CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1En juillet 2004, dans sa déclaration de politique régionale, le gouvernement wallon Van Cauwenberghe II (PS/CDH) annonce son intention d’introduire un mécanisme de motion de méfiance constructive au niveau des collèges communaux dans le Code de la démocratie locale et de la décentralisation (CDLD) fraîchement décrété  [1] : « Un décret sur la démocratie locale généralisant les bonnes pratiques de gouvernance communale devra être élaboré et prévoira notamment (…) une responsabilité accrue des élus communaux avec la possibilité de démettre un échevin, un bourgmestre ou le collège dans son ensemble, par une motion de méfiance constructive adoptée par une majorité qualifiée dans des circonstances et des moments déterminés »  [2]. Un an plus tard, cette volonté d’accroître la responsabilité des élus communaux est concrétisée par un décret wallon du 8 décembre 2005  [3], qui introduit un nouvel article L1123-14 dans le CDLD. Entré en vigueur le 2 janvier 2006, cet article dispose :

2

« Le collège, de même que chacun de ses membres, est responsable devant le conseil.
Le conseil peut adopter une motion de méfiance à l’égard du collège ou de l’un ou de plusieurs de ses membres.
Cette motion n’est recevable que si elle présente un successeur au collège, à l’un ou à plusieurs de ses membres, selon le cas. (…) »

3 Cette innovation législative wallonne et son application durant la période 2006-2011 ont fait l’objet d’une précédente livraison du Courrier hebdomadaire [4]. Pour sa part, la présente étude poursuit cette démarche, en se penchant sur la mandature communale 2012-2018.

4Le premier chapitre revient sur la notion de motion de méfiance et expose les conditions devant être respectées pour le dépôt d’une telle motion aux différents niveaux de pouvoir de l’État belge. Le deuxième chapitre analyse l’usage qui a été fait, dans les communes wallonnes en 2012-2018, du mécanisme de la motion de méfiance constructive individuelle, c’est-à-dire visant à démettre un ou plusieurs membres du collège communal ; huit cas sont étudiés (Dinant, Houffalize, Juprelle, Manage, Profondeville, Ramillies, Remicourt et Saint-Hubert). Le troisième et dernier chapitre procède de même concernant celui de la motion de méfiance constructive collective, c’est-à-dire portant sur l’ensemble du collège ; treize cas sont analysés (Aubange, Awans, Estinnes, Jemeppe-sur-Sambre, Lens, Lessines, Lierneux, Mettet, Mons, Montigny-le-Tilleul, Neupré, Thuin et Verviers ; est également évoqué celui de Leuze-en-Hainaut).

1. La notion de motion de méfiance

5La motion de méfiance constitue un instrument traditionnel du contrôle du pouvoir exécutif par l’assemblée élue devant laquelle il est responsable politiquement. Elle consiste en un mécanisme permettant à une assemblée de renverser un exécutif, ou de remplacer un ou des membres d’un exécutif contre leur gré, sans provoquer d’élections anticipées (la dissolution de l’assemblée en cas de crise politique n’étant, d’ailleurs, pas toujours possible).

6Une motion de méfiance est dite soit individuelle soit collective, selon qu’elle vise à ne démettre qu’un nombre limité de membres de l’exécutif (un seul ou quelques-uns) ou qu’elle porte sur l’ensemble des membres de l’exécutif. Elle est également dite soit constructive soit simple, selon qu’elle pourvoit ou non à la succession de la personne ou des personnes qu’elle vise à évincer.

7En Belgique, ce mécanisme peut actuellement être employé au niveau de l’Autorité fédérale, des Régions, des Communautés et de la Commission communautaire française (COCOF – lorsqu’elle exerce des compétences qui lui ont été transférées par la Communauté française)  [5] ; il est également d’application, en Région wallonne, pour le collège communal et pour le collège provincial. Les modalités et les effets des motions de méfiance varient en fonction du niveau de pouvoir concerné.

Tableau 1. Modalités de motion de méfiance, selon le niveau de pouvoir

Tableau 1. Modalités de motion de méfiance, selon le niveau de pouvoir

8Lorsqu’une motion de méfiance constructive est adoptée par l’assemblée, la démission de l’exécutif ou de ses membres visés par la motion est automatique, de même qu’est automatique l’installation d’un nouvel exécutif ou de remplaçants des membres visés.

1.1. Le niveau fédéral

9Au niveau fédéral, les motions de méfiance sont adoptées par la Chambre des représentants (les ministres étant responsables devant cette seule assemblée)  [6]. Elles peuvent être soit constructives soit simples.

10En vertu du principe de collégialité gouvernementale, une motion de méfiance constructive ne peut viser que l’exécutif fédéral tout entier  [7] ; il n’est donc pas possible de remplacer un ou quelques membres du gouvernement fédéral par cette voie. En outre, eu égard au fait que les ministres fédéraux sont constitutionnellement nommés et révoqués par le Roi, la motion de méfiance constructive ne peut proposer que le nom d’un successeur au Premier ministre ; c’est ensuite cette personne qui proposera au Roi le nom des ministres et des secrétaires d’État à nommer. Instaurée en 1993  [8], la possibilité de motion de méfiance constructive n’a pas encore été activée à ce jour.

11 Une motion de méfiance simple peut viser soit un ministre, soit plusieurs ministres, soit l’ensemble du gouvernement fédéral  [9]. En cas d’adoption d’une motion de méfiance simple visant l’ensemble du gouvernement, le gouvernement est tenu de démissionner mais le Roi (c’est-à-dire le gouvernement) peut préalablement dissoudre le Parlement fédéral et provoquer ainsi des élections anticipées. En revanche, en cas d’adoption d’une motion de méfiance simple ne visant qu’un ou plusieurs ministres, la doctrine juridique est divisée quant à l’obligation ou non pour celui-ci ou ceux-ci de démissionner  [10]. Certains auteurs affirment que, juridiquement, il n’y a pas d’obligation de démissionner : la décision de démettre le(s) ministre(s) visé(s) appartiendrait au Roi (et, dans les faits, au Premier ministre), qui pourrait choisir de ne pas démettre son ou ses ministre(s) – le Parlement ayant alors la possibilité, le cas échéant, de sanctionner l’ensemble du gouvernement fédéral par une motion de méfiance constructive. Mais d’autres soutiennent l’existence d’une coutume constitutionnelle obligeant le(s) ministre(s) visé(s) à démissionner.

1.2. Les Régions, les Communautés et la COCOF

12Au niveau des Régions et des Communautés, une motion de méfiance peut être individuelle ou collective, mais elle doit nécessairement être constructive ; une majorité des membres de l’assemblée qui souhaite renverser ou remanier l’exécutif est donc tenue de trouver un accord sur une nouvelle équipe ou sur un ou plusieurs remplaçants. Le mécanisme de motion de méfiance constructive aux niveaux régionaux et communautaires a été introduit dans les années 1980  [11] ; il s’explique par l’impossibilité dans laquelle se trouvent les gouvernements de Région et de Communauté de dissoudre leurs assemblées respectives.

13 En ce qui concerne le gouvernement bruxellois, si une motion vise un secrétaire d’État ou un ministre autre que le ministre-président, c’est à la majorité absolue des parlementaires du groupe linguistique auquel appartient la personne visée que cette motion doit être adoptée ; si elle vise le ministre-président, c’est à la majorité absolue des membres de l’assemblée ; et si elle vise le gouvernement dans son ensemble, c’est à la majorité absolue des membres de l’assemblée et à la majorité absolue de chacun de ses deux groupes linguistiques (français et néerlandais).

14 Par ailleurs, si une telle motion est adoptée à l’égard de tout ou partie de son collège lorsque l’Assemblée de la COCOF exerce les compétences provenant de la Communauté française, le remplacement du ou des ministres concernés s’applique également aux membres francophones du gouvernement régional. Il existe une procédure particulière lorsque la motion vise le ministre-président régional en tant que membre de l’exécutif de la COCOF : c’est alors l’ensemble du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale qui doit voter, et non le seul groupe linguistique français.

15 À cette date, le mécanisme de la motion de méfiance n’a été activé au niveau régional ou communautaire qu’à une seule reprise : en Région wallonne, le 28 juillet 2017, lorsqu’une coalition MR/CDH s’est substituée par ce biais à la majorité PS/CDH mise en place à la suite des élections du 25 mai 2014  [12]. Il s’est agi, en l’occurrence, d’une motion de méfiance constructive collective  [13].

1.3. Les provinces et les communes

16Au niveau local, la possibilité de motion de méfiance n’existe qu’en Région wallonne  [14], en ce compris en région de langue allemande (où la Communauté germanophone est désormais compétente en matière de composition, d’organisation, de compétence et de fonctionnement des institutions communales mais où, à ce jour, il n’a pas été décidé de modifier ou d’abroger ce dispositif).

1.3.1. En Région wallonne

17Les modalités par lesquelles un conseil communal ou provincial de Wallonie peut démettre un ou plusieurs membres du collège communal ou provincial ou l’ensemble de ce collège ont été inscrites dans le Code de la démocratie locale et de la décentralisation (CDLD) en 2005  [15], aux articles L1123-14, § 1er, (pour les communes) et L2212-44 (pour les provinces)  [16]. Elles sont entrées en vigueur le 2 janvier 2006  [17].

18Les motions de méfiance peuvent être individuelles ou collectives, mais elles doivent nécessairement être constructives. Pour être valablement adoptées, elles doivent être approuvées par la majorité des membres du conseil. Lorsqu’elle concerne l’ensemble du collège, une motion n’est recevable que si elle est déposée par la moitié au moins des conseillers de chaque groupe politique formant une majorité alternative (dans ce cas, la présentation d’un successeur au collège constitue un nouveau pacte de majorité  [18]) ; lorsqu’elle concerne un ou plusieurs membres du collège, elle n’est recevable que si elle est déposée par la moitié au moins des conseillers de chaque groupe politique participant au pacte de majorité. Il est à noter que, au niveau communal, la désignation automatique du bourgmestre reste d’application  [19], étant entendu que le mayeur contre lequel une motion de méfiance vient d’être adoptée n’est évidemment plus pris en considération.

19L’introduction de la possibilité de recourir au mécanisme de la motion de méfiance individuelle a eu pour objectif de régler une situation problématique qui intervenait jusqu’alors de manière récurrente dans les communes wallonnes. En effet, auparavant, les acteurs politiques locaux ne disposaient d’aucun moyen pour évincer un échevin ou un bourgmestre qui était en désaccord avec le reste du collège communal. Il arrivait certes que la personne en situation de conflit se voie retirer ses attributions. Mais elle n’en demeurait pas moins membre du collège à part entière, de même qu’elle continuait à percevoir son traitement  [20].

20Pour sa part, l’instauration du mécanisme de la motion de méfiance constructive collective a eu pour principal objectif de permettre un changement de la coalition qui dirige la commune en cas de crise politique – l’organisation d’élections anticipées à ce niveau de pouvoir n’étant prévue que dans des cas extrêmes.

21 Depuis 2011, année de parution de la précédente livraison du Courrier hebdomadaire consacrée aux motions de méfiance dans les communes wallonnes  [21], est intervenue une modification législative qu’il convient de pointer ici.

22 Dès 2005, l’article L1123-14, § 3, du CDLD a prévu que :

23

« Une motion de méfiance concernant l’ensemble du collège ne peut être déposée avant l’expiration d’un délai d’un an et demi suivant l’installation du collège communal.
Lorsqu’une motion de méfiance à l’encontre de l’ensemble du collège a été adoptée par le conseil, aucune nouvelle motion de méfiance collective ne peut être déposée avant l’expiration d’un délai d’un an.
Aucune motion de méfiance concernant l’ensemble du collège ne peut être déposée après le 30 juin de l’année qui précède les élections. »

24Par un décret wallon du 26 avril 2012  [22], ce paragraphe a été complété par un alinéa disposant :

25

« Au cours d’une même législature communale, il ne peut pas être voté plus de deux motions de méfiance concernant l’ensemble du collège. »

26Cette limitation a pour objectif d’apaiser les inquiétudes relatives au risque d’instabilité qu’induirait la possibilité d’adopter une motion de méfiance collective au niveau communal. Ces inquiétudes avaient déjà été manifestées pendant les débats parlementaires ayant mené à l’adoption du décret introduisant le mécanisme en 2005  [23], et elles se sont prolongées lors de l’évaluation du CDLD  [24] menée par le Parlement wallon en 2007  [25]. Certains chercheurs universitaires avaient également relevé ce risque d’instabilité, estimant par exemple que l’introduction d’une telle motion au niveau communal générerait potentiellement « une insécurité nouvelle dans le travail et la continuité de la majorité communale » (tout en reconnaissant qu’elle pouvait par ailleurs contribuer à la sortie d’une éventuelle paralysie)  [26]. Enfin, l’Union des villes et communes de Wallonie (UVCW)  [27] avait aussi manifesté son inquiétude dans un avis contribuant à l’évaluation du CDLD réalisée en 2007  [28].

27Désormais, donc, quatre dispositions du CDLD restreignent la période pendant laquelle l’adoption d’une motion de méfiance concernant l’ensemble du collège communal est possible. Primo, il est interdit de déposer une telle motion dans les 18 mois qui suivent l’installation du collège consécutivement à des élections communales. Secundo, il doit s’écouler au moins 12 mois entre deux adoptions d’une telle motion. Tertio, aucune motion de ce type ne peut être déposée après le 30 juin de l’année qui précède des élections communales. Quarto, il ne peut être voté qu’au maximum deux motions de ce type durant une mandature communale.

28En réalité, la limite supplémentaire posée par le décret du 26 avril 2012 est d’un effet assez modeste. En effet, avec les trois balises préexistantes, il était déjà impossible de procéder à plus de trois changements de majorité durant une même mandature communale, et encore le fait de parvenir à activer trois motions de méfiance constructive collective relevait-il de la gageure.

29 D’une part et avant tout, il est juridiquement difficile d’envisager trois renversements d’alliance au cours d’une même mandature communale pour des raisons de temporalité. Prenons le cas de la mandature communale 2006-2012. Les collèges communaux se doivent d’être installés le premier lundi du mois de décembre qui suit les élections  [29] soit, dans le cas considéré, le lundi 4 décembre 2006. Le dépôt d’une motion de méfiance collective n’étant autorisé qu’un an et demi après l’installation du collège communal, la première date possible est le 4 juin 2008. Un délai de 7 jours au minimum devant intervenir avant que le conseil communal puisse adopter cette motion  [30], le vote ne peut intervenir que le 11 juin 2008 au plus tôt. Ensuite, si tel a été le cas et que ce vote s’est conclu par une adoption, le dépôt d’une nouvelle motion du même type ne peut avoir lieu qu’au plus tôt le 11 juin 2009 et donc son adoption le 18 juin 2009. Il ne reste alors qu’à peine plus d’un an, entre le 18 juin 2010 et le 30 juin 2011, pour que soit déposée et adoptée une troisième motion du même type (les élections communales suivantes ayant lieu en octobre 2012).

30 D’autre part, il est politiquement assez difficile d’imaginer que trois renversements d’alliance soient possibles au cours d’une même mandature communale. En effet, non seulement activer une motion de méfiance collective constructive nécessite de trouver une majorité alternative, mais cela implique aussi de renvoyer d’anciens partenaires dans l’opposition, qui plus est dans un contexte tendu. Reproduire cela une deuxième fois nécessite la mise sur pied d’une nouvelle alliance, avec les mêmes implications. Vu la proportion de conseillers communaux nécessaire pour constituer une majorité, un troisième changement de majorité impliquerait assez vraisemblablement de remettre ensemble des partenaires qui, plus tôt durant la mandature, se sont déchirés. Enfin, rappelons que presque trois quarts des communes wallonnes ont vu une liste remporter la majorité absolue des sièges lors du scrutin local du 14 octobre 2012  [31], ce qui, sauf le cas de divisions internes au groupe majoritaire, réduit la possibilité de voir se constituer des alliances alternatives.

31 Au niveau provincial, une telle réforme n’a pas été opérée. Dès lors, l’article L2212-44, § 2, du CDLD est resté identique :

32

« Une motion de méfiance concernant l’ensemble du collège ne peut être déposée avant l’expiration d’un délai d’un an et demi suivant l’installation du collège provincial.
Lorsqu’une motion de méfiance à l’encontre de l’ensemble du collège a été adoptée par le conseil, aucune nouvelle motion de méfiance collective ne peut être déposée avant l’expiration d’un délai d’un an.
Aucune motion de méfiance concernant l’ensemble du collège ne peut être déposée après le 30 juin de l’année qui précède les élections. »

1.3.2. En Communauté germanophone

33Au printemps 2014, la Région wallonne a transféré à la Communauté germanophone l’exercice de compétences relatives à la composition, à l’organisation, à la compétence et au fonctionnement des institutions communales en région de langue allemande  [32]. Désormais, la Communauté germanophone est donc compétente pour modifier le CDLD sur ces points. Elle a d’ailleurs d’ores et déjà usé de ses nouvelles prérogatives. Ainsi, par un décret du 21 novembre 2016, elle a abrogé le mécanisme de désignation automatique du bourgmestre qui avait été adopté par le Parlement wallon en 2005  [33]. En revanche, bien qu’elle en ait à présent la faculté, elle n’a pas modifié l’article L1123-14 du CDLD relatif au mécanisme de motion de méfiance constructive au niveau communal.

1.3.3. Un mécanisme effectivement employé

34Aux niveaux de l’Autorité fédérale, des Régions et des Communautés, l’utilisation du dispositif de la motion de méfiance constructive est extrêmement rare, ce qui a pu faire dire à certains auteurs que ce mécanisme est un « gadget institutionnel à l’utilité discutable »  [34]. Comme on l’a déjà vu, il n’a encore jamais été utilisé au niveau fédéral et ne l’a jusqu’à présent été qu’une seule fois dans une entité fédérée (en Région wallonne en juillet 2017). De même, il n’a encore jamais été employé non plus dans les provinces wallonnes.

35En revanche, au niveau communal wallon, le recours au mécanisme de la motion de méfiance constructive est plus courant. Les premières motions de méfiance individuelles datent de 2006 et les premières motions de méfiance collectives de 2008  [35].

2. Les motions de méfiance individuelles (2012-2018)

36Les motions de méfiance dites individuelles peuvent aussi bien viser le bourgmestre d’une commune qu’un ou plusieurs échevins ou que le président du centre public d’action sociale (CPAS)  [36], soit tous les membres de ce que l’on nomme en Région wallonne, depuis 2005, le collège communal  [37].

37Il convient de souligner qu’il n’existe pas, à ce jour, de centralisation de l’information à propos des motions de méfiance individuelles adoptées – ni, a fortiori, déposées. Les cas examinés ici ont donc été identifiés par le moyen d’un dépouillement de la presse nationale et locale. Il faut en outre relever que l’adoption d’une motion de méfiance individuelle est possible tout au long de la mandature communale (au contraire des motions collectives, cf. supra) ; or le présent Courrier hebdomadaire présente la situation arrêtée au 31 août 2018. Par conséquent, il n’est pas possible de garantir que la liste des cas constituée est ou reste exhaustive. Elle n’en demeure cependant pas moins utile pour saisir l’usage que les acteurs politiques locaux font du mécanisme mis à leur disposition.

38D’après les informations que nous avons pu collecter, huit motions de méfiance individuelles ont été déposées durant la mandature communale 2012-2018, dont sept ont été adoptées. Par comparaison, le nombre de cas de telles motions déposées avait été de quatre avant les élections du 8 octobre 2006 (à Charleroi, La Louvière, Malmedy et Sambreville)  [38] et de cinq durant la mandature 2006-2012 (à Ohey, Rouvroy, Saint-Nicolas, Seneffe et Virton)  [39].

2.1. Cas répertoriés

39Les motions répertoriées sont chacune étroitement liées à un contexte local et à une situation personnelle spécifiques. Leur examen attentif permet toutefois de mettre en évidence certains traits distinctifs  [40].

40À Juprelle (province de Liège), le 17 octobre 2014, une motion de méfiance visant à évincer l’échevine des Affaires sociales, Patricia Poulet (de tendance MR), est approuvée par l’ensemble des conseillers communaux – à l’exception évidente de P. Poulet elle-même – du groupe politique Intérêts communaux (IC), regroupant des candidats CDH et MR, seul au pouvoir depuis les élections communales d’octobre 2012. Les justifications présentées à cette motion sont des absences aux événements organisés à Juprelle relevant de la compétence de l’échevine concernée, ainsi que des mensonges formulés au collège communal  [41].

41Le 6 novembre 2014, à Saint-Hubert (province de Luxembourg), une motion de méfiance est adoptée à l’encontre de l’échevin des Finances, Francis Dupont, du groupe politique Cap 2012 (pluraliste  [42]), seul groupe signataire du pacte de majorité. Pour justifier cette éviction, une perte définitive de confiance politique est avancée  [43]. Pour sa part, F. Dupont considère que la cause de cette motion est son abstention lors du vote du projet de crèche communale conçu par la majorité et par une coopérative à finalité sociale dirigée par le président de Cap 2012.

42 Le 31 mars 2015, à Manage (province de Hainaut), une motion de méfiance est votée à l’encontre de l’échevin des Finances, Maurice Hismans (élu sur la liste PS). Cette motion est approuvée par les élus du groupe PS, majoritaire. Elle fait suite à la décision du comité de vigilance du PS de Manage d’exclure M. Hismans du parti suite à son refus de verser les cotisations dues à sa formation  [44].

43 À Dinant (province de Namur), le 27 avril 2015, les conseillers communaux élus sur la Liste du bourgmestre (LDB), unique groupe politique partie prenante au pacte de majorité, votent une motion de méfiance à l’égard de l’échevin de l’Urbanisme, Thierry Bodlet. Le motif invoqué pour justifier cette exclusion est une perte définitive de confiance politique en raison d’opinions exprimées par T. Bodlet dans deux courriels des 12 et 18 février 2015  [45]. L’échevin y qualifie le bourgmestre de la ville de Dinant, Richard Fournaux (MR), de « pourri », écrivant qu’il est un « saboteur et le défenseur des tricheurs de tous poils »  [46]. Contestant cette décision qu’il estime illégale, T. Bodlet adresse un recours en annulation au Conseil d’État  [47], qui le rejette  [48].

44À Ramillies (province de Brabant wallon), le 20 février 2017, une motion de méfiance individuelle est adoptée par dix des onze conseillers communaux du groupe Intérêts communaux (IC, de tendance MR-PS-indépendant), formant à lui seul la majorité. Cette motion démet de ses fonctions l’échevin des Sports, Jean-Jacques Mathy (IC), en raison de problèmes éthiques : il lui est reproché d’avoir fait passer les activités d’une association sans but lucratif (asbl) communale au sein d’une asbl privée dont il est le président  [49].

45À Remicourt (province de Liège), la motion de méfiance adoptée le 31 mai 2017 vise le bourgmestre lui-même, Thierry Missaire (élu sur la liste Entente communale, de tendance MR-CDH-indépendant). Celui-ci est accusé de se trouver en situation de conflit d’intérêt et d’ingérence dans la gestion du CPAS, où travaille sa compagne  [50]. La motion de méfiance est approuvée par six des neuf conseillers de la liste Entente communale, seul groupe politique au pouvoir depuis 2012, et par trois conseillers socialistes.

46Le 13 mars 2018, à Profondeville (province de Namur), l’échevin des Travaux, Stéphan Tripnaux (Intérêts communaux - IC, de tendance MR-CDH), apprend le dépôt d’une motion de méfiance à son encontre. Cette démarche est intervenue à la suite de la déclaration par l’échevin, en juin 2017, de son intention de se porter candidat sur une liste rivale, Profondevillois engagés pour la société (PEPS), aux élections communales d’octobre 2018. En conséquence, la majorité communale (IC/Écolo) souhaite l’évincer du collège communal pour le restant de la mandature. Cependant, la motion de méfiance est rejetée le 22 mars suivant. En effet, depuis la séance du conseil communal du 16 novembre 2015, un des quatre élus Écolo siège comme indépendant, ce qui a réduit la majorité à 11 sièges sur 21. Dès lors, 11 votes sont nécessaires pour que la motion puisse être approuvée ; or, logiquement, S. Tripnaux vote contre la motion qui le vise. De plus, les deux conseillers de l’opposition PS s’abstiennent, tandis que le conseiller qui siège comme indépendant et les 7 élus du groupe PEPS votent contre. La motion ne recueille par conséquent que 10 votes, ce qui est insuffisant  [51].

47 Le 15 mai 2018, à Houffalize (province de Luxembourg), l’échevine du Développement économique et commercial, Nathalie Borlon, est écartée du collège communal pour des raisons très similaires à celles qui avaient justifié le dépôt d’une motion de méfiance à l’encontre de S. Tripnaux à Profondeville. Élue en octobre 2012 sur la liste Gestion et services (de tendance CDH), seul groupe politique représenté au collège communal, N. Borlon avait annoncé peu de temps auparavant qu’elle serait candidate sur la liste rivale L’Essentiel (de tendance MR) aux élections d’octobre 2018.

2.2. Analyse

48Différents constats ressortent de ce rapide tour d’horizon des huit motions de méfiance individuelles qui ont pu être recensées.

49Toutes les motions de méfiance individuelles visent une seule et unique personne. Le plus souvent, il s’agit d’un échevin : tel est le cas dans sept des huit motions recensées au cours de cette mandature. Seule la commune de Remicourt a vu son bourgmestre être mis en cause.

50Dans quatre communes (Dinant, Juprelle, Ramillies, Remicourt), c’est le comportement jugé problématique du membre du collège visé par la motion qui justifie le dépôt et l’adoption de celle-ci. Un cas comparable se produit dans une autre commune, Manage, où l’exclusion d’un des échevins de son parti entraîne ensuite son éviction du collège. Dans un cas seulement, à savoir à Saint-Hubert, c’est un désaccord politique à propos d’un dossier qui est à la base de l’exclusion d’un échevin du collège communal. Enfin, dans deux cas (Houffalize et Profondeville), qui se trouvent être les plus récents, c’est l’annonce par un échevin de son intention de se présenter sur une autre liste lors des élections communales du 14 octobre 2018 qui entraîne le dépôt d’une motion de méfiance à son encontre. Autrement dit, les raisons liées à la personnalité et au parcours d’un individu sont plus fréquentes que celles liées à des divergences quant à la gestion de la commune.

51 Dans sept des huit cas recensés, la majorité communale dont un des membres se voit exclure en cours de mandature est composée d’élus provenant d’un seul et même groupe politique. Il n’y a qu’à Profondeville qu’une majorité constituée par deux groupes politiques différents dépose une motion de méfiance à l’encontre de l’un des siens. Par ailleurs, à Remicourt, le groupe Entente communale doit compter sur l’appui de trois conseillers de l’opposition (en l’occurrence, du groupe PS) pour faire approuver la motion de méfiance constructive visant le bourgmestre, des dissensions internes étant apparues au sein du groupe majoritaire à l’occasion du vote.

52 Dans un seul cas, à savoir à Profondeville, la motion est rejetée. Cette situation est toutefois due à une configuration particulière. La majorité ne tient qu’à une voix, dont celle de l’échevin visé, or celui-ci vote contre sa propre éviction, ce qui empêche le quorum de voix requis d’être atteint.

53 Le dépôt de motions de méfiance individuelles intervient par deux fois dans les provinces de Liège, de Luxembourg et de Namur et une seule fois dans celles de Brabant wallon et de Hainaut. C’est la première fois qu’une motion de méfiance est déposée dans une commune du Brabant wallon (province qui, pour rappel, est celle qui compte le plus faible nombre de communes). En effet, avant les élections d’octobre 2006, les quatre cas recensés concernaient les provinces de Hainaut (2 cas), de Liège et de Namur, tandis que les cinq motions comptabilisées en 2006-2012 concernaient quant à elles des communes des provinces de Luxembourg (2 cas), de Hainaut, de Liège et de Namur.

54 Relativement à la taille des communes concernées, on observe que cinq d’entre elles comptent entre 5 000 et 9 999 habitants (Houffalize, Juprelle, Ramillies, Remicourt et Saint-Hubert), deux totalisent entre 10 000 et 14 999 habitants (Dinant et Profondeville), tandis qu’une seule dépasse 20 000 habitants (Manage). Durant la mandature qui s’achève, le mécanisme de la motion de méfiance individuelle a donc été principalement employé dans des communes de taille relativement réduite. Il n’en a pas toujours été ainsi, puisque Charleroi et La Louvière ont été parmi les premières communes à recourir à ce procédé, dès avant le scrutin de 2006.

55 Sur le plan temporel, on relève qu’aucune des huit motions individuelles recensées n’a été déposée au début de la mandature communale 2012-2018, et ce alors même qu’aucun délai légal ne contraint le conseil à attendre un certain temps avant de recourir à ce dispositif (à la différence de ce qui prévaut pour les motions visant le collège dans son ensemble). Il faut attendre octobre 2014 pour voir ce mécanisme activé pour la première fois. Cela peut paraître logique, dans la mesure où le dépôt de ces motions traduit souvent une situation de malaise (notamment en termes de relations interpersonnelles), qui nécessite généralement un peu de temps pour s’installer. On observe par ailleurs que deux motions ont été déposées au cours des derniers mois, soit à l’approche du scrutin du 14 octobre 2018 qui renouvellera l’ensemble des conseils communaux. Sans surprise, il s’agit des deux motions engendrées par la décision d’un échevin de se présenter sur une liste différente lors de ces élections.

56 Enfin, il est à mentionner que, selon les informations collectées, aucune commune n’a connu plus d’une motion de méfiance individuelle pendant cette mandature.

3. Les motions de méfiance collectives (2012-2018)

57Les motions de méfiance collectives sont celles qui visent à démettre l’ensemble du collège communal.

58D’après les informations fournies par le Service public de Wallonie (SPW), treize motions de méfiance collectives ont été adoptées  [52] au cours de la mandature communale 2012-2018 (ou, plus précisément, en raison des diverses balises temporelles fixées par le CDLD, entre le 3 juin 2014 et le 30 juin 2017, cf. supra). Par comparaison, durant la mandature 2006-2012, dix motions de méfiance visant l’ensemble du collège communal avaient été adoptées (à Ans, Fléron, Florennes, Gerpinnes, Gesves, Huy, Limbourg, Malmedy, Rouvroy et Sombreffe)  [53].

3.1. Cas répertoriés

59Le 25 septembre 2014, le conseil communal d’Awans (province de Liège) adopte une motion de méfiance constructive à l’encontre de la majorité PS/Entente communale (tendance CDH) et un nouveau pacte de majorité est établi entre le PS et le MR. Cette motion de méfiance collective intervient après de longues tensions, au sein même de la liste PS, entre le bourgmestre, André Vrancken, et l’échevine Sabine Demet.

60Une première motion de méfiance collective avait été approuvée lors de la séance du conseil communal du 27 juin 2014 – soit une vingtaine de jours à peine après le début de la période où un tel vote est possible (cf. supra). Elle avait déjà eu pour objectif de substituer à la coalition en place une coalition PS/MR, ces deux partis reprochant au bourgmestre A. Vrancken, soutenu en cela par les échevins d’Entente communale, de créer systématiquement des conflits interpersonnels  [54]. La motion avait été soutenue par 6 des 9 conseillers communaux PS, par 6 des 7 élus MR (dans l’opposition) et par l’unique élu Écolo (dans l’opposition également) ; à l’inverse, elle avait été rejetée par les autres conseillers communaux, dont les 3 autres PS – qui, pour ce motif, avaient été ensuite exclus de leur parti  [55] – et, bien entendu, les 2 échevins Entente communale qu’elle visait à reléguer dans l’opposition.

61Outre installer une nouvelle majorité constituée du PS et du MR, cette première motion de méfiance collective entendait procéder au remplacement d’A. Vrancken par S. Demet au poste de bourgmestre. Elle avait dès lors été qualifiée de « mixte » par ses partisans au conseil communal, en ce sens qu’elle portait à la fois sur le remplacement de l’ensemble du collège communal et sur le remplacement du bourgmestre et avait dès lors été considérée à la fois comme individuelle et comme collective. Le vote d’une motion de méfiance individuelle à l’encontre d’A. Vrancken était en effet nécessaire pour que ce dernier ne reste pas bourgmestre dans la nouvelle majorité, alors qu’il avait recueilli le meilleur score personnel au scrutin d’octobre 2012.

62C’est précisément la légalité de la nature mixte de la motion de méfiance du 27 juin 2014 qu’avait alors contestée A. Vrancken, par le biais d’un recours à l’autorité de tutelle, c’est-à-dire au ministre wallon des Pouvoirs locaux et de la Ville, Paul Furlan (PS). Celui-ci avait décidé d’annuler la motion de méfiance incriminée. Le ministre avait justifié sa décision en s’appuyant sur un arrêt du Conseil d’État datant de 2011 et énonçant la chose suivante : « Si des conditions de recevabilité et de procédures différentes régissent les motions individuelles et les motions collectives, cela ne fait pas obstacle à ce qu’une seule et même motion cumule ces deux caractères, pourvu que tant les conditions qui sont requises pour une motion individuelle que celles qui le sont pour une motion collective soient remplies »  [56]. En l’occurrence, selon P. Furlan, cette règle énoncée par le Conseil d’État n’avait pas été respectée à Awans, étant donné que les conditions pour déposer une motion de méfiance individuelle à l’encontre d’A. Vrancken n’avaient pas été remplies. En effet, une majorité au sein de la liste Entente communale était nécessaire (puisque, pour rappel, une telle motion de méfiance doit être déposée par la moitié au moins des conseillers de chacun des groupes politiques participant au pacte de majorité) ; or tel n’avait pas été le cas puisque ses deux conseillers avaient logiquement voté contre la motion. En conséquence de quoi, selon le ministre, l’adoption de la motion de méfiance « mixte » n’était pas valable.

63Mécontente de voir la motion de méfiance « mixte » annulée et de perdre son statut de bourgmestre, S. Demet avait alors contesté la décision de l’autorité de tutelle en intentant un recours devant le Conseil d’État. Le 29 juillet 2014, celui-ci avait cependant rejoint la position du ministre P. Furlan en déclarant la requête de S. Demet irrecevable et en décrétant notamment que, « si la volonté est également d’écarter le bourgmestre et de faire en sorte qu’il ne puisse plus être pris en considération dans la nouvelle majorité, il convient, dans un premier temps, de faire voter la motion de méfiance constructive par la majorité alternative et de déposer, dans un second temps, la motion de méfiance individuelle à l’égard du bourgmestre de la majorité originaire, signée par les groupes politiques de la nouvelle majorité en place, en laissant un délai de sept jours francs à la suite de ce dépôt avant le vote de ladite motion »  [57].

64La motion de méfiance « mixte » étant annulée, il a donc fallu procéder une seconde fois au vote d’une motion de méfiance constructive pour former une nouvelle majorité à Awans. Après de longues tractations, c’est finalement Pierre-Henri Lucas (MR) qui a été désigné à la tête de la commune, désormais de majorité PS/MR  [58]. En effet, en vertu de l’accord trouvé entre les deux partis, tous les élus de la liste PS (dont A. Vrancken et S. Demet) ont renoncé à tour de rôle au mayorat dans un souci d’apaisement  [59]. Par conséquent, en application de l’article L1123-4, § 2, du CDLD, c’est le candidat de la deuxième liste la plus importante de la majorité – en l’occurrence, le MR – ayant reçu le plus de voix de préférence – soit, dans ce cas-ci, P.-H. Lucas – qui devient bourgmestre.

65À Lierneux (province de Liège), le 22 octobre 2014, une motion de méfiance collective est votée à l’encontre de la majorité Ré-agissons (tendance CDH-indépendant)/Ensemble (tendance PS), qui est remplacée par une nouvelle majorité formée par les groupes Avec vous (regroupant des élus sans coloration politique particulière) et Ensemble. Le changement de majorité entraîne aussi un changement de bourgmestre, puisque la personne qui occupait jusqu’alors cette fonction, André Samray, appartient au groupe Ré-agissons, rejeté dans l’opposition par l’adoption de la motion  [60]. C’est un élu du groupe Avec vous, Fabrice Léonard, qui ceint l’écharpe mayorale. Pour justifier le changement d’alliance, ce dernier indique que « l’ancienne majorité n’avait pas été convaincante sur bon nombre de dossiers comme la crèche, la piste de ski voire le développement durable »  [61].

66À Estinnes (province de Hainaut), la motion de méfiance collective adoptée lors de la séance du conseil communal du 31 mars 2015 présente la particularité de ne viser en réalité qu’une seule personne. Le groupe Ensemble pour une majorité citoyenne (EMC, de tendance CDH), emmené par la bourgmestre Aurore Tourneur, détient alors la majorité absolue des sièges (10 conseillers sur 19). Mais une majorité de ses membres désire évincer l’échevine de l’Enseignement, Carla Grande, du collège communal pour motifs d’absences au conseil communal et d’incompétence. Pour sa défense, l’échevine sur la sellette qualifie la bourgmestre d’omnipotente et avance que celle-ci a estimé qu’elle commençait à souffrir de l’ombre que lui faisait l’échevine  [62]. Mais s’il évince cette échevine, le groupe EMC perd sa majorité absolue – à supposer même qu’il parvienne à mener cette manœuvre à son terme, puisqu’il ne peut compter sur la collaboration de C. Grande pour ce faire. C’est pourquoi il ne peut prendre le risque d’activer une motion de méfiance individuelle et choisit d’ouvrir le collège communal (en l’occurrence au groupe MR, jusqu’alors dans l’opposition), ce qui requiert l’adoption d’une motion de méfiance constructive visant à remplacer l’ensemble du collège.

67 Le 8 avril 2015, une motion de méfiance collective est adoptée à Lessines (province de Hainaut). Un an auparavant, en octobre 2014, des membres du groupe PS emmenés par le bourgmestre, Pascal de Handschutter, avaient désiré mettre fin au pacte de majorité qui les liait au groupe Ensemble (de tendance MR), principalement en raison de tensions entre le mayeur et l’échevin des Travaux, Claudy Criquielion (Ensemble)  [63]. Cependant, lors du vote qui avait alors eu lieu, trois élus de la liste PS, dont deux échevins, s’étaient opposés à la motion de méfiance collective déposée, empêchant son approbation  [64]. Six mois plus tard, en avril 2015, la motion de méfiance collective est cette fois approuvée par le conseil communal ; elle a pour effet, d’une part, d’installer une majorité composée non seulement du PS  [65] et d’Ensemble mais également désormais d’Oser-CDH et, d’autre part, d’écarter les deux échevins PS qui avaient fait entendre une voix discordante en octobre 2014 et de les remplacer par des échevins issus du groupe Oser-CDH  [66]. Le bourgmestre demeure inchangé.

68 À Lens (province de Hainaut), une nouvelle majorité, composée du groupe politique Lens et vous (regroupant des élus sans coloration politique particulière) et du PS, se forme le 20 avril 2015. Aux élections d’octobre 2012, un pacte de majorité entre le Mouvement démocratique communal (MDC, tendance MR-CDH-indépendant) et Lens et vous avait été négocié, plaçant Isabelle Galant (élue sur la liste MDC et de tendance MR) à la tête de la commune. Néanmoins, en milieu de mandature, Ghislain Moyart, bourgmestre de Lens pendant la mandature précédente et leader de Lens et vous, dit ne plus être sur la même longueur d’ondes que son partenaire de majorité  [67]. Il s’allie donc au PS, jusqu’alors dans l’opposition, avec lequel il adopte une motion de méfiance collective à l’encontre de la majorité MDC/Lens et vous. Une nouvelle majorité, composée de Lens et vous et du PS (qui reprochait notamment un « immobilisme » dans les dossiers et la gestion de la commune), voit donc le jour et G. Moyart retrouve le fauteuil de bourgmestre.

69 À Montigny-le-Tilleul (province de Hainaut), le mécanisme de la motion de méfiance collective est activé le 17 septembre 2015. Le vote de la motion intervient peu de temps après le décès de Véronique Cornet (MR), députée wallonne et, pour ce motif, bourgmestre empêchée  [68], mais aussi figure emblématique du MR à Montigny-le-Tilleul  [69]. Lors du scrutin d’octobre 2012, le MR avait obtenu la majorité absolue des sièges au conseil communal, et était par conséquent monté seul au pouvoir en début de mandature. Néanmoins, après le décès de V. Cornet, tête de liste aux dernières élections communales, son groupe politique préfère s’associer au PS en négociant avec lui un pacte de majorité dans le but d’impliquer un de ses concurrents dans la perspective des élections d’octobre 2018  [70]. Par ailleurs, c’est l’échevine Marie-Hélène Knoops (MR), jusqu’alors bourgmestre faisant fonction, qui devient mayeure.

70Un changement de majorité a lieu à Verviers (province de Liège) le 26 octobre 2015. Jusqu’alors, c’était une coalition CDH/MR, avec à sa tête Marc Elsen (CDH), qui dirigeait la ville. Les tensions étaient cependant vives entre les deux partenaires du pacte de majorité, et ce depuis le début de la mandature  [71]. Ces tensions se cristallisaient en particulier autour de deux hommes : le bourgmestre M. Elsen et l’échevin Freddy Breuwer (MR). Le mayeur de Verviers avait voulu obtenir la démission de ce dernier, tout en maintenant sa coalition avec le MR, ce que les libéraux avaient refusé bien que des tensions fussent perceptibles au sein de ce groupe. Par conséquent, le CDH décide de s’allier au PS, dans l’opposition depuis octobre 2012 après une sévère défaite électorale, pour former une nouvelle majorité. Le CDH ayant récolté un score électoral moins élevé que celui du PS aux dernières élections, ce changement d’alliance provoque aussi le remplacement du bourgmestre M. Elsen par la socialiste Muriel Targnion, troisième score de la liste PS aux dernières élections communales  [72].

71 À Aubange (province de Luxembourg), une motion de méfiance collective est adoptée le 30 novembre 2015. La bourgmestre, Véronique Biordi-Taddei (élue sur la liste Avec vous, de tendance PS), a décidé de mettre fin à la majorité que son groupe formait jusqu’alors avec le MR et de se tourner vers le CDH. Plusieurs arguments sont avancés par la bourgmestre pour justifier ce changement de partenaire : elle évoque un manque de confiance en ses échevins  [73], estime que, en se tournant vers le CDH, elle obtiendra davantage de subsides pour sa ville étant donné que ce parti participe au gouvernement wallon Magnette (PS/CDH), et dénonce « deux exemples précis de manquement à la loi » qu’elle attribue à son ancien collège  [74]. Il est à signaler que, avec cette motion de méfiance collective, cinq échevins perdent leur poste : non seulement l’unique échevin MR (en tant que membre d’un groupe ne faisant dorénavant plus partie de la majorité), mais aussi quatre des échevins appartenant au groupe politique de la bourgmestre. Après l’adoption de cette motion qui leur a retiré leurs échevinats, ces quatre personnes démissionnent du groupe Avec vous. La bourgmestre conserve son poste.

72 Le mécanisme de la motion de méfiance collective est actionné à Jemeppe-sur-Sambre (province de Namur) le 29 février 2016. Au lendemain des élections d’octobre 2012, c’était une majorité courte et hétéroclite, composée de quatre groupes politiques différents – MR, CDH, Écolo et Solidarité Environnement Liberté (SEL, regroupant des élus sans coloration politique particulière) –, qui s’était formée contre Joseph Daussogne, bourgmestre depuis 18 ans, et sa Liste du mayeur (de tendance PS) : cette majorité détient 13 des 25 sièges, contre 12 pour la liste de J. Daussogne  [75]. Le 29 février 2016, l’échevine Delphine Hachez (élue sur la liste SEL) rejoint le camp adverse, permettant à celui-ci de détenir désormais la majorité. D. Hachez justifie sa décision par de nombreuses entorses qui auraient été commises à l’encontre du pacte de majorité de 2012 et de la charte éthique de l’ancienne majorité  [76]. J. Daussogne peut ainsi à nouveau ceindre l’écharpe mayorale.

73La ville de Mons (province de Hainaut) connaît le vote d’une motion de méfiance collective le 11 mai 2016. À l’occasion du scrutin d’octobre 2012, la liste PS, emmenée par Elio Di Rupo (alors par ailleurs Premier ministre), avait récupéré la majorité absolue des sièges au conseil communal. Elle avait néanmoins décidé de négocier un pacte de majorité avec le MR, son partenaire durant la mandature précédente, attribuant l’échevinat des Finances à Georges-Louis Bouchez. Cependant, en mai 2016, ce dernier est évincé du collège communal suite à la décision du PS de changer de partenaire de majorité et de s’allier avec le CDH. Au conseil communal, le bourgmestre socialiste (et désormais ancien Premier ministre) justifie le vote de la motion de méfiance collective par plusieurs arguments. Tout d’abord, il dénonce les effets négatifs du tax shift [77] élaboré par le gouvernement fédéral Michel (N-VA/MR/CD&V/Open VLD)  [78]. Ensuite, E. Di Rupo pointe des divergences majeures sur des dossiers importants  [79]. Enfin, il dénonce l’attitude problématique du chef de file MR, G.-L. Bouchez. Désormais, la majorité communale est formée du PS et du CDH ; E. Di Rupo reste bourgmestre.

74 Une motion de méfiance collective est adoptée à Mettet (province de Namur) le 17 mars 2017. Jusqu’alors, c’était une majorité Intérêts communaux Actions Projets (ICAP, de tendance CDH)/Renouveau communal-Mouvement réformateur (RC-MR) qui dirigeait la commune. La motion de méfiance intervient après l’annonce de l’échevin Claude Boussifet (RC-MR) de son désir de rejoindre les rangs d’ICAP  [80]. Certains membres RC-MR du collège communal ont alors entamé des négociations avec les groupes Responsabilité, Ouverture, Progrès, Solidarité (ROPS, de tendance PS), Écolo et Gérer autrement (GA, regroupant des élus sans coloration politique particulière), alors tous dans l’opposition, pour former une nouvelle majorité. Néanmoins, c’est finalement avec ICAP que le groupe ROPS décide de s’allier, dans le but de former une majorité plus forte. L’opération n’implique pas de changement de bourgmestre, qui demeure Yves Delforge (ICAP).

75À Thuin (province de Hainaut), le changement de majorité survenu par le moyen de l’adoption d’une motion de méfiance collective intervient le 25 mars 2017, après que le PS – qui détient la majorité absolue des voix au conseil communal mais a préféré ne pas gouverner seul la commune – et le groupe Intérêts communaux (IC, de tendance CDH) ont décidé de se séparer de leur autre partenaire de majorité, le MR. Le groupe PS de Thuin est emmené en cela par le bourgmestre, Paul Furlan, qui a récemment dû se démettre de sa fonction de ministre des Pouvoirs locaux, de la Ville, du Logement et de l’Énergie au sein du gouvernement wallon Magnette (PS/CDH) dans le cadre de l’affaire politico-financière dite Publifin  [81]. Suite au vote intervenu le 25 mars 2017, la ville est désormais dirigée par les deux seuls groupes PS et IC. Le mayeur justifie le dépôt et l’adoption de cette motion par la manifestation de voix discordantes en dehors des réunions du collège communal, citant l’exemple récent du sauvetage d’une maternité à Lobbes ayant cristallisé les tensions entre les différents partenaires  [82]. Du côté du MR, le président provincial, Denis Ducarme, estime que cette éviction est une revanche de P. Furlan à l’égard de sa démission forcée du gouvernement wallon en janvier 2017  [83].

76C’est à Neupré (province de Liège) qu’a lieu le dernier vote d’une motion de méfiance collective pendant cette mandature communale. Suite aux élections d’octobre 2012, la commune est dirigée par une coalition PS/Intérêts communaux (IC, de tendance CDH), et ce alors même que le MR avait été le principal vainqueur du scrutin, devenant le premier parti de la commune en termes de voix. Le 16 juin 2017, une motion de méfiance collective est votée à l’encontre de la majorité en raison de tensions entre les deux partenaires, tensions qui se sont cristallisées par rapport à un projet de lotissement dans le centre de Rotheux  [84]. Cette motion, qui vise à évincer le groupe IC du collège communal en le remplaçant par le groupe MR, résulte aussi de la volonté de l’échevine Valérie Laplanche (élue sur la liste PS) de siéger au collège communal comme indépendante désormais  [85] ; la coalition PS/IC ne détenait en effet qu’une courte majorité de 11 sièges du 21, mise à mal par la défection de l’échevine. Le changement de majorité emporte avec lui le bourgmestre Arthur Cortis (PS), auquel succède Virginie Defrang-Firket (MR) à la tête de la commune.

3.2. Analyse

77Tout comme pour les motions de méfiance individuelles, les motifs présidant à l’adoption d’une motion de méfiance collective sont divers et variés. En outre, ils sont parfois pluriels.

78Bien entendu, l’adoption d’une telle motion peut résulter de tensions qui se sont développées entre les groupes politiques formant la majorité communale et qui sont devenues telles que l’un de ces groupes décide de remanier la composition de la coalition au pouvoir : soit en excluant purement et simplement un partenaire (Thuin) soit, plus fréquemment, en le remplaçant par un groupe qui siégeait jusqu’alors dans l’opposition (Aubange, Awans, Lens, Lierneux, Mettet  [86], Mons, Neupré, Verviers). Le plus souvent, ces tensions tiennent à des dossiers internes à la commune, mais elles prennent parfois place dans un cadre plus large (comme c’est le cas à Mons et à Thuin). Elles peuvent concerner l’ensemble de la politique portée par un groupe ou se centrer sur le comportement de certains des membres de ce groupe en particulier.

79 Mais l’adoption d’une motion de méfiance collective peut également être le fruit de problèmes au sein même de l’un des groupes politiques de la majorité communale (comme à Estinnes et à Lessines et, au moins partiellement, à Aubange et à Awans) : soit que ce groupe souhaite évincer l’un des siens en raison de son comportement (Estinnes), soit qu’il soit traversé par des divisions internes (comme à Lessines, où des tensions existaient à l’égard des membres du groupe PS s’étant opposés à une précédente motion de méfiance collective). Un autre cas de figure est celui d’un groupe qui se sent fragilisé suite à un événement interne et souhaite élargir la majorité afin de renforcer celle-ci ou, du moins, de déforcer l’opposition (Montigny-le-Tilleul). Régler de tels problèmes par le moyen d’une motion collective implique d’ouvrir la majorité à un nouveau partenaire.

80 D’autres circonstances existent également, comme la défection d’un membre de la majorité, qui rejoint l’opposition ou devient indépendant (Jemeppe-sur-Sambre, Neupré). Toutefois, dans ce cas de figure également, la cause première réside dans des tensions au sein de la majorité ou à l’intérieur d’un des groupes composant celle-ci.

81 Dans la plupart des cas, le vote d’une motion de méfiance collective n’a pas d’influence sur le nombre de groupes politiques composant la majorité. En effet, dans huit communes, il reste inchangé. Il augmente dans trois autres (Estinnes, Lessines et Montigny-le-Tilleul) et diminue dans les trois dernières (Jemeppe-sur-Sambre et Thuin).

82 Dans huit des treize communes concernées, le groupe politique qui était majoritaire au sein de l’ancien pacte de majorité – c’est-à-dire celui des partenaires ayant totalisé le plus de voix aux élections – conserve cette place dans le nouveau pacte de majorité. Dans trois communes, le nouveau parti majoritaire avait récolté davantage de voix que le précédent parti majoritaire (Jemeppe-sur-Sambre, Neupré et Verviers). C’est l’inverse dans deux autres communes : le parti majoritaire expulsé de la majorité communale avait recueilli davantage de voix que son successeur (Lens et Lierneux).

83 Sept des treize motions de méfiance collectives adoptées entre 2012 et 2018 ont conduit à un changement de bourgmestre (à Awans, Jemeppe-sur-Sambre, Lens, Lierneux, Montigny-le-Tilleul  [87], Neupré et Verviers). Parmi ces sept nouveaux mayeurs, on en dénombre six qui appartiennent à un groupe politique différent de celui de leur prédécesseur (la seule exception étant le cas bien spécifique de Montigny-le-Tilleul) et quatre qui ont obtenu un score électoral supérieur à celui de leur prédécesseur lors du dernier scrutin communal.

84 Les provinces les plus concernées par le phénomène sont celles de Hainaut (six cas) et de Liège (quatre cas) ; elles sont suivies par celles de Namur (deux cas) et de Luxembourg (un cas). Aucune motion de méfiance collective n’a été adoptée dans la province de Brabant wallon.

85 Dans la majorité des cas, les communes concernées par l’adoption d’une motion de méfiance collective sont des localités de taille relativement réduite : deux de moins de 5 000 habitants, trois d’entre 5 000 et 9 999 habitants, trois d’entre 10 000 et 14 999 habitants, et trois d’entre 15 000 et 19 999 habitants. On ne dénombre que deux communes de plus de 20 000 habitants : Verviers et Mons (respectivement 55 194 et 95 220 habitants). Le constat est donc similaire à celui posé pour les motions de méfiance individuelles (cf. supra).

86 La plupart des motions (à savoir six) ont été adoptées en 2015, soit à la moitié de la mandature. Hormis cet élément, aucun moment ne semble avoir été privilégié pour l’activation du dispositif de la motion de méfiance collective : deux motions ont été adoptées en 2014, deux en 2016 et trois en 2017.

87 Il est à souligner qu’aucune commune n’a connu plus d’une adoption (valable) de motion de méfiance collective pendant cette mandature. Le cas d’Awans ne fait pas exception à ce constat, puisque l’adoption d’une seconde motion s’explique par l’invalidation de la première. La limitation à un maximum de deux motions de méfiance collectives adoptées par mandature communale imposée par le décret wallon du 26 avril 2012 n’a donc pas trouvé à s’appliquer. Elle n’est pas non plus susceptible d’avoir constitué une contrainte dans l’une ou l’autre commune.

88 On note qu’aucune des communes concernées par une motion de méfiance collective en 2012-2018 ne l’avait déjà été en 2006-2012. Il semblerait donc que l’adoption d’une motion de méfiance collective permette à la commune concernée d’acquérir par la suite une certaine stabilité politique.

89 Tâchons maintenant de déterminer quels sont les gains et les pertes (ou les statu quo) de chacun des quatre principaux partis politiques (PS, MR, CDH et Écolo)  [88] pour l’ensemble des motions de méfiance collectives adoptées au cours de la mandature communale 2012-2018  [89].

90Les résultats complets de cette démarche figurent dans le tableau reproduit en annexe du présent Courrier hebdomadaire. Ils sont synthétisés dans le tableau 2 ci-après. Avant de commenter ces données ici, il convient de noter combien leur interprétation appelle à la vigilance. Souvent en effet, la politique communale ne se réduit pas uniquement aux quelques grands partis. En outre, beaucoup de listes liées à ceux-ci accueillent des candidats d’ouverture, qui ne sont pas officiellement membres du parti  [90]. Enfin, il arrive régulièrement qu’une même liste comprenne des candidats issus de partis différents. Dans le cas de telles alliances, nous avons fait le choix de comptabiliser l’ensemble des partis politiques représentés au sein de la liste. En d’autres termes, si par exemple, un groupe politique composé de membres du MR et du CDH est victime d’une motion de méfiance collective, nos statistiques prennent en compte aussi bien l’évincement du MR que celui du CDH.

Tableau 2. Impact des motions de méfiance sur la participation des principaux partis dans les collèges communaux (2012-2018)

Tableau 2. Impact des motions de méfiance sur la participation des principaux partis dans les collèges communaux (2012-2018)

91Le PS apparaît comme le seul gagnant global des différentes motions de méfiance collectives adoptées dans les communes wallonnes durant la mandature 2012-2018. En effet, non seulement il s’est maintenu au pouvoir partout où il le détenait, mais il est en outre entré dans quatre majorités supplémentaires. À l’inverse, le MR est le principal perdant global : s’il est entré dans trois majorités, il a été éjecté de sept autres, si bien que, au total, il participe au pouvoir dans quatre communes de moins qu’en début de mandature. Pour leur part, le CDH et Écolo souffrent globalement de l’activation du mécanisme, mais dans des proportions moindres : au final, chacune de ces deux formations participe au pouvoir dans une commune de moins. On note qu’Écolo est le parti qui est le moins impliqué dans les changements de majorités communales, ce qui s’explique sans doute partiellement par le fait qu’il est moins bien implanté au niveau local que les trois partis traditionnels  [91] et fait donc partie de moins de pactes de majorité qu’eux.

92Nous avons déjà relevé que, dans six communes, l’adoption de la motion de méfiance collective a eu pour effet de ravir le mayorat à un groupe politique au profit d’un autre (Awans, Jemeppe-sur-Sambre, Lens, Lierneux, Neupré et Verviers). Ajoutons ici que, dans trois cas, le groupe politique qui a ainsi perdu le mayorat n’en a toutefois pas moins continué à faire partie de la majorité communale (à savoir le groupe PS à Awans et à Neupré, et le groupe CDH à Verviers).

93Deux cas présumés d’interférence des politiques menées ou des événements survenus à un autre niveau de pouvoir (à savoir la Région wallonne ou l’Autorité fédérale) avec la vie communale sont à pointer. À Mons, les effets jugés négatifs du tax shift sont avancés par le PS comme justification à une éviction du MR. À Thuin, le bourgmestre PS Paul Furlan est accusé par le MR de l’avoir évincé en guise de représailles à son récent départ forcé du gouvernement wallon.

94 L’« appel » lancé le 19 juin 2017 par le président du CDH, Benoît Lutgen, en faveur d’une éviction du PS du pouvoir n’a certes concerné que des entités fédérées (à savoir la Région wallonne, la Région de Bruxelles-Capitale et la Communauté française)  [92]. Toutefois, il n’était pas d’emblée exclu que, en guise de représailles, le PS n’éjecte le CDH de certaines majorités communales en Wallonie. Mais tel n’a pas été le cas. Peut-être l’une des raisons de cet état de fait réside-t-elle dans un manque de temps. En effet, eu égard aux délais imposés par l’article L1123-14 du CDLD, aucune motion de méfiance collective ne pouvait plus être déposée après le 23 juin 2017 ni adoptée après le 30 juin 2017, ce qui ne laissait donc au PS que très peu de jours pour se retourner et agir. Peut-être s’agit-il là d’un élément que B. Lutgen avait anticipé, et dont il avait tenu compte pour minimiser tout risque d’un retour de flammes au niveau communal.

95 La vie interne des partis peut également avoir une influence sur les alliances communales, et inversement. Ainsi, à Awans et à Lessines, des membres du PS sont exclus de ce parti pour leur position lors du vote d’une première motion de méfiance collective  [93].

96 Les cas rapportés ci-avant ont également permis de prendre connaissance de deux exemples de motions de méfiance collectives ayant été déposées mais ayant échoué à produire leur effet : l’une pour des raisons politiques, à savoir l’absence de majorité nécessaire à l’adoption de la motion (à Lessines, en octobre 2014), et l’autre pour des motifs juridiques, en l’occurrence l’annulation de la motion adoptée par l’autorité de tutelle (à Awans, en juin 2014). À cet égard, la presse rapporte au moins un troisième cas de motion de méfiance collective avortée. À Leuze-en-Hainaut (province de Hainaut), une motion de méfiance collective a été déposée en mai 2015 à l’encontre de la majorité Idées (tendance CDH)/MR et de son bourgmestre, Christian Brotcorne (Idées), par des conseillers communaux MR et PS. Elle a cependant échoué à être adoptée au début du mois de juin 2015, en raison des abstentions d’un élu MR et d’un élu PS, et ce malgré 11 voix en sa faveur et 10 contre  [94]. Il est à noter que l’instigateur de la motion ratée, l’échevin Hervé Cornillie (MR), a ensuite vu ses compétences lui être retirées par le collège communal en août 2015  [95], sans toutefois que cela ne découle d’une motion de méfiance individuelle.

Conclusion

97Contrairement à la situation qui prévaut aux niveaux fédéral, régionaux et communautaires ou provincial, où son emploi est exceptionnel voire inexistant, le mécanisme de la motion de méfiance constructive est effectivement employé dans les communes de Wallonie. Le recours à cet instrument juridique se situe dans la droite ligne des objectifs ayant présidé à l’instauration de ce dispositif dans le droit wallon relatif aux pouvoirs locaux : constituer une piste de solution pour régler une situation dans laquelle il y a une rupture de confiance politique entre plusieurs partenaires de coalition ou dans laquelle un membre de l’exécutif – communal, en l’occurrence – est en désaccord avec les autres membres du collège.

98Les cas d’adoption d’une motion de méfiance constructive dans les communes wallonnes demeurent cependant fort rares, raison pour laquelle il a paru utile de les répertorier ici de la manière la plus systématique possible pour la mandature 2012-2018. Seule une petite minorité des communes de Wallonie ont déjà connu pareil événement  [96], et aucune n’en a vécu plus d’un au cours d’une même mandature. Les craintes exprimées quant au fait que le dispositif de la motion de méfiance constructive (en particulier collective) n’entraîne une instabilité croissante au sein des majorités communales semblent donc s’avérer infondées, du moins à ce jour. Jusqu’à preuve du contraire, le dispositif semble offrir un juste équilibre entre la continuité de la gouvernance locale et la stabilité de la politique communale.

99Comment expliquer que le recours au mécanisme de la motion de méfiance constructive reste chose si peu fréquente ? Dans un ouvrage devenu classique, le philosophe et politologue français Bernard Manin estime que le mécanisme central par lequel les gouvernés influencent les gouvernants tient du fait que « les représentants soumis à réélection sont incités à anticiper le jugement rétrospectif des électeurs sur la politique qu’ils mènent »  [97]. Cette assertion est susceptible d’être d’application en ce qui concerne les motions de méfiance constructive. Le groupe politique qui change de partenaire par l’adoption d’une motion de méfiance collective peut être perçu par les électeurs comme étant un traître ou comme manquant de cohérence. À l’inverse, le groupe politique qui bénéficie de ce vote en intégrant une majorité peut être considéré par les citoyens comme l’élément perturbateur de la stabilité communale. Quant à la personne évincée du collège suite à l’adoption d’une motion de méfiance individuelle dirigée contre elle, elle est susceptible de faire profiter de cette situation une liste rivale qu’elle rejoindrait ou constituerait lors des prochaines élections. De telles possibilités sont prises en considération par les élus et, sans doute dans de nombreux cas, inhibent leur projet potentiel de procéder au dépôt d’une motion de méfiance.

100En outre, il ne faut pas oublier, d’une part, que toute adoption d’une motion de méfiance collective implique par définition un changement d’alliance et, d’autre part, que chaque recherche de partenaire se fait dans « l’ombre du passé »  [98]. Dès lors, une utilisation du dispositif de la motion de méfiance collective plane inévitablement sur toute négociation ultérieure entre des partenaires s’étant déchirés par ce biais. Par conséquent, les acteurs de la politique communale sont dissuadés de recourir à ce mécanisme lorsque le gain qu’il permettrait d’engranger à court terme ne leur semble pas justifier les effets qu’il ne manquerait pas d’avoir à plus long terme sur les relations avec le ou les partenaires de coalition évincés (par exemple, pour constituer une majorité au lendemain des élections communales suivantes).

101En conclusion, un peu plus d’une décennie après son instauration, le dispositif de la motion de méfiance constructive apparaît déjà bien ancré dans les réflexes de la politique communale, et le constat posé par le juriste Marc Uyttendaele en 2006 reste d’actualité : le dispositif de la motion de méfiance constructive « constitue avec le pacte de majorité un ensemble cohérent fondé sur la volonté d’affirmer au plus haut point tout à la fois le caractère politique du collège, le caractère représentatif des institutions communales et la nécessité de garantir au mieux leur stabilité »  [99].

Annexe

102 Pour chacune des treize motions de méfiance collectives adoptées dans une commune wallonne au cours de la mandature 2012-2018, le tableau ci-après présente les modifications qui ont été apportées à la composition partisane de la majorité suite à cet événement.

103Pour chaque situation, sont précisées la composition de la majorité (à savoir le nom de chaque liste et le nombre de ses conseillers communaux, ainsi que sa tendance lorsque celle-ci n’est pas explicite), la composition de l’opposition (mêmes renseignements) et l’identité du bourgmestre.

104Est indiqué également le nombre de voix recueillies, lors du scrutin du 14 octobre 2012, par chaque liste représentée au conseil communal (uniquement dans la colonne « Ancien pacte de majorité ») et par chaque bourgmestre.

Motions de méfiance constructive collectives dans les communes wallonnes (2012-2018)

Motions de méfiance constructive collectives dans les communes wallonnes (2012-2018)

Notes

  • [1]
    Rappelons que la régionalisation des règles organiques des pouvoirs subordonnés a été opérée par les loi spéciale du 13 juillet 2001 portant transfert de diverses compétences aux Régions et Communautés (Moniteur belge, 3 août 2001) et loi du 13 juillet 2001 portant diverses réformes institutionnelles relatives aux institutions locales de la Région de Bruxelles-Capitale (Moniteur belge, 31 août 2001).
  • [2]
    Parlement wallon, Déclaration de politique régionale du gouvernement wallon, n° 10/1, 20 juillet 2004, p. 45.
  • [3]
    Décret wallon du 8 décembre 2005 modifiant certaines dispositions du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, Moniteur belge, 2 janvier 2006.
  • [4]
    G. Matagne, E. Radoux, P. Verjans, « La composition du collège communal après la réforme du Code wallon de la démocratie locale », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2094, 2011, p. 10-11 et 23-30.
  • [5]
    Par ailleurs, tant au niveau fédéral que dans les Communautés, dans les Régions et à la COCOF, l’assemblée peut refuser de voter la confiance à l’exécutif responsable devant elle.
  • [6]
    Depuis la révision constitutionnelle du 5 mai 1993, le Sénat est dépourvu de la possibilité de contraindre un ministre ou un gouvernement à la démission (cf. C. Sägesser, C. Istasse, « Le Sénat et ses réformes successives », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2219-2220, 2014, p. 50 et 67).
  • [7]
    Article 96, alinéa 2, de la Constitution.
  • [8]
    Révision constitutionnelle du 5 mai 1993, Moniteur belge, 8 mai 1993.
  • [9]
    Article 46, alinéa 1er, de la Constitution ; article 101, alinéa 1er, de la Constitution.
  • [10]
    Cf., par exemple, Y. Sacreas, « De politieke ministeriële verantwoordelijkheid », Tijdschrift voor Bestuurswetenschappen en Publiekrecht, volume 56, n° 9, 2001, p. 632 ; M. Van Der Hulst, Le Parlement fédéral. Organisation et fonctionnement, Courtrai-Heule, UGA, 2011, p. 362 ; H. Dumont, « Les coutumes constitutionnelles, une source de droit et de controverses », in I. Hachez et al. (dir.), Les sources du droit revisitées, tome 1 : Normes internationales et constitutionnelles, Limal, Anthémis, 2012, p. 604.
  • [11]
    Article 71 de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 (Moniteur belge, 15 août 1980) ; article 51 de la loi de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone du 31 décembre 1983 (Moniteur belge, 18 janvier 1984) ; article 36 de la loi spéciale relative aux institutions bruxelloises du 12 janvier 1989 (Moniteur belge, 14 janvier 1989). Cf. aussi l’article 24 du décret spécial flamand relatif aux institutions flamandes du 7 juillet 2006 (Moniteur belge, 17 octobre 2006).
  • [12]
    Cf. J. Faniel, C. Istasse, « Les démissions ministérielles dans les entités fédérées (1981-2017) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2330-2331-2332, 2017 ; J. Faniel, C. Istasse, « Le “coup” du 19 juin 2017 : premier bilan », Les @nalyses du CRISP en ligne, 19 juin 2018, www.crisp.be.
  • [13]
    Cf. Parlement wallon, Motion de méfiance constructive déposée en application de l’article 71 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. Texte adopté en séance plénière, n° 878/2, 28 juillet 2017. Cf. aussi Parlement wallon, Motion de méfiance constructive déposée en application de l’article 71 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, déposée par Josy Arens (CDH), François Desquesnes (CDH), Dimitri Fourny (CDH), Isabelle Stommen (CDH), Patricia Potigny (MR), Jean-Paul Wahl (MR), Olivier Maroy (MR) et Lyseline Louvigny (MR), n° 878/1, 26 juillet 2017 ; Parlement wallon, Compte rendu intégral, n° 26, 28 juillet 2017, p. 1-10.
  • [14]
    À l’exclusion, donc, de la Région de Bruxelles-Capitale et de la Région flamande.
  • [15]
    Décret wallon du 8 décembre 2005 modifiant certaines dispositions du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, Moniteur belge, 2 janvier 2006.
  • [16]
    Ces deux articles sont très similaires : la seule différence entre eux réside dans la limitation à maximum deux motions de méfiance collectives par mandature au niveau communal (cf. infra).
  • [17]
    Le principe de la motion de méfiance constructive avait été décrété au niveau provincial dès 2004 (cf. le décret wallon du 12 février 2004 organisant les provinces wallonnes, Moniteur belge, 30 mars 2004), mais il n’était alors jamais entré en application (cf. S. Marnette, « Le Code de la démocratie locale et de la décentralisation : analyse et perspectives », in A.-L. Durviaux, G. Matagne, E. Radoux, P. Verjans (dir.), Le Code de la démocratie locale et de la décentralisation : enjeux et bilans politiques, Bruxelles, Larcier, 2011, p. 37).
  • [18]
    Le pacte de majorité est le document, adopté par une majorité de conseillers communaux, qui indique notamment l’identité du bourgmestre et des échevins.
  • [19]
    Article L1123-4, § 2, du CDLD. Pour rappel, est désignée de plein droit bourgmestre, dans les communes francophones de Wallonie, la personne de nationalité belge ayant recueilli le plus de voix de préférence sur la liste électorale du groupe le plus important parmi ceux participant au pacte de majorité.
  • [20]
    Pareille situation intervient encore en cas de conflit au sein du collège des bourgmestre et échevins d’une commune bruxelloise ou flamande.
  • [21]
    G. Matagne, E. Radoux, P. Verjans, « La composition du collège communal après la réforme du Code wallon de la démocratie locale », op. cit., p. 10-11 et 23-30.
  • [22]
    Décret wallon du 26 avril 2012 modifiant certaines dispositions du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, Moniteur belge, 14 mai 2012.
  • [23]
    Cf., par exemple, Parlement wallon, Compte rendu, n° 8, 30 novembre 2005, p. 34.
  • [24]
    Le processus d’évaluation du CDLD par la commission des Affaires intérieures et de la Fonction publique du Parlement wallon a fait intervenir différents experts et associations liées à la démocratie locale. Il s’est notamment agi d’évaluer les modifications récentes du CDLD, dont le mode de désignation du bourgmestre, l’introduction du mécanisme de la motion de méfiance constructive et les synergies entre le centre public d’action sociale (CPAS) et la commune.
  • [25]
    Cf., par exemple, Parlement wallon, Commission des Affaires intérieures et de la Fonction publique, Compte rendu analytique, n° 8, 2 octobre 2007, p. 13-26.
  • [26]
    P. Delwit, R. Dandoy, N. De Decker, « Les élections communales du 8 octobre 2006 en Belgique », L’année sociale 2006, 2007, p. 14.
  • [27]
    Dans cet avis, l’UVCW évoquait une dizaine de thématiques envisagées par la commission des Affaires intérieures et de la Fonction publique. Elle y évaluait plus spécifiquement quatre grandes thématiques : la démission de l’ensemble des membres d’un groupe politique participant au collège communal, la désignation du bourgmestre, la motion de méfiance constructive et la problématique des incompatibilités.
  • [28]
    Union des villes et communes de Wallonie, « Évaluation du CDLD. Commission des Affaires intérieures et de la Fonction publique », Avis, 11 septembre 2007, www.uvcw.be.
  • [29]
    Article L1122-3 du CDLD, alinéa 2.
  • [30]
    Article L1123-14, § 1er, du CDLD, alinéa 2.
  • [31]
    J. Faniel, « Les résultats des élections communales du 14 octobre 2012 en Wallonie », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2204-2205, 2013, p. 25.
  • [32]
    Décret wallon du 28 avril 2014 modifiant le décret du 27 mai 2004 relatif à l’exercice par la Communauté germanophone de certaines compétences de la Région wallonne en matière de pouvoirs subordonnés, Moniteur belge, 4 juin 2014 ; Décret de la Communauté germanophone du 5 mai 2014 modifiant le décret du 1er juin 2004 relatif à l’exercice, par la Communauté germanophone, de certaines compétences de la Région wallonne en matière de pouvoirs subordonnés, Moniteur belge, 18 juillet 2014 (à ce propos, cf. F. Bouhon, C. Niessen, M. Reuchamps, « La Communauté germanophone après la sixième réforme de l’État : état des lieux, débats et perspectives », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2266-2267, 2015, p. 40-41). En 2004, à l’occasion d’un autre transfert de ce type, la Communauté germanophone avait déjà obtenu l’exercice de la tutelle générale sur les neuf communes de la région de langue allemande.
  • [33]
    Décret de la Communauté germanophone du 21 novembre 2016 portant modification du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, notamment en ce qui concerne les élections au conseil communal, Moniteur belge, 22 décembre 2016. La Communauté germanophone est revenue au système plus traditionnel (et resté en vigueur en Région bruxelloise et en Flandre) de nomination des bourgmestres par le ministre (germanophone) chargé des Pouvoirs locaux sur proposition d’une majorité de membres du conseil communal.
  • [34]
    Analysant les mécanismes de la motion de méfiance au niveau local, le juriste Marc Uyttendaele critique les autres mécanismes de motion de méfiance, singulièrement pour les niveaux fédéral, régional et communautaire (cf. M. Uyttendaele, N. Uyttendaele, J. Sautois, Regards sur la démocratie locale en Wallonie : les nouvelles règles applicables aux communes, aux CPAS et aux provinces, Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 97).
  • [35]
    G. Matagne, E. Radoux, P. Verjans, « La composition du collège communal après la réforme du Code wallon de la démocratie locale », op. cit., p. 24-25.
  • [36]
    Sous certaines conditions en ce qui concerne le président du CPAS.
  • [37]
    Cf. le décret wallon du 8 décembre 2005 modifiant certaines dispositions du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (Moniteur belge, 2 janvier 2006).
  • [38]
    G. Matagne, E. Radoux, P. Verjans, « La composition du collège communal après la réforme du Code wallon de la démocratie locale », op. cit., p. 24.
  • [39]
    Ibidem, p. 24 et recherches personnelles. Le Courrier hebdomadaire n° 2094 étant paru au début du mois de mai 2011, nous avons poursuivi la recherche pour la période courant jusqu’aux élections communales du 14 octobre 2012. Cet exercice a permis de repérer deux motions de méfiance individuelles supplémentaires : l’une à Ohey le 10 juin 2011 et l’autre à Saint-Nicolas le 14 juin 2011, et de les ajouter aux trois déjà répertoriées auparavant (Rouvroy, Seneffe et Virton). Nous ne pouvons toutefois garantir l’exhaustivité de nos données pour la mandature communale 2006-2012.
  • [40]
    Pour établir les partis ou tendances politiques des listes électorales et groupes politiques présents dans les conseils communaux, nous nous sommes appuyé sur les données de l’UVCW (cf. www.uvcw.be) et sur la presse.
  • [41]
    Procès-verbal du conseil communal de Juprelle, séance du 17 octobre 2014.
  • [42]
    Dès sa création en 2006, ce groupe politique – qui s’appelait alors Cap 2006 – s’est revendiqué pluraliste. À l’occasion des élections d’octobre 2012, la liste Cap 2012 a toutefois été rejointe par des candidats CDH et Écolo (ces deux partis ne présentant alors pas de listes propres dans cette commune).
  • [43]
    Procès-verbal du conseil communal de Saint-Hubert, séance du 6 novembre 2014.
  • [44]
    Sudinfo, 1er avril 2015.
  • [45]
    Procès-verbal du conseil communal de Dinant, séance du 27 avril 2015.
  • [46]
    RTBF.be, 27 avril 2015.
  • [47]
    Pour justifier son recours, l’ancien échevin avance quatre arguments : l’absence d’impartialité du conseil ; le caractère inéquitable de la procédure ; la violation de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs ; un détournement de pouvoir établi par l’absence de véracité des motifs soutenant la motion de méfiance.
  • [48]
    Dans son arrêt, le Conseil d’État prononce l’absence de fondement des quatre arguments invoqués par T. Bodlet. Notamment, il récuse l’idée de l’existence d’un détournement de pouvoir. En effet, selon le Conseil d’État, le détournement de pouvoir n’est établi que si l’autorité « a agi exclusivement dans un but illicite ». Dans le cas de l’ancien échevin, l’emploi de termes injurieux envers le bourgmestre, lequel restait soutenu par les autres membres de la majorité, était « de nature à ébranler la confiance qui avait été placée en lui », ce constat suffisant à écarter l’hypothèse du détournement de pouvoir. Cf. Conseil d’État, Arrêt n° 235.783, 16 septembre 2016.
  • [49]
    TVCOM, 21 février 2017.
  • [50]
    RTBF.be, 8 mai 2017.
  • [51]
    Procès-verbaux du conseil communal de Profondeville, séances du 16 novembre 2015 et du 22 mars 2018.
  • [52]
    En revanche, il n’existe pas de répertoire des motions de méfiance collectives simplement déposées puis ayant échoué à être adoptées. Hormis ceux de Lessines et de Leuze-en-Hainaut (cf. infra), nos propres recherches n’ont pas permis de repérer de tels cas.
  • [53]
    G. Matagne, E. Radoux, P. Verjans, « La composition du collège communal après la réforme du Code wallon de la démocratie locale », op. cit., p. 25-30 et recherches personnelles. Le Courrier hebdomadaire n° 2094 étant paru au début du mois de mai 2011, nous avons poursuivi la recherche pour la période courant jusqu’au 30 juin suivant. Cet exercice n’a toutefois pas amené à ajouter de cas de motion de méfiance collective supplémentaires à ceux déjà répertoriés auparavant pour la mandature communale 2006-2012. Cf. aussi S. Marnette, « Le Code de la démocratie locale et de la décentralisation : analyse et perspectives », op. cit., p. 38.
  • [54]
    Conseil d’État, Arrêt n° 228.128, 29 juillet 2014, p. 1.
  • [55]
    Sudinfo.be, 18 juillet 2014.
  • [56]
    Conseil d’État, Arrêt n° 214.529, 11 juillet 2011, p. 13.
  • [57]
    Conseil d’État, Arrêt n° 228.128, 29 juillet 2014, p. 22. Une seule motion ayant été votée, ses dimensions collective et individuelle ont été jugées indissociables par le Conseil d’État (« Il ressort des pièces du dossier administratif que la motion de méfiance mixte n’a fait l’objet que d’un seul vote au sein du conseil communal de sorte qu’il n’est pas concevable de dissocier le volet collectif du volet individuel de cette motion ; que dans ces conditions, c’est bien la motion dans sa globalité qui est irrégulière »). Par conséquent, l’illégalité de la dimension individuelle de la motion a entraîné l’illégalité de l’ensemble de la motion, en ce compris sa dimension collective.
  • [58]
    RTBF.be, 26 septembre 2014.
  • [59]
    Ce faisant, en vertu de l’article L1123-4, § 3, du CDLD, les trois conseillers qui figuraient aux trois premières places de la liste PS aux élections communales d’octobre 2012 ont renoncé à occuper un poste au collège communal pour le reste de la mandature communale.
  • [60]
    A. Samray (495 voix au scrutin du 14 octobre 2012) avait accédé au mayorat seulement trois mois avant le vote de la motion de méfiance collective, quand il avait succédé à Louis Gaiotti (Ré-agissons, 511 voix). Ce dernier s’était retiré du collège communal parce qu’il estimait ne plus être « sur la même longueur d’ondes » que les membres de son groupe (VEDIA.be, 11 juillet 2014).
  • [61]
    RTBF.be, 22 octobre 2014.
  • [62]
    Procès-verbal du conseil communal d’Estinnes, séance du 31 mars 2015.
  • [63]
    RTBF.be, 21 octobre 2014.
  • [64]
    Bien que la majorité de chaque groupe politique constituant la majorité alternative soutenait la motion, le refus des trois mandataires PS de l’approuver empêchait d’obtenir la majorité requise au sein du conseil communal.
  • [65]
    La réalité est quelque peu complexe. Suite au vote intervenu en octobre 2014, les six conseillers communaux PS qui avaient initié puis soutenu la motion de méfiance avortée avaient été exclus du parti. En avril 2015, ce sont ces six mêmes personnes qui restent dans la majorité, tandis que les trois autres conseillers communaux élus sur la liste PS (et demeurés membres de ce parti) doivent désormais siéger dans l’opposition.
  • [66]
    La Libre Belgique, 8 avril 2015.
  • [67]
    RTBF.be, 20 avril 2015.
  • [68]
    Cf. G. Grandjean, « La limitation du cumul de mandats par les députés wallons », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2255-2256, 2015, p. 76 et 91.
  • [69]
    La Libre Belgique, 7 août 2015.
  • [70]
    Ibidem.
  • [71]
    Le Soir, 18 octobre 2015.
  • [72]
    Elle bénéficie en effet du retrait de la tête de liste et ancien bourgmestre Claude Desama de la vie politique et du retrait d’Hasan Aydin.
  • [73]
    La Libre Belgique, 19 novembre 2015.
  • [74]
    L’Avenir, 30 novembre 2015.
  • [75]
    RTBF.be, 29 novembre 2013.
  • [76]
    RTBF.be, 18 février 2016.
  • [77]
    Sur cette notion, cf. L. Simar, « Le “tax shift” ou glissement fiscal », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2319-2320, 2016.
  • [78]
    Procès-verbal du conseil communal de Mons, séance du 11 mai 2016.
  • [79]
    Le Soir, 19 avril 2016.
  • [80]
    La Nouvelle Gazette, 7 mars 2017.
  • [81]
    Cf. J. Faniel, C. Istasse, « Les démissions ministérielles dans les entités fédérées (1981-2017) », op. cit., p. 49.
  • [82]
    RTBF.be, 13 mars 2017.
  • [83]
    Le Soir, 13 mars 2017.
  • [84]
    La Libre Belgique, 30 mai 2017.
  • [85]
    Le Vif/L’Express, 29 mai 2017.
  • [86]
    À Mettet, le cas de figure est celui de « l’arroseur arrosé », puisque c’est initialement le groupe RC-MR qui a entrepris des démarches pour tenter d’évincer son partenaire, le groupe ICAP (suite à des tensions liées à une affaire de transfuge), mais c’est in fine le premier, et non le second, qui a été victime d’une motion de méfiance collective et a dû rejoindre les rangs de l’opposition.
  • [87]
    Le cas de Montigny-le-Tilleul est spécifique, puisque la bourgmestre faisant fonction a succédé à la bourgmestre en titre, décédée.
  • [88]
    Comme déjà précisé, les partis ou tendances politiques des listes électorales et groupes politiques présents dans les conseils communaux ont été établis sur la base des données de l’UVCW et sur la presse.
  • [89]
    Pour un exercice similaire à propos de la période précédente, cf. G. Matagne, E. Radoux, P. Verjans, « La composition du collège communal après la réforme du Code wallon de la démocratie locale », op. cit., p. 26-29.
  • [90]
    À ce sujet, cf. A. Vandeleene, J. Dodeigne, V. Jaminet, « Les candidats d’ouverture : où, qui, comment, pourquoi ? », dans R. Dandoy, J. Dodeigne, G. Matagne, M. Reuchamps, Les élections communales de 2012 en Wallonie, Bruges, Vanden Broele, 2013, p. 91-114.
  • [91]
    Cf. J. Faniel, « Les résultats des élections communales du 14 octobre 2012 en Wallonie », op. cit. ; F. Wille, K. Deschouwer, À propos d’hommes et de pouvoir : la formation des coalitions au sein des communes belges, Bruxelles, Academic and Scientific Publishers, 2012, p. 64.
  • [92]
    « Conférence de presse de Benoît Lutgen - 19/06/2017 », www.lecdh.be. À ce sujet, cf. J. Faniel, C. Istasse, « Le “coup” du 19 juin 2017 : premier bilan », op. cit.
  • [93]
    Les conseillers communaux awansois réintégrèrent cependant le PS par la suite.
  • [94]
    RTBF.be, 3 juin 2015.
  • [95]
    La Libre Belgique, 12 mars 2018. Plus tard encore, en mars 2018, H. Cornillie a présenté sa démission de ses fonctions d’échevin et de conseiller communal de son propre chef.
  • [96]
    Les 20 communes concernées durant la mandature 2012-2018 représentent 7,6 % du nombre total de communes wallonnes.
  • [97]
    B. Manin, Principes du gouvernement représentatif, nouvelle édition, s.l. [Paris], Flammarion, 2012, p. 228.
  • [98]
    W. C. Müller, T. Bergman, K. Strøm, « Coalition Theory and Cabinet Governance: An Introduction », in W. C. Müller, T. Bergman, K. Strøm (dir.), Cabinets and Coalition Bargaining: The Democratic Life Cycle in Western Europe, Oxford, Oxford University Press, 2010, p. 193. Cf. aussi, concernant diverses communes belges suite aux élections du 14 octobre 2012 (dont Malmedy), G. Grandjean, « Onderhandelen over vorming van een meerderheid en burgemeester worden in België: welke invloed heeft de regionale wetgeving? », Publiekrechtelijke Kronieken, n° 4, 2016, p. 594-610.
  • [99]
    M. Uyttendaele, N. Uyttendaele, J. Sautois, Regards sur la démocratie locale en Wallonie, op. cit., p. 95.
Archibald Gustin
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La motion de méfiance constitue un instrument traditionnel du contrôle d’un pouvoir exécutif par l’assemblée élue devant laquelle il est responsable politiquement. Elle permet à cette assemblée de renverser l’exécutif, ou de remplacer un ou des membres de l’exécutif contre leur gré, sans provoquer d’élections anticipées. Elle est dite constructive (par opposition à simple) lorsqu’elle pourvoit à la succession de la personne ou des personnes qu’elle vise à évincer.

En Belgique, les motions de méfiance peuvent être employées à différents niveaux de pouvoir : l’Autorité fédérale, les Régions, les Communautés et la Commission communautaire française (COCOF). Mais il n’y a qu’en Wallonie que ce mécanisme existe aussi au niveau des communes et des provinces ; il s’agit alors nécessairement, en vertu du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (CDLD), de motions constructives.

La mandature communale 2012-2018 a vu l’adoption d’une vingtaine de motions de méfiance constructive au sein des communes de Wallonie. Archibald Gustin étudie chacun de ces cas, en distinguant les motions individuelles (c’est-à-dire celles visant à démettre un ou plusieurs membres du collège communal) des motions collectives (portant sur l’ensemble du collège). Il analyse notamment, commune par commune, les causes d’activation du mécanisme, ainsi que les répercussions en termes de changement de la majorité communale et de renversement éventuel du bourgmestre.

Mis en ligne sur Cairn.info le 28/09/2018
https://doi.org/10.3917/cris.2378.0005
ISBN 9782870751923
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