chômage. Il semblerait même qu’elle soit unique au monde », écrit Daniel Dumont (ULB)  [34].

41Ce système d’illimitation est cependant dès le départ tempéré par la mise en place d’une procédure de sanction pour chômage dit anormal (c’est-à-dire anormalement long ou fréquent), qui va évoluer par étapes à partir de 1951  [35]. Quelles sont les personnes visées par une telle procédure d’exclusion pour chômage anormal ? Les directeurs des bureaux régionaux de l’ONPC (puis de l’ONEM) « sont habilités à exclure des allocations les chômeurs qui cohabitent avec un travailleur indépendant ainsi que les femmes mariées, lorsque le chômage se prolonge ou se renouvelle d’une manière jugée anormale au regard d’un certain nombre de critères établis par le comité de gestion de l’ONPC »  [36].

42L’objectif de ce mécanisme est assez clair : il s’agit d’exclure du système du chômage les personnes qui ne sont pas réellement disponibles pour le marché de l’emploi et d’éviter ainsi que les allocations de chômage ne deviennent un revenu d’appoint pour les ménages  [37].

1.3. Des années de prospérité (1960-1974) aux années de crise (1975-1990)

43Durant les années 1960 et le début des années 1970, on assiste à une stabilisation du régime dans un contexte de prospérité économique qui est marqué, sinon par le plein emploi, par un faible taux moyen de chômage  [38]. Au début des années 1960, la réglementation de l’assurance chômage est codifiée dans un nouvel arrêté royal, qui restera en vigueur pendant près de trois décennies : celui du 20 décembre 1963  [39].

44Durant cette période, les modifications restent limitées s’agissant des conditions d’admissibilité et d’octroi. Signalons tout de même, en ce qui concerne l’assimilation des jeunes sortant des études à des travailleurs salariés en ordre de cotisation, une évolution importante. Alors que précédemment les études visées par la réglementation devaient préparer à l’exercice d’une profession, « le spectre des études prises en considération pour ouvrir le droit au chômage est étendu aux études secondaires générales. De la sorte, sont désormais couverts par la protection contre le chômage les jeunes qui ont terminé des études secondaires même si celles-ci ne préparent pas directement à l’exercice d’un travail salarié »  [40].

45On observe par ailleurs deux évolutions majeures. D’une part, le contrôle juridictionnel de la réglementation est confié aux juridictions du travail de l’ordre judiciaire nouvellement créées, les tribunaux du travail en première instance et les cours du travail en appel (alors que, auparavant, c’étaient des commissions administratives ad hoc qui étaient compétentes). D’autre part, les modalités de calcul des allocations sont profondément revues et désormais liées à la rémunération perdue, ce qui témoigne d’un renforcement du caractère assuranciel du système.

46En 1971, les critères utilisés pour fixer le montant des allocations (âge, sexe, composition du ménage et lieu de résidence) sont profondément revus  [41]. Afin de déterminer le montant de l’allocation, désormais proportionnelle au salaire perdu, une seule qualité est désormais pertinente, celle de chef de ménage. De manière synthétique, le système mis en place est le suivant. La première période à considérer est la première année où des allocations sont dues, durant laquelle le chômeur perçoit 60 % de son ancienne rémunération (qui est plafonnée). À partir de la deuxième année de chômage, en ce qui concerne les allocataires qui ne sont pas chefs de ménage, ce taux descend à 40 %, tandis que, pour les chefs de ménage, l’allocation reste constante. Cette évolution constitue une avancée dans le sens d’une individualisation du montant des allocations, qui traduit une accentuation du caractère assuranciel du système. Celui-ci est toutefois encore tempéré par deux éléments : d’une part, l’ancienne rémunération n’est considérée que dans les limites d’un plafond, qualifié de plafond salarial, et, d’autre part, la situation personnelle de l’allocataire reste encore prise en compte, mais seulement par le biais d’une bipartition entre les chefs de ménage et les autres personnes, là où de nombreux autres facteurs intervenaient précédemment.

47C’est également durant cette période que les allocations de chômage, comme les autres indemnités de sécurité sociale, sont liées à « l’évolution du “bien-être”, entendu comme le pouvoir d’achat obtenu par les travailleurs grâce aux augmentations salariales décrochées hors indexation »  [42]. Cette liaison automatique, décidée en 1974 en ce qui concerne les allocations de chômage, est cependant rapidement abandonnée (dès 1976) en raison des coûts qu’elle engendre  [43]. De façon plus générale, le nouvel équilibre mis en place durant cette période ne va pas survivre à la pression des événements. La crise économique qui survient au milieu des années 1970 marque le début d’un changement d’approche qui se traduit par un retour à une logique assistancielle plutôt qu’assurancielle. Il faut dire que le choc est particulièrement rude sur le plan économique, et l’augmentation du chômage particulièrement nette, voire dramatique : « De 1973 à 1983, le chômage – et donc les dépenses de l’ONEM – connurent une croissance exponentielle. Le nombre de chômeurs (prépensionnés compris) passa de 125 000 à 700 000 ; les dépenses passèrent de 13 à 187 milliards de francs belges. Dans les années qui suivirent, la croissance du chômage se ralentit, sans cependant jamais vraiment cesser »  [44].

48L’un des traits caractéristiques de la réglementation du chômage, à savoir sa grande instabilité, est encore renforcé en cette période de crise. À la fin des années 1970 et durant les années 1980, l’assurance chômage connaît une « déferlante de modifications en tous sens », notamment « en raison de l’instabilité gouvernementale et du contexte économique catastrophique »  [45].

49À la suite de D. Dumont, il est possible de rendre compte de cet apparent chaos en distinguant deux moments. D’une part, une approche restrictive est privilégiée de façon concomitante – mais non de façon concertée – par deux acteurs institutionnels : l’ONEM, qui fait un large usage de l’arme de l’exclusion pour chômage anormal, et la Cour de cassation, qui s’emploie à interpréter la réglementation de façon particulièrement stricte. D’autre part, second moment à considérer, le pouvoir exécutif s’efforce de reprendre en main la réglementation. Il s’agit alors de faire face à l’hémorragie budgétaire tout en maintenant un minimum vital aux personnes exclues du marché du travail. En conséquence, le régime de l’assurance chômage subit une forte inflexion assistancielle  [46]. Une série de mesures ou de pratiques peuvent ici être rappelées : « La quasi-démission de fait des services de placement, le boom des prépensions, le soutien pécuniaire apporté aux chômeurs qui se contentent d’un emploi à temps partiel tout en restant formellement inscrits comme demandeurs d’emploi, la création de postes de travail massivement subsidiés par les pouvoirs publics, l’assouplissement des conditions d’admissibilité à l’assurance chômage au profit des jeunes, la multiplication des régimes de dispense des obligations qui découlent classiquement du statut de chômeur involontaire, la renonciation à chercher à définir et à sanctionner le chômage qui se prolonge anormalement »  [47].

50L’une des décisions notables de cette période est la complexification de la distinction, introduite en 1971, entre chefs de ménage et non-chefs de ménage, seule pertinente, avec la durée du chômage pour les seconds, pour déterminer le montant de l’allocation due. Un arrêté royal, adopté le 24 décembre 1980 à l’initiative du ministre du Travail et de l’Emploi du gouvernement Martens IV (composé des sociaux-chrétiens et des socialistes), Roger De Wulf (SP), introduit en effet une distinction au sein de la seconde catégorie : les non-chefs de ménage peuvent désormais soit être des « isolés », soit appartenir à la catégorie des « autres travailleurs » (qui sont couramment appelés « cohabitants »), le montant alloué à ces derniers étant fortement réduit  [48].

51S’ensuit une période durant laquelle les montants des allocations de chômage sont réduits et la dégressivité de celles-ci accentuée  [49]. C’est également à cette époque que l’assimilation entre jeunes sortis des études et travailleurs salariés est rompue  [50]. Les allocations versées aux jeunes chômeurs sont désormais qualifiées d’allocations d’attente et « le taux et les conditions d’octroi (notamment la durée du stage d’attente) [s’écartent] progressivement des allocations de chômage acquises sur la base d’une occupation »  [51]. Si la situation pécuniaire des jeunes sortis des études est affaiblie, les conditions permettant d’accéder à ces allocations d’attente sont en revanche adoucies  [52]. La condition d’âge, qui était auparavant fixée à 25 ans, est progressivement relevée à 30 ans. En outre, « les études prises en considération pour ouvrir l’admission au bénéfice de l’assurance chômage font l’objet de nouveaux assouplissements. Sont ainsi prises en compte toutes les études relevant de l’enseignement secondaire professionnel ou technique inférieur. Par conséquent, le lien originel entre l’admissibilité aux allocations et la réalisation d’études directement professionnalisantes devient pour le moins ténu »  [53].

52S’agissant des allocations de chômage ordinaires, une réforme particulièrement marquante est celle qui touche au « mécanisme de sanction pour chômage anormalement long ou fréquent » qui est, en 1986, « entièrement remplacé par une nouvelle procédure de suspension des allocations pour chômage de longue durée »  [54]. Cette suspension n’est désormais applicable qu’aux chômeurs âgés de moins de 50 ans, cohabitants, indemnisés au forfait et dont les revenus du ménage ne sont pas inférieurs à un certain seuil  [55]. L’utilisation d’un tel critère réintroduit la notion de besoin – et, partant, une logique assistancielle – dans le régime en principe assuranciel qu’est le chômage (même si la dimension assurancielle du chômage a été, comme nous l’avons vu, affectée dès l’origine par un certain nombre de tempéraments).

53Ce régime de sanction s’éloigne ainsi de sa raison d’être originelle, à savoir opérer un contrôle du caractère involontaire du chômage. La sanction en vient à s’appliquer quasi automatiquement après l’écoulement d’un certain délai. Il reste certes possible d’y échapper, mais la preuve apportée par le chômeur de recherches effectuées afin de retrouver un travail n’est à cet égard pas suffisante : le chômeur doit démontrer qu’il a fourni des efforts « exceptionnels et continus pour sortir du chômage »  [56]. Il s’agit là d’un retournement majeur car l’utilisation d’un tel critère, extrêmement restrictif, revient à déplacer la charge de la preuve du caractère involontaire du chômage sur les personnes qui appartiennent à la catégorie concernée. En d’autres termes, au milieu des années 1980, une logique quasi automatique, mais qui ne s’applique qu’à une catégorie précise d’allocataires – à savoir une partie des chômeurs dits cohabitants –, en vient à régir la procédure de suspension pour chômage de longue durée. Le changement de terminologie est d’ailleurs en lui-même symptomatique : « L’objectif poursuivi n’est plus d’abord de sanctionner le chômage jugé anormalement long ou fréquent, sur la base d’une appréciation individuelle de la situation du chômeur, mais – et c’est très différent – le chômage de longue durée en lui-même »  [57].

54Le trait le plus important de cette période est ainsi, sans doute, la quasi-disparition de toute forme de contrôle de la disponibilité des chômeurs. Un tel changement se traduit également dans un assouplissement apporté à l’une des modalités emblématiques du chômage, le pointage, qui existait depuis les origines. Alors que, hors cas de dispense – qui, il est vrai, en étaient venus à se multiplier –, le pointage devait s’effectuer sur une base quotidienne, il devient bimensuel en 1991.

55Sous la pression de la crise, un nouveau paradigme semble ainsi émerger en matière de chômage. Dans de telles conditions économiques où le travail, autrefois abondamment ou en tout cas largement disponible, est devenu une ressource rare  [58], certaines personnes ne sont-elles pas désormais « perdues » pour le marché de l’emploi ? En d’autres termes, les critères historiques qui régissent ce domaine – chômage involontaire et disponibilité pour le marché du travail – ne sont-ils pas devenus obsolètes  [59] ? L’inflexion assistancielle du régime se traduit par l’assouplissement des conditions qui donnent accès aux allocations et à leur maintien, ainsi que – en guise de contrepartie, en quelque sorte – par le faible montant de celles-ci. À la fin des années 1980, toutes catégories confondues, environ un million de personnes bénéficient d’une allocation à charge de l’assurance chômage en Belgique.

1.4. Des années d’indécision (1991-1998) à l’État social actif (1999-2007)

56Les années 1990 correspondent à une période de flottement, même si l’avalanche réglementaire se poursuit : après une refonte – d’ailleurs couronnée de succès, si l’on se place sur un plan strictement légistique  [60] – de la matière en 1991 dans un nouveau « code du chômage », qui règle encore la matière aujourd’hui, l’instabilité chronique dont souffre ce domaine du droit revient en force  [61]. Le gouvernement alors en place s’inscrit dans la continuité de la stratégie mise en œuvre dans les années 1980. Il s’agit de gérer les effets de la crise, qui se fait moins dure mais est toujours bien présente, tout en assurant un revenu minimum aux individus frappés par le chômage.

57L’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage est ainsi adopté par le gouvernement Martens IX (CVP/PS/SP/PSC)  [62] et mis en œuvre par l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991  [63]. Cet arrêté royal, plusieurs fois modifié depuis lors, constitue le « code du chômage » aujourd’hui applicable. Comme cela a été dit, cette refonte est suivie par de nouvelles et incessantes modifications de la réglementation en vigueur  [64]. L’heure est à l’austérité. Les mesures prises s’inscrivent dans des plans d’économie mis en œuvre par les gouvernements sociaux-chrétiens et socialistes successifs (Dehaene I et II, CVP/PS/SP/PSC) afin de tenir le cap fixé par les institutions européennes et de ne pas manquer le train de l’union économique et monétaire.

58Quelles tendances retenir de cette période ? Pour alléger le budget, le gouvernement opte pour un durcissement de la politique de sanctions. L’une des réformes emblématiques, adoptée en 1994, vise ainsi à restreindre l’accès des jeunes aux allocations de chômage, qu’elles soient ordinaires (c’est-à-dire basées sur des prestations de travail salarié antérieures) ou d’attente (c’est-à-dire ouvertes sur la base de l’accomplissement d’études). La durée du stage est allongée concernant deux catégories : les (jeunes) travailleurs et les étudiants.

59Concernant les travailleurs, les exigences étaient précédemment conçues de la manière suivante : les travailleurs âgés de 18 ans à moins de 26 ans devaient justifier de 156 journées de travail durant une période de référence de 10 mois avant l’introduction de leur demande ; ceux âgés de 26 ans à moins de 36 ans, 312 journées de travail durant 18 mois ; ceux âgés de 36 ans à moins de 50 ans, 468 journées de travail durant 27 mois ; enfin, ceux âgés de 50 ans et plus, 624 journées de travail durant 36 mois. Ce système était bien sûr fondé sur l’idée qu’il est plus difficile pour un jeune travailleur que pour un travailleur plus âgé d’apporter la preuve d’un passé professionnel important.

60En 1994, les deux premières catégories sont fusionnées et seules les conditions plus strictes applicables à la seconde sont conservées : désormais, le jeune travailleur âgé de 18 à 36 ans devra justifier de 312 journées de travail accomplies durant une période de référence de 18 mois.

61Qu’en est-il des changements apportés au système du stage et des allocations d’attente ? Le système est sensiblement modifié s’agissant de certaines catégories. La durée du stage d’attente est prolongée. Elle passe de 77 à 155 jours pour les personnes âgées de moins de 18 ans et de 155 à 233 jours pour les demandeurs âgés de 18 à moins de 26 ans, ce qui reporte d’autant l’entrée des jeunes ayant terminé leurs études dans le système des allocations d’attente. La durée du stage applicable aux demandeurs âgés de 26 à moins de 30 ans n’est quant à elle pas modifiée : 310 jours sont requis, à savoir un an suivant la réglementation du chômage (qui compte encore en semaines de 6 jours).

62L’époque est également marquée par un renforcement des sanctions  [65]. Le mécanisme de « suspension » pour chômage anormalement long (qui conduit en réalité à l’exclusion de l’allocataire concerné), dont il a déjà été question, applicable à quelques catégories de cohabitants, fait notamment l’objet de certaines modifications importantes  [66]. En 1995, le critère temporel qui doit être utilisé par l’ONEM pour définir la notion de « chômage anormalement long » est ainsi modifié. Alors que ce délai était auparavant fixé à deux fois la durée moyenne du chômage des chômeurs dans la même zone géographique, de même sexe et de même catégorie d’âge, cette durée est ramenée à une fois et demie cette durée moyenne. En conséquence, à partir de 1995, des exclusions de masse sont prononcées par l’ONEM ; elles touchent tant les allocataires percevant des allocations ordinaires que ceux bénéficiant d’allocations d’attente.

63À titre de rappel, les allocataires susceptibles d’être visés par une telle procédure sont des chômeurs indemnisés au taux cohabitant (et dont les revenus du ménage sont supérieurs à un certain seuil), ce qui explique que ce sont surtout des chômeuses qui sont touchées par ces exclusions massives intervenues durant la seconde moitié des années 1990. Il s’agit là d’une constante de la réglementation du chômage depuis les années 1950 : sociologiquement, les femmes étant plus souvent en marge du marché de l’emploi, elles sont les premières touchées par des sanctions, ce qui est de nature à accentuer une position de vulnérabilité dont elles sont par ailleurs les victimes sur les plans social et familial.

64L’ampleur de ces exclusions, qui touchent des dizaines de milliers d’individus chaque année  [67], ne sera égalée qu’une vingtaine d’années plus tard, le 1er janvier 2015, lorsque les premiers effets concrets de la réforme des allocations d’attente décidée par le gouvernement Di Rupo seront endurés par de nombreux chômeurs (à cette date, la limitation dans le temps des allocations d’attente – devenues allocations d’insertion – affectera plusieurs dizaines de milliers de chômeurs : cf. infra).

65Ce durcissement du régime des sanctions est supprimé par les gouvernements Verhofstadt I (VLD/PS/Fédération PRL FDF MCC/SP/Écolo/Agalev) et Verhofstadt II (VLD/PS/MR/SP.A–Spirit), en contrepartie de l’introduction de la procédure d’activation de recherche d’emploi (cf. infra).

66On peut parler durant cette période d’une tentative de retour à une logique plus assurancielle, notamment au moyen d’une revalorisation du montant des allocations, qui vient contrebalancer la montée en puissance, durant les années de crise, d’une logique plus assistancielle. Outre les facteurs politiques qui sont indéniablement à l’œuvre (cf. infra), cette situation peut être, à tout le moins en partie, attribuée à la reprise économique. Les mobilisations des chômeurs, à l’intérieur et en dehors des syndicats, ainsi que les appuis politiques qu’elles ont pu trouver, en particulier à l’occasion du changement de gouvernement fédéral en 1999, ont également contribué à cet adoucissement  [68].

67Toutefois, la notion centrale qui marque de son empreinte cette période est assurément celle d’État social actif  [69]. Il s’agit d’un des axes majeurs mis en avant dans la déclaration du gouvernement fédéral prononcée le 14 juillet 1999 devant la Chambre des représentants par le Premier ministre Guy Verhofstadt (VLD). Il s’agit alors de présenter aux élus de la nation les grandes orientations du programme gouvernemental arrêté par la coalition arc-en-ciel alors nouvellement formée, regroupant les familles politiques libérale, socialiste et écologiste : « Le gouvernement a la ferme volonté de développer en Belgique un État social actif. Dans le passé, l’accent a été trop souvent mis sur une approche négative. La paupérisation et l’insécurité sociale étaient surtout combattues par des allocations de chômage et de CPAS. Cependant, garantir des revenus, surtout quand ceux-ci restent faibles, ne suffit pas à faire des personnes aidées des citoyens à part entière. L’approche actuelle offre trop peu de perspectives tant au niveau financier que social. Un État social actif doit faire en sorte que des personnes ne soient pas mises à l’écart et que chacun, tant les hommes que les femmes, tout en étant assuré d’un haut niveau de protection sociale, puisse contribuer de manière créative à la société et concilier cela avec une qualité de vie personnelle. L’État social actif investit dans les gens, la formation, l’emploi et pas seulement uniquement dans les allocations »  [70].

68À la lecture de cet extrait, il est possible de souligner l’ambivalence du vocable « actif » que l’on retrouve dans l’expression « État social actif ». D’une part, il revient à l’État, ou plutôt à l’ensemble des autorités publiques compétentes en matière sociale, de se faire plus « actives », en accompagnant les personnes éprouvant des difficultés d’intégration dans la société ou le monde du travail et en leur proposant des mesures concrètes pour modifier leur situation personnelle. D’autre part, autre dimension de cette notion, complémentaire de la précédente, l’État social actif renvoie également à un ensemble de dispositifs qui visent à responsabiliser les personnes qui bénéficient de l’intervention de l’État pour limiter les effets d’un risque social.

69Durant la législature 1999-2003, la matière du chômage, de façon quelque peu étonnante, ne fait pas l’objet d’une réforme majeure initiée par le gouvernement Verhofstadt I  [71], sinon la suppression de fait des contrôles à domicile en vue de vérifier la composition du ménage. C’est alors Laurette Onkelinx (PS) qui est non seulement vice-Première ministre, mais aussi ministre de l’Emploi, c’est-à-dire celle qui, au sein du gouvernement, est en charge du régime des allocations de chômage. Cette circonstance explique sans doute partiellement le fait que le chômage ne soit pas, dès le départ, dans le viseur de l’État social actif. La réforme labellisée « État social actif » la plus emblématique de cette législature est celle du droit à un minimum de moyens d’existence – minimex –, devenu droit à l’intégration sociale  [72].

70À la suite des élections législatives fédérales du 18 mai 2003, une coalition violette se met en place, qui regroupe les familles socialiste et libérale (gouvernement Verhofstadt II). Dans la déclaration que le Premier ministre G. Verhosftadt prononce devant la Chambre des représentants, la question de l’assurance chômage est abordée plus frontalement, ainsi que le deuxième versant – dit de responsabilisation ou d’activation – de la notion d’État social actif tel que nous l’avons mis en évidence ci-dessus : « Nous vous présentons aujourd’hui un accord englobant nombre de réformes et de changements qui demeurèrent trop longtemps tabous. (…) Avec cet accord, libéraux et socialistes brisent nombre (…) de préjugés tenaces qui constituaient autant d’obstacles pour le développement social de notre pays. Les points forts des deux familles ont été reforgés en un programme socio-économique progressiste ; un programme porteur de nouvelles solutions pour des problèmes qui durent depuis trop longtemps. (…) J’aimerais présenter [un exemple édifiant] pour illustrer cette nouvelle approche. La lutte contre le chômage. Du côté libéral, le chômeur était facilement considéré comme un profiteur qui ne méritait que des contrôles sévères. Du côté socialiste, on estimait que tous les chômeurs cherchaient activement de l’emploi et qu’il n’y avait aucun abus. Nous mettons aujourd’hui un terme à cette caricature. Les demandeurs d’emploi de longue durée méritent avant tout d’être aidés de manière intensive pour retrouver un emploi. Ils doivent surtout être aidés lorsque la recherche d’un emploi se révèle difficile. Mais inversement, on ne peut dès lors plus accepter que de l’argent soit gaspillé pour des personnes dont il s’avère clairement qu’elles n’ont absolument aucune envie de chercher un emploi »  [73].

71G. Verhofstadt annonce alors l’adoption d’une série de mesures nouvelles, parmi lesquelles « l’élaboration d’un parcours adapté pour décrocher un emploi, un parcours qui devra être scrupuleusement suivi si le chômeur souhaite conserver son droit à une allocation »  [74]. On peut suivre ici le commentaire proposé par Cédric Leterme (ULB) : « Il s’agit désormais d’“activer” les prestations sociales pour éviter qu’elles n’entretiennent une forme d’“assistanat” chez leurs bénéficiaires, par exemple en les liant à l’obligation faite aux chômeurs de prouver qu’ils recherchent activement un emploi »  [75].

72C’est alors Frank Vandenbroucke (SP.A) qui est ministre de l’Emploi et des Pensions. Celui-ci n’est rien de moins que le père spirituel du concept d’État social actif, qu’il a été amené à forger durant les années 1990  [76]. Après avoir dû interrompre sa carrière politique dans le contexte de l’affaire Agusta, F. Vandenbroucke a en effet poursuivi au Royaume-Uni des recherches sur l’avenir de l’État social inspirées de la troisième voie théorisée par le sociologue Anthony Giddens et mise en œuvre par le Premier ministre britannique Tony Blair  [77], même s’il se démarque de ces deux acteurs sur plusieurs points. Ces recherches menées dans le monde académique influencent fortement l’action politique de F. Vandenbroucke, une fois celui-ci revenu dans la vie politique active.

73Un « plan d’accompagnement et de suivi actif des chômeurs » est ainsi élaboré. Dans l’accord politique qui a conduit à la formation du gouvernement Verhofstadt II, une section intitulée « Un accompagnement plus actif des demandeurs d’emplois » met en avant les objectifs et explications suivants : « Afin d’activer les demandeurs d’emploi de longue durée et de mieux les préparer aux demandes du marché du travail, ce qui subsistait du contrôle du chômage sera supprimé. Avec les Régions, une médiation de travail plus active et un accompagnement plus personnel seront élaborés pour les demandeurs d’emploi qui éprouvent des difficultés à trouver du travail ; selon la situation du demandeur d’emploi, cet effort peut être complété par une coopération avec d’autres acteurs, tels que les CPAS. L’engagement et la disponibilité des demandeurs d’emploi à l’égard du marché du travail seront suivis intensivement par l’ONEM. Dès l’entrée en vigueur du nouveau système, l’article 80 sera suspendu. Une évaluation du nouveau système aura lieu deux ans après son entrée en vigueur. En cas d’évaluation positive, le nouveau système sera maintenu et l’article 80 sera abrogé. Il va de soi que si le nouveau système n’est pas évalué positivement, il sera abrogé et l’article 80 sera maintenu »  [78].

74Il est intéressant de constater que le système mis en place vise à remplacer deux modalités qui existaient précédemment – auxquelles il a déjà été fait référence dans ce Courrier hebdomadaire – permettant de contrôler les chômeurs ou de les sanctionner : d’une part, le pointage et, d’autre part, la procédure d’exclusion pour chômage anormalement long. L’« article 80 » auquel se réfère le Premier ministre G. Verhofstadt est en effet l’article 80 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, qui organise une procédure de suspension des allocations en cas de chômage de longue durée.

75L’une des justifications du projet mis sur la table par le gouvernement socialiste-libéral est de conserver deux des piliers du régime existant en Belgique, à savoir l’illimitation dans le temps des allocations ordinaires et le système des allocations d’attente dont peuvent bénéficier les jeunes sortis des études : « Le principe d’activation est alors défendu au nom du tri qu’il permettrait d’effectuer entre “bons” et “mauvais” chômeurs, une condition “indispensable”, selon ses promoteurs, pour pérenniser certains des fondements mêmes du système, à commencer par son caractère illimité dans le temps ou encore l’existence d’un régime spécifique d’allocations perçues sur la seule base des études, les allocations d’attente (…). Prévues à l’origine pour les “jeunes”, celles-ci permettent en réalité à de nombreux travailleurs précaires de bénéficier d’allocations de chômage »  [79].

76Ce seront pourtant bien ces deux particularismes qui, quelques années plus tard, seront mis en cause par le gouvernement Di Rupo  [80].

77Plusieurs étapes sont nécessaires pour concrétiser le plan d’accompagnement et de suivi actif des chômeurs. En premier lieu, un accord de coopération est négocié puis signé entre l’Autorité fédérale et les entités fédérées compétentes en matière d’emploi et de formation professionnelle  [81]. En vue de prolonger cet accord et de lui donner effet à l’échelon régional et communautaire, les Régions et les Communautés adoptent un certain nombre de mesures visant à « mettre sur pied des mécanismes d’“accompagnement” plus systématique des demandeurs d’emploi »  [82]. À l’échelon fédéral, enfin, cet accord est concrétisé par l’adoption de l’arrêté royal du 4 juillet 2004 portant modification de la réglementation du chômage à l’égard des chômeurs complets qui doivent rechercher activement un emploi  [83]. On constate ainsi que, dans la philosophie du nouveau système mis en place, les dimensions d’accompagnement et de contrôle des chômeurs étaient envisagées comme devant se compléter et se soutenir l’une l’autre, même si la question de l’équilibre optimal entre ces deux aspects a fait à l’époque – et fait encore aujourd’hui – l’objet de discussions et de prises de position contrastées de la part des différents acteurs concernés.

78Que recouvre cette nouvelle notion introduite dans la réglementation, qualifiée de procédure d’activation du comportement de recherche d’emploi (mais appelée « chasse aux chômeurs » par ses détracteurs  [84]) ? Le critère de la disponibilité pour le marché du travail, autrefois central, est complété par une autre exigence à charge de l’allocataire : celle de rechercher activement un travail. Le chômeur complet indemnisé ne doit ainsi plus seulement être disponible pour le marché du travail et accepter tout emploi convenable qui lui serait proposé  [85], il doit également « rechercher activement un emploi », c’est-à-dire qu’il doit accomplir un certain nombre de démarches concrètes en ce sens  [86].

79Précédemment, la « réglementation du chômage n’imposait pas aux chômeurs l’obligation positive de chercher un emploi ; à tout le moins, cette obligation n’était rappelée – et vérifiée – qu’après une période assez longue de chômage, à un moment où le chômeur s’était souvent découragé ou installé dans le chômage »  [87]. Toutefois, la jurisprudence considérait depuis longtemps que le chômeur était tenu de rechercher activement un emploi. Il s’agissait d’un élément dont pouvaient tenir compte les organes chargés de contrôler la disponibilité des chômeurs, même si une telle obligation n’était pas formellement énoncée dans la réglementation et ne faisait pas l’objet d’un suivi spécifique.

80En 2004, cette nouvelle obligation de recherche active d’emploi n’est pas laissée à la bonne appréciation du chômeur. Une procédure de contrôle est mise en place, qui organise des entretiens réguliers avec des agents de l’ONEM, appelés « facilitateurs »  [88]. Ces entretiens périodiques peuvent conduire à l’imposition de sanctions. La diminution puis la suspension de l’allocation de chômage pendant une période déterminée peuvent en effet être décidées, avant une exclusion pure et simple si les efforts de recherche d’emploi continuent à être évalués négativement.

81Évitons une méprise. On a souvent établi une équivalence entre les mécanismes d’« activation du comportement de recherche d’emploi » ainsi mis en place et une conditionnalisation de l’allocation de chômage. Une telle présentation est quelque peu trompeuse. En effet, « les allocations de chômage n’ont jamais été inconditionnelles : jamais le revenu de remplacement octroyé aux personnes sans emploi n’a (…) été un jour accordé sans conditions, ni même sans conditions autres que le versement préalable de cotisations sociales et l’absence de travail »  [89]. Comme l’historique proposé ci-avant a permis de le mettre en évidence, les allocations de chômage ont toujours été soumises à un certain nombre de conditions. La nouveauté introduite par la réforme de 2004 procède plutôt d’un encadrement renforcé des démarches effectuées par les chômeurs pour retrouver un emploi, par le biais d’une contractualisation du bénéfice des allocations de chômage (cf. infra), en lieu et place d’autres dispositifs de sanction supprimés, et tandis que les entités fédérées compétentes sont appelées à développer leurs dispositifs de soutien.

82De telles évolutions ne concernent pas uniquement le domaine du chômage. Ainsi, dans le domaine de l’aide sociale, depuis une réforme de 1993  [90], pour pouvoir bénéficier d’un droit à l’intégration sociale à charge du centre public d’action sociale (CPAS) dont il relève, l’allocataire peut être tenu d’élaborer avec celui-ci un projet individualisé. Dans certains cas, une telle contractualisation de l’aide sociale revêt même un caractère obligatoire. Contrairement à ce qui a été souvent affirmé, une telle évolution du droit n’a pas été introduite en 2002, à l’occasion de la réforme du minimex organisée par la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l’intégration sociale, c’est-à-dire à l’occasion de la première grande réforme labellisée « État social actif ». Cette « contractualisation du minimum de moyens d’existence » a été introduite dans notre droit en 1993 et n’a, depuis lors, pas été remise en cause  [91].

83Dans le domaine du chômage, la réforme introduite en 2004 implique un changement d’approche beaucoup plus net. La marque distinctive du nouveau régime d’activation des chômeurs est en effet une individualisation et une contractualisation du suivi des chômeurs et du régime de sanctions, marquant une véritable rupture par rapport au système antérieur (cf. supra). Voici le système mis en place par l’arrêté royal du 4 juillet 2004, depuis lors modifié à plusieurs reprises  [92]. Tel qu’il est conçu à l’époque, le contrôle est exercé par l’ONEM  [93]. Des agents de cet organisme parastatal fédéral, appelés « facilitateurs », sont chargés de recevoir les chômeurs afin d’évaluer les démarches positives que ceux-ci ont entreprises en vue de retrouver un emploi. Si l’évaluation du facilitateur est négative, un contrat est alors établi, dans lequel une série de tâches sont répertoriées, que devra accomplir le chômeur avant un second entretien d’évaluation. Un nouvel avis défavorable peut conduire à une sanction consistant en une réduction ou une suspension du versement de l’allocation de chômage pendant une période de 4 mois  [94]. Durant cette période de suspension, de nouvelles obligations sont imposées au chômeur, qui sont consignées dans un second contrat. Une exclusion du droit à l’allocation peut également intervenir dans certains cas.

84Sans nous prononcer sur la pertinence de ce nouveau système (qui a suscité des controverses importantes) – question qui dépasse le cadre de ce Courrier hebdomadaire –, il est au moins possible de signaler que sa mise en œuvre s’est avérée particulièrement problématique. En 2008, une enquête réalisée auprès des chômeurs « activés » a permis de souligner ces difficultés  [95]. Cette étude a notamment mis en lumière que, si une augmentation sensible des démarches accomplies par les chômeurs « activés » était indéniable, il n’était en revanche pas possible d’affirmer que le nouveau système mis en place augmentait leurs chances de retrouver un emploi. Un tel constat vaut en particulier pour les chômeurs peu qualifiés, groupe particulièrement exposé au risque de sanction.

85Au-delà des conclusions de ce rapport, et sans pouvoir offrir à cette thématique le traitement approfondi qu’elle requiert, il s’avère à tout le moins possible de dresser le bilan suivant : alors qu’une individualisation du contrôle devait advenir, on a au contraire assisté, assez rapidement après l’entrée en vigueur du nouveau système, à la mise en place de contrats extrêmement standardisés proposés aux chômeurs par les agents de l’ONEM, ces derniers développant une approche plutôt formaliste de leur mission de contrôle, déconnectée de la situation concrète des chômeurs qu’ils sont tenus d’évaluer et prononçant par voie de conséquence un nombre important de sanctions  [96].

86Cet échec du nouveau système de contrôle est d’ailleurs acté par son principal architecte, F. Vandenbroucke (SP.A). Début 2008, l’ancien ministre fédéral de l’Emploi  [97] accorde une interview à La Libre Belgique. Après avoir plaidé pour une régionalisation du contrôle de l’activation des chômeurs  [98], il indique : « L’alternative [à la régionalisation du contrôle de la disponibilité des chômeurs], c’est ce que, faute de mieux, j’ai moi-même introduit en 2004 : faire intervenir les facilitateurs de l’ONEM. Mais honnêtement, cela ne fonctionne pas très bien. C’est très compliqué, très administratif. Enfin, une dernière solution, c’est celle préconisée par les tenants du libéralisme économique : limiter les allocations de chômage dans le temps. Mais ce n’est clairement pas mon credo ! »  [99]

87Durant les années 2000, la réforme principale de l’allocation de chômage aura ainsi concerné ses modalités de contrôle, à travers un plan d’accompagnement et de suivi actifs des chômeurs élaboré sous les auspices de la notion, hautement controversée, d’État social actif  [100].

88Cette période correspond également à une revalorisation du montant des allocations, à rebours de la tendance observée précédemment. Les années 1980 et 1990 ont en effet été marquées par des politiques dites d’« assainissement » des finances publiques qui ont conduit à une diminution des montants auxquels les chômeurs involontaires pouvaient prétendre (cf. supra). À partir de la fin des années 1990 et du début des années 2000, les conditions économiques étant moins défavorables, on en revient « à l’idée, au fondement des assurances sociales contributives, que les allocations de chômage constituent un revenu de remplacement, qui doit permettre aux travailleurs involontairement privés d’emploi de conserver un niveau de vie en fonction de leur salaire antérieur, et non simplement un minimum vital permettant la survie »  [101]. C’est ainsi que, durant les années 2000 et même jusqu’en 2011, les montants des allocations de chômage ordinaires sont relevés à plusieurs reprises. Cette stratégie mise en place par les divers gouvernements qui se succèdent durant les années 2000 vise également à contribuer à la reprise économique, en augmentant le pouvoir d’achat des allocataires sociaux et notamment des chômeurs.

89Au terme de cette évolution, favorable aux allocataires, le taux de remplacement est porté à 60 % de l’ancienne rémunération durant la première année d’indemnisation, quelle que soit la situation familiale du demandeur. Durant les périodes suivantes, il convient de distinguer entre la situation des chômeurs chefs de ménage, des isolés ou des cohabitants. Pour les chefs de ménage, le taux de 60 % reste constant dans le temps. Pour les isolés, il baisse à 55 % après une année d’indemnisation et se stabilise à ce niveau. Pour les cohabitants, le taux de remplacement est de 40 % après une année d’indemnisation avant d’être « remplacé par une allocation forfaitaire, inférieure au revenu d’intégration alloué par les CPAS, au-delà de quinze mois de chômage prolongés de trois mois par année de passé professionnel en tant que travailleur salarié »  [102]. La situation de toutes les catégories de chômeur est également améliorée au moyen d’une augmentation substantielle des plafonds salariaux (à savoir la partie de l’ancienne rémunération qui est prise en compte pour calculer l’allocation de chômage).

90Cette embellie ne résiste cependant pas à la pression des événements. La crise financière et économique déclenchée en 2008, qui frappe durement la Belgique à partir de l’été, est en effet suivie par une période marquée par de multiples politiques d’assainissement budgétaire, en particulier dans le domaine de l’assurance chômage (les autres branches de la sécurité sociale étant relativement épargnées, au moins dans un premier temps). Cette période de turbulences éprouvées sur le plan socio-économique coïncide par ailleurs, à partir du printemps 2010, avec la plus longue crise politique connue par la Belgique depuis sa création.

1.5. La crise financière et économique de 2008 et ses suites

91Durant l’été 2007, éclate aux États-Unis une crise dite des subprimes. Celle-ci est suivie par une crise bancaire, financière et économique mondiale qui touche de plein fouet la Belgique à partir de 2008. Cette propagation de la crise au-delà des frontières des États-Unis résulte « de l’accumulation au sein des banques européennes, et notamment belges, de produits dérivés (…) basés sur des crédits immobiliers octroyés à des familles ayant de faibles capacités de remboursement. Les produits proposés aux clients, y compris non professionnels, des banques (appelés produits “structurés”) mélangeaient en fait produits risqués et non risqués, la sophistication devenant telle qu’elle n’était plus nécessairement maîtrisée par la plupart des banquiers eux-mêmes »  [103].

92À la fin de l’été 2008, à la suite de « rumeurs relatives à la fragilité des principales banques belges, amplifiant les problèmes, un mouvement de panique [gagne] les épargnants et se [traduit] par un mouvement de retraits massifs d’argent »  [104]. L’action de la banque Fortis, particulièrement impliquée dans l’achat de produits dits toxiques chute fortement, ce qui accentue encore les retraits des clients, qui atteignent plus de 3 milliards d’euros  [105]. Une scission est opérée entre les actifs néerlandais et belges du groupe Fortis. Dans ce contexte, l’État belge porte sa participation dans Fortis à 99,93 %, ce qui représente un montant de 9,4 milliards d’euros au total  [106], avant de négocier, après des tractations complexes, le rachat de Fortis par BNP Paribas. Fortis n’est pas la seule banque frappée de plein fouet par cette crise : Dexia connaît également de graves difficultés. Dans ce contexte particulièrement tendu, le gouvernement fédéral prend par ailleurs la décision de relever le plafond de garantie de dépôt octroyée par l’État aux épargnants, de 20 000 à 100 000 euros par institution et par déposant  [107].

93Outre que l’impact de ces interventions publiques sur les finances publiques est particulièrement important, l’aggravation de la crise financière provoque une période de récession sur le plan économique  [108]. La croissance est en berne et les chiffres du chômage en hausse : « Sur le plan budgétaire, la crise déclenchée en 2008 n’a pas épargné la Belgique. Les pouvoirs publics, fédéraux et régionaux, ont été appelés à la rescousse par le monde bancaire. La dette publique, l’une des plus élevées des pays de la zone euro, est repartie à la hausse et avoisine (…) 100 % du PIB, soit quelque 340 milliards d’euros. Le retour à l’équilibre budgétaire, objectif faisant consensus pour l’ensemble des partis politiques représentés au Parlement fédéral, nécessite de dégager 20 à 25 milliards d’euros à l’horizon de 2015. Les gouvernements des Régions et des Communautés [présentent] des budgets restreignant les dépenses. Le statut du gouvernement fédéral [Leterme II], en affaires courantes en attendant la formation de son successeur, reporte temporairement des mesures d’austérité que les principaux acteurs politiques estiment cependant inévitables. Les attaques des marchés financiers sur la Grèce et l’Irlande font craindre pareil sort aux autorités belges »  [109].

94On parvient ainsi au cœur de la fabrique des réformes de l’assurance chômage qui vont être initiées par le gouvernement Di Rupo. Avant de nous pencher sur celles-ci, il n’est pas inutile de rappeler quelques chiffres. La part des dépenses liées à l’assurance chômage dans le budget global de la sécurité sociale, si elle est loin d’être négligeable, ne doit en effet pas être surévaluée, comme elle l’est parfois implicitement ou plus explicitement dans le cadre des débats qui portent sur la question du chômage. Si l’on se tourne vers les derniers chiffres publiés et commentés par la Cour des comptes, il est possible de se faire une idée des ordres de grandeur en présence  [110]. En 2017, les dépenses en matière de chômage représentaient un peu plus de 5 milliards d’euros. Un tel montant est certes impressionnant, mais il convient de le comparer notamment aux dépenses relatives aux pensions, qui représentaient en 2017 près de 45 milliards d’euros, ou encore à celles consacrées aux prestations de soins de santé, qui s’élevaient, toujours en 2017, à plus de 25 milliards d’euros. L’assurance chômage – à laquelle sont d’ailleurs rattachés, sur le plan budgétaire, d’autres dispositifs qui lui sont apparentés, mais qui obéissent à d’autres logiques, comme le régime de chômage avec complément d’entreprise (RCC, anciennement dénommé « prépension ») ou le crédit-temps – ne représente ainsi qu’une part somme toute limitée du budget global de la sécurité sociale (qui s’élevait en 2017 à plus de 95 milliards d’euros).

2. Les réformes de l’assurance chômage décidées par le gouvernement Di Rupo

95Il convient de s’arrêter sur une particularité de la réglementation du chômage. Depuis l’arrêté-loi du 28 décembre 1944, le gouvernement dispose d’une mainmise sur celle-ci, en vertu de l’habilitation large organisée par l’article 7 de cet arrêté-loi. Au contraire de ce qui a été de mise concernant les autres branches de la sécurité sociale, une refonte de la matière au sein d’une loi n’a jamais pu être concrétisée, malgré plusieurs tentatives  [111].

96Ainsi les réformes qui concernent l’assurance chômage peuvent-elles être menées par le pouvoir exécutif seul, sans intervention du pouvoir législatif, car le siège de la matière se trouve non dans des lois, mais dans des arrêtés royaux ou ministériels, c’est-à-dire dans des textes relevant de la compétence du pouvoir exécutif  [112]. Actuellement, le siège de cette matière, de cette « législation sans législateur »  [113], se trouve dans l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, appelé parfois « code du chômage ». Dans certaines hypothèses, lorsqu’un point est réglé dans l’arrêté d’exécution du code du chômage, à savoir l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991 portant les modalités d’application de la réglementation du chômage, une initiative du ministre qui a l’assurance chômage dans ses attributions – à savoir le ministre de l’Emploi – est suffisante.

97L’une des conséquences de cette situation, qui est peu connue, est que tant les destinataires de la règle de droit, laquelle traduit les décisions politiques prises au niveau du gouvernement, que l’interprète de celle-ci ne peuvent se référer à des travaux préparatoires l’ayant précédée. En outre, les règles adoptées en matière de chômage échappent largement au débat démocratique, en tout cas à celui qui est mené dans le cadre des assemblées parlementaires élues.

98D’autres éléments viennent encore renforcer le déficit démocratique qui affecte ce domaine du droit. Tout d’abord, les rapports au Roi qui peuvent accompagner les arrêtés royaux pour compenser l’absence de travaux préparatoires sont très rares en matière de chômage  [114]. Ensuite, les informations que l’on trouve dans les préambules qui précèdent ces textes réglementaires sont généralement réduites à leur plus simple expression. Enfin, l’éclairage d’un avis de la section de législation du Conseil d’État n’est que rarement disponible. Le gouvernement invoque en effet souvent le bénéfice de l’urgence, et se passe dès lors de cet avis ou alors le demande dans un délai raccourci (5 jours ouvrables)  [115]. Et lorsqu’un avis est donné, il n’est pas pour autant rendu public  [116]. Cette matière a toutefois fait l’objet récemment d’évolutions notables. Depuis l’adoption d’une proposition de loi initiée par Écolo et Groen à la Chambre des représentants, tous les avis de la section de législation du Conseil d’État font, depuis le 1er janvier 2017, l’objet d’une publication  [117]. Celle-ci commence également à être opérée de façon rétroactive.

99Afin de sonder la volonté du « législateur », lorsqu’un rapport au Roi, un préambule ou un avis rendu par la section de législation du Conseil d’État n’est pas disponible, ou lorsqu’un tel acte existe mais s’avère peu éclairant, il est nécessaire de se tourner vers d’autres sources : déclarations de politique gouvernementale, accords politiques conclus par les majorités en place, questions parlementaires, etc. Les réformes examinées dans le présent Courrier hebdomadaire ne dérogent pas à ce constat général.

100Ci-dessous, nous nous efforçons de mettre en lumière, d’une part, la genèse et, d’autre part, la consécration sur le plan juridique des réformes de l’assurance chômage qui ont été décidées au moment de la formation du gouvernement fédéral Di Rupo et qui ont été mises en œuvre par celui-ci (même si certains des effets concrets de ces mesures ne se feront sentir, comme nous le verrons, que sous la législature suivante, c’est-à-dire celle faisant suite aux élections fédérales du 25 mai 2014).

101Nous proposons un compte rendu à la fois socio-économique et institutionnel de cette période. D’une part, les mesures prises en matière de chômage sont présentées comme visant à effectuer des économies dans une période de grandes turbulences ressenties sur le plan économique et budgétaire. D’autre part, ces mêmes réformes sont indissociables d’un équilibre politique, difficilement atteint, qui a permis de mettre fin à une crise politique extrêmement longue. Elles participent d’un compromis global qui a conduit à la formation d’un gouvernement fédéral en décembre 2011, soit plus d’un an et demi après le scrutin du 13 juin 2010. L’assurance chômage, ou en tout cas certains de ses aspects, a d’ailleurs été incluse dans la sixième réforme de l’État décidée à cette occasion. Une régionalisation a en effet été organisée, qui a porté non sur le cadre normatif lui-même, qui reste dans une très large mesure dans l’escarcelle de l’Autorité fédérale  [118] – qui continue donc de définir les conditions d’accès aux allocations de chômage ou encore le taux de celles-ci –, mais sur la mise en œuvre du contrôle de la disponibilité des chômeurs. Sans entrer dans les détails de ce transfert de compétences et de ses conséquences, quelques développements y seront consacrés à la fin de ce chapitre.

102Ce n’est pas la régionalisation du contrôle de la disponibilité des chômeurs qui nous intéressera au premier chef, mais plutôt d’autres mesures qui soit ont conduit à redéfinir la situation de certaines catégories d’allocataires qui étaient jusqu’ici relativement épargnées (réforme des allocations ordinaires visant à accentuer leur dégressivité), soit ont provoqué l’exclusion hors du régime de chômage d’un important contingent d’allocataires (réforme des allocations d’attente, rebaptisées « allocations d’insertion »). Dans les deux cas, on a assisté à un amenuisement des droits sociaux de ces différentes catégories d’allocataires.

103Afin de contester ce recul opéré en matière de protection sociale, diverses stratégies ont été utilisées par un certain nombre d’acteurs. Ces stratégies sont passées en revue ci-dessous dans une sous-section spécifique, une attention particulière étant accordée à une mobilisation de la voie juridictionnelle pour contester les mesures prises par le gouvernement, mobilisation quelque peu inédite en raison de son ampleur.

2.1. Genèse

104Lorsque l’on examine le processus ayant mené à l’accord de gouvernement conclu fin 2011 qui a conduit à la formation du gouvernement Di Rupo associant les six partis traditionnels, et lorsque l’on se réfère en particulier au volet socio-économique de cet accord, un élément est particulièrement frappant : l’intrication entre les décisions prises et des pressions émanant d’acteurs extérieurs qui mettent l’accent sur la rigueur budgétaire et sur la nécessité de mener une politique d’austérité.

105Ainsi, la Commission européenne exige que la Belgique parvienne à l’équilibre en 2015, sous peine d’une sanction prenant la forme d’une amende infligée dans le cadre d’une procédure pour déficit excessif  [119]. Les engagements pris en vertu du pacte de stabilité et de croissance (PSC) et qui découlent de la « règle d’or » sont en particulier mis en avant  [120]. Cette injonction des institutions européennes prend place dans un contexte international également marqué par le pouvoir grandissant des agences de notation financière  [121].

106Sur le plan politique, il n’est pas inutile de rappeler le contexte dans lequel se sont inscrites les élections fédérales anticipées du 13 juin 2010, élections à partir desquelles a démarré la crise politique de 541 jours. En avril 2010, le gouvernement Leterme II (CD&V/ MR/PS/Open VLD/CDH) chute en raison de divergences relatives aux questions communautaires et institutionnelles. La thématique communautaire imprègne ainsi la campagne menée en vue des élections fédérales anticipées du 13 juin 2010, dont le résultat est « aussi clair que contrasté »  [122] : au sud du pays, le grand vainqueur est le PS, au nord, la N-VA qui devient le premier parti flamand.

107Sept partis (N-VA, PS, SP.A, CDH, CD&V, Écolo, Groen) entament rapidement des négociations en vue d’une sixième réforme de l’État, un tel préalable étant « exigé par les formations flamandes avant de négocier un programme de gouvernement »  [123]. En cours de négociation, le groupe des partis s’élargira au MR et à l’Open VLD, mais sera amputé au bout d’un an de la N-VA. Il serait impossible de rendre compte ici des différentes étapes qui se succèdent, qui sont scandées par une série de nominations par le Roi de personnalités chargées de dénouer la crise politique : informateur (Bart De Wever, N-VA), préformateur (Elio Di Rupo, PS), médiateurs (André Flahaut, PS, et Danny Pieters, N-VA), clarificateur (B. De Wever), conciliateur (Johan Vande Lanotte, SP.A), informateur (Didier Reynders, MR), négociateur (Wouter Beke, CD&V) et formateur (E. Di Rupo)  [124]. C’est ce dernier acte posé par le Roi, à savoir la nomination du socialiste francophone E. Di Rupo en qualité de formateur d’un futur gouvernement, le 16 mai 2011, qui constitue le point de départ d’une négociation au cours de laquelle seront jetées les bases du futur accord de gouvernement.

108Durant les premiers mois de sa mission, le formateur E. Di Rupo multiplie les contacts avec les neufs partis négociateurs afin de répondre à une question qui s’avère de plus en plus urgente : comment atteindre l’équilibre budgétaire dans ce contexte de crise à la fois économique et politique ? Des difficultés se font jour du côté flamand entre les différents partis assis à la table des négociations, et particulièrement entre la N-VA et le CD&V (qui étaient associés au sein d’un cartel jusqu’à septembre 2008). Du côté francophone, le PS essuie les critiques du président du MR, Charles Michel. Ce dernier dénonce un blocage socialiste qui empêche la poursuite des négociations. «Depuis un an, l’intransigeance de la N-VA est à l’origine du blocage dans le dossier communautaire. Mais le conservatisme de la gauche francophone cause le blocage socio-économique », déclare C. Michel, qui pointe l’impossibilité dans laquelle se trouvent les formations politiques de « réduire les impôts pour les bas et moyens salaires, de réformer le chômage et les retraites »  [125].

109On peut lire un écho à ces positions, et à cette pression politique exercée par le président du deuxième parti francophone, dans le communiqué publié par E. Di Rupo le 17 juin 2011. Dans ce texte, le président du PS et formateur indique que les négociations en cours portent non seulement « sur la réforme de l’État, mais aussi sur l’assainissement des finances publiques et sur des réformes sociales et économiques d’envergure »  [126]. Il précise qu’« il faudra prendre des décisions difficiles, faire des choix impopulaires » et « sortir du débat réducteur dépenses contre recettes », et ce en s’efforçant de dépasser le traditionnel clivage gauche-droite mis à mal par la situation économique particulièrement difficile  [127].

110Dans la droite ligne de cette déclaration, est publiée le 4 juillet 2011 une note du formateur intitulée : « Un État fédéral plus efficace et des entités plus autonomes »  [128]. Dans le domaine qui nous intéresse, ce document énonce une série de mesures visant à « réformer le régime de chômage pour augmenter la participation au marché du travail »  [129]. Deux des mesures phares qui seront adoptées par la suite sont déjà présentes dans ce pré-accord : d’une part, des mesures visant à « activer » les jeunes chômeurs qui sortent des études et, d’autre part, un renforcement de la dégressivité des allocations de chômage ordinaires.

111Cette note ne recueille pas l’accord de la N-VA, qui se retire des négociations le 7 juillet 2011. Outre par ses réticences exprimées sur le plan institutionnel, cette décision est justifiée par la formation politique nationaliste flamande sur le terrain socio-économique, entre autres par l’absence de mesure visant à réformer drastiquement la sécurité sociale et le marché de l’emploi, et notamment une limitation dans le temps des allocations de chômage  [130].

112À la suite de cette décision prise par les instances dirigeantes du premier parti du pays de quitter la table des négociations, le formateur E. Di Rupo demande au roi Albert II d’être déchargé de sa mission. Le Roi choisit de mettre sa décision en suspens et invite les partenaires à la réflexion. Les discussions reprennent à huit partis. Si elles ne semblent pas progresser dans un premier temps, elles finissent par se débloquer rapidement. Le 21 juillet au soir, après une nouvelle et longue réunion, le formateur démissionnaire se rend au Palais et annonce au souverain que les conditions sont réunies pour lancer de véritables négociations à huit partis (sans la N-VA, donc) en vue de réformer l’État et de former un nouveau gouvernement  [131]. C’est la note précitée du formateur du 4 juillet 2011 qui servira de base aux futures discussions.

113Les négociateurs se consacrent en premier lieu au volet institutionnel de l’accord et se consacrent à l’épineux dossier de Bruxelles–Hal–Vilvorde (BHV). Un accord survient à la mi-septembre  [132]. Environ un mois plus tard, un accord est également engrangé sur la révision de la loi spéciale de financement et sur les transferts de compétences qui constitueront le cœur de la sixième réforme de l’État  [133]. C’est à ce moment que la question de la présence des partis écologistes dans la future coalition est posée. Huit partis sont en effet encore en lice pour participer au futur gouvernement fédéral : PS, SP.A, MR, Open VLD, CD&V, CDH, Écolo et Groen. E. Di Rupo semble être partisan d’un gouvernement à huit, « qui présente l’avantage de disposer d’une majorité au sein du groupe linguistique néerlandais de la Chambre (ensemble, l’Open VLD, le CD&V et le SP.A n’y ont que 43 des 88 sièges néerlandophones). De plus, les mesures d’austérité que le gouvernement devra prendre poussent le PS à se garder sur son flanc gauche et donc à impliquer Écolo dans le gouvernement. En revanche, l’Open VLD et le CD&V ne veulent pas de Groen dans la coalition – ce qui a automatiquement pour effet d’en écarter Écolo, puisque les écologistes du sud et du nord ont déclaré ouvertement que leurs sorts respectifs étaient liés »  [134].

114Les écologistes ne feront pas partie de l’attelage gouvernemental au niveau fédéral, mais ils soutiendront de l’extérieur la réforme institutionnelle qu’ils ont contribué à négocier. Leurs inquiétudes portent en effet davantage sur le volet socio-économique du futur accord de gouvernement : « Nous prenons acte de la décision sans amertume, mais non sans inquiétude pour nos citoyens sur les raisons qui ont poussé à ne pas nous impliquer, à savoir la peur de certains de devoir affronter de face les raisons pour lesquelles la Belgique, mais aussi plus largement l’Europe, se retrouvent devant une crise financière, sociale et écologique sans précédent »  [135].

115C’est donc à la mi-octobre que le volet socio-économique de l’accord est abordé par les six partis encore associés aux négociations, dans un contexte d’urgence, comme l’indique le formateur dans son communiqué du 13 octobre. Il est vrai que l’« effort à consentir pour répondre aux injonctions européennes en matière budgétaire est énorme : l’objectif est de réduire le déficit de 11,3 milliards d’euros. Les pressions qui s’exercent sur les négociateurs ne sont pas moins fortes »  [136].

116De quelle nature sont ces pressions ? Début novembre, « la Commission européenne lance un avertissement : la Belgique doit prendre des mesures pour la mi-décembre. Faute de décisions appropriées, le pays se trouvera en effet à cette date en infraction avec les règles budgétaires arrêtées par les autorités européennes, qui contraignent les États membres à limiter leur déficit, en 2012, à 3 % du PIB. Or, en l’absence de gouvernement et de budget, le déficit belge se situera, estime la Commission, à 4,6 %. Le commissaire européen aux Affaires économiques, Olli Rehn, évoque la possibilité de “sanctions” si la Belgique ne corrige pas, dans le délai indiqué, sa trajectoire budgétaire. La menace est réelle, puisque les nouvelles règles européennes permettent d’infliger une amende s’élevant à 0,2 % du PIB, soit en l’occurrence quelque 700 millions d’euros »  [137]. Cette situation particulièrement instable se dégrade encore au cours d’un conclave budgétaire organisé par le formateur E. Di Rupo. Les partis libéraux reprochent aux propositions mises sur la table de prévoir surtout de nouvelles charges pesant sur les pouvoirs publics « et de nouvelles impositions mais peu de mesures de réduction des dépenses »  [138]. Mis sous pression, le formateur propose de nouvelles mesures. Les discussions reprennent mais n’aboutissent pas. Une interruption est alors décidée, durant laquelle des contacts bilatéraux discrets sont organisés. Les discussions reprennent ensuite sur la base d’une nouvelle épure budgétaire qui, même si elle « comporte moins de recettes et davantage de mesures d’économie que les précédentes »  [139], ne convainc pas les partenaires libéraux. La crise politique semble à nouveau inévitable et, le 21 novembre 2011, le formateur E. Di Rupo remet sa démission au Roi. La presse, belge mais aussi étrangère  [140], insiste sur la gravité de la situation. Le formateur lui-même qualifie la situation de « dramatique »  [141].

117Le Roi met sa décision en suspens et procède à des consultations. Le 23 novembre, le souverain demande au formateur démissionnaire de persévérer. Un délai de réflexion est alors demandé, que le formateur « met à profit pour procéder à plusieurs rencontres bilatérales, notamment avec les présidents des partis libéraux »  [142]. Finalement, E. Di Rupo accepte de reprendre sa tâche et réunit les négociateurs des six partis le 25 novembre 2011 pour confectionner le budget 2012. « La reprise des travaux se fait sur fond de crise financière : ce même 25 novembre, l’agence de notation Standard & Poor’s dégrade la note de la Belgique, qui passe de AA+ à AA »  [143]. En réalité, cette éventualité avait été annoncée de longue date : en décembre 2010, cette agence de notation avait en effet indiqué qu’une dégradation de la note de la Belgique pourrait intervenir dans l’hypothèse d’une prolongation de la crise politique, rendant particulièrement peu prévisibles, selon cette agence de notation, les choix de ce pays en termes de politique économique  [144].

118Le formateur met sur la table une nouvelle épure budgétaire, afin de pouvoir conclure un accord en la matière avant la réouverture des places boursières le lundi 28 novembre  [145]. C’est dans cette ultime proposition que, à côté de nombreuses autres mesures, apparaît pour la première fois une limitation dans le temps des allocations de chômage dites d’attente. « Cette épure – la cinquième que présente le formateur – a, semble-t-il, été négociée préalablement avec les chefs de file libéraux. Elle obtient l’aval des participants après dix-huit heures de discussion, au matin du 26 novembre 2011 »  [146]. Cet accord budgétaire est présenté à la presse le 27 novembre. D’autres volets de l’accord de gouvernement sont également abordés à cette occasion. L’accord global est finalisé le 30 novembre.

119Le 1er décembre, Elio Di Rupo annonce au Roi la conclusion d’un accord de gouvernement. Le 5 décembre, sont publiés les arrêtés royaux relatifs à la démission de l’ancien gouvernement en affaires courantes et à la formation du nouveau gouvernement, qui prête serment le 6 décembre. La déclaration gouvernementale est lue devant la Chambre par le Premier ministre le 7 décembre et, le 10 décembre, la confiance est obtenue.

120Cette ligne du temps permet de mettre en évidence les pressions extérieures qui ont influencé ce processus de négociation, extrêmement délicat tant sur le plan institutionnel que sur le plan socio-économique. À côté d’autres éléments (la durée de la crise, le rôle actif joué par le Roi, etc.), c’est là l’une des caractéristiques de cette crise.

121Une première contrainte a été observée : la Commission européenne met en effet sur la Belgique une pression de plus en plus appuyée afin que celle-ci respecte les engagements énoncés dans le pacte de stabilité. Celui-ci « impose une réduction du déficit public qui suppose le vote, au Parlement fédéral, d’un budget ad hoc. Le gouvernement en affaires courantes s’est chargé de la confection du budget 2011, mais il peut difficilement poursuivre pour celui de 2012. Le pays vit dès lors sous la menace de sanctions européennes coûteuses »  [147]. La seconde contrainte qui pèse sur la Belgique est le fait que l’agence de notation Standard & Poor’s met à exécution une mesure qu’elle avait annoncée à plusieurs reprises depuis le mois de décembre 2010 : le 25 novembre 2011, la note de la Belgique est dégradée. De façon ironique, certains acteurs politiques, parmi lesquels le député fédéral Georges Gilkinet (Écolo), qualifieront le nouveau gouvernement de « gouvernement Standard & Poor’s »  [148].

122On pourrait évoquer d’autres éléments, sans doute moins essentiels, mais qui ont leur importance et permettent d’éclairer le contexte général dans lequel les mesures placées au centre de ce Courrier hebdomadaire ont été adoptées. Parmi ces éléments, mentionnons le départ programmé d’Y. Leterme, Premier ministre en affaires courantes, pour l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ou encore les difficultés persistantes éprouvées par la banque Dexia.

123Des mesures touchant au régime d’assurance chômage sont en tous les cas, au terme de ces longues négociations, coulées dans le marbre de l’accord gouvernemental. Si la déclaration prononcée le 7 décembre 2011 par Elio Di Rupo est assez évasive à leur sujet  [149], l’accord de gouvernement est en revanche particulièrement clair. Il y est précisé que le « régime d’assurance chômage qui reste du ressort fédéral sera réformé pour encourager la remise au travail, tout en veillant à éviter un basculement de charges vers les CPAS »  [150]. Les grandes lignes des futures réformes sont annoncées.

124D’une part, le régime des allocations d’attente sera modifié à trois niveaux. En premier lieu, dans le but de « favoriser l’insertion plus rapide sur le marché de l’emploi, le stage d’attente sera transformé en stage d’insertion professionnelle. Les allocations d’attente seront transformées en allocations d’insertion »  [151]. La durée de ce stage sera portée « à 310 jours (soit 12 mois au sens de la réglementation chômage) pour tous les nouveaux demandeurs, quel que soit leur âge »  [152]. En second lieu, « les personnes en stage d’insertion professionnelle ne pourront bénéficier d’allocations d’insertion que si elles démontrent une démarche active en vue de décrocher un emploi ou une participation active à un trajet individuel d’insertion »  [153]. En troisième lieu, ces allocations d’insertion seront désormais limitées à une période de 3 ans  [154].

125D’autre part, une accentuation de la dégressivité des allocations de chômage ordinaires, c’est-à-dire celles ouvertes sur la base du passé de travail et de cotisation, est annoncée, et ce afin de renforcer le caractère assuranciel du régime d’assurance chômage  [155]. Les grandes lignes du futur système sont explicitées  [156].

2.2. Mise en œuvre juridique

126La modification de la réglementation est remarquable en ce qu’elle touche à deux des grands régimes d’allocation de chômage prévus en Belgique : les allocations de chômage ordinaires, perçues sur la base de prestations de travail antérieures, et les allocations d’attente (rebaptisées « allocations d’insertion »), perçues sur la base des études. Sauf exceptions, les premières font désormais l’objet d’une dégressivité accrue et généralisée. Quant aux secondes, elles sont modifiées de la façon qui avait été annoncée dans l’accord de gouvernement : ces allocations sont rendues limitées dans leur durée (alors que précédemment, elles étaient illimitées dans le temps une fois acquises), le stage d’insertion (autrefois qualifié de stage d’attente) est réformé et les allocataires se voient soumis à un régime renforcé d’activation.

127Dans cette section, après avoir présenté ces deux réformes phares, nous nous intéressons à d’autres mesures moins visibles décidées par le gouvernement Di Rupo mais dont l’impact social n’est pas pour autant négligeable, avant de consacrer quelques considérations à l’impact de la sixième réforme de l’État sur le contrôle de l’activation des chômeurs (thématique qui n’est présentée ici que de façon synthétique, au vu de sa complexité et des nombreux enjeux qui l’affectent, mais qui est nécessaire à une bonne compréhension de l’exposé).

2.2.1. Dégressivité étendue et accrue des allocations de chômage ordinaires

128Le premier objectif poursuivi par le gouvernement Di Rupo est de revoir le système de la dégressivité des allocations de chômage dites ordinaires. Sur le plan politique, une telle approche est à mettre en lien avec les réticences exprimées par la plupart des partis politiques membres de la coalition gouvernementale formée fin 2011 à mettre en cause le caractère illimité dans le temps des allocations de chômage ordinaires. Si, à l’exception des libéraux flamands, on ne souhaite pas limiter formellement les allocations de chômage dans le temps, on peut opter pour une autre voie : augmenter la dégressivité des allocations, de telle sorte que celles-ci diminuent plus vite dans le temps et en viennent à correspondre, en dernière période d’indemnisation en tout cas, à un niveau proche de celui des allocations qui peuvent être perçues au titre de l’aide sociale  [157]. En d’autres termes, élargir et accentuer le régime des allocations ordinaires de chômage constitue une manière de toucher, de manière indirecte, au caractère illimité de celles-ci  [158].

129Il n’est pas inutile de rappeler les principales caractéristiques du régime de ces allocations ordinaires. Tout d’abord, elles sont obtenues sur la base d’un certain nombre de jours de travail salarié prestés durant une période de référence. Ensuite, ces allocations de chômage sont en principe non forfaitaires et calculées sur la base de l’ancienne rémunération perçue par l’allocataire, dans les limites d’un plafond (c’est en tout cas le système qui s’applique en début d’indemnisation). Enfin, ces allocations dépendent de la situation familiale du demandeur (isolé, cohabitant ou chef de ménage).

130À quoi correspond l’appellation, qui a souvent été attachée à cette réforme, de « dégressivité accrue » ? La réforme touche en réalité au mode de calcul des allocations de chômage ordinaires. Elle a été annoncée dans l’accord de gouvernement, comme cela a été noté, et est confirmée et explicitée dans la note de politique générale de la ministre de l’Emploi au sein du gouvernement Di Rupo, Monica De Coninck (SP.A)  [159]. Contrairement à ce qui a pu être parfois relayé dans les médias, les allocations n’ont pas été rendues dégressives à l’occasion de cette réforme. Elles l’étaient déjà précédemment, en tout cas pour ce qui concerne deux catégories de chômeurs : les isolés et les cohabitants (cf. supra).

131Alors que son principe apparaît simple au premier abord, la portée exacte de la réforme de 2012 – adoptée durant l’été et entrée en vigueur le 1er novembre 2012  [160] – est en réalité assez complexe. On pourrait dire que cette portée est double.

132En premier lieu, il s’agit d’étendre le principe de la dégressivité aux chefs de ménage. Alors que ce principe ne concernait auparavant que les isolés et les cohabitants, le nouveau régime de dégressivité est appliqué à l’ensemble des catégories de chômeurs percevant des allocations ordinaires, quelle que soit leur situation familiale  [161]. L’une des conséquences de cette dégressivité accrue – sur laquelle on n’a sans doute pas suffisamment insisté – est que le système d’indemnisation forfaitaire, c’est-à-dire indépendant du salaire perçu antérieurement par l’allocataire, est étendu aux chefs de ménage et aux isolés dont le chômage se prolonge, alors qu’il ne concernait précédemment que la catégorie des cohabitants.

133En second lieu, la dégressivité des allocations est accrue, c’est-à-dire que les allocations diminuent plus rapidement et de façon plus importante au fur et à mesure que le chômage se prolonge dans le temps. À titre compensatoire, le montant des allocations accordées au début d’une période d’indemnisation est légèrement augmenté  [162].

134Plus concrètement, ces modifications impliquent que le régime des allocations de chômage ordinaires fonctionne désormais d’une façon si complexe que le pouvoir exécutif lui-même a renoncé à l’exprimer de façon articulée et explicite : c’est en effet au moyen d’un tableau et non en usant de « phrases grammaticalement complètes »  [163] que s’est effectuée la réforme du 23 juillet 2012.

135Désormais, toutes les catégories de chômeurs connaissent trois périodes d’indemnisation successives. La première dure un an, quel que soit le passé professionnel de l’allocataire. Le montant de l’allocation correspond alors à un pourcentage de la rémunération perdue, dans les limites d’un plafond salarial. Durant les trois premiers mois de cette première période, le taux de remplacement est augmenté : il passe de 60 à 65 %. Après trois mois, ce taux baisse légèrement (60 %). Après six mois, si ce taux de remplacement est maintenu, et donc reste fixé à 60 %, le plafond salarial diminue quant à lui – ce qui implique que l’allocation effectivement perçue par l’allocataire peut diminuer.

136Après un an, le chômeur entre dans la deuxième période d’indemnisation, dont la durée varie en fonction de son passé professionnel. Cette deuxième période est ainsi composée d’une partie fixe de deux mois et d’une partie variable de deux mois additionnels par année de passé professionnel en qualité de travailleur salarié. Dès lors que « l’exigence minimale à satisfaire pour avoir accès aux allocations de chômage sur la base de son travail est, pour les personnes âgées de moins de 36 ans, d’avoir travaillé pendant au moins un an au cours des 21 mois précédant la demande d’allocations, une seconde période d’indemnisation dure au minimum quatre mois, soit deux mois de partie fixe prolongés d’une partie variable de deux mois également, ouverte sur la base de l’année de travail prestée. Autrement dit, plus le passé professionnel est important, plus est retardé le moment où le chômeur bascule dans le système d’indemnisation forfaitaire propre à la troisième et dernière période »  [164].

137Au cours de la seconde période, les taux de remplacement varient en fonction de la situation familiale du chômeur, comme c’était déjà le cas auparavant. Durant la première année de cette seconde période, soit la deuxième année de chômage, les chefs de ménage perçoivent 60 % de leur rémunération antérieure, les isolés 55 % et les cohabitants 40 %. Durant cette seconde période, le plafond salarial connaît lui aussi une baisse, « de sorte que, même pour les chefs de ménage, le passage de la première à la seconde période d’indemnisation se traduit souvent par une baisse du montant effectif des allocations »  [165].

138Après un an en deuxième période – si le chômeur peut justifier d’un passé professionnel suffisant, lui permettant de s’y maintenir après une telle durée –, le montant de l’allocation subit une diminution organisée par paliers de six mois : « Tous les six mois, les allocations sont réduites d’un cinquième de la différence entre le montant que touche le chômeur et le forfait applicable au cours de la troisième période. Au fil des amputations successives de six mois en six mois, le montant des allocations finit mécaniquement par rejoindre le niveau du forfait. La jonction a lieu au plus tard après trois années en seconde période d’indemnisation, c’est-à-dire quatre ans après le début du chômage. C’est ainsi que les montants diminuent désormais à intervalles périodiques même pour les chômeurs chefs de ménage et isolés, alors que ceux-ci étaient autrefois assurés de conserver, respectivement, 60 et 55 % de leur salaire, plafonné, pour assurer leur subsistance et celle de leur famille éventuelle »  [166].

139La troisième période est caractérisée par une indemnisation de nature forfaitaire, complètement indépendante de la rémunération antérieure perçue par l’allocataire. Il s’agit là d’une rupture par rapport au système antérieur en ce qui concerne les chefs de ménage et les isolés. Une fois arrivés en troisième et dernière période, ceux-ci touchent un forfait légèrement supérieur au revenu d’intégration. Les cohabitants, quant à eux, comme c’était le cas auparavant, perçoivent une indemnité forfaitaire inférieure à ce qu’ils percevraient – le cas échéant – en se tournant vers le CPAS.

140Le parcours d’un chômeur d’une période d’indemnisation à une autre n’obéit pas toujours à un schéma linéaire. En cas de remise au travail, il est en effet possible de bénéficier à nouveau des niveaux d’indemnisation qu’offre la première période, qui s’avère plus avantageuse. La réglementation requiert alors que certaines prestations de travail soient accomplies durant une période de référence (par exemple, s’agissant d’une personne qui reprend ses activités professionnelles salariées à temps plein, 12 mois de travail prestés durant une période de référence de 18 mois sont exigés  [167]).

2.2.2. Réforme du stage et des allocations d’attente

141La deuxième réforme phare décidée par le gouvernement Di Rupo concerne le système du stage d’attente et des allocations d’attente. Ces allocations ne sont pas octroyées sur la base de prestations professionnelles antérieures mais sont destinées aux personnes qui, ayant terminé un cycle complet d’études, n’ont pas encore suffisamment travaillé et cotisé pour ouvrir leur droit aux allocations de chômage ordinaires, basées sur le travail.

142Comme on l’a vu dans la mise au point historique qui a été proposée au début de ce Courrier hebdomadaire, cet élargissement du cercle des personnes bénéficiant du régime de l’assurance chômage au-delà des travailleurs salariés a été présent dès l’instauration d’un régime obligatoire et généralisé d’assurance chômage  [168].

143Souvent présenté comme une spécificité du système belge – à côté du caractère illimité des allocations –, ce régime existe en réalité dans d’autres pays, même si la période d’indemnisation y est souvent beaucoup plus courte  [169].

144Quelles en sont les conditions générales  [170] ? Pour bénéficier de telles allocations obtenues sur la base des études, le demandeur ne doit plus être soumis à l’obligation scolaire  [171] ou à des obligations liées aux études (ou à un programme de formation). Il doit avoir atteint un âge déterminé au moment de la demande d’admission et avoir accompli un stage d’une certaine durée, ce stage pouvant consister en un travail ou une inscription comme demandeur d’emploi, période durant laquelle il n’est pas admis que le demandeur refuse un emploi ou une formation. Les autres conditions sont identiques à celles qui conditionnent l’obtention d’allocations ordinaires : la situation de chômage doit avoir été créée de façon involontaire et le demeurer, l’allocataire doit être disponible pour le marché de l’emploi et il doit, en outre, résider en Belgique.

145Un tel dispositif, s’il concerne au premier chef les jeunes sortis des études, bénéficie en réalité dans les faits à de nombreux allocataires plus âgés, notamment des personnes qui soit n’ont jamais trouvé un emploi, soit ont travaillé mais n’ont jamais pu engranger le nombre de jours de travail requis pour pouvoir bénéficier d’allocations de chômage ordinaires.

146Que se passe-t-il après l’entrée en fonction du gouvernement Di Rupo ? Celui-ci procède en deux temps afin de mettre en œuvre une réforme du système des allocations obtenues après les études. Dans un premier temps, très rapidement après son installation, le gouvernement adopte un arrêté royal le 28 décembre 2011  [172]. Ce texte renomme les anciennes allocations d’attente en « allocations d’insertion », réforme le stage d’attente, rebaptisé à cette occasion « stage d’insertion », et – mesure la plus emblématique et dont l’impact social a été le plus notable – limite à une période de 3 ans ces allocations qui étaient précédemment illimitées dans le temps. Dans un second temps, quelques mois après sa mise en place, le gouvernement adopte un nouvel arrêté royal, le 20 juillet 2012, qui renforce le contrôle de la disponibilité pesant sur les bénéficiaires de telles allocations d’insertion  [173]. Nous nous concentrons ci-dessous sur le premier volet de cette réforme  [174]. Concernant le second volet, qui a conduit à un renforcement des exigences en termes de disponibilité active, l’un des effets de cette réforme a été de soumettre les personnes qui sollicitent l’octroi d’allocations d’insertion à une obligation supplémentaire. Afin de percevoir ce type d’allocation, les demandeurs doivent en effet avoir obtenu deux évaluations positives de leurs efforts entrepris en vue de trouver un emploi. La recherche active d’emploi devient ainsi, en quelque sorte, une condition d’admissibilité à ce système d’allocations obtenues après les études, alors que précédemment, à tout le moins depuis la réforme du suivi des chômeurs intervenue en 2004, elle constituait uniquement une condition d’octroi.

147L’arrêté royal du 28 décembre 2011, entré en vigueur le 1er janvier 2012, a introduit une modification de la réglementation de l’assurance chômage qui a suscité des contestations particulièrement importantes dans les champs politique et social (cf. infra). Ces différents fronts de contestation se sont focalisés sur une mesure particulièrement retentissante : la limitation dans le temps des allocations d’insertion.

148Certaines modifications qui ont été introduites concernant la durée du stage d’insertion ont moins retenu l’attention. Alors que, précédemment, la durée de ce stage variait en fonction de l’âge du demandeur, l’arrêté royal du 28 décembre 2011 stipule en effet que ce stage devra durer 310 jours dans tous les cas, c’est-à-dire une année complète selon les modes de calcul en vigueur dans la réglementation du chômage.

149Concernant la limitation dans le temps des allocations d’insertion, le système mis en place par le gouvernement Di Rupo est, en résumé, le suivant. La condition d’âge pour demander des allocations de ce type demeure inchangée, et est fixée à 30 ans maximum. La personne qui satisfait à cette condition, ainsi qu’aux autres conditions qui sont posées par la réglementation, peut bénéficier d’allocations pendant une durée de trois ans. Cette période de trois ans n’est toutefois pas figée. Des exceptions sont prévues, qui permettent d’étendre la durée pendant laquelle des allocations d’insertion peuvent être perçues  [175].

150Il est important de préciser que le point de départ du délai de trois ans varie en fonction de la situation familiale du demandeur. Pour le chef de ménage, l’isolé ou le cohabitant dit privilégié (c’est-à-dire celui dont le conjoint ou le partenaire ne dispose que de revenus de remplacement), le délai court à partir de son trentième anniversaire. Pour le cohabitant « non privilégié », en revanche, le délai de trois ans court à partir de la date de la première demande d’admission au régime des allocations d’insertion. Autrement dit, la durée concrète d’octroi des allocations peut être nettement supérieure à trois ans pour les chefs de ménage et les isolés. Il n’empêche que le changement est important, dans la mesure où l’octroi des allocations ne peut plus se prolonger, pour aucun chômeur admis sur la base des études, au-delà de l’âge de 33 ans, là où il n’existait auparavant pas de limite dans le temps.

151S’il satisfait aux conditions, et pendant la période de couverture, le bénéficiaire de ce type d’allocations touche des allocations forfaitaires qui varient en fonction de sa situation familiale et de son âge.

152L’introduction d’une limitation dans le temps des allocations d’insertion constitue une réforme dont les implications sociales, notamment en termes d’impact sur la pauvreté, ont été particulièrement importantes  [176]. Ces conséquences n’ont cependant pas été ressenties au moment où la réforme a été adoptée. Ce n’est en effet que le 1er janvier 2015, trois ans après son entrée en vigueur, que les premiers effets de cette mesure sont devenus tangibles, lorsque les chômeurs cohabitants ont épuisé leur « crédit » de 36 mois.

2.2.3. Autres réformes

153Sans doute noyées dans un flot de décisions particulièrement important, d’autres mesures prises dans le domaine de l’assurance chômage et décidées par le gouvernement Di Rupo sont passées quelque peu inaperçues. Le cadre restreint de la présente étude nous empêche d’en proposer un compte rendu approfondi, mais nous souhaitons à tout le moins mentionner ici les plus importantes d’entre elles, en indiquant le cas échéant au lecteur quelques références bibliographiques utiles.

154Parmi les mesures qui ont entraîné un durcissement des conditions permettant d’accéder ou de se maintenir dans le système de l’assurance chômage, deux mesures méritent en particulier d’être épinglées.

155En premier lieu, une redéfinition de la norme d’emploi convenable est intervenue fin 2011  [177]. Un durcissement de la condition de distance en vertu de laquelle un emploi est réputé non convenable a notamment été opéré. En résumé, un emploi est réputé non convenable s’il implique des déplacements journaliers d’une durée supérieure à 4 heures. Auparavant, si la distance entre le domicile du travailleur et son potentiel lieu de travail était supérieure à 25 kilomètres, il n’était pas tenu compte de tels critères (l’emploi étant présumé non convenable s’il se situait à plus de 25 kilomètres du domicile du chômeur). Depuis le 1er janvier 2012, la distance qui doit être considérée à cet égard est de 60 kilomètres. Concrètement, cela veut dire qu’un chômeur à qui l’on propose un emploi se situant à 58 kilomètres de son domicile, mais qui s’avère peu accessible, par exemple en faisant usage des transports en commun, impliquant dès lors 3 heures et demie de déplacements quotidiens, pourra être tenu de l’accepter. En outre, la période protégée, c’est-à-dire celle durant laquelle le chômeur est fondé à faire valoir son profil professionnel, est réduite de six à cinq mois, et même à trois mois pour les travailleurs âgés de moins de 30 ans ou dont le passé professionnel est inférieur à 5 ans  [178].

156En second lieu, concernant les travailleurs sans emploi bénéficiant d’allocations de chômage ordinaires, le régime du complément d’ancienneté a été revu. Afin de bénéficier de cette majoration de l’allocation – qui nécessite notamment de pouvoir justifier de 20 ans d’ancienneté –, l’âge minimal requis a été rehaussé de 50 à 55 ans par le gouvernement Di Rupo  [179].

157D’autres mesures sont en revanche allées dans le sens d’un assouplissement de certaines règles. Les conditions d’entrée dans le système du chômage ordinaire ont ainsi été légèrement adoucies. La période de référence qui est prise en considération pour calculer le nombre de jours de travail requis pour pouvoir être déclaré admissible au bénéfice de ces allocations a été portée de 18 à 21 mois pour les travailleurs âgés de moins de 36 ans, de 27 à 33 mois pour les travailleurs âgés de 26 à moins de 50 ans et de 36 à 42 mois pour les travailleurs âgés de 50 ans ou plus. Le nombre de jours de travail qui doivent avoir été prestés par ces différentes catégories de demandeurs reste quant à lui inchangé (à savoir, respectivement, 312 jours – c’est-à-dire une année en vertu de la réglementation du chômage –, 468 jours et 624 jours)  [180]. L’impact de cette mesure est donc d’avoir quelque peu élargi le sas d’entrée pour les chômeurs confrontés à la discontinuité du travail.

158S’agissant des chômeurs âgés, c’est-à-dire ceux qui ont atteint un certain âge et qui peuvent justifier d’un passé professionnel d’une certaine durée, des mesures compensatoires de la dégressivité accrue des allocations de chômage ordinaires ont été prises, qui visent à tempérer la diminution dans le temps du montant des allocations perçues (moyennant des conditions qu’il serait difficile de résumer ici  [181]).

159Une autre réforme encore, qu’il est difficile de classer comme restrictive ou protectrice des droits sociaux compte tenu de son ambivalence, mérite que l’on s’y arrête pour au moins deux raisons. D’une part, elle a eu un impact social qui n’est pas négligeable. D’autre part, elle est emblématique du caractère souvent opaque des changements de la réglementation qui sont opérés dans le domaine de l’assurance chômage. Cette réforme concerne les chômeurs partiellement inaptes au travail  [182]. Cette inaptitude n’est pas suffisamment marquée pour permettre à ces personnes de bénéficier d’une indemnité d’incapacité de travail à charge de l’Institut national d’assurance maladie-invalidité (INAMI) et de la mutuelle, mais elle rend particulièrement difficile leur intégration sur le marché du travail (en particulier dans le contexte d’une concurrence exacerbée entre demandeurs d’emploi). Lors de la réforme de l’activation des chômeurs, en 2004, une dispense de recherche active d’emploi avait été prévue pour ces personnes.

160Cette possibilité de dispense est supprimée en 2011. Une telle mesure prend l’ensemble des personnes concernées et des observateurs par surprise. Elle n’a en effet jamais été annoncée, ni dans le processus de négociation, ni dans l’accord de gouvernement, ni par la ministre de l’Emploi, M. De Coninck. Concrètement, ces changements impliquent « que les personnes souffrant d’une incapacité de travail et relevant de l’assurance chômage doivent non seulement être inscrites comme demandeuses d’emploi et être disposées à accepter tout emploi convenable mais qu’en plus – et là est la nouveauté – elles doivent accomplir des démarches actives de réinsertion socio­professionnelle »  [183], sous peine de sanctions.

161En 2012, au moins 16 000 personnes sont concernées par cette mesure  [184], qui représente un changement radical d’approche quant à cette catégorie de chômeurs  [185]. Ces personnes, ne pouvant justifier d’une insertion dans le monde du travail suffisamment longue, ne bénéficient souvent pas d’allocations de chômage ordinaires, mais perçoivent, dans leur grande majorité, des allocations d’insertion. Or, comme on le sait, celles-ci ont été limitées dans le temps par le gouvernement Di Rupo qui a, en outre, renforcé les obligations pesant sur les bénéficiaires d’allocations d’insertion en termes de recherche active d’emploi (cf. supra).

162Le 28 mars 2014, le gouvernement fédéral décide d’octroyer une extension du droit aux allocations d’insertion pour une période de 2 ans à une partie des personnes partiellement inaptes au travail. Sont concernées, d’une part, les personnes qui peuvent faire état d’une inaptitude dite permanente d’au moins 33 % et, d’autre part, celles qui remplissent les conditions pour pouvoir bénéficier d’un nouveau statut, dit MMPP. Le gouvernement fédéral introduit en effet dans le système des allocations d’insertion une catégorie existant déjà en Flandre, dite MMPP, qui regroupe des demandeurs d’emploi considérés comme partiellement inaptes au travail en raison de problèmes d’ordre médical, mental, psychologique ou psychiatrique, éventuellement combinés avec des problèmes sociaux  [186]. Pour prolonger leur droit aux allocations d’insertion, ces personnes doivent ainsi pouvoir faire état d’une situation déficiente de santé, en étant déclarées inaptes permanentes à 33 % au moins ou MMPP. Elles doivent en outre collaborer « positivement à un trajet approprié, organisé ou reconnu » par le service public de l’emploi dont elles relèvent  [187].

163En juin 2014, une catégorie proche, dite PMS, est consacrée par l’Autorité fédérale ainsi que par les Régions et les Communautés  [188]. Le chômeur dit PMS est celui qui « présente une combinaison de facteurs psycho-médico-sociaux qui affectent durablement sa santé et/ou son intégration sociale et, de ce fait, son insertion professionnelle avec comme conséquence que le chômeur n’est pas en mesure de travailler dans le circuit économique normal ou dans le cadre d’un travail adapté et encadré, rémunéré ou non »  [189]. La reconnaissance de ce statut suspend la procédure de contrôle de la disponibilité active pour autant que le demandeur d’emploi PMS accepte de suivre un trajet spécifique d’insertion socio-professionnelle. Contrairement à la catégorie MMPP, qui s’applique aux bénéficiaires d’allocations d’insertion, le statut PMS concerne, à tout le moins dans un premier temps, les chômeurs qui perçoivent des allocations ordinaires. Le champ d’application de ce statut sera toutefois amené à s’élargir progressivement. En effet, la réglementation relative au contrôle de la disponibilité active des personnes partiellement inaptes au travail fera l’objet d’un certain nombre d’ajustements sous les gouvernements Michel I et Michel II (cf. infra).

2.2.4. Le contrôle des chômeurs après la sixième réforme de l’État

164La sixième réforme de l’État a elle aussi concerné le domaine du chômage. Une régionalisation du contrôle de la disponibilité tant active que passive des chômeurs a en effet été organisée. Sur le plan institutionnel, il s’agit là d’une évolution importante, à l’instar de la communautarisation du système des allocations familiales et de certains pans des soins de santé et des allocations aux personnes handicapées.

165On peut résumer de la façon suivante les modifications apportées en la matière  [190]. Pour comprendre ce processus, il faut faire un bond en arrière dans le temps. Cela a été indiqué, l’ONPC puis l’ONEM étaient en charge à la fois du contrôle et du placement des chômeurs. Cette « confusion de rôles »  [191] avait été dénoncée de longue date comme étant problématique, notamment par les syndicats et les collectifs de défense des droits des travailleurs sans emploi. En 1978, ces derniers engrangent une première victoire. Le gouvernement décide de scinder, au sein de l’ONEM, les services chargés de contrôler et ceux chargés d’accompagner les chômeurs dans leur parcours d’intégration ou de réintégration du marché du travail  [192].

166Cette approche est encore approfondie à l’occasion de la deuxième réforme de l’État, en 1980. La politique de l’emploi fait en effet l’objet d’une régionalisation partielle qui affecte trois domaines bien précis : le placement des demandeurs d’emploi, les programmes de remise au travail et l’application des normes en matière d’occupation des travailleurs étrangers. Dans le même temps, on assiste à la communautarisation d’une compétence liée et importante, à savoir celle de la formation professionnelle des demandeurs d’emploi : « La “reconversion” et le “recyclage” professionnels, soit la formation professionnelle des demandeurs d’emploi, [est] ajoutée à la liste des matières dites culturelles, qui relèvent de la compétence des Communautés créées dix ans plus tôt »  [193]. En d’autres mots, tandis que les entités fédérées (Régions et Communautés) deviennent compétentes pour les « missions de placement et de formation assumées [jusqu’alors] par les services subrégionaux de l’emploi de l’ONEM », l’Autorité fédérale et l’ONEM conservent « la mainmise sur toutes les décisions relatives à l’octroi et au retrait des allocations de chômage, au titre du maintien de la compétence de l’[Autorité fédérale] en matière de sécurité sociale »  [194]. Le niveau fédéral reste également compétent pour édicter la législation applicable en matière d’assurance chômage.

167Cette nouvelle répartition des compétences ne se concrétise que lentement et le système remanié ne devient effectif qu’en 1989  [195]. Cet équilibre s’avère en outre fragile car la nouvelle répartition des tâches entre niveau fédéral et entités fédérées ne permet pas « de résoudre le problème de l’articulation du contrôle et de l’accompagnement des chômeurs »  [196]. En bref, si le problème antérieur provenait de l’identité entre contrôleur et conseiller en placement, le problème nouveau est exactement inverse : comment s’assurer que le contrôleur et le conseiller en placement communiquent au sujet des cas individuels qu’ils ont à traiter chacun de leur côté  [197] ?

168Si de nombreux accords de coopération sont conclus, dès la fin des années 1980, entre l’Autorité fédérale et les entités fédérées  [198] en vue d’organiser une certaine transmission d’informations entre les services régionaux et communautaires compétents et l’ONEM  [199], il faut bien constater que les difficultés posées ne sont « jamais (…) véritablement résolues »  [200].

169Ces difficultés liées à un éclatement des compétences subséquent à la mise en œuvre, dans les années 1980, d’une régionalisation partielle de la politique de l’emploi viennent par ailleurs renforcer une revendication mise en avant avec de plus en plus d’insistance par certaines formations politiques flamandes. Au milieu des années 2000, une demande émerge en effet, notamment dans les rangs de certaines personnalités du SP.A, « de scinder certains pans de la réglementation du chômage et de responsabiliser davantage les Régions en matière d’emploi »  [201]. Les raisons invoquées ne concernent pas tant d’éventuels abus observables dans le sud du pays ou les transferts financiers du nord vers le sud du pays que la volonté de rationaliser le système  [202]. Cet objectif est par exemple mis en avant par F. Vandenbroucke et par Fons Leroy, administrateur délégué du Vlaamse Dienst voor Arbeidsbemiddeling en Beroepsopleiding (VDAB) et proche du SP.A. Plutôt que régionaliser complètement l’assurance chômage et le droit du travail, il s’agirait « d’opérer certains glissements dans la répartition des attributions, de manière à constituer des paquets de compétences plus homogènes et en particulier à concentrer entre les mains des Régions l’ensemble des instruments d’activation, dans l’objectif de leur donner les leviers nécessaires pour augmenter leur taux d’emploi respectif, et ce en fonction de leur situation économique propre »  [203].

170La solution préconisée par les concepteurs de la sixième réforme de l’État s’inscrit dans la droite ligne de ces propositions. Aucun transfert global de la matière du chômage vers le niveau régional n’est organisé et la réglementation de l’assurance chômage reste bien, dans sa quasi-totalité, de la compétence de l’Autorité fédérale  [204].

171Le point le plus « emblématique » de l’accord de 2011 ayant conduit à la sixième réforme de l’État, en ce qui concerne l’assurance chômage, est le transfert aux Régions du contrôle de la disponibilité tant active que passive des chômeurs  [205]. Plus précisément encore, ce qui a été transféré est la mise en œuvre administrative d’un cadre normatif fédéral, repris dans un arrêté royal du 14 décembre 2015 et entré en vigueur le 1er janvier 2016  [206]. Une certaine marge de manœuvre a toutefois été laissée aux Régions pour compléter ce cadre, en édictant certaines mesures réglementaires. La Région flamande et la Région de Bruxelles-Capitale ont fait usage de cette faculté, mais pas la Région wallonne.

172Par « disponibilité passive », il faut entendre la vérification du respect, par les chômeurs, des obligations qui leur sont imposées en vertu des articles 51, 56 et 58 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage. Concrètement, il s’agit de sanctionner la non-présentation « à une convocation du service de l’emploi, à une convocation d’un employeur potentiel, le refus de participer à un plan d’accompagnement, à un programme de reclassement professionnel, ou encore le refus de s’inscrire à une cellule pour l’emploi, etc. »  [207]. Quant à lui, le contrôle de la « disponibilité active » consiste en « la vérification du comportement de recherche d’emploi de l’intéressé »  [208], c’est-à-dire qu’il porte sur les actes positifs accomplis par le demandeur d’emploi. Ce dernier doit traduire son comportement actif de recherche d’emploi au sens de l’arrêté royal du 4 juillet 2004 portant modification de la réglementation du chômage à l’égard des chômeurs complets qui doivent rechercher activement un emploi (cf. supra).

173À la suite de la sixième réforme de l’État, ce n’est donc plus l’ONEM qui est compétent pour contrôler la disponibilité des chômeurs. Au fil du temps, toutes les Régions ont organisé les modalités d’exercice de cette nouvelle compétence qui leur a été attribuée. En Flandre, cette compétence est exercée par le VDAB en vertu d’un décret du 24 avril 2015  [209]. En Wallonie, elle a été confiée à l’Office wallon de la formation professionnelle et de l’emploi (FOREM) par un décret du 17 mars 2016  [210]. En Région bruxelloise, cette compétence est exercée par Actiris (ancien Office régional bruxellois de l’emploi - ORBEM) en vertu d’une ordonnance du 20 décembre 2016  [211]. Enfin, en région de langue allemande, où l’exercice de cette compétence a été transféré par la Région wallonne à la Communauté germanophone à la date du 1er janvier 2016, c’est l’Arbeitsamt der Deutschsprachigen Gemeinschaft (ADG, office de l’emploi de la Communauté germanophone) qui est compétent  [212].

174La régionalisation du contrôle de la disponibilité des chômeurs a suscité des réactions et des débats. Une ancienne querelle a notamment été à cette occasion réactivée, qui a trait aux avantages et inconvénients de séparer les missions de contrôle et de placement en matière de chômage. Il conviendra d’être attentifs à l’avenir à la mise en œuvre de ces nouvelles compétences  [213]. On pourrait par ailleurs considérer que la régionalisation du contrôle de la disponibilité des chômeurs constitue une mesure intermédiaire, si l’on considère la revendication plus radicale, mise en avant par certaines formations politiques, de régionaliser l’ensemble de la politique de l’emploi, en ce compris le régime de l’assurance chômage dans toutes ses composantes.

2.3. Les réactions aux réformes de l’assurance chômage décidées par le gouvernement Di Rupo

175Quelles ont été les réactions suscitées par les réformes adoptées par le gouvernement Di Rupo dans le domaine du chômage ? La dimension institutionnelle ou communautaire des réformes décidées en 2011, qui vient d’être ci-dessus brièvement rappelée, n’a pas à cet égard été déterminante. C’est plutôt en tant qu’elles ont touché aux droits sociaux des travailleurs sans emploi, en tant qu’elles ont amoindri « significativement le niveau de protection du droit à un revenu de remplacement destiné à pallier le manque involontaire d’emploi »  [214], que ces réformes ont donné lieu à des réactions significatives dans les champs politique et social.

176Dans cette section, nous nous intéressons aux réactions suscitées par les réformes du chômage inscrites dans le volet socio-économique de l’accord du gouvernement Di Rupo, à savoir principalement l’élargissement et le renforcement de la dégressivité des allocations ordinaires et la limitation dans le temps des allocations d’attente.

177Trois niveaux sont considérés. Primo, nous nous situons sur un plan politique en abordant non seulement les réactions des partis politiques aux décisions prises en matière de chômage, mais également celles émanant d’autres acteurs, comme la Commission européenne ou l’OCDE. Secundo, sur un plan qualifié de social, nous rappelons les réactions des syndicats, du monde associatif et du patronat. Tertio, nous insistons sur les ripostes aux réformes du chômage qui ont pris une forme juridictionnelle. Cette approche nous conduit à mettre en lumière une conjonction entre luttes sociale et juridique plutôt qu’une opposition entre ces deux registres.

2.3.1. Sur le plan politique

178Il convient de rappeler un fait important : l’accord qui a conduit à la formation du gouvernement Di Rupo comporte deux volets. D’une part, un volet institutionnel qui doit mener à la sixième réforme de l’État. Pour celui-ci, des majorités renforcées doivent être réunies ; la coalition conduite par E. Di Rupo doit donc recevoir l’appui de formations extérieures. D’autre part, un volet socio-économique qui ne nécessite pas de majorité renforcée (encore moins en matière de chômage qui est aux mains du pouvoir exécutif, comme cela a déjà été explicité).

179Quelles ont été les réactions des différentes formations politiques qui n’ont pas participé à la négociation du volet socio-économique de l’accord de gouvernement vis-à-vis de celui-ci, et en particulier vis-à-vis des réformes décidées en matière de chômage, qu’elles aient ou non été associées par ailleurs aux discussions institutionnelles ? Cela a été indiqué, la N-VA, devenue première formation politique flamande et du pays à la suite des élections fédérales de 2010, participe longtemps aux négociations en vue de former un gouvernement, avant de quitter la table des négociations début juillet 2011  [215]. Elle tente ensuite de revenir dans le jeu politique, notamment au moment de l’ultime démission présentée par E. Di Rupo au Roi, fin novembre 2011, et tenue en suspens par celui-ci. La N-VA propose alors la mise en place d’un gouvernement d’urgence : une coalition regroupant, outre le parti nationaliste, les partis libéraux et de tradition sociale-chrétienne. Son président, Bart De Wever, déclare notamment que les « propositions du PS montrent bien que ce parti n’est pas prêt à voir la réalité en face »  [216]. Comme on le sait, les négociations entre les différents partenaires aboutissent finalement à un accord quelques jours plus tard. La N-VA critique immédiatement le caractère insuffisant des mesures socio-économiques contenues dans l’accord  [217]. Le Vlaams Belang et la Lijst Dedecker (LDD) abondent dans le même sens  [218].

180La position d’Écolo et de Groen est assez particulière. Ces partis apportent leur soutien aux réformes institutionnelles, même s’ils ont été exclus au moment de la finalisation de l’accord gouvernemental. Concernant le volet socio-économique de ce dernier, ces deux formations politiques dénoncent l’injustice sociale qui imprègne l’accord de gouvernement, ce dernier bénéficiant aux gros revenus au détriment des couches les plus modestes de la population. Quant à lui, le FDF (formation qui vient de reprendre son indépendance vis-à-vis du MR, le 25 septembre 2011), par la voix de son président Olivier Maingain, regrette l’absence dans cet accord de signal fort de relance économique  [219].

181Comme cela a été dit, les mesures décidées par le gouvernement Di Rupo en matière de chômage s’inscrivent dans des politiques dites d’austérité  [220] menées en raison de l’évolution de la situation économique mondiale (c’est en tout cas de cette manière que ces mesures sont présentées). Ces politiques sont menées sous la pression de divers acteurs, en particulier l’Union européenne et l’OCDE, qui prônent la mise en œuvre de « profondes réformes teintées par la rigueur et l’austérité »  [221].

182Les réformes adoptées par le gouvernement belge à partir de 2011 sont ainsi accueillies favorablement au sein de ces différents cénacles internationaux ou supranationaux  [222]. Du côté de l’OCDE, l’évaluation est globalement positive : « Les autorités [belges] ont réformé le système d’allocation de chômage en 2012 pour inciter davantage les travailleurs sans emploi à chercher du travail »  [223]. Évoquant les différentes mesures prises par le gouvernement Di Rupo dans ce domaine, qu’elles concernent les modalités d’octroi des allocations de chômage, l’étendue de celles-ci ou le contrôle de la disponibilité des chômeurs, le rapport de l’OCDE évoque la mise en place d’un « nouveau cadre amélioré »  [224], tout en regrettant le système de dérogations mis en place au bénéfice des travailleurs âgés : « Pour rehausser le taux d’emploi des seniors, il faut que les chômeurs âgés soient soumis aux mêmes règles que les autres en matière de prestations et d’obligations de recherche d’emploi »  [225]. Du côté de la Commission européenne et du Conseil de l’Union européenne, on retrouve une configuration identique : une évaluation positive, sur un plan général, et des réserves, exprimées à la marge. Si « la réforme du système d’allocations de chômage constitue un pas dans la bonne direction »  [226], le gouvernement doit continuer à veiller à ce que l’accompagnement et le suivi des demandeurs d’emploi soient plus efficaces. Les démarches effectuées par les chômeurs pour retrouver un emploi devraient en particulier, selon ces institutions, être plus systématiquement soumises à un contrôle par les services compétents.

2.3.2. Sur le plan social

183Des mesures d’austérité prenant la forme d’une intervention dans la réglementation du chômage commencent à apparaître dans la note du 4 juillet 2011 rédigée par le formateur, E. Di Rupo (cf. supra). Une dégressivité renforcée des allocations de chômage y est en particulier prévue, ainsi qu’une réforme des allocations d’attente (la mesure phare que constitue la limitation dans le temps de ces allocations ne sera cependant introduite dans l’accord que quelques mois plus tard, au moment de la finalisation de celui-ci : cf. supra). Ces projets et leur concrétisation suscitent d’importantes réactions, qui émanent du monde syndical et du monde associatif.

2.3.2.1. Réactions au sein du monde syndical

184Les syndicats réagissent rapidement à ces projets. Il n’est pas inutile de rappeler que ceux-ci sont les représentants traditionnels des chômeurs, qui sont généralement qualifiés au sein du monde syndical et associatif de « travailleurs sans emploi », cette expression étant jugée moins stigmatisante à leur égard, plus inclusive, et plus conforme à leur position juridique et socio-économique. Le rôle joué dès l’origine par les syndicats en tant qu’organismes de paiement des allocations de chômage explique sans doute en partie cette place accordée à la défense des droits et des intérêts des chômeurs au sein des syndicats. Étant donné que ceux-ci sont, au premier chef, des organismes chargés de défendre les intérêts des travailleurs, la place des travailleurs sans emploi au sein des syndicats ne va pas sans soulever un certain nombre de questionnements  [227].

185Afin de décrire les réactions des syndicats aux mesures socio-économiques envisagées lors des négociations devant mener à la formation du gouvernement Di Rupo, il n’est pas inutile de remonter quelque peu dans le temps. Pour rappel, à la suite des élections fédérales anticipées de 2010, des négociations entre sept partis (N-VA, PS, SP.A, CDH, CD&V, Écolo et Groen) sont enclenchées. Dans un premier temps, l’inquiétude des syndicats se focalise sur « certaines des revendications institutionnelles mises sur la table par les partis politiques flamands (…) en raison de leurs répercussions sur la concertation sociale, sur l’unité de la sécurité sociale, sur les finances publiques des différentes entités et, par conséquent, sur leurs agents et sur leurs citoyens, ainsi qu’en raison du fait que, selon plusieurs dirigeants syndicaux, la focalisation sur les questions institutionnelles risque de faire passer au second plan les enjeux socio-économiques à affronter par le futur gouvernement »  [228].

186Cependant, la composition du groupe de partis assis à la table de négociations est alors de nature à « rassurer les organisations syndicales puisque, hormis la N-VA, ces formations sont toutes de centre ou de centre-gauche et considérées comme proches de la CSC ou de la FGTB »  [229].

187Après l’échec de ce premier round de négociations et une prolongation de la crise politique, le contexte économique continue à se dégrader. En décembre 2010, l’agence de notation Standard & Poor’s menace de dégrader la note de la Belgique en l’absence d’amélioration de la situation politique et de clarification des perspectives budgétaires (cf. supra). En janvier 2011, le Groupe des dix, qui comprend les principaux représentants syndicaux et patronaux, ne parvient que très difficilement à rédiger un projet d’accord interprofessionnel (AIP) et, quelques jours plus tard, ce texte est rejeté par les syndicats socialiste et libéral, soit la FGTB et la CGSLB, « ouvrant la voie à une longue période de tension et de conflictualité sociale »  [230]. Le mois suivant, la famille libérale (MR et Open VLD) rejoint les négociations qui se poursuivent en vue de la formation du gouvernement fédéral, changement de configuration qui déplaît à certains syndicats.

188En juillet 2011, après la défection de la N-VA, huit partis acceptent de reprendre les négociations (PS, SP.A, MR, Open VLD, CDH, CD&V, Écolo et Groen). Il devient de plus en plus clair que, au vu du contexte politique et économique global, des mesures d’assainissement budgétaire radicales sont à l’étude, en ce compris une réforme de l’assurance chômage, ce qui conduit les syndicats à exprimer leurs inquiétudes. Le 1er juillet 2011, les trois organisations syndicales adressent ainsi en front commun un communiqué à E. Di Rupo : « C’est avec la plus grande inquiétude que les trois organisations syndicales suivent la formation d’un nouveau gouvernement. Nous avons déjà souligné à plusieurs reprises que certaines propositions relatives à une sixième réforme institutionnelle risquaient de compliquer le fonctionnement de notre modèle social. Le contexte politique et socio-économique dans lequel l’élaboration du programme socio-économique doit prendre forme est également source de vives inquiétudes »  [231].

189Ces inquiétudes portent notamment sur certaines recommandations émanant du Conseil européen. Ce dernier plaide « pour une accélération de l’assainissement budgétaire principalement du côté des dépenses », en proposant notamment, parmi un ensemble fourni de mesures structurelles, d’organiser ou de renforcer « la diminution progressive des allocations de chômage ». Les syndicats redoutent que de telles mesures, qui sont selon eux inspirées par les « recettes néolibérales qui sont à l’origine de la crise financière et économique », n’accentuent les injustices tout en plombant « la timide reprise économique ». Le front commun syndical conclut ainsi : « Nous souhaitons (…) que l’on tire les leçons qui s’imposent de la crise financière et rejetons un retour au “business as usual” qui démantèle les filets de sécurité sociale sans s’attaquer aux véritables causes des problèmes. Sur le plan européen comme sur le plan belge, il faut une politique axée sur la régulation financière, des investissements durables, la justice fiscale, des services publics forts et un emploi de qualité »  [232]. Les syndicats soulignent par ailleurs la nécessité de garantir « une concertation sociale forte et [de] respecter l’autonomie des partenaires sociaux »  [233].

190La contestation s’intensifie à partir du 5 juillet 2011, après que la note du formateur a été rendue publique. Plusieurs mesures socio-économiques sont jugées « inacceptables » par les syndicats organisés en front commun, parmi lesquelles figurent « la réduction des allocations de chômage de tous les chômeurs de longue durée, y compris les chefs de ménage et les isolés, après une (courte) deuxième période, à un minimum (selon les normes actuelles) largement inférieur au seuil de pauvreté européen, comme si ces travailleurs étaient responsables de la forte hausse du chômage », ainsi que « le renforcement de la politique des sanctions à l’égard des chômeurs (pour les jeunes avec indemnités d’attente et par le biais des conditions d’un emploi valable  [234]) »  [235].

191À la mi-août, les négociations reprennent et se concentrent, comme prévu, sur le volet institutionnel. Deux mois sont nécessaires pour finaliser cette partie de l’accord, qui est officiellement présentée le 11 octobre 2011. C’est le moment que choisissent les organisations syndicales pour exprimer, une fois encore, leurs inquiétudes s’agissant du « volet socio-économique du futur accord de gouvernement, en rappelant que les travailleurs et les allocataires sociaux ne sont pas les responsables de la crise économique en cours ». À cette occasion, la FGTB et la CSC mettent en lumière l’existence d’autres « pistes afin de rétablir les finances publiques et de relancer l’économie de manière socialement juste »  [236].

192Au même moment, la composition du futur gouvernement se précise. Les partis écologistes sont laissés de côté, même s’ils soutiendront le volet institutionnel de l’accord (cf. supra). Le gouvernement fédéral penchera donc plus à droite que prévu initialement, ce qui n’est pas de nature à apaiser les craintes des syndicats. Fin octobre, la tenue d’un meeting en front commun syndical est annoncée pour le 15 novembre 2011. Lors de cet événement, la question des attaques contre le système d’assurance chômage est présente dans les discours des différents intervenants. La tenue d’une manifestation nationale le 2 décembre 2011 est également annoncée.

193Cette manifestation intervient dans un contexte particulièrement chahuté. Le 25 novembre, la note de la Belgique est dégradée par Standard & Poor’s. Parallèlement, les négociations devant aboutir à la formation du gouvernement Di Rupo aboutissent. Le 2 décembre, le gouvernement n’est formellement pas encore en place, mais les mesures principales qui formeront l’ossature de sa politique socio-économique sont déjà connues  [237]. Les syndicats dénoncent les mesures phares de la réforme envisagée en matière de chômage. Les autres pierres d’achoppement sont la réforme des prépensions (rebaptisées « régime de chômage avec complément d’entreprise ») et celle des pensions, ainsi qu’une refonte des mesures permettant de flexibiliser la carrière (fin de carrière et crédit-temps).

194La manifestation du 2 décembre 2011 intervient ainsi le lendemain de la finalisation de l’accord de majorité et quelques jours avant la nomination du nouveau gouvernement. Tandis que les négociateurs, et en particulier les représentants du PS, indiquent avoir « sauvé les meubles », les syndicats dénoncent le caractère antisocial des mesures contenues dans l’accord, qui épargne selon eux les entreprises et les personnes les plus fortunées. Les syndicats essuient les critiques du patronat et d’une large frange de la presse, qui estime que la tenue d’une telle manifestation n’est pas opportune vu le contexte politique et économique. Malgré ces oppositions, la manifestation constitue un succès : entre 50 000 et 80 000 personnes défilent dans les rues de Bruxelles  [238].

195Les déclarations des différents leaders syndicaux à l’issue du rassemblement démontrent que la situation des bénéficiaires d’allocations de chômage, sur le point d’être revue fort à la baisse, constitue un indéniable casus belli. Claude Rolin (CSC) affirme ainsi : « Cette crise n’est pas la nôtre, c’est celle d’un capitalisme financier dérégulé. Pourtant, c’est aux salariés, aux allocataires sociaux que l’on présente l’addition. Nous ne pouvons pas l’accepter. Ils nous disent que ce budget est socialement juste mais ce n’est pas vrai. Avec ce budget, nous sommes face à une remise en cause des prépensions et du crédit-temps. Avec ce budget, ce sont les jeunes qui sont touchés avec l’allongement du stage d’attente. Avec ce budget, ce sont les chômeurs qui sont visés au travers de l’augmentation de la dégressivité des allocations. Ce n’est pas en s’attaquant aux chômeurs que l’on fera reculer le chômage »  [239]. Anne Demelenne (FGTB) renchérit : « Nous les avions prévenus en leur disant : ne vous trompez pas de cible. Le déficit public n’est pas causé par les jeunes, les plus de 50 ans, les femmes, les chômeurs, les pensionnés, les agents des services publics. Mais ils ne nous ont pas entendus. (…) Au lieu de rendre les allocations de chômage dégressives, il faudrait dégraisser les bonus des traders et les dividendes aux actionnaires »  [240]. Le rôle de la presse durant cette période peut être souligné. Sans entrer dans les détails, indiquons que les médias « restent très critiques par rapport à cette mobilisation syndicale, malgré son ampleur »  [241]. Ainsi, Béatrice Delvaux s’interroge dans son éditorial du quotidien Le Soir : « Quelle drôle de date ! À part pour dire sa peur, formuler des exigences, exprimer des interdits, quel est le sens d’une manifestation de cette ampleur alors qu’il n’y a plus rien à demander à des négociateurs qui ont bouclé leur budget ? »  [242] De manière assez unanime, on assiste ainsi dans la presse, tant au nord qu’au sud du pays, non certes à une remise en cause du droit de manifester en tant que tel, mais bien à une dénonciation de l’action syndicale comme étant irresponsable.

196La mobilisation syndicale ne faiblit pas pour autant. Mi-décembre, un cahier de revendications commun, rédigé par les trois principales organisations syndicales, est ainsi adressé au nouveau gouvernement et au patronat. Dans ce texte, les syndicats reprochent au gouvernement de faire payer la crise aux plus faibles, notamment aux jeunes et aux chômeurs de longue durée  [243]. Plus notable encore, une grève générale nationale en front commun est organisée le 30 janvier 2012, qui suscite une condamnation presque unanime de la part du monde politique (sauf de la part d’Écolo et de l’extrême gauche), du patronat et des médias  [244].

197Cette grève générale, la première depuis sept ans, amène les syndicats à dénoncer les mesures régressives sur le plan social décidées par le gouvernement. À cet égard, ce n’est pas tant la nécessité de mener des politiques d’austérité – ou à tout le moins de restriction budgétaire – qui est mise en doute que la manière dont les arbitrages ont été menés par les futurs membres du gouvernement Di Rupo : « Si les syndicats jugent la grève inévitable, dans le même temps, la plupart des responsables syndicaux en front commun se disent conscients de leur responsabilité, voire de la nécessité d’un assainissement à condition que l’effort soit réparti plus équitablement. Ce n’est donc pas un refus de l’austérité que vise le cahier de revendications syndicales, mais une austérité “plus juste” »  [245].

198Après cette action de grande ampleur, l’intensité de la contestation sociale faiblit cependant de manière assez nette. Peut-être ce « manque de pugnacité »  [246] peut-il dans une certaine mesure être attribué à une crainte, ressentie par certains dirigeants syndicaux, de faire tomber le gouvernement après une crise politique particulièrement longue et dans un contexte économique qui reste délicat  [247].

199Un autre élément important qui explique une décélération de l’action sociale réside dans l’action du gouvernement Di Rupo lui-même, qui accepte de corriger à la marge certaines des mesures annoncées. À la suite de la grève du 30 janvier 2012, le gouvernement revoit en effet certaines modalités des mesures décidées  [248]. S’agissant des réformes touchant à la matière du chômage, il revient sur l’effet rétroactif qui aurait dû s’appliquer aux jeunes en stage d’attente (devenu stage d’insertion professionnelle) et assouplit, à l’égard de certaines catégories de chômeurs (ceux victimes d’une incapacité de travail ou les travailleurs à temps partiel), les règles organisant une dégressivité accrue des allocations de chômage  [249].

200La réaction des principales organisations syndicales est globalement positive. La réponse du gouvernement à leurs revendications est présentée comme un pas allant dans la bonne direction, même si certaines voix continuent à dénoncer, au sein des syndicats, les mesures prises par le gouvernement (en particulier, la dégressivité accrue des allocations de chômage et la réforme des allocations d’insertion)  [250].

201Cette décélération de l’action syndicale se poursuit en 2012 et en 2013. L’année 2014, qui précède l’exclusion massive, à partir du 1er janvier 2015, de nombreux chômeurs bénéficiaires d’allocations d’insertion, est en revanche marquée par une recrudescence des actions entreprises par les principaux syndicats et certaines de leurs centrales régionales, en particulier au sein de la FGTB et de la CSC (rassemblements, pièces de théâtre montées et jouées par des travailleurs sans emploi, initiatives prises pour expliquer aux personnes concernées les changements intervenus dans la réglementation, etc.), en vue de contester la limitation dans le temps de ces allocations obtenues après les études. De telles actions font écho à celles qui émanent du tissu associatif.

2.3.2.2. Réactions au sein du monde associatif

202Le monde associatif n’est en effet pas en reste. Afin de défendre les droits des personnes sans emploi, des initiatives se mettent rapidement en place. Un tel phénomène n’est pas neuf. À partir de la crise économique de 1974, des collectifs de défense des droits des chômeurs se sont en effet fréquemment constitués en dehors des syndicats : « Dès le milieu des années 1970 et le début de l’augmentation vertigineuse du nombre de chômeurs, quelques groupes de sans-emploi voient le jour dans différents endroits du pays. La dynamique qui est à la base de leur création varie d’un cas à l’autre. Ces comités ont cependant en commun d’être principalement l’œuvre de chômeurs eux-mêmes et ne résultent pas, sauf exception, de la volonté des responsables syndicaux. Des groupes d’entraide font notamment leur apparition »  [251].

203Durant les années 2000, une contestation particulièrement importante des réformes du minimex, dans un premier temps, et du contrôle de la disponibilité des chômeurs, dans un second temps, se structure, notamment à travers une collaboration entre des centrales syndicales et un certain nombre de comités visant à la défense des droits des travailleurs sans emploi (TSE). En 2004, la plateforme « Stop chasse aux chômeurs » est ainsi fondée  [252].

204Les réformes menées au début des années 2010 suscitent à leur tour des initiatives au sein du monde associatif, et en particulier la création du « Réseau stop art. 63§2 »  [253]. L’appellation de cette plateforme se réfère à l’article 63, § 2, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage qui, depuis sa modification en date du 28 décembre 2011, prévoit une limitation des allocations d’insertion, obtenues après les études, à une durée d’en principe 3 ans (cf. supra).

205La constitution de ce réseau constitue une initiative importante qui permet de mettre à l’avant-plan une revendication centrale extrêmement claire : le rétablissement du caractère illimité dans le temps des allocations d’insertion. Cette plateforme reçoit de multiples soutiens au sein de la société civile, de nombreuses associations faisant le choix d’y adhérer. La stratégie clairement affichée par ses fondateurs explique sans doute ce succès, stratégie organisée autour de trois axes complémentaires : sensibiliser, fédérer et faire pression : « Le premier axe (sensibiliser) consiste à faire connaître la mesure légale contestée ainsi que le réseau au grand public et aux personnes directement concernées. (…) Le deuxième axe (fédérer) consiste à unir un maximum de forces autour de la revendication du réseau. (…) Le troisième axe (faire pression) consiste à s’adresser directement aux dirigeants politiques en mesure de satisfaire concrètement la revendication »  [254].

206Le bilan de ce réseau est toutefois en « demi-teinte »  [255], et ce pour diverses raisons  [256]. Primo, la mobilisation s’est avérée restreinte en termes de militants. Secundo, le réseau est devenu une structure en soi plutôt qu’une fédération de forces. Tertio, le choix a été fait d’exercer une pression surtout sur des partis de gauche (principalement le PS et Écolo), qui seront finalement exclus du processus de formation du gouvernement à la suite des élections fédérales du 25 mai 2014. Quarto, la campagne menée en vue des élections de mai 2014 aurait pu être utilisée par les membres du réseau pour mettre davantage en avant leurs revendications, ce qui n’a été le cas que dans une certaine mesure uniquement. Quinto, des relations compliquées avec les syndicats ont marqué ce processus de mobilisation sociale. Une question est notamment demeurée non résolue, celle du statut exact des syndicats : doivent-ils être considérés comme des partenaires au sein du réseau ou comme une cible sur laquelle faire pression ?

207Ainsi, si cette mobilisation permet « de toucher les médias, de sensibiliser une partie des citoyens à cette problématique et, dans le contexte de la campagne électorale, de mettre une certaine pression sur les partis politiques qui ont pris cette mesure, en particulier le PS »  [257], elle ne peut pas aboutir à son retrait ou à tout le moins à une adaptation radicale de celle-ci.

208En tout état de cause, tandis que ces diverses mobilisations se déroulent, à l’initiative non seulement du « Réseau stop art. 63§2 », mais aussi des nombreux groupes de travailleurs sans emploi constitués au sein des syndicats, la date du 1er janvier 2015 se rapproche. De nombreux chômeurs bénéficiaires d’allocations d’insertion arriveront alors en fin de droits. Un retour en arrière du gouvernement devient de plus en plus improbable. Après le scrutin fédéral du 26 mai 2014, la mise en place rapide d’un attelage gouvernemental orienté à droite, composé du MR, côté francophone, et de la N-VA, du CD&V et de l’Open VLD, côté néerlandophone, rend une telle perspective encore moins réaliste. Même si des actions menées sur le terrain social se poursuivent tout au long de l’année 2014 et au début de l’année 2015, on observe, dans le chef d’un certain nombre d’acteurs, un intérêt grandissant pour l’exploration des voies juridictionnelles de contestation.

2.3.3. Sur le plan juridictionnel

209Contester au moyen du droit des politiques gouvernementales mises en place en matière sociale ne constitue bien sûr pas un phénomène inédit. Ces dernières années, on assiste toutefois à une augmentation de l’utilisation de stratégies juridictionnelles pour faire avancer une cause, y compris lorsque des droits sociaux fondamentaux sont en jeu. Cette utilisation accrue de l’« arme du droit »  [258] en matière sociale peut être mise en lien – même si elle ne saurait y être réduite – avec la montée en puissance des droits humains, et en particulier des droits humains économiques et sociaux dits de la deuxième génération (droit au travail, droit au logement, droit à l’enseignement, droit à la sécurité sociale, etc.), qui se sont développés à côté des droits humains civils et politiques dits de la première génération (liberté de manifester, liberté d’expression, droit à la vie privée, etc.)  [259].

210Si la lutte sociale, menée à l’initiative des syndicats, de groupes de travailleurs sans emploi constitués au sein des syndicats ou du « Réseau stop art. 63§2 », s’est ainsi essoufflée à partir du début de l’année 2015, notamment en raison de la formation d’un gouvernement fédéral penchant à droite, tel n’est pas le cas d’un autre front de contestation, juridictionnel cette fois.

211Les plaideurs pouvaient invoquer, à l’appui de leurs recours, divers arguments. Celui tiré d’une violation du principe de standstill retient en particulier l’attention. Cet argument a en effet été utilisé abondamment et a permis à certains assurés sociaux d’être rétablis dans leurs droits par les juridictions du travail, de nombreux litiges étant encore pendants. Comme nous le verrons, si un autre argument, tiré du principe de légalité, n’a pas été mobilisé par les justiciables, il a en revanche justifié une intervention du législateur. Ce dernier, conscient des soupçons d’inconstitutionnalité pesant sur les récentes réformes du chômage décidées par le gouvernement Di Rupo, s’est en effet attaché à renforcer la base légale de l’habilitation donnée au Roi en matière d’assurance chômage (cf. l’article 7 de l’arrêté-loi du 28 décembre 1944).

2.3.3.1. L’argument tiré du principe de standstill

212Il convient à cet égard d’opérer une distinction au sein des réformes du chômage qui ont été examinées ci-dessus. Si la réforme de la dégressivité des allocations de chômage a permis d’initier une réflexion sur la praticabilité de recours en justice, c’est surtout la réforme du système des allocations d’attente qui a concrètement fait l’objet de recours intentés devant les juridictions du travail. Une décision importante a également été rendue dans un cas impliquant une chômeuse partiellement inapte au travail.

2.3.3.1.1. Contestation de la dégressivité accrue des allocations ordinaires

213En tant qu’acte pris par le pouvoir exécutif, l’arrêté royal qui organise la dégressivité accrue des allocations de chômage ordinaires  [260] peut faire l’objet d’un recours en suspension et en annulation devant la section d’administration du Conseil d’État. Les syndicats, peut-être liés par un pacte de non-agression noué avec les pouvoirs publics et les organisations patronales  [261], se sont abstenus de faire usage d’une telle possibilité. Une association flamande de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, le Vlaams Netwerk van Verenigingen waar Armen het Woord Nemen (devenu depuis lors le Netwerk tegen Armoede), introduit en revanche un recours dans le délai légal. Ce recours, dont l’issue était attendue avec impatience par les observateurs, est rejeté le 20 décembre 2012  [262], non pour des motifs tenant au fond des arguments invoqués, mais en raison d’un défaut de recevabilité de la demande. En effet, selon la haute juridiction administrative, aucun lien direct entre l’objet social de cette association – comme indiqué ci-avant : la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale – et l’acte juridique attaqué ne pourrait être décelé. Un tel raisonnement, on le conçoit aisément, n’est pas à l’abri de la critique, tant il semble heurter le bon sens  [263].

214Après cette esquive de la haute juridiction administrative, quelles sont les voies juridictionnelles qui restent envisageables pour contester la réforme ? Le 30 novembre 2013, Daniel Dumont, professeur de droit de la sécurité sociale à l’Université libre de Bruxelles (ULB), publie dans une revue juridique bien connue des juristes (le Journal des tribunaux) un texte intitulé « Dégressivité accrue des allocations de chômage versus principe de standstill », dans lequel il met en doute la constitutionnalité de cette réforme de l’assurance chômage.

215Si, dans le cadre du contentieux « objectif », qui consiste en un procès fait à un acte normatif susceptible de déboucher sur une annulation de la norme contestée, le Conseil d’État n’a pas estimé opportun de se prononcer, un autre mécanisme constitutionnel peut en revanche être invoqué par les plaideurs, dans le cadre du contentieux dit subjectif cette fois, et, le cas échéant, faire obstacle à cette réforme ou à certains de ses aspects. L’article de la Constitution dont il est question ici, qui est une modalité importante de la séparation des pouvoirs dans l’ordonnancement juridique belge, est l’article 159, qui énonce que les cours et tribunaux de l’ordre judiciaire n’appliquent les textes réglementaires que pour autant qu’ils sont conformes aux lois et à la Constitution. Cette disposition, dont il est dit qu’elle organise une « exception d’illégalité » dont peuvent faire usage les plaideurs, oblige les juges à refuser l’application d’un texte réglementaire aux cas dont ils sont saisis dès lors qu’ils sont convaincus de son inconstitutionnalité.

216En l’espèce, il conviendrait que les plaideurs invoquent la violation du principe de standstill [264], c’est-à-dire un principe à valeur constitutionnelle dont l’origine est doctrinale et jurisprudentielle et qui trouve son fondement dans l’article 23 de la Constitution. Cette dernière disposition énonce une obligation, à charge des pouvoirs publics, de prendre des mesures positives pour assurer l’effectivité d’un certain nombre de droits fondamentaux économiques et sociaux, parmi lesquels figure le droit à la sécurité sociale. Le principe de standstill procède d’une lecture a contrario de l’article 23 de la Constitution : si, considèrent une doctrine et une jurisprudence aujourd’hui unanimes, le législateur ou le pouvoir exécutif sont invités à donner plein effet, par l’adoption de mesures positives, à cette liste de droits, il faut en déduire qu’une régression en ces matières ne peut être admise  [265]. Tel est le sens du principe de standstill qualifié aussi de principe de non-rétrogression ou encore d’effet-cliquet.

217Ce principe n’est pas absolu mais relatif. D’une part, une régression qui ne présente pas un caractère sensible (ou significatif) ne saurait entraîner une violation de l’obligation de standstill : « Pour qu’une réforme litigieuse devienne débitrice de justifications sous l’angle du respect de l’obligation de non-rétrogression, il importe en premier lieu que soit établi un recul. En outre, le recul doit être “sensible”, ou “significatif”, pour devenir suspect au regard de l’obligation de standstill. La jurisprudence l’exige de manière constante »  [266].

218D’autre part, une mesure qui organise un recul, même significatif, de la protection sociale existante ne viole pas le principe de standstill si elle passe avec succès un test de proportionnalité lui-même divisé en trois étapes. Primo, les pouvoirs publics doivent justifier le recul opéré en avançant un motif d’intérêt général. Secundo, la seule invocation d’un tel motif – par exemple, des coupes budgétaires requises par la situation économique – ne suffit pas : il faut encore démontrer que les moyens employés sont appropriés et nécessaires pour atteindre l’objectif poursuivi, c’est-à-dire sont de nature à réaliser celui-ci de la manière qui porte le moins atteinte aux acquis sociaux fragilisés. Tertio, un test de proportionnalité au sens strict doit venir conclure le raisonnement : lesdits moyens, appropriés et nécessaires, doivent être proportionnés à l’objectif poursuivi, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent entraîner des désavantages excessifs pour les personnes négativement affectées par la mesure, et ce au regard des avantages obtenus par l’auteur de celle-ci  [267].

219Dans son article précité, D. Dumont soutient que, en l’occurrence, l’arrêté royal qui a organisé le renforcement de la dégressivité des allocations de chômage pourrait être écarté par les juridictions compétentes dans les affaires particulières dont elles sont saisies car il viole l’obligation de standstill. Selon cet auteur, les conditions pour qu’une régression dans la protection sociale puisse être constitutionnellement admise ne seraient en l’espèce pas rencontrées, de sorte que cette réforme pourrait être neutralisée par les cours et tribunaux. Y a-t-il eu recul significatif ? Cela est indéniable. Ce recul a-t-il été justifié par référence à un motif d’intérêt général ? Cela est difficile à déterminer dès lors que le gouvernement fédéral s’est abstenu d’accompagner son arrêté royal de toute motivation. Ce silence rend également périlleuse voire impossible toute évaluation des caractères nécessaire et proportionné des mesures adoptées à l’aune d’un tel motif d’intérêt général, en l’occurrence inconnu. Ainsi, dans une telle hypothèse, dès lors qu’une motivation sur le plan formel est absente, le contrôle opéré au fond par le juge devrait être rigoureux, plutôt qu’accommodant, sous peine de vider le principe de standstill de tout contenu.

220La conclusion de D. Dumont est limpide : « La balle est dans le camp des juridictions du travail (et des plaideurs) ». Il poursuit : « Puisque le gouvernement n’a pas jugé utile de s’expliquer sur ces différentes questions, puisque les parlementaires n’ont pas eu leur mot à dire sur le sujet, et puisque le Conseil d’État, gardien de la constitutionnalité de la manœuvre, s’est défaussé, il faut maintenant qu’un débat puisse avoir lieu dans le cadre judiciaire »  [268]. Cet auteur de doctrine entend ainsi mettre à la disposition des « plaideurs » (le mot est employé à diverses reprises dans son article) un argumentaire prêt à l’emploi. Comme il l’écrit dans l’une de ses autres publications, son objectif est « de fournir une forme de mode d’emploi de l’article 23 de la Constitution à destination des praticiens de la sécurité sociale, assorti par la même occasion d’un digest jurisprudentiel et doctrinal susceptible de venir étayer recours et jugements. Elle ne demande donc qu’à être exploitée, plus, pillée sans réserve »  [269].

221À côté d’autres éléments, comme la clarté de l’argumentation déployée ainsi que la dimension particulièrement sensible sur le plan social de la réforme critiquée, cette posture explique sans doute l’écho important que reçoit cette publication scientifique dans l’espace public et médiatique belge, en tout cas dans la partie francophone du pays, et ce bien au-delà du cercle des juristes ou des spécialistes de l’assurance chômage.

222Au niveau médiatique et social, on recense ainsi de nombreuses références à cette discussion doctrinale dans la presse, mais aussi dans diverses brochures éditées par des syndicats et plus généralement par le monde associatif. Au niveau juridique, ensuite, dès lors que cet argumentaire, dont le contenu est explicité et approfondi dans d’autres publications scientifiques  [270], est effectivement utilisé par de nombreux plaideurs, soutenus soit par des avocats, soit par des syndicats (auxquels la loi donne la capacité de représenter leurs affiliés en justice), de sorte qu’il imprègne de nombreuses décisions judiciaires.

223Des acteurs que l’on attendait peut-être moins se sont également manifestés dans cette grande ronde du droit de la sécurité sociale initiée par cet article de doctrine : des recours sont en effet introduits par certains CPAS afin de contester l’exclusion du chômage de nombreux individus échouant devant leurs guichets afin de solliciter une allocation d’aide sociale. En effet, la réforme des allocations d’insertion a entraîné des basculements de charge significatifs vers les CPAS  [271], alors que le gouvernement Di Rupo s’était engagé à éviter de telles conséquences (cf. supra). La réforme de la dégressivité des allocations de chômage ordinaires a aussi eu pour conséquence une augmentation du nombre de personnes qui s’adressent au CPAS, même si c’est dans une moindre mesure. Enfin, les sanctions prises à l’égard des chômeurs dans le cadre du contrôle de la disponibilité active nourrissent également, depuis leur introduction en 2004, un tel effet de basculement de charges (cf. supra)  [272].

2.3.3.1.2. Contestation de la réforme des allocations d’insertion

224L’argumentaire qui a été résumé ci-dessus (relatif à l’accentuation de la dégressivité des allocations de chômage ordinaires) est utilisé par analogie pour contester le volet « allocations d’insertion » de la réforme. D. Dumont avait envisagé une telle possibilité dans son article, sans prévoir l’ampleur que prendrait le phénomène  [273]. Les recours intentés devant les juridictions du travail portent en effet majoritairement sur la question de la limitation dans le temps des allocations d’insertion, bien plus que sur le renforcement de la dégressivité des allocations ordinaires. En 2017, on dénombrait ainsi l’existence de plus de 500 recours introduits devant les juridictions du travail, compétentes en la matière  [274]. Pour des raisons qui restent difficiles à déterminer, les acteurs sociaux, et en particulier les acteurs syndicaux, ont en effet estimé qu’un succès plus important pouvait être escompté de recours dirigés contre la suppression de l’illimitation dans le temps des allocations d’insertion. Sans doute ont-ils considéré que le recul en termes de protection sociale était plus flagrant dans ce cas que dans le cas d’une dégressivité renforcée des allocations « classiques », obtenues après avoir exercé une activité professionnelle.

225Le premier constat qui peut être posé est que la jurisprudence, en la matière, n’est pas unanime mais divisée : « Plusieurs juridictions du travail, de première instance et d’appel, ont conclu à une violation de l’effet de standstill (…). D’autres juridictions se sont prononcées en sens contraire »  [275]. Il s’avère en outre difficile d’établir un bilan chiffré puisque les décisions des cours et tribunaux de l’ordre judiciaire ne sont pas publiées de manière systématique  [276]. Par ailleurs, de nombreux recours sont encore pendants.

226a) L’arrêt de la Cour de cassation du 5 mars 2018

227Une telle situation de flottement rendrait particulièrement utile un arrêt de principe émanant de la Cour de cassation, la juridiction suprême au sein de l’ordre judiciaire. En effet, celle-ci n’a eu l’occasion de se prononcer que dans un seul dossier, et encore celui-ci avait-il trait à un cas très particulier.

228Dans cette affaire, une chômeuse, Madame L., née en 1966, avait été occupée à partir de 1998 en tant qu’assistante de prévention et de sécurité dans le cadre d’un contrat ALE (agence locale pour l’emploi). Il n’est sans doute pas inutile de rappeler ici qu’une ALE est une association sans but lucratif (asbl) créée par une commune ou par un groupement de communes qui vise à accompagner certains allocataires sociaux dans leur parcours de réinsertion socio-professionnelle. Concrètement, des contrats sont proposés à ces allocataires, par lesquels ces derniers s’engagent à accomplir des prestations de travail. En contrepartie, une majoration des allocations de chômage perçues est organisée  [277]. Dans l’affaire considérée ici, Madame L. s’était vue privée à partir du 1er janvier 2015 du bénéfice des allocations d’insertion qu’elle percevait auparavant. Par voie de conséquence, elle avait également perdu à cette occasion son emploi à temps partiel auprès de la police d’Arlon en tant qu’assistante de prévention et de sécurité, dont elle bénéficiait en tant que chômeuse indemnisée.

229En première instance, le tribunal du travail de Liège avait estimé que, si la limitation dans le temps des allocations d’insertion « se justifiait par des raisons d’intérêt général tenant à un objectif d’économies et de promotion de l’emploi », il n’en demeurait « pas moins qu’appliquée à la situation spécifique de l’intéressée, cette mesure ne respectait pas le rapport de proportionnalité inhérent au respect de l’effet de standstill »  [278]. L’assurée sociale avait ainsi été rétablie dans ses droits. L’ONEM avait interjeté appel de cette décision.

230En degré d’appel, la cour du travail de Liège, dans un arrêt rendu le 10 février 2016  [279], a confirmé le premier jugement et a conclu à une violation de l’obligation de standstill. Le raisonnement de la juridiction d’appel se déploie en trois temps. Primo, elle constate qu’un recul significatif existe indéniablement en l’espèce, en particulier eu égard à la situation de l’allocataire partie au litige qui a perdu non seulement ses allocations d’insertion, mais également l’emploi auquel ces allocations lui permettaient de prétendre. Secundo, la juridiction d’appel opère une distinction entre deux objectifs poursuivis par l’exécutif fédéral, l’un et l’autre (très) succinctement évoqués dans le préambule qui précède l’arrêté royal litigieux. Si le gouvernement entend relancer l’emploi des jeunes au moyen d’une telle mesure, la cour fait observer qu’une telle justification s’avère inopérante en l’espèce, l’allocataire sociale partie à la cause n’étant pas une jeune chômeuse. En revanche, la cour reconnaît que la limitation à 3 ans du bénéfice des allocations d’insertion est susceptible de générer des économies, soit le second objectif poursuivi, tout en indiquant que cette mesure doit encore s’avérer proportionnée au regard de ses effets concrets vis-à-vis des allocataires impactés. Tertio, la cour se livre donc à un test de proportionnalité. Elle rappelle que le gouvernement fédéral aurait dû vérifier, s’agissant du groupe de chômeurs auquel appartient la justiciable, « si l’objectif d’intérêt général poursuivi ne pouvait pas être atteint (…) par d’autres mesures qui leur soient moins préjudiciables voire par des mesures compensatoires assurant le respect de leur droit constitutionnel au travail et à la sécurité sociale »  [280]. La cour souligne que Madame L. s’est vue privée, « sans la moindre compensation ou alternative, du travail qu’elle accomplissait depuis près de 17 ans et de la rémunération qui y était attachée »  [281]. En outre, la cour note que, au vu du « nombre restreint de chômeurs occupés en qualité d’assistant de prévention et de sécurité, l’impact budgétaire d’une prorogation de leur régime d’indemnisation par le biais des allocations d’attente converties en allocation d’insertion aurait été relativement réduit »  [282].

231La juridiction d’appel conclut ainsi à une violation de l’obligation de standstill : « En n’assortissant pas la mesure de limitation dans le temps des allocations d’insertion visée par l’article 63, § 2 (…) d’une dérogation visant la catégorie des assistants de prévention et sécurité mis à la disposition d’une autorité locale par une agence locale pour l’emploi, l’arrêté royal du 28 décembre 2011 a créé, au préjudice de [l’assurée sociale], un recul significatif portant atteinte à l’essence même de son droit constitutionnel au travail et à la sécurité sociale, régression que ne justifie pas l’intérêt général aujourd’hui invoqué par l’ONEM sans aucun rapport de proportionnalité avec l’objectif poursuivi par ladite mesure ».

232L’ONEM introduit un pourvoi contre cette décision, qui est rejeté par la Cour de cassation le 5 mars 2018  [283]. La haute juridiction estime en effet que la cour du travail de Liège a pu légalement décider, dans son arrêt rendu le 10 février 2016, que la disposition litigieuse, en tant qu’elle s’applique à la situation de Madame L., violait l’article 23 de la Constitution et le principe de standstill qui en est déduit. Le raisonnement tenu par la cour du travail de Liège, conduisant au rétablissement dans ses droits de la chômeuse, a ainsi été définitivement validé. Au vu du caractère spécifique de la situation factuelle qui fonde cette décision de la Cour de cassation, il est cependant difficile d’en inférer une position de principe  [284]. Madame L. a en effet bénéficié d’un emploi soutenu par une ALE pendant une longue période, et ce en raison, précisément, des allocations d’attente – devenues en 2011 allocations d’insertion – qu’elle percevait par ailleurs  [285]. En d’autres termes, ce n’est pas parce que l’intéressée a gagné son procès que la limitation dans le temps des allocations d’insertion doit être jugée inconstitutionnelle pour toutes les autres catégories de chômeurs concernées.

233Dans l’attente d’une éventuelle mise en ordre de la jurisprudence par la Cour de cassation, il est intéressant de s’arrêter sur deux décisions rendues en degré d’appel, l’une par (une autre chambre de) la cour du travail de Liège en 2017 et l’autre par la cour du travail de Bruxelles en 2019. Ces deux arrêts s’emploient à évaluer la constitutionnalité de la limitation dans le temps des allocations d’insertion au départ de situations factuelles beaucoup moins particulières. Et ils parviennent à une conclusion opposée.

234b) L’arrêt de la cour du travail de Liège du 11 septembre 2017

235Dans la première décision  [286], la cour du travail de Liège devait se prononcer dans une affaire où le tribunal, en première instance, ayant conclu à une violation du principe de standstill, avait écarté l’application de la modification réglementaire litigieuse et rétabli l’allocataire concernée – Madame A. – dans ses droits  [287]. Cette assurée sociale, née en 1974, avait pu bénéficier dès 1996 d’allocations de chômage dites d’attente obtenues après les études. Le 1er janvier 2015, elle en avait été privée (les allocations d’attente qu’elle percevait précédemment étaient devenues entre-temps des allocations d’insertion). Elle vivait alors avec son mari, chômeur également, et leurs trois enfants mineurs.

236La cour du travail de Liège note tout d’abord l’existence d’un recul significatif en termes de protection sociale : « Mme A. est passée de quelque chose au néant »  [288]. Ensuite, la juridiction part à la recherche des motifs d’intérêt général invoqués par le gouvernement fédéral au moment d’adopter la mesure. La cour se fonde sur le préambule de l’arrêté royal querellé, très laconique, dans lequel les quelques éléments suivants sont mis en avant (non pour justifier la mesure, d’ailleurs, mais à l’appui de la demande formulée par le gouvernement d’obtenir un avis de la section de législation du Conseil d’État dans un délai raccourci de cinq jours) : « Vu la demande de l’urgence, motivée par la circonstance que dans le cadre de son programme national de réforme la Belgique s’est engagée à atteindre en 2020 un taux d’emploi de 73,2 % ; que par conséquent un programme de relance de l’emploi, en particulier pour les jeunes, doit être initié ; que dans l’accord du gouvernement il est notamment décidé, afin de favoriser une insertion plus rapide sur le marché de l’emploi et d’accompagner mieux les jeunes, de transformer le stage d’attente en stage d’insertion professionnelle et les allocations d’attente en allocations d’insertion ; qu’aussi dans le cadre des efforts budgétaires qui doivent être livrés par la Belgique, ces mesures structurelles contribuent à la réalisation de l’objectif budgétaire prévu ; que pour ces raisons le nouveau système doit être exécuté au plus vite possible et ceci déjà à partir du 1er janvier 2012 ». Sur cette base, la cour estime que la réforme est justifiée au regard de considérations d’intérêt général, et peut ainsi passer à l’étape suivante du test de proportionnalité qui doit être mis en œuvre afin de déterminer si l’obligation de standstill pesant sur les pouvoirs publics a été ou non violée. La question suivante est alors posée par la cour : le recul opéré est-il approprié et nécessaire au regard des objectifs poursuivis par le gouvernement tels qu’ils ont été exprimés dans le préambule de l’arrêté royal – à savoir la mise à l’emploi des jeunes et le retour, à terme, à l’équilibre budgétaire ?

237Tout d’abord, la cour constate que, en vertu du principe de séparation des pouvoirs, il ne lui appartient pas de se livrer à un contrôle d’opportunité de la mesure litigieuse, ce qui rend sa « marge d’appréciation (…) étroite »  [289]. Elle indique ensuite, afin de déterminer si les motifs évoqués plus haut sont « appropriés et nécessaires » : « Dans le cas de Mme A., qui n’est pas un jeune travailleur, le motif tiré de l’insertion des jeunes n’est pas pertinent. Néanmoins, l’objectif d’un taux d’emploi de 73,2 % (qui ne vise pas exclusivement les jeunes) et la réalisation de l’objectif budgétaire à partir de l’année 2012 justifient bel et bien la mesure de limitation des allocations dans le temps, implicitement mais certainement présentée comme de nature à pousser les destinataires de cette mesure à redoubler d’efforts et de conviction pour s’insérer sur le marché du travail »  [290]. La cour s’estime en outre mal « outillée »  [291] pour évaluer la nécessité de la mesure, en la comparant à d’autres qui auraient été envisageables, d’autant que Madame A. ne lui fournit pas d’indications précises à cet égard dans son recours. La cour estime qu’il ne lui revient pas « de faire des études d’incidence à la place des parties »  [292].

238La juridiction liégeoise en vient alors au test de proportionnalité proprement dit. Après avoir considéré que la mesure était appropriée et nécessaire, « il s’agit de déterminer si le principe de la limitation dans le temps des allocations d’insertion est proportionné à l’objectif poursuivi par l’auteur de l’arrêté royal du 28 décembre 2011, soit un taux d’emploi élevé et la réalisation de l’objectif budgétaire à partir de l’année 2012 »  [293].

239La cour invoque divers arguments qui la conduisent à conclure qu’une telle mesure est effectivement proportionnée aux objectifs poursuivis : les allocations d’insertion ont pour particularité d’être obtenues après les études et sans avoir cotisé, ce qui peut « justifier une sévérité accrue du législateur (en l’espèce, le Roi) à leur encontre »  [294] ; ensuite, outre divers tempéraments à la privation des allocations qui sont organisés  [295], un délai de trois ans a été prévu qui, de manière générale, permet aux personnes concernées d’entreprendre les démarches utiles en vue de leur insertion sur le marché de l’emploi ; enfin, la cour note – tout en reconnaissant qu’un tel argument est « teinté d’un cynisme certain et assez déplaisant » – que les personnes exclues peuvent toujours se tourner vers le CPAS dont elles relèvent afin de bénéficier, le cas échéant, d’une allocation sociale qui obéit à « des modalités différentes et moins favorables »  [296].

240Dans une dernière étape de son raisonnement, la cour se concentre sur la situation personnelle de l’allocataire. Elle estime en effet qu’il est « nécessaire de parachever » le test de proportionnalité qu’elle a fait sur un plan général « en examinant les éléments propres à l’assuré social concerné, qui peuvent renverser la tendance ou au contraire la confirmer »  [297]. Le dossier de l’allocataire lui serait, en l’espèce, particulièrement défavorable. Madame A. est en effet une chômeuse de longue durée qui n’a travaillé que « de façon excessivement ponctuelle »  [298] ; elle ne soumet à la cour « aucun élément de nature à démontrer qu’elle se serait formée depuis 1996, en particulier durant la période transitoire de 3 ans qui s’est ouverte le 1er janvier 2012 alors que le compte à rebours vers la suppression de ses allocations était lancé »  [299] ; enfin, selon la cour du travail de Liège, Madame A. ne fait pas état de démarches actives de recherche d’emploi  [300]. Cette attitude qualifiée par la cour de « peu volontariste » la conduit à conclure que la limitation dans le temps des allocations ne présente pas un caractère disproportionné à l’égard de l’assurée sociale, de sorte que le principe de standstill n’est pas en l’espèce violé  [301].

241Si la rigueur méthodologique démontrée par la cour du travail de Liège peut être louée  [302], le raisonnement mis en avant par cette juridiction n’a pas entièrement convaincu la doctrine sur deux points précis et déterminants.

242Primo, le raisonnement de la cour, au moment d’opérer un contrôle visant à évaluer la nécessité de la mesure et sa proportionnalité au sens strict, est assez conciliant dès lors que la réforme n’a d’aucune manière été justifiée par le pouvoir exécutif : « L’arrêt se montre (…) fort accommodant avec l’auteur de la réforme au stade de l’examen, en particulier, de la nécessité puis de la proportionnalité proprement dite de la mesure contestée, compte tenu – tel est l’élément décisif – de l’absence de rapport au Roi et de toute motivation un tant soit peu circonstanciée pour une réforme aussi significative que celle en cause »  [303]. Au contraire, au moment où il opère un test visant à déterminer si le pouvoir exécutif a respecté l’obligation de standstill qui pèse sur lui en adoptant la réforme querellée, le juge doit être d’autant plus strict et suspicieux que le « législateur » (en l’occurrence le gouvernement) n’a pas justifié les mesures prises, ou ne l’a fait que très formellement et laconiquement. Selon D. Dumont, procéder autrement revient à octroyer à l’auteur de la norme « une forme de prime à la paresse, comme si moins il se justifiait, plus aisément il pouvait fouler au pied le principe de non-rétrogression »  [304].

243Secundo, la question se pose de savoir quelle est la nature du contrôle exercé sur pied de l’article 159 de la Constitution. La prise en compte du cas individuel et de ses singularités est-elle pertinente, dès lors qu’il s’agit d’évaluer la proportionnalité de la mesure au regard des objectifs poursuivis ? Un raisonnement en deux temps peut ici être mis en avant. D’une part, il convient de rappeler et de reconnaître la dimension assurément « subjective » du contentieux confié aux juridictions du travail et visant à trancher les contestations concrètes qui s’élèvent « en matière de droits aux prestations de sécurité sociale »  [305]. Ces dernières « relèvent, de manière générale, du contentieux subjectif, dans lequel le juge a pour tâche de se prononcer sur les droits subjectifs de l’assuré social qui est partie au litige, ce qui implique à l’évidence une appréciation individualisée »  [306]. Mais d’autre part, il s’agit ici de répondre à un problème de légalité, et même de constitutionnalité : l’arrêté royal litigieux constitue-t-il oui ou non une mesure proportionnée pour atteindre les objectifs poursuivis par la réforme ? Selon D. Dumont, une telle évaluation implique de mener un raisonnement sur un plan général, qui doit amener le juge à évaluer les effets de la mesure à l’égard de toutes les personnes concernées et non uniquement à l’égard de la personne partie au litige  [307].

244Bref, après avait obtenu gain de cause en première instance, l’assurée sociale a essuyé une défaite judiciaire en degré d’appel (cour du travail de Liège). Elle a alors introduit un pourvoi en cassation. Cependant, la Cour de cassation ne s’est pas prononcée dans ce dossier en ce qui concerne les points de droit discutés : le 28 mai 2018, elle a rejeté le pourvoi uniquement pour des questions de procédure, sans aborder le fond de l’affaire  [308]. Il n’est donc pas possible de tirer des enseignements de cet arrêt.

245c) L’arrêt de la cour du travail de Bruxelles du 20 février 2019

246L’arrêt rendu deux ans plus tard par la cour du travail de Bruxelles confirme un jugement rendu en date du 21 avril 2017 par le tribunal du travail de Bruxelles  [309]. Madame C., née en 1958, est une travailleuse sans emploi qui élève seule ses deux enfants. Elle a un passé professionnel en tant que travailleuse salariée à temps partiel et en tant qu’indépendante. Au début des années 2000, des problèmes de santé de nature cardiaque la contraignent à mettre fin à ses activités professionnelles. Elle bénéficie alors d’allocations d’insertion (qualifiées à l’époque d’allocations d’attente). Le 1er janvier 2012, comme de nombreuses personnes, elle est frappée non seulement par la limitation dans le temps, à compter de 2015, des allocations d’attente, mais aussi par la procédure renforcée de suivi qui touche cette catégorie de chômeurs. En 2013 et en 2014, l’ONEM estime que l’allocataire n’accomplit pas des efforts suffisants et adéquats en vue de s’insérer sur le marché de l’emploi et prononce diverses sanctions à son encontre. Le paiement de ses allocations d’insertion est ainsi suspendu. D’autre part, l’ONEM signifie à Madame C., par une lettre du 20 février 2015 particulièrement laconique, que son droit au chômage expirera le 1er novembre 2015. Madame C. attaque cette série de décisions prises par l’ONEM devant le tribunal du travail de Bruxelles. Dans un jugement rendu le 21 avril 2017, celui-ci estime que l’arrêté royal du 28 décembre 2011, sur lequel se base la dernière décision prise par l’ONEM, viole l’article 23 de la Constitution et l’obligation de standstill. Madame C. est ainsi réintégrée dans ses droits  [310]. L’ONEM forme un appel contre cette décision devant la cour du travail de Bruxelles.

247Par rapport au raisonnement suivi par la cour du travail de Liège dans son arrêt du 11 septembre 2017 (cf. supra), la cour du travail de Bruxelles aborde la question de la charge de la preuve (du caractère approprié et nécessaire, mais également proportionné de la mesure querellée) d’une manière toute différente  [311]. La cour relève tout d’abord que les explications fournies par le gouvernement fédéral l’ont été dans le but d’obtenir un avis de la section de législation du Conseil d’État dans un délai de cinq jours ouvrables, et non dans celui de justifier la réforme en tant que telle et, en particulier, de défendre le « recul de la protection sociale » opéré  [312].

248Quand bien même ces motifs auraient-ils été avancés pour justifier un tel recul, la cour estime ne disposer d’aucun élément tangible lui permettant de conclure que ces objectifs sont appropriés et nécessaires concernant la catégorie à laquelle appartient l’assurée sociale concernée.

249La cour du travail de Bruxelles considère que l’ONEM ne lui fournit aucun élément concret établissant que l’objectif budgétaire allégué par le gouvernement fédéral justifiait de suspendre le paiement des allocations d’attente à l’égard de la catégorie des travailleurs âgés, à laquelle appartient Madame C.  [313]. L’ONEM n’explique pas davantage en quoi une telle mesure permettrait de relancer la mise à l’emploi de la même catégorie, en particulier en l’absence « d’un accompagnement à l’insertion sur le marché du travail »  [314] bénéficiant à ces allocataires. Enfin, la cour fait observer que les justifications avancées par le gouvernement s’appliquent clairement à la situation des jeunes travailleurs, et non à celle des travailleurs âgés : « C’est (…) manifestement à la catégorie des jeunes travailleurs que les nouveaux paragraphes 2 à 5 de l’article 63 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 (voir les termes “le jeune travailleur” utilisés plus de sept fois dans ces paragraphes) entendent s’appliquer, alors qu’ils ont également un effet pour la catégorie des travailleurs âgés »  [315].

250Le recul de la protection sociale de Madame C. apparaît donc à la cour non seulement significatif, mais également « totalement disproportionné par rapport aux motifs allégués »  [316]. La situation individuelle de l’allocataire, qui a un passé en tant que travailleuse salariée à temps partiel et en tant qu’indépendante, semble également avoir joué un rôle important dans la décision de la cour du travail de Bruxelles.

251Concernant l’articulation entre les différentes étapes du test de constitutionnalité, la motivation de la cour du travail de Bruxelles n’est pas des plus précises. L’arrêt n’est pas non plus exempt d’ambiguïtés s’agissant de la nature du test de proportionnalité (in abstracto ou in concreto). En revanche, les conseillers prennent clairement attitude relativement à deux questions importantes. D’une part, la question de la charge de la preuve : cette dernière doit reposer sur l’autorité publique, non sur le bénéficiaire de la prestation sociale ; le pouvoir qui « légifère » – en l’occurrence le pouvoir exécutif fédéral – doit démontrer qu’il a respecté les règles qui occupent une position supérieure dans la hiérarchie des normes  [317]. D’autre part, la question de la légitimité de l’intervention des cours et tribunaux dans ce type de contentieux au regard du principe de séparation des pouvoirs : « En procédant au contrôle du respect de l’obligation de standstill imposée au Roi par l’article 23 de la Constitution et, par une application adéquate de cette obligation, en écartant, conformément à l’article 159 de la Constitution, une disposition prise par le Roi en vertu de l’article 7, § 1er, alinéa 3 de l’arrêté-loi du 28 décembre 1944, les juridictions du travail ne violent pas le principe de la séparation des pouvoirs. Au contraire, comme le constituant le leur impose, elles exercent le pouvoir qui leur a été conféré par celui-ci »  [318].

252La cour du travail de Bruxelles conclut en l’espèce à une violation de l’obligation de standstill et confirme la décision prise par le tribunal du travail de Bruxelles. Un pourvoi en cassation a été introduit par l’ONEM contre cette décision.

253Comme on le voit, la jurisprudence des juridictions de fond est partagée et les observateurs sont en attente d’une clarification émanant de la Cour de cassation.

2.3.3.1.3. Contestation de la réforme du statut de chômeur partiellement inapte au travail

254Il est opportun de revenir brièvement sur la suppression soudaine, en 2011, d’une dispense de la procédure de contrôle de la disponibilité active de recherche d’emploi dont bénéficiaient les chômeurs pouvant faire état d’une inaptitude permanente au travail de 33 % au moins. La suppression de cette dispense a été jugée inconstitutionnelle, pour violation du principe de standstill déduit de l’article 23 de la Constitution, par la cour du travail de Bruxelles, dans un arrêt rendu le 18 janvier 2017  [319].

255Le raisonnement de la juridiction d’appel est le suivant  [320]. Primo, la cour observe l’existence d’un recul significatif pour cette catégorie de chômeurs. Secundo, elle note que les préambules des arrêtés royaux litigieux n’énoncent aucune justification touchant à l’intérêt général à l’appui de la réforme. Tertio, si l’ONEM invoque a posteriori, à l’occasion du litige, des motifs d’ordre budgétaire, la cour fait remarquer que l’auteur de la réforme – qui, soit dit en passant, semblait justifier celle-ci d’une tout autre manière – ne met en avant aucun élément démontrant le caractère approprié et nécessaire des mesures adoptées – qui consistent, pour rappel, à soumettre à la procédure d’activation des chômeurs souffrant d’une inaptitude permanente au travail d’une certaine importance – au regard de cet objectif budgétaire.

256Bien que cela ne soit pas indispensable, la cour conduit jusqu’à son terme le test de proportionnalité qui doit être mené dès lors qu’une violation du principe de standstill est postulée. Elle indique en effet, au terme de son raisonnement, que les mesures contestées ont en tout état de cause des conséquences manifestement disproportionnées à l’égard de la catégorie considérée, à savoir celle des chômeurs souffrant d’une inaptitude au travail significative.

257La cour conclut son examen de l’affaire en déclarant que les dispositions querellées violent le principe de standstill et écarte, par voie de conséquence, leur application à la situation de l’allocataire en vertu de l’article 159 de la Constitution. Ce sont donc les dispositions antérieures à la réforme querellée qui doivent être appliquées à l’assuré social, de sorte que ce dernier est rétabli dans son droit à une allocation d’insertion. L’ONEM n’a pas introduit de pourvoi en cassation contre cette décision, qui est donc devenue définitive.

2.3.3.1.4. Conclusion

258En guise de conclusion intermédiaire, il est possible d’indiquer que l’arme du standstill a été employée avec un certain succès par les plaideurs. Il faut noter l’influence, quelque peu inédite s’agissant du droit de la sécurité sociale, d’un article de doctrine qui a constitué un élément charnière dans l’acclimatation d’une revendication de nature sociale sur le terrain du droit. Cet argument tiré du principe constitutionnel de standstill a surtout été employé contre le volet « allocations d’attente » des réformes initiées par le gouvernement Di Rupo, et non contre le volet « dégressivité ». Une affaire relative à la suppression de la dispense de recherche active d’emploi accordée aux chômeurs partiellement inaptes au travail a également été l’occasion d’une utilisation de ce principe.

259Le fait que la jurisprudence reste divisée sur cette question rendrait particulièrement bienvenu un arrêt de principe rendu par la Cour de cassation. Dans l’état actuel des choses, l’arme du standstill reste quelque peu aléatoire, même si on assiste dans ce domaine (mais également dans le domaine du droit de la sécurité sociale au sens large) à une utilisation plus rigoureuse, par les juges, du mécanisme de non-rétrogression.

260En effet, l’efficacité du principe de standstill s’est confirmée dans d’autres affaires qui ont visé à mettre en cause des réformes supplémentaires des allocations d’insertion décidées non par le gouvernement Di Rupo, mais par le gouvernement Michel I (cf. infra).

2.3.3.2. L’argument tiré du principe de légalité : la loi « réparatrice » du 25 avril 2014

261Un autre argument qu’auraient pu potentiellement invoquer les justiciables  [321] est tiré d’une violation du principe de légalité. En substance, comme le mécanisme de standstill, cet argument se fonde sur l’article 23 de la Constitution, mais il vise à contester de manière encore plus radicale la possibilité pour le gouvernement fédéral de réformer la matière de l’assurance chômage.

262L’article 23 de la Constitution reconnaît à chacun le « droit de mener une vie conforme à la dignité humaine » et précise que ce droit est concrétisé par un certain nombre de « droits économiques, sociaux et culturels ». De tels droits doivent en outre être consacrés et encadrés par une loi, un décret ou une ordonnance, précise la Constitution, c’est-à-dire par une norme de rang législatif. La délégation large donnée au Roi (c’est-à-dire au gouvernement fédéral) par l’article 7, § 1er, alinéa 3, i, de l’arrêté-loi du 28 décembre 1944  [322] pourrait à cet égard s’avérer problématique. Cette délégation porte en effet sur « des matières que la nouvelle Constitution a explicitement attribuées au législateur, et dont le législateur lui-même doit régler les éléments essentiels »  [323], situation qui existe depuis l’entrée en vigueur de l’article 23 de la Constitution, c’est-à-dire depuis 1994.

263La section de législation du Conseil d’État a estimé qu’une telle habilitation pourrait s’avérer inconstitutionnelle car contraire au principe de légalité, en vertu duquel le pouvoir d’exécution de la loi confié au pouvoir exécutif doit en toutes circonstances être balisé par une norme de rang législatif : « Bien que le Conseil d’État, section de législation, ait toujours admis que l’article 7, § 1er, alinéa 3, i, de l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 constitue le fondement juridique de la réglementation du chômage, il se doit néanmoins de signaler que la large habilitation qu’il confère au Roi, laquelle comprend la fixation de l’ensemble de la réglementation du chômage, pourrait se heurter au principe de légalité prévu par l’article 23 de la Constitution. En effet, le droit aux allocations de chômage fait incontestablement partie du droit à la sécurité sociale, garanti par l’article 23, alinéa 3, 2°, de la Constitution »  [324].

264Le gouvernement Di Rupo a en partie répondu à ces critiques. Le 13 février 2014, un projet de loi a été déposé à la Chambre des représentants, qui a abouti à l’adoption de la loi du 25 avril 2014 portant des dispositions diverses en matière de sécurité sociale  [325]. Cette loi s’est notamment employée à compléter l’article 7 de l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 afin de préciser quelque peu les contours de l’habilitation donnée au Roi en matière d’assurance chômage.

265Dans l’exposé des motifs qui ouvre le projet de loi déposé par le gouvernement, il est précisé qu’une telle modification fait suite aux critiques qui ont été adressées à l’occasion de l’adoption de l’arrêté royal du 23 juillet 2012 organisant une dégressivité accrue des allocations de chômage ordinaires  [326]. Pour remédier à l’insécurité juridique qui découle de cette situation, le gouvernement reconnaît lui-même qu’il conviendrait de faire un pas supplémentaire et de doter la réglementation du chômage d’une loi organique en bonne et due forme  [327]. Une telle perspective semble toutefois demander un temps de maturation relativement long, de sorte qu’une voie intermédiaire, prenant la forme d’une loi réparatrice, est privilégiée par le gouvernement : « La rédaction d’une telle loi de base, incluant également les autres dispositions de l’actuel arrêté-loi de 1944, de manière à former un tout cohérent, représente assurément un travail délicat et de grande ampleur, impossible à réaliser à court terme. Mais les travaux seront lancés et aboutiront, à terme, à une telle loi. À court terme, il est déjà possible de solutionner l’insécurité juridique, par le biais d’une brève définition des principes de base de l’assurance chômage dans l’arrêté-loi de 1944 et d’un encadrement plus clair de la compétence d’exécution du Roi. C’est l’objectif poursuivi par le projet présenté »  [328].

266Afin de neutraliser de façon rétrospective cet argument tiré d’une violation du principe de légalité, éventuellement dans le cadre des nombreux recours juridictionnels pendants (cf. supra et infra), la loi « réparatrice » du 25 avril 2014 est entrée en vigueur de manière rétroactive à partir du 1er juillet 2012.

267Si elle rend la situation un peu moins en porte-à-faux au regard du principe de légalité, cette intervention est loin de résoudre l’ensemble des difficultés qui se posent. Plutôt qu’une mise à plat du problème de légalité qui se pose dans le domaine de l’assurance chômage, la loi du 25 avril 2014 équivaut en effet à une simple réparation temporaire (comme le législateur fédéral l’a d’ailleurs lui-même reconnu). En effet, « les principes de base qui ont été consacrés » et qui ont pris la forme de nouvelles dispositions introduites dans l’article 7 de l’arrêté-loi du 28 décembre 1944  [329], « restent exprimés de manière particulièrement succincte, du moins au regard de l’ampleur des développements que leur donne le code du chômage »  [330]. Il pourrait dès lors s’avérer souhaitable qu’un socle législatif complet soit à l’avenir édifié dans le domaine de l’assurance chômage et que les « travaux » législatifs annoncés par le gouvernement Di Rupo en février 2014 soient concrétisés  [331]. Ceux-ci ne semblent pas avoir été entamés depuis.

3. Les réformes de l’assurance chômage décidées par les gouvernements Michel I et Michel II

268Dans ce troisième chapitre, nous nous penchons sur la genèse de nouvelles réformes de l’assurance chômage décidées par les gouvernements successifs dirigés par le Premier ministre Charles Michel (Michel I et Michel II), avant de nous intéresser aux réactions que ces mesures ont suscitées sur les scènes politique, sociale et judiciaire. Durant la législature 2014-2019, les réformes les plus notables ont concerné le régime des allocations d’insertion. Toutefois, la perspective de renforcer encore la dégressivité des allocations de chômage ordinaires a également été envisagée, mais sans aboutir.

3.1. Les premières réformes décidées par le gouvernement Michel I

269Le gouvernement fédéral Michel I est formé le 11 octobre 2014. Il est composé de quatre partis, à savoir un francophone (le MR) et trois néerlandophones (la N-VA, le CD&V et l’Open VLD). Cette coalition inédite – largement minoritaire dans le groupe linguistique français de la Chambre des représentants – est surnommée la « suédoise ».

270La chute de ce gouvernement, le 9 décembre 2018, résultera de la démission des ministres et secrétaires d’État N-VA, à la suite d’une crise liée à l’adoption par la Belgique du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, négocié sous l’égide des Nations unies (dit Pacte de Marrakech).

3.1.1. Genèse

271Le 25 mai 2014 se tiennent en Belgique des élections fédérales, européennes, régionales et communautaires. Au niveau fédéral, le résultat électoral rend la situation politique relativement ouverte. Diverses coalitions sont envisageables, dont certaines permettent de se passer des principaux vainqueurs des élections au nord et au sud du pays, à savoir la N-VA et le PS. La poursuite de la coalition sortante est également arithmétiquement possible. Le rôle de parti pivot et d’arbitre des négociations semble devoir être joué par le CD&V  [332].

272En tant que président du premier parti du royaume, Bart De Wever (N-VA) est nommé informateur par le Roi. En cette qualité, il teste – parmi d’autres mesures – l’idée d’une limitation dans le temps des allocations de chômage ordinaires. Le PS n’est pas convié à ces discussions préliminaires. Les partenaires potentiels alors contactés et les thématiques mises en avant indiquent que la volonté de l’informateur est d’explorer la piste d’une coalition sans le parti socialiste francophone  [333]. Il faut dire que, concernant la question de la limitation dans le temps des allocations d’insertion, qui a constitué une pierre d’achoppement majeure durant la législature précédente, le PS entend revenir à sa position initiale. Contraint au compromis par les libéraux, en particulier flamands, sous la coalition Di Rupo, ce parti souhaite rendre ces allocations à nouveau illimitées dans le temps, pour autant que les bénéficiaires satisfassent aux évaluations menées par l’organe chargé de les contrôler, à ce moment l’ONEM  [334]. Ce changement d’approche du PS en la matière s’inscrit dans la mémoire collective au moyen d’une formule prononcée par le président du PS, Elio Di Rupo, et souvent rappelée par la suite. Ce dernier affirme ainsi dans une interview télévisée accordée au début de l’année 2015 qu’il a le « cœur qui saigne »  [335] lorsqu’il pense aux nombreuses personnes exclues du chômage le 1er janvier 2015 (c’est-à-dire au moment où la limitation des allocations d’insertion à une période de 3 ans produit ses premiers effets).

273Les négociations se poursuivent. Face, semble-t-il, à l’opposition du MR  [336], l’idée avancée par la N-VA d’une limitation dans le temps des allocations de chômage ordinaires est rapidement abandonnée. Au cours des négociations qui se tiennent au début de l’été entre diverses formations politiques (N-VA, MR, CD&V, Open VLD et CDH), d’autres pistes sont explorées afin de parvenir à une réduction des coûts de la sécurité sociale  [337].

274Dans un délai particulièrement court, si on le compare notamment à la précédente « crise des 540 jours », le 11 octobre 2019, une coalition fédérale atypique (N-VA/MR/CD&V/ Open VLD) se met en place, qualifiée de « kamikaze » par ses détracteurs  [338].

275Une telle coalition apparaissait peu plausible. Comme cela a déjà été noté, les opposants aux réformes du chômage, qu’ils soient syndicaux ou issus du monde associatif, ont concentré leurs pressions sur les partis de gauche, qui ne participent finalement pas au gouvernement fédéral. Ces mouvements ne disposent ainsi plus d’aucun relais au sein du gouvernement fédéral, si ce n’est le CD&V, et encore de façon relativement limitée  [339]. C’est Kris Peeters (CD&V), plutôt situé au centre-droit, vice-Premier ministre au sein du gouvernement fédéral Michel I nouvellement formé, qui hérite du portefeuille de l’Emploi.

276Dans l’accord de gouvernement, la ligne préconisée est celle de la continuité par rapport aux réformes initiées par le gouvernement précédent. On pourrait même parler d’une certaine retenue dans le domaine du chômage : si le renforcement additionnel de la dégressivité des allocations de chômage a été évoqué durant les négociations, cette mesure ne figure finalement que de manière relativement ambiguë dans l’accord de gouvernement. Il est tout d’abord précisé que les précédentes mesures, à savoir « la dégressivité renforcée et la limitation des allocations d’insertion dans le temps », devront faire « l’objet d’un suivi »  [340]. Le gouvernement indique que ce n’est qu’après une telle évaluation des effets des mesures précédemment adoptées que « des mesures supplémentaires [pourront] être envisagées »  [341]. De manière quelque peu contradictoire, l’accord affirme également que le « gouvernement poursuivra la dégressivité renforcée des allocations de chômage, mise en place sous le gouvernement précédent », sans apparemment lier une telle hypothèse à une évaluation préalable  [342].

277En revanche, certaines mesures sont annoncées dans l’accord de gouvernement relativement à la situation des bénéficiaires d’allocations d’insertion : « Le droit aux allocations d’insertion sera ouvert après obtention du diplôme ou du certificat correspondant au niveau d’études requis actuellement pour être admis. Cette condition est levée lorsque le demandeur d’allocations a atteint l’âge de 21 ans. L’âge maximum pour introduire une demande d’allocations d’insertion est réduit à 25 ans »  [343].

278Toujours dans l’accord de gouvernement  [344], une réforme de la notion d’emploi convenable  [345] ainsi qu’un renforcement du contrôle de la disponibilité des chômeurs âgés sont également annoncés  [346], parmi d’autres mesures.

3.1.2. Réformes du stage d’insertion professionnelle et des allocations d’insertion

279Les premières décisions prises par le gouvernement Michel I et qui auront un impact social notable ont trait au régime des allocations d’insertion. En effet, comme cela avait été annoncé dans l’accord de gouvernement, le nouvel exécutif fédéral, rapidement après son entrée en fonction, abaisse de 30 à 25 ans l’âge limite avant lequel des allocations d’insertion peuvent être demandées. Cette mesure, déjà importante en soi, se double d’un durcissement significatif des conditions liées aux études accomplies pour pouvoir bénéficier de ce régime.

280Comme c’est généralement le cas dans le domaine du chômage et comme nous avons pu le constater à plusieurs reprises dans ce Courrier hebdomadaire, ces mesures sont adoptées en toute hâte afin de pouvoir entrer en vigueur dès le début de l’année suivante. En outre, les modifications de la réglementation surviennent à la fin de l’année 2014, durant la trêve des confiseurs, par le biais d’un arrêté royal adopté à la toute fin du mois de décembre et entré vigueur dès le 1er janvier suivant  [347]. La date d’entrée en vigueur choisie – à savoir donc le 1er janvier 2015 – est loin d’être anodine. Il s’agit en effet du moment précis où des exclusions massives du chômage produiront inévitablement leurs effets, en particulier pour les cohabitants, dès lors que, depuis le 1er janvier 2012, ces allocations ont, sauf régime d’exception, été limitées à une période de 3 ans.

281L’âge maximal pour être admis au bénéfice des allocations d’insertion est donc abaissé de 30 ans à 25 ans  [348]. Cette mesure est loin d’être anodine. Le demandeur doit en effet être âgé de 25 ans moins un jour au moment où il introduit sa demande, celle-ci n’étant admise que s’il a terminé un stage d’insertion d’une durée de 12 mois minimum  [349]. Le nouveau système n’admet ainsi plus – ou, en tout cas, il les admet de manière bien plus restrictive que précédemment – les erreurs de parcours, les études d’une durée plus longue que la moyenne, les années passées à l’étranger (en vue, par exemple, de l’apprentissage d’une langue), etc.  [350]

282Afin d’éviter une possible méprise, il est utile de préciser que ce changement, qui conduit à abaisser l’âge requis pour pouvoir utilement introduire une demande d’allocations d’insertion, ne modifie en rien le calcul du délai de trois ans durant lesquels ces allocations sont dues. Ce délai reste calculé de façon différenciée selon la situation familiale de l’allocataire. Pour le chef de ménage, l’isolé ou le cohabitant dit privilégié, le délai court à partir de son trentième anniversaire. En revanche, pour le cohabitant dit non privilégié, il court à partir de la date de la première demande d’admission au régime des allocations d’insertion (cf. supra).

283Le gouvernement Michel I ne s’en est pas tenu à cette mesure. Les exigences relatives au niveau d’étude devant être atteint pour pouvoir valablement introduire une demande d’allocations d’insertion ont également été adaptées. Une telle modification de la réglementation n’a pas une portée générale. Elle ne vaut pas pour toutes les catégories de demandeurs, mais uniquement pour ceux qui sont âgés de moins de 21 ans. En ce qui concerne ceux-ci, il ne suffit plus qu’ils aient suivi des études, c’est-à-dire accompli un cycle d’études arrivé à son terme  [351], comme le prévoyait la réglementation antérieurement (cf. supra), mais il est nécessaire qu’ils aient effectivement obtenu un diplôme. Il ne suffit donc plus que les études entreprises soient « terminées », au sens d’arrivées à leur terme, et cela que le résultat pour l’étudiant concerné soit l’échec ou la réussite. Un diplôme, en l’occurrence de l’enseignement secondaire supérieur, doit avoir effectivement été obtenu, ce qui traduit une modification importante – et non marginale – de l’état du droit.

284S’agissant des effets sociaux d’une telle mesure, la lecture d’une question parlementaire – et de la réponse qui lui a été apportée – est particulièrement éclairante. Nous avons déjà eu l’occasion de mettre en évidence le déficit démocratique qui résulte de la nature réglementaire – et non législative – des règles adoptées dans le domaine de l’assurance chômage. Étant donné que le pouvoir exécutif sollicite souvent le bénéfice de l’urgence (soit afin d’être dispensé de solliciter un avis auprès de la section de législation du Conseil d’État, soit afin de bénéficier d’un avis dans un délai très raccourci, comme c’est le cas en l’espèce) et ne fait pas précéder les textes qu’il adopte d’un rapport au Roi, les seules occasions de débat démocratique résultent de l’usage d’autres mécanismes, comme les questions parlementaires.

285En l’occurrence, c’est le député Éric Massin (PS) qui adresse, le 26 novembre 2016, une question écrite depuis les bancs de l’opposition au vice-Premier ministre K. Peeters  [352]. Le député fédéral rappelle que, à la suite de la réforme rappelée ci-avant, « les jeunes âgés de 18 à 21 ans qui arrivent sur le marché de l’emploi sans diplôme sont purement et simplement exclus des allocations de chômage et du bénéfice des allocations familiales »  [353]. Selon É. Massin, cette mesure doit être mise en lien avec l’autre mesure phare décidée par le gouvernement Michel I dans ce domaine, visant à priver du bénéfice du système des allocations d’insertion « les jeunes qui n’ont pas pu terminer leurs études avant leurs 25 ans »  [354]. Le député s’inquiète des risques inhérents à cette nouvelle situation. Il redoute que des jeunes sans diplôme soient livrés à eux-mêmes, ne soient plus incités à s’inscrire comme demandeurs d’emploi – étant donné qu’ils sont désormais non éligibles aux allocations d’insertion –, avec cette conséquence qu’ils ne bénéficieront plus des mesures d’accompagnement découlant de ce statut.

286Dans sa réponse, K. Peeters précise : « Le régime des allocations d’insertion tel qu’il était avant la réforme de fin 2014 prévoyait des conditions souples en matière d’études ouvrant le droit et n’encourageait pas les jeunes à terminer leurs études avec succès. Le constat a été fait que, dès lors, de nombreux jeunes mettaient fin prématurément à leurs études, en vue d’obtenir les allocations d’insertion. Ces jeunes se retrouvaient alors sans qualification et avaient peu de chance sur le marché de l’emploi. La réforme de fin 2014 entendait encourager ces jeunes à poursuivre leurs études et à les terminer avec succès. C’est la raison pour laquelle une condition de diplôme a été ajoutée. Cette mesure s’applique aux jeunes qui n’ont pas encore atteint l’âge de 21 ans. Les jeunes qui ne satisfont pas à cette condition supplémentaire peuvent toutefois bénéficier du régime en cas de demande d’allocations dès leur 21e anniversaire. Un nouvel arrêté royal du 23 septembre 2015, élargissant la liste des diplômes et certificats qui satisfont à la condition de diplôme, a été publié le 16 octobre 2015, avec effet au 1er septembre 2015. Cette longue liste a été établie en collaboration avec les Communautés et les Régions et permet ainsi de prendre en compte davantage de qualifications »  [355].

287K. Peeters justifie ainsi la mesure adoptée par le gouvernement Michel I, en indiquant notamment que, si le demandeur de moins de 21 ans s’est vu imposer une condition supplémentaire de diplôme, un tel amoindrissement de ses droits ne sera « que » temporaire. Dès qu’il aura atteint l’âge de 21 ans (c’est-à-dire, s’il a arrêté sa scolarité une fois parvenu à l’âge de la majorité, trois ans après cet arrêt) et s’il remplit les autres conditions fixées par la réglementation, le même demandeur pourra prétendre aux allocations d’insertion pour une période de 3 ans. K. Peeters se réfère également à une mesure correctrice qui est intervenue afin de répondre aux difficultés d’application survenues après l’entrée en vigueur de l’arrêté royal du 28 décembre 2014. Un arrêté royal du 23 septembre 2015 a en effet quelque peu élargi la liste des diplômes et des formations prises en compte et, par voie de conséquence, susceptibles de donner accès au régime des allocations d’insertion  [356] (alors que, pour rappel, le gouvernement Michel I avait initialement imposé la réussite d’un cycle supérieur de l’enseignement secondaire général). Comme le précise le rapport au Roi placé en préambule de ce texte réglementaire, cette adaptation a été précédée d’une procédure de concertation « avec les différents ministres communautaires et régionaux compétents en matière d’enseignement et de formation professionnelle »  [357]. Certaines formations professionnelles – comme la formation en alternance, qui permet de combiner des périodes de formation théorique et des périodes de stages –, sont en particulier désormais prises en considération.

288Plus généralement, c’est également par le biais de questions parlementaires que l’effet des mesures prises par les deux gouvernements successifs dans le domaine des allocations de chômage obtenues après les études peut, dans une certaine mesure, être identifié. En février 2016, le député Jean-Marc Nollet (Écolo) pose notamment au ministre de l’Emploi K. Peeters la question écrite suivante relativement aux exclusions du chômage : « Quelques mois après l’entrée en vigueur des mesures entraînant l’exclusion d’une série de nos concitoyens des allocations de chômage, la section CPAS de l’Association de la ville et des communes de la Région de Bruxelles-Capitale (AVCB) a dressé un bilan. En effet, sur les 3 470 Bruxellois privés de leurs allocations d’insertion depuis janvier 2015, seuls 1 386 ont introduit une demande d’aide auprès d’un CPAS. 1. a) Pourriez-vous communiquer des chiffres pour les autres régions du pays, arrondissement par arrondissement ? b) Quelles leçons politiques tirez-vous de cette analyse ? 2. Pourriez-vous communiquer des informations complémentaires sur le profil de ces exclus (chefs de ménage, isolés, cohabitants, etc.) pour l’ensemble des régions du pays, arrondissement par arrondissement ? »  [358]

289Les chiffres donnés par le ministre à l’appui de sa réponse à cette question, sous la forme de tableaux, ont été répercutés dans la presse  [359] (et ont nourri la contestation sociale des mesures adoptées sous les gouvernements Di Rupo et Michel I). Le bilan dressé à cette occasion est le suivant. De janvier à août 2015, 25 040 personnes ont perdu le bénéfice des allocations d’insertion ; 66 % de celles-ci résidant en Wallonie, 17 % en Région bruxelloise et 17 % en Flandre. On observe ainsi des situations particulièrement contrastées sur le plan de la répartition territoriale de ces exclusions du chômage, qui doivent bien sûr être reliées à une répartition différenciée du chômage lui-même entre les Régions  [360]. Si l’on se penche sur le critère du sexe, ces chiffres font apparaître que 61 % des personnes concernées sont des femmes. Ces chiffres confirment une tendance historiquement attestée (cf. supra) : les mécanismes qui conduisent à l’exclusion du régime des allocations de chômage, qu’elles soient ordinaires ou d’insertion, affectent, le plus souvent, davantage les femmes que les hommes  [361].

290Bien entendu, ces chiffres donnent surtout un aperçu de l’impact des mesures prises par le gouvernement Di Rupo. Les mesures additionnelles prises par le gouvernement Michel I – à savoir une réduction de l’âge limite pour introduire une demande d’allocations d’insertion et imposant une condition de réussite des études secondaires pour les demandeurs d’allocations d’attente âgés de moins de 21 ans – venaient en effet à l’époque à peine d’être décidées.

291Sans pouvoir nous arrêter sur ce point important, il serait bien sûr utile de relier ces estimations chiffrées à une autre question : celle de la baisse du chômage indemnisé qui a été mesurée – précisément – depuis le début de l’année 2015 en Belgique. S’il n’est pas question de réduire la baisse du chômage à un simple effet mécanique des exclusions du chômage  [362], une analyse fine des chiffres du chômage en Belgique ne saurait faire l’économie de modifications aussi importantes survenues dans la réglementation  [363].

292En outre, il convient de signaler que de telles exclusions ne génèrent pas automatiquement l’arrivée d’un nombre équivalent de personnes devant les guichets des CPAS. Additionner les chiffres provenant de l’ONEM et de l’aide sociale ne pourrait suffire. En effet, la logique qui préside à l’octroi de l’aide sociale est assistancielle. Elle implique qu’une enquête sur les ressources financières éventuelles dont disposent les demandeurs (épargne, revenus provenant de biens immobiliers, etc.) soit préalablement effectuée par les CPAS. Une telle enquête n’existe pas dans le domaine de l’assurance chômage, même lorsque les allocations concernées sont non contributives, comme c’est le cas des allocations d’insertion. En outre, il faut tenir compte d’un phénomène de non-recours aux droits sociaux qui reçoit actuellement plus d’attention que par le passé  [364], et qui implique que certains individus, pour diverses raisons qu’il serait difficile de résumer ici, n’entreprennent pas les démarches qui pourraient leur permettre d’obtenir un certain nombre de prestations à charge des pouvoirs publics et, par voie de conséquence, sortent des statistiques (c’est ce que l’on appelle communément le phénomène de « sherwoodisation »)  [365].

3.1.3. Autres réformes

293Sans prétendre à l’exhaustivité, quelques réformes complémentaires adoptées par le gouvernement Michel I peuvent être épinglées. En premier lieu, il convient de mentionner la suppression du régime du complément d’ancienneté dont pouvaient bénéficier les chômeurs ayant atteint un certain âge et pouvant justifier d’un passé professionnel d’une certaine durée. Sous le gouvernement Di Rupo, les conditions pour accéder à ce complément d’ancienneté avaient déjà été modifiées. L’âge minimal requis pour pouvoir percevoir cette majoration de l’allocation de chômage ordinaire avait été rehaussé de 50 à 55 ans (cf. supra). Le gouvernement Michel I décide, comme cela avait été annoncé dans l’accord de gouvernement  [366], de supprimer purement et simplement un tel mécanisme, sauf dans certains cas spécifiques  [367]. Depuis lors, les chômeurs âgés ne bénéficient plus de la moindre majoration du montant de leurs allocations.

294En second lieu, comme annoncé au début de la législature  [368], la notion d’emploi convenable, qui avait déjà été redéfinie par le gouvernement Di Rupo dans le sens d’une flexibilisation, fait l’objet d’une modification (entrée en vigueur le 3 février 2018). Les critères pris en compte pour déterminer le caractère convenable d’un emploi incluent désormais l’expérience acquise par le demandeur d’emploi en dehors de ses études, puisque la réglementation se réfère désormais « aux compétences et aux talents du demandeur d’emploi »  [369]. Des compétences acquises dans la sphère privée ou dans le cadre d’activités sociales (par exemple, dans le cadre de la participation à un mouvement de jeunesse) peuvent ainsi entrer en considération pour déterminer le caractère convenable ou non d’un emploi. L’effet de cette réforme est donc bien d’élargir encore la notion d’emploi convenable au sens de la réglementation du chômage, et ce en vue d’augmenter – c’est en tout cas l’objectif poursuivi par le gouvernement Michel I – la reprise d’activité des chômeurs.

295En troisième et dernier lieu, il convient de pointer les modifications intervenues dans le domaine de la disponibilité des chômeurs âgés. Le régime de dispenses dont ces derniers pouvaient auparavant bénéficier (dispense d’inscription en tant que demandeur d’emploi, dispense de l’obligation d’être disponible pour le marché de l’emploi, etc.) a été revu par le gouvernement Michel I  [370]. Depuis le 1er janvier 2015, les chômeurs âgés de plus de 60 ans (ou ceux qui bénéficient du régime de chômage avec complément d’entreprise - RCC) « sont soumis à une obligation de disponibilité adaptée. Ils doivent donc en principe être inscrits comme demandeurs d’emploi auprès du service régional de l’emploi et être disponibles sur le marché de l’emploi. Cela signifie également qu’ils doivent notamment accepter tout emploi convenable ou répondre aux convocations du service régional de l’emploi. Ils ne sont toutefois pas tenus de rechercher activement un emploi mais doivent collaborer à un accompagnement individuel personnalisé qui leur est proposé par le service régional de l’emploi dont ils dépendent »  [371]. Toutefois, si certaines conditions d’âge et de passé professionnel sont réunies, ces chômeurs âgés peuvent demander à être dispensés de cette obligation de disponibilité adaptée.

3.2. Le jobsdeal de l’été 2018

296Une accentuation de la dégressivité des allocations de chômage ordinaires avait été envisagée dans l’accord de gouvernement. Cette perspective revient à l’avant-plan politique et médiatique à l’été 2018. Dans le cadre de la préparation du budget 2019, le gouvernement Michel I annonce en effet un programme intitulé jobsdeal.

297Ce programme trouve son origine dans une réflexion initiée, à l’entame de l’été 2018, sur les importantes pénuries de main-d’œuvre qui s’observent dans certains secteurs, en particulier au nord du pays. En juin 2018, le gouvernement fédéral adresse aux interlocuteurs sociaux et aux gouvernements régionaux une demande liée à cette situation, qui est présentée comme un important frein à la croissance économique du pays.

298Le gouvernement reçoit un avis unanime du Groupe des dix  [372]. Cet avis énonce un certain nombre de « propositions qui portent essentiellement sur le développement de la formation continue et de la formation en alternance, ainsi que sur la réintégration des malades de longue durée »  [373]. Le Premier ministre, Charles Michel (MR), annonce qu’il va s’inspirer de ces propositions.

299Le plan finalement présenté par le gouvernement est baptisé « deal pour l’emploi » (jobsdeal). Il ne s’inspire que très partiellement des propositions émanant du Groupe des dix. L’objectif poursuivi par le gouvernement est de parvenir à des économies et d’ainsi respecter les engagements pris dans le cadre du pacte européen de stabilité. Le jobsdeal est ainsi envisagé comme un élément s’imbriquant dans une stratégie d’assainissement budgétaire plus globale. Il fait notamment suite aux recommandations formulées par l’Union européenne qui, après avoir observé que le taux de vacance d’emploi en Belgique se situait parmi les plus élevés des pays membres de l’Union, invite ce pays à « supprimer les contre-incitations à travailler »  [374].

300Dans le domaine du chômage, si la mesure centrale annoncée par le gouvernement fédéral est celle d’une dégressivité accrue des allocations de chômage ordinaires, une autre mesure, particulièrement emblématique, mérite également d’être épinglée. Le gouvernement envisage en effet de mettre à charge des chômeurs de longue durée une obligation de service à la communauté, consistant en un travail d’intérêt général effectué en contrepartie de l’allocation perçue. Une telle modification de la réglementation, qui figurait déjà dans l’accord de gouvernement  [375], est reprise dans le jobsdeal. Toutefois, la mesure est rapidement retirée de ce programme de réformes, notamment en raison du peu d’enthousiasme qu’elle a suscité du côté des Régions, dont la collaboration est, en ce domaine, indispensable  [376].

301Venons-en à l’autre mesure annoncée par le gouvernement Michel I, devant conduire à une accentuation encore renforcée de la dégressivité des allocations de chômage ordinaires. Après avoir durci l’accès aux allocations d’insertion en début de législature, le gouvernement fédéral souhaite ainsi s’attaquer au régime général des allocations de chômage. La piste préconisée est comparable à celle mise en œuvre par le gouvernement Di Rupo six ans auparavant. Il est en effet prévu d’augmenter les allocations durant les 6 premiers mois (soit en rehaussant le plafond du dernier salaire pris en compte – qui est alors fixé à 2 619 euros mensuels bruts –, soit en augmentant le taux de remplacement, qui est de 65 % les 3 premiers mois et de 60 % les 3 mois suivants). En contrepartie, une diminution plus rapide et plus importante des allocations doit être organisée après 6 mois, avant que la deuxième puis la troisième périodes ne soient atteintes – la dernière étant synonyme d’allocations forfaitaires perçues par le bénéficiaire. Le Premier ministre, qui se fonde sur la situation existant dans certains pays scandinaves, justifie cette mesure de la façon suivante : « Notre souhait est de mettre les efforts sur le début parce que beaucoup d’enquêtes montrent que le succès de l’activation se situe principalement dans les premiers mois qui suivent la perte d’un emploi. On voit que plus on attend, plus cela devient difficile de retrouver le chemin du travail »  [377].

302Cette accentuation de la dégressivité des allocations de chômage ordinaires ne constitue bien sûr qu’un aspect du jobsdeal, et ce dernier n’est lui-même qu’un volet parmi d’autres d’un programme d’assainissement budgétaire élaboré par le gouvernement. Cette mesure n’en est pas moins particulièrement emblématique, notamment au regard des réactions de divers ordres qui avaient été suscitées par l’élargissement et l’accentuation de la dégressivité des allocations de chômage décidées par le gouvernement Di Rupo. Ces différents fronts de contestation, dont certains sont encore actifs actuellement, en particulier sur le plan juridictionnel, ne semblent pas avoir incité le gouvernement Michel I à commander des études d’incidence, comme cela avait été pourtant annoncé dans l’accord de gouvernement  [378].

303Lors d’un conseil des ministres qui se tient le 23 novembre 2018, la quasi-totalité du jobsdeal est approuvée par le gouvernement. Seules manquent à l’appel les mesures qui ont trait à la dégressivité accrue des allocations de chômage, pour lesquelles des éléments complémentaires sont encore attendus  [379]. L’ONEM a en effet été chargé d’élaborer des propositions de modification de la réglementation afin de donner effet aux projets du gouvernement. Le montant de l’allocation de chômage ordinaire devra être renforcé durant les 6 premiers mois de chômage, puis il devra décroître de façon encore plus accentuée qu’en vertu de la réglementation alors en vigueur (à savoir celle résultant de la réforme du 23 juillet 2012 ; cf. supra).

304La concrétisation de cet accord est toutefois remise en cause par la crise gouvernementale qui couvait depuis le début de l’automne et qui s’envenime au début du mois de décembre 2018. Cette crise est suscitée par les négociations en vue de l’adoption du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières sous l’égide des Nations unies (dit Pacte de Marrakech). L’opposition de la N-VA à l’adoption de ce texte (pourtant non contraignant sur le plan juridique) précipite la démission, le 9 décembre 2018, des trois ministres et des deux secrétaires d’État qui appartiennent à cette formation politique. La coalition remaniée qui subsiste après ces départs est qualifiée par le Premier ministre d’« orange bleue », ce qui implique une prise de distance par rapport à la précédente coalition, qualifiée de suédoise. Ce gouvernement Michel II a pour particularité d’être un gouvernement minoritaire. Les trois partis qui le composent (MR/CD&V/Open VLD) ne disposent en effet que de 52 sièges sur 150 à la Chambre des représentants (contre 83 avant la décision de la N-VA). Incapable de trouver l’appui d’au moins 24 députés, ce gouvernement renonce à demander la confiance de la Chambre et présente sa démission au Roi le 18 décembre. Le 21, celui-ci l’accepte et charge le gouvernement Michel II d’expédier les affaires courantes, au moins jusqu’au scrutin multiple du 26 mai 2019.

305La question se pose rapidement de savoir si le gouvernement Michel II peut adopter les diverses mesures contenues dans le jobsdeal présenté durant l’été 2018, et en particulier organiser une dégressivité accrue des allocations de chômage ordinaires. Contrairement à d’autres mesures qui nécessitent l’adoption d’une loi, et donc d’obtenir une majorité à la Chambre des représentants, cette réforme requiert uniquement l’adoption d’un arrêté royal. Cette mesure n’avait toutefois pas fait l’objet d’un accord formel au sein du Conseil des ministres du temps du gouvernement Michel I, comme cela vient d’être rappelé. Seules ses modalités générales avaient été annoncées dans le jobsdeal présenté durant l’été. Cette décision pourrait-elle entrer dans le cadre des affaires courantes  [380] ?

306L’ensemble des aspects du « deal pour l’emploi » – en ce compris la réforme de la dégressivité des allocations de chômage – fait l’objet de discussions entre un certain nombre de formations politiques durant les premiers mois de l’année 2019. Le gouvernement Michel II souhaite avancer, mais l’attitude de la Chambre des représentants est déterminante, car le gouvernement est non seulement en affaires courantes, mais aussi largement minoritaire  [381]. Concernant la réforme visant à accentuer la dégressivité des allocations de chômage, selon le chef du groupe Écolo-Groen à la Chambre, Georges Gilkinet, il n’est pas admissible que le gouvernement prenne des décisions dans des dossiers qui ne ressortissent pas à la notion d’affaires courantes. Étant donné que « la dégressivité accélérée des allocations de chômage n’a pas fait l’objet d’un accord au sein du gouvernement », il ne serait, selon le parlementaire Écolo, « pas conforme à l’esprit et à la lettre des affaires courantes d’avancer sur le sujet via un arrêté royal ou un projet de loi »  [382].

307La N-VA met de son côté la pression sur ses anciens partenaires. Le 9 janvier 2019, il est fait état dans la presse d’une proposition de loi visant à accentuer la dégressivité des allocations de chômage ordinaires  [383]. La situation semble donc relativement tendue. De façon quelque peu étonnante, un accord intervient rapidement, le 18 janvier 2019, entre les anciens partenaires (à savoir le MR, le CD&V et l’Open VLD, qui forment le gouvernement minoritaire Michel II, et la N-VA)  [384]. Ces partis s’entendent pour appliquer une version minimale du « deal pour l’emploi » qu’ils avaient auparavant négocié  [385]. Mais la mesure la plus controversée du jobsdeal, à savoir celle visant à instaurer une dégressivité accrue des allocations de chômage, n’est pas incluse dans cet accord. Le gouvernement, qui pourrait éventuellement avancer seul au moyen d’un arrêté royal, ne semble par ailleurs pas faire de ce dossier un élément prioritaire de la fin de la législature, sans doute en raison de réticences éprouvées par le CD&V, mis sous pression par les syndicats (sur le plan politique), et de difficultés liées à la définition des affaires courantes (sur le plan juridique)  [386].

3.3. Les mesures du gouvernement Michel II

308Dans le domaine du chômage, plus généralement, le gouvernement Michel II, même minoritaire, ne demeure pas pour autant inactif. Un arrêté royal est adopté le 6 mai 2019  [387] qui concerne les chômeurs dits PMS (catégorie déjà évoquée dans ce Courrier hebdomadaire), proche de la catégorie MMPP et destinée à la remplacer. Une nouvelle appellation est à cette occasion consacrée, celle de « demandeur d’emploi non mobilisable ».

309À titre de rappel, le gouvernement Di Rupo, après avoir supprimé la dispense de disponibilité active dont bénéficiaient certains chômeurs partiellement inaptes au travail, avait prévu une extension de la durée du droit aux allocations d’insertion pour deux catégories de chômeurs : d’une part, ceux qui peuvent justifier d’une inaptitude permanente au travail d’au moins 33 % et, d’autre part, ceux qui se voient reconnaître le statut MMPP (et acceptent de suivre un trajet spécifique d’accompagnement). Cette extension avait été prévue pour une période de 2 ans (cf. supra). En raison de difficultés persistantes, le gouvernement Michel I avait prolongé dans le temps cette suspension de la procédure de contrôle de la disponibilité active pour ces catégories de chômeurs, une première fois pour une durée de 1 an, en 2016, une seconde fois pour une durée de 2 ans, en 2017  [388]. Une solution plus structurelle était toutefois toujours attendue.

310Le gouvernement fédéral Michel II, pourtant en affaires courantes, tente de remédier à cette situation en adoptant la réforme du 6 mai 2019. La solution retenue est élaborée en concertation avec les trois Régions et la Communauté germanophone (compétentes dans le domaine tant de l’accompagnement que de la mise en œuvre du contrôle de la disponibilité des chômeurs), à la suite de l’organisation d’une conférence interministérielle réunissant les différents ministres de l’Emploi aux niveaux fédéral et fédérés  [389]. À l’issue de la période durant laquelle des allocations d’insertion peuvent être perçues, un certain nombre de personnes peuvent désormais bénéficier, en raison de difficultés psycho-médico-sociales qu’elles rencontrent, d’un statut spécifique nouvellement créé : celui de « demandeur d’emploi non mobilisable ». Ce statut est attribué par les services régionaux de l’emploi compétents en matière de contrôle de la disponibilité des chômeurs (à savoir le FOREM en Région wallonne, Actiris en Région bruxelloise, le VDAB en Région flamande et l’ADG en Communauté germanophone). Ces services doivent se fonder sur l’International Classification of Functioning Disability Health (ICF), un outil scientifique international visant à évaluer l’éloignement d’une personne vis-à-vis du marché de l’emploi. La notion de « demandeur d’emploi non mobilisable » est en effet définie de la manière suivante par la réglementation : « demandeur d’emploi que le service de l’emploi compétent identifie au moyen de l’outil de screening internationalement reconnu ICF (…) et reconnaît comme étant confronté à une combinaison de facteurs psycho-médico-sociaux qui affectent durablement sa santé et/ou son intégration sociale ou professionnelle, avec comme conséquence qu’il n’est pas en mesure de travailler dans le circuit économique normal ou dans le cadre d’un travail adapté ou encadré, rémunéré ou non »  [390].

311Si ces nouvelles règles sont en vigueur depuis le 1er juillet 2019, le nouveau statut n’est effectif que depuis le 1er janvier 2020. Il permet à ses bénéficiaires d’être dispensés d’un comportement actif de recherche d’emploi, de disposer d’un accompagnement adapté de la part des services régionaux compétents et de percevoir une allocation « de sauvegarde » à l’expiration de leur droit aux allocations d’insertion  [391]. Ce statut peut être attribué pour une période de 2 ans renouvelable. Nous manquons actuellement de recul, mais il conviendra d’évaluer prochainement les effets produits par cette nouvelle réglementation  [392].

3.4. Les réactions aux réformes de l’assurance chômage décidées par les gouvernements Michel I et Michel II

312Pour décrire les réactions suscitées par les réformes mises en place par le gouvernement Michel I et, dans une moindre mesure, par le gouvernement Michel II, nous procédons d’une façon identique à celle qui a été suivie précédemment, en examinant successivement les réactions survenues sur les plans politique, social et juridictionnel.

3.4.1. Sur le plan politique

313En 2015, les mesures prises par le gouvernement Michel I et touchant au régime des allocations d’insertion font l’objet de contestations qui émanent d’un certain nombre de formations politiques. Ces réactions visent également la mesure phare adoptée dans ce domaine par le gouvernement précédent, à savoir la limitation dans le temps des allocations d’insertion obtenues après les études. En 2015, plusieurs propositions de loi sont déposées à la Chambre des représentants qui envisagent non seulement la suppression de cette limitation dans le temps, mais aussi le rétablissement à 30 ans de l’âge maximal pour pouvoir demander des allocations d’insertion  [393] – ou, en tout cas, qui entendent modaliser différemment cette dernière mesure  [394]. Les partis politiques impliqués sont les suivants : le PS, Écolo, Groen, le SP.A, le PTB et le CDH. De février à novembre 2015, l’examen conjoint de plusieurs propositions de loi dont les objets sont liés prend ainsi place au sein de la commission des Affaires sociales de la Chambre  [395]. Ces initiatives émanant de l’opposition parlementaire sont rejetées lors d’un vote qui intervient en commission, à la fin de l’année 2015  [396].

314Lorsque le jobsdeal est présenté durant l’été 2018, porté par le vice-Premier ministre et ministre de l’Emploi, K. Peeters, et par le Premier ministre, C. Michel, les réactions politiques ne se font pas attendre. Fin juillet, le chef du groupe PS à la Chambre des représentants, Ahmed Laaouej, focalise ses critiques sur le volet de cet accord qui concerne la réglementation du chômage : « Le gouvernement Michel fait payer aux chômeurs sa mauvaise gestion budgétaire et sa mauvaise gestion de l’économie. Comme ils sont en échec, il faut pouvoir faire payer un certain nombre de concitoyens. La dégressivité, ça veut dire plonger les chômeurs, qui sont déjà en difficulté, dans la pauvreté, sous prétexte de les contraindre ou de les encourager à l’emploi. Nous ce que nous disons, c’est que c’est le gouvernement de la matraque sociale. Une fois de plus ils s’en prennent aux plus précarisés, aux chômeurs en l’occurrence. C’est tout à fait indigne »  [397].

315L’été se poursuit sans que la sortie du gouvernement suscite un nombre important de réactions sur la scène politique. Au début de l’automne 2018, une réaction au jobsdeal, et plus spécifiquement à la dégressivité accrue qu’il entend organiser, est particulièrement intéressante. Si elle n’émane pas d’un acteur politique au sens strict du terme, elle aura des implications politiques non négligeables. Une carte blanche signée par seize économistes issus du monde académique est publiée à la fin du mois de septembre dans deux quotidiens belges, l’un francophone et l’autre néerlandophone  [398]. Parmi ces économistes, il convient de noter la présence de Frank Vandenbroucke, le « père » de l’État social actif en Belgique (cf. supra), qui signe cette tribune en sa qualité de professeur, désormais, à l’Université d’Amsterdam. Les rédacteurs de cette carte blanche se réfèrent à une étude scientifique qui a été publiée dans une revue américaine et qui entend analyser le système suédois d’assurance chômage  [399]. Dans ce pays, un système de dégressivité a en effet été instauré en 2001. Cette étude permet de mettre en doute, estiment les signataires de cette carte blanche, la méthode mise en avant par le gouvernement Michel I. Plutôt qu’une dégressivité, il conviendrait d’instaurer un système de progressivité des allocations de chômage, qui prévoirait que celles-ci soient faibles au début de la période d’indemnisation et augmentent progressivement avec la durée du chômage. Ce sont en effet les chômeurs de longue durée les moins formés qui sont les plus fragilisés et soumis à un risque accru de pauvreté, en raison d’une épargne moindre notamment. Plutôt qu’une injonction, les économistes signataires de cette carte blanche lancent au gouvernement une invitation à la prudence. Face aux incertitudes, il conviendrait selon eux d’étudier davantage et de façon plus approfondie l’impact des mesures envisagées.

316Cette intervention de personnes issues du monde académique, toutes économistes, dans le débat public sur l’avenir de l’assurance chômage offre au PS une occasion de rebondir. Ce parti publie ainsi un communiqué dans lequel il affirme que le « gouvernement Michel cherche à détruire la solidarité »  [400]. Le PS souligne que « l’analyse des scientifiques établit clairement que la dégressivité des allocations est inefficace en termes de recherche d’emploi »  [401]. Le communiqué indique également : « La réaction des seize experts académiques éclaire l’état d’esprit qui a prévalu tout au long de la législature fédérale : le gouvernement ne cherche pas à être efficace, il cherche à détruire la solidarité entre tous les Belges que représente la sécurité sociale »  [402].

3.4.2. Sur le plan social

317Les réformes décidées par le gouvernement Michel I rapidement après son entrée en fonction, et touchant au régime des allocations d’insertion, viennent accentuer celles décidées par le gouvernement précédent. La mesure la plus emblématique est à cet égard le rabaissement de l’âge maximal pour introduire une demande d’allocations d’insertion, qui passe de 30 à 25 ans. Comme le résume le journaliste Julien Winkel, aux yeux des syndicats et du secteur jeunesse, « cette décision constitue la cerise sur un gâteau déjà mis au four par le gouvernement Di Rupo en 2011 »  [403]. Référence est ici faite à la décision prise par le gouvernement Di Rupo de limiter dans le temps le bénéfice des allocations d’attente, devenues, à l’occasion de cette réforme, allocations d’insertion (cf. supra). En d’autres mots, l’opposition aux nouvelles réformes décidées par le gouvernement Michel I s’inscrit dans la continuité d’une contestation en cours, dont la cible est la politique mise en œuvre par le gouvernement précédent. Ce front social, dirigé contre une série de décisions qui se renforcent mutuellement, a toutefois tendance à se transformer et à se déplacer vers le terrain juridictionnel (cf. infra)  [404].

318En 2018, le jobsdeal suscite lui aussi une ferme opposition. Les syndicats, s’ils admettent qu’il convient de réformer le marché du travail afin d’augmenter le taux d’emploi, sont farouchement opposés aux mesures prévues dans ce programme de réformes, et en particulier à une accentuation de la dégressivité des allocations de chômage. Le secrétaire général de la FGTB, Robert Vertenueil, indique ainsi, le 24 juillet 2018, après l’annonce par le gouvernement Michel I du contenu du jobsdeal : « Je suis hors de moi. C’est un accord abject. Une mascarade. Je promets de pourrir la vie du gouvernement fédéral à la rentrée, pendant toute la campagne des élections communales. C’est un coup de poignard dans le dos »  [405]. Parmi les mesures envisagées par le gouvernement Michel I, le dirigeant syndical pointe notamment la réforme de la dégressivité des allocations de chômage, qui vise à renforcer la tendance initiée en 2012. Du côté de la CSC, si les mots employés par la secrétaire générale, Marie-Hélène Ska, sont plus mesurés, l’opposition à diverses mesures envisagées par le gouvernement, et en particulier à la réforme de la dégressivité des allocations de chômage, est également nette  [406].

319Sans surprise, le patronat est quant à lui beaucoup plus favorable au projet présenté par le gouvernement fédéral. Le constat d’une rupture de confiance sur le plan de la concertation sociale, que mettent en avant les syndicats, n’est pas partagé par les représentants du patronat. L’administrateur délégué de la Fédération des entreprises de Belgique (FEB), Pieter Timmermans, estime par exemple que plusieurs mesures proposées par le Groupe des dix « ont bien été reprises »  [407]. Il dit regretter cette réaction des syndicats, et notamment la perspective d’une grève dès la rentrée parlementaire. Cependant, P. Timmermans reconnaît que la note du gouvernement s’est fortement éloignée des propositions communes des interlocuteurs sociaux sur certains points : ainsi, aucune réforme de la dégressivité des allocations de chômage n’était évoquée dans le texte transmis au gouvernement par le Groupe des dix  [408]. Aux yeux de P. Timmermans, la présence d’une telle mesure dans le jobsdeal ne constitue toutefois pas une surprise  [409].

320En tout état de cause, les actions syndicales envisagées à la rentrée parlementaire ne débouchent pas sur une grève générale, comme cela avait été initialement annoncé, mais sur une journée d’actions décentralisées. Celle-ci est organisée le 2 octobre 2018 sur une base interprofessionnelle, en front commun, et vise à contester non seulement le jobsdeal, mais également la réforme des pensions  [410]. L’agenda social et politique est ensuite marqué par l’apparition d’un mouvement inédit, celui des « Gilets jaunes », ainsi que par une crise profonde au sein du gouvernement fédéral, liée à l’adoption par la Belgique du Pacte de Marrakech (cf. supra).

3.4.3. Sur le plan juridictionnel

321La réforme de la dégressivité des allocations de chômage n’ayant pas été concrétisée, ni sous la forme d’un arrêté royal ni sous celle d’une loi votée à la Chambre des représentants, force est de constater que les réformes principales du gouvernement Michel I dans le domaine du chômage ont concerné les allocations d’insertion. Ces dernières avaient précisément été au centre d’une constellation d’actions judiciaires dont il a déjà été question (cf. supra), visant à contester devant les juridictions du travail la limitation dans le temps de ces allocations en invoquant le principe de standstill. La nouvelle condition d’âge, plus stricte, décidée par le gouvernement Michel I a elle aussi fait l’objet de recours, fondés sur ce principe également. Cette mesure a été censurée par certaines juridictions du travail, y compris en degré d’appel. Deux décisions rendues par la cour du travail de Liège peuvent en particulier être épinglées.

322Le premier arrêt, rendu par la cour du travail de Liège le 6 novembre 2018  [411], tire argument de l’absence de rapport au Roi ayant précédé l’arrêté royal du 28 décembre 2014, qui abaisse l’âge minimal requis pour pouvoir introduire une demande d’allocations d’insertion de 30 à 25 ans. La cour souligne que la section de législation du Conseil d’État, dans l’avis qu’elle a rendu à la demande du gouvernement, avait explicitement invité celui-ci à assortir l’arrêté royal querellé d’un tel rapport, compte tenu de l’importance de la réforme opérée et de son incidence significative. Ce dernier aurait en particulier dû justifier la mesure envisagée, avait souligné le Conseil d’État, au regard de l’article 23 de la Constitution et de l’obligation de standstill qui en est déduite par la jurisprudence et la doctrine. La cour du travail de Liège considère qu’en cas de doute pesant sur la constitutionnalité de la mesure, l’absence de rapport au Roi et de justification doit profiter au justiciable. En d’autres termes, la charge de la preuve doit reposer sur l’auteur de l’amoindrissement du niveau de la protection sociale, en l’occurrence le gouvernement fédéral. La cour note ainsi que « la charge de la preuve du respect ou de la violation de l’obligation de standstill (…) incombe, s’agissant de la validité d’un acte de l’autorité législative ou réglementaire, à cette autorité ou à la partie qui invoque son acte légal ou réglementaire. Par application du principe général de légalité, il appartient en effet à l’autorité, dès lors que son action est contestée ou au moins dès qu’un recul de protection sociale est établi, de démontrer avoir agi légalement et dans le respect des normes de niveau supérieur qui s’imposent à elle »  [412].

323La cour du travail de Liège conclut à la violation de la Constitution et écarte l’application de l’arrêté royal à l’affaire dont elle est saisie, de sorte que la chômeuse, qui venait de dépasser l’âge de 25 ans, se voit reconnaître le bénéfice des allocations sur la base de la version de la réglementation antérieurement applicable  [413]. L’ONEM n’a pas introduit de pourvoi en cassation, de sorte que cette décision est devenue définitive.

324Dans la deuxième affaire, qui a trouvé son épilogue dans un arrêt du 25 mars 2019  [414], une autre chambre de la cour du travail de Liège se prononce dans le même sens. Le contrôle de proportionnalité de la mesure est rendu à son avis impossible dès lors que le gouvernement fédéral n’a pas fait précéder l’arrêté royal d’un rapport au Roi explicitant le caractère à la fois approprié et nécessaire de la mesure pour atteindre les objectifs d’intérêt général mis en avant. De la même façon, l’absence de justification ne rend pas possible un contrôle, exercé par les juridictions du travail, du caractère proportionné de la mesure par rapport au recul qu’elle entraîne en termes de protection sociale. Cette dernière décision, qui a été plus médiatisée que la précédente  [415], n’a pas davantage fait l’objet d’un pourvoi en cassation de la part de l’ONEM.

325Cette évolution jurisprudentielle montre que l’arme du standstill peut être utilisée avec succès par les plaideurs. Une telle hypothèse ne concerne pas quelques cas isolés. Selon des chiffres évoqués par le FOREM – et qui ne valent donc que pour le territoire de la région de langue française – entre 5 000 et 10 000 individus pourraient se prévaloir d’une telle jurisprudence et introduire à leur tour un recours  [416].

326Bien sûr, comme cela a déjà été signalé, cette déclaration d’inconstitutionnalité qui résulte d’une application combinée des articles 23 et 159 de la Constitution ne vaut à chaque fois que dans un cas particulier et n’a pas de portée générale. À l’heure où sont écrites ces lignes, la condition d’âge pour prétendre à des allocations d’insertion est toujours de 25 ans, et non de 30 ans. De la même manière, le bénéfice de ces mêmes allocations d’insertion reste limité à une période de 3 ans. Les modifications introduites par les précédents gouvernements continuent à faire partie de l’ordonnancement juridique belge. Toutefois, l’ampleur que la contestation judiciaire de ces mesures prend – et pourrait prendre à l’avenir – est susceptible de constituer un argument dans le cadre de futures discussions ou négociations.

Conclusion

327Dans un premier temps, le présent Courrier hebdomadaire s’est attaché à retracer l’historique et à éclairer le contexte d’une série de décisions emblématiques prises par le gouvernement Di Rupo dans le domaine politiquement sensible, et symboliquement chargé, qu’est celui du chômage. Le problème du chômage structurel pose en effet des difficultés qui ne sont pas uniquement d’ordre économique et budgétaire, mais également d’ordre politique et social. À cet égard, les récentes réformes qui ont été mises au centre de cette étude sont sans doute de nature à renforcer, encore plus que par le passé, la traditionnelle méfiance à l’égard des travailleurs sans emploi, ces derniers faisant l’objet de longue date d’une stigmatisation sociale fondée sur un certain nombre de stéréotypes comme l’oisiveté ou l’irresponsabilité  [417]. Depuis la crise économique de 1974, une tendance transversale est décelable dans les politiques publiques mises en place en Belgique, et plus largement en Europe, qui visent à s’attaquer au chômage systémique : blâmer les victimes, à défaut de pouvoir agir efficacement sur les causes  [418].

328Les deux mesures phares du train de réformes mis en route par le gouvernement Di Rupo ont en particulier été décrites et soumises à l’analyse : d’une part, l’organisation d’une dégressivité élargie et accrue des allocations de chômage ordinaires ; d’autre part, une réforme des allocations auparavant dites d’attente, désormais qualifiées d’allocations d’insertion, qui ont été limitées dans le temps  [419].

329Ce Courrier hebdomadaire s’est également penché sur le contexte particulier, tant sur le plan institutionnel que socio-économique, dans lequel ces réformes ont été négociées et décidées. La crise politique des 541 jours est à ce jour la plus grave – en tout cas si l’on se réfère à sa durée – qu’ait connue la Belgique. Elle s’est d’ailleurs avérée le prélude à une sixième réforme de l’État qui a modifié certains équilibres institutionnels (et qui a conduit à régionaliser la mise en œuvre du contrôle de la disponibilité des chômeurs). La formation du gouvernement Di Rupo a en outre été marquée par des pressions inédites exercées par des acteurs extérieurs, qu’ils soient publics ou privés, et ce dans un contexte de crise financière et économique. Des organes internationaux, notamment l’OCDE ou la Commission européenne, ont ainsi prôné – et continuent de prôner – des mesures visant à augmenter la flexibilité du marché de l’emploi, en supprimant notamment ce qu’ils qualifient d’incitants à l’inactivité. Ces décisions, loin d’être neutres, sont elles-mêmes fondées sur un certain nombre de théories économiques (qualifiées par leurs critiques d’« orthodoxes ») qui ne font pas l’unanimité dans les cénacles scientifiques.

330D’autres spécificités en matière de chômage ont également pu être abordées dans cette étude, et en particulier le fait que cette branche de la sécurité sociale est pilotée par le pouvoir exécutif seul, par le biais d’arrêtés royaux ou d’arrêtés ministériels. Sans doute en lien avec cela, ce domaine du droit est également marqué par une grande technicité et une instabilité chronique qui défient parfois les capacités de compréhension des spécialistes eux-mêmes  [420] et dont le pouvoir exécutif semble lui-même conscient  [421]. Cette instabilité est encore renforcée en période de crise économique.

331Outre celles décidées par le gouvernement Di Rupo, les réformes des gouvernements Michel I et, dans une moindre mesure, Michel II ont également été rappelées. Cette approche transversale conduit à mettre en évidence un paradoxe. Dans cette matière, les mesures qui ont été les plus emblématiques et dont les conséquences sociales ont été les plus notables ont été prises par un gouvernement alliant formations politiques socialistes, libérales et de filiation sociale-chrétienne, à savoir une tripartite traditionnelle dont le centre de gravité se situait au centre. Un gouvernement de centre-droit, le gouvernement Michel, qui a mis l’institutionnel « au frigo » pour se concentrer sur un programme socio-politique, n’a quant à lui réformé la matière de l’assurance chômage que de façon plus limitée.

332Comment expliquer une telle situation ? L’influence du contexte pourrait s’avérer ici déterminante. Sur la scène intérieure, le rapport des forces politiques en présence ainsi que les alliances envisageables, sur la scène extérieure, les pressions exercées pas des acteurs publics ou privés ont tissé une toile qui a fortement limité la marge de manœuvre des acteurs concernés. Le poids des événements ne saurait ici être négligé (même s’il ne doit pas non plus être surévalué). Si les décisions prises par le gouvernement Di Rupo s’inscrivent dans le sillage de la crise financière et économique déclenchée en 2008, celles envisagées par le gouvernement Michel I ont quant à elles été perturbées par la chute du gouvernement suscitée par le processus d’adoption du Pacte de Marrakech.

333Dans ce Courrier hebdomadaire, les réactions aux mesures prises par les gouvernements successifs en matière de chômage ont également pu être décrites et analysées. Cela a permis de mettre en évidence, au-delà du niveau politique stricto sensu, deux fronts de contestation supplémentaires.

334Un front socio-politique, tout d’abord, au sein duquel il convient de ranger les positions prises par les syndicats et les luttes sociales initiées par des acteurs issus du monde associatif. Sans minimiser le rôle du monde syndical dans la défense des droits des chômeurs, la place quelque peu ambivalente des personnes sans emploi au sein des syndicats peut expliquer, dans une certaine mesure, que la défense des droits des chômeurs suscite l’intervention d’autres acteurs. Toutefois, l’analyse proposée dans ce Courrier hebdomadaire tend également à souligner le rôle pivot joué pas les syndicats dans la défense des droits des chômeurs. Lorsque des actions judiciaires ont été initiées, par exemple, cela a souvent été à l’initiative des syndicats eux-mêmes, qui fournissent à leurs affiliés une information juridique pertinente et les accompagnent dans leurs démarches et recours.

335Un front juridictionnel, ensuite, beaucoup plus atypique et nouveau, visant à la défense des droits des chômeurs. Ce front est lui-même marqué par une multiplicité de stratégies mises en place par divers acteurs, dont certains (professeurs d’université, avocats militants, syndicats, etc.) semblent d’ailleurs explorer des modalités d’action nouvelles. Outre un recours relevant du contentieux objectif – et intenté en l’occurrence, au vu de la nature réglementaire de l’acte attaqué, devant le Conseil d’État –, ce sont surtout des recours relevant du contentieux subjectif qui ont retenu notre attention. Ce front de contestation, toujours actif au moment où ces lignes sont écrites, a généré une constellation d’actions en justice qui a conduit à remettre en cause certaines mesures prises sous les gouvernements Di Rupo et Michel I. Le contentieux étant ici subjectif, ces mises en cause interviennent au cas par cas et ne permettent pas d’invalider les mesures contestées sur un plan plus général. Leur impact politique n’en est pas pour autant négligeable. L’importance de cet impact sera plus claire lorsque la Cour de cassation se sera prononcée.

336Une conclusion sur ces réactions peut être proposée. Quel que soit le front considéré, socio-politique ou juridictionnel, si les initiatives prises et les résultats engrangés sont tangibles, ils ne semblent pas avoir modifié de manière notable le rapport des forces en présence, ni les orientations des partis politiques. De nouvelles réformes du chômage, allant dans le sens d’un recul de la protection sociale, ne sont pas à exclure à court ou à moyen terme, même si une limitation dans le temps des allocations ordinaires souhaitée par certains partis (en particulier par la N-VA ou par l’Open VLD) ne semble pas envisageable pour l’instant.

337En outre, la contestation devant les cours et tribunaux des mesures prises par le gouvernement fédéral n’a pas entraîné une remise en cause profonde et durable de certaines pratiques dénoncées non seulement par la doctrine, mais aussi par la section de législation du Conseil d’État. En effet, l’inconstitutionnalité des mesures provient moins de leur contenu que de la méthode ayant présidé à leur adoption, en particulier une absence de justification de la part du gouvernement fédéral, qui agit souvent à la hâte et sans soumettre au débat contradictoire les objectifs poursuivis et les différentes pistes pour y parvenir. Une solution, proposée par des spécialistes, consisterait à rapatrier la matière du chômage dans le champ d’action du législateur. Pour cela, il faudrait qu’« un gouvernement décide de couler l’assurance chômage dans une loi »  [422] ou, à tout le moins, que les éléments essentiels de ce régime soient repris dans un texte de valeur législative  [423]. Une telle évolution apparaît à de nombreux acteurs particulièrement souhaitable dans un domaine qui, à l’instar d’autres branches de la sécurité sociale mais de manière sans doute encore plus aiguë, est marqué par un essoufflement des mécanismes de concertation sociale, qui sont bien souvent escamotés par le pouvoir exécutif  [424].

338Une telle perspective a été envisagée en 2014 et (très) partiellement mise en œuvre par le législateur fédéral, à la suite d’une initiative prise par le gouvernement Di Rupo ayant abouti à l’adoption de la loi du 25 avril 2014 portant des dispositions diverses en matière de sécurité sociale. À cette occasion, l’article 7 de l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs a été légèrement complété. Les principes de base qui régissent l’assurance chômage ont été esquissés. Cette initiative s’avère insuffisante sur bien des points, mais elle a eu le mérite de rappeler l’importance du respect du principe de légalité dans le domaine de l’assurance chômage.

339Plus que le principe de légalité en tant que tel, c’est le mécanisme constitutionnel du standstill (ou principe de non-rétrogression, ou encore effet-cliquet) qui a été invoqué par les plaideurs, avec un certain succès, pour faire obstacle à un certain nombre de réformes adoptées dans le domaine de l’assurance chômage. Si elle n’a pas modifié le rapport des forces en présence, une telle jurisprudence n’a pas été sans susciter une réaction politique intéressante. Theo Francken (N-VA), ancien secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration au sein du gouvernement Michel I et figure de proue du parti nationaliste flamand, a en effet affirmé le 3 octobre 2019 sur le réseau social Twitter que le « principe constitutionnel de standstill [constitue] un verrou anti-démocratique » (« Standstill-principe in grondwet is een ondemocratische grendel »)  [425]. Cette déclaration montre que la montée en puissance de ce mécanisme dans le domaine des droits économiques et sociaux est loin d’être consensuelle. Elle rappelle également que cette question n’est pas réservée aux spécialistes du droit constitutionnel ou du droit social. L’enjeu qui sous-tend une telle déclaration est en effet celui d’une définition de la démocratie. Celle-ci correspond-elle purement et simplement à l’application de la règle majoritaire, comme semble le sous-entendre T. Francken ?

340Une autre définition peut être mise en avant, qui reconnaît à la notion de démocratie une texture plus riche et plus complexe. Dans un État de droit, il s’avère nécessaire de reconnaître le rôle qu’assume le juge, et notamment le juge judiciaire, en tant que gardien de la Constitution, dans les limites des pouvoirs qui lui sont attribués par celle-ci. Une telle conception repose sur une compréhension du principe de séparation des pouvoirs non en termes de pure étanchéité, mais de contrôles mutuels exercés entre différentes autorités.

341Y a-t-il en l’espèce un risque de « gouvernement des juges »  [426] ? Dans l’hypothèse où l’argument tiré du principe de standstill est invoqué, il ne s’agit pas, pour le juge saisi, de légiférer à la place du législateur, de sorte qu’une telle crainte semble disproportionnée. Il n’est en effet pas attendu du juge qu’il se fasse activiste de la justice sociale, mais simplement qu’il assume le rôle de contre-pouvoir et de gardien des droits fondamentaux qui lui revient en démocratie  [427]. Dans les divers exemples qui ont pu être passés en revue dans ce Courrier hebdomadaire, cela signifie concrètement, non pas réécrire seul la réglementation du chômage sur la base de considérations personnelles, mais déclarer inconstitutionnelle la réforme litigieuse lorsque le régime juridique du principe de standstill n’est pas respecté et trancher le litige individuel sur la base de la réglementation antérieure.

342Ce qui est alors mis en cause, ce n’est pas tant la réforme adoptée en tant que telle – le juge ne se situe pas sur le terrain de l’opportunité politique – que l’absence de justification suffisante et raisonnablement convaincante qui l’a accompagnée. Le juge peut en l’espèce se référer à une forme de « devoir de minutie »  [428] qui pèse sur les pouvoirs publics au moment d’adopter des mesures qui affectent de manière significative des droits sociaux existants. Plutôt qu’à un recul de la démocratie, cette « culture de la justification »  [429] à laquelle conduit une application raisonnée du principe de standstill, tel qu’il a été balisé par la doctrine et une partie de la jurisprudence, pourrait ainsi conduire à une « vivification du débat démocratique »  [430].

343Une dernière observation que nous souhaiterions formuler implique de déplacer quelque peu la perspective, en posant la question : quel pourrait être l’effet d’une telle activation de la justice pour le justiciable lui-même ? Il est possible de postuler que les stratégies juridictionnelles mises en œuvre par différents acteurs sociaux peuvent, dans certains cas, venir soutenir une quête de reconnaissance dans laquelle sont engagées des populations marginalisées sur le plan social. Ces recours n’obéiraient ainsi pas à une logique purement instrumentale, ne viseraient pas uniquement à réintégrer ces personnes dans leurs droits indûment amoindris par une décision politique ayant été coulée dans une forme juridique. Ils contribueraient également à rendre à nouveau visibles dans l’espace social un certain nombre de catégories qui sont frappées par divers processus d’exclusion. Les travailleurs sans emploi correspondent assurément à une telle description. Dans nos sociétés contemporaines, qui se caractérisent dans certaines régions par un chômage structurel et endémique  [431], il n’est en effet pas rare, comme nous l’indiquions plus haut, de faire reposer la responsabilité du chômage sur les chômeurs eux-mêmes. Contester publiquement des mesures prises par le gouvernement, en invoquant le texte constitutionnel, constitue assurément, du point de vue des personnes concernées, une manière de contrecarrer cette condition d’invisibilisation et de marginalisation qui est la leur sur le plan social.

Notes

  • [1]
    Le 25 novembre 2011, l’agence de notation états-unienne a fait passer la note de la Belgique de AA+ à AA.
  • [2]
    D. Dumont, « Dégressivité accrue des allocations de chômage versus principe de standstill », Journal des tribunaux, n° 6541, 2013, p. 769.
  • [3]
    En dépit de son rattachement au système de l’assurance chômage sur le plan juridique, nous laisserons entièrement de côté le régime des prépensions, qui a été profondément réformé par le gouvernement Di Rupo et rebaptisé à cette occasion « régime de chômage avec complément d’entreprise » (RCC) : cf. T. Claes, « La prépension conventionnelle (1974-2012) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2154-2155, 2012, p. 84-92. Ce régime a également été modifié par le gouvernement Michel I : cf. D. Castiaux, « Le régime de chômage avec complément d’entreprise : d’où vient-on, vers où allons-nous ? », in L. Markey, L. Bertrand, D. Castiaux, L. Dear, S. Wynsdau (dir.), Actualités en droit social, Bruxelles, Larcier, 2016, p. 93-140.
  • [4]
    Ces jalons historiques sont inspirés des lectures suivantes : P. Palsterman, « La notion de chômage involontaire (1945-2003) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1806, 2003 ; D. Dumont, La responsabilisation des personnes sans emploi en question. Une étude critique de la contractualisation des prestations sociales en droit belge de l’assurance chômage et de l’aide sociale, Bruxelles, La Charte, 2012, p. 246-325 ; J. Faniel, « L’organisation des chômeurs dans les syndicats », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1929-1930, 2006 ; G. Vanthemsche, La sécurité sociale. Les origines du système belge. Le présent face à son passé, Bruxelles, De Boeck Université, 1994 ; G. Vanthemsche, Le chômage en Belgique de 1929 à 1940 : son histoire, son actualité, Bruxelles, Labor, 1994 ; G. Vanthemsche, « De oorsprong van de werkloosheidsverzekering in België: vakbondskassen en gemeentelijke fondsen (1890-1914) », Tijdschrift voor sociale geschiedenis, volume 11, n° 2, 1985, p. 130-164.
  • [5]
    F. Loriaux, « Le chômeur et l’État : entre assistance et assurance », Dynamiques régionales, volume 4, n° 2, 2016, p. 10-17.
  • [6]
    D. Dumont, La responsabilisation des personnes sans emploi en question, op. cit., p. 250.
  • [7]
    Cf. F. Loriaux (dir.), Le chômeur suspect. Histoire d’une stigmatisation, Bruxelles, CARHOP/CRISP, 2015, p. 75-94 (chapitre « 1914-1918 : le chômeur entre suspicion et héroïsme »).
  • [8]
    F. Loriaux, « Le chômeur et l’État », op. cit., p. 13.
  • [9]
    D. Dumont, La responsabilisation des personnes sans emploi en question, op. cit., p. 253.
  • [10]
    Il s’agit de l’arrêté royal du 18 février 1924 portant organisation de l’assurance contre le chômage involontaire (Moniteur belge, 23 février 1924).
  • [11]
    Cf. à ce propos G. Vanthemsche, La sécurité sociale, op. cit.
  • [12]
    D. Dumont, La responsabilisation des personnes sans emploi en question, op. cit., p. 254 : « Le désaccord reste total quant aux modalités et à l’étendue que doit revêtir l’intervention publique. Sur fond de désastre économique et de désarroi social, l’assurance chômage va constituer pendant une décennie un véritable champ de bataille politique et idéologique ».
  • [13]
    Ibidem, p. 257.
  • [14]
    G. Vanthemsche, La sécurité sociale, op. cit., p. 80.
  • [15]
    D. Dumont, La responsabilisation des personnes sans emploi en question, op. cit., p. 257.
  • [16]
    D. Dumont, « L’emploi et la formation professionnelle après la sixième réforme de l’État : quelles perspectives (en particulier à Bruxelles) ? », Revue belge de sécurité sociale, n° 2, 2015, p. 320.
  • [17]
    H. Fuss, Rapport du commissaire royal pour le problème du chômage. L’organisation de l’assurance obligatoire contre le chômage, Bruxelles, 1938. Cf. K. Vleminckx, « Henri Fuss (1882-1964) : la sécurité sociale comme instrument de paix et de justice sociale », Revue belge de sécurité sociale, n° 4, 2014, p. 432.
  • [18]
    D. Dumont, La responsabilisation des personnes sans emploi en question, op. cit., p. 260.
  • [19]
    Moniteur belge, 30 décembre 1944.
  • [20]
    É. Arcq, P. Blaise, « Des fondements idéologiques de la sécurité sociale 1944-1960 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1453-1454, 1994, p. 5 ; É. Arcq, « Concertation et démocratie économique (1944-1978 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2237, 2014 ; D. Dumont, La responsabilisation des personnes sans emploi en question, op. cit., p. 260.
  • [21]
    P. Palsterman, « La notion de chômage involontaire (1945-2003) », op. cit., p. 9 ; D. Dumont, « Que reste-t-il du principe de légalité en droit de la sécurité sociale ? Sécurité sociale et démocratie parlementaire », Revue de droit social, n° 1-2, 2017, p. 130.
  • [22]
    Cf. les larges extraits cités par P. Palsterman, « La notion de chômage involontaire (1945-2003) », op. cit., p. 7-8.
  • [23]
    G. Vantemsche,La sécurité sociale, op. cit., p. 71.
  • [24]
    P. Palsterman, « La notion de chômage involontaire (1945-2003) », op. cit., p. 8 ; D. Dumont, La responsabilisation des personnes sans emploi en question, op. cit., p. 261.
  • [25]
    P. Reman, « L’importance de la sécurité sociale en Belgique : fondements historiques et enjeux actuels », Santé conjuguée, volume 35, 2006, p. 87.
  • [26]
    Personnage important de cette période, H. Fuss a joué un rôle de premier plan, tout d’abord au sein du Comité patronal-ouvrier, ensuite en tant que directeur général au Ministère du Travail et de la Prévoyance sociale puis secrétaire général du même ministère.
  • [27]
    Arrêté du Régent du 26 mai 1945 organique du Fonds provisoire de soutien des chômeurs involontaires, Moniteur belge, 25 et 26 juin 1945. Sur les premières questions soulevées par cette réglementation, cf. E. Layon, « L’exclusion du bénéfice des allocations pour chômage de longue durée : l’article 143 de l’arrêté royal du 20 décembre 1963 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 799, 1978, p. 5-8.
  • [28]
    P. Palsterman, « Régionaliser la politique de l’emploi ? », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1958-1959, 2007, p. 43.
  • [29]
    Cette période sera allongée par la suite. En outre, le nombre de jours de travail requis ainsi que les périodes de référence durant lesquelles ces jours doivent avoir été prestés feront l’objet d’une complexification, et ce en fonction des catégories d’âge auxquelles appartiennent les travailleurs involontairement privés d’emploi. Un tel système correspond à celui encore applicable actuellement.
  • [30]
    D. Dumont, La responsabilisation des personnes sans emploi en question, op. cit., p. 264.
  • [31]
    Ibidem, p. 265. Cf. l’article 20 de la convention de l’Organisation internationale du travail (OIT) n° 102 du 28 juin 1952, convention qui a été ratifiée par la Belgique : « L’éventualité couverte doit comprendre la suspension du gain – telle qu’elle est définie par la législation nationale – due à l’impossibilité d’obtenir un emploi convenable dans le cas d’une personne protégée qui est capable de travailler et disponible pour le travail ».
  • [32]
    J. Faniel, Les syndicats, le chômage et les chômeurs : raisons et évolution d’une relation complexe, Thèse de doctorat en sciences politiques, ULB, 2006, p. 270. « Les sans-emploi habitant dans les entités définies comme relevant de la “3e catégorie de communes”, essentiellement rurales, perçoivent une indemnité diminuée de 10 % par rapport à ceux de la “2e catégorie”, tandis que ceux résidant dans les communes de la “1re catégorie”, où le coût de la vie est jugé plus onéreux, voient leur allocation augmentée de 10 % par rapport à ceux de la “2e catégorie”. Sous la pression des syndicats, la 3e catégorie de communes sera supprimée en 1959, et la 2e en 1964. L’objectif poursuivi est double : il s’agit d’assurer une égalité de traitement entre les chômeurs, d’une part, et d’augmenter le niveau d’indemnisation des catégories précédemment défavorisées, d’autre part » (ibidem, p. 379-380).
  • [33]
    D. Dumont, La responsabilisation des personnes sans emploi en question, op. cit., p. 266.
  • [34]
    Ibidem, p. 270. Cf. aussi P. Palsterman, « Régionaliser la politique de l’emploi ? », op. cit., p. 42-43.
  • [35]
    D. Dumont, La responsabilisation des personnes sans emploi en question, op. cit., p. 272 : « En contrepartie de l’illimitation dans le temps des allocations, le chômage ne peut pas devenir volontaire ». Cf. E. Layon, « L’exclusion du bénéfice des allocations pour chômage de longue durée », op. cit. ; P. Palsterman, « La sanction du chômage anormalement long et fréquent après les modifications de l’été », Chroniques de droit social, 1985, p. 259-262 ; B. Graulich, P. Palsterman, « Le chômage de longue durée : une nouvelle version », Chroniques de droit social, 1988, p. 237-241.
  • [36]
    D. Dumont, La responsabilisation des personnes sans emploi en question, op. cit., p. 270.
  • [37]
    Cette réglementation est assez instable et connaît de nombreuses modifications au fil du temps. Une extension importante de ce mécanisme à tous les chômeurs est introduite en 1961. L’esprit du système, dans un contexte de prospérité économique, est de ne s’attaquer qu’aux abus et de ne pas fragiliser les chômeurs chefs de ménage, situation qui perdurera jusqu’au milieu des années 1970 : cf. P. Palsterman, « La notion de chômage involontaire (1945-2003) », op. cit., p. 13.
  • [38]
    D. Dumont, La responsabilisation des personnes sans emploi en question, op. cit., p. 273. Cf. les chiffres rappelés par P. Palsterman, « La notion de chômage involontaire (1945-2003) », op. cit., p. 39 et suivantes. Dans ce domaine, on trouvera des séries statistiques longues dans J. Faniel, « L’organisation des chômeurs dans les syndicats », op. cit. ; J. Faniel, Les syndicats, le chômage et les chômeurs, op. cit., p. 809-814.
  • [39]
    Arrêté royal du 20 décembre 1963 relatif à l’emploi et au chômage, Moniteur belge, 18 janvier 1964. Cet arrêté royal, qui abroge l’arrêté du Régent du 26 mai 1945, est mis en œuvre par l’arrêté ministériel du 4 juin 1964 relatif au chômage (Moniteur belge, 6 juin 1964).
  • [40]
    D. Dumont, La responsabilisation des personnes sans emploi en question, op. cit., p. 274-275.
  • [41]
    41 Ibidem, p. 276 . Il est à noter que la discrimination légalement instituée entre les femmes et les hommes avait déjà été battue en brèche par la jurisprudence, qui avait refusé d’appliquer, dans certaines affaires, la réglementation. Les juges se fondent alors sur l’actuel article 159 de la Constitution (anciennement numéroté 107), disposition à laquelle nous nous référerons encore dans le présent Courrier hebdomadaire.
  • [42]
    J. Faniel, Les syndicats, le chômage et les chômeurs, op. cit., p. 318.
  • [43]
    Ibidem, p. 318-319.
  • [44]
    P. Palsterman, « La notion de chômage involontaire (1945-2003) », op. cit., p. 19. Cf. également P. Blaise, « Le chômage en Belgique », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1182-1183, 1987, p. 5-23.
  • [45]
    D. Dumont, La responsabilisation des personnes sans emploi en question, op. cit., p. 279.
  • [46]
    P. Palsterman, « La notion de chômage involontaire (1945-2003) », op. cit., p. 20-25.
  • [47]
    D. Dumont, La responsabilisation des personnes sans emploi en question, op. cit., p. 301.
  • [48]
    Arrêté royal du 24 décembre 1980 modifiant l’arrêté royal du 20 décembre 1963 relatif à l’emploi et au chômage, Moniteur belge, 31 décembre 1980. Cf. D. Dumont, La responsabilisation des personnes sans emploi en question, op. cit., p. 292 : « Dans le but de faire diminuer le poids du chômage sur les finances publiques, le montant des allocations octroyées aux chômeurs cohabitants dont le chômage se prolonge au-delà de deux années est réduit à un forfait affranchi de toute référence à la rémunération perdue, conformément à l’idée qu’ils auraient moins “besoin” de leur revenu de remplacement que les chômeurs qui vivent seuls ou qui sont l’unique source de revenus de la famille ». Il est à noter que le « statut » de cohabitant existait alors depuis quelques années déjà dans la législation régissant le minimum de moyens d’existence (minimex) alloué par les centres publics d’aide sociale (CPAS).
  • [49]
    Ibidem, p. 293.
  • [50]
    Arrêté royal du 30 mars 1982 relatif à l’octroi d’allocations d’attente aux jeunes travailleurs, non-chefs de ménage, qui ont terminé leurs études, Moniteur belge, 1er avril 1982.
  • [51]
    P. Palsterman, « La notion de chômage involontaire (1945-2003) », op. cit., p. 21.
  • [52]
    Ibidem, p. 21.
  • [53]
    D. Dumont, La responsabilisation des personnes sans emploi en question, op. cit., p. 295.
  • [54]
    Ibidem, p. 301.
  • [55]
    Ibidem, p. 297-298.
  • [56]
    P. Palsterman, « La notion de chômage involontaire (1945-2003) », op. cit., p. 28, note 27. Une autre possibilité, pour la personne soumise à cette sanction pour chômage anormalement long, était de prouver qu’un problème de santé limitait ses possibilités d’insertion ou de réinsertion sur le marché de l’emploi.
  • [57]
    D. Dumont, La responsabilisation des personnes sans emploi en question, op. cit., p. 299 (c’est l’auteur qui souligne).
  • [58]
    P. Palsterman, « La notion de chômage involontaire (1945-2003) », op. cit., p. 23. Paul Palsterman évoque une « mode intellectuelle » qui, à l’époque, prenant acte de « la disparition inéluctable du plein emploi », s’attache à concevoir le « marché de l’emploi comme (…) un jeu à somme nulle, (…) un gâteau qu’il faut partager ».
  • [59]
    D. Dumont, La responsabilisation des personnes sans emploi en question, op. cit., p. 301.
  • [60]
    Ibidem, p. 304.
  • [61]
    Ibidem, p. 309.
  • [62]
    Moniteur belge, 31 décembre 1991.
  • [63]
    Arrêté ministériel du 26 novembre 1991 portant les modalités d’application de la réglementation du chômage, Moniteur belge, 25 janvier 1992.
  • [64]
    D. Dumont, La responsabilisation des personnes sans emploi en question, op. cit., p. 310 : « C’est dans ce contexte que la mode légistique commence à être de légiférer à coups d’arrêtés et d’arrêtés ministériels se prévalant fictivement de l’urgence aux fins d’éviter le passage au Conseil d’État pour avis. En retour, il n’est pas rare que des juridictions soient amenées à refuser d’appliquer certaines modifications, sur la base de l’[actuel] article 159 de la Constitution, lorsqu’elles jugent trop indigente ou tautologique la justification de l’urgence spécialement motivée normalement requise pour éviter la saisine de la section de législation du Conseil d’État ».
  • [65]
    P. Palsterman, « La notion de chômage involontaire (1945-2003) », op. cit., p. 26-27.
  • [66]
    C’est-à-dire l’article 80 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, ancien article 143 de l’arrêté royal du 20 décembre 1963.
  • [67]
    D. Dumont, La responsabilisation des personnes sans emploi en question, op. cit., p. 317 : « Entre 20 000 et 35 000 exclusions sont prononcées chaque année. Ce chiffre descendra pour se stabiliser autour de 10 000 cas en moyenne annuelle à la fin des années 1990 et au début des années 2000 ».
  • [68]
    J. Faniel, « L’organisation des chômeurs dans les syndicats », op. cit., p. 65-74 ; J. Faniel, « Inside or Outside Trade Unions? The Mobilization of the Unemployed in Belgium », in D. Chabanet, J. Faniel (dir.), The Mobilization of the Unemployed in Europe: from Acquiescence to Protest?, New York, Palgrave/Macmillan, 2012, p. 89-107.
  • [69]
    Cf. G. Matagne, « De l’“État social actif” à la politique belge de l’emploi », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1737-1738, 2001.
  • [70]
    Chambre des représentants, Déclaration du gouvernement fédéral, n° 20-1, 14 juillet 1999, p. 25.
  • [71]
    P. Palsterman, « La notion de chômage involontaire (1945-2003) », op. cit., p. 31.
  • [72]
    Loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l’intégration sociale, Moniteur belge, 31 juillet 2002. Sur cette réforme, cf. J. Faniel, « Associations et syndicats face à la réforme du minimex », in S. Bellal, T. Berns, F. Cantelli, J. Faniel (dir.), Syndicats et société civile, des liens à (re)découvrir, Bruxelles, Labor, p. 103-116 ; J. Faniel, « Les relations entre syndicats et associations en Belgique : le cas de la réforme du minimex », Recherches sociologiques et anthropologiques, volume 37, n° 1, 2006, p. 123-141.
  • [73]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 4, 14 juillet 2003, p. 4-5.
  • [74]
    Ibidem, p. 5.
  • [75]
    C. Leterme, « Les réformes du chômage en Belgique. La mise en cause d’une indemnisation à durée illimitée », Gresea Échos. Revue trimestrielle du groupe de recherche pour une stratégie économique alternative, n° 97, 2009, p. 17.
  • [76]
    Cf. le chapitre « De actieve welvaartsstaat: een Europees perspectief » dans F. Vandenbroucke, Op zoek naar een redelijke utopie. De actieve welvaartsstaat in perspectief, Louvain/Apeldoorn, Garant, 2000, p. 149-168 (cf. la traduction en français de ce texte : F. Vandenbroucke, « L’État social actif : une ambition européenne », La revue socialiste, n° 4, 2000, p. 80-102).
  • [77]
    A. Giddens, T. Blair, La troisième voie. Le renouveau de la social-démocratie, Paris, Seuil, 2002.
  • [78]
    Chambre des représentants, Déclaration du gouvernement fédéral, n° 20-1, 14 juillet 2003, p. 10. Ce document est nommé de façon erronée « déclaration » dès lors qu’il s’agit de l’accord de gouvernement noué entre les différents partenaires au sein du gouvernement fédéral Verhofstadt II.
  • [79]
    C. Leterme, « Les réformes du chômage en Belgique », op. cit., p. 18.
  • [80]
    Ibidem.
  • [81]
    Accord de coopération du 30 avril 2004 relatif à l’accompagnement et au suivi actifs des chômeurs conclu entre l’Autorité fédérale, les Régions et les Communautés (reproduit en annexe de la loi du 17 septembre 2005 portant assentiment à cet accord de coopération : Moniteur belge, 25 juillet 2007). Cf. D. Dumont, « L’emploi et la formation professionnelle après la sixième réforme de l’État », op. cit., p. 326-327.
  • [82]
    D. Dumont, La responsabilisation des personnes sans emploi en question, op. cit., p. 327.
  • [83]
    Moniteur belge, 9 juillet 2004. Cf. D. Dumont, La responsabilisation des personnes sans emploi en question, op. cit., p. 330-406 ; B. Graulich, P. Palsterman, « Le “contrôle des chômeurs”. Commentaire de l’arrêté royal du 4 juillet 2004 portant modification de la réglementation du chômage à l’égard des chômeurs complets qui doivent rechercher activement un emploi », Chroniques de droit social, 2004, p. 489-499 ; J.-F. Neven, É. Dermine, « Le contrôle de l’obligation pour les chômeurs de rechercher activement un emploi », in J. Clesse, M. Dumont (dir.), Actualités de droit social, Liège, Anthémis, 2010, p. 45-135.
  • [84]
    Sur les résistances opposées à ces modifications, cf. notamment J. Faniel, « Le contrôle des chômeurs en Belgique. Objectifs et résistances », Informations sociales, volume 126, n° 6, 2005, p. 84-91.
  • [85]
    Arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, article 56, § 1er.
  • [86]
    Arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, article 58, § 1er, alinéa 1er.
  • [87]
    P. Palsterman, « Régionaliser la politique de l’emploi ? », op. cit., p. 48.
  • [88]
    Initialement, le contrôle de la disponibilité non seulement passive mais également active des chômeurs était effectué par l’ONEM ; depuis la sixième réforme de l’État, cette compétence est régionalisée (cf. infra).
  • [89]
    D. Dumont, « Pour ou contre l’activation des chômeurs ? Une analyse critique du débat », Revue de droit social, n° 3, 2010, p. 365. Cf. également D. Dumont, « Activation rime-t-elle nécessairement avec stigmatisation ? Une mise en perspective critique du procès de l’État social actif », Droit et société, volume 78, 2011, p. 449.
  • [90]
    Loi du 12 janvier 1993 contenant un programme d’urgence pour une société plus solidaire, Moniteur belge, 4 février 1993.
  • [91]
    D. Dumont, « Du minimex au droit à l’intégration sociale : beaucoup de bruit pour rien ? », in V. van der Plancke (dir.), Droits sociaux fondamentaux et pauvreté, Bruxelles, La Charte, 2011, p. 143.
  • [92]
    M. Bodart, « L’activation du comportement de recherche d’emploi ou le contrôle de la disposition au travail du chômeur », in H.-O. Hubert (dir.), Un nouveau passeport pour l’accès aux droits sociaux : le contrat, Bruxelles, La Charte, 2006 ; D. Dumont, La responsabilisation des personnes sans emploi en question, op. cit., p. 100-240.
  • [93]
    Sur la régionalisation du contrôle de la disponibilité passive et active des chômeurs, décidée en 2011 dans le cadre de la sixième réforme de l’État, cf. infra.
  • [94]
    Le contrat proposé au chômeur constitue ainsi une modalité de la sanction : « Si l’évaluation s’avère négative pour le chômeur, elle ne se traduit pas immédiatement par une sanction : le chômeur se voit imposer une forme de contrat, qui décrit ses obligations précises pour les mois à venir ; la sanction éventuelle se rapporte au respect de ce contrat » (P. Palsterman, « Régionaliser la politique de l’emploi ? », op. cit., p. 49).
  • [95]
    IDEA Consult, « Évaluation du nouveau système de suivi des demandeurs d’emploi. Rapport final », 2008, www.emploi.belgique.be. Cf. D. Dumont, La responsabilisation des personnes sans emploi en question, op. cit., p. 354-359.
  • [96]
    Interview de P. Palsterman par A. Lismond et Y. Martens, « Appliquons la législation correctement ! », Ensemble !, n° 90, mars 2016, p. 18 : « La réglementation, telle qu’elle avait été mise au point à l’époque, obligeait l’ONEM à tenir compte des circonstances personnelles dans lesquelles le chômeur se trouve (situation familiale, sociale...), mais aussi de son environnement, et donc de l’état du marché de l’emploi dans son domaine, sa sous-région, etc. Ce sur-mesure, prévu à l’origine, a été au fil du temps perdu de vue par l’ONEM. (…) Les constats de terrain sont clairs : au lieu d’être personnalisée, l’application a été stéréotypée. Elle provoque beaucoup de sanctions qui touchent surtout Bruxelles et la Wallonie. À législation pourtant inchangée, au fur et à mesure que le champ d’application a été étendu, c’est devenu de plus en plus de l’abattage, avec des évaluations et des contrats de plus en plus stéréotypés ! » Cf. aussi D. Dumont, « Pour ou contre l’activation des chômeurs », op. cit., p. 377 et suivantes (section intitulée : « Évaluer les effets sociaux de la réforme à partir de sa mise en œuvre concrète ») ; D. Dumont, La responsabilisation des personnes sans emploi en question, op. cit., p. 365 et suivantes. Cette approche formaliste, menant à une évaluation standardisée plutôt qu’individualisée, a même fait l’objet d’une confirmation partielle par la Cour de cassation : cf. Cour de cassation (3e chambre), ONEM contre G.L., R.G. n° S.07.0082.F, 9 juin 2008 ; Journal des tribunaux du travail, 2008, p. 446 (extraits) ; Chroniques de droit social, 2009, p. 141 (extraits). Le journal Ensemble ! a consacré de nombreux articles à cette thématique, en recueillant notamment des témoignages de chômeurs contrôlés : cf. le site Internet du Collectif Solidarité contre l’exclusion (CSCE), www.asbl-csce.be.
  • [97]
    F. Vandenbroucke est en effet alors ministre de l’Emploi, de l’Enseignement et de la Formation au sein du gouvernement flamand Peeters I (CD&V/Open VLD/SP.A/Spirit/N-VA).
  • [98]
    Thématique alors en vogue, une telle solution permettant, selon ses partisans, à la fois de tenir compte de la spécificité des situations locales dans la mise en place de politiques de lutte contre le chômage et de responsabiliser les Régions sur le plan financier : cf. P. Palsterman, « Régionaliser la politique de l’emploi ? », op. cit.
  • [99]
    La Libre Belgique, 16 et 17 février 2008.
  • [100]
    Sous le gouvernement fédéral Leterme II (CD&V/MR/PS/Open VLD/CDH), Joëlle Milquet (CDH), alors vice-Première ministre et ministre de l’Emploi et de l’Égalité des chances, élaborera un projet de réforme de la procédure d’activation dont le parcours sera cependant interrompu par la chute du gouvernement en avril 2010.
  • [101]
    D. Dumont, « Dégressivité accrue des allocations de chômage versus principe de standstill », op. cit., p. 770.
  • [102]
    Ibidem.
  • [103]
    A. Vincent, « La recomposition du paysage bancaire belge depuis 2008 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2158-2159, 2012, p. 8.
  • [104]
    Ibidem, p. 10.
  • [105]
    Ibidem, p. 13.
  • [106]
    Ibidem, p. 13.
  • [107]
    Arrêté royal portant exécution de la loi du 15 octobre 2008 portant des mesures visant à promouvoir la stabilité financière et instituant en particulier une garantie d’État relative aux crédits octroyés et autres opérations effectuées dans le cadre de la stabilité financière, en ce qui concerne la protection des dépôts et des assurances sur la vie, et modifiant la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers, Moniteur belge, 17 novembre 2008.
  • [108]
    Ainsi qu’un accroissement du niveau d’endettement public, qui passe « de 84 % du produit intérieur brut en 2007 à environ 105 % en 2014, en raison notamment du sauvetage des banques et des règles européennes interdisant aux États d’emprunter à leur banque centrale ou à la Banque centrale européenne » (I. Gracos, « Grèves et conflictualité sociale en 2014 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2246-2247, 2015, p. 7).
  • [109]
    Cf. J. Dohet, J. Faniel, « Belgique 1960-2010. Grève du siècle et crise multiforme », Savoir/Agir, n° 16, juin 2011, p. 106.
  • [110]
    Cour des comptes, « Cahier 2018 relatif à la sécurité sociale. Gestions globales et institutions publiques de sécurité sociale », Rapport à la Chambre des représentants, 2018, p. 21-32, www.ccrek.be.
  • [111]
    É. Arcq, P. Blaise, « Histoire politique de la sécurité sociale », Revue belge de sécurité sociale, volume 40, n° 3, 1998, p. 483-484 ; P. Reman, P. Pochet, « Transformations du système belge de sécurité sociale », in P. Vielle, P. Pochet, I. Cassiers (dir.), L’État social actif. Vers un changement de paradigme ?, Bruxelles, P.I.E.-Peter Lang, 2005, p. 126 et 134.
  • [112]
    D. Dumont, « Que reste-t-il du principe de légalité en droit de la sécurité sociale ? », op. cit., p. 128-134. Pour le dire en une formule, le « chômage et les chômeurs se trouvent hors des mains du Parlement » (ibidem, p. 134).
  • [113]
    Ibidem, p. 134 (D. Dumont emprunte cette expression à J. Van Langendonck, « Het nieuwe werkloosheidswetboek, een evaluatie », Chroniques de droit social, 1992, p. 236).
  • [114]
    V. de Greef, « L’activation silencieuse des personnes partiellement inaptes au travail dans l’assurance chômage », Revue de droit social, n° 2, 2016, p. 249 : « Le moins qu’on puisse dire, c’est que les rapports au Roi précédant les modifications réglementaires dans ce domaine ne sont pas légion. Ce manque d’explications suscite, à juste titre, la perplexité des acteurs de terrain et de la doctrine qui tentent, non sans mal, d’interpréter correctement la volonté gouvernementale ».
  • [115]
    Articles 3, § 1er, et 84, § 1er, 3°, des lois coordonnées sur le Conseil d’État du 12 janvier 1973 (Moniteur belge, 21 mars 1973).
  • [116]
    Ainsi, dans le cadre de la réforme la plus emblématique du gouvernement Verhofstadt II dans le domaine du chômage, on trouve, précédant l’arrêté royal du 4 juillet 2004 portant modification de la réglementation du chômage à l’égard des chômeurs complets qui doivent rechercher activement un emploi, un préambule réduit à sa plus simple expression. Si, en l’occurrence, l’avis de la section de législation du Conseil d’État a bien été demandé, cet avis n’a pas été publié. Dans le cadre de la rédaction de sa thèse de doctorat consacrée notamment à ce sujet, D. Dumont avait demandé une copie de cet avis au cabinet du ministre fédéral de l’Emploi, Peter Vanvelthoven (SP.A) ; cela lui avait été refusé (D. Dumont, La responsabilisation des personnes sans emploi en question, op. cit., p. 331, note 581).
  • [117]
    Loi du 16 août 2016 modifiant les lois sur le Conseil d’État, coordonnées le 12 janvier 1973, en vue de la publication des avis de la section de législation, Moniteur belge, 14 septembre 2016.
  • [118]
    La nuance est importante. Certains aspects du cadre normatif de l’assurance chômage ont en effet été régionalisés, comme les dispenses de disponibilité.
  • [119]
    S. Govaert, « Les négociations communautaires et la formation du gouvernement Di Rupo (juin 2010 - décembre 2011) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2144-2145, 2012, p. 50.
  • [120]
    D. Roulive, Le contentieux en matière de chômage, Bruxelles, Larcier, 2015, p. 11 ; P. Gosseries, « Réflexions introductives. La crise économique, monétaire et sociale 2008-2014 et les droits sociaux fondamentaux, dont le droit à la sécurité sociale. La voie de l’humanisme juridique et l’état du droit de la sécurité sociale belge », in L’impact de la crise sur la sécurité sociale, Bruxelles, Larcier, 2014, p. 19 ; F. Quinet, « Les (f)acteurs extérieurs et la crise belge de 2010-2011 », Émulations. Revue de sciences sociales, n° 10, 2012, p. 49-68.
  • [121]
    F. Collard, « Les agences de notation », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2156-2157, 2012 ; B. Frydman, « Le pouvoir normatif des agences de notation », in B. Colmant (dir.), Les agences de notation financière, entre marchés et États, Bruxelles, Larcier, 2013, p. 173-184 ; C. Lequesne-Roth, « La notation financière : instrument de l’action publique européenne », Revue internationale de droit économique, volume 31, n° 2, 2017, p. 41-81.
  • [122]
    S. Govaert, « Les négociations communautaires et la formation du gouvernement Di Rupo (juin 2010 - décembre 2011) », op. cit., p. 25.
  • [123]
    Ibidem.
  • [124]
    Sur tout cela, cf. ibidem, p. 6-49.
  • [125]
    Le Soir, 14 juin 2011.
  • [126]
    S. Govaert, « Les négociations communautaires et la formation du gouvernement Di Rupo (juin 2010 - décembre 2011) », op. cit., p. 51.
  • [127]
    Cf. les extraits de ce communiqué cités par ibidem.
  • [128]
    Note qui comprend 113 pages et qui est disponible sur le site Internet de la Chambre des représentants : www.lachambre.be.
  • [129]
    « Un État fédéral plus efficace et des entités plus autonomes », 4 juillet 2011, p. 38.
  • [130]
    Ibidem, p. 54.
  • [131]
    Ibidem, p. 54.
  • [132]
    Ibidem, p. 59-64. Cf. B. Blero, « La scission de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde », « Les réformes liées à la scission de BHV : la pacification communautaire, la communauté métropolitaine et le refinancement de Bruxelles », et « La réforme de l’arrondissement judiciaire de Bruxelles », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2279, 2280-2281 et 2282-2283, 2015.
  • [133]
    S. Govaert, « Les négociations communautaires et la formation du gouvernement Di Rupo (juin 2010 - décembre 2011) », op. cit., p. 64-69.
  • [134]
    Ibidem, p. 68.
  • [135]
    Déclaration d’Écolo (citée par ibidem, p. 69).
  • [136]
    Ibidem.
  • [137]
    Ibidem, p. 70.
  • [138]
    Ibidem, p. 71.
  • [139]
    Ibidem.
  • [140]
    Le Monde, 21 novembre 2011.
  • [141]
    La Libre Belgique, 21 novembre 2011.
  • [142]
    S. Govaert, « Les négociations communautaires et la formation du gouvernement Di Rupo (juin 2010 - décembre 2011) », op. cit., p. 72.
  • [143]
    Ibidem.
  • [144]
    M. Capron, J. Faniel, C. Gobin, J. Vandewattyne, « La défense du système social belge : des conflits contre le projet d’accord interprofessionnel aux conflits contre l’accord de gouvernement », in I. Gracos, « Grèves et conflictualité sociale en 2011 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2135-2136, 2012, p. 25.
  • [145]
    S. Govaert, « Les négociations communautaires et la formation du gouvernement Di Rupo (juin 2010 - décembre 2011) », op. cit., p. 72.
  • [146]
    Ibidem.
  • [147]
    Ibidem, p. 77-78.
  • [148]
    Ibidem, p. 78.
  • [149]
    Chambre des représentants, Compte rendu intégral, n° 57, 7 décembre 2011, p. 10-11 : « Une réforme radicale du marché de l’emploi implique aussi la réduction drastique du nombre de chômeurs. Chacun doit avoir droit à une bonne formation. Chacun mérite également d’être soutenu dans sa recherche d’un travail. L’État ne laisse tomber personne et certainement pas les demandeurs d’emploi en temps de crise. Ceux qui font tout ce qui est en leur pouvoir pour être autonomes seront soutenus et accompagnés dès qu’ils accéderont au marché du travail. En revanche, ceux qui ne fournissent pas suffisamment d’efforts seront placés devant leurs responsabilités. La dégressivité des allocations sera accélérée ».
  • [150]
    « Accord de gouvernement », 1er décembre 2011, p. 88 (document disponible sur le site Internet de la Chambre des représentants : www.lachambre.be).
  • [151]
    Ibidem.
  • [152]
    Ibidem.
  • [153]
    Ibidem.
  • [154]
    Ibidem, p. 89.
  • [155]
    Ibidem.
  • [156]
    Ibidem, p. 89-90.
  • [157]
    Même si le montant perçu à charge de l’assurance chômage et le revenu d’intégration sociale sont alignés, une différence majeure subsiste entre les deux systèmes : les allocations de chômage (ordinaires et d’insertion) sont octroyées sans prendre en considération le niveau des ressources personnelles – et relèvent ainsi d’une logique assurancielle –, tandis que le revenu d’intégration, qui est une prestation d’aide sociale, est pour sa part calculé en tenant compte des éventuelles ressources propres du demandeur – logique assistancielle. Si l’on est propriétaire (voire multi-propriétaire), en couple, si l’on bénéficie de capitaux, etc., la différence entre les montants perçus peut être significative. De plus, les premiers sont à charge du budget de la sécurité sociale, tandis que les seconds mettent, en partie au moins, les communes à contribution.
  • [158]
    C. Leterme, « Les réformes du chômage en Belgique », op. cit., p. 18 ; D. Dumont, « Dégressivité accrue des allocations de chômage versus principe de standstill », op. cit., p. 771.
  • [159]
    Chambre des représentants, Note de politique générale. Emploi, n° 1964-15, 22 décembre 2011, p. 12-13.
  • [160]
    À partir de cette date, l’application de la réforme est en réalité progressive et dépend d’un certain nombre de facteurs : « Elle s’applique au plus tôt le 1er novembre 2012 pour les chômeurs qui font partie d’un ménage disposant d’autres revenus et le 1er mars 2013 pour les chômeurs habitant seuls ou avec d’autres personnes, mais dont les allocations constituent l’unique revenu. Mais, pour beaucoup de chômeurs, elle interviendra entre deux et huit mois plus tard en fonction de la durée de leur chômage et de la durée de leur carrière professionnelle » (M. Baukens, « Le secteur de l’assurance-chômage et des politiques de l’emploi », in L’impact de la crise sur la sécurité sociale, op. cit., p. 167-192, p. 181).
  • [161]
    C. Leterme, « Les réformes du chômage en Belgique », op. cit., p. 18.
  • [162]
    Cf. P. Palsterman, « Les réformes de l’été en matière de chômage », in F. Étienne, M. Dumont (dir.), Regards croisés sur la sécurité sociale, Liège, Anthemis, 2012, p. 952-959 ; D. Dumont, « Dégressivité accrue des allocations de chômage versus principe de standstill », op. cit., p. 769-770.
  • [163]
    P. Palsterman, « Les réformes de l’été en matière de chômage », op. cit., p. 953. Dans ibidem, p. 954, cf. aussi une reproduction de ce tableau, qui constitue une annexe à l’article 114, § 1er, alinéa 2, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant la réglementation du chômage dans le cadre de la dégressivité renforcée des allocations de chômage et modifiant l’arrêté royal du 28 décembre 2011 modifiant les articles 27, 36, 36ter, 36quater, 36sexies, 40, 59quinquies, 59sexies, 63, 79, 92, 93, 94, 97, 124 et 131septies de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant la réglementation du chômage (Moniteur belge, 30 juillet 2012).
  • [164]
    D. Dumont, « Dégressivité accrue des allocations de chômage versus principe de standstill », op. cit., p. 771.
  • [165]
    Ibidem.
  • [166]
    Ibidem.
  • [167]
    Article 116, § 1er, alinéa 1er, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage.
  • [168]
    Cette extension est prévue pour la première fois dans l’arrêté du Régent du 26 mai 1945.
  • [169]
    M. Baukens, « Les jeunes et le chômage. Quelle garantie de ressources moyennant quelles conditions ? », in Le droit au travail au XXe siècle : liber amicorum Claude Wantiez, Bruxelles, Larcier, 2015, p. 694.
  • [170]
    Cf. article 36, § 1er, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage.
  • [171]
    Cf. article 1er, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 29 juin 1983 concernant l’obligation scolaire (Moniteur belge, 6 juillet 1983) : « Le mineur est soumis à l’obligation scolaire pendant une période de douze années commençant avec l’année scolaire qui prend cours dans l’année où il atteint l’âge de six ans et se terminant à la fin de l’année scolaire, dans l’année au cours de laquelle il atteint l’âge de dix-huit ans ».
  • [172]
    Arrêté royal du 28 décembre 2011 modifiant les articles 27, 36, 36ter, 36quater, 36sexies, 40, 59quinquies, 59sexies, 63, 79, 92, 93, 94, 97, 124 et 131septies de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, Moniteur belge, 30 décembre 2011.
  • [173]
    Arrêté royal du 20 juillet 2012 modifiant l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, Moniteur belge, 30 juillet 2012.
  • [174]
    Concernant le second volet de la réforme, qui instaure une procédure renforcée de contrôle de la disponibilité active du bénéficiaire d’allocations d’insertion, cf. P. Palsterman, « Les réformes de l’été en matière de chômage », op. cit., p. 945-952 ; M. Baukens, « Les jeunes et le chômage », op. cit., p. 699-701. En résumé, la réforme de 2012 organise une évaluation du comportement du bénéficiaire d’allocation d’insertion tous les six mois, c’est-à-dire dans un délai plus court que celui en vigueur dans la procédure d’activation classique. En outre, elle prévoit que, « en cas d’évaluation négative, le droit aux allocations d’insertion est suspendu pendant une période de six mois et ne peut être à nouveau octroyé qu’après une évaluation positive des efforts de recherche d’emploi » (ibidem, p. 700).
  • [175]
    Par exemple, la période de trois ans peut être prolongée en raison d’une période de travail salarié, d’études qui sont entreprises par le bénéficiaire, etc.
  • [176]
    S. Galand, H. Termote, « La dégressivité renforcée des allocations de chômage : impact sur la pauvreté », Revue belge de sécurité sociale, n° 3, 2014, p. 3-39.
  • [177]
    Arrêté ministériel du 28 décembre 2011 modifiant les articles 23 et 25 de l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991 portant les modalités d’application de la réglementation du chômage dans le cadre de l’emploi convenable, Moniteur belge, 30 décembre 2011.
  • [178]
    Article 26, § 1er, du même arrêté ministériel du 28 décembre 2011.
  • [179]
    Arrêté royal du 20 juillet 2012 modifiant l’article 126 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage adaptant le complément d’ancienneté, Moniteur belge, 1er septembre 2012. Cf. l’article 126, alinéa 1er, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant la réglementation du chômage.
  • [180]
    Article 30, alinéa 1er, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage tel que modifié par l’article 1er de l’arrêté royal du 23 juillet 2012 modifiant l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant la réglementation du chômage dans le cadre de la dégressivité renforcée des allocations de chômage et modifiant l’arrêté royal du 28 décembre 2011 modifiant les articles 27, 36, 36ter, 36quater, 36sexies, 40, 59quinquies, 59sexies, 63, 79, 92, 93, 94, 97, 124 et 131septies de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant la réglementation du chômage (Moniteur belge, 30 juillet 2012).
  • [181]
    Cf. D. Dumont, « Dégressivité accrue des allocations de chômage versus principe de standstill », op. cit., p. 771.
  • [182]
    V. De Greef, « L’activation silencieuse des personnes partiellement inaptes au travail dans l’assurance chômage », op. cit. Le lecteur pourra se reporter également à l’ouvrage suivant : V. De Greef, Droit au travail et troubles mentaux. Une analyse critique des exclusions et des inclusions par le droit en assurance chômage et en aide sociale, Bruxelles, La Charte, 2016.
  • [183]
    V. De Greef, « L’activation silencieuse des personnes partiellement inaptes au travail dans l’assurance chômage », op. cit., p. 250.
  • [184]
    Cf. ibidem, p. 250 et les références citées. Cf., en particulier, la réponse donnée par la ministre fédérale de l’Emploi aux questions n° 19790 de la députée Zoé Genot (Écolo) sur « le contrôle des chômeurs avec un handicap » et n° 19192 de la députée Catherine Fonck (CDH) sur « les conséquences pour les personnes handicapées de la nouvelle réglementation de l’ONEM » (Chambre des représentants, Commission des Affaires sociales, Compte rendu intégral, n° 828, 9 octobre 2013, p. 48).
  • [185]
    V. De Greef, « L’activation silencieuse des personnes partiellement inaptes au travail dans l’assurance chômage », op. cit., p. 251 : « L’analyse de l’évolution de la réglementation du chômage (…) révèle que jamais auparavant les personnes rencontrant une inaptitude au travail de 33 % au moins n’ont eu l’obligation de rechercher activement un emploi ou de faire des démarches actives démontrant leur disponibilité pour le marché de l’emploi ».
  • [186]
    Arrêté royal du 28 mars 2014 modifiant l’article 63 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage dans le cadre de l’adaptation de la nouvelle réglementation des allocations d’insertion, Moniteur belge, 4 avril 2014. Au sujet de l’introduction de cette catégorie, cf. V. De Greef, Droit au travail et troubles mentaux, op. cit., p. 106 et suivantes ; V. De Greef, « Le caractère idéologique du droit au travail des allocataires au chômage souffrant de troubles mentaux », in A. Hoc, S. Wattier, G. Willems (dir.), Human Rights as a Basis for Re-evaluating and Reconstructing the Law, Bruxelles, Bruylant, 2016, p. 517-535. Comme cela est rappelé dans cette dernière publication, la catégorie des chômeurs dits MMPP, loin d’être univoque, est au contraire dotée de « plusieurs bases légales et réglementaires. Les contours et conséquences en termes de droit au travail varient selon l’autorité qui a procédé à son adoption » (ibidem, p. 514).
  • [187]
    V. De Greef, Droit au travail et troubles mentaux, op. cit., p. 107. La mise en œuvre de ces mesures ne va pas sans susciter une certaine confusion. La situation est même qualifiée de chaotique par certains observateurs (cf. notamment G. Hanotiaux, « Chômage et invalidité : le chaos », Ensemble !, n° 87, 2015, p. 10-13).
  • [188]
    Accord de coopération du 6 novembre 2013 entre l’Autorité fédérale, les Régions et les Communautés relatif à l’accompagnement et au suivi actifs des chômeurs (non publié au Moniteur belge) ; Article 5 de l’arrêté royal du 26 juin 2014 modifiant les articles 27, 36, 51, 52bis, 59bis, 59bis/1, 59ter, 59ter/1, 59quater, 59quater/1, 59quater/2, 59quater/3, 59quinquies, 59quinquies/1, 59quinquies/2, 59sexies, 59septies, 59octies, 59nonies, 70 et 94 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage (Moniteur belge, 10 juillet 2014). Cf. V. De Greef, Droit au travail et troubles mentaux, op. cit., p. 112 et suivantes.
  • [189]
    Cf. l’article 6 de l’arrêté royal du 26 juin 2014.
  • [190]
    Cf. P. Joassart, « L’incidence de la sixième réforme de l’État sur l’assurance chômage et la politique de l’emploi », in X. Delgrange, L. Detroux, P. Joassart, A.-S. Renson, C. Romainville, M. Solbreux, La sécurité sociale dans l’État fédéral, Limal, Anthemis, 2017, p. 11-30 ; D. Dumont, « L’emploi et la formation professionnelle après la sixième réforme de l’État », op. cit.
  • [191]
    P. Palsterman, « Régionaliser la politique de l’emploi ? », op. cit., p. 51.
  • [192]
    Cf. arrêté royal du 6 octobre 1978 modifiant l’arrêté royal du 20 décembre 1963 relatif à l’emploi et au chômage (Moniteur belge, 22 décembre 1978). Cf. J. Faniel, « Accompagnement, activation et contrôle : quelques aspects institutionnels du suivi des chômeurs », Les @nalyses du CRISP en ligne, 17 décembre 2010, www.crisp.be ; D. Dumont, « L’emploi et la formation professionnelle après la sixième réforme de l’État », op. cit., p. 322.
  • [193]
    Ibidem. Cf. l’article 4, 16°, de la loi du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.
  • [194]
    D. Dumont, « L’emploi et la formation professionnelle après la sixième réforme de l’État », op. cit., p. 323.
  • [195]
    Article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 12°, de la loi du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. Cf. les articles 12 à 16 de la loi du 28 décembre 1984 portant suppression ou restructuration de certains organismes d’intérêt public (Moniteur belge, 22 janvier 1985) et l’arrêté royal du 28 février 1989 fixant la date de l’entrée en vigueur des articles 12, § 1er, 13, § 1er, et 14 de la loi du 28 décembre 1984 portant suppression ou restructuration de certains organismes d’intérêt public (Moniteur belge, 8 mars 1989).
  • [196]
    D. Dumont, « L’emploi et la formation professionnelle après la sixième réforme de l’État », op. cit., p. 323.
  • [197]
    Ibidem, p. 324.
  • [198]
    Cf. Accord de coopération du 22 septembre 1992 entre l’État, les Communautés et les Régions concernant le plan d’accompagnement (Moniteur belge, 21 novembre 1992) ; Accord de coopération du 7 avril 1995 entre l’État, les Communautés et les Régions concernant le plan d’accompagnement des chômeurs (Moniteur belge, 4 juillet 1995) ; Accord de coopération du 13 février 1996 entre l’État, les Communautés et les Régions concernant le plan d’accompagnement des chômeurs (Moniteur belge, 24 avril 1996) ; Accord de coopération du 3 mai 1999 entre l’État, les Communautés et les Régions concernant le plan d’accompagnement des chômeurs (Moniteur belge, 7 septembre 1999) ; Accord de coopération du 30 mars 2000 entre l’État, les Communautés et les Régions concernant l’insertion des demandeurs d’emploi vers la convention de premier emploi (Moniteur belge, 9 décembre 2000) ; Accord de coopération du 31 août 2001 entre l’État, les Communautés et les Régions concernant le parcours d’insertion des demandeurs d’emploi vers la convention de premier emploi (Moniteur belge, 27 septembre 2001).
  • [199]
    C’est ainsi que naît, à partir du début des années 1990, la notion de « plan d’accompagnement ». Celui-ci deviendra en 2000 un « parcours d’insertion », qui sera transformé par la suite, lors de la réforme de la matière opérée en 2004 (cf. supra), en un « plan d’accompagnement et de suivi actifs des chômeurs ».
  • [200]
    D. Dumont, « L’emploi et la formation professionnelle après la sixième réforme de l’État », op. cit., p. 324 ; P. Joassart, « L’incidence de la sixième réforme de l’État sur l’assurance chômage et la politique de l’emploi », op. cit., p. 14.
  • [201]
    D. Dumont, « L’emploi et la formation professionnelle après la sixième réforme de l’État », op. cit., p. 308.
  • [202]
    P. Joassart, « L’incidence de la sixième réforme de l’État sur l’assurance chômage et la politique de l’emploi », op. cit., p. 11 : « Le régime de chômage contient des leviers permettant de favoriser l’embauche et le retour à l’emploi. D’autres compétences, liées à la politique de l’emploi, constituent, de même, des mécanismes permettant la remise à l’emploi. S’appuyant sur le constat de situations contrastées parmi les marchés de l’emploi régionaux, et en vue d’une plus grande homogénéité dans la répartition des compétences, certains [responsables] politiques flamands demandèrent que les Régions se voient confier les compétences permettant de mettre en œuvre une politique de l’emploi adaptée à la situation régionale ».
  • [203]
    D. Dumont, « L’emploi et la formation professionnelle après la sixième réforme de l’État », op. cit., p. 309.
  • [204]
    P. Joassart, « L’incidence de la sixième réforme de l’État sur l’assurance chômage et la politique de l’emploi », op. cit., p. 12 : « La sixième réforme de l’État n’a pas abouti à un “transfert” global des compétences en matière de chômage et de politique de l’emploi. Au contraire, en matière de chômage, la sixième réforme de l’État a avancé suivant une méthode “pointilliste”, n’ôtant au pouvoir fédéral que certaines prérogatives ou certains pouvoirs ponctuels, sans remettre en cause son caractère fédéral, en tant que branche de la sécurité sociale ». Plutôt que des compétences, ce sont un certain nombre de « dispositifs concrets » qui ont été transférés aux Régions (D. Dumont, « L’emploi et la formation professionnelle après la sixième réforme de l’État », op. cit., p. 310.
  • [205]
    En vertu de l’article 6, § 1er, IX, 5°, de la loi du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, inséré par l’article 22 de la loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la sixième réforme de l’État, les Régions se sont vu attribuer « la compétence de décision et d’exécution en matière de contrôle de la disponibilité active et passive des chômeurs et d’imposition des sanctions y relatives ». Cette même disposition précise toutefois que l’« Autorité fédérale reste compétente pour le cadre normatif en ce qui concerne la réglementation en matière d’emploi convenable, de recherche active d’un emploi, de contrôle administratif et de sanctions, ainsi que pour l’exécution matérielle des sanctions, et ce sans préjudice de la compétence régionale visée au 6° ». Cette dernière disposition énonce une compétence qui ressortit également à la compétence des Régions, à savoir « l’établissement des conditions auxquelles des dispenses à l’exigence de disponibilité pour le marché du travail de chômeurs indemnisés, avec maintien des allocations, en cas de reprise d’études, de suivi d’une formation professionnelle ou d’un stage peuvent être accordées ainsi que la décision d’attribuer ou non cette dispense ».
  • [206]
    Arrêté royal du 14 décembre 2015 modifiant les articles 56 et 58 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage et insérant les articles 36/1 à 36/11, 56/1 à 56/6 et 58/1 à 58/12 dans le même arrêté, Moniteur belge, 23 décembre 2015.
  • [207]
    P. Joassart, « L’incidence de la sixième réforme de l’État sur l’assurance chômage et la politique de l’emploi », op. cit., p. 13. Une liste complète des situations envisageables est reprise dans l’exposé des motifs : Sénat, Proposition de loi spéciale relative à la sixième réforme de l’État, 25 juillet 2013, n° 2232-1, p. 112-113.
  • [208]
    Ibidem, p. 112.
  • [209]
    Décret flamand du 24 avril 2015 portant mise en œuvre de la sixième réforme de l’État et portant diverses dispositions relatives au domaine politique de l’emploi et de l’économie sociale, modifiant l’article 5, § 1er, du décret du 7 mai 2004 relatif à la création de l’agence autonomisée externe de droit public Vlaamse Dienst voor Arbeidsbemiddeling en Beroepsopleiding, Moniteur belge, 7 mai 2015. Cf. également l’arrêté du gouvernement flamand du 18 décembre 2015 modifiant l’arrêté du gouvernement flamand du 5 juin 2009 portant organisation de l’emploi et de la formation professionnelle, en ce qui concerne l’activation et le suivi du comportement de recherche (Moniteur belge, 29 janvier 2016).
  • [210]
    Décret wallon du 17 mars 2016 modifiant le décret du 6 mai 1999 relatif à l’Office wallon de la formation professionnelle et de l’emploi, Moniteur belge, 29 mars 2016.
  • [211]
    Ordonnance bruxelloise du 8 décembre 2016 modifiant l’ordonnance du 18 janvier 2001 portant organisation et fonctionnement de l’Office régional bruxellois de l’emploi en vue de mettre en œuvre la sixième réforme de l’État et de modifier la dénomination de cet office, Moniteur belge, 20 décembre 2016. Cf. également l’arrêté du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 16 février 2017 organisant le contrôle de la disponibilité des demandeurs d’emploi résidant sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale (Moniteur belge, 2 mars 2017).
  • [212]
    Décret wallon du 17 décembre 2015 modifiant différents décrets en vue de l’exercice, par la Communauté germanophone, de certaines compétences de la Région wallonne en matière d’emploi et de patrimoine, Moniteur belge, 29 décembre 2015.
  • [213]
    Pour une première analyse des effets de cette régionalisation, cf. Y. Martens, « Chômage : comprendre les différences entre Régions pour les sanctions », Politique. Revue belge d’analyse et de débat, 17 janvier 2018, www.revuepolitique.be.
  • [214]
    D. Dumont, « Que reste-t-il du principe de légalité en droit de la sécurité sociale ? », op. cit., p. 139.
  • [215]
    S. Govaert, « Les négociations communautaires et la formation du gouvernement Di Rupo (juin 2010 - décembre 2011) », op. cit., p. 54.
  • [216]
    Ibidem, p. 72 .
  • [217]
    Ibidem, p. 72-73.
  • [218]
    Ibidem, p. 73.
  • [219]
    Ibidem.
  • [220]
    D. Dumont, « Dégressivité accrue des allocations de chômage versus principe de standstill », op. cit., p. 770 : « Avec le gouvernement Di Rupo, l’austérité a fait son grand retour dans l’assurance chômage ».
  • [221]
    M. Djouldem, G. Tellier, C. de Visscher, Les réformes des finances publiques, Bruxelles, Bruylant, 2014, p. 7.
  • [222]
    Cf. D. Dumont, « Dégressivité accrue des allocations de chômage versus principe de standstill », op. cit., p. 771-772.
  • [223]
    OCDE, « Études économiques de l’OCDE. Belgique », Paris, 2013, p. 27.
  • [224]
    Ibidem, p. 28.
  • [225]
    Ibidem.
  • [226]
    Commission européenne, Recommandation de recommandation du Conseil concernant le programme national de réforme de la Belgique pour 2013 et portant avis du Conseil sur le programme de stabilité de la Belgique pour la période 2012-2016, considérant n° 14 et recommandation n° 6, SWD (2013) 351 final, 29 mai 2013. Cette recommandation de la Commission européenne est adoptée par le Conseil le 9 juillet 2013. En ce qui concerne l’organisation du marché de l’emploi et de l’assurance chômage, les propositions de la Commission ont été largement suivies : cf. Recommandation 2013/C 217/02 du Conseil concernant le programme national de réforme de la Belgique pour 2013 et portant avis du Conseil sur le programme de stabilité de la Belgique pour la période 2012-2016 (Journal officiel de l’Union européenne, C 217, 30 juillet 2013).
  • [227]
    Cf. J. Faniel, « L’organisation des chômeurs dans les syndicats », op. cit. ; J. Faniel, Les syndicats, le chômage et les chômeurs, op. cit.
  • [228]
    M. Capron, J. Faniel, C. Gobin, J. Vandewattyne, « La défense du système social belge », op. cit., p. 25.
  • [229]
    Ibidem.
  • [230]
    Ibidem, p. 26.
  • [231]
    CGSLB-CSC-FGTB, « Lettre ouverte envoyée par le front commun au formateur », 1er juillet 2011.
  • [232]
    Ibidem. Cf. M. Capron, J. Faniel, C. Gobin, J. Vandewattyne, « La défense du système social belge », op. cit., p. 26.
  • [233]
    Ibidem.
  • [234]
    Les syndicats se réfèrent ici à la modification de la norme d’emploi convenable décidée par le gouvernement, c’est-à-dire l’emploi qui doit être accepté sous peine de basculer du chômage involontaire au chômage volontaire.
  • [235]
    CGSLB-CSC-FGTB, « Note du formateur : déséquilibrée et ne constitue pas une base acceptable de programme gouvernemental », Communiqué, 5 juillet 2011.
  • [236]
    M. Capron, J. Faniel, C. Gobin, J. Vandewattyne, « La défense du système social belge », op. cit., p. 27. Cf. aussi M. Capron, « Un automne social chaud », La Revue nouvelle, n° 12, 2011, p. 11-15.
  • [237]
    S. Govaert, « Les négociations communautaires et la formation du gouvernement Di Rupo (juin 2010 - décembre 2011) », op. cit., p. 73.
  • [238]
    M. Capron, J. Faniel, C. Gobin, J. Vandewattyne, « La défense du système social belge », op. cit., p. 32.
  • [239]
    RTBF Info, 2 décembre 2011, www.rtbf.be.
  • [240]
    Ibidem.
  • [241]
    M. Capron, J. Faniel, C. Gobin, J. Vandewattyne, « La défense du système social belge », op. cit., p. 33.
  • [242]
    Le Soir, 2 décembre 2011.
  • [243]
    CGSLB-CSC-FGTB, « Cahier de revendications adressé par les organisations syndicales au nouveau gouvernement fédéral et aux employeurs », 14 décembre 2011. Cf. la réplique de la FEB : « Actions syndicales : néfastes pour notre pays et son image », Communiqué, 14 décembre 2011.
  • [244]
    V. Demertzis, « La grève générale du 30 janvier », in I. Gracos, « Grèves et conflictualité sociale en 2012. I. Grève générale et secteur privé », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2172-2173, 2013, p. 17 : « “Inutile”, “inopportune”, “inappropriée”, voire “illégitime”, la grève générale fédère contre elle l’essentiel des acteurs politiques, patronaux et médiatiques ».
  • [245]
    Ibidem, p. 19.
  • [246]
    I. Gracos, « Grèves et conflictualité sociale en 2012. II. Secteur public et questions européennes », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2174-2175, 2013, p. 80.
  • [247]
    Ibidem.
  • [248]
    V. Demertzis, « La grève générale du 30 janvier », op. cit., p. 24 : « Une semaine après la grève générale (…), la majorité, sans remettre en cause l’accord gouvernemental, modifie légèrement et de manière très technique certaines de ses décisions. L’exécutif fédéral veille toutefois à limiter la portée des corrections aux erreurs et injustices flagrantes ».
  • [249]
    Ibidem.
  • [250]
    Ibidem.
  • [251]
    J. Faniel, « L’organisation des chômeurs dans les syndicats », op. cit., p. 22.
  • [252]
    Ibidem, p. 73 ; J. Faniel, « Réactions syndicales et associatives face au “contrôle de la disponibilité des chômeurs” », L’année sociale 2004, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2005, p. 133-148.
  • [253]
    C. Leterme, « La mobilisation contre la limitation dans le temps des allocations d’insertion », in I. Gracos, « Grèves et conflictualité sociale en 2014 », op. cit., p. 26-32.
  • [254]
    Ibidem, p. 29.
  • [255]
    Ibidem, p. 30.
  • [256]
    Ibidem, p. 30-32.
  • [257]
    I. Gracos, « Grèves et conflictualité sociale en 2014 », op. cit., p. 102.
  • [258]
    L. Israël, L’arme du droit, Paris, Presses de Science Po, 2009.
  • [259]
    D. Roman, « Le juge et les droits sociaux. Vers un renforcement de la justiciabilité des droits sociaux ? », Revue de droit sanitaire et social, n° 5, 2010, p. 793-799 ; D. Roman, « La justiciabilité des droits sociaux ou les enjeux de l’édification d’un État de droit social », La Revue des droits de l’homme, volume 1, 2012, http://journals.openedition.org, p. 1-40.
  • [260]
    À savoir l’arrêté royal du 23 juillet 2012 modifiant l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant la réglementation du chômage dans le cadre de la dégressivité renforcée des allocations de chômage et modifiant l’arrêté royal du 28 décembre 2011 modifiant les articles 27, 36, 36ter, 36quater, 36sexies, 40, 59quinquies, 59sexies, 63, 79, 92, 93, 94, 97, 124 et 131septies de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant la réglementation du chômage (Moniteur belge, 30 juillet 2012).
  • [261]
    D. Dumont, « Dégressivité accrue des allocations de chômage versus principe de standstill », op. cit., p. 773.
  • [262]
    Conseil d’État (9e chambre), Vlaams Netwerk van Verenigingen waar Armen het Woord Nemen tegen Belgische Staat, n° 221.853, 20 décembre 2012, non publié.
  • [263]
    D. Dumont, « Dégressivité accrue des allocations de chômage versus principe de standstill », op. cit., p. 773 : « Le Conseil d’État n’a donc pas vu de “lien direct” entre une réforme qui organise la diminution par paliers des allocations de chômage, en ce compris celles des chefs de ménage et des isolés, jusqu’à un plancher proche de l’aide sociale, et la préoccupation de contester les politiques qui ont pour effet d’accroître les situations de pauvreté ».
  • [264]
    Cf. en particulier I. Hachez, Le principe de standstill dans le droit des droits fondamentaux : une irréversibilité relative, Bruxelles, Bruylant, 2008 ; I. Hachez, « Le principe de standstill : actualité et perspectives », Revue critique de jurisprudence belge, n° 1, 2012, p. 6-18.
  • [265]
    Comme le rappelle Isabelle Hachez, ce principe « interdit aux autorités publiques de légiférer à rebours des droits garantis, et donc de diminuer le niveau de protection acquis » (I. Hachez, « L’effet de standstill : le pari des droits économiques, sociaux et culturels ? », op. cit., p. 30).
  • [266]
    D. Dumont, « Le “droit à la sécurité sociale” consacré par l’article 23 de la Constitution : quelle signification et quelle justiciabilité ? », in D. Dumont (dir.), Questions transversales en matière de sécurité sociale, Bruxelles, Larcier, 2017, p. 82-83 ; P. Gosseries, « Réflexions introductives », op. cit., p. 48-50.
  • [267]
    D. Dumont, « Le “droit à la sécurité sociale” consacré par l’article 23 de la Constitution », op. cit., p. 73-74.
  • [268]
    D. Dumont, « Dégressivité accrue des allocations de chômage versus principe de standstill », op. cit., p. 775.
  • [269]
    D. Dumont, « Le “droit à la sécurité sociale” consacré par l’article 23 de la Constitution », op. cit., p. 15.
  • [270]
    Cf. en particulier F. Lambinet, « Mise en œuvre du principe de standstill dans le droit de l’assurance chômage : quelques observations en marge de l’arrêt de la Cour de cassation du 5 mars 2018 », Terra Laboris, 15 avril 2018, www.terralaboris.be.
  • [271]
    En ce qui concerne la situation en Région wallonne, cf. R. Cherenti, « Les transferts de charge ONEM-CPAS. Étude 2014 (chiffres 2013). Perspectives 2015 », Union des villes et communes de Wallonie (UVCW) / Fédération des CPAS, 2014, www.uvcw.be. Pour la Région de Bruxelles-Capitale, cf. J.-L. Bienfet, « Monitoring du transfert du chômage vers les CPAS », Trait d’union, n° 3, 2016, p. 17-18, www.avcb-vsgb.be.
  • [272]
    Sur toutes ces questions, cf. Y. Martens, « CPAS : l’inflation ? », Politique. Revue belge d’analyse et de débat, 26 octobre 2015, www.revuepolitique.be.
  • [273]
    273 D. Dumont, « Dégressivité accrue des allocations de chômage versus principe de standstill », op. cit., p. 774, note 42.
  • [274]
    J. Winkel, « Des centaines de recours contre la limitation des allocations d’insertion », Alter Échos, n° 445, 2017, www.alterechos.be ; P. Palsterman, « Grondrechten en de werkloosheidsreglementering. Kritische benadering van de grondwettigheid van recente wijzigingen », in A. Van Regenmortel, H. Verschueren (dir.), Grondrechten en sociale zekerheid, Bruges, Die Keure, p. 270-279 (cet auteur estime que la limitation dans le temps des allocations d’insertion viole la Constitution).
  • [275]
    D. Dumont, « Le principe de standstill comme instrument de rationalisation du processus législatif en matière sociale. Un plaidoyer illustré (seconde partie) », Journal des tribunaux, n° 6785, 2019, p. 622, note 78.
  • [276]
    Ibidem.
  • [277]
    P. Palsterman, « La notion de chômage involontaire (1945-2003) », op. cit., p. 25.
  • [278]
    F. Lambinet, « Mise en œuvre du principe de standstill dans le droit de l’assurance chômage », op. cit., p. 19. Cf. Tribunal du travail de Liège (div. Arlon), C. L. c. ONEM, R.G. n° 14/6/A, 12 mai 2015, non publié.
  • [279]
    Cour du travail de Liège (div. Neufchâteau), ONEM c. C. L., R.G. n° 2015/AU/48, 10 février 2016, www.terralaboris.be.
  • [280]
    Ibidem, p. 25.
  • [281]
    Ibidem.
  • [282]
    Ibidem.
  • [283]
    Cour de cassation (3e ch.), 5 mars 2018, Journal des tribunaux du travail, 2018, p. 185. Cf. F. Lambinet, « Mise en œuvre du principe de standstill dans le droit de l’assurance chômage », op. cit., p. 15-19.
  • [284]
    D. Dumont, « Le principe de standstill comme instrument de rationalisation du processus législatif en matière sociale », op. cit., p. 622, note 78.
  • [285]
    Plus précisément encore, l’allocataire était employée comme assistante de prévention et de sécurité auprès d’une commune. Or le « Roi a, par le passé, favorisé ce travail en accordant à ces chômeurs la dispense de toutes les obligations inhérentes à la qualité de chômeur involontaire. La volonté de permettre aux autorités locales de disposer des prestations de ces chômeurs sans trop de frais a eu pour conséquence que ce travail n’était pas assujetti à la sécurité sociale » (« Standstill et allocations d’insertion : l’arrêt attendu de la Cour de cassation », 2 juillet 2018, www.terralaboris.be).
  • [286]
    Cour du travail de Liège (div. Liège, 2e ch.), ONEM c. F.A., R.G. n° 2016/AL/413, 11 septembre 2017 (Journal des tribunaux du travail, 2018, p. 39).
  • [287]
    Tribunal du travail de Liège (div. Liège), F.A. c. ONEM, R.G. n° 15/3.413/A, 21 juin 2016.
  • [288]
    Cour du travail de Liège (div. Liège, 2e ch.), ONEM c. F.A., R.G. n° 2016/AL/413, 11 septembre 2017 (Journal des tribunaux du travail, 2018, p. 42).
  • [289]
    Ibidem.
  • [290]
    Ibidem.
  • [291]
    Ibidem, p. 43.
  • [292]
    Ibidem.
  • [293]
    Ibidem.
  • [294]
    Ibidem.
  • [295]
    Notamment « en cas de reprise du travail comme travailleur à temps partiel avec maintien des droits avec une allocation de garantie de revenus » (ibidem).
  • [296]
    Ibidem.
  • [297]
    Ibidem.
  • [298]
    Ibidem.
  • [299]
    Ibidem.
  • [300]
    Ibidem.
  • [301]
    Ibidem.
  • [302]
    D. Dumont, « Le principe de standstill comme instrument de rationalisation du processus législatif en matière sociale », op. cit., p. 622-623.
  • [303]
    Ibidem, p. 623.
  • [304]
    Ibidem.
  • [305]
    Ibidem.
  • [306]
    Ibidem.
  • [307]
    Ibidem : « Lorsque l’inconstitutionnalité d’une disposition réglementaire est invoquée dans le cadre d’une telle contestation, à l’occasion d’un conflit de normes incident basé sur l’article 159 de la Constitution, l’on bascule, pour cet aspect du litige, dans un contentieux de type objectif, dans le cadre duquel l’enjeu premier n’est pas la protection d’un droit subjectif mais bien la préservation de la légalité au sein de l’ordre juridique. En l’espèce, la vérification de la conformité à l’obligation de standstill de la modification du code du chômage contestée impliquait de contrôler la compatibilité de l’acte réglementaire incriminé avec un standard de protection des droits fondamentaux – l’article 23 de la Constitution – hiérarchiquement supérieur. De nature objective, un tel examen aurait dû, dans la rigueur des principes, être indifférent à la situation particulière de l’assurée sociale à la cause. Or, la cour du travail de Liège a opéré, dans l’affaire commentée, un contrôle de proportionnalité très individualisé, concluant que l’effet de standstill n’est pas violé par la limitation dans le temps des allocations d’insertion “dans le cas précis de Mme A.”. Le retour à la situation de fait qui constitue le point de départ du litige aurait dû, nous semble-t-il, intervenir seulement après que le test de proportionnalité ait été mené jusqu’à son terme ».
  • [308]
    Cour de cassation (3e ch.), F.A. c. ONEM, n° S.17.0091.F, 28 mai 2018, non publié.
  • [309]
    Tribunal de travail de Bruxelles (17e ch.), B.C. c. ONEM, R.G. n° 14/1101/A, 14/8429/A, 15/2261/A, 21 avril 2017, non publié.
  • [310]
    Cette décision s’inscrit dans le prolongement d’un autre jugement, rendu le 18 octobre 2016, par lequel le tribunal du travail de Bruxelles a annulé la décision prise par l’ONEM, en date du 28 juillet 2014, de prolonger une exclusion prononcée à l’encontre de cette allocataire en raison d’efforts de recherche d’emploi jugés insuffisants.
  • [311]
    Cour du travail de Bruxelles (8e ch.), ONEM c. B.C., R.G. n° 2017/AB/479, 20 février 2019, www.terralaboris.be.
  • [312]
    Ibidem, p. 14.
  • [313]
    Ibidem.
  • [314]
    Ibidem.
  • [315]
    Ibidem.
  • [316]
    Ibidem, p. 15.
  • [317]
    Ibidem, p. 12.
  • [318]
    Ibidem, p. 11. La cour du travail de Bruxelles se réfère à un arrêt rendu par la Cour de cassation le 5 mars 2018 (Cour de cassation (3e ch.), n° S.16.0033.F, 5 mars 2018, www.juridat.be).
  • [319]
    319 Cour du travail de Bruxelles (8e ch.), ONEM c. A.N., R.G. n° 2015/AB/501, 18 janvier 2017, www.juridat.be et www.terralaboris.be.
  • [320]
    Cf. l’analyse de D. Dumont, « Le principe de standstill comme instrument de rationalisation du processus législatif en matière sociale », op. cit., p. 622.
  • [321]
    Alors qu’il aurait pu être mis en avant, cet argument n’est en effet pas formellement énoncé dans les décisions qui ont été consultées dans le cadre de la préparation de ce Courrier hebdomadaire. Les plaideurs ont en revanche tenté de faire valoir, sans succès toutefois, que le gouvernement avait abusivement invoqué l’urgence afin d’obtenir un avis du Conseil d’État dans un délai raccourci de cinq jours ouvrables (cf., par exemple : Cour du travail de Liège (div. Liège, 2e ch.), ONEM c. F.A., R.G. n° 2016/AL/413, 11 septembre 2017 : Journal des tribunaux du travail, 2018, p. 40-41).
  • [322]
    Cette disposition stipule que l’ONEM a pour mission, dans les conditions déterminées par le Roi, d’« assurer, avec l’aide des organismes créés ou à créer à cette fin, le paiement aux chômeurs involontaires et à leur famille, des allocations qui leur sont dues ». Elle a été modifiée par l’article 10 de la loi du 14 février 1961 d’expansion économique, de progrès social et de redressement financier (Moniteur belge, 15 février 1961).
  • [323]
    Chambre des représentants, Projet de loi portant des dispositions diverses en matière de sécurité sociale, 13 février 2014, n° 3359-1, p. 13.
  • [324]
    Conseil d’État, Section de législation, Avis n° 51.467/1 du 21 juin 2012 sur un projet devenu l’arrêté royal du 23 juillet 2012 modifiant l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant la réglementation du chômage dans le cadre de la dégressivité renforcée des allocations de chômage et modifiant l’arrêté royal du 28 décembre 2011 modifiant les articles 27, 36, 36ter, 36quater, 36sexies, 40, 59quinquies, 59sexies, 63, 79, 92, 93, 94, 97, 124 et 131septies de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant la réglementation du chômage. Bien que cet avis soit inédit, certains de ses passages sont repris dans l’avis n° 53.293/1 et 53.294/1 du 3 juin 2013 sur un projet de loi devenu la loi du 11 novembre 2013 portant diverses modifications en vue de l’instauration d’un nouveau système social et fiscal pour les travailleurs occasionnels dans le secteur de l’horeca (Moniteur belge, 1er octobre 2013) : cf. Chambre des représentants, Projet de loi portant des dispositions diverses en matière de sécurité sociale, 13 février 2014, n° 2990-1, p. 15-18.
  • [325]
    Moniteur belge, 25 avril 2014.
  • [326]
    Chambre des représentants, Projet de loi portant des dispositions diverses en matière de sécurité sociale, n° 3359-1, 13 février 2014, p. 12-14.
  • [327]
    Ibidem, p. 13 : « La reprise des principes de base de l’assurance chômage dans une loi, avec délégation au Roi plus restreinte et encadrée pour ce qui est de son application, permettrait de gommer cette insécurité ».
  • [328]
    Ibidem, p. 13-14.
  • [329]
    Arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs : article 7, § 1ersepties et § 1erocties, introduits par la loi du 25 avril 2014 portant des dispositions diverses en matière de sécurité sociale.
  • [330]
    D. Dumont, « Que reste-t-il du principe de légalité en droit de la sécurité sociale ? », op. cit., p. 140.
  • [331]
    Il convient de noter que le législateur n’est, sur ce point précis, pas encouragé à légiférer par la Cour constitutionnelle. Contrairement à la section de législation du Conseil d’État, la Cour a développé une conception assez souple du principe de légalité tel qu’il découle de l’article 23 de la Constitution, de sorte qu’elle n’exige pas dans ce domaine – comme elle le fait dans les autres hypothèses où une matière est réservée à la loi par la Constitution – « que tous les éléments essentiels de la matière soient consacrés dans un texte de rang législatif » (ibidem, p. 128). Pour une analyse complète de cette problématique, cf. I. Hachez, L. Triaille, « Le principe de légalité en matière de droits économiques, sociaux et culturels : la Cour constitutionnelle à la croisée des chemins », in L. Detroux, M. El Berhoumi, B. Lombaert (dir.), La légalité. Un principe de la démocratie belge en péril ?, Bruxelles, Larcier, 2019, p. 179-231.
  • [332]
    V. Demertzis, J. Faniel, S. Govaert, C. Istasse, « La formation des gouvernements après les scrutins du 25 mai 2014 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2275-2276, 2015, p. 42.
  • [333]
    Ibidem, p. 44.
  • [334]
    Ibidem, note 83. Cf. Chambre des représentants, Proposition de loi modifiant l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, visant à supprimer la limitation des allocations d’insertion dans le temps pour les bénéficiaires qui prouvent une recherche active d’emploi, n° 784-1, 14 janvier 2015 (déposée par Éric Massin, Jean-Marc Delizée, Frédéric Daerden et Laurette Onkelinx, tous PS).
  • [335]
    RTBF Info, 6 janvier 2015, www.rtbf.be : « J’ai le cœur qui saigne quand je pense à ces milliers de jeunes qui cherchent mais ne trouvent pas d’emploi et qui vont être exclus. Je n’en dors pas. Le but était de les aider à entrer dans le monde du travail. Et cela ne s’est pas fait ».
  • [336]
    V. Demertzis, J. Faniel, S. Govaert, C. Istasse, « La formation des gouvernements après les scrutins du 25 mai 2014 », op. cit., p. 49.
  • [337]
    Ibidem, p. 57.
  • [338]
    Ibidem, p. 51.
  • [339]
    I. Gracos, « Grèves et conflictualité sociale en 2014 », op. cit., p. 7.
  • [340]
    « Accord de gouvernement », 9 octobre 2014, p. 6 (document disponible sur le site Internet de la Chancellerie du Premier ministre : www.premier.be).
  • [341]
    Ibidem.
  • [342]
    Ibidem, p. 14.
  • [343]
    Ibidem, p. 15.
  • [344]
    La déclaration gouvernementale lue devant les Chambres est quant à elle peu diserte sur les réformes du chômage.
  • [345]
    Ibidem, p. 14.
  • [346]
    Ibidem, p. 15 : « La disponibilité active et passive des chômeurs pour un emploi sera étendue à 65 ans ».
  • [347]
    Arrêté royal du 30 décembre 2014 modifiant les articles 36, 59bis, 59bis/1, 63, 64, 71bis, 72, 89bis, 114, 116, 126, 131bis, 153, 154, 155 et 157bis de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage et abrogeant les articles 89, 90 et 125 dans le même arrêté, Moniteur belge, 31 décembre 2014.
  • [348]
    Nous reviendrons ultérieurement sur cet aspect de la réforme. Cette mesure a en effet été contestée avec un certain succès devant les juridictions du travail (cf. infra).
  • [349]
    Pour ne pas excéder cette période de 1 an, il est nécessaire que le jeune en stage d’insertion obtienne, de la part des services compétents, deux évaluations positives sur les démarches actives qu’il a entreprises pour trouver un emploi. Une évaluation négative entraîne une prolongation de la durée du stage d’insertion professionnelle.
  • [350]
    Y. Martens, « Allocations d’insertion : un régime en extinction », Ensemble !, n° 93, 2017, p. 41.
  • [351]
    À savoir un cycle inférieur de l’enseignement secondaire technique ou professionnel ou un cycle supérieur de l’enseignement secondaire général (cf. supra).
  • [352]
    Question écrite n° 490 du député Éric Massin du 26 novembre 2015 posée au vice-Premier ministre et ministre de l’Emploi, de l’Économie et des Consommateurs, chargé du Commerce extérieur, 8 février 2016 (Chambre des représentants, Questions et réponses écrites, n° 61, 8 février 2016, p. 114-117).
  • [353]
    Ibidem, p. 114.
  • [354]
    Ibidem.
  • [355]
    Ibidem, p. 116.
  • [356]
    Arrêté royal du 23 septembre 2015 modifiant l’article 36 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, Moniteur belge, 5 octobre 2015.
  • [357]
    Cf. le rapport au Roi qui précède l’arrêté royal du 23 septembre 2015 modifiant l’article 36 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage.
  • [358]
    Question écrite n° 381 posée par le député Jean-Marc Nollet au vice-Premier ministre et ministre de l’Emploi, de l’Économie et des Consommateurs, chargé du Commerce extérieur, 8 février 2016 (Chambre des représentants, Questions et réponses écrites, n° 61, 8 février 2016, p. 62).
  • [359]
    Le Soir, 19 février 2016.
  • [360]
    J. Verly, L’improbable emploi, Bruxelles, Labor, 2004, p. 46-48.
  • [361]
    Y. Martens, « Exclus des allocations d’insertion : surtout des femmes wallonnes », Ensemble !, n° 91, 2016, p. 19-21.
  • [362]
    Dans cette catégorie de personnes « exclues » du chômage, il convient d’inclure les personnes en réalité arrivées en fin de droits, en raison de la réforme de fin 2011, qui, si elles ne font pas l’objet d’une exclusion sur le plan formel (comme cela se produit dans le cadre du contrôle de la disponibilité), n’en sont pas moins exclues de facto d’un système de prestations sociales dont elles bénéficiaient précédemment.
  • [363]
    J. Winkel, « Chômage : alors tu baisses ? », Alter Échos, n° 451, 2017, www.alterechos.be.
  • [364]
    L. Castel, « Le non-recours aux droits : un chantier ouvert en Europe », Alter Échos, n° 403, 2015, www.alterechos.be. S’agissant du cas français, cf. notamment P. Warin, Le non-recours aux politiques sociales, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2016.
  • [365]
    Du côté bruxellois, cf. M. Zune, D. Demazière, E. Ugeux, « Les expériences de l’exclusion du chômage. Recherche qualitative », Rapport pour l’Observatoire bruxellois de l’emploi, UCL (IACCHOS), 2017. Du côté wallon, cf. M. Fonder, M. Mosty, B. Van Haeperen, A. Franssen, « Mondes vécus et systèmes. Recueil et analyse de témoignages de personnes exclues des allocations d’insertion », Rapport de recherche n° 20, IWEPS, 2017.
  • [366]
    « Accord de gouvernement », 9 octobre 2014, p. 15.
  • [367]
    Cf. l’arrêté royal précité du 30 décembre 2014 modifiant les articles 36, 59bis, 59bis/1, 63, 64, 71bis, 72, 89bis, 114, 116, 126, 131bis, 153, 154, 155 et 157bis de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage et abrogeant les articles 89, 90 et 125 dans le même arrêté.
  • [368]
    « Accord de gouvernement », 9 octobre 2014, p. 14.
  • [369]
    Cf. les articles 23, alinéas 3 et 4, et 32ter, alinéa 2, de l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991 portant les modalités d’application de la réglementation du chômage, tels que modifiés par l’arrêté ministériel du 4 janvier 2018 modifiant les articles 23 et 32ter de l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991 portant les modalités d’application de la réglementation du chômage (Moniteur belge, 24 janvier 2018).
  • [370]
    Arrêté royal du 19 juin 2015 modifiant les articles 56 et 89 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, article 1er, et arrêté royal du 19 juin 2015 modifiant l’arrêté royal du 3 mai 2007 fixant le régime de chômage avec complément d’entreprise, article 2, Moniteur belge, 3 juillet 2015.
  • [371]
    Y. Martens, « Étude des sanctions dans l’assurance chômage, y compris les fins de droit et le non-accès », Collectif solidarité contre l’exclusion (CSCE), 2015, p. 14, www.asbl-csce.be.
  • [372]
    Groupe des dix, « Deal pour l’emploi. Réponses du Groupe des dix au Premier ministre », 17 juillet 2018.
  • [373]
    B. Conter, J. Faniel, « La conflictualité sociale interprofessionnelle en 2018 : de l’essoufflement à la contestation polychrome », in I. Gracos, « Grèves et conflictualité sociale en 2018. I. Mobilisations transversales », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2422-2423, 2019, p. 21.
  • [374]
    Commission européenne, Recommandation du Conseil concernant le programme national de réforme de la Belgique pour 2018 et portant avis du Conseil sur le programme de stabilité de la Belgique pour 2018, COM (2018) 401 final, 23 mai 2018, p. 6 et 9. Ces recommandations ont été approuvées par le Conseil de l’Union européenne en juillet de la même année.
  • [375]
    « Accord de gouvernement », 9 octobre 2014, p. 14.
  • [376]
    Le Soir, 23 août 2018.
  • [377]
    Le Soir, 28 juillet 2018.
  • [378]
    En tout cas, si de telles études existent, nous n’en avons pas eu connaissance.
  • [379]
    Le Vif/L’Express, 23 novembre 2018, https://trends.levif.be.
  • [380]
    Le Soir, 9 janvier 2019 : « Dans le “jobs deal”, n’oublions pas le renforcement de la dégressivité des allocations de chômage. Un simple arrêté royal est nécessaire. Mais il y a débat : faut-il repasser par la Chambre ? »
  • [381]
    L’Écho, 8 janvier 2019.
  • [382]
    Ibidem.
  • [383]
    L’Écho, 9 janvier 2019. Cette proposition, déposée par le député Jan Spooren (N-VA), ne sera disponible qu’un peu plus tard (Chambre des représentants, Proposition de loi visant à réformer la réglementation du chômage, n° 3544-1, 12 février 2019).
  • [384]
    RTBF Info, 18 janvier 2019, www.rtbf.be.
  • [385]
    Cf. Chambre des représentants, Proposition de loi relative aux dispositions sociales de l’accord pour l’emploi, n° 3464-1, 15 janvier 2019, devenue la loi du 7 avril 2019 relative aux dispositions sociales de l’accord pour l’emploi (Moniteur belge, 19 avril 2019).
  • [386]
    RTBF Info, 18 janvier 2019, www.rtbf.be.
  • [387]
    Arrêté royal modifiant les articles 27, 51, 52bis, 58, 58/3 et 63 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage et insérant les articles 36sexies, 63bis et 124bis dans le même arrêté, Moniteur belge, 20 mai 2019.
  • [388]
    Ces différentes prolongations ont été opérées dans une certaine confusion et elles ont suscité, dans le chef des personnes concernées, particulièrement vulnérables pour certaines d’entre elles, une grande insécurité (cf. Y. Martens, « Des organismes de l’emploi contre les chômeurs », Ensemble !, n° 99, 2019, p. 100-101).
  • [389]
    Question écrite n° 465 posée par le député Laurent Henquet au ministre wallon de l’Économie, de l’Industrie, de la Recherche, de l’Innovation, du Numérique, de l’Emploi et de la Formation (Parlement wallon, Interpellations et questions, 24 mai 2018, www.parlement-wallonie.be). Cf. aussi les questions orales posées par les députés Benoit Drèze et Zoé Istaz-Slangen au même ministre wallon (Parlement wallon, Commission de l’Économie, de l’Emploi et de la Formation, Interpellations et questions, 15 janvier 2019, www.parlement-wallonie.be).
  • [390]
    Arrêté royal du 25 novembre 1991, article 27, 19°. Cf. F. Lambinet, « Demandeur d’emploi non mobilisable et allocation de sauvegarde », Bulletin juridique & social, n° 632, 2019, p. 4.
  • [391]
    Il est à noter que cette dispense du contrôle de la disponibilité active peut également bénéficier à un chômeur qui perçoit des allocations ordinaires, et non des allocations d’insertion, à la condition que ce dernier se voie reconnaître le statut de « demandeur d’emploi non mobilisable » (cf. arrêté royal du 25 novembre 1991 : articles 58, § 1er, alinéa 4, et 58/3, § 4bis).
  • [392]
    Y. Martens, « MMPP : une solution définitive… temporaire », Ensemble !, n° 100, 2019, p. 72-73.
  • [393]
    Chambre des représentants, Proposition de loivisant à supprimer la limitation des allocations d’insertion dans le temps, n° 744-1, 8 janvier 2015 (déposée par Georges Gilkinet, Evita Willaert, Kristof Calvo, Jean-Marc Nollet, Muriel Gerkens, Wouter De Vriendt et Zakia Khattabi, tous membres du groupe Écolo-Groen) ; Chambre des représentants, Proposition de loi modifiant l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, visant à supprimer la limitation des allocations d’insertion dans le temps pour les bénéficiaires qui prouvent une recherche active d’emploi, n° 784-1, 14 janvier 2015 (déposée par Éric Massin, Jean-Marc Delizée, Frédéric Daerden et Laurette Onkelinx, tous PS) ; Chambre des représentants, Proposition de loimodifiant l’arrêté royal du 30 décembre 2014 modifiant les articles 36, 59bis, 59bis/1, 63, 64, 71bis, 72, 89bis, 114, 116, 126, 131bis, 153, 154, 155 et 157bis de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage et abrogeant les articles 89, 90 et 125 dans le même arrêté, n° 850-1, 28 janvier 2015 (déposée par Meryame Kitir, SP.A) ; Chambre des représentants, Proposition de loi visant à supprimer la limitations des allocations d’insertion dans le temps, n° 1122-1, 1er juin 2015 (déposée par Raoul Hedebouw et Marco Van Hees, tous deux PTB).
  • [394]
    Chambre des représentants, Proposition de loi visant à modifier les articles 36 et 63 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage afin de soutenir les efforts des jeunes et des bénéficiaires d’allocations d’insertion, n° 1157-1, 10 juin 2015 (déposée par Catherine Fonck, CDH).
  • [395]
    Chambre des représentants, Commission des Affaires sociales, Proposition de loi modifiant l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, visant à supprimer la limitation des allocations d’insertion dans le temps pour les bénéficiaires qui prouvent une recherche active d’emploi. Rapport, n° 784-4, 2 décembre 2015.
  • [396]
    Ibidem, p. 18.
  • [397]
    RTBF Info, 24 juillet 2018, www.rtbf.be.
  • [398]
    Le Soir, 24 septembre 2018 ; De Standaard, 24 septembre 2018.
  • [399]
    J. Kolsrud, C. Landais, P. Nilsson, J. Spinnewijn, « The Optimal Timing of Unemployment Benefits », American Economic Review, volume 108, n° 4-5, 2018, p. 985-1033.
  • [400]
    Le Soir, 24 septembre 2018.
  • [401]
    Ibidem.
  • [402]
    Ibidem.
  • [403]
    J. Winkel, « Allocations d’insertion : il faudra étudier vite », Alter Échos, n° 399, 2015, www.alterechos.be.
  • [404]
    I. Gracos, « Grèves et conflictualité sociale en 2015 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2291-2292, 2016, p. 12.
  • [405]
    Le Soir, 24 juillet 2018. R. Vertenueil se réfère à l’invitation faite par le Premier ministre aux interlocuteurs sociaux de proposer des mesures en vue de lutter contre la pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs. Selon le président de la FGTB, alors qu’il avait indiqué après une rencontre avec les syndicats qu’il entendait mettre « quelque chose en place à la rentrée parlementaire », le Premier ministre a immédiatement annoncé le jobsdeal tel qu’il a été présenté supra. Le leader syndical parle à propos de celui-ci de « deal inqualifiable ».
  • [406]
    L’Écho, 27 juillet 2018.
  • [407]
    Ibidem.
  • [408]
    Ibidem.
  • [409]
    Ibidem : « C’était déjà dans l’accord de gouvernement de 2014. C’était connu. Et ces systèmes, ils sont en vigueur dans d’autres pays, comme les Scandinaves, que l’on prend toujours comme référence. Pourquoi la Belgique ferait-elle exception ? Chez eux, cela marche, le taux d’emploi est nettement plus élevé ».
  • [410]
    B. Conter, J. Faniel, « La conflictualité sociale interprofessionnelle en 2018 », op. cit., p. 27-29.
  • [411]
    Cour du travail de Liège (div. Namur, 6e ch.), ONEM c. S.B., R.G. n° 2017/AN/172, 6 novembre 2018, www.terralaboris.be.
  • [412]
    Ibidem, p. 7.
  • [413]
    Cf. D. Dumont, « Le principe de standstill comme instrument de rationalisation du processus législatif en matière sociale », op. cit., p. 624-625.
  • [414]
    Cour du travail de Liège (div. Liège, 2e ch.), ONEM c. L. D.F., R.G. n° 2017/AL/441, 25 mars 2019, www.terralaboris.be.
  • [415]
    Le Soir, 5 avril 2019 ; RTBF Info, 26 juin 2019, www.rtbf.be.
  • [416]
    Ibidem.
  • [417]
    F. Loriaux (dir.), Le chômeur suspect, op. cit.
  • [418]
    R. Castel, La montée des incertitudes. Travail, protections, statut de l’individu, Paris, Seuil, 2009, p. 45.
  • [419]
    En réalité, outre ces réformes qui ont fait l’objet d’une attention médiatique relativement importante, d’autres mesures plus silencieuses ont également été prises par le gouvernement Di Rupo et après lui par les gouvernements Michel I et II (cf. supra).
  • [420]
    D. Dumont, La responsabilisation des personnes sans emploi en question, op. cit., p. 279.
  • [421]
    Ainsi la note de politique générale « Emploi » présentée en 2015 par le ministre fédéral de l’Emploi, K. Peeters, indique-t-elle : « La réglementation du chômage a subi de nombreuses modifications en 2015. En soi, cela n’est pas nouveau. Entre la publication de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage et maintenant, environ 250 arrêtés de modification ont été publiés. Cela représente, en moyenne, 1 par mois » (Chambre des représentants, Note de politique générale. Emploi, n° 1428-3, 3 novembre 2015, p. 27).
  • [422]
    V. De Greef, « L’activation silencieuse des personnes partiellement inaptes au travail dans l’assurance chômage », op. cit., p. 275.
  • [423]
    D. Dumont, « Que reste-t-il du principe de légalité en droit de la sécurité sociale ? », op. cit., p. 142-143.
  • [424]
    Ibidem, p. 144.
  • [425]
  • [426]
    D. Dumont, « Dégressivité accrue des allocations de chômage versus principe de standstill », op. cit., p. 775-776.
  • [427]
    Ibidem.
  • [428]
    Il s’agit là d’une notion développée dans l’étude suivante : A. Remiche, La justiciabilité des droits économiques, sociaux et culturels en Belgique. Une étude analytique et prospective à la lumière de la jurisprudence internationale, Thèse de doctorat en sciences juridiques, ULB, 2016.
  • [429]
    Ibidem, p. 250 ; D. Dumont, « Le principe de standstill comme instrument de rationalisation du processus législatif en matière sociale », op. cit., p. 627.
  • [430]
    D. Dumont, « Le principe de standstill comme instrument de rationalisation du processus législatif en matière sociale. Un plaidoyer illustré (première partie) », Journal des tribunaux, n° 6784, 2019, p. 601.
  • [431]
    R. Castel, La montée des incertitudes, op. cit., p. 113-114.
  1. Introduction
  2. 1. La réglementation du chômage en Belgique : quelques jalons historiques
    1. 1.1. La prise en charge du chômage involontaire avant la Seconde Guerre mondiale
    2. 1.2. L’arrêté-loi du 28 décembre 1944 et la mise en place d’un régime obligatoire d’assurance chômage pour les travailleurs salariés (1944-1960)
    3. 1.3. Des années de prospérité (1960-1974) aux années de crise (1975-1990)
    4. 1.4. Des années d’indécision (1991-1998) à l’État social actif (1999-2007)
    5. 1.5. La crise financière et économique de 2008 et ses suites
  3. 2. Les réformes de l’assurance chômage décidées par le gouvernement Di Rupo
    1. 2.1. Genèse
    2. 2.2. Mise en œuvre juridique
      1. 2.2.1. Dégressivité étendue et accrue des allocations de chômage ordinaires
      2. 2.2.2. Réforme du stage et des allocations d’attente
      3. 2.2.3. Autres réformes
      4. 2.2.4. Le contrôle des chômeurs après la sixième réforme de l’État
    3. 2.3. Les réactions aux réformes de l’assurance chômage décidées par le gouvernement Di Rupo
      1. 2.3.1. Sur le plan politique
      2. 2.3.2. Sur le plan social
        1. 2.3.2.1. Réactions au sein du monde syndical
        2. 2.3.2.2. Réactions au sein du monde associatif
      3. 2.3.3. Sur le plan juridictionnel
        1. 2.3.3.1. L’argument tiré du principe de standstill
          1. 2.3.3.1.1. Contestation de la dégressivité accrue des allocations ordinaires
          2. 2.3.3.1.2. Contestation de la réforme des allocations d’insertion
          3. 2.3.3.1.3. Contestation de la réforme du statut de chômeur partiellement inapte au travail
          4. 2.3.3.1.4. Conclusion
        2. 2.3.3.2. L’argument tiré du principe de légalité : la loi « réparatrice » du 25 avril 2014
  4. 3. Les réformes de l’assurance chômage décidées par les gouvernements Michel I et Michel II
    1. 3.1. Les premières réformes décidées par le gouvernement Michel I
      1. 3.1.1. Genèse
      2. 3.1.2. Réformes du stage d’insertion professionnelle et des allocations d’insertion
      3. 3.1.3. Autres réformes
    2. 3.2. Le jobsdeal de l’été 2018
    3. 3.3. Les mesures du gouvernement Michel II
    4. 3.4. Les réactions aux réformes de l’assurance chômage décidées par les gouvernements Michel I et Michel II
      1. 3.4.1. Sur le plan politique
      2. 3.4.2. Sur le plan social
      3. 3.4.3. Sur le plan juridictionnel
  5. Conclusion
Mis en ligne sur Cairn.info le 17/03/2020
https://doi.org/10.3917/cris.2438.0005
ISBN 9782870752289
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