CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1 L’élection présidentielle américaine du 6 novembre 2012 a vu la victoire du démocrate Barack Obama, face à son adversaire républicain Mitt Romney. Cette réélection du président sortant protège les acquis politiques qu’il a engrangés durant les quatre dernières années. En particulier, elle assure la pérennité de l’une des mesures phares de son premier mandat : la réforme du droit de la santé,dont une disposition centrale (l’obligation de s’assurer) doit entrer en vigueur en 2014 et que le candidat Mitt Romney avait promis d’abroger.

2 Lors de la campagne électorale de 2008, l’un des principaux thèmes développés par Barack Obama était la mise en place d’une profonde réforme du système de santé américain. Son ambition était de permettre la création, au niveau fédéral, d’une assurance santé universelle sans pour autant imposer une couverture santé obligatoire (à l’exception des enfants). Il s’agit là d’une question débattue par le Congrès depuis le début du XXe siècle. En 1912, l’ancien président Théodore Roosevelt en avait fait l’un des principaux points de son programme, mais il avait échoué à obtenir un nouveau mandat à la tête du pays. D’importantes réformes avaient ensuite été menées par les présidents Franklin D. Roosevelt (Social Security Act, en 1935) et Lyndon D. Johnson (création des deux programmes Medicare et Medicaid, en 1965). En 1993 encore, le président Bill Clinton avait échoué à faire passer un ambitieux projet.

3 Une fois élu président, B. Obama a été contraint de faire plusieurs concessions à ses adversaires, afin de faire adopter son texte de loi par le Congrès. Finalement, après maintes péripéties, il a pu promulguer, le 23 mars 2010, le Patient Protection and Affordable Care Act (loi sur la protection des patients et des soins abordables), surnommé « Obamacare ». Avec le Health Care and Education Reconciliation Act of 2010 (signé par le président le 30 mars), qui l’amende, cette loi constitue la plus importante réforme réglementaire du système américain de soins de santé depuis 1965. Les deux textes sont immédiatement devenus la cible des républicains. Après novembre 2010, une proposition d’abrogation a été déposée au Congrès, mais sans succès. La bataille s’est alors poursuivie sur le terrain juridique, plus d’une vingtaine de dossiers ayant été déposés pour contester la constitutionnalité de la loi (caractère obligatoire de l’assurance et réforme de Medicaid) et ces plaintes ayant été reçues favorablement par deux juges fédéraux. Finalement chargée de trancher le litige, la Cour suprême a rendu sa décision le 28 juin 2012, approuvant globalement la réforme de l’assurance maladie.

4 Désormais, la plupart des Américains ont donc l’obligation de s’assurer avant 2014, sous peine de pénalités. Des subventions seront accordées par l’État fédéral pour aider les petites et moyennes entreprises ainsi que les familles aux plus bas revenus à payer leurs cotisations. Par ailleurs, la loi interdit aux compagnies d’assurance de refuser de couvrir des personnes en raison de leurs antécédents médicaux et améliore la couverture des enfants. La réforme devrait coûter 940 milliards de dollars sur dix ans, son financement devant être assuré par des taxes sur les revenus élevés et par la baisse des dépenses de soins, mais également par des taxes supplémentaires sur les entreprises et les revenus de l’investissement. Concrètement, l’Obamacare permettra de garantir une couverture santé à 32 millions d’Américains qui en étaient jusqu’à présent dépourvus. Ces chiffres demeurent toutefois en deçà des promesses électorales de B. Obama en 2008, puisque la loi laissera toujours 5 % des résidents américains (23 millions de personnes) sans aucune couverture maladie.

5 Le présent Courrier hebdomadaire présente l’état actuel du système de soins de santé aux États-Unis et fait le point sur les réformes en cours. L’étude répond notamment aux diverses interrogations que suscite en Europe, et notamment en Belgique, ce système si différent de tous ceux qui existent sur le Vieux Continent. Elle prend également pour point de départ les diverses caractéristiques qui ne manquent pas d’interpeller l’observateur étranger ; par exemple, ce paradoxe qui veut que les États-Unis aient le système le plus cher et le plus complexe de tous les pays de l’OCDE, sans être pour autant l’un des plus performants, ni en termes de santé publique, ni en termes de qualité des soins ou d’accessibilité. L’analyse permet enfin de mettre en lumière les implications politiques, sociales, fiscales, budgétaires et culturelles de la réforme menée par Barack Obama, non seulement pour les États-Unis, mais également pour la planète entière. L’Obamacare comporte en effet des enjeux socio-politiques, qui non seulement sont centraux en politique intérieure américaine, mais qui en outre ont des répercussions internationales en raison du leadership scientifique et technologique mondial des États-Unis dans le domaine médical.

1. L’inspiration américaine

6 Nation jeune dans l’histoire contemporaine, les États-Unis d’Amérique ont acquis au cours des deux derniers siècles le statut d’hyper-puissance. Ce pays fédéral, indépendant depuis un peu moins de 250 ans, a connu une croissance démographique soutenue, de quelque 3 millions d’habitants dans la dernière partie du XVIIIe siècle à plus de 314 millions aujourd’hui. Ce développement a eu pour moteur une capacité exceptionnelle d’intégration de multiples vagues d’immigration, à partir du Royaume-Uni et de l’Irlande, puis de l’Europe continentale, de l’Afrique centrale, des Antilles, de l’Amérique latine et de l’Asie. Après l’Inde et la Chine, c’est aujourd’hui le troisième pays le plus peuplé, même s’il abrite moins de 5 % de la population mondiale.

1.1. La puissance américaine : hard power et soft power

7 On estime en 2011 le produit intérieur brut (PIB) des États-Unis à 15 000 milliards de dollars américains (USD), soit environ 22 % du PIB mondial. Lorsque l’on ramène ce même chiffre au PIB par habitant, les États-Unis et la Belgique se situent en 2011 à des niveaux de prospérité comparables, de l’ordre de 48 000 USD par habitant. Sous l’effet de la crise économique, le revenu des ménages américains a toutefois globalement baissé en 2010 et 2011, avec un accroissement de l’écart entre les plus riches et les plus pauvres.

8 Comme bien d’autres nations dominantes l’ont expérimenté avant eux, le statut « impérial » des États-Unis, combinaison de force militaire et industrielle et de prospérité, suscite tantôt l’admiration et la convoitise, tantôt l’hostilité et le rejet. Cette hégémonie s’exprime dans un grand nombre de domaines : on évoque le « hard power » pour désigner le pouvoir de coercition et la domination militaire, révérés comme instruments de libération de peuples opprimés lors des deux guerres mondiales du XXe siècle, et plus récemment lors des interventions au Koweït et en Irak, mais conspués lors d’autres conflits où l’armée américaine s’est embourbée (notamment en Corée, au Vietnam et en Afghanistan). Dans la même ligne, l’influence diplomatique des États-Unis, principal bailleur de fonds des organisations internationales comme l’ONU et ses agences spécialisées ou l’OTAN, met aussi le pays en position d’imposer certaines de ses vues par la voie diplomatique et par celle des sanctions économiques (comme c’est par exemple le cas aujourd’hui, avec un succès d’ailleurs mitigé, vis-à-vis de l’Iran). L’approche multilatérale que développe récemment le tandem Obama–Clinton  [1] nuance cette influence hégémonique, tandis que d’autres pays comme la France et le Royaume-Uni redéployent, comme en 2011 lors du renversement du régime libyen, un leadership qu’on finissait par croire réservé aux seuls États-Unis.

9 La solidarité américaine vis-à-vis de la communauté internationale peine à se manifester avec la même détermination sur le terrain de la protection de la biodiversité et de l’environnement, particulièrement en matière de prévention des changements climatiques. Malgré le constat des traumatismes collectifs causés par les ouragans, les sécheresses et les marées noires, et en dépit de l’action opiniâtre d’Al Gore  [2], qui s’est mué en défenseur d’une politique environnementale globale et ambitieuse, les États-Unis restent peu solidaires du reste de la planète : ils n’ont pas ratifié le protocole de Kyoto, rédigé en 1997 et entré en vigueur en 2005. Au nom de l’impératif de protection de l’activité industrielle et de la compétition avec la Chine, ce protocole a été rejeté sous le président Bill Clinton  [3] (1997) par un vote unanime des sénateurs fédéraux, à une époque où les États-Unis émettaient 23 % des gaz à effet de serre de la planète. Son successeur, le président George W. Bush  [4], n’a admis que très tardivement, en 2005, que ces gaz pourraient avoir un rôle dans le réchauffement climatique. Les États fédérés et les grandes municipalités ont par contre pris conscience de cet impact et engagé des programmes locaux de réduction de la production de ces gaz.

10 La domination américaine dispose d’un autre bras puissant : le « soft power »  [5]. La capacité d’attraction du modèle américain repose à la base sur la défense proclamée de valeurs universelles : liberté, justice, démocratie, respect des droits de l’homme. S’y ajoute la volonté explicite de la diplomatie américaine de collecter des soutiens en faveur de ses objectifs, d’abord auprès de ses traditionnels alliés occidentaux, mais aussi plus largement dans le monde entier. Cette volonté se heurte aujourd’hui à la montée de mouvements islamistes ouvertement hostiles au modèle américain et à l’émergence d’autres acteurs économiques puissants, comme la Chine et l’Inde, et accessoirement la Russie, le Brésil et l’Afrique du Sud  [6].

11 On trouve en tête du palmarès mondial des plus grandes firmes commerciales trois entreprises américaines (dans l’ordre : Exxon Mobil, JP Morgan Chase et General Electric). Apple a battu au cours de l’été 2012 le record historique absolu des capitalisations boursières, avec 623 milliards USD. La moitié des 100 premières multinationales mondiales est basée aux États-Unis, et elles se placent en tête des secteurs phares de l’économie (informatique, banque, finance, médias, pharmacie, etc.). Les capitaux en quête d’investissements sont absorbés à 65 % par les États-Unis, et les transactions financières, organisées surtout à partir de la place de Londres, servent principalement à financer l’économie américaine.

12 La dynamique hégémonique comporte un autre levier crucial : celui de la culture. Depuis le début du XXe siècle, les produits culturels américains et les modes qu’ils engendrent ont envahi le monde entier. La consommation de masse des pays développés a été fortement influencée par la création de centres commerciaux géants. L’alimentation à bas prix a été réorientée par le succès des chaînes de fast-food et par l’omniprésence planétaire des limonades sucrées. L’industrie du divertissement a d’abord diffusé partout la musique américaine, du jazz au rock’n’roll, à la country, au folk et à la techno. Poursuivant une expansion vertigineuse, l’industrie cinématographique et ses produits dérivés (parcs d’attractions, jeux vidéo, feuilletons télévisés  [7]) s’imposent sur tous les continents. Les nouvelles technologies de l’information ont massivement répandu les micro-ordinateurs, les logiciels bureautiques, l’Internet, les routeurs, les réseaux câblés, les satellites de télécommunications et leurs géo-localisateurs, les moteurs de recherche, les réseaux sociaux et les smartphones, quasiment tous inventés et dominés par des firmes américaines qui détiennent par ce canal un pouvoir d’influence inégalé.

13 L’Amérique pratique toutefois mieux que quiconque l’auto-critique, souvent virulente, de sa propre domination culturelle. On y trouve certains des plus sévères protestataires à l’égard d’Hollywood et de la culture de masse, des défenseurs acharnés des autres cultures du monde, des personnes qui dénoncent le sort des Afro-Américains et des Amérindiens, des militants écologistes, sans parler de tous ceux qui luttent contre le puritanisme, la censure, les guerres et les armes à feu, etc.

14 Sur le terrain de la recherche et de l’innovation, les États-Unis ont développé une tradition d’excellence, incarnée notamment par une haute densité d’universités prestigieuses et près de 4 000 établissements d’enseignement supérieur. Avec le Massachusetts Institute of Technology (MIT), le California Institute of Technology (CalTech) et les universités de Harvard, Yale, Chicago, Princeton, Columbia, Pennsylvania, Michigann Cornell, Stanford, Johns Hopkins et Duke, le pays classe treize de ses établissements académiques parmi les vingt premiers du monde et détient un puissant outil de formation de ses élites. Cette puissance universitaire lui donne aussi une capacité d’importer en permanence, via le « brain drain », des ressources humaines créatives qui viennent renforcer les rangs de ses propres diplômés. Sur 850 Prix Nobel décernés depuis 1901, toutes disciplines confondues, 270 (soit 32 %) sont de nationalité ou d’affiliation principale américaine. Canal primordial de validation et de diffusion des connaissances, les publications scientifiques dans les journaux périodiques de qualité, pratiquant la peer review, continuent à croître à un rythme un peu inférieur à 5 % par an  [8]. Non seulement ces publications sont dominées par la langue anglaise, mais la grande majorité des éditeurs et des brasseurs de scientométrie (qui fournissent les index d’impact des journaux et de citations des articles) est basée aux États-Unis et contrôle le flux de diffusion des connaissances nouvelles.

1.2. Les sources de l’esprit américain : individualisme et religiosité

15 La mythologie du rêve américain a été abondamment illustrée et diffusée par la littérature et le cinéma. Les principales composantes de cette mentalité trouvent leur source dans l’esprit de conquête et dans l’omniprésente religiosité. L’histoire commence en novembre 1620 lors de l’implantation d’une première colonie permanente à Plymouth, au Massachusetts, composée d’une centaine de pèlerins britanniques qui avaient traversé l’Atlantique à bord du Mayflower. Les conditions de vie très rudes sur les rivages de la Nouvelle-Angleterre, l’esprit d’entreprise des pères fondateurs et le lien entre ce premier succès et l’intervention protectrice du Dieu créateur sont toujours célébrés aujourd’hui avec ferveur d’une côte à l’autre, lors de la journée d’action de grâce du Thanksgiving.

16 La formation, l’organisation et la fédération des treize colonies de la côte Est s’étalent sur 150 ans, entrecoupés de guerres coloniales et de conflits meurtriers avec les Amérindiens (« Natives »). Le développement économique et commercial est assuré par la créativité des colons britanniques, qui affluent en masse, et est soutenu par la traite massive d’esclaves transférés d’Afrique centrale, qui travaillent dans les plantations de tabac et de coton. Après d’autres conflits armés avec le Royaume-Uni, les États-Unis, premier pays décolonisé, proclament leur indépendance en 1776, et promulguent dans la foulée une constitution qui repose sur les principes fondamentaux des droits de l’homme, sur un partage des pouvoirs entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire et sur une défense farouche de l’autonomie des États fédérés au sein de la fédération.

17 Le territoire s’agrandit au début du XIXe siècle grâce à des achats (Louisiane, Alaska) et à des annexions au détriment du Mexique (Texas, Californie, Nouveau-Mexique). Le concept de « destinée manifeste » apparaît en 1845 : il renvoie à l’idée que la nation américaine tend vers l’accomplissement de la société idéale promise dans la Bible au peuple élu. Les États-Unis ont la mission de « droit divin » de s’étendre au continent entier, pour y répandre la civilisation, la modernité, la démocratie et la liberté, mais aussi pour faire face à la croissance démographique, aux flux migratoires qui s’accélèrent à travers l’Atlantique, et aux phases intermittentes de récession économique dans les treize colonies initiales. La Conquête de l’Ouest à partir de 1850 est donc justifiée par un discours aux accents messianiques, et motivée par un opportunisme opiniâtre. Les conquérants cherchent à s’emparer des territoires des Amérindiens, qui ont été décimés par les guerres et les maladies importées et par le massacre de millions de bisons. Ils sont aussi attirés en grand nombre par la découverte d’or et de pétrole dans les territoires en friche, et donc par la perspective de faire fortune rapidement.

18 Pour annexer et développer les États de l’Ouest, le franchissement par des milliers de migrants de cette « nouvelle frontière », allusion à un nouveau défi bien plus qu’à une quelconque barrière géographique, s’étendra jusqu’au début du XXe siècle (l’annexion de l’Arizona date de 1912). L’une de ces migrations a beaucoup frappé les esprits : les membres de l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, mieux connus sous le nom de Mormons, étaient pourchassés et massacrés en raison de leurs convictions hétérodoxes lorsqu’ils étaient établis dans le Middle West. Poussés à fuir, ils ont traversé plaines et montagnes sur 4 000 kilomètres pour s’arrêter finalement en 1847 au bord d’un lac salé désertique dans le nord-ouest de l’Utah. Devenue capitale mondiale de cette religion prospère, Salt Lake City est aujourd’hui une grande ville universitaire entourée d’une agglomération de près de 2 millions d’habitants. Mitt Romney  [9], haut dignitaire de cette Église avec le rang d’évêque, a été appelé à la rescousse en 2002 pour dynamiser la gestion des Jeux Olympiques d’hiver qui se tenaient dans cette ville et les transformer en un brillant succès sportif, médiatique et financier.

19 Le concept de religion civile se comprend aux États-Unis comme un climat diffus de sacré dans lequel baigne chaque acte politique, en référence à un ordre moral transcendant fait de valeurs communes aux principales religions : catholicisme, protestantismes, judaïsme, mormonisme, mais aussi islam  [10]. L’omniprésence du religieux  [11] dans la vie politique américaine surprend l’observateur européen. Le premier amendement à la Constitution américaine interdit au Congrès de favoriser une religion en particulier, et garantit le libre exercice de leur foi aux citoyens américains. Mais cet amendement n’instaure pas l’obligation de séparer le politique du religieux, ni de tenir l’espace public à l’écart des manifestations religieuses. Aux États-Unis, il semble impossible d’être élu à la présidence sans exhiber une religiosité ostentatoire, considérée comme preuve de moralité. La candidature à la présidence d’un non-croyant n’est pas envisageable : un sondage récent indique que 40 % des Américains affirment qu’ils ne voteraient jamais pour un candidat athée.

20 Le président Dwight D. Eisenhower  [12] déclara notamment que « notre gouvernement n’a de sens que s’il repose sur une foi profonde – peu importe laquelle ». Sous sa présidence, une véritable religion civile, œcuménique et générique (protestante, catholique et juive) fut mise en place par voie législative. Elle devait agir comme ciment identitaire et comme arme culturelle contre les puissances communistes. La devise nationale – laïque – formulée par les pères fondateurs et inspirée par les philosophes des Lumières, « E Pluribus Unum » (« De plusieurs, un »), fut remplacée par « In God We Trust » (« Nous avons confiance en Dieu »). L’idée d’un creuset identitaire où se fondent les immigrants de toutes origines en une seule et même nation était supplantée par l’expression de la fidélité à Dieu et à sa providence. Dans le serment d’allégeance, récité tous les matins par les écoliers du pays, One nation a été complété par « One nation under God » (« Une nation sous Dieu »).

21 La coexistence de progrès scientifiques et technologiques impressionnants et d’un fondamentalisme chrétien frappe toujours les observateurs : plus d’un tiers des citoyens américains estimaient en 2005 qu’il convient d’enseigner aux écoliers le récit biblique de la création du monde à côté de la théorie darwinienne de l’évolution des espèces. Cette confrontation dans les écoles entre théories de poids équivalent a été soutenue par le président George W. Bush, au grand dam des tribunaux et des instances chargées de veiller à écarter les intrusions religieuses dans l’enseignement public.

22 L’islamophobie est loin d’être inconnue aux États-Unis, surtout depuis les attentats du 11 septembre 2001. Quelque 17 % des Américains croyaient encore récemment que le président Barack Obama était musulman, alors qu’il est protestant depuis la naissance, un chiffre en augmentation de 5 points depuis 2008. Dans son propre camp, pendant les primaires de 2008, les spots télévisés en faveur de Hillary Clinton (qui concourrait contre lui pour l’investiture démocrate à l’élection présidentielle) mentionnaient avec insistance le deuxième prénom d’Obama – Hussein – afin sans doute de stimuler un réflexe teinté de xénophobie parmi les électeurs démocrates. Dans un autre registre, la polémique autour du lieu de naissance de Barack Obama à Hawaï et les allégations fantaisistes à propos d’une falsification du certificat qui en atteste constituent d’autres tentatives des milieux ultraconservateurs pour éveiller le soupçon sur la légitimité du président en exercice et encourager des attitudes xénophobes.

23 À l’instar de l’Europe, le vaste territoire américain a connu une industrialisation en plusieurs vagues aux XIXe et XXe siècles. Beaucoup de manuels d’histoire américains se centrent sur la nation et les grands hommes, pour mieux développer le sentiment d’appartenance des citoyens, autochtones ou fraîchement immigrés. Les États-Unis y sont décrits comme un pays exceptionnel, doté d’une constitution quasi parfaite, né d’une révolution et d’un rejet du joug britannique comme des vices politiques et sociaux européens. Ils apparaissaient comme une force du bien dans le monde, attachée aux valeurs de la démocratie et de l’auto-détermination.

24 Dans la mythologie américaine, l’avancée industrielle s’incarne autour de personnages-clés dont la réussite éblouissante et les empires construits à partir de rien consomment quantité de superlatifs : Andrew Carnegie, Henry Ford, John Rockfeller, Walt Disney, Steve Jobs, Bill Gates, Warren Buffet, Sergey Brin, Larry Page, Marc Zuckerberg, etc.  [13] Beaucoup de ces self-made men étaient de talentueux opportunistes, souvent rebelles à l’enseignement traditionnel, mais dotés de flair, d’une combativité sans faille et d’un farouche individualisme. Paradigme du capitalisme triomphant, ces icônes ne peuvent toutefois pas être ramenées à la seule dimension de cynisme hautain qui animerait les capitaines d’industrie : plusieurs d’entre eux ont été de très généreux mécènes pour les arts, les sciences, la promotion de l’enseignement et pour les populations qui n’ont pas accès aux soins de santé. Leur trajectoire résume, en la caricaturant, les valeurs dominantes du référentiel américain, « In God We Trust » : Dieu nous a élus « peuple conquérant » et nous chérissons nos ancêtres qui ont conquis les treize colonies, les terres amérindiennes, l’Ouest, l’or et le pétrole, la Lune et l’hégémonie sur la planète.

25 Le credo des détenteurs de l’âme américaine pourrait être synthétisé comme suit : «Notre réussite n’est due qu’à notre talent personnel, à notre créativité, à notre pugnacité, à notre dur labeur. Ce sont ces qualités individuelles qui fondent notre ascension sociale, notre liberté et notre prospérité. Nul n’est en droit de nous imposer un devoir de solidarité vis-à-vis de ceux qui ne partagent pas nos capacités, et l’État fédéral plus que tout autre doit s’abstenir de décider pour nous qui nous aidons et de nous imposer des mécanismes de solidarité qui encouragent les assistés et taxent trop lourdement les entrepreneurs. Mais notre foi (et notre fiscalité) nous enjoignent d’être charitables. »

26 Face à cette pensée traditionnelle, conservatrice, largement entretenue par les républicains et exaltée jusqu’à l’outrance par les tenants du Tea Party  [14], l’Obamacare (2010) comme le programme démocrate (2012) sont inspirés à contre-courant par un souffle nouveau. Cette volonté de réforme est alimentée par le sentiment d’un besoin évident, pour couvrir les soins de santé, d’une véritable solidarité entre les personnes, les générations et les territoires. L’enjeu idéologique manichéen, ultra-polarisé, qui en résulte est clairement au centre du débat qui a précédé l’élection présidentielle de novembre 2012.

27 Les initiatives pour améliorer la couverture de tous les citoyens américains vis-à-vis des soins de santé ne datent pas d’hier. Dès sa prise de fonction en 1993, Bill Clinton, président démocrate élu contre son prédécesseur républicain George H. W. Bush, confie à son épouse Hillary, à l’époque First Lady sans mandat politique, l’animation d’une task force chargée de préparer une avancée législative visant à instaurer une assurance maladie universelle. Le groupe animé par Hillary Clinton élabore alors un projet de loi sur la sécurité sociale et l’assurance maladie, destiné à assurer une couverture à tous les Américains. Mais le projet est bloqué par le Congrès, pourtant à majorité démocrate, notamment en raison de sa complexité et de sa construction institutionnelle controversée. En effet, Hillary Clinton a, dans la préparation des textes, un rôle actif dont la légitimité est fortement contestée. L’échec est dû aussi à l’opposition puissante des lobbys médicaux, pharmaceutiques et des assureurs privés du secteur. Cet échec politique débouche sur un renversement de majorité dans les deux chambres du Congrès, qui prennent un virage républicain lors des élections de mi-mandat en novembre 1994.

28 Le camp républicain n’est pas en reste. Élu gouverneur du Massachusetts en 2002, Mitt Romney entame son mandat avec des projets très conservateurs : moratoire sur le droit à l’avortement, opposition aux mariages homosexuels et rétablissement de la peine de mort. Il est censuré sur ces initiatives par les chambres locales de l’État, et change d’ailleurs volontiers d’opinion ou de tactique sur ces sujets emblématiques, en particulier sur le droit d’avorter. En 2006, il prépare et promulgue une loi d’État qui instaure un système public d’assurance maladie pour près de 500 000 résidents du Massachusetts qui n’étaient pas couverts jusque-là. Cette loi offre un plan gratuit dans le cadre du système Medicaid (cf. infra) à ceux qui se situent sous 150 % du seuil fédéral de pauvreté. Les citoyens qui refusent de s’affilier à un programme d’assurance maladie pour lequel ils sont éligibles s’exposent à des pénalisations fiscales. Les PME qui emploient au moins dix travailleurs sont tenues d’offrir un plan d’assurance maladie à leurs salariés, faute de quoi une amende de 295 USD par travailleur est due à l’État pour alimenter un fonds commun de répartition. Ces dispositions ont permis de réduire d’environ 3 % les passages non urgents dans les services hospitaliers des urgences, et ont fait fondre le nombre d’habitants non assurés du Massachusetts de 6 à 2 % de la population. L’impact budgétaire global de ce « Romneycare » continue à faire l’objet d’intenses controverses. Sans renier son action de gouverneur entre 2003 et 2007, Mitt Romney insiste sur les caractéristiques de la réforme qu’il voudrait introduire au niveau fédéral en alternative à la loi mise en œuvre par son challenger : son projet actuel est centré sur un délai de l’âge d’accès au programme Medicare (dédié aux pensionnés au-delà de 65 ans), et sur la priorité accordée aux assurances maladie privées et au rôle régulateur des États fédérés pour la gestion de Medicaid et des programmes adjacents.

2. Le secteur des soins de santé aux États-Unis

29 Comprendre le fonctionnement de la sécurité sociale et de la couverture des soins de santé d’un pays implique préalablement de connaître les réalités et l’organisation du secteur des soins de santé de ce pays.

30 Contrairement à la Belgique et à la plupart des pays industrialisés, les États-Unis n’ont pas d’assurance obligatoire pour les soins de santé. Parmi les citoyens assurés, deux tiers environ dépendent d’une assurance privée, et un tiers d’une assurance publique, instaurée par le gouvernement fédéral ou par les États fédérés. Avant la réforme initiée par le président Barack Obama, près de 50 millions de citoyens ne disposaient pas de couverture, que ce soit de manière temporaire (en cas de changement d’employeur) ou de manière permanente. Le marché des assurances privées connaît un taux élevé de concentration locale, et a fortement évolué au cours des vingt-cinq dernières années. On reproche à ces assurances privées de plafonner le montant des couvertures, de sélectionner les patients à bas risque et d’écarter ceux qui présentent des antécédents médicaux chargés. Les rémunérations très élevées des dirigeants de ces compagnies ont également été abondamment décriées. Deux grands types de réformes du mode d’assurance ont été introduites à la fin du XXe siècle et se sont imposées : les Health Maintenance Organizations (HMO), qui combinent à l’approche curative traditionnelle une préoccupation de protection préventive de la santé, et les Preferred Provider Organizations (PPO), qui lient l’assuré à des prestataires de soins présélectionnés, parfois eux-mêmes employés de la compagnie d’assurance, ce qui limite la liberté de choix du médecin, du dentiste ou du kinésithérapeute auxquels le contrat d’assurance donne accès.

2.1. L’« industrie » des soins de santé

31 On compte environ 5 millions de professionnels, toutes qualifications confondues, dans le secteur des soins de santé aux États-Unis. Malgré la crise économique récente, l’emploi dans ce secteur a crû de 730 000 unités depuis 2007, alors que le pays a perdu plus de 8 millions de postes de travail pendant la même période. Environ 40 % des emplois sont situés dans les hôpitaux, quelque 21 % dans les homes et les établissements pour soins chroniques et 16 % dans les cabinets médicaux.

32 Sur les 850 000 médecins américains recensés, environ 6 % ont une activité non clinique, dans les laboratoires de recherche, dans l’industrie pharmaceutique ou dans l’administration. Parmi les praticiens, près de 65 % exercent une spécialité médicale, et 35 % sont engagés dans les soins de première ligne. Une part supplémentaire limitée (6 %) des praticiens est, en outre, composée des docteurs en ostéopathie (et non des docteurs en médecine allopathique), après une formation plus centrée sur la médecine préventive et les soins dits globaux ou holistiques.

33 La formation médicale comporte traditionnellement quatre années de collège et quatre années d’éducation médicale dans les facultés de médecine. Environ 18 000 candidats (sur 25 000 postulants) accèdent chaque année aux études médicales de base dans les facultés de médecine américaines. Une fois diplômés, ils sont rejoints dans les programmes de spécialisation par un contingent de diplômés venant de facultés de médecine étrangères : environ 5 000 médecins « résidents » proviennent d’outre-mer, mais un tiers de ces futurs spécialistes sont des citoyens américains partis obtenir leur diplôme de base ailleurs. Une grande proportion des étudiants en médecine s’endette fortement (en moyenne de l’ordre de 150 000 USD) pour payer les droits d’inscription et de scolarité, ce qui les incite sans doute à choisir en priorité les spécialités les mieux rémunérées en milieu urbain, en délaissant la pratique rurale, le service aux minorités, la gériatrie et la médecine générale.

34 Plusieurs tendances lourdes caractérisent l’évolution de la pratique médicale : la population médicale se féminise, et elle adopte des horaires de travail moins astreignants au cours d’une vie professionnelle significativement plus courte. En revanche, la demande de services médicaux est appelée à croître rapidement, à la mesure des exigences croissantes du public et du vieillissement de la population. Ce besoin accru nécessitera de financer un élargissement de l’offre, d’autant plus que s’ajoute au problème une perte de productivité du corps médical, liée principalement au tassement du temps de travail des plus jeunes générations de médecins.

35 La situation démographique des infirmiers gradués présente un profil similaire à celui observé dans d’autres pays développés : pour couvrir les besoins du secteur, quelque 2 millions de registered nurses devraient être rejoints par un autre million de diplômés formés et recrutés pour couvrir les besoins prévus d’une population en croissance rapide, vieillissante et présentant un taux accru de perte d’autonomie (liée à l’âge, mais aussi aux principales affections chroniques non transmissibles comme les maladies cardio-vasculaires, l’hypertension, le diabète sucré et l’obésité).

36 La future pénurie de professionnels fait l’objet de vives préoccupations : comme en Belgique et en Europe, 40 % des médecins ont dépassé l’âge de 55 ans, un tiers des infirmiers ont plus de 50 ans et la moitié d’entre eux planifient de prendre leur retraite dans les dix années qui viennent.

37 Les agences officielles américaines et diverses associations professionnelles  [15] soulignent les effets néfastes du manque de qualité des soins, des négligences, des événements indésirables et des erreurs médicales, rassemblés sous le terme général de « malpractice ». Des enquêtes convergentes évaluent à près de 100 000 décès par an les morts évitables dans le secteur des soins de santé  [16]. Il y aurait en outre environ 15 millions d’incidents de sévérité variable qui touchent les patients, et auxquels ceux-ci pourraient échapper par des soins plus vigilants et mieux structurés. Dans ce contexte, les litiges et les procès, servis par des bataillons d’avocats, se multiplient pour tenter de détecter et de réparer les dommages subis. Les assurances en responsabilité civile souscrites par les praticiens constituent une véritable industrie, et l’ensemble des coûts directs et indirects engendrés par la propension à multiplier les litiges représentent 5 à 10 % des dépenses globales du système de santé. Deux effets pervers principaux sont dénoncés : d’une part, le développement d’une « médecine défensive », qui pousse les médecins à se dérober face aux pathologies à haut risque, au détriment des patients, et, d’autre part, l’abandon de la profession par ceux qui traversent des procès hargneux et traumatisants, ou qui sont incapables de supporter les primes qu’imposent les assureurs pour couvrir leur pratique. Des réformes du traitement de la malpractice ont été adoptées avec succès dans certains États (Texas, Californie), et l’Association Médicale Américaine plaide pour l’instauration d’une législation fédérale dans ce domaine.

38 Les difficultés d’organisation des soins de santé aux États-Unis et les résultats mitigés qu’ils enregistrent en termes de santé publique ne doivent pas masquer l’excellence incontestée des centres hospitaliers académiques de pointe, qui se concentrent dans les grandes agglomérations et qui attirent les meilleurs chercheurs du monde entier. Parmi les 123 facultés de médecine réparties sur le territoire, les institutions les plus réputées se trouvent sur la côte Est (Boston, New York, Baltimore, Philadelphie, Pittsburg, Durham), dans le Middle West (Chicago, Rochester, Ann Arbor, Cleveland), au Texas (Houston) et sur la côte Ouest (Los Angeles, San Francisco, Portland, Seattle).

39 Quelque 100 milliards USD sont investis chaque année aux États-Unis dans le secteur de la recherche biomédicale  [17]. C’est l’industrie privée  [18] (58 % des montants investis) qui est de loin le principal contributeur de ce secteur, également financé par le gouvernement fédéral, notamment via les National Institutes of Health (NIH, 30 % du total). Les NIH distribuent chaque année 50 000 subventions (grants) à plus de 2 500 établissements et laboratoires de recherche répartis sur le territoire américain, mais aussi dans d’autres pays, dont la Belgique. Près de 300 000 chercheurs sont soutenus partiellement ou complètement par ces instituts, qui réservent environ 10 % de leur budget à la recherche dans leurs propres infrastructures (situées en bonne partie à Bethesda, dans le Maryland, à quelques kilomètres de la capitale fédérale Washington, D.C.). Après une décennie de croissance, qui a vu doubler le budget global de la recherche biomédicale entre 1994 et 2003, on observe depuis 2007 (et l’entrée dans une nouvelle zone de turbulence économique) un déclin significatif de ce financement, qui se tasse d’environ 2 % par an, phénomène qui inquiète vivement les équipes de recherche et les universités, mais aussi tous ceux qui redoutent, sous l’effet des restrictions budgétaires, l’avènement d’une recherche biomédicale plus « incrémentale », donc moins audacieuse et moins innovante.

40 De très nombreux médecins belges occupant des postes de leadership académique ont effectué le « voyage aux États-Unis » au cours de leur formation, et ont acquis ou développé là-bas leur envergure scientifique et leur propension à constituer des groupes ambitieux. C’est le cas des deux Prix Nobel de médecine belges les plus récents. Avant d’accepter en 1949 la direction scientifique du jeune Institut Jules Bordet, Albert Claude (1899-1983) a mené à New York, au Sloan Kettering Memorial Center, les travaux qui l’ont conduit au Prix Nobel en 1974. Né en 1917, Christian de Duve, fondateur de l’Institut de pathologie cellulaire de l’UCL à Louvain-en-Woluwe, a mené ses recherches à la Rockfeller University, également à New York, avant de partager le Prix Nobel de 1974, notamment avec le biochimiste belge Albert Claude.

41 En outre, il existe d’innombrables fondations philanthropiques ou charitables qui collectent des dons destinés à la recherche médicale ou aux individus en situation précaire. Le fisc américain (Internal Revenue Service) recense plus de 85 000 fondations faisant appel aux abattements fiscaux pour leurs donateurs. Le mécénat privé intervient pour près de 3 % dans le financement de la recherche biomédicale.

42 Le rôle des fondations philanthropiques américaines au début du XXe siècle a également été déterminant pour l’essor des universités belges et de leurs facultés de médecine, en particulier à l’ULB-VUB et à l’UCL-KUL. Les surplus collectés par la Commission for Relief of Belgium, institution dirigée par le futur président Herbert Hoover  [19], chargée d’acheminer des vivres à la population belge et de lutter contre la famine au cours de la Première Guerre mondiale, ont été octroyés après la guerre aux universités et à la Fondation Francqui, dans la foulée de la création de la Belgian-American Educational Foundation (1920). Le nouveau campus de l’ULB au Solbosch (1930) et la construction du nouvel hôpital Saint-Pierre au centre de Bruxelles (1935) ont été largement favorisés à la même époque par des dons de la Fondation Rockfeller.

43 Dominé par Pfizer, le classement des douze plus grandes firmes pharmaceutiques multinationales comporte sept sociétés américaines (Pfizer, Merck, Johnson & Johnson, Abbott, Eli Lilly, Bristol-Squibb-Meyers et Amgen). Le marché pharmaceutique mondial a une taille de l’ordre de 900 milliards USD par an, et environ un tiers des ventes mondiales sont réalisées aux États-Unis. L’industrie pharmaceutique au sens large y emploie environ 272 000 personnes, et consacre près de 70 milliards USD aux activités de recherche et de développement de nouveaux produits. C’est le secteur décrit comme premier générateur de profit pour les détenteurs d’actions, tous secteurs industriels et commerciaux confondus. À côté des spécialités pharmaceutiques traditionnelles, ce sont les segments de marché des génériques, des médicaments en vente libre (délivrés sans prescription médicale) et des produits issus de la biotechnologie qui montrent la croissance la plus soutenue. Les autorisations de mise sur le marché des médicaments, mais aussi des dispositifs médicaux et des vaccins, constituent une prérogative de la Food and Drug Administration. Créée en 1930, cette agence fédérale dispose d’un large pouvoir d’investigation en matière d’essais cliniques de nouveaux médicaments, y compris en dehors du territoire américain.

2.2. L’organisation des soins de santé

44 Aux États-Unis, il est usuel d’appeler l’« industrie » des soins de santé la managed care organization : il s’agit du modèle dominant de l’organisation des soins, basé essentiellement sur des réseaux de soins intégrés.

45 Bien que les citoyens américains soient profondément attachés aux libertés en général et à leur liberté individuelle en particulier, ils ont souvent, dans le domaine de la santé, une liberté de choix bien moindre que celle dont bénéficient les patients en Belgique. En effet, les Américains ne disposent que d’un choix limité, tant au niveau des structures de santé auxquelles ils s’adressent (hôpitaux, centres médicaux, centres de diagnostic, etc.) qu’au niveau des médecins à qui ils confient leur santé.

46 Bien entendu, le patient américain garde son entière liberté. Mais celle-ci n’existe pour lui que s’il a la volonté et la capacité d’en payer le prix. Le principe général est simple : plus le choix du praticien est souple, plus les primes coûtent cher à l’assuré ou à son employeur (cf. infra). In fine, l’immense majorité des patients voient donc leur accès aux soins strictement organisé par les règles édictées par les compagnies d’assurance ou par les programmes publics.

47 Les soins sont organisés à travers des réseaux qui regroupent à la fois des praticiens, des structures hospitalières, des centres médicaux et des centres de prévention. La particularité de ces réseaux est de cumuler à la fois le rôle d’assureur et de producteur de soins. Leur création est intimement liée au marché dominant de l’assurance privée, dont les compagnies ont souhaité rationnaliser les coûts : elles instaurent leurs propres structures de santé, qui responsabilisent les prestataires et les patients.

48 La base de l’organisation consiste en un partenariat entre le financeur et les prestataires de soins  [20]. Les assurés sont encouragés à se soigner auprès d’institutions ou de praticiens accrédités, avec lesquels les compagnies ont négocié des tarifs préférentiels – quand elles-mêmes ne sont pas directement les propriétaires, voire les employeurs de groupes de médecins.

49 Même s’il limite la liberté du patient, ce type d’organisation n’a pas que des inconvénients pour les assurés. L’organisation des plans de managed care est reconnue pour ses soins de qualité et ses initiatives en matière de prévention. L’accent est mis sur la volonté d’autonomiser le patient face à sa santé et de l’associer à la prise en charge de sa maladie (principe du disease management). Des réseaux spécialisés sont créés pour des maladies spécifiques, alors qu’ils ne pourraient probablement pas voir le jour en dehors d’une organisation en réseau.

50 Sur le plan pratique, le poids est mis sur l’accompagnement par des praticiens (infirmiers, médecins ou paramédicaux) de ces patients fidélisés via leur plan d’assurance santé. Cet encadrement se pratique essentiellement par téléphone. Les assurés des plans de managed care acceptent de consulter des médecins qui sont soit employés, soit sous contrat avec la managed care organization. Dans ces plans, l’échelonnement est aussi de mise, les patients étant tenus de consulter un médecin de « première ligne » qui décidera lui-même si le patient doit être adressé ou non à un spécialiste.

51 On distingue en pratique cinq grands types de plans liés aux modes de soins auxquels ils donnent accès. Les différences ne sont pas toujours manifestes et il n’est pas facile d’y voir clair. En pratique, les modèles de plans sont les suivants :

52 les Health Maintenance Organizations (HMO) sont la forme de plan la plus courante. Il s’agit d’un système qui combine la vente de produits d’assurance et le service de soins dans un même segment. Les patients, considérés comme des membres, paient une prime fixe (le plus souvent prise en charge en grande partie par l’employeur) qui couvre l’ensemble du coût des soins. Les membres acceptent de ne se faire soigner qu’auprès de praticiens ou structures agréés par le plan. Cela s’assimile donc à un système de soins prépayés. Les services de base des HMO regroupent des services médicaux délivrés par des médecins affiliés aux HMO, des services hospitaliers, l’évaluation et l’intervention en cas de crise dans les pathologies de santé mentale, la prise en charge et le soutien au sevrage éthylique et à la toxicomanie, les services de biologie clinique et d’imagerie médicale, les services de soins à domicile et la médecine préventive ;

53 le Fee for Service (FFS) consiste en une assurance de santé traditionnelle, où le plan définit les conditions de remboursement en fonction du type de prestation ;

54

  • les Individual Practice Associations (IPA) représentent une variété de HMO qui concluent un contrat avec des associations de médecins privés ;
  • le Point of Service (POS) est un plan lié à un HMO qui autorise les patients à choisir leur médecin en dehors du plan et en définit les modalités ;
  • la Preferred Provider Organization (PPO) consiste à passer des contrats directement avec des médecins ou des hôpitaux, sans mise en place d’un réseau propre.

55 La différence essentielle entre les HMO et les PPO est que les HMO limitent les soins de santé offerts à l’intérieur d’un réseau spécifique. En 1973, la promulgation d’une loi spécifique sur les HMO, contraignant notamment les entreprises de plus de 25 employés à offrir gratuitement à ceux-ci une affiliation à une HMO, a provoqué un développement considérable de ce type de structures. Un rapport de l’administration de la sécurité sociale révèle que l’objectif de cette loi n’était pas de garantir un accès à une structure minimale dans le cas d’assurances privées, mais de stimuler l’intérêt des consommateurs et des organisations de soins dans la mise en place et le développement de HMO  [21].

3. La sécurité sociale et la couverture des soins de santé aux États-Unis

56 « Dans les régions pauvres de l’Amérique, le choix est simple. C’est l’assurance maladie ou la nourriture sur la table, et à chaque fois c’est la nourriture qui gagne. Celui qui affirme que notre système de santé ne doit pas être réformé devrait venir voir ce qui se passe ici », a déclaré en 2009 le docteur Lee Stapleton  [22].

57 Aux États-Unis, le système de soins de santé est profondément marqué par le fait que les mandataires politiques ont longtemps tardé à s’intéresser à cet aspect de la protection sociale des individus, ce qui a conduit à confier d’emblée un rôle central aux acteurs privés. Il en résulte un système qui n’a pas été pensé globalement et qui n’est donc pas le résultat d’une logique ou d’une volonté particulière. C’est la raison pour laquelle le politologue américain Michael Reagan l’a qualifié de « système accidentel »  [23]. Le débat politique n’a réellement commencé qu’en 1933 avec Franklin D. Roosevelt  [24], le premier président à introduire un cadre législatif pour le soutien aux couches les plus vulnérables de la population américaine.

3.1 La genèse : le Social Security Act (1934)

58 Le krach boursier du 24 octobre 1929 marque fortement l’histoire et le destin des États-Unis. Il touche tous les secteurs économiques du pays, puis rapidement les autres pays industrialisés. Seule l’URSS est immunisée contre cette déflagration, qui restera l’une des plus graves secousses mondiales du XXe siècle. Les États-Unis, les premiers touchés, subissent pendant plusieurs années les effets néfastes de cette « Grande Dépression ». Le taux de chômage atteint 25 % en 1932. Herbert Hoover, président de 1929 à 1933, mène une politique protectionniste qui provoque une terrible récession  [25]. En 1932, une campagne électorale féroce oppose le président sortant au démocrate Franklin D. Roosevelt, devenu populaire en qualité de gouverneur de l’État de New York, et qui remporte les élections haut la main, en récoltant 57 % des suffrages populaires et 89 % des votes des grands électeurs. Dans un discours prononcé le 2 juillet 1932, il introduit le concept du New Deal, qu’il définit comme une nouvelle donne pour le peuple américain et comme une voie interventionniste pour sortir les États-Unis de la Grande Dépression.

59 Dès ce moment, la Cour suprême est sollicitée : elle considère, dans la lignée d’un de ses arrêts de 1905  [26], que de nombreuses réformes introduites par F. D. Roosevelt sont contraires à la Constitution américaine. Comme on le verra plus loin en analysant l’arrêt de la Cour suprême relatif à l’Obamacare, cette juridiction a toujours joué un rôle important et ses arrêts ont souvent posé des obstacles aux réformes menées dans le domaine des soins de santé.

60 La première loi sur la sécurité sociale est approuvée par le Congrès américain le 14 août 1935, sous le nom de Social Security Act  [27]. Ce texte reprend plusieurs axes de protection sociale (retraite, chômage, indemnités pour les handicapés, soutien aux veuves et aux orphelins). Il appuie les déclarations de F. D. Roosevelt sur la redistribution des richesses, qui est l’une de ses priorités. Néanmoins, cette loi ne couvre ni la maladie, ni l’invalidité. Il faut attendre près de trente ans, et plus précisément le mandat du démocrate Lyndon B. Johnson  [28], pour que des programmes instaurant une première forme d’assurance maladie voient le jour.

3.2. Les deux programmes fondamentaux : Medicare et Medicaid

61 Le président démocrate Lyndon D. Johnson instaure le Great Society, programme politique de lutte contre la pauvreté et en faveur des minorités, qu’il inscrit au Congrès en janvier 1965. C’est également sous sa présidence que, le 30 juillet 1965, est actée la création des deux premiers programmes d’assurance santé fédérale, toujours actifs aujourd’hui : Medicare et Medicaid. Cette date est marquante, puisqu’elle balise le démarrage d’un système de prise en charge de dépenses de santé pour certaines catégories de citoyens, à l’initiative et en partie sous l’autorité du gouvernement fédéral.

62 Le système de sécurité sociale qui est ainsi créé aux États-Unis est fondamentalement différent de ceux qui prévalent en Europe. Sur le Vieux Continent, coexistent en effet deux modèles. D’une part, le modèle beveridgien : la couverture des dépenses de santé est assurée par l’impôt (c’est le système du Royaume-Uni, par exemple). D’autre part, le modèle bismarckien (Allemagne, France, Belgique, Luxembourg, Autriche) : la solidarité est instaurée via la perception de cotisations sociales qui financent les dépenses de santé des salariés et des retraités. Aux États-Unis, c’est l’autorité publique qui intervient pour soutenir des populations qui ne peuvent s’offrir une couverture pour leurs soins de santé. Cette différence avec l’Europe a marqué durablement le système de santé américain, menant à la situation que nous connaissons aujourd’hui : sont exclus un grand nombre de résidents trop riches ou trop jeunes pour être éligibles à ces programmes, ou trop pauvres (ou pas assez motivés) pour acquérir une assurance privée.

3.2.1. Fonctionnement et principes

63 En dépit de la proximité de leurs noms, et du fait que de nombreuses personnes sont inscrites à l’un comme à l’autre (environ 6,5 millions d’Américains en 2001), Medicaid et Medicare sont deux programmes sensiblement différents.

64 D’une part, Medicare est un programme dont bénéficient tous les citoyens de plus de 65 ans, ainsi que les personnes handicapées. Il est géré par le gouvernement fédéral. En l’instaurant, L. D. Johnson poursuivait les travaux entamés par John F. Kennedy  [29] avant son assassinat (à Dallas, le 22 novembre 1963), en mettant fin à la controverse sur la mise en place d’un programme obligatoire d’assurance santé fédéral pour les personnes âgées. Les républicains, minoritaires à cette époque, étaient opposés à la création de ce programme, au motif qu’il est obligatoire. D’autre part, Medicaid est une forme de sécurité sociale (sociale welfare), dont bénéficie la couche de population définie comme pauvre sur la base de critères économiques (parents à faible revenu, enfants, personnes âgées, personnes handicapées, etc.). Il est géré par les États fédérés. En cohérence avec le fédéralisme américain, les États ne se sont pas vu imposer l’obligation de prendre part au programme Medicaid. Toutefois, en 1972, tous les États l’avaient rejoint, à l’exception de l’Arizona (jusqu’en 1982)  [30]. Il existe donc 51 programmes Medicaid différents (un pour chacun des 50 États et un pour le district fédéral de Columbia). Medicaid couvre une plus large série de services de santé que Medicare, et n’a pas de primes d’assurance ni de franchises.

65 Afin de financer les programmes Medicare et Medicaid, l’État fédéral institue en 1965 un fonds de financement fédéral : le Federal Hospital Insurance Trust Fund. Le mode de financement diffère toutefois singulièrement entre les deux programmes. Medicare est pour partie financé par les impôts versés à l’État fédéral, et pour le reste par les primes payées par les assurés. Medicaid est subventionné conjointement par l’État fédéral (qui contribue en l’occurrence au financement à hauteur d’environ 57 %) et par les États fédérés. Il revient à l’État fédéral de définir des « lignes directrices » qui s’imposent aux États fédérés, qui ont ainsi l’obligation de couvrir certaines populations, sous condition de ressources, et peuvent étendre Medicaid à d’autres publics dits optionnels. Grâce à cette extension, il existe donc malgré tout un socle commun sur l’ensemble du territoire.

66 Les programmes Medicare et Medicaid sont dotés d’un système répressif en matière de fraudes. En l’espèce, il est prévu un système d’enquête sophistiqué qui peut s’appuyer sur des organismes fédéraux comme le Federal Bureau of Investigation (FBI), le Département de la Justice et le Department of Health and Human Services (DHHS). Les fraudes les plus fréquentes consistent en de fausses déclarations visant à obtenir le remboursement de soins que les patients n’ont pas reçus. Les patients et les prestataires complices de ce genre de fraude sont passibles de sanctions pénales. Actuellement, Barack Obama finance une partie de sa réforme (cf. infra) à partir de la récupération de moyens obtenus par la lutte contre les abus et les fraudes  [31].

67 En 2008, environ 45 millions d’Américains faisaient partie du programme Medicare (chiffre qui devrait augmenter considérablement dans les années à venir, en raison de l’arrivée de la génération du baby-boom). Cette même année, les dépenses liées à Medicare s’élevaient à 13 % du budget fédéral, soit 386 milliards USD (dont la majeure partie est financée par l’État fédéral). En 2008 également, environ 49 millions d’Américains bénéficiaient d’un programme Medicaid, ce qui faisait de ce système la plus importante aide financière en matière de services médicaux ou liés à la santé pour les personnes à revenu limité. Cette année-là, les dépenses de l’État fédéral pour Medicaid s’élevaient à approximativement 204 milliards USD. Environ 33 % de chaque dollar dépensé dans les soins de santé aux États-Unis seraient pris en charge par Medicare ou par Medicaid. En moyenne, Medicare couvrirait 48 % des coûts des soins de santé. En revanche, en raison du niveau parfois modique des remboursements, les bénéficiaires du programme Medicaid rencontrent souvent des difficultés à trouver des professionnels de santé qui acceptent de les soigner.

3.2.2. Le programme Medicare

68 Medicare est un programme géré au niveau fédéral, qui assure les personnes âgées de plus de 65 ans et certaines personnes handicapées. Ce programme instaure une assurance maladie collective publique obligatoire. Il est financé par une taxation sur le travail : pour les salariés, cet impôt représente 2,9 % du salaire (payés à parts égales par l’employeur et par le salarié) ; pour les indépendants, 2,9 % du revenu net. Le solde des besoins de financement de ce programme est apporté par le gouvernement fédéral.

69 Le programme Medicare permet de bénéficier d’un panier de soins remboursés par le Center for Medicare and Medicaid Services (CMS) qui gère le fonds. Peuvent recevoir une aide les individus qui ont cotisé au moins dix ans (eux ou leur conjoint), sont âgés de plus de 65 ans et habitent de manière permanente aux États-Unis. Sont également éligibles les citoyens de tout âge qui sont invalides, handicapés ou qui nécessitent une dialyse (quel que soit l’âge de l’entrée en dialyse).

70 Les quatre sections

71 Le programme se divise en quatre sections :

  • la section A (36 % des dépenses) est intégralement financée par les cotisations sur les salaires et revenus. Elle assure le remboursement des soins hospitaliers en couvrant les frais d’hospitalisation jusqu’à une durée maximale de 60 jours par an. Il existe une franchise annuelle de 1.156 USD (en 2012). Après le dépassement de 60 jours, l’assuré doit payer 289 USD par jour pour une hospitalisation de 61 à 90 jours par an. Au-delà de 90 jours, l’assuré doit assumer l’ensemble des coûts. La section A couvre aussi 100 jours par an d’hospitalisation à domicile et de soins infirmiers  [32] ;
  • la section B (29 % des dépenses) est facultative et payante pour l’assuré qui la choisit. Elle couvre environ 40 % des soins en ambulatoire (« soins de médecine de ville ») moyennant le paiement d’une franchise et de tickets modérateurs par l’assuré. Cette section ne prend pas en charge les médicaments. Cette section est financée par les primes des assurés (25 %) et par une subvention de l’État fédéral, qui couvre 75 % de la dépense ;
  • la section C (24 % des dépenses) est analogue à la section B, mais elle est proposée par des assurances privées utilisant des techniques de managed care (via les Health Maintenance Organizations) supposées moins chères que la section B. Dans ces cas, les assurés accèdent au remboursement des soins ambulatoires, pour autant qu’ils acceptent de recevoir leurs soins dans des enceintes désignées et reconnues par Medicare ;
  • la section D (11 % des dépenses) a été instituée par les républicains en 2003. Il s’agit d’une assurance facultative payante par l’intermédiaire d’une prime mensuelle, qui couvre les achats de médicaments avec franchise annuelle, ticket modérateur de 25 % et plafond de dépenses recouvrables à 2 400 USD par an. C’est le fameux trou noir (donut hole). Au-delà de 5 400 USD de dépenses de médicaments par an, la couverture réapparaît avec un ticket modérateur de 5 %.

72 La section A offre une couverture pour tous les candidats éligibles au programme, alors que les sections B, C et D ne couvrent les bénéficiaires que sur la base d’une participation complémentaire individuelle que les assurés sont libres de souscrire. Bien que les assurés soient habilités à améliorer leur couverture en soins de santé par des contributions personnelles, certaines dépenses restent en effet mal remboursées par le programme Medicare, notamment les actions de prévention, les soins dentaires ou oculaires, etc. Ces lacunes obligent la majorité des retraités à souscrire une assurance complémentaire.

73 Le programme Medicare est en déficit pour les sections B, C et D, un déséquilibre qui entraîne une révision périodique des paramètres. La section A est en difficulté à court terme, en raison du vieillissement de la population et à cause de l’arrivée massive de la génération des baby-boomers.

74 L’évolution du programme Medicare depuis sa création

75 Au départ du programme, le 1er juillet 1966, la couverture se composait uniquement des parties A (hospitalisation) et B (soins ambulatoires), qui correspondaient aux produits offerts par Blue Cross et Blue Shield (cf. infra). En 1972, le programme a été étendu aux personnes de moins de 65 ans malades depuis au moins 24 mois, ainsi qu’aux insuffisants rénaux terminaux nécessitant une prise en charge en hémodialyse ou une transplantation rénale, quel que soit leur âge. En 1983, la taxe sur les salaires qui finance la partie A a été portée de 0,35 à 1,45 % et s’applique désormais à tous les revenus. Dans les années 1980 et 1990, une série d’amendements ont été introduits pour tenter de maintenir le financement de la partie B du programme, dont les coûts augmentaient plus rapidement que l’indice des prix à la consommation. En 1983, les soins palliatifs ont été ajoutés à la partie A pour les assurés dont l’espérance de vie restante est inférieure à 6 mois. Au fil des années, plusieurs programmes préventifs ont été ajoutés à la partie B (vaccination contre la grippe, mammographie pour le dépistage du cancer du sein, etc.), ainsi que les médicaments anti-rejets dans le cadre de la transplantation et les agents anti-cancéreux. En 1984, deux mesures ont été mises en place pour limiter les dépenses : l’exclusion de la biologie clinique ambulatoire et une limitation du tarif de remboursement des médecins à 115 % du montant établi par le programme.

76 En fait, le programme Medicare a connu peu d’évolution, en dehors des méthodes de remboursement. En 1983, le Congrès a adopté une méthode de paiement prospectif pour les patients hospitalisés en fonction de leur condition. Des taux ont été établis en fonction de groupes de diagnostic (Diagnosis Related Group), basés sur l’hypothèse selon laquelle une même pathologie nécessite la même quantité de ressources hospitalières. Cet incitant avait pour but initial de diminuer les durées de séjour des patients. Ainsi, entre 1982 et 1997, la durée moyenne de séjour est passée de 11 à 7 jours.

3.2.3. Le programme Medicaid

77 L’exécution du programme Medicaid est déléguée aux États fédérés, qui le financent conjointement avec le gouvernement fédéral. Dans un tourbillon de formalités administratives, il appartient au candidat au programme de prouver qu’il est résident dans un État donné. Certains États ont fait le choix de donner un autre nom au programme Medicaid, compliquant ainsi la compréhension des divers programmes pour ceux qui n’en sont pas des familiers. Le programme Medicaid est par exemple appelé Mass Health au Massachusetts, Medi-Cal en Californie et Tenncare au Tennessee. Il s’agit là d’un problème auquel s’attaque la réforme du président Barack Obama (cf. infra).

78 Chaque État dispose de bureaux pour la gestion et l’exécution du programme sous le contrôle du gouvernement par l’intermédiaire des Centers for Medicare and Medicaid Services (CMS)  [33]. Ceux-ci coordonnent les programmes Medicare et Medicaid. L’acceptation et l’enrôlement des bénéficiaires dans le programme Medicaid dépendent des CSM, et non des États – bien que seuls ces derniers soient habilités à définir, dans le respect des conditions posées par l’État fédéral, les critères d’éligibilité. Les CMS sont dispersés sur le territoire américain, par l’intermédiaire de dix bureaux régionaux qui ont en charge plusieurs États. Ils gèrent aussi un large réseau de centres communautaires spécialement dédiés aux patients précarisés.

79 L’organisation et la politique d’éligibilité du programme Medicaid, ainsi que les conditions de prise en charge financière, varient fortement d’un État à l’autre. Deux patients acceptés dans le programme Medicaid dans des États distincts auront des conditions de couverture très différentes (services reçus, quantité de soins, montant des remboursements, durée de l’indemnisation, etc.). De même, un citoyen peut être éligible dans le programme Medicaid dans un État alors qu’il en serait exclu dans un autre.

80 L’accès au programme Medicaid est ouvert à tous les citoyens américains. Par contre, les critères d’éligibilité sont stricts. Dans le respect des conditions minimales imposées par le Congrès, ils sont variables, d’un État à l’autre, selon le seuil de revenus. Cette hétérogénéité aboutit de facto à limiter la mobilité des pauvres aux États-Unis.

81 Poser sa candidature au programme Medicaid implique une collecte fastidieuse et malaisée de documents, ainsi que la participation à certaines réunions. Le mode de dépôt de candidature et les conditions d’acceptation constituent une barrière à l’accès au programme pour des patients dont les conditions sociales leur permettraient pourtant d’être acceptés. C’était d’ailleurs un des points soulevés en 2008 par Barack Obama dans son plaidoyer en faveur des exclus de la sécurité sociale. Il a indiqué, notamment dans le cas particulier de la couverture sociale pour les enfants, qu’une frange significative des ayants droit était exclue par la difficulté d’accès au programme, bien qu’elle entre dans les critères d’acceptation  [34].

82 Les candidats au programme ont également à fournir beaucoup d’informations sur leurs soins antérieurs, pour que puisse être évalué leur état de santé. Moyennant certaines conditions, une couverture Medicaid est accordée de manière rétroactive. S’ils sont acceptés, les candidats peuvent obtenir une prise en charge totale ou partielle de leurs soins de santé. Certains États appliquent le système des tickets-modérateurs.

3.3. Les autres programmes

3.3.1. Le programme d’assurance santé pour les enfants (CHIPRA)

83 Le Children’s Health Insurance Program (CHIP) est un programme créé en 1997, sur la base d’un partenariat entre le gouvernement fédéral et les États fédérés. Il est administré par les CMS et fournit une assurance maladie aux femmes enceintes et aux enfants dont les parents ne sont pas éligibles au programme Medicaid et qui ne gagnent pas suffisamment pour souscrire une assurance privée.

84 Ce programme permet à chaque État fédéré d’offrir une couverture aux enfants jusqu’à ce qu’ils aient atteints l’âge de 19 ans, pour autant qu’ils ne soient pas déjà assurés. À l’instar de ce qui se passe pour Medicaid, chaque État peut définir ses propres règles d’éligibilité et de services assurés, pour autant que son programme ait été validé au niveau fédéral. Les fonds alloués au programme sont calculés selon une formule complexe, qui tient compte du nombre d’enfants non assurés, du niveau de revenus par État et de facteurs géographiques liés au coût des soins de santé. Dans la plupart des États, ce programme sert à couvrir les enfants qui ne peuvent pas entrer dans un autre programme fédéral. Certains États ont pris l’option de coupler le programme CHIP avec le programme Medicaid, en l’administrant comme une simple extension. D’autres ont créé un programme séparé.

85 Des familles n’ayant pas accès à Medicaid en raison de leurs revenus sont éligibles pour le programme CHIP. Cela leur permet d’obtenir une couverture pour les enfants, alors que les parents n’en disposent pas pour eux-mêmes. Pour un coût faible ou nul selon les États, l’assurance prend en charge les consultations médicales, les vaccinations, les hospitalisations et les visites au service des urgences.

86 En février 2009, sous l’impulsion du président B. Obama, une nouvelle loi a été votée pour étendre le programme, devenu alors le Children Health Insurance Program Reauthorization Act (CHIPRA). Cette législation marque un nouveau tournant dans la couverture de soins de santé des enfants. Elle prévoit d’affecter au programme un montant complémentaire de 69 milliards USD pour la période 2009-2013. Son objectif principal est de soutenir les États, afin qu’ils développent une stratégie efficace pour identifier et enrôler les enfants non couverts mais éligibles pour les programmes CHIP et Medicaid.

87 Le programme CHIPRA offre aussi une meilleure flexibilité aux États pour étendre la couverture en soins de santé pour les enfants qui nécessitent beaucoup de soins ou des soins très lourds. Les points-clés du programme sont : l’établissement au niveau des États d’une ligne « express » d’éligibilité, sur la base d’informations déjà disponibles dans d’autres bases de données ; la sensibilisation et l’octroi de subventions à la promotion des inscriptions et à l’instauration de programmes de sensibilisation à l’enrôlement ; un « bonus de performance » attribué aux États pour couvrir les coûts engendrés par l’admission de nouveaux assurés ; l’admissibilité systématique des nouveau-nés de mères ressortissant au programme Medicaid.

88 Enfin, dans son texte fondateur, le programme CHIPRA charge le secrétaire d’État à la Santé (Secretary of Health and Human Services) de développer des standards permettant aux États de mieux mesurer la qualité des soins dispensés aux enfants. Le programme CHIPRA engage les États à faciliter le croisement des données avec l’administration de la sécurité sociale pour la vérification de la citoyenneté américaine, opération réputée longue et difficile. Les États peuvent également recevoir des primes fédérales lorsqu’ils mettent en place des stratégies d’amélioration de l’enrôlement des enfants (simplification de l’inscription, par exemple) et lorsqu’ils améliorent les critères d’éligibilité. Cela offre aux États les plus volontaristes une motivation supplémentaire pour améliorer la couverture en soins de santé des enfants non protégés. En 2010, quinze États ont reçu ce bonus, alors qu’ils n’étaient que dix en 2009.

89 En 2008, 7,3 millions d’enfants n’étaient pas couverts par une assurance soins de santé. Entre 2008 et 2009, 2,5 millions d’enfants supplémentaires ont été enrôlés dans le programme CHIP. Une analyse a montré qu’il y avait plusieurs raisons à cette augmentation : une croissance de la population infantile globale de 0,64 %, l’extension des critères d’éligibilité au programme CHIP et la conjoncture économique. Les causes sont aussi variables d’un État à l’autre. Ainsi, la croissance du nombre d’enfants enrôlés dans le programme CHIP de l’État de New York, qui avait déjà un très bon taux de couverture, est attribuable à concurrence de 98,9 % à l’élargissement des critères d’éligibilité. Dans des États comme la Californie ou le Texas, la détérioration de la situation économique et sociale des familles est principalement en cause. La réforme du programme entre 2008 et 2009 a permis d’améliorer le taux de couverture global du programme de 76,5 à 84,9 %  [35]. Il persiste cependant des variations du taux d’enrôlement très significatives d’un État à l’autre  [36].

90 En 2010, une grande campagne fédérale de sensibilisation, appelée The Connecting Kids to Coverage Challenge, a été lancée par la secrétaire d’État Kathleen Sebelius pour améliorer encore l’enrôlement des enfants dans le programme CHIPRA.

3.3.2. Le soutien spécifique aux vétérans (VHA)

91 Le soutien des États-Unis à ses anciens combattants est historiquement l’un des premiers systèmes de solidarité à avoir été mis en place. Il a pris naissance en 1636, lorsque les pèlerins de la colonie Plymouth, en guerre contre les Indiens Pequot, ont adopté une loi instituant la prise en charge par la colonie des soldats handicapés. En ligne directe avec cette tradition de soutien aux blessés de guerre, c’est en 1930 qu’est née la Veteran Health Administration (VHA). En 1930, le président a en outre reçu du Congrès le mandat de consolider et de coordonner les activités du gouvernement affectant les vétérans.

92 Le programme dédié aux vétérans est passé d’un réseau de 54 hôpitaux en 1935 à 152 hôpitaux de nos jours, et englobe aujourd’hui 800 centres de santé communautaires ambulatoires, 126 unités de soins infirmiers et 35 services de soins à domicile. Ce réseau est géré par le gouvernement fédéral et offre un large éventail de soins médicaux, chirurgicaux et de réadaptation, majoritairement gratuits pour les membres du programme.

93 En 2009, le président B. Obama a souhaité réformer massivement la VHA. Il a désigné Eric K. Shinseiki comme secrétaire du Département des Vétérans et l’a chargé de transformer ce programme en une organisation performante digne du XXIe siècle. Dans ce cadre, seize initiatives ont été lancées, qui sont en cours d’installation. Elles visent principalement à améliorer les conditions sociales des anciens combattants. Certaines actions concernent les soins de santé spécifiques aux vétérans, comme la mise en place d’un programme d’amélioration de la santé mentale, de la coordination des soins centrés sur leurs besoins spécifiques, de l’information visant à leur donner un meilleur accès aux soins de santé, etc.

94 La communauté des anciens combattants est significative aux États-Unis. En 2010, ils étaient 23 millions. Les projections établies par le VHA en 2007 montrent qu’ils devraient diminuer progressivement et être de l’ordre de 15 millions en 2030.

3.3.3. La couverture des soins de santé pour les fonctionnaires (FEHB)

95 Avec plus de 2 millions de fonctionnaires fédéraux, la fonction publique aux États-Unis est le premier employeur du pays. À lui seul, le Department of Health and Human Services (DHHS) employait 88 000 agents en 2007.

96 Les agents fédéraux bénéficient d’un programme de couverture des soins de santé inauguré en 1960. Il s’agit d’un système de santé basé sur le principe de la « concurrence dirigée » (managed competition)  [37]. Ce concept vise à garantir la qualité et l’efficience des soins de santé par le biais d’un appel au marché, contrôlé par un groupe d’intérêt (coopérative, association, etc.) ou par l’employeur (le gouvernement fédéral, en l’espèce). Le gouvernement agit pour le compte du groupe pour mettre en concurrence des partenaires indépendants, ce qui offre de multiples options de prestation de soins pour ses employés.

97 Les avantages mis en avant par les partisans de ce type de programme, également répandu en Australie, sont la dispensation de soins de haute qualité, basés sur le principe d’un bon rapport qualité-prix dans un système organisé. La responsabilité des employés est engagée par le choix de leur niveau de couverture, en fonction de leurs besoins individuels, et par une participation personnelle : deux tiers du financement sont assurés par le gouvernement fédéral et un tiers par l’agent lui-même en fonction du programme choisi  [38].

98 Le système s’appuie sur le modèle de la « prime plafonnée » : l’employé supporte le coût de la prime liée au plan de couverture qu’il choisit. La part du financement qui émane du gouvernement est assurée par un mécanisme de déductibilité fiscale d’une grande partie de la prime. De plus, il existe un système de récupération financière au bénéfice de l’assuré, si celui-ci fait le choix d’adhérer à un plan moins coûteux. Les assurés sont donc incités à faire des choix qui tendent à réduire le coût global, en mettant en balance les services offerts et la participation individuelle supplémentaire. En 1999, Harry Cain vantait les mérites de ce système, présenté comme un équivalent du programme Medicare mais qui serait « super performant » pour la maîtrise des coûts, tant pour les affiliés que pour l’État, au profit de la modernisation, de l’innovation et de la satisfaction des consommateurs  [39].

99 Le système met en concurrence différents programmes d’assurance, auxquels il confie la sous-traitance de la couverture individuelle en soins de santé. La concurrence est organisée à deux niveaux : le premier est basé sur les différents paniers d’options de couvertures proposées (soins de santé, soins dentaires, remboursement de lunettes, etc.) ; le second concerne les programmes de couverture similaires. Dans le cas de mise en concurrence de plans de couverture similaires, la compétition joue sur le prix et non sur la valeur. Ce système montre qu’il offre une meilleure couverture à un moindre prix. Il a été adopté par de grandes institutions, comme par exemple l’Université de Stanford  [40].

100 Les Federal Employees Health Benefits Programs (FEHB) sont ouverts à tous les employés fédéraux, y compris les membres du Congrès. En 2011, ils regroupaient 207 plans distincts, pour un coût global de 40 milliards USD  [41]. Ce système enrôle environ 4 millions de fonctionnaires (actifs ou retraités) et leurs ayants droit, couvrant ainsi environ 8 millions de personnes au total. Alors que son effectif est composé d’un cinquième de l’effectif du programme Medicare, il ne coûte que moins d’un dixième de ce programme. Cette différence de performance est due au fait qu’une majorité d’affiliés est âgée de moins de 65 ans et que les personnes handicapées en sont exclues.

101 Ce système du FEHB s’appuie sur le choix individuel des employés, en contraste avec le programme Medicare où les primes, les avantages accordés et la couverture supplémentaire sont établis de manière centrale par la loi ou par réglementation (pas de négociation ni de ristournes en fonction des volumes). Il a souvent été présenté comme un modèle pour la couverture santé universelle, notamment pour les personnes ne bénéficiant d’aucune couverture  [42]. En 1980, l’économiste Alain Enthoven avait d’ailleurs proposé la construction d’un programme basé sur le principe de managed competition comme réforme du système de soins de santé  [43].

102 Au-delà du principe de transfert de la responsabilité des choix de couverture sur les employés plutôt que sur l’employeur, ce système adopté par le gouvernement fédéral pour ses agents incarne à lui seul le paradoxe de l’opinion des Américains quant à la prise en charge de la couverture en soins de santé par l’autorité publique. Il est emblématique que l’État fédéral, lui-même employeur, ait pris l’option d’organiser un programme de couverture de soins de santé qui repose sur une politique de marché. Cela symbolise l’attachement du peuple américain au pluralisme, au choix et à la responsabilité individuels dans un programme qui se voudrait universel. C’est à ce niveau que la différence avec la plupart des citoyens européens se marque le plus, en termes de souhaits politiques et idéologiques relatifs à la couverture des soins de santé.

103 Depuis la loi sur la réautorisation et l’extension de l’amélioration des soins de santé aux Amérindiens en 2009 (Indian Health Care Improvement Reauthorization and Extension Act), le programme FEHB héberge également le Tribal Health Benefits, qui est un programme accessible aux employés de tribus, d’organisations tribales et de citadins amérindiens basé sur les mêmes principes que les plans des FEHB.

3.3.4. Le programme Tricare

104 Le programme Tricare est réservé aux employés du Département de la Défense. Il offre une couverture civile pour le personnel de l’armée, les militaires retraités et leurs ayants droit, ainsi que pour le personnel militaire de réserve. Le programme est géré par le Tricare Management Activity, placé sous l’autorité de l’adjoint aux Affaires de santé du secrétaire à la Défense.

105 C’est à la sortie de la Seconde Guerre mondiale et de la Guerre de Corée qu’ont été promulgués par le Congrès le Dependants Medical Care Act (1956) et les Military Medical Benefits Amendments (1966). Ces deux lois ont donné naissance en 1966 au programme Civilian Health and Medical Program of the Uniformed Services (CHAMPUS), qui autorisait le secrétaire à la Défense à conclure des contrats d’assurance santé pour les militaires avec des fournisseurs de soins civils. En 1994, le Département de la Défense a mis en place un programme national géré par le service de santé militaire (Military Health Service), opérationnel dès mai 1997. Il s’agit du programme Tricare, étalé sur tout le territoire des États-Unis et divisé sur le plan administratif et de coordination en douze régions sanitaires. Ce programme est toujours en vigueur et n’a subi que quelques modifications mineures qui concernent surtout l’extension de la couverture (par exemple, le programme d’assurance vie).

3.3.5. Le système des assurances privées

106 Le marché des assurances privées constitue une véritable puissance économique aux États-Unis. En 2010, il représentait 33 % des dépenses de santé (de l’ordre de 850 millions USD). Près de 150 millions de citoyens disposent d’une couverture pour leurs soins de santé, par l’intermédiaire d’un système d’assurances privées financées en grande partie par leur employeur.

107 L’origine des assurances privées remonte aux années 1920. À cette époque, la plupart des assureurs commerciaux n’imaginaient pas encore que les coûts hospitaliers et des soins de santé constituaient un risque assurable. Le premier plan de couverture pour l’hospitalisation pris en charge par un employeur date de 1929, lorsqu’un groupe de professeurs de Dallas a conclu un contrat avec le Baylor University Hospital pour la couverture de frais d’hospitalisation (21 jours d’hospitalisation pour 6 USD) en contrepartie d’une prime annuelle. Le plan couvrait alors un ensemble de dépenses pour l’hospitalisation des membres dans un seul hôpital. Bientôt, encouragés par l’association des hôpitaux américains (American Hospital Association, AHA), de nombreux hôpitaux se sont engagés dans des systèmes de prépaiement leur garantissant un flux plus régulier de revenus. Cet engouement a produit une concurrence entre les hôpitaux, qui se sont organisés ensemble autour de plans communautaires. Ces plans se sont regroupés, sous l’auspice de l’AHA, sous le nom de Blue Cross. Il s’agissait dans un premier temps de systèmes de couvertures individuelles prépayées.

108 Sont ainsi nés les plans Blue Cross et Blue Shield. À l’origine, les deux sont des plans émanant d’organismes à but non lucratif basés sur un panier de prestations offertes : par des hôpitaux dans le cas de la Blue Cross, et par des associations de médecins pour la Blue Shield. À leur lancement, ces deux programmes ne reposaient pas sur le remboursement de prestations fournies, mais sur des accords pour un ensemble de soins. L’organisation de la Blue Cross est donc un précurseur des Health Maintenance Organizations (HMO), au départ des organisations à but non lucratif.

109 L’essor de ce type d’assurance est lié à trois décisions gouvernementales importantes au cours des années 1940 et 1950. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le War Labor Board (créé en 1942 par le président F. D. Roosevelt) décida que le contrôle des salaires et des prix ne s’appliquait pas aux avantages sociaux et aux assurances soins de santé. Ensuite, à la fin des années 1940, le National Labor Relations Board décida que l’assurance maladie et les autres avantages sociaux devaient faire l’objet de négociations collectives. Enfin, en 1954, l’Internal Revenue Service décréta que les primes d’assurance maladie payées par les employeurs seraient exemptées de l’impôt sur le revenu. Ces mesures aboutirent à ce que, entre 1940 et 1950, le nombre total de personnes enrôlées dans des plans Blue passa de 20 millions à un peu plus de 142 millions.

110 Au départ, la Blue Cross a été conçue pour réduire la concurrence sur le prix entre les hôpitaux, notamment pour éliminer les plans entre les assurés et un seul hôpital. Dès sa création, le programme Blue Cross a bénéficié d’une législation favorable, qui l’a autorisé à s’instituer sous la forme d’une organisation à but non lucratif. Il a bénéficié d’une exonération d’impôt et n’a pas été soumis à la même législation que les autres produits d’assurance. À cette époque, cette législation favorable était justifiée par l’idée que les plans de Blue Cross apportaient un avantage à la société en offrant une aide matérielle aux personnes à faible revenu  [44]. La Blue Cross a ainsi commencé à souscrire des plans avec les hôpitaux, en contrepartie de paniers de soins à l’attention de ses affiliés.

111 Bien que calqué sur le programme Blue Cross, le programme Blue Shield a vu le jour plus tard. La première initiative revient à un groupe d’employeurs du secteur du bois et des mines du Nord-Ouest Pacifique, qui souhaitait faire bénéficier ses employés de soins médicaux, en payant une redevance mensuelle à un bureau de services médicaux composé de médecins. Le premier plan officiel Blue Shield est né en Californie en 1939. Au départ, les médecins étaient relativement hostiles à ce plan, estimant qu’il mettait en péril leurs revenus et la relation patient–médecin. Ils ont cependant été poussés à devenir des partenaires de ce type d’organisations : d’une part, par la popularité de la Blue Cross et, d’autre part, par la crainte de la communauté médicale de voir les hôpitaux prendre le leadership du marché des assurances santé, ôtant ainsi aux médecins une partie de leur autonomie. Le projet était en outre appuyé par les défenseurs d’une sécurité sociale collective. Il est vite apparu aux médecins qu’ils devaient prendre les devants par rapport aux hôpitaux, en proposant leurs propres plans aux compagnies d’assurance.

112 La démarche des médecins de s’engager dans le plan Blue Shield avait donc un double objectif : maintenir leur autonomie par rapport aux hôpitaux et proposer une alternative à l’assurance obligatoire, dont les médecins ne voulaient à aucun prix. L’American Medical Association (AMA) a voulu prendre la main sur les décisions dès 1934, en énonçant un ensemble de principes, dont l’un des diktats était que l’assurance maladie volontaire resterait sous la supervision d’un médecin. Le plan Blue Shield a bénéficié des mêmes avantages fiscaux que le plan Blue Cross. L’AMA a veillé à ce que les médecins soient représentés dans les conseils d’administration des programmes Blue Cross et Blue Shield, et à ce que l’ensemble des plans respectent le libre choix du médecin par les assurés. Le premier plan portant l’appellation Blue Shield a vu le jour en 1946. Il offrait l’avantage de la prise en charge de soins médicaux et chirurgicaux aux patients hospitalisés, avec quelques plans s’étendant à la couverture de consultations dans des cabinets médicaux. Rapidement, les plans furent basés sur une indemnité « mixte » fondée sur un remboursement partiel des soins, laissant une partie du coût à charge des patients.

113 Bien qu’elles aient été au départ timorées à l’idée de couvrir des soins de santé (en raison du fait qu’elles pourraient ne pas arriver à couvrir à terme le risque assuré, notamment suite à la croissance et au développement technologique des soins de santé), les compagnies d’assurance privées ont fini par s’intéresser au marché. Les années 1940-1960 ont été marquées par une forte croissance du marché des assurances privées, qui offraient un produit susceptible d’intéresser toute la population. Le fait que ces produits étaient réservés aux employés supposés plus jeunes et en bonne santé rassura les compagnies d’assurance sur le risque d’insolvabilité. De plus, les compagnies d’assurance ont été soutenues par les différents gouvernements, qui vantaient le recours à l’assurance soins de santé comme une forme de rémunération pour les employés.

114 Les compagnies d’assurance réputées commerciales n’étaient pas soumises à la même législation que Blue Cross et Blue Shield, tous deux développés dans un cadre sans but lucratif. Les compagnies privées se sont rapidement positionnées en offrant des produits plus avantageux sur le plan financier aux populations les moins à risque (jeunes en bonne santé), alors que les programmes Blue Cross et Blue Shield devaient respecter le principe de primes et de protections collectives. En 1950, le nombre de personnes enrôlées dans des contrats avec des compagnies privées dépassa le nombre d’adhérents aux plans Blue.

115 Bien que la part des assurances privées ait continué à augmenter au cours du temps, la plupart des Américains qui en bénéficient sont couverts par des contrats négociés et accordés par leur employeur. En 2007, 60 % des Américains étaient couverts par une assurance santé souscrite par leur employeur, alors que seuls 9 % des citoyens avaient souscrit une assurance santé directement  [45]. Les assurances privées sont soumises à une législation conjointe État fédéral/États fédérés (Loi McCarran–Ferguson)  [46], qui délègue aux États fédérés la responsabilité de la réglementation des polices d’assurance.

116 Le système de l’« employeur sponsor » est un système où l’employeur souscrit pour ses employés un package d’avantages. C’est le système le plus fréquent dans les grandes entreprises américaines. Il est presque toujours plus avantageux que les programmes Medicare et que le programme fédéral dédié aux fonctionnaires  [47]. En règle générale, l’employeur verse une participation substantielle de la prime (de l’ordre de 85 % pour l’employé et 75 % pour les personnes à charge de l’employé). L’employé contribue pour la partie restante, dans un système défiscalisé. Bien que les employés soient moins rémunérés par la contribution de l’employeur à la couverture soins de santé, ce système leur offre plusieurs avantages : économies d’échelle, diminution de la pression pour la récusation de couverture de certaines maladies, avantage fiscal, etc. L’inconvénient majeur réside dans les modifications de plan, en cas de changement d’employeur ou de perte de l’emploi.

117 Pour les employeurs, le problème principal est l’envolée des coûts au cours des dix dernières années. Depuis 2001, à couverture égale, les primes ont augmenté de 78 %, alors que sur la même période, les salaires n’ont crû en moyenne que de 19 % et l’inflation de 17 %. Contrairement aux grandes sociétés américaines et aux multinationales, les « petits employeurs » (3 à 199 employés), sont moins enclins à proposer un système de couverture de soins de santé par l’intermédiaire d’une assurance privée. En 2007, ils n’étaient que 57 % à offrir cet avantage à leurs employés  [48]. La raison principale invoquée est bien entendu le coût. L’évolution montre une baisse constante du taux de couverture des employés de petites et moyennes entreprises depuis 1999. La plupart des collèges, universités et grandes écoles proposent aussi un plan de couverture des soins de santé. Presque tous exigent que les étudiants s’inscrivent dans le plan proposé par l’institution, sauf s’ils peuvent prouver qu’ils disposent déjà d’un plan de couverture comparable.

118 Deux lois ont permis aux employés de transférer leur programme de couverture vers un autre plan de groupe ou individuel : le Consolidated Omnibus Budget Reconciliation Act (COBRA, 1985) et l’Health Insurance Portability and Accountability Act (HIPAA, 1996). Le second garantit à l’employé que s’il change d’employeur, son nouveau plan devra offrir la même couverture que son ancien plan pendant une période de 63 jours, pour qu’il n’y ait pas d’interruption de couverture, pour autant qu’il ait connu au moins 18 mois de couverture préalable.

119 Bien que les assurances privées soient le plus souvent souscrites dans le cadre d’un contrat avec l’employeur, une série d’employés « précaires » en sont fréquemment exclus, comme les employés des petites entreprises, les travailleurs à temps partiel ou saisonniers, les nouveaux engagés pendant leurs périodes d’essai, les bas salaires, etc. La plupart des programmes d’assurances santé privées récusent par ailleurs les patients atteints de cancer, diabète, HIV, sclérose en plaques ou maladies cardio-vasculaires.

120 La couverture finale dépend du plan négocié, dont le coût varie amplement. D’autres variables du coût découlent des caractéristiques individuelles de l’assuré (âge, genre, état de santé, mode de vie), mais aussi de certains coûts administratifs dépendant du mode de gestion du plan.

121 Comme déjà signalé, 9 % des Américains font le choix de s’assurer dans un programme de couverture individuel, sans intervention de leur employeur. En pratique, les produits sont similaires à ceux qui sont présentés par l’intermédiaire des employeurs si ce n’est qu’ils sont plus chers  [49].

3.3.6. Le cas des personnes non assurées

122 Les patients non assurés ne sont pas complètement rejetés par le système de soins, dans la mesure où ils ont au moins droit aux soins urgents.

123 Ce sont les hôpitaux qui supportent la majorité des soins non rémunérés, et cela pour deux raisons. Premièrement, la situation sociale précaire de ces patients fait qu’ils ont peu accès aux soins de prévention et aux soins ambulatoires, et qu’ils ont dès lors une plus grande tendance à s’adresser directement à l’hôpital. Deuxièmement, l’accès aux autres structures de soins primaires est très limité. Une étude publiée en 2003 montre un taux d’hospitalisation, une durée moyenne de séjour et un coût plus élevés pour les patients non-assurés que pour ceux disposant d’une assurance privée  [50]. Une autre étude met en évidence un risque accru, estimé entre 30 et 50 %, pour les non-assurés d’être hospitalisés pour un séjour évitable  [51]. Au cours des quinze dernières années, on a observé une croissance du recours aux services d’urgence hospitaliers par les non-assurés, alors que le nombre de non-assurés était stable  [52].

124 Un tiers des coûts engendrés par les soins dispensés aux patients non assurés n’est pas compensé. En 2004, ce montant représentait un peu plus de 40 milliards USD. Au final, ce sont l’État fédéral et les États fédérés qui financent les soins non pris en charge, par l’intermédiaire de subsides, de programmes de soins directs et de crédits d’impôt. L’État fédéral compense la perte à hauteur de deux tiers des dépenses, l’autre tiers étant supporté directement par les États fédérés. C’est là un élément sur lequel s’est appuyé le président B. Obama pour défendre sa réforme, en défendant l’idée selon laquelle l’extension de la couverture aux non-assurés permettrait de récupérer le financement actuel, accordé pour compensation des dépenses liées aux soins de ces non-assurés  [53].

125 Les fonds alloués pour compenser les soins non couverts se distribuent plus ou moins en deux tiers pour les hôpitaux, et un peu moins d’un cinquième à l’attention des médecins et des cliniques ou centres de santé  [54].

126 Les hôpitaux sont obligés de délivrer les soins urgents à tous les patients, qu’ils soient assurés ou non, depuis l’Emergency Medical Treatment and Active Labor Act (EMTALA), voté au Congrès en 1986. Cette loi protège également les médecins, puisqu’elle leur interdit de délivrer des soins gratuitement s’ils ne sont pas urgents. Si un patient requiert des soins urgents et s’oriente vers un hôpital qui ne dispense pas ce type de soins, cette institution a l’obligation de le transférer dans un hôpital qui peut dispenser les soins appropriés. Point important : dès que l’état de santé du patient est stabilisé, l’hôpital n’a plus l’obligation de le soigner. En pratique, cette disposition ne signifie pas nécessairement que l’hôpital exclura le patient, mais rien ne l’en empêche légalement. Ces mesures n’impliquent pas non plus que les soins délivrés parce qu’urgents soient gratuits : l’hôpital a le droit de les facturer aux patients.

127 Les hôpitaux institués sous forme d’organisations sans but lucratif ont le devoir de dispenser des soins de charité (charity care) en échange d’exonérations fiscales. Il n’existe pas de norme ou de seuil fédéral ou étatique sur le volume ou le montant des soins gratuits qu’un hôpital est tenu d’offrir pour conserver son statut fiscal favorable.

128 Paradoxalement, les non-assurés, qui représentent souvent une population précarisée, doivent payer leurs soins de santé à des tarifs supérieurs à ceux appliqués aux assurés. Le plus souvent, parce qu’ils ne sont pas affiliés à des réseaux de soins comme les HMO, par exemple. Mais également parce que les compagnies d’assurance privées négocient les prix avec les prestataires de soins et les institutions de soins et arrivent parfois à obtenir des réductions de 40 à 60 % par rapport au tarif plein, en échange du recrutement de volumes importants de patients  [55].

129 De nombreux États ont institué des règles internes, contraignant les hôpitaux à facturer des tarifs « équitables » pour les patients non assurés, en fonction de certains seuils de revenus. En Californie par exemple, une loi promulguée en 1986 (California passed AB 774) encadre les tarifs hospitaliers pour les familles non assurées ou sous-assurées, si leurs revenus sont inférieurs à 350 % du seuil de pauvreté ; les hôpitaux ne peuvent pas facturer les soins à des tarifs supérieurs à ceux du prix public de Medi-Cal. La même loi instaure une période de 150 jours incompressibles pour la négociation des factures avec l’hôpital, avant que celui-ci ne procède au recouvrement.

130 Dans le cas des non-assurés, l’accessibilité et les paramètres de soins sont très variables d’un État à l’autre, et dépendent des mécanismes de financement, des politiques locales et des lois des différents États ; de là découlent certaines attitudes médicales différentes d’un État à l’autre. Environ 40 % des patients non assurés sont incapables de consulter un médecin en cas de besoin pour des raisons financières, alors que ceux qui sont couverts par une assurance santé (publique ou privée) ne sont que 7 % dans ce cas  [56].

4. L’état de santé du système américain

131 Selon Joseph. E. Stiglitz, Prix Nobel d’Économie, « si le coût des soins médicaux aux États-Unis était comparable à ce qu’il est dans les autres pays industriels avancés qui ont de meilleurs résultats (comme en témoignent par exemple les statistiques de longévité, de mortalité infantile ou de la mortalité maternelle), les problèmes budgétaires de l’Amérique seraient résolus »  [57]. Le constat est connu : les États-Unis dépensent plus que les autres pays industrialisés pour leur système de soins de santé. L’ampleur de la différence et le fait que l’écart continue à se creuser constituent des éléments frappants.

4.1. Le poids des dépenses de santé et l’importance des dépenses administratives

132 En 2010, les États-Unis consacraient 17,6 % de leur PIB aux soins de santé. En Belgique, ce pourcentage était de 10,5 %, tandis que la moyenne des dépenses des pays de l’OCDE se situait à 9,5 %. Rapporté au coût par habitant, ces dépenses se montent respectivement à 8 233 USD aux États-Unis, contre moins de la moitié en Belgique (3 969 USD) et une moyenne des pays de l’OCDE à 3 268 USD.

Tableau 1. Poids des dépenses de santé (en pourcentage du PIB)

1960 1970 1980 1990 2000 2005 2009 2010
Allemagne 6 8,4 8,3 10,4 10,8 11,7 11,6
Belgique 3,9 6,3 7,2 8,1 10,1 10,7 10,5
Canada 5,4 6,9 7 8,9 8,8 9,8 11,4 11,4
États-Unis 5,1 7,1 9 12,4 13,7 15,8 17,7 17,6
France 3,8 5,4 7 8,4 10,1 11,2 11,7 11,6
Luxembourg 3,1 5,2 5,4 7,5 7,9 7,9
Pays-Bas 7,4 8 8 9,8 11,9 12
Royaume-Uni 3,9 4,5 5,6 5,9 7 8,2 9,8 9,6
Suisse 4,9 5,5 7,4 8,2 10,2 11,2 11,4 11,4

Tableau 1. Poids des dépenses de santé (en pourcentage du PIB)

Source : OCDE.

Tableau 2. Coût moyen par habitant des dépenses de santé (en USD)

1960 1970 1980 1990 2000 2005 2009 2010
Allemagne 269 977 1 798 2 678 3 362 4 225 4 338
Belgique 149 641 1 355 2 246 3 247 3 911 3 969
Canada 123 294 777 1 735 2 519 3 448 4 317 4 445
États-Unis 148 356 1 102 2 851 4 791 6 728 7 990 8 233
France 69 194 667 1 444 2 545 3 294 3 930 3 974
Luxembourg 3 269 4 152 4 786
Pays-Bas 733 1 414 2 340 3 450 4 886 5 056
Royaume-Uni 84 159 466 960 1 834 2 700 3 379 3 433
Suisse 166 351 1 033 2 030 3 222 4 015 5 135 5 270

Tableau 2. Coût moyen par habitant des dépenses de santé (en USD)

Source : OCDE.

133 Aux États-Unis, les dépenses par habitant ont crû de plus de 70 % entre 2000 et 2010, et la tendance semble se poursuivre. En effet, les estimations révèlent qu’en 2012, un citoyen américain devrait dépenser en moyenne 8 953 USD en soins de santé, soit une nouvelle augmentation de plus de 8 % en deux ans.

134 Seule une partie de ces dépenses sert à couvrir les prestations de soins. L’autre sert à financer les coûts administratifs du système. Une part substantielle du budget ne sert donc pas au financement des soins en tant que tels. Au total, les coûts de gestion du système de santé représentent quelque 31 % du coût global du système  [58], tandis qu’ils se montent à 17 % au Canada et à moins de 10 % en Belgique. Plusieurs facteurs expliquent la disproportion des coûts de gestion du système de santé américain. Les assureurs privés se réservent des marges importantes (15,8 % en Australie, 13,2 % au Canada, 20,4 % en Allemagne, 10,4 % aux Pays-Bas, etc.)  [59]. Dans le système américain, ces mêmes assureurs jouent un rôle plus important, qui pèse bien plus lourd que dans les autres pays industrialisés. Les surcoûts spécifiques des assurances privées concernent notamment les dépenses de marketing, le coût des équipes chargées de procéder à une stricte sélection des risques admis, celui des équipes chargées d’essayer d’éviter une intervention de l’assurance en recherchant des responsabilités tierces dans le processus de soins, le coût des garanties que les compagnies d’assurance prélèvent pour se réassurer à leur tour, etc. En outre, les États-Unis se caractérisent par un nombre élevé de compagnies d’assurance concurrentes. Cette pléthore d’acteurs génère des coûts supplémentaires pour les prestataires de soins : les médecins et les hôpitaux doivent gonfler les équipes administratives, dont la mission principale est d’examiner, contrat par contrat, compagnie par compagnie, ce qui est couvert, ce qui est exclu, etc. Ces procédures compliquées forcent les prestataires à de multiples facturations, qui engendrent à leur tour un suivi contraignant, accompagné de lourdeurs et de coûts administratifs. À titre d’exemple, il y a 755 produits d’assurance différents rien que dans la ville de Seattle  [60].

4.2. Un mauvais classement au regard des indicateurs de santé

135 Malgré leur niveau de dépenses, les États-Unis se classent mal par rapport aux autres pays industrialisés en termes d’indicateurs de l’état de santé. Même s’il a été contesté, le Rapport sur la santé dans le monde de l’Organisation mondiale de la santé est sans conteste une référence qui fait autorité en la matière  [61]. En 2000, ce rapport désignait le système français comme offrant les meilleures performances. L’Italie occupait la deuxième place, le Luxembourg et les Pays-Bas étaient respectivement en 16e et 17e positions, la Suisse et la Belgique 20e et 21e, tandis que les États-Unis émergeaient seulement à la 37e place, derrière des pays comme le Costa Rica, le Chili ou la Colombie.

136 Ce classement résulte de la mesure d’indicateurs-clés et s’explique essentiellement par le nombre élevé d’Américains qui n’ont pas un plein accès aux services de santé à défaut de disposer d’une couverture assurantielle. En outre, une autre caractéristique de ce système est que « la quantité et la qualité des prestations dépendent grandement du lieu où l’on vit, de l’assurance que l’on a et de l’hôpital dans lequel on est admis. Les États-Unis n’ont pas d’universalité et pas d’uniformité dans leur système de santé publique »  [62].

137 Ces écarts s’expliquent par le fait que, a priori, la politique de la santé ne relève pas du Congrès fédéral, qui n’administre que des programmes spécifiques. Jusqu’à la réforme de 2010, il n’existait aucune assurance santé de base obligatoire. L’exercice de la médecine, l’accès et l’organisation aux soins diffèrent d’État à État. Le gouvernement fédéral n’intervient qu’en vertu de sa compétence de lever les obstacles au commerce entre les États, au nom de la clause de dépenses qui lui permet d’octroyer des subventions, le plus souvent conditionnelles, aux États, ou encore par le biais de sa compétence fiscale. À bien des égards, le système américain s’apparente à un véritable patchwork que la présentation de chiffres globaux pourrait masquer. Cette diversité produit d’un côté des modèles hautement séduisants par leur performance et leur capacité d’innovation, à l’image de la Mayo Clinic (dont la devise est : « The needs of the patients come first », « Les besoins du patient sont prioritaires »), mais d’un autre côté des résultats inefficaces et iniques (comme à McAllen  [63], dans l’État du Texas).

138 Pour l’espérance de vie à la naissance, les États-Unis se classent en piètre position avec, par exemple, une espérance de vie inférieure de plus de deux ans par rapport à celle de leurs voisins canadiens. Ce chiffre global masque en outre de fortes disparités. Ainsi, l’espérance de vie à la naissance d’un homme au sein de la population noire américaine n’est que de 70,2 ans, tandis qu’une femme blanche a un horizon moyen de vie de 81,3 ans. Plus encore, une étude de l’école de Santé publique d’Harvard  [64] a montré en 2006 que l’espérance de vie peut différer d’un laps de temps allant jusqu’à 33 ans entre les groupes qui composent la population américaine. Enfin, une étude récente  [65] montre que dans les populations où le niveau de formation est faible, l’espérance de vie diminue sévèrement. Ainsi, l’espérance de vie d’une femme blanche qui ne dispose pas d’un diplôme supérieur a diminué de 5 ans entre 1990 et 2008.

Tableau 3. Espérance de vie à la naissance (en années)

2005 2010
Allemagne 79,4 80,5
Belgique 79,0 80,3
Canada 80,1 80,8
États-Unis 77,4 78,7
France 80,3 81,3
Pays-Bas 79,4 80,8
Royaume-Uni 79,2 80,6
Suisse 81,3 82,6

Tableau 3. Espérance de vie à la naissance (en années)

Sources : OCDE, Banque mondiale.

139 L’OCDE a croisé les données d’espérance de vie et le coût global des systèmes de santé. Le graphique 1 illustre clairement le problème auquel les États-Unis sont confrontés.

140 L’écart apparaît encore plus marqué pour le taux de mortalité des nourrissons (Tableau 4). Ainsi, en 2009, le taux américain est de près du double du taux belge. Le même constat est établi pour le taux de mortalité maternelle (Tableau 5). Les États-Unis connaissent une mortalité trois fois plus élevée que celle qui prévaut dans des pays comme l’Allemagne ou les Pays-Bas.

141

Graphique 1. Espérance de vie à la naissance (en années) et coût global du système de santé (en USD)

Figure 1

Graphique 1. Espérance de vie à la naissance (en années) et coût global du système de santé (en USD)

Source : OCDE.

Tableau 4. Taux de mortalité des nourrissons pour 1 000 naissances vivantes (2009)

Allemagne 3,5
Belgique 3,4
Canada 5,1
États-Unis 6,5
France 3,9
Royaume-Uni 4,6
Suisse 4,3
Moyenne OCDE 4,4

Tableau 4. Taux de mortalité des nourrissons pour 1 000 naissances vivantes (2009)

Sources : OCDE, Banque mondiale.

Tableau 5. Taux de mortalité maternelle pour 100 000 naissances vivantes (2010)

Allemagne 7,0
Belgique 8,0
Canada 12,0
États-Unis 21,0
France 8,0
Pays-Bas 6,0
Royaume-Uni 12 ,0
Suisse 8,0

Tableau 5. Taux de mortalité maternelle pour 100 000 naissances vivantes (2010)

Sources : OCDE, Banque mondiale.

142 Enfin, il est intéressant de relever certains indicateurs de santé qui découlent du mode de vie. Le pourcentage de la population dont l’indice de masse corporelle est supérieur à 30 – c’est-à-dire l’indice au-dessus duquel le diagnostic d’obésité est avéré – est sensiblement plus élevé aux États-Unis que dans de nombreux autres pays. Le taux américain est notamment trois fois plus élevé que le taux suisse et plus de deux fois plus élevé que les taux belge, français ou néerlandais.

143 À l’inverse, les États-Unis se situent au-dessous de la moyenne OCDE pour la consommation de tabac. Ils présentent pour ce critère de meilleurs résultats que les pays européens. Seule l’Australie présente un taux de tabagisme aussi bas que les États-Unis.

Tableau 6. Indice de masse corporelle et consommation de tabac (2012)

Indice de masse corporelle Consommateurs de tabac (en % de la population de 15 ans et plus)
Allemagne 14,7 21,9
Belgique 13,8 20,5
Canada 17,5 16,3
États-Unis 28,1 15,1
France 12,9 23,3
Pays-Bas 11,4 20,9
Suisse 8,1 20,4
Moyenne OCDE 15,0 21,1

Tableau 6. Indice de masse corporelle et consommation de tabac (2012)

Source : OCDE.

4.3. Les ressources du système de santé

144 Le coût élevé du système de santé américain n’est pas dû à une pléthore de médecins ou d’infrastructures médicales, au contraire. Cet élément est d’autant plus intéressant à souligner lorsque l’on examine les politiques de maîtrise des dépenses qui sont mises en œuvre dans les pays européens, notamment en Belgique. Ces dernières visent le plus souvent à diminuer le nombre de praticiens (via une planification de l’offre médicale et l’instauration de numerus clausus) et à réduire le nombre de lits hospitaliers (notamment en Belgique depuis 2002, par un financement fondé sur l’activité justifiée, dont l’objectif est de réduire les durées de séjours hospitaliers ou via le moratoire sur le nombre de lits d’hospitalisation qui est appliqué depuis 1982). En Belgique, de nombreuses études démontrent que ces politiques risquent d’aboutir à une pénurie de médecins. Ce manque de ressources humaines se manifeste déjà en médecine générale et dans certaines spécialités (pédo-psychiatrie, gériatrie, etc.), tandis que le lien entre la maîtrise des dépenses et la densité médicale peine à trouver une démonstration budgétaire  [66]. À titre d’exemple, on sait que la densité médicale est plus forte du côté francophone du pays qu’en Flandre. Malgré cette asymétrie, les dépenses de santé par habitant sont au moins aussi élevées dans le nord du pays qu’à Bruxelles et en Wallonie.

145 Au niveau international, on constate le même phénomène. Les pays industrialisés dont le système de santé est moins onéreux et offrent de meilleurs indicateurs de santé publique disposent d’une densité médicale plus forte que celle des États-Unis. Aux États-Unis, la faible densité médicale se double de fortes disparités au sein de ce territoire étendu. Des États comme l’Idaho, l’Arkansas, le Mississippi, le Nevada et l’Oklahoma ont une densité médicale inférieure à deux médecins par 1 000 habitants, tandis que l’État de New-York en recense près de 3,5, le Massachusetts près de 4 et le District de Columbia plus de 6,5 pour 1 000 habitants.

146

Tableau 7. Nombre de médecins et de lits hospitaliers pour 1 000 habitants (2010)

Médecins Lits hospitaliers
Allemagne 3,7 8,3
Belgique 2,9  [67] 6,4
Canada 2,4 3,2
États-Unis 2,4 3,1
France 3,3 6,4
Pays-Bas 2,9 4,7
Suisse 3,8 5
Moyenne OCDE 3,1 4,9

Tableau 7. Nombre de médecins et de lits hospitaliers pour 1 000 habitants (2010)

Source : OCDE.

4.4. Les sources de financement du système

147 En 2010, le total des dépenses de santé américaines s’est élevé à 2 593,6 millions USD. Ce montant est supporté par différentes parties selon la répartition suivante :

Tableau 8. Répartition des dépenses de santé (en millions USD, 2010)

Dépenses totales Assurances santé privées Patients États et villes Medicare Medicaid Autres programmes publics d’assurance
2 593,60 848,7 299,7 423,2 524,6 401,4 96,1

Tableau 8. Répartition des dépenses de santé (en millions USD, 2010)

Source : Kaiser Family Foundation.

148 Depuis 2010, le gouvernement fédéral est devenu le premier contributeur pour le financement du système de santé (29 % du total), dépassant ainsi désormais les ménages (28 %). La part assumée par les patients et par les assurances est de 45 %. Cela représente une partie beaucoup plus élevée que dans les autres pays de l’OCDE dans lesquels le financement obligatoire du système de santé, que ce soit via l’impôt ou par des cotisations sociales, peut monter jusqu’à 85 %. Un système, comme celui des États-Unis ou du Mexique, qui repose sur des contributions volontaires aussi élevées, engendre une couverture de soins qui est plus inégalitaire, notamment parce qu’il diminue « la solidarité, limite les possibilités de se couvrir efficacement contre le risque de devenir un mauvais risque et contraint les individus à adopter des comportements stratégiques les conduisant à se sous-assurer (anti-sélection) »  [68].

149

Graphique 2. Financement du système de santé (2010)

Figure 2

Graphique 2. Financement du système de santé (2010)

Source : Kaiser Family Foundation.

5. La réforme Obama : le Patient Protection and Affordable Care Act (« Obamacare »)

150 « Je veux me réveiller un beau matin et découvrir que chaque Américain bénéficie des soins médicaux dont il a besoin, que chaque senior se voit délivrer une ordonnance de médicaments abordables et qu’aucun parent ne va se coucher en ne sachant pas comment il pourra régler les médicaments pour son enfant malade. Voilà l’avenir que nous pouvons bâtir ensemble », déclare Barack Obama le 5 juin 2008 à Bristol (Virginie)  [69]. Cette citation, extraite d’un discours prononcé lors de sa première campagne pour la Maison-Blanche, résume l’esprit dans lequel l’actuel président des États-Unis concevait sa réforme.

151 Cette volonté s’est traduite le 23 mars 2010, lorsque Barack Obama a promulgué le Patient Protection and Affordable Care Act (loi sur la protection des patients et des soins abordables), surnommé « Obamacare ».

5.1. Le défi de la couverture des personnes non assurées

152 « Des millions de nos concitoyens n’ont pas la chance de pouvoir s’offrir une bonne assurance. Des millions d’entre eux n’ont ni protection ni sécurité face aux conséquences économiques d’une maladie. Il est temps d’agir pour les aider et leur offrir la possibilité d’avoir cette protection. Les bas revenus et mêmes certains revenus moyens n’ont pas le même accès aux soins que ceux qui gagnent plus. Les pauvres sont plus souvent malades et ils sont moins souvent soignés. Ceux qui vivent dans les zones rurales bénéficient d’un système de santé bien inférieur à ceux qui vivent dans nos villes. » On pourrait croire cette phrase issue d’un discours de Barack Obama, ou de Bill Clinton (en 1993), voire de Lyndon Johnson (en 1966). En réalité, le constat que le système américain des soins de santé comporte une immense lacune et qu’il y a urgence à agir était déjà affirmé par Harry Truman en 1945  [70].

153 Avant le Patient Protection and Affordable Care Act, la couverture des soins de santé aux États-Unis était telle que présentée dans le tableau 9.

Tableau 9. Répartition du type de couverture de soins de santé (avant l’ACA)

Nombre de personnes Pourcentage de la population
Couverture via l’employeur 149 350 600 49 %
Couverture via Medicaid 50 670 200 16 %
Personnes non assurées 48 611 600 16 %
Couverture via Medicare 39 996 700 12 %
Couverture individuelle 15 416 100 5 %
Couverture via d’autres programmes publics 3 846 400 1 %

Tableau 9. Répartition du type de couverture de soins de santé (avant l’ACA)

Source : Kaiser Family Foundation.

154 Près de 50 millions d’Américains ne bénéficiaient donc d’aucune assurance santé  [71]. Derrière ce chiffre, on retrouve logiquement des situations graves. En 2012, 26 % des Américains font face à des difficultés financières graves en raison des coûts liés aux soins de santé, et 58 % d’entre eux ont retardé des soins médicaux en raison de leur incapacité à faire face aux coûts qui auraient été à leur charge  [72]. À titre de comparaison, en 2010, 28,5 % des Belges bénéficiant des revenus les plus faibles ont postposé des soins de santé pour des raisons financières. Si on classe les Américains non assurés en fonction de leur niveau de revenu, on constate une corrélation évidente entre les deux facteurs, comme le montre le tableau 10.

Tableau 10. Lien entre le niveau de richesse et la couverture assurantielle (2010)

Niveau de revenu par rapport au seuil de pauvreté Nombre de personnes Pourcentage de personnes non assurées
En dessous du seuil 19 933 000 34 %
En dessous de 139 % du seuil 26 330 000 34 %
Entre 139 et 250 % du seuil 11 869 000 24 %
Entre 251 et 399 % du seuil 6 235 000 12 %
400 % et plus du seuil 4 676 000 5 %

Tableau 10. Lien entre le niveau de richesse et la couverture assurantielle (2010)

Source : Kaiser Family Foundation.

155 Il convient de préciser que le seuil de pauvreté aux États-Unis est défini d’une manière plus limitative qu’en Europe. En effet, le seuil de pauvreté européen est fixé à 60 % du revenu médian. En Belgique, pour l’année 2010, ce seuil atteint 973 euros par mois pour une personne isolée et 2 044 euros pour un ménage composé de deux adultes et deux enfants. Selon cette définition, environ 15 % de la population belge vit sous le seuil de pauvreté. Aux États-Unis, il est fixé selon l’échelle présentée dans le tableau 11.

Tableau 11. Seuil de pauvreté pour les 48 États contigus et le District de Columbia (2012)

Composition du ménage (en nombre de personnes) Revenu annuel du ménage (en USD)
1 11 170
2 15 130
3 19 090
4 23 050
5 27 010
6 30 970
7 34 930
8 38 390
Plus de 8 personnes Un montant de 3 960 USD est ajouté par personne

Tableau 11. Seuil de pauvreté pour les 48 États contigus et le District de Columbia (2012)

Source : US Department of Health and Human Services.

156 La répartition de la population non assurée selon des caractéristiques ethniques (Graphique 3) et celle de la population adulte en fonction de l’âge (Graphique 4) est également instructive.

157

Graphique 3. Répartition de la population non assurée selon les caractéristiques ethniques (2012)

Figure 3

Graphique 3. Répartition de la population non assurée selon les caractéristiques ethniques (2012)

Source : Kaiser Family Foundation.

158

Graphique 4. Répartition de la population active non assurée en fonction de l’âge (2010)

Figure 4

Graphique 4. Répartition de la population active non assurée en fonction de l’âge (2010)

Source : Kaiser Family Foundation.

159 Loin de la situation inique illustrée par ces chiffres, le système belge offre une couverture quasi universelle : selon les années, seuls 0,6 à 0,8 % de la population ne sont pas assurés. À titre de comparaison, la Suède et le Royaume-Uni peuvent se targuer de couvrir 100 % de leur population  [73].

5.2. Les promesses du candidat B. Obama en 2008

160 Dans sa déclaration de candidature pour l’élection présidentielle de 2008, prononcée le 10 février 2007 à Springfield (Illinois), le candidat Barack Obama affirme clairement son ambition réformatrice : « Soyons la génération qui s’attaquera enfin à la crise de notre système de soins de santé. Nous pouvons maîtriser les coûts en mettant l’accent sur la prévention, en proposant de meilleurs traitements aux malades chroniques et en réduisant la bureaucratie au moyen des nouvelles technologies. Soyons la génération qui va promettre ici même et à l’instant même que l’Amérique sera pourvue d’un système de santé universel à la fin du premier mandat du prochain président. » Cette ambition est rappelée tout au long de sa campagne. À Des Moines (Iowa), le 3 janvier 2008, il déclare : « Je serai un président qui, enfin, rendra la couverture maladie abordable et accessible à chacun en Amérique comme je l’ai fait dans l’Illinois, en rassemblant les démocrates et les républicains. »

161 Dès avant la campagne présidentielle, Barack Obama a précisé ses propositions. Dans son ouvrage publié sous le titre Change We Can Believe In: Barack Obama’s Plan to Renew America’s Promise, figurent notamment les propositions et les quatre engagements suivants. Premièrement, réduire les coûts des soins de 2 500 USD par famille et améliorer la qualité des soins. Pour y parvenir, Barack Obama propose notamment de réduire le coût des maladies ruineuses pour les employeurs et leurs employés en remboursant les employeurs pour une partie des frais si ces économies sont utilisées pour abaisser les primes de travailleurs ; d’exiger des programmes de gestion de la maladie et une médecine préventive intégrée afin d’aider à réduire les frais médicaux pour les personnes souffrant de pathologies chroniques comme le diabète, les troubles cardiaques et l’hypertension ; d’examiner quelle proportion des primes d’assurance sert vraiment à couvrir les soins aux patients, et non des frais administratifs et de gestion.

162 Deuxièmement, garantir une couverture maladie à chaque Américain. Pour y parvenir, Barack Obama propose notamment de s’appuyer sur le système existant et de l’améliorer. Sa proposition principale est d’offrir aux personnes exclues un véritable accès au marché de l’assurance, via la création d’une « bourse » nationale d’échange d’assurances santé semblable à celle dont bénéficient les membres du Congrès ou via un programme public qui couvrira tous les services médicaux essentiels. Les personnes qui ne peuvent se payer une telle assurance recevront une subvention fiscale pour payer leur couverture.

163 Troisièmement, réduire le coût des médicaments, notamment en important des médicaments bon marché et sûrs depuis les pays où les remèdes sont moins onéreux, en augmentant l’utilisation des médicaments génériques et en autorisant le régime d’assurance maladie à négocier de meilleurs prix.

164 Quatrièmement, favoriser la prévention, notamment en exigeant que tous les programmes de santé subventionnés par l’État fédéral couvrent des services de prévention et encouragent les efforts pour promouvoir des habitudes, des modes de vie et un environnement sains.

5.3. L’adoption de la loi sur la réforme des soins de santé

165 Malgré de mauvais indicateurs, la question d’une réforme du système de santé américain n’avait plus fait l’objet d’une approche globale depuis la tentative manquée de réforme portée par le président Bill Clinton au début des années 1990. Or, au-delà des enjeux primordiaux de santé publique, le poids des dépenses de santé dans le PIB et ses perspectives d’évolution incitait également à un réexamen. À titre d’exemple, le Congressional Budget Office (CBO) avait estimé que, sans changement, le coût des programmes fédéraux de santé passerait de 5,5 % du PIB à plus de 12 % entre 2011 et 2050. Une augmentation du même type était également prévue au niveau des primes d’assurance et des tarifs réclamés par les institutions de soin privées. C’est notamment pour ces raisons que le président B. Obama a déclaré en mars 2011 que la plus grande menace budgétaire du pays se situait au niveau des soins de santé et non dans les dépenses effectuées pour soutenir l’économie ou pour assurer la sécurité du pays.

5.3.1. Les ambitions de la réforme

166 L’ambition de la réforme de 2010 est qu’un maximum d’Américains dispose désormais d’une couverture santé et que la maîtrise de l’évolution des dépenses soit assurée. L’extension de la couverture assurantielle s’opère par différents dispositifs : une obligation pour les grandes entreprises d’offrir une assurance santé à leurs travailleurs ; un encouragement des PME, via des crédits d’impôts, à couvrir les leurs ; une obligation pour les citoyens au-dessus d’un certain revenu de disposer, sous peine d’une amende, d’une assurance santé ; un élargissement des programmes de soins fédéraux tels Medicare ou Medicaid. L’extension de Medicaid, à elle seule, a pour objectif de couvrir 17 millions d’Américains supplémentaires.

167 Le CBO a estimé que grâce au Patient Protection and Affordable Care Act, 95 % de la population disposeraient d’une assurance santé en 2019, contre 83 % avant la réforme.

168 Le graphique 5 illustre l’augmentation de la couverture des Américains grâce à l’ACA.

169

Graphique 5. Évolution du nombre de personnes non assurées à la suite de la mise en œuvre de l’ACA

Figure 5

Graphique 5. Évolution du nombre de personnes non assurées à la suite de la mise en œuvre de l’ACA

Source : The Washington Post.

170 Sur l’ensemble de la décennie, cette réforme correspondrait à une diminution de la population sans couverture de l’ordre de 32 millions de personnes. Le CBO estime cependant que 23 millions d’Américains resteraient toujours sans assurance.

171 En énumérant une série de chiffres-clés, le site Internet de la Maison-Blanche illustre l’ambition de cette réforme : 105 millions d’Américains ne pourront plus se voir imposer un plafond aux montants de remboursement pour toute la vie par les compagnies d’assurance ; plus de 17 millions d’enfants ayant des risques préexistants ne pourront plus être exclus du marché de l’assurance santé ; les assureurs privés qui vendent des assurances santé (actuellement à près de 174 millions d’Américains) devront à l’avenir justifier les augmentations de primes et près de 76 millions d’Américains bénéficieront de la nouvelle imposition faite aux compagnies d’assurance de dépenser au moins 80 % du montant des primes qu’elles encaissent à des remboursements de soin ; 360 000 PME ont bénéficié en 2011 du crédit d’impôt que la loi prévoit pour les aider à offrir une assurance santé à leurs travailleurs (cette mesure concerne 2 millions de personnes) ; 54 millions d’Américains reçoivent désormais gratuitement des soins préventifs, comme le dépistage du cancer, via leur plan d’assurance privé ; 3,1 millions de jeunes adultes (jusqu’à 26 ans) bénéficient du droit de continuer à être couverts par l’assurance santé de leurs parents ; plus de 50 000 Américains, exclus du marché de l’assurance en raison de leur maladie préexistante, y ont désormais accès grâce à un plan spécial prévu pour eux ; 3,6 millions de personnes bénéficient d’une réduction de 50 % du coût de leurs médicaments dans le cadre de Medicare ; en moyenne, les bénéficiaires de Medicare économiseront 4 200 USD par an entre 2011 et 2021.

5.3.2. Une continuité avec la logique de l’économie marchande

172 Le Patient Protection and Affordable Care Act repose sur les outils existants, qui relèvent de l’économie marchande. Le rôle des pouvoirs publics se limite à couvrir les personnes qui ne sont pas capables financièrement d’être des acteurs au sein de ce marché. Paradoxalement, d’un point de vue juridique, la réforme aurait sans doute été moins contestée si elle avait davantage osé la rupture avec la logique du marché  [74]. Contrairement à un courant de pensée profondément convaincu des bienfaits de la logique de marché, y compris dans le domaine de la santé, de nombreux auteurs ont démontré qu’elle est à la source des principaux surcoûts, parfois exorbitants, du système américain. Elle a notamment pour effet de générer des dépenses administratives élevées, qui n’ont rien à voir avec le remboursement des soins en tant que tel.

173 D’autres auteurs contestent ces analyses et avancent notamment que c’est à cause du mode de vie des Américains que le système de santé est à ce point onéreux. L’Américain Ezra Klein, journaliste de presse et spécialiste des questions politiques et économiques américaines, a donné une qualification particulière à cette doctrine : « But-we-eat-more-cheeseburgers ». En réalité, il a été démontré que le mode de vie particulier des Américains peut au mieux expliquer une très faible part de l’écart de coût entre ce système américain et les autres modèles occidentaux. Ainsi, une étude effectuée en 2007 par le McKinsey Global Institute a estimé que le surcoût lié au mode de vie qui prévaut aux États-Unis pouvait au maximum justifier un écart de l’ordre de 100 USD par an par habitant, alors que la différence moyenne par habitant entre le système américain et les autres systèmes de santé occidentaux était de plus de 3 000 USD par an par habitant cette année-là  [75].

174 Selon Paul Krugman, la différence de coûts ne s’explique nullement par le fait que les Américains recevraient davantage de soins  [76] : les surcoûts trouveraient essentiellement leur origine dans les dépenses générées par ce qu’il appelle le denial management, qui est notamment responsable des coûts portés à charge des compagnies d’assurance et donc, au final, des assurés. Il recense parmi ces dépenses indirectes : les coûts administratifs liés à la sélection des risques (afin d’éviter de vendre un contrat d’assurance à quelqu’un qui risque d’en avoir, en moyenne, plus besoin qu’un citoyen ordinaire) ; la recherche d’antécédents médicaux et de fautes (quand un citoyen assuré réclame un remboursement, les compagnies d’assurance développent une activité intense dans la recherche de moyens afin d’éviter de devoir faire face à cette demande, notamment en cherchant dans le dossier médical du patient une affection préexistante qu’il aurait omis de déclarer, ou en pistant une faute éventuelle des prestataires de soins qui justifierait qu’ils assument eux-mêmes le coût des interventions) ; le fait que les compagnies d’assurance sont d’autant plus zélées dans ces attitudes que, poussées par l’exemple de leurs concurrentes, elles n’ont d’autre choix que de hausser leur niveau de protection (à défaut, elles doivent craindre d’accueillir les risques refusés par les autres compagnies et, ainsi, de menacer leur propre rentabilité) ; le fait que la sélection des risques entraîne le refus de couverture à un grand nombre de personnes qui, au final, sont globalement à charge du système dès le moment où elles ne peuvent honorer leurs factures de soins (ce report de charges sur l’ensemble du système est, en outre, accentué par l’introduction, largement répandue dans les contrats, d’un plafond au-delà duquel, tout au long de leur vie, les assurés ne peuvent plus réclamer de remboursement à leur compagnie d’assurance) ; le fait que cette attitude génère une dérive vers une médecine défensive excessive chez les praticiens qui craignent les procès, tandis que les primes d’assurance qu’ils doivent assumer atteignent des montants astronomiques.

175 Or, tous ces coûts se réduisent comme peau de chagrin dans un système de sécurité sociale qui agit comme un assureur universel. Dans un tel système, il n’est en effet pas besoin de sélectionner les citoyens pour rejeter ceux qui présentent un mauvais profil de risques, et il n’y a pas de conflits pour déterminer qui assume le paiement des soins. Selon Paul Krugman, dans un programme gouvernemental comme Medicare, seuls 2 % des dépenses sont consacrés à couvrir les frais de gestion  [77]. Dans les compagnies d’assurance privées, ce pourcentage s’élève à 15 %. En 2003, une étude du McKinsey Global Institute avait chiffré ce surcoût administratif à 84 milliards de USD. L’étude prenait aussi la peine de préciser que ce montant ne prenait pas en compte l’ensemble des surcoûts. Au total, il a été estimé que les coûts de gestion du système de santé américain représentent 31 % de son coût global  [78].

176 Au final, la réforme de Barack Obama, bien qu’authentiquement audacieuse après plus de trente ans de débats et plusieurs échecs, n’est pas révolutionnaire : elle s’inscrit dans le prolongement du système existant et de sa logique de marché. L’option d’un rôle accru de l’autorité publique et de la sécurité sociale, qui prévaut au Canada comme en Europe, n’a jamais eu de réelle chance de s’imposer, tant en raison de la ferme opposition des élus du Parti républicain qu’en raison des fortes dissensions au sein même du Parti démocrate  [79].

5.3.3. Un choix pragmatique sous peine d’échec

177 Faut-il critiquer la réforme menée par Barack Obama pour n’avoir pas osé s’attaquer à la logique de marché et d’avoir donc posé un choix qui n’apparaît pas comme le plus efficient ? La réponse doit être nuancée. D’emblée, il faut observer que le président s’est inscrit dans le cadre qu’il avait proposé lors de sa campagne électorale de 2008. Son programme précisait qu’il s’appuierait sur « le système existant », en vue de l’améliorer. Bon nombre des réformes contenues dans l’Obamacare tendent à minimiser les surcoûts administratifs liés à un système de marché caractérisé par une forte concurrence entre compagnies d’assurance privées (cf. infra). D’un point de vue théorique, on peut regretter que la réforme n’ait pas réellement examiné la piste d’une assurance universelle, unique, pour les soins de base les plus courants, tandis que, à l’instar du système belge, les assurances privées auraient concouru pour offrir certaines couvertures spécifiques, davantage liées à des choix de confort qu’à une stricte nécessité médicale.

178 Politiquement, après tant de projets de réforme qui ont échoué à la suite d’un intense lobbying de l’industrie pharmaceutique et des compagnies d’assurance, et compte tenu de la profonde division partisane aux États-Unis qui peut donner lieu à d’âpres campagnes  [80] dans le cadre desquelles les caricatures, voire les mensonges, ne sont pas rares, l’essentiel était de mener une réforme qui pouvait enfin être votée. Tel n’aurait probablement pas été le cas si le président américain avait retenu un scénario davantage collectivisé, tant on sait que cela aurait aussitôt suscité une levée de boucliers, dès lors qu’il est « présumé, sans pourtant qu’aucune étude sérieuse ne vienne le confirmer, que les Américains n’accepteraient jamais une médecine socialisée »  [81].

179 Dans son ultime version, la loi n’a été votée qu’à l’arraché et par une procédure législative particulière – la réconciliation – qui permet d’amender un texte à la majorité simple. Cette procédure était indispensable, suite à la perte d’un siège crucial au Sénat : le 60e siège sur les 100 que compte cette assemblée, occupé jusqu’à sa mort en 2009 par le sénateur démocrate Ted Kennedy. Dans le cadre d’une élection législative partielle à la suite du décès de T. Kennedy, les démocrates avaient, à la surprise générale, perdu cette élection dans le Massachusetts. De ce fait, ils ne disposaient dès lors plus que de 59 sièges sur 100 au sein du Sénat, alors que la « super-majorité » requiert 60 voix. Cette perte du 60e siège a été interprétée à l’époque comme une condamnation de la réforme de la santé par les électeurs d’un État progressiste (le Massachusetts).

180 Lors du dernier vote à la Chambre, le texte a été adopté par 219 voix contre 212. Aucun républicain ne l’a soutenu et 34 élus démocrates l’ont également rejeté. Comme le souligne Guillaume Debré, « jamais dans l’histoire politique américaine une réforme d’une telle ampleur n’avait été votée de manière si partisane. Même Roosevelt avait réussi à convaincre 91 élus républicains de voter sa réforme des retraites en 1935. Même Lyndon Johnson était parvenu à s’allier des votes à droite pour la création de l’assurance maladie pour les seniors et les pauvres en 1965 »  [82].

181 Devant ce vote serré, face aux polémiques et aux divisions créées par la loi actuelle, qui se sont reflétées jusqu’à la Cour suprême (qui n’a réussi à départager les plaignants que par un vote obtenu par cinq juges contre quatre), il semble qu’une réforme encore plus marquée idéologiquement aurait engendré le risque d’un échec pur et simple. C’est donc un choix délibérément pragmatique qui a été posé  [83].

182 La loi n’offre pas la couverture universelle initialement promise, mais elle permet aux États-Unis d’enfin espérer que plus de 95 % des citoyens disposent d’une couverture réelle pour leurs soins de santé. C’est notamment la raison pour laquelle Victor Rodwin considère que la réforme Obama « est sans doute le projet de réforme du système d’assurance santé aux États-Unis le plus ambitieux depuis celui du président Lyndon Johnson »  [84]. Dans le même sens, Michelle Bertho-Huidal, souligne que « cette réforme représente une étape extrêmement importante dans l’histoire de la législation sociale du pays, au même titre que le furent la création de la sécurité sociale par Franklin D. Roosevelt en 1935, ou les lois relatives aux droits civiques de 1964 signées par le président Johnson, ou encore bien sûr, la création de Medicare en 1965 »  [85].

183 En sa section 1322, la loi contient toutefois une incise dans la logique de marché, via la création de ce qu’elle nomme les Consumer Operated and Oriented Plans (CO-OP)  [86]. À travers ce dispositif, ajouté au projet de loi pour s’assurer du soutien des élus du Parti démocrate, des assureurs sans but lucratif  [87] pourront recevoir, à partir du 1er juillet 2013, des subventions et des prêts du département fédéral de la Santé, à condition qu’ils consacrent l’ensemble de leurs profits à diminuer les primes réclamées aux citoyens ou à améliorer les soins qu’ils couvrent. Ces assurances seront disponibles, aux côtés des assurances privées, dans le cadre de l’Exchange qui sera mis en place à partir du 1er janvier 2014 (cf. infra).

5.4. Contenu du Patient Protection and Affordable Care Act (ACA)

184 Le Patient Protection and Affordable Care Act est structuré en différents chapitres, qui concernent chacun un élément important de la réforme : des soins abordables de qualité pour tous les Américains ; le rôle des programmes publics ; l’amélioration de la qualité et de l’efficience des soins ; la prévention des maladies chroniques et l’amélioration de la santé publique ; les dispositions fiscales.

185 Ses sept éléments les plus marquants sont les suivants.

186 Premièrement, une extension de la couverture assurantielle de la population américaine, notamment par : le « mandat individuel », qui tend à obliger la plupart des citoyens à disposer d’une couverture assurantielle (dans les faits, près de 9 personnes sur 10 au sein de la population active satisfont automatiquement à cette exigence, dans la mesure où elles sont soit déjà couvertes, soit exemptées de cette nouvelle obligation)  [88] ; l’obligation pour les grandes entreprises d’offrir une assurance santé à leurs travailleurs ; une incitation des PME à faire de même, via des subventions et des crédits d’impôt ; la création de bourses d’assurance santé pour aider les particuliers et les PME à acheter une assurance santé ; une extension des critères d’éligibilité à Medicaid pour couvrir l’ensemble des personnes dont les revenus sont inférieurs à 133 % du seuil de pauvreté ; la couverture des jeunes adultes (jusqu’à 26 ans) via l’assurance de leurs parents ; la création d’un pool temporaire pour couvrir les personnes qui présentent des risques de santé élevés.

187 Deuxièmement, une meilleure protection des consommateurs vis-à-vis de leur assurance santé, notamment par : l’interdiction des discriminations sur la base des antécédents médicaux ; l’interdiction des clauses d’exclusion pour les enfants ; la limitation des clauses de stage (maximum 90 jours) ; l’obligation pour les employeurs de dépenser au moins 80 % des primes perçues pour le remboursement de soins médicaux ; la régulation de l’augmentation des primes.

188 Troisièmement, une accentuation des politiques de prévention.

189 Quatrièmement, une amélioration des performances du système de soins de santé.

190 Cinquièmement, un contrôle des dépenses de santé.

191 Sixièmement, l’importance du rôle joué par les États dans la mise en œuvre de la loi, notamment pour l’extension de leur programme Medicaid et pour la création de bourses d’échanges des assurances santé.

192 Septièmement, intégration dans plusieurs dispositifs de la loi d’actions menées au préalable avec succès au niveau des États (Ainsi, 35 États avaient un pool d’assurance pour les personnes à haut risque, 37 États avaient des dispositifs pour permettre aux jeunes adultes de rester couverts par l’assurance de leurs parents, le Massachusetts et l’Utah avaient initié des bourses d’échange des assurances santé, etc.).

5.4.1. Le mandat individuel et la responsabilité partagée

193 Il s’agit d’une des dispositions phares de la loi. L’idée générale est que toute personne qui a les moyens de payer le prix d’une assurance santé est fermement invitée à en souscrire une. Pour aboutir à une couverture maximale, la loi oblige les grandes entreprises à disposer d’une assurance qui couvre leurs travailleurs, incite les PME à en offrir une, et encourage fortement les autres citoyens à conclure un contrat d’assurance santé individuel.

194 Juridiquement, il ne s’agit pas d’une obligation pour les individus. La loi crée un dispositif qui les incite à conclure un contrat d’assurance santé, en prévoyant que les personnes visées qui ne disposeraient pas d’un tel contrat doivent payer une amende de 695 USD par an jusqu’à un maximum de trois fois ce montant (2 085 USD) ou de 2,5 % des revenus du ménage. Cette pénalité est phasée dans le temps de la manière suivante : en 2014, 95 USD ou 1 % des revenus du ménage ; en 2015, 325 USD ou 2 % des revenus du ménage ; en 2016, 695 USD (à partir de 2016, le montant est indexé) ou 2,5 % des revenus du ménage. Des mesures d’accompagnement (subventions, crédits d’impôts) de cette obligation d’assurance sont prévues pour les personnes aux revenus modestes.

195 À titre d’exemple, il est prévu qu’une personne dont les revenus oscillent entre 100 et 133 % du seuil de pauvreté ne doivent jamais consacrer plus de 2 % de ses revenus (ajustés en fonction de la composition du ménage) pour payer sa prime d’assurance. Pour parvenir à cet objectif, la loi prévoit un crédit d’impôt pour la partie qui excède ce pourcentage. Ce crédit d’impôt est basé sur la deuxième prime la moins chère du « Plan Argent » au sein du système de l’Exchange (cf. infra).

196 La loi prévoit aussi logiquement des exemptions pour certaines catégories de personnes : celles qui ont des difficultés financières, celles qui sont sans couverture pour moins de trois mois, celles dont l’option d’assurance la moins chère excède 8 % de leurs revenus, les immigrants sans papiers, etc. Pour ces catégories de personnes, la loi prévoit des extensions des programmes publics, tels Medicaid et Medicare, pour aboutir à son objectif d’une couverture maximale de la population américaine (cf. infra).

5.4.2. Dispositions relatives aux obligations des employeurs

197 Afin de parvenir à l’objectif d’augmenter la couverture assurantielle, la loi contient une série de dispositions qui concernent les obligations des employeurs. Ceux-ci sont répartis en trois groupes. Le premier est celui des entreprises de plus de 200 employés : elles ont l’obligation d’offrir une couverture d’assurance à leurs travailleurs. Le deuxième est celui des entreprises qui occupent 50 travailleurs ou plus, qui ont au moins un travailleur à temps plein qui reçoit un crédit d’impôt pour l’aider à couvrir le coût de la prime d’assurance, et qui n’offrent pas une assurance santé à leurs travailleurs : elles doivent s’acquitter d’une somme de 2 000 USD par équivalent temps plein (amende qui n’est pas comptée sur les 30 premiers employés). Le troisième est celui des entreprises de moins de 25 travailleurs et dont le salaire annuel moyen est inférieur à 50 000 USD. Pour elles, la loi prévoit un crédit d’impôt qui se calcule de la manière suivante : de 2010 à 2013, le crédit d’impôt est de 35 % de la contribution de l’employeur pour autant que l’employeur finance au moins 50 % du coût de la prime ou 50 % de la prime du benchmark (le crédit d’impôt est de 100 % pour les entreprises de moins de 10 travailleurs et dont le salaire annuel moyen est inférieur à 25 000 USD) ; à partir de 2014, le crédit d’impôt monte à 50 % pour les entreprises qui achètent leur assurance via l’Exchange.

5.4.3. Un pool temporaire pour couvrir les personnes « non assurables »

198 La loi crée un pool national temporaire pour les personnes qui présentent un risque d’assurance élevé : le Pre-Existing Condition Insurance Plan (PCIP). Grâce à ce dispositif, les citoyens qui ont des antécédents médicaux et qui sont sans assurance depuis au moins six mois sont éligibles au pool. Ils reçoivent par ce biais une couverture à un montant fixe (5 950 USD pour une personne isolée et 11 900 USD pour une famille). Les citoyens qui y ont accès doivent payer une prime dont le montant est indépendant de leur état de santé préalable et de leur revenu, mais qui est fonction de leur lieu de résidence et du plan auquel ils adhèrent. Quelque 5 milliards USD sont prévus pour financer ce pool, qui propose différentes options et qui couvre au moins les soins médicaux, les soins hospitaliers et les dépenses de médicaments.

199 Enfin, la loi institue un programme temporaire de réassurance pour les employeurs qui octroient une assurance santé pour les pensionnés de plus de 55 ans qui ne sont pas éligibles pour Medicare.

5.4.4. Les bourses santé (Exchange)

200 D’ici 2014, chaque État doit créer des bourses santé de contrats d’assurance (American Health Benefit Exchange et Small Business Health Option Program Exchange), gérés par une agence gouvernementale ou par une organisation sans but lucratif.

201 L’objectif de cette mesure est d’aider les particuliers dont les revenus sont supérieurs à 133 % du seuil de pauvreté (et qui ne sont pas couverts via leur employeur) et les PME (via le Small Business Health Options Program, SHOP) à acquérir une assurance santé aux meilleures conditions. À partir de 2017, les États pourront autoriser les grandes entreprises à avoir accès à cette bourse. Parallèlement, le gouvernement fédéral crée lui aussi, au niveau du pays, un Exchange et un SHOP, qui sont notamment appelés à intervenir si les dispositifs des États fédérés sont défaillants. Ces bourses santé « devront fonctionner comme des bureaux centraux d’information et comme des aides permettant de naviguer sur le marché des assurances santé pour les personnes qui veulent savoir quels sont les programmes publics ou les subventions disponibles et/ou quelles offres des assurances privées correspondent le mieux à leurs besoins »  [89].

202 Les compagnies qui veulent participer au mécanisme de l’Exchange doivent proposer cinq plans différents, qui doivent être présentés d’une manière standardisée pour faciliter les comparaisons entre les différentes compagnies d’assurance  [90]. Le plan Bronze constitue l’offre la plus limitée ; il se concentre sur les soins les plus essentiels et prévoit que l’assurance couvre au moins 60 % du coût des soins et que le montant total à charge du patient ne puisse jamais dépasser le Heath Savings Account (HSA, qui était en 2010 de 5 950 USD pour une personne isolée et de 11 900 USD pour une famille). Le plan Argent couvre les mêmes prestations, mais l’assurance couvre au moins 70 % du coût des soins, avec la même limite totale liée au HSA. Le plan Or est identique au précédent, mais la couverture s’élève à 80 % du coût des soins, avec la même limite liée au HSA. Dans le même esprit, le plan Platine est identique, mais couvre 90 %, avec la même limite liée au HSA. Enfin, le plan Catastrophe s’adresse aux personnes de moins de 30 ans qui ne sont pas visées par l’obligation liée au mandat individuel ; à l’exception de quelques soins préventifs, ce plan ne couvre que la limite liée au HSA. Ce contrat spécifique n’est disponible que sur le marché individuel (en dehors de l’Exchange).

203 La loi prévoit aussi une protection supplémentaire pour certains patients. Ceux dont les revenus sont inférieurs à 200 % du seuil de pauvreté ne peuvent être obligés de payer plus de 33 % du HSA. Ce pourcentage passe à 50 % pour ceux dont les revenus oscillent entre 200 et 300 % du seuil de pauvreté, et à 66 % pour ceux dont les revenus s’inscrivent dans la fourchette allant de 300 à 400 % du seuil de pauvreté. Dans la même ligne, la loi prévoit également des crédits d’impôt progressifs pour les personnes dont les revenus oscillent entre 100 et 400 % du seuil fédéral de pauvreté.

204 En outre, la loi interdit aux assureurs de fixer le niveau de la prime en fonction de l’état de santé antérieur de celui qui sollicite une assurance, ou sur la base d’autres facteurs comme, par exemple, le fait que la personne soit en litige avec sa compagnie précédente. En effet, les primes ne pourront varier qu’en fonction de la structure familiale, du domicile de l’individu, de son âge (étant entendu que la prime ne peut jamais être plus que triplée en raison de ce facteur), de son mode de vie et de sa participation à un programme de promotion de la santé.

205 Par ailleurs, les Exchanges offriront aussi les produits proposés par les CO-OP, et ce tant pour les particuliers concernés que pour les PME (cf. supra).

206 La loi habilite également les États à créer une couverture de soins de base pour les personnes non assurées dont les revenus oscillent entre 133 et 200 % du seuil de pauvreté.

207 Enfin, révélatrice des différences socio-culturelles entre les États-Unis et la Belgique, à la suite d’un amendement parlementaire, la loi prévoit que les aides octroyées par le gouvernement ne peuvent jamais servir à acheter une couverture qui couvrirait l’avortement, sauf dans le cas d’un inceste ou d’un viol. Dans le même sens, la loi autorise les États à limiter la participation à l’Exchange aux seuls contrats ne couvrant pas l’avortement.

5.4.5. Le renforcement de la réglementation du marché de l’assurance privée

208 La loi tire les enseignements des problèmes posés par l’accès à l’assurance santé et prévoit une série de mesures destinées à réguler cet accès au bénéfice du patient.

209 Ainsi, à titre d’exemples, la loi supprime les discriminations sur la base des antécédents médicaux ; elle interdit de résilier un contrat lorsque l’assuré devient malade ou de fixer un plafond de montant de remboursements au cours de la vie de l’assuré ; elle prohibe les clauses d’exclusion pour les enfants ; elle limite les clauses de stage à maximum 90 jours ; elle oblige les assureurs à dépenser désormais au moins 80 % (85 % dans certains cas) des primes perçues pour le remboursement de soins médicaux ; elle octroie aux jeunes adultes (jusqu’à 26 ans) le droit de rester couverts par l’assurance santé de leurs parents ; elle régule l’augmentation des primes ; elle oblige les assurances à inclure dans la couverture de l’assurance santé des soins préventifs totalement remboursés au patient. Les soins préventifs qui doivent être inclus sont ceux qui ont un rating de A ou B  [91] suivant le classement déterminé par l’United States Preventive Services Task Force (USPSTF, organe indépendant composé de médecins et de scientifiques).

5.4.6. Un meilleur accès aux soins via une extension des programmes publics d’assurance santé

210 Les changements dans Medicaid

211 Avant le Patient Protection and Affordable Care Act, la loi fédérale obligeait, via Medicaid, la couverture des personnes suivantes : les femmes enceintes et les enfants de moins de 6 ans dont les revenus familiaux sont inférieurs ou égaux à 133 % du seuil de pauvreté ; les enfants de 6 à 18 ans dont les revenus familiaux sont inférieurs ou égaux à 100 % du seuil de pauvreté ; les personnes qui entrent dans les conditions d’éligibilité de l’ancien programme Aid to Families with Dependent Children (AFDC, en vigueur de 1935 à 1996) ; les personnes âgées et les personnes handicapées qui sont éligibles dans le Supplemental Security Income en raison de leurs revenus.

212 Le Patient Protection and Affordable Care Act prévoit une extension de Medicaid, en exigeant des États qu’ils couvrent pratiquement l’ensemble des personnes de moins de 65 ans dont les revenus sont inférieurs ou égaux à 133 % du seuil fédéral de pauvreté. Selon le CBO, l’extension de Medicaid doit permettre de couvrir 17 millions de personnes non assurées ; d’autres travaux considèrent que cette expansion permettra de couvrir 21,5 millions d’Américains  [92]. La loi prévoit que les États reçoivent 100 % du coût de cette extension entre 2014 et 2016, 95 % en 2017, 94 % en 2018, 93 % en 2019 et 90 % à partir de 2020 et pour les années suivantes.

213 Le graphique 6 illustre l’impact important de l’extension de Medicaid.

214

Graphique 6. Impact de l’ACA sur l’accessibilité à Medicaid (2012)

Figure 6

Graphique 6. Impact de l’ACA sur l’accessibilité à Medicaid (2012)

Source : Basé sur les résultats d’une enquête nationale sur Medicaid et les non-assurés menée par la Commission Kaiser et le Centre pour Enfants et Familles de l’Université de Georgetown.

215 L’obligation pour les États de couvrir une nouvelle population a été l’un des points centraux du contentieux devant la Cour suprême et c’est sur ce point que l’arrêt a eu le plus grand impact (cf. infra). La loi prévoit que cette extension est obligatoire à partir de 2014. En outre, elle impose aux États qui avaient élargi leur programme aux personnes dont les revenus sont supérieurs à 100 % du seuil de pauvreté de maintenir cette avancée au moins jusqu’au 31 décembre 2013  [93]. Pour les États qui n’auraient pas respecté ces conditions, la loi renvoyait au régime de sanction ordinaire, en vertu duquel les États peuvent être sanctionnés par la perte de toutes les subventions qu’ils perçoivent du gouvernement fédéral pour le financement de Medicaid. Cette sanction a été contestée avec succès devant la Cour suprême, ce qui a conduit à créer un vide important par rapport à l’objectif de couverture quasi universelle.

216 Par ailleurs, la loi impose que la couverture de soins pour les personnes nouvellement éligibles à Medicaid inclue au minimum dix catégories de soins qualifiés d’essentiels, comme les soins liés à la maternité et aux accouchements, les soins urgents, la prescription des médicaments, les frais hospitaliers, etc. Une personne qui accède ainsi, par ce biais, à Medicaid se voit garantir une couverture qui correspond au benchmark de ce qui est offert par les contrats d’assurance via le système d’Exchange. La loi prévoit aussi une série de simplifications administratives pour faciliter l’adhésion à Medicaid, ainsi qu’au programme destiné aux enfants des personnes qui y ont droit (Children’s Health Insurance Program, CHIP).

217 Les changements dans Medicare

218 Près de 50 millions d’Américains bénéficient chaque année de Medicare (cf. supra). La loi prévoit de renforcer ce programme par l’ajout de nouveaux droits et inclut, en vue d’assurer sa pérennité, de nouvelles dispositions de lutte contre les fraudes.

219 Tout en maintenant la liberté de choix du patient, l’objectif de la loi est de permettre à chaque bénéficiaire de ce programme d’économiser un montant de 4 200 USD en moyenne sur les dix prochaines années. Pour financer une partie des avancées, les taux de cotisation à la partie A de Medicare passent de 1,45 % à 2,35 % pour les salaires supérieurs à 200 000 USD, et un nouvel impôt de 3,8 % est introduit sur les revenus non salariaux les plus élevés. Par des modifications des règles relatives au remboursement des médicaments, les personnes qui auparavant atteignaient ce qui est appelé le donut hole, c’est-à-dire le montant au-delà duquel les médicaments deviennent intégralement à charge du patient, économiseront un montant de 16 000 USD en moyenne.

220 La première étape de la réforme est entrée en vigueur en 2010. Elle a consisté à allouer aux 4 millions de personnes concernées un montant de 250 USD pour les aider à assumer les coûts à leur charge. En 2011, ces mêmes personnes bénéficient d’une réduction de 50 % sur le prix de leurs médicaments originaux lorsqu’elles atteignent le donut hole.

221 Un autre volet concerne la prévention. Les bénéficiaires de Medicare ont désormais droit à certains soins préventifs gratuitement, dont un bilan de santé annuel et des examens de dépistage du diabète, du cancer colorectal, des maladies cardio-vasculaires, de la dépression, etc. Ces soins recouvrent aussi une série de vaccinations (contre la grippe, l’hépatite, etc.), l’accompagnement pour le sevrage tabagique et éthylique ou pour la lutte contre la toxicomanie, une consultation annuelle liée au bien-être du patient, etc.  [94]

222 La loi contient également des dispositions pour lutter contre la fraude au moyen de contrôles stricts et de sanctions alourdies. En 2011, sous l’effet de la loi, 4,1 milliards USD ont pu être récupérés et le nombre de personnes poursuivies a augmenté de 75 %.

223 Un autre objectif ambitieux de la loi est, via la création du Center for Medicare and Medicaid Innovation, d’améliorer les soins de santé des patients au niveau de la sécurité, de l’efficience et de l’équité, par la promotion de la médecine préventive (avec des plans pour améliorer le mode de vie : alimentation, activités physiques, comportements à risque, etc.). Dans le cadre de son lancement, à travers divers partenariats avec les dispensateurs de soins et les représentants des patients et des assureurs, le centre disposera d’un budget de 500 millions USD. Il s’est donné seize objectifs prioritaires : élaboration de modes de paiement alternatifs à la rémunération à l’acte, initiatives pour diminuer le taux de réadmission à l’hôpital, initiatives pour les malades chroniques, alternatives à l’hospitalisation, etc.  [95]

224 La loi prévoit aussi la création d’un organisme indépendant, l’Independent Payment Advisory Board, composé de quinze membres. Sa mission est de proposer des réformes législatives pour réduire la croissance des dépenses de Medicare.

225 La loi autorise également les prestataires de soins à créer des Accountable Care Organizations (ACO), au sein desquelles la dispensation des soins est organisée d’une manière plus efficiente et moins onéreuse, avec le droit, dans ce cas, de conserver une partie de l’économie ainsi générée au sein de Medicare.

226 Enfin, la réforme garantit le maintien du Medicare Trust Fund, au moins jusqu’en 2024.

5.4.7. Une stratégie nationale de prévention et de promotion de la santé publique et du bien-être

227 La loi prévoit la création d’un conseil de santé publique, dont la mission est de développer et de coordonner une stratégie nationale de prévention et de promotion de la santé publique. À cette fin, un fonds budgétaire est également créé et est doté de 7 milliards USD pour la période allant de 2010 à 2015. Il sera ensuite doté de 2 milliards USD par an.

5.5. Les coûts et le financement de la réforme

228 Le coût de la réforme a été estimé par les services du Congrès américain à 938 milliards USD sur 10 ans : environ 500 milliards doivent être couverts par les économies dégagées grâce aux mesures en faveur d’une meilleure efficience du programme Medicare, et 450 milliards doivent être recueillis par des nouvelles recettes.

229 En complément à la hausse des cotisations prévues au sein de Medicare, les nouvelles recettes prévues sont principalement les suivantes : une nouvelle taxe sur l’industrie pharmaceutique (selon l’agenda suivant : 2,8 milliards USD en 2012-2013, 3 milliards en 2014-2016, 4 milliards en 2016, 4,1 milliards en 2018 et 2,8 milliards à partir de 2019) ; une nouvelle taxe sur les compagnies d’assurance actives dans les assurances santé (8 milliards USD en 2014 ; 11,3 en 2015-2016 ; 13,9 en 2017 ; 14,3 en 2018 ; à partir de 2019, le montant est celui de 2018 adapté en fonction du pourcentage d’augmentation des primes d’assurance)  [96] ; une taxe de 2,3 % sur le chiffre d’affaires des ventes de matériel médical ; une limitation de la déductibilité fiscale pour les travailleurs qui gagnent plus de 500 000 USD par an ; une nouvelle taxe sur les salons de bronzage, correspondant à 10 % du montant payé par le client.

230 Pour le contrôle des dépenses, les estimations sont moins certaines, même si ce point a fait l’objet d’estimations précises de la part des services du Congrès américain. Dans le passé, les initiatives prises n’ont jamais réussi à endiguer la hausse des dépenses. Aucun signe ne montre que cette hausse continue des dépenses connaîtrait ne fût-ce qu’un début de ralentissement.

231 Comme l’a souligné Lawrence Brown, les auteurs de la réforme qui se sont concentrés sur des propositions de réduction des paiements des fournisseurs « autorisèrent une extension de l’agenda des recherches comparatives sur l’efficacité, créèrent une myriade de projets pilotes et de démonstrations, donnèrent tous les signes de rigueur en faveur d’une promotion de la santé et du bien-être et, en bref, firent de leur mieux pour ne pas offenser les sensibilités publiques et privées »  [97]. Le même auteur poursuit en considérant qu’en réalité « prédire l’influence budgétaire d’une réforme dans le contexte de l’économie de la santé (et générale) au-delà de dix ans relève de la prédiction astrologique ».

232 À l’opposé de cette vision pessimiste, les services du Parlement (le Congressional Budget Office et le Joint Committee on Taxation) ont, à la demande du président de la Chambre des représentants, étudié l’impact budgétaire qu’aurait une abrogation du Patient Protection and Affordable Care Act. Les conclusions de ce travail plaident pour le maintien de la réforme. En effet, dans une note du 24 juillet 2012, ces services ont estimé que l’abrogation augmenterait le déficit budgétaire à hauteur de 109 milliards USD sur la période 2013-2022. Schématiquement, ces travaux mettent en évidence les principaux éléments suivants : primo, les dispositions de l’ACA en lien avec l’extension de la couverture assurantielle, notamment les aides pour certaines catégories de citoyens et d’entreprises, représentent un coût global pour le gouvernement fédéral de 1 171 milliards USD ; secundo, à l’inverse, l’ACA contient une série de dispositions qui permettent de contrôler les dépenses de santé, d’encourager un meilleur comportement, de lutter contre les dépenses inutiles qui, au total, permettent de réduire les dépenses à hauteur de 711 milliards USD ; tertio, l’ACA prévoit de nouvelles recettes qui doivent rapporter 569 milliards USD au cours de la période considérée.

233 Le tableau 12 résume l’impact qu’aurait l’abrogation du Patient Protection and Affordable Care Act sur le budget :

Tableau 12. Impact budgétaire d’une abrogation de l’ACA (en millions USD)

2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 Total 2013-2022
(I) – 4 – 45 – 95 – 130 – 146 – 146 – 145 – 146 – 153 – 160 – 1 170
(II) 1 37 50 51 59 74 90 103 117 129 711
(III) 37 32 50 52 57 61 64 68 72 76 569
Total 34 24 5 – 27 – 30 – 11 9 25 36 45 110

Tableau 12. Impact budgétaire d’une abrogation de l’ACA (en millions USD)

Légende : (I) Coût de l’ACA en lien avec l’extension de la couverture assurantielle.
(II) Économies dans les dépenses de soins de santé liées à l’ACA.
(III) Recettes générées par l’ACA.
Source : Courrier du directeur du Congressional Budget Office du Congrès des États-Unis, D. W. Elmendorf, au président de la Chambre des représentants des États-Unis, J. Boehner, 24 juillet 2012, www.cbo.gov.

6. Analyse de l’arrêt de la Cour suprême (28 juin 2012)

234 Le président de la Cour suprême américaine, John Roberts, a souligné, le 28 juin 2012, qu’il n’a pas donné son opinion sur l’opportunité politique de la loi, rôle qui appartient aux élus de la nation, mais qu’il s’est seulement intéressé à la question de savoir si le Congrès a le pouvoir, en vertu de la Constitution, d’adopter les dispositions contestées  [98].

235 La Cour suprême américaine est une juridiction composée de neuf juges, nommés à vie par le président américain avec le consentement du Sénat (à l’heure actuelle, cinq d’entre eux ont été nommés par des présidents républicains et quatre par des présidents démocrates). Une décision l’emporte dès que cinq juges se prononcent en sa faveur. Schématiquement, la compétence de la Cour porte sur les cas suivants : conflit entre le gouvernement fédéral et un État fédéré ; conflit entre deux ou plusieurs États fédérés ; conflit porté par un État fédéré à l’encontre d’un citoyen étranger ; cas impliquant un ambassadeur ou un ministre étranger ; certains cas tranchés par les cours suprêmes des États quand une importante question fédérale y est abordée. Pour le sujet de la présente étude, il s’agit donc de noter que la jurisprudence de la Cour est particulièrement importante dans l’équilibre et les rapports de force entre l’État fédéral et les États fédérés.

236 Le 23 mars 2010, jour où le président Barack Obama signe le Patient Protection and Affordable Care Act, l’État de Floride, suivi par vingt-quatre autres États  [99], introduit un recours pour obtenir l’annulation de la loi. Le recours est dirigé à l’encontre du Department of Health and Human Services (DHHS), agence fédérale désignée par le Congrès américain pour administrer l’ACA. Un autre groupe de plaignants, comprenant notamment la National Federation of Independent Business (NFIB, association d’entreprises qui n’avaient aucune couverture assurantielle au moment de la signature de la loi) introduit un recours en Floride. Les deux cas sont examinés ensemble par la Cour suprême. Treize États  [100] interviendront dans la procédure pour soutenir la loi. Au total, seule une minorité de onze États supportera inconditionnellement l’ACA devant la Cour suprême (deux autres – ceux de Washington et de l’Iowa – intervenant pour la défendre seulement en partie), tandis qu’une majorité de vingt-cinq État s’y opposeront – les douze autres  [101] ne prenant pas position.

237 Le recours vise deux dispositions. La première concerne le « mandat individuel », qui exige de la plupart des citoyens – sous peine d’une amende dont le produit sert au financement des coûts collectifs générés par les personnes non assurées – un niveau minimum d’assurance santé pour eux-mêmes et les personnes qui dépendent d’eux (cf. supra). Le deuxième enjeu porte sur la partie de la loi qui prévoit que les États doivent modifier les règles d’éligibilité au programme Medicaid, notamment pour que ce programme couvre au moins les citoyens dont les revenus sont inférieurs à 133 % du seuil de pauvreté, sous peine de perdre l’ensemble des moyens fédéraux perçus pour financer ce programme avant l’entrée en vigueur de la loi. Dans la mesure où les Fonds fédéraux sont essentiels dans le financement de Medicaid, la sanction reviendrait à rendre impossible la poursuite de Medicaid pour les États qui auraient été confrontés à cette pénalité.

238 La Cour émettra plusieurs opinions.

239 Celle du président obtient cinq votes favorables pour son analyse du mandat individuel en lien avec le pouvoir fiscal, un vote (le sien) sur son analyse en lien avec la clause de commerce, et trois votes pour le volet relatif à l’extension de Medicaid.

240 La juge Ginsburg émet une opinion selon laquelle la clause de commerce autorise tant le mandat individuel que l’extension de Medicaid votée par le Congrès. Pour justifier son opinion, elle insiste notamment sur l’impact particulièrement important que les soins de santé ont sur l’économie nationale et sur le fait que les compagnies d’assurance exercent leurs activités dans l’ensemble des États, en s’appuyant notamment sur un nombre important de données statistiques. Elle considère ainsi qu’il convient de faire un problème national de l’augmentation importante du coût des soins de santé et du fait que les États ne sont pas capables de faire face à cette augmentation. Elle souligne notamment les faits suivants : collectivement, les Américains dépensent 2 500 milliards de dollars en soins de santé, ce qui correspond à 17,6 % du PIB ; en 2010, en moyenne, un citoyen américain dépense 7 000 USD pour ses soins de santé et un simple séjour hospitalier monte jusqu’à 10 000 USD ; en 2009, environ 50 millions d’Américains ne sont pas assurés, soit par choix mais plus probablement parce qu’ils ne peuvent pas se payer une assurance ou qu’ils ne répondent pas aux critères pour bénéficier des aides gouvernementales ; les personnes non assurées consomment pour plus de 100 milliards en soins de santé, soit près de 5 % du PIB ; contrairement à d’autres secteurs, une personne non assurée reçoit néanmoins des soins et, par exemple, en 2008, les hôpitaux, les médecins, etc. n’ont pas perçu de paiements pour un montant de 43 milliards USD sur les 116 milliards que valent les soins dispensés à ces personnes ; les États ne peuvent régler eux-mêmes le problème posé par les personnes sans assurance (par exemple, un nombre important de personnes ne résidant pas au Massachussetts y reçoivent des soins de santé et rendent ainsi peu efficients les efforts de cet État pour améliorer son système de délivrance des soins) ; le Congrès savait qu’encourager les citoyens à acheter une assurance ne serait pas suffisant pour régler le problème dans la mesure où, le plus souvent, les personnes non assurées ne le sont pas en vertu d’un choix qu’elles posent (mais plutôt pour des raisons financières, des antécédents médicaux, etc.) ; la part que les personnes non assurées ne parviennent pas à payer augmente les coûts et les prix pour les autres consommateurs. L’opinion de la juge Ginsburg est rejointe par trois autres juges quant au fait que le mandat individuel est justifié sous la clause de commerce, mais elle n’est rejointe que par la juge Sotomayor quant à son analyse relative à la validité de l’ensemble de la partie de la loi relative à Medicaid.

241 Enfin, les juges Scalia, Kennedy, Thomas et Alito rédigent une opinion qui considère l’ensemble du dispositif contraire à la Constitution. C’est donc une Cour profondément divisée qui tranche finalement le litige.

6.1. Le mandat individuel

242 L’ensemble des observateurs souligne que le mandat individuel (section 1501 de la loi) est la pièce centrale du Patient Protection and Affordable Care Act. Si la Cour devait le juger contraire à la Constitution, c’est l’ensemble de la loi qui, de facto, serait quasi annulée  [102].

243 Les auditions devant la Cour suprême révèlent d’emblée que la réponse de la Cour ne sera ni évidente, ni consensuelle entre les neuf juges. Le président de la Cour, le juge Roberts, qui est immédiatement vu comme l’un des juges qui fera pencher la balance d’un côté ou de l’autre, indique qu’il voit des similarités entre les besoins d’une personne dans le domaine des soins de santé et ceux en matière de police et de services de secours. À la suite de cette opinion, il pose la question de savoir si le gouvernement pourrait imposer d’acheter un téléphone cellulaire pour faciliter l’appel aux services de secours  [103]. Le juge Kennedy, également vu comme l’un des juges susceptibles d’être déterminants dans la décision  [104], semble sceptique sur la constitutionnalité du mandat individuel, tout en paraissant contester la thèse des avocats des 25 États plaignants, selon laquelle les personnes non assurées font déjà partie du marché de l’assurance santé, pour lequel elles constituent un risque dont le marché doit tenir compte. Il y a également eu de longs débats devant la Cour sur la question de savoir ce qu’il adviendrait si la Cour annulait le mandat individuel. Sans surprise, les avocats des plaignants considèrent que l’ensemble de la loi devrait alors être suspendu, tandis que les avocats du gouvernement fédéral estiment que, dans un pareil cas, le reste de la loi resterait applicable (comme par exemple les dispositions qui interdisent aux compagnies d’assurance de refuser une assurance en raison des motifs préexistants).

244 Au final, cinq juges (Roberts, Breyer, Kagan, Ginsburg et Sotomayor) soutiendront le mandat individuel et sanctionneront la partie de la loi qui prévoit, au titre d’une extension de Medicaid, de pénaliser les États qui refuseraient d’étendre ce programme par la perte de l’ensemble des fonds servant à le financer.

6.1.1. Le rôle joué par le président de la Cour suprême

245 C’est le président de la Cour suprême, John J. Roberts Jr., nommé par le président George W. Bush, qui a fait pencher la balance pour affirmer la validité de la loi.

246 Son rôle a été déterminant et de nombreux analystes ont insisté sur le fait qu’il avait, dans ce cas, fait primer le droit sur la politique partisane ou sur ses convictions personnelles  [105]. En effet, en dehors des considérations juridiques, la lecture de l’arrêt révèle que le président de la Cour est, sur le plan politique, opposé au contenu de la loi. L’arrêt contient ainsi de nombreuses considérations à travers lesquelles J. Roberts indique qu’il est en phase avec les plaignants et qu’il ne partage donc pas l’option retenue dans la loi de contraindre les citoyens à être actifs sur le marché s’ils ne souhaitent pas l’être.

247 Richard H. Pildes, professeur à la faculté de Droit de la New York University, a ainsi considéré que cette décision est un hommage à la Cour suprême en tant qu’institution, ainsi qu’à John Roberts, qui se révèle être un des présidents de la Cour les plus importants des quarante dernières années. « En considérant que le mandat individuel ne pouvait être admis en vertu de la clause de commerce, mais qu’il pouvait l’être en raison du pouvoir fiscal, la Cour et son président ont démontré que l’analyse est juridique et non politique. »  [106]

248 Son attitude a été d’autant plus décisive que la Cour suprême semble être profondément divisée en deux blocs, reflétant ainsi les tensions et les divergences idéologiques entre démocrates et républicains. Ces derniers ne cachaient d’ailleurs par leur certitude d’obtenir auprès de la Cour suprême ce qu’ils n’avaient pas réussi à bloquer démocratiquement par la voie législative, au niveau du Congrès. L’attitude du président de la Cour, aboutissant à un arrêt nuancé et des votes croisés qui dépassent la logique bipartisane est donc à souligner  [107].

249 L’arrêt est une surprise à plusieurs égards (cf. infra). Le fait que le président de la Cour ait fait pencher l’arrêt du côté du gouvernement et des juges progressistes en est le premier élément. Le fait que le mandat individuel ait été in fine validé à travers le pouvoir fiscal en constitue un deuxième. La partie relative à l’extension de Medicaid était également inattendue  [108] et sa portée laisse des zones d’ombre.

250 Des questions restent donc sans réponse et elles fragilisent la mise en œuvre d’une partie de la loi.

251 On ne peut, par ailleurs, certainement pas affirmer non plus que cet arrêt soit consensuel au sein de la communauté scientifique. À titre d’exemple, Roderick M. Hills Jr., professeur de droit à la New York University, a estimé que cette décision a confirmé ses pires craintes au motif qu’en refusant de justifier le mandat individuel sous la clause de commerce, l’arrêt libère « une puissance beaucoup dangereuse qui a sommeillé pendant plus d’un demi-siècle » par l’affirmation d’un pouvoir fiscal pratiquement illimité  [109].

252 De même, son collègue Richard A. Epstein, considère que l’arrêt ouvre une porte dangereuse en donnant l’impression qu’une mesure est justifiable dès le moment où elle rapporte un centime au gouvernement fédéral  [110].

6.1.2. La décision de la Cour suprême

253 La Cour suprême a examiné la conformité de la loi au regard de la Constitution : la clause de commerce, la clause de dépense et le pouvoir fiscal du Congrès. La Constitution américaine prévoit que le Congrès a le pouvoir de lever et de percevoir des taxes, droits, impôts et accises (droits, impôts et accises uniformes sur toute l’étendue des États-Unis), de payer les dettes, et de pourvoir à la défense commune et à la prospérité générale des États-Unis (article 1er, section 8). Cet article est qualifié de « General Welfare Clause ».

254 C’est au nom de la clause de commerce que la Cour suprême a rappelé que la fixation de tarifs douaniers n’appartenait pas aux États et que les pouvoirs du Congrès ne se limitent pas à la régulation du commerce entre les États : ils visent également les activités qui ont un effet important sur le commerce entre les États. La majorité des analystes juridiques considéraient, dans le prolongement de l’arrêt de la Cour suprême dans l’affaire Wickard contre Filburn, qu’il n’y avait que peu de doutes possibles sur la validité juridique du mandat individuel sous la clause de commerce.

255 Toutefois, sous l’égide de Randy Barnett, professeur de droit de l’Université de Georgetown connu pour sa défense des États à l’encontre du Congrès fédéral, un débat prit rapidement forme : via la clause de commerce, l’État ne peut-il réguler qu’une activité existante, ou peut-il également réguler une activité inexistante ?

256 Le débat a donc tourné autour du fait que, via l’imposition du mandat individuel, la loi ne régule pas une activité existante mais tend à inciter vigoureusement, sinon à obliger, les citoyens américains à poser un acte commercial positif (acheter une assurance santé), c’est-à-dire à participer à un marché commercial même s’ils ne le souhaitent a priori pas.

257 Sur la scène politique nationale, le Tea Party s’est fait le porte-drapeau de ce combat. Via des campagnes médiatiques, ce parti a asséné que si le Congrès pouvait imposer l’achat d’une assurance santé, il pourrait par la suite imposer aux Américains d’acheter et de manger des brocolis. Assez rapidement, plusieurs juridictions, présidées par des juges identifiés comme proches du Parti républicain, ont déclaré le mandat individuel contraire à la Constitution.

258 C’est à la suite des premiers arrêts que l’administration Obama a finalement décidé de porter immédiatement l’affaire devant la Cour suprême  [111].

259 Le gouvernement soutenait que le mandat individuel tombait dans le champ d’application de la clause de commerce et ce, pour plusieurs motifs : primo, le marché des soins de santé a un caractère unique, dans la mesure où toute personne est amenée, dans le courant de sa vie, à être un acteur du système pour y recevoir des soins ; secundo, l’absence d’achat d’une telle assurance a un effet important et potentiellement nuisible sur le commerce entre les États, en créant un problème de transfert de coût ; tertio, les assurances santé constituent un produit vendu dans tous les États et représentent une part importante de l’économie nationale ; quarto, dans la mesure où tant le gouvernement fédéral que les lois des États fédérés prévoient que les hôpitaux doivent fournir certains soins aux personnes non assurées, sans égard à leur capacité de payer, les hôpitaux ne perçoivent au final qu’une partie des montants auxquels ils ont droit et le coût se répercute ainsi indirectement sur les compagnies d’assurance via des tarifs plus élevés (et les compagnies d’assurance incorporent naturellement ensuite ces coûts au niveau des primes).

260 Cette argumentation n’a pas été suivie par la Cour. En effet, le président de la Cour a souligné que le Congrès n’avait auparavant jamais invoqué la clause de commerce pour obliger les individus à acheter un produit (d’assurance santé en l’espèce). Il a ainsi considéré que la clause de commerce ne s’applique qu’à ceux qui sont volontairement actifs, et non à ceux que l’on veut contraindre à acheter un bien ou un service. Il a poursuivi en soulignant que le Congrès ne peut pas, au nom de la clause de commerce, exiger d’une personne qu’elle s’engage dans une activité commerciale. Rappelant que la Constitution américaine ne donne que des pouvoirs limités au Congrès, la Cour a souligné qu’elle ne confère pas au Congrès une habilitation qui lui permettrait de contraindre les individus à engager une activité commerciale. La Cour a considéré qu’autoriser, via la clause de commerce, le Congrès à contraindre les individus, précisément parce qu’ils ne font rien, ouvrirait un champ trop large et trop vague. Les pères fondateurs ont donné le pouvoir au Congrès de réguler le commerce, pas de le rendre obligatoire. À titre d’exemple, le président de la Cour a souligné que la Constitution habilite le Congrès à réguler l’armée et les forces navales seulement après que la Constitution lui a donné le pouvoir de les créer.

261 C’est donc via le pouvoir fiscal du Congrès que la Cour a justifié la constitutionnalité de la loi. La décision de la Cour sur ce point a surpris plusieurs observateurs. En effet, aucune cour fédérale n’avait jusque-là suivi cet argument de défense du gouvernement fédéral.

262 Le gouvernement fédéral avançait qu’en vertu de la loi, le « paiement de responsabilité partagée » est perçu par l’Internal Revenue Service et est payée via le système de déclaration fiscale. Elle n’est pas due pour les personnes qui ne sont pas soumises à l’obligation de déposer une déclaration fiscale en raison de la faiblesse de leur revenu et elle est notamment calculée en fonction du niveau de revenu et du nombre de personnes dépendantes. Enfin, elle génère des revenus pour le gouvernement fédéral (le CBO a estimé qu’elle rapporterait environ 4 milliards USD à partir de 2017). La Cour a retenu ces arguments, en soulignant que la sanction prévue par la loi présente les principales caractéristiques d’une taxe (« the essential feature of any tax »). Après avoir relevé qu’il y avait déjà dans le code fiscal de nombreuses pénalités imposées pour diverses raisons et qui agissent comme des incitants pour adapter les comportements, la Cour a considéré qu’une pénalisation de ceux qui choisiraient de ne pas acheter une assurance santé constitue un légitime exercice du pouvoir fiscal.

263 La majorité des cinq juges a estimé que trois facteurs plaidaient pour reconnaître la constitutionnalité de la loi : pour la plupart des Américains, le montant qui serait dû est largement inférieur au prix d’une assurance et, en vertu de la loi elle-même, il ne peut jamais être supérieur ; le montant ne dépend pas de l’intention qu’a (ou non) la personne concernée d’acheter une assurance ; l’ACA interdit à l’IRS de collecter ce montant par le biais d’une poursuite pénale. Le paiement lié à la « responsabilité partagée » ne constitue donc pas une pénalité qui serait due pour sanctionner un acte illégal. Même si la loi encourage les personnes à acheter une assurance, elle fonctionne comme une taxe, car elle laisse légalement aux individus le choix de poser ou non un certain acte pour autant qu’ils soient prêts à assumer les taxes qui découlent de leur choix  [112].

264 Parmi les cinq juges qui ont soutenu la constitutionnalité de la loi en raison du pouvoir fiscal, quatre considéraient que la loi trouvait d’abord sa justification dans la clause de commerce. Ils n’ont cependant pas voulu émettre une opinion distincte du président de la Cour, dans la mesure où, dans le monde réel, le fait que la Cour valide le mandat individuel via le pouvoir fiscal plutôt que par la clause de commerce n’a aucune conséquence pratique.

265 Il en va différemment sur le plan politique  [113]. La qualification du mandat individuel en tant que mesure fiscale a évidemment un impact. Elle offre des arguments au Parti républicain pour essayer de rebondir après la défaite politique que cet arrêt représente pour eux. Tant Mitt Romney que le président de la Chambre des représentant, John Boehner, ont, dès l’arrêt de la Cour, appelé à abroger la loi en insistant sur le fait qu’elle constituait une taxe, en sensibilisant de ce fait une partie de l’opinion publique américaine. À titre d’exemple, le gouverneur du Wisconsin a indiqué que son État ne prendrait aucune mesure d’implantation de l’ACA avant l’élection présidentielle de novembre 2012 et qu’il espérait que le prochain Congrès allait l’abroger.

266 Le mandat individuel et la responsabilité partagée entreront donc bien en vigueur en 2014. De nombreux États ont initié les démarches nécessaires – et ont reçu des fonds fédéraux – pour instaurer le mécanisme de l’Exchange au sein duquel les contrats d’assurance répondant aux conditions de l’ACA seront disponibles (et donneront notamment accès aux crédits d’impôts). Toutefois, douze États avaient interrompu leurs travaux dans l’attente de l’arrêt de la Cour suprême. La loi prévoit que les États doivent, pour le mois de novembre 2012 au plus tard, soumettre (pour approbation) leur feuille de route soit pour créer leur propre Exchange, soit pour participer à un dispositif d’Exchange entre leur État et le gouvernement fédéral. Si un État n’établit pas son Exchange, c’est le dispositif fédéral qui s’applique.

6.2. Medicaid

267 La partie de l’arrêt la plus complexe concerne l’extension de Medicaid qui est, au final, très partiellement invalidée sur le plan juridique.

268 Toutefois, les effets de cette annulation partielle pourraient s’avérer importants.

269 Par ailleurs, l’arrêt constitue un précédent dans l’analyse des pouvoirs du Congrès fédéral à l’égard des États au nom de la clause de dépenses (Article 1er, section 8, clause 1 de la Constitution des États-Unis, dite « Spending Clause ») (cf. infra). Cet article de la Constitution américaine donne au Congrès le pouvoir de payer les dettes et de veiller au bien-être général des États-Unis. Historiquement, la Cour a considéré que cette clause habilite le Congrès à allouer des fonds aux États. En échange de l’octroi de ces fonds fédéraux, le Congrès peut imposer certaines conditions sur l’usage que les États doivent en faire. Ce dispositif a permis au Congrès d’atteindre certains objectifs dans des matières dans lesquelles il ne peut pas légiférer directement en raison des pouvoirs limités dont il dispose, en particulier dans le domaine de la santé publique, de la sécurité et du bien-être.

270 Dans deux arrêts précédents, l’un de 1937 et l’autre de 1987  [114], la Cour avait noté qu’il pourrait y avoir dans le futur un cas dans lequel la question serait posée de savoir jusqu’où peut aller la pression exercée par le Congrès sur les États en échange d’un financement, pour inciter ces derniers à légiférer dans un certain sens, avant de devenir contraire à la Constitution.

6.2.1. La décision de la Cour

271 Le débat devant la Cour suprême a essentiellement porté sur la sanction que peuvent encourir les États qui refuseraient d’étendre les critères d’éligibilité minimale au sein du programme Medicaid. En réalité, l’ACA ne crée pas un nouveau régime de sanction, mais renvoie au régime général qui existait avant son adoption (§ 1396c de la loi). Le texte habilite le Department of Health and Human Services à retirer les moyens fédéraux alloués au financement de Medicaid aux États qui ne respecteraient pas les dispositions relatives à l’extension de ce programme.

272 La Cour a d’abord rappelé qu’il est admis que, par le biais de la clause de dépense, le Congrès encourage les États à légiférer dans un certain sens. Elle a cependant aussi veillé à rappeler que la Constitution ne donne pas pour autant au Congrès l’autorité nécessaire pour contraindre les États à légiférer. La Cour a analysé cette clause comme un contrat entre le gouvernement fédéral et les États fédérés. En conséquence, l’usage correct de ce pouvoir par le Congrès dépend de la question de savoir si les États, sur une base volontaire et en connaissance de cause, acceptent le contrat. La Cour a considéré que cette limite est fondamentale pour ne pas miner la souveraineté des États, qui est un élément essentiel du système fédéral. Dans le cadre du système fédéral américain, la Cour s’est montrée sensible au fait que les élus d’un État ne doivent pas souffrir des conséquences électorales d’un programme fédéral qui serait impopulaire  [115].

273 Avant cet arrêt, la Cour suprême n’avait eu l’occasion de s’exprimer qu’à deux reprises à propos de la « théorie de la coercition », mais elle avait à chaque fois soutenu les lois fédérales contestées  [116]. Dans chacun des cas, la Cour avait admis la possibilité qu’un programme fédéral aboutisse à contraindre excessivement les États, mais n’avait jamais considéré que tel était le cas en pratique.

274 Dans son arrêt relatif à l’ACA, la Cour a considéré que la clause de dépenses est violée et a annulé partiellement la loi.

275 Selon la Cour, les États peuvent volontairement accepter de couvrir les citoyens les plus pauvres qui ne sont pas assurés, mais il y a une violation de la Spending Clausesi le Congrès utilise cette habilitation en menaçant, dans le même temps, les États de perdre les fonds fédéraux actuellement alloués à ce programme. Le président de la Cour a ainsi considéré que le Congrès ne peut pénaliser les États qui décident de ne pas participer à ce nouveau programme, sous la menace de se voir retirer les moyens alloués dans le programme actuel  [117].

276 En l’espèce, le juge Roberts a considéré que les subventions proposées aux États n’offraient qu’un maigre incitant (« a relatively mild encouragement ») et que la loi s’apparentait au fait d’avoir un revolver sur la tempe (« a gun to the head »).

277 À l’inverse, la juge Kagan a considéré que recevoir une « cargaison » d’argent en provenance du gouvernement fédéral (« a boatload of federal money ») ne lui apparaissait pas particulièrement coercitif. L’ACA octroie, en effet, un financement considérable pour l’extension de Medicaid qu’elle prévoit (le Congrès offre un financement de 100 % au début, et de 90 % ensuite) ; ce financement supplémentaire est beaucoup plus élevé que les participations antérieures du gouvernement fédéral pour le co-financement de ce programme.

278 L’arrêt de la Cour s’est focalisé sur l’« énormité » de la sanction dans la mesure où, si les États devaient perdre l’ensemble du financement qu’ils perçoivent du gouvernement fédéral pour le programme Medicaid, ils perdraient, en moyenne, l’équivalent de 10 % de leurs recettes.

279 L’importance de cette sanction révélerait que les États n’auraient en fait pas une réelle possibilité de refuser. La Cour a insisté sur le fait qu’il est requis que les États disposent d’un réel choix d’accepter ou non la proposition. Les États qui avaient intenté le recours soulignaient ainsi que l’extension de Medicaid était en réalité un nouveau programme et que le Congrès les forçait à l’accepter sous la menace de perdre les moyens alloués pour Medicaid.

280 À certains égards, l’arrêt de la Cour repose surtout sur des considérations factuelles, émaillées de certains slogans (avec des formules comme « conscripts states » ou « economic dragooning ») et ne donne pas nécessairement un enseignement très clair pour l’avenir  [118].

281 De notre point de vue, pour apprécier le caractère proportionnel d’une sanction, il aurait été nécessaire d’examiner dans le détail le pendant de celle-ci, c’est-à-dire l’objectif de la mesure qui est édictée et les conditions, en l’espèce financières, par lesquelles elle est imposée.

282 Au regard de l’importance de l’enjeu et du caractère fédéral de Medicaid, il aurait pu être admis que le Congrès soit habilité à définir librement le seuil d’éligibilité du programme, pour autant bien entendu que le seuil qu’il fixe ne soit pas déraisonnable.

283 En l’espèce, la Cour a considéré que fixer un plancher à 133 % du seuil de pauvreté revenait à dénaturer le programme, qui n’était, dès lors, plus focalisé sur les personnes les plus pauvres. Il s’agit évidemment d’une question d’appréciation qui ne relève pas de l’analyse juridique au sens strict. Il nous semble difficile d’admettre que la fixation de ce nouveau seuil puisse apparaître déraisonnable (pour rappel, 133 % du seuil de pauvreté américain correspond grosso modo pour une personne isolée à un revenu équivalent à 950 euros par mois en Europe). Est-il manifestement déraisonnable de penser qu’avec un revenu inférieur à cette somme, il est opportun de prévoir un dispositif particulier pour garantir un accès aux soins de santé ? À titre de comparaison, en Belgique, le seuil de pauvreté pour une personne isolée est fixé à 973 euros par mois, tandis qu’il est de 964 euros par mois en France. On constate ainsi que 133 % du seuil de pauvreté aux États-Unis représentent un montant inférieur à 100 % du même seuil en Belgique ou en France. À l’inverse, le président de la Cour a considéré que les personnes dont les revenus sont inférieurs à 133 % ne sont pas celles qui sont le plus dans le besoin (« [They are not] the neediest among us »).

284 Un autre reproche a été formulé à l’égard de l’arrêt de la Cour sur ce volet relatif à Medicaid.

285 L’analyse de l’arrêt révèle en effet que la Cour a une conception figée de Medicaid qui ne correspond pas à la réalité. Elle semble avoir méconnu certaines de ses caractéristiques, ainsi que son caractère évolutif depuis sa création (le Congrès a, à plusieurs reprises, modifié unilatéralement les couvertures obligatoires au sein de ce programme). La Cour a considéré que l’ACA transformait fondamentalement Medicaid : il ne s’agirait plus d’un programme s’adressant aux personnes les plus pauvres, mais plutôt d’un nouveau programme  [119].

286 Cette conception de la Cour a joué un rôle central lorsqu’elle examinait si les sanctions prévues par la loi étaient disproportionnées au regard de la souveraineté des États. Comme le soulignent N. Huberfeld, E. Weeks Leonard et K. Outterson, le « pivot » de l’arrêt est la distinction artificielle entre un « ancien » et un « nouveau » Medicaid (« The linchpin of the plurality is the artificial distinction between “old” and “new” Medicaid »)  [120].

287 En réalité, l’extension de Medicaid est davantage une modernisation  [121] qu’une rupture. La véritable évolution se trouve dans l’ACA lui-même et dans sa volonté d’apporter une réponse globale et structurée au défi de la couverture de soins de la population américaine. Dans ce cadre, la réforme de Medicaid constitue un élément parmi d’autres, tout en restant dédiée à la population la moins favorisée.

288 En effet, dès son origine en 1935, au travers du Social Security Act, qui a créé la base légale pour ce type de programme, Medicaid a eu pour objectif d’aider les personnes les plus pauvres et a réservé au seul Congrès américain le pouvoir de le modifier (« The right to alter, amend, or repeal any provision of this chapter is hereby reserved to the Congress », dit expressément le texte original instituant Medicaid). C’est notamment sur cette base que le Congrès a, à de nombreuses reprises (notamment en 1967, 1972, 1988 et en 2003), modifié Medicaid tant via des couvertures obligatoires que via de nouvelles possibilités optionnelles. Par exemple, deux ans à peine après sa création, le Congrès américain avait déjà décidé d’étendre Medicaid pour couvrir, sous certaines conditions, les enfants. L’ACA apparaît davantage comme une nouvelle évolution, dont le point central est le relèvement du seuil d’éligibilité, qui passe de 100 à 133 % du seuil de pauvreté. La loi s’inscrit donc dans la philosophie et l’objectif qui sont ceux de ce programme depuis sa création, ainsi que dans la lignée des réformes précédentes. Il ne s’agit pas d’une rupture ou d’un quelconque nouveau programme. La précédente limite de revenu (100 % du seuil de pauvreté), n’avait pas été fixée dans une logique de protection des États par rapport au pouvoir du Congrès fédéral. C’était simplement un seuil qui, à cette époque, semblait opportun, notamment au regard du nombre de personnes qui n’étaient pas assurées.

289 L’arrêt de la Cour suprême omet cette longue histoire en soulignant l’absence de continuité entre le programme Medicaid tel qu’il était précédemment et tel qu’il devient avec l’ACA (la Cour considère ainsi que l’extension de Medicaid est un changement dans la nature même de Medicaid, et pas une simple évolution (« a shift in kind, not merely degree »).

290 Or, c’est précisément cette qualification de nouveau programme qui justifie la décision de la Cour. En effet, dès le moment où il s’agirait d’un nouveau programme, la Cour l’examine sous l’angle des principes classiquement requis pour qu’un programme soit justifié au nom de la clause de dépenses et qui découle de la nature quasi contractuelle de la relation entre le gouvernement fédéral et les États fédérés. Il existe ainsi une longue jurisprudence qui impose le respect du principe de la clear notice[122], qui exige que la loi fédérale concernée présente clairement la portée et les conditions du programme pour que les États connaissent, à l’avance, l’ensemble des conséquences dans l’hypothèse où ils décideraient d’y adhérer.

291 Contrairement à ce que certains médias ont annoncé (par exemple Jeffrey Toobin, chroniqueur juridique de CNN), l’arrêt de la Cour ne remet pas en cause l’extension de Medicaid en déclarant qu’elle serait contraire à la Constitution. Il n’était donc guère exact de proclamer à la suite de cet arrêt : « Obamacare is dead ». Plutôt que d’invalider l’extension de Medicaid dans son ensemble, la Cour a retenu une solution nettement plus limitée, en n’annulant que les dispositions de la loi qui autorisaient le Department of Health and Human Services à utiliser la section 1396c de la loi, en vertu de laquelle il est habilité à retirer l’ensemble des fonds finançant le programme Medicaid  [123]. D’un point de vue juridique, les dispositions de l’ACA relatives à l’extension des publics-cibles et l’obligation de les couvrir demeurent. L’arrêt limite simplement le pouvoir de contrôle et de sanction de l’autorité fédérale.

292 Ce volet de la décision a un côté paradoxal, dans la mesure où la section 1396c en cause existait avant l’ACA – en l’occurrence, depuis la création de Medicaid en 1965 – et que l’ACA ne la modifie pas.

293 En outre, dès le moment où Medicaid a été instauré par une loi fédérale, il ne fait pas de doute que le Congrès pourrait à tout moment décider de supprimer ce programme. Au nom de l’importance de Medicaid et du financement assuré par le gouvernement fédéral, l’arrêt de la Cour revient donc à considérer contraire à la Constitution le fait que le Department of Health and Human Services puisse supprimer l’octroi des moyens fédéraux à un État qui refuserait d’étendre Medicaid sur son territoire, tandis que, dans le même temps, le Congrès lui-même dispose du pouvoir d’abroger le programme en tout ou en partie et de revoir les financements qu’il lui alloue.

294 Un autre paradoxe de l’arrêt est le suivant : sous la clause de dépenses, offrir un financement généreux est un exercice pleinement autorisé. À l’inverse, sous la même clause, recourir à un mécanisme de sanction existant qui permet de retirer un financement substantiel est, quant à lui, jugé disproportionné. Si l’on se réfère à certains commentaires politiques en Belgique, on pourrait par analogie parler ici d’une logique de « fédéralisme de consommation ».

6.2.2. Les conséquences de l’arrêt

295 Vis-à-vis de l’accès aux soins de santé, l’arrêt rend, dans les faits, l’extension d’une partie de Medicaid optionnelle pour les États : la seule sanction qui demeure à l’égard des États qui refuseraient d’étendre la population visée est le retrait des seules aides supplémentaires pour Medicaid prévues dans l’ACA.

296 Après un arrêt de la Cour suprême, le Congrès est habilité à amender la loi pour s’aligner sur l’arrêt ou pour la supprimer purement et simplement. Dans le cas du Patient Protection and Affordable Care Act, et à l’initiative de la majorité républicaine, la Chambre des représentants a voté une abolition totale de la loi. Par contre, il n’y a aucun risque qu’un tel vote survienne au Sénat. En outre, si tel devait être le cas, le président américain pourrait encore opposer son veto à ce vote. Le Sénat pourrait alors avoir le droit du dernier mot, mais seulement s’il réunit une majorité des deux tiers. S’il n’y parvient pas, la loi reste en vigueur, moyennant le respect de l’arrêt rendu par la Cour suprême. Vu la situation de blocage actuelle au niveau du Congrès américain, il est nécessaire de bien analyser la portée de l’arrêt.

297 La question se pose de savoir quelles parties de la réforme de Medicaid sont désormais optionnelles pour les États. Malheureusement, il est difficile d’apporter une réponse parfaitement claire à cette question.

298 Deux dispositions sont centrales dans l’analyse du président de la Cour relative à la théorie de la coercition. Il s’agit de l’ajout des personnes dont les revenus sont inférieurs à 133 % du seuil de pauvreté et la formule du taux de correction fédéral (« The enhanced federal matching rate »).

299 À l’évidence, ces dispositions sont devenues optionnelles pour les États. À l’inverse, une série de dispositions relatives à Medicaid n’étaient pas contestées devant la Cour et ne sont donc pas concernées par l’arrêt. Cette section inclut les dispositions relatives au meilleur remboursement pour un certain nombre de soins de base, l’extension – à partir de 2019 – du programme destiné aux enfants qui ont été auparavant placés dans une institution d’accueil, ainsi que les nouvelles règles relatives aux médicaments existants.

300 De même, une autre série de dispositions qui étaient contestées par les États ne fut jamais examinée par la Cour dans le cadre de son analyse de la « coercition » qui justifie l’annulation partielle de la loi. Logiquement, ces dispositions ne sont donc pas non plus affectées par l’arrêt. Ce volet concerne notamment la nouvelle définition de l’assistance médicale.

301 Enfin, pour un certain nombre de mesures, il semble difficile d’apporter une réponse certaine. Il y a fort à parier que la loi devra être clarifiée sur ces points ou que les juridictions seront amenées à se prononcer. Cet aspect concerne notamment l’extension de la couverture obligatoire pour les enfants sous 133 % du seuil de pauvreté  [124], les règles relatives au fait que, durant la phase de mise en œuvre de l’ACA, les États ne peuvent diminuer les couvertures qu’ils accordaient (règles relatives au maintenance of effort, MOE) et l’application des couvertures obligatoires (essential healthbenefits) pour les nouveaux groupes couverts en vertu de la loi.

302 Pour le volet optionnel, les États se retrouvent devant le choix suivant : soit ils décident de participer à l’extension de Medicaid et, dans ce cas, ils devront répondre aux conditions posées par la loi s’ils souhaitent obtenir les financements fédéraux, qui sont particulièrement généreux ; soit ils décident de maintenir sur leur territoire le programme Medicaid dans sa version actuelle et conserveront alors seulement les financements qui existaient avant l’ACA. C’est l’attitude des États républicains qui sera examinée de près  [125]. Le choix qu’ils poseront sera fondamental, en particulier pour leurs citoyens les plus pauvres.

303 Le Patient Protection and Affordable Care Act était conçu pour que la plupart des publics-cibles disposent désormais d’une couverture en soins de santé soit via leur employeur, soit via le mandat individuel, soit enfin au travers des programmes gouvernementaux. Grâce à l’extension de Medicaid, c’est plus de 15 millions de personnes supplémentaires qui pourraient être couvertes. Si un État décide de ne pas étendre ce programme sur son territoire, il continuera à y avoir un vide, d’autant plus grave qu’il concernera les personnes les plus faibles.

304 Toutefois, la balle ne sera plus dans le camp du gouvernement fédéral, dans la mesure où il a adopté un texte structuré qui offre aux États une possibilité d’être généreusement financés pour couvrir cet enjeu. Le problème ne serait alors plus considéré comme un problème national mais comme une question qui relèverait, d’une manière disparate, des États. Or, la charge financière pour ces États risque, au final, d’être plus lourde pour eux s’ils ne procèdent pas à l’extension de Medicaid, dans la mesure où l’obligation d’offrir les soins urgents demeure et que la charge financière de cette obligation retombera au final sur les acteurs de santé de l’État concerné  [126]. On pourrait aboutir à une situation délicate dans la mesure où, comme le soulignent plusieurs observateurs, l’absence de couverture correcte pour les citoyens les plus faibles est un problème national. Pour ce motif et en raison de l’ampleur des budgets nécessaires, les États sont incapables de le régler  [127].

305 Comme l’ont souligné T. Stolzfus et S. Rosenbaum dans le New England Journal of Medicine, au final, les changements apportés par la réforme dans Medicaid feraient économiser de l’argent et non l’inverse  [128], tandis que le financement prévu par le Congrès au bénéfice des États pour cette extension est à ce point avantageux que, dans un monde rationnel, il aurait été logique de voir les États en profiter pleinement, et ne pas y voir, à l’opposé de la vision Cour suprême, un dispositif excessivement contraignant  [129]. Il sera donc fondamental d’observer comment les États vont se comporter sur ce point.

6.3. La mise en œuvre de la réforme

306 Au-delà des questions relatives à l’interprétation de l’arrêt pour le volet Medicaid, certains éléments apparaissent clairement, d’autres moins.

307 La première constatation est que l’administration fédérale poursuit la mise en œuvre de l’ACA. Plusieurs dispositions sont déjà entrées en vigueur, notamment un certain nombre de protections pour les personnes assurées, qui incluent le droit pour les enfants jusqu’à 26 ans de rester couverts par l’assurance des parents, l’interdiction de refuser l’affiliation d’un enfant au motif d’une maladie préexistante, l’interdiction d’un montant maximum d’indemnisation durant la vie de l’assuré, etc. Le Department of Health and Human Services (DHHS) a déjà mis en œuvre les mesures destinées à réformer la délivrance des soins, comme les Accountable Care Organizations (ACO), et à créer les Centers for Medicare and Medicaid Innovation (CMMI), le tout dans l’objectif de réduire le coût des soins de santé par une meilleure gestion et/ou dispensation. Enfin, les autres dispositions déjà en vigueur restent évidemment pleinement applicables et appliquées.

308 À l’inverse, des dispositions importantes ne seront effectives que plus tard. On pense notamment, d’ici 2014, au mandat individuel, à l’obligation d’assurance pour les grandes entreprises et à l’obligation pour les États de mettre sur pied à leur niveau le mécanisme de l’Exchange. De même, plus proche de nous, c’est en 2013 que la taxe sur le matériel médical doit entrer en vigueur, tandis que les premières recommandations du Medicare Independent Payment Advisory Board (IPAB), qui est chargé de contrôler la croissance des coûts de Medicare, doivent être soumises au Congrès en janvier 2015.

309 Il reste aussi de zones d’ombres. Les États vont-ils immédiatement et correctement mettre en œuvre le mécanisme de l’Exchange ? La loi prévoit que les États doivent notifier pour le 1er janvier 2013 au plus tard leur plan pour lancer l’Exchange sur leur territoire. À ce stade, quinze États ont établi leur système, dix-huit étudient les options qu’ils vont retenir et quatorze attendaient clairement les résultats de l’élection présidentielle.

310 Dans le même domaine, un autre élément-clé n’est pas encore déterminé. Il s’agit des health benefits packages, qui correspondent aux garanties et aux droits minimaux qui doivent être inclus dans les contrats d’assurance qui sont vendus via l’Exchange. L’ACA a défini dix catégories de couvertures qui doivent être obligatoirement incluses dans les contrats d’assurance. La loi laisse la possibilité d’arrêter des avantages supplémentaires au DHHS, qui a lui-même délégué une partie de ses prérogatives aux États. Le DHHS a ainsi indiqué que chaque État devra choisir parmi quatre options pour arrêter ce qui entre dans la couverture minimale. Si un État refuse de faire son choix, le DHHS assignera d’autorité à cet État une couverture par défaut. Le DHHS prévoit que les États feront leur choix dans le quatrième trimestre de 2012. Tant que cet élément n’est pas établi, il reste une inconnue sur le contenu exact de la protection qui est octroyée par les contrats d’assurance santé. Le DHHS n’a d’ailleurs pas encore arrêté ce qui serait au moins couvert dans le système d’Exchange qui sera mis en place par le gouvernement fédéral. Or, si les États traînent à mettre en place leur système, ce dernier sera amené à jouer un rôle nettement plus important que celui escompté au départ.

6.4. L’arrêt a-t-il des conséquences plus larges que l’ACA ?

311 Sur le plan juridique, l’affirmation par la Cour que la clause de commerce ne peut justifier que le Congrès contraigne un individu à acquérir un bien ou un service sur le marché constitue une première depuis le New Deal. Il s’agit d’un précédent notable, mais sa portée pourrait rester symbolique. En effet, dans le même temps, la Cour a accordé au Congrès un pouvoir qui apparaît particulièrement large au nom de son pouvoir fiscal. En outre, à l’exception du domaine des soins de santé, il semble difficile d’imaginer dans quel autre domaine le Congrès pourrait être tenté d’utiliser, au nom de la clause de commerce, un tel pouvoir visant à contraindre les citoyens à être actifs sur le marché.

312 Jusqu’à cette décision, aucune Cour n’avait jamais utilisé la théorie de la coercition pour annuler une disposition fédérale assurant un financement conditionnel. Cet arrêt constitue une première et un précédent. Le volet relatif à Medicaid semble donc le plus important sur le plan juridique  [130]. En effet, à l’instar de tout État fédéral, il existe de multiples domaines dans lesquels les actions du pouvoir fédéral et celles des États fédérés se recoupent ou s’entrecroisent, ou dans lesquelles une entité incite une autre à adopter une position ou à mener une politique.

313 Comme plusieurs commentateurs l’ont souligné, cet arrêt pourrait avoir des conséquences au-delà du Patient Protection Affordable Care Act qu’il a sauvé pour l’essentiel, puisqu’un grand nombre de politiques conçues dans le cadre du New Deal/Great Society repose sur la clause de dépenses et sur les conditions que le Congrès a posées pour l’octroi des moyens dégagés sur cette base. De ce point de vue, l’arrêt peut aussi être vu comme offrant aux États une nouvelle arme de négociation avec le gouvernement fédéral  [131].

314 Cet arrêt pourrait donc ouvrir la porte à la contestation d’autres programmes fédéraux dont l’aide est le plus souvent conditionnelle pour inciter les États à agir dans un sens déterminé.

315 Toutefois, Medicaid constitue un programme à ce point particulier, complexe, imbriqué  [132] et onéreux sur le plan budgétaire – avec notamment le fait que les États sont en réalité financièrement incapables de le mener sans le soutien fédéral –, qu’il n’est pas évident que les enseignements de cet arrêt puissent s’appliquer à d’autres domaines ou d’autres situations.

316 Il est certain que cet arrêt de la Cour suprême a rouvert les débats sur la « théorie de la coercition », qui alimentera immanquablement les controverses à l’avenir devant cette haute juridiction  [133].

317 Concluons ce chapitre en soulignant combien un arrêt d’annulation aurait probablement été dramatique. Après autant d’années, face à de tels enjeux, après tant de réformes avortées, s’il avait été nécessaire de repartir d’une page blanche, a fortiori à partir d’un arrêt qui aurait limité les pouvoirs du Congrès dans cette matière, le risque aurait été énorme d’un enterrement du sujet pour de nombreuses années. L’annulation aurait sans doute signifié la fin d’un système de santé applicable à l’ensemble du pays. Autrement dit, les États-Unis auraient probablement été condamnés à continuer à faire face à un patchwork de régimes, sensiblement différents d’État à État, tandis que ces derniers sont, en réalité, souvent incapables d’aborder pleinement cet enjeu tant pour des raisons financières (ils ne peuvent seuls faire face à de tels budgets) que pour des raisons de mobilité et d’échanges entre les États. L’arrêt de la Cour suprême permet que l’ACA, qui requiert des adaptations et des changements, constitue un acquis : l’ambition que cette loi concrétise peut valablement être déployée au niveau fédéral.

7. La campagne présidentielle américaine de 2012

318 D’après les sondages d’opinion, le coût des soins de santé était, pour les électeurs américains, le deuxième plus grand enjeu de la campagne présidentielle de 2012 (Graphique 7). Par ailleurs, en matière de soins de santé, les principales préoccupations des personnes sondées sont, dans l’ordre, le maintien de Medicare et le coût des soins de santé et des assurances (73 % des sondés considèrent ces deux sujets comme importants ou très importants), l’accès aux soins pour les personnes les plus fragilisées via Medicaid (63 %) et la fourniture d’une couverture santé pour les personnes non assurées (62 %)  [134]. Les soins de santé ont, dès lors, constitué sans surprise un thème majeur de la campagne, et ont donné à voir des divergences profondes entre les deux candidats  [135].

319

Graphique 7. Enjeux les plus importants aux élections présidentielles (sondage d’opinion, août 2012)

Figure 7

Graphique 7. Enjeux les plus importants aux élections présidentielles (sondage d’opinion, août 2012)

Source : Kaiser Family Foundation.

320 Le positionnement de la population américaine face à l’Obamacare semble un peu particulier. D’un côté, la réforme de la santé considérée comme un tout ne semble pas bénéficier d’un soutien majoritaire au sein de la population. En effet, 43 % des personnes sondées indiquent avoir un avis défavorable sur la réforme, tandis que seuls 38 % disent avoir un avis favorable  [136]. Par contre, à l’exception notable de la disposition relative à l’obligation de s’assurer, la plupart des éléments de la réforme reçoivent un large soutien populaire (Graphique 8).

321

Graphique 8. Opinions sur les principaux éléments de la réforme (juillet 2012)

Figure 8

Graphique 8. Opinions sur les principaux éléments de la réforme (juillet 2012)

Source : Kaiser Family Foundation.

322 Dans le même sens, Barack Obama est considéré par les citoyens américains comme proposant une vision plus claire dans le domaine des soins de santé. Ainsi, à la question de savoir si elles pensent avoir une bonne compréhension de ce que les candidats entreprendront s’ils gagnent l’élection, les personnes sondées, en août 2012, par la Fondation de la famille Henry Kaiser donnent un net avantage au candidat démocrate  [137] (cf. Graphique 9).

323

Figure 9
Graphique 9. Réponses au sondage « Diriez-vous que vous avez une bonne compréhension de ce que chacun des deux candidats suivants se propose de faire en matière de soins de santé s’il gagne l’élection présidentielle de 2012 ? » (août 2012)
Source : Kaiser Family Foundation.

324 La désignation de Paul Ryan comme candidat à la vice-présidence en ticket avec Mitt Romney semble modifier la perception des futurs électeurs. En effet, Paul Ryan s’est illustré par des discours musclés sur la réduction des dépenses du gouvernement fédéral et il a spécialement pointé les programmes Medicare et Medicaid. D’une manière générale, il apparaît profondément opposé à tout programme gouvernemental de redistribution de la richesse vers les personnes les plus pauvres et est convaincu que la seule réponse pertinente est de mener des politiques qui promeuvent la croissance économique. Il déclare notamment : « Souhaitons-nous traiter les symptômes de la pauvreté et de la stagnation économique par une redistribution des revenus et par la lutte des classes, ou voulons-nous aller aux causes profondes des problèmes par la promotion de politiques de croissance visant à favoriser la prospérité ? »  [138] Dans le même ordre d’idées, il pose également la question suivante : « Croyons-nous que l’objectif du gouvernement est de promouvoir l’égalité des chances pour tous les Américains à tirer le meilleur parti de leur vie ? Ou croyons-nous, au contraire, que le rôle du gouvernement est d’égaliser les résultats de la vie des gens ? »  [139] Dans cette logique, P. Ryan s’est aussi illustré par une critique frontale du système de soins de santé britannique (le NHS), au motif qu’il rendrait les patients dépendants du gouvernement  [140].

325 Pendant longtemps, la première préoccupation des électeurs a uniquement été l’état de la situation économique  [141]. Les propositions du Parti républicain de modifier fondamentalement Medicare ont conduit à ce que ce programme devienne une – sinon la – préoccupation majeure des baby-boomers (c’est-à-dire les personnes nées entre 1946 et 1964, qui représentent actuellement 37 % de l’électorat américain)  [142], tandis que l’avenir de Medicare et de Medicaid en sont venus à occuper respectivement les troisième et quatrième préoccupations prioritaires des Américains durant le mois de septembre 2012  [143]. Mené durant le même mois, un sondage New York Times/CBS indique que 54 % des électeurs pensent que Barack Obama ferait un meilleur travail dans la gestion de Medicare, contre 42 % pour Mitt Romney  [144].

7.1. Les démocrates

326 Via son site Internet de campagne, Barack Obama reprend les avancées de la loi qu’il a portée et concentre uniquement son propos sur les acquis de cette réforme. Il est singulier d’observer que son site ne contient pas de proposition additionnelle à l’exécution intégrale du Patient Protection Affordable Care Act, notamment en lien avec les questions qui restent en suspens pour assurer sa pleine mise en œuvre à la suite de l’arrêt de la Cour suprême, ni de référence à d’autres enjeux, comme le sort des quelque 20 millions d’Américains qui restent sans couverture. Le site offre un guide concret pour informer les citoyens de ce que la loi peut leur offrir en distinguant quatre situations : ceux qui disposent déjà d’une assurance, ceux qui sont éligibles à Medicare, ceux qui le sont à Medicaid et ceux qui n’ont pas d’assurance.

327 Barack Obama épingle la déclaration de Mitt Romney selon laquelle dès « son premier jour » à la Maison-Blanche, il abrogerait la réforme Obamacare. Le président démocrate synthétise à sa manière les deux visions des candidats : « Le président Obama veut donner le contrôle aux familles et non aux compagnies d’assurance. Mitt Romney veut abroger la réforme de la santé et transformer Medicare en un système de bons qui coûterait des centaines de dollars aux personnes âgées. »  [145]

328 Il présente à cet effet un tableau comparatif.

Tableau 13. Synthèse des visions des deux candidats, selon Barack Obama (2012)

Barack Obama Mitt Romney
Élargit l’accès à des soins préventifs gratuits comme par exemple le vaccin contre la grippe, le dépistage du diabète et les mammographies. Autorise les assureurs à refuser une couverture pour les enfants et les adultes qui ont des affections préexistantes.
Fournit des réductions pour les consommateurs qui devaient payer trop à leur compagnie d’assurance. Laisse les compagnies d’assurance dépenser moins pour les soins et plus pour le marketing et pour les salaires.
Met un terme au montant maximal que les assurances acceptaient de payer durant la vie de l’assuré. Grâce à cette mesure, les familles sont certaines que leur assurance les couvrira au moment où elles en auront le plus besoin. Retourne vers les règles anciennes à cause desquelles plus de la moitié des plans d’assurance contenaient un plafond de dépenses durant la vie de l’assuré.
Permet que 3,1 millions de jeunes Américains disposent maintenant d’une assurance santé. Laisse des millions de jeunes Américains remplir à nouveau les rangs des personnes non assurées.
Rend Medicare plus efficient et ajoute huit ans à la durée de vie de l’actuel Medicare Trust Fund. Abroge Medicare comme on le connaît, supprime les avantages garantis et transforme le programme en un système de bons d’achat.
Les personnes qui, au sein de Medicare, tombent dans le donut hole ont, en moyenne, épargné 600 USD sur leur facture de médicaments. Le système de bons d’achat pourrait augmenter le coût pour les personnes concernées jusqu’à 6 400 USD chaque année.

Tableau 13. Synthèse des visions des deux candidats, selon Barack Obama (2012)

Source : Site Internet de campagne de Barack Obama, 2012.

329 Le programme démocrate est un peu plus éclairant sur les intentions du Parti démocrate, qui entend se positionner comme le parti des classes moyennes. Le texte insiste sur le fait que disposer de soins de santé accessibles et de haute qualité fait partie de la « promesse américaine ». Il vante aussi les mérites et les acquis de la réforme malgré l’opposition déterminée des républicains et considère que ce parti, leur adversaire, est plus intéressé par les jeux politiciens que par le soutien aux familles américaines. Au-delà des joutes classiques dans ce type d’exercice, le programme démocrate souligne que le Patient Protection Affordable Care Act ne marque pas le terme de leurs efforts pour améliorer les soins de santé. Les démocrates n’entrent cependant pas dans le détail et restent au stade des déclarations d’intention : renforcer Medicaid et lutter contre ceux qui veulent limiter les avantages de ce programme ; continuer à investir dans les infrastructures publiques de soins ; augmenter les financements pour lutter contre le sida ; maintenir et renforcer Medicare (tout en développant et en condamnant les propositions du Parti républicain dans ce domaine). Enfin, le programme insiste beaucoup sur le droit des femmes et sur le fait que le Parti démocrate soutient pleinement l’arrêt de la Cour suprême Roe v. Wade, qui a consacré le droit des femmes dans le domaine de l’avortement.

7.2. Les républicains

330 « Tous les hommes politiques peuvent changer d’avis de temps en temps mais Mitt Romney pourrait gagner une médaille olympique dans ce domaine », écrit l’hedomadaire The Economist fin août 2012  [146]. Cette phrase est exemplative du fait que Mitt Romney véhicule l’image d’un homme politique changeant souvent d’avis. Les volte-face et palinodies du candidat républicain apparaissent comme deux de ses principales faiblesses.

331 The Economist consacrait la une de ce numéro à Mitt Romney, en titrant sur une question : « Alors, Mitt, que penses-tu réellement ? »  [147] Un des articles commence par cette réflexion : « Quand il était gouverneur du Massachusetts, Mitt Romney supportait l’avortement, le contrôle des armes, voulait s’attaquer au changement climatique et imposer à chacun d’acheter une assurance santé, en prévoyant des aides généreuses pour ceux qui ne pouvaient financièrement pas l’assumer. Maintenant qu’il se prépare à voler vers Tampa pour accepter le 30 août sa désignation comme candidat du Parti républicain pour l’élection présidentielle, Mitt Romney est opposé à l’ensemble de ces choses. »  [148] Le titre d’un autre article est intitulé, dans la même veine, « The changing man ».

332 Le site Internet de campagne de Mitt Romney annonce que s’il est élu, il abrogera l’Obamacare  [149]. À l’inverse, le 9 septembre 2012, le candidat républicain déclare qu’il entend conserver certains éléments du Patient Protection Affordable Care Act : « Il y a plusieurs choses que j’aime dans la réforme des soins de santé et que je laisserai en place. L’une d’elles est le fait de garantir à ceux qui ont des affections préexistantes le droit d’obtenir une assurance. »  [150]

333 Tant le site de Mitt Romney que le programme des républicains tirent à boulets rouges la réforme menée par Barack Obama. Sous le titre « L’échec d’Obama », Mitt Romney souligne notamment que la transformation des soins de santé via l’Obamacare conduit l’Amérique dans la mauvaise direction ; que la loi, qui fait plus de 2 400 pages, repose sur une toile dense de régulations, de subsides et d’impôts et donne au gouvernement fédéral un énorme contrôle sur l’ensemble du système de soins de santé ; que les coûts sont incommensurables (l’Obamacare aurait ajouté un coût de 1 000 milliards en nouvelles dépenses, la loi augmenterait les taxes à hauteur de 500 millions pour payer ces montants, et cette imposition frapperait tant les familles de la classe moyenne que les entreprises innovantes de matériel médical) ; que l’obligation de disposer d’une assurance santé va uniquement aggraver les problèmes existants (« À quand remonte la dernière fois où un programme massif du gouvernement fédéral a réduit les coûts, amélioré l’efficacité et augmenté la qualité du service ? »  [151]) ; que l’Obamacare rendra l’Amérique moins attractive pour pratiquer la médecine, va décourager les investissements des entreprises innovantes et va limiter le choix des consommateurs. Mitt Romney synthétise sa pensée de la manière suivante : la prise de contrôle du système par le président Barack Obama est un désastre pour le budget fédéral, un désastre pour les principes constitutionnels du fédéralisme et un désastre pour les citoyens américains  [152].

334 À l’évidence, les républicains souhaitent diminuer les dépenses de l’État fédéral dans le domaine des soins de santé, et ils rejettent une politique nationale des soins de santé. Les principales propositions du Parti républicain portent sur une réforme de Medicare et de Medicaid.

335 Dans le programme républicain, la réforme de Medicare apparaît sous deux titres : « Équilibrer le budget » et « Réformer le gouvernement pour servir les citoyens ». Le texte consacre de longs développements aux raisons pour lesquelles les républicains pensent que le financement des programmes Medicare et Medicaid n’est pas tenable et que l’absence de réforme les mènerait à la faillite. La proposition concrète est de transformer ces programmes en l’octroi d’un montant fixe aux citoyens concernés, pour qu’ils puissent acquérir une assurance sur le marché. L’autre proposition phare est de retarder l’âge auquel les citoyens peuvent avoir accès à Medicare, pour mieux tenir compte de l’évolution de l’espérance de vie. Le programme souligne que restaurer une logique de marché, « une véritable compétition » avec des plans privés est la meilleure garantie pour des soins de qualité à un moindre coût. Cette privatisation serait aussi le meilleur garant pour lutter contre la fraude et les abus. Les propositions prévoient néanmoins de ne pas modifier le régime pour les personnes qui bénéficient déjà de Medicare et pour les personnes qui sont proches de la pension.

336 L’ambition des républicains est de confier entièrement le programme Medicaid aux États fédérés. Ils considèrent que ce programme est « tout simplement, trop grand et présente trop de défauts » et ne doit plus être géré « depuis Washington ». Le programme indique ensuite que les gouverneurs républicains sont prêts « à travailler dur » pour moderniser Medicaid, notamment en récompensant les patients qui ont recours à des services de médecine préventive et en cherchant des alternatives à l’hospitalisation pour les malades chroniques. À l’instar de ce qu’ils proposent pour Medicare, l’idée générale est qu’une solution réside dans les aides et les réductions d’impôt que les États pourraient accorder aux citoyens pour acquérir une assurance santé via une compagnie d’assurance privée.

337 Enfin, le programme républicain aborde longuement la question de l’avortement, en insistant sur les droits de l’enfant à naître et sur leur totale opposition à ce que des revenus publics puissent servir directement ou indirectement à des campagnes relatives à un quelconque droit à l’avortement ou à ce que des moyens publics puissent servir à financer des soins qui incluent un avortement. Dans le même sens, ils sont drastiquement opposés à toute forme d’euthanasie, qu’elle soit active ou passive ou à toute forme d’assistance à une personne qui ne souhaite plus vivre.

7.3. Des programmes antagonistes

338 Comme on peut le constater, il est difficile d’imaginer des programmes plus opposés. Dans le domaine des soins de santé, il est d’ailleurs difficile de trouver ne fût-ce qu’un point commun entre les deux programmes.

339 Les démocrates font des soins de santé un enjeu national, quand les républicains y valorisent le rôle des États fédérés. Les démocrates souhaitent voir l’État fédéral jouer un rôle majeur pour certains publics cibles prioritaires (comme les personnes à faible revenu, les enfants et les personnes âgées), tandis que les républicains ne jurent que par la logique du marché et le rôle des assurances privées. Cette conviction est clairement résumée par Mitt Romney lorsqu’il déclare : « La réponse pour les soins de santé, ce sont des incitants pour le marché et pas des soins dictés par un gouvernement bureaucratique de la taille de Godzilla. »  [153]

340 Le 6 novembre 2012, Barack Obama est réélu pour un second mandat présidentiel. Il a obtenu le vote de 332 grands électeurs (contre 206 pour son rival) et une avance de plus de 3 millions de voix dans le vote national. Par contre, le président doit à nouveau faire face à un Congrès divisé. Les démocrates sont restés majoritaires au Sénat, mais les républicains ont, de leur côté, conservé le contrôle de la Chambre des représentants. Même si les premières déclarations du président B. Obama et des leaders républicains permettent d’espérer une nouvelle ère de dialogue, le risque d’une paralysie législative est important.

Conclusion

341 Les élections présidentielles ont constitué un enjeu majeur pour les citoyens américains. Le résultat des élections est aussi une préoccupation de portée mondiale et un enjeu pour les Européens.

342 De son ébauche (en raison de la volonté d’un président de rassurer son peuple lors de la Grande Dépression) jusqu’au rejet par la Cour suprême du pourvoi d’opposants résolus au Patient Protection Affordable Care Act, l’assurance maladie reste lente et douloureuse à réformer aux États-Unis. En cause, la peur atavique de nombre de citoyens américains d’être gouvernés par un pouvoir fédéral fort, exercé au détriment de celui des États fédérés. Depuis les premières allusions de Théodore Roosevelt à la création d’une assurance soins de santé égalitaire et obligatoire aux États-Unis, près d’un siècle s’est écoulé sans que cet objectif, élémentaire pour les Européens, ne soit atteint. Plusieurs figures emblématiques du Parti démocrate (Franklin D. Roosevelt, Harry Truman et Bill Clinton) ont souhaité introduire une assurance santé universelle obligatoire mais ont échoué dans ce projet. Les raisons de ces échecs sont à la fois conjoncturelles (détournement de la priorité de réformer l’assurance santé par des enjeux de politique internationale lors de périodes de turbulences économiques et de guerres mondiales), idéologiques (pollution du débat par des considérations éthiques et cristallisation sur le point de l’avortement via son financement), politiques (large place laissée aux lobbies des associations de médecins, des assureurs et des industriels du secteur pharmaceutique et biomédical) et surtout institutionnelles (crainte d’une dominance de l’État fédéral sur les États fédérés).

343 Barack Obama, qui en avait fait un enjeu central de sa campagne en 2008, aura finalement réussi en 2010 à instaurer une réforme substantielle de l’assurance maladie. Pour y parvenir, il a dû renoncer à une option résolument publique. Il a eu recours à la coercition et à des incitants pour obliger les individus et les entreprises à acheter leur assurance santé sur le marché. Il a aussi décidé une extension des programmes publics existants, en y élargissant les critères d’éligibilité à des patients précédemment exclus.

344 Pour l’observateur belge ou européen, le débat sur les soins de santé aux États-Unis appelle plusieurs réflexions.

345 Ce grand pays dispose d’une Constitution quasi intangible, promulguée il y a plus de 200 ans, à peine modulée par une série d’amendements et interprétée, d’une manière plus substantielle, par la Cour suprême fédérale. La Constitution belge et les traités qui configurent l’Union européenne font au contraire l’objet de remaniements continuels et apparaissent comme des œuvres inachevées, par essence instables.

346 Dans tout pays, la décision politique est fortement influencée par le mode de scrutin qui y est instauré. En Belgique, existe un système électoral à la proportionnelle qui favorise la fragmentation de la représentation politique. Le compromis y est indispensable pour gouverner entre idéologies contrastées, voire opposées. Les États-Unis, comme le Royaume-Uni et la France à certains égards, connaissent une bipolarisation quasi institutionnelle produite là-bas par le scrutin majoritaire. Aux États-Unis, plus encore qu’ailleurs, en raison notamment des particularités du mode de scrutin présidentiel qui imposent le principe du « vainqueur qui remporte le tout » (« The winner takes all ») dans chaque État fédéré, cette bipolarisation peut créer un écart entre le vote populaire et celui des grands électeurs  [154]. Cette désignation indirecte amène régulièrement certains observateurs à soulever des questions sur la légitimité démocratique du scrutin. Les relations bipartisanes se sont détériorées et envenimées récemment à un point extrême dans les médias, à cause du bombardement télévisé bilatéral à coups de publicités dénigrantes. Au Congrès surtout, les parlementaires républicains, poussés par l’aile ultra-conservatrice de leur parti, ont pratiqué de 2010 à 2012 une obstruction systématique et en bloc vis-à-vis des réformes (notamment l’ACA) qui obère tout compromis, même lorsque des convergences bipartisanes se manifestent sur certains points des projets de loi.

347 Le contraste est aussi saisissant au niveau des compétences dans le domaine de la santé. Aux États-Unis, la Constitution a réservé cette matière aux États fédérés. Confronté à l’inefficience du système de santé et à son extrême inégalité sociale et territoriale, le gouvernement fédéral a régulièrement œuvré pour intervenir dans ce secteur, en particulier en faveur de certains publics cibles vulnérables qui étaient exclus du marché de l’assurance privée. L’histoire institutionnelle belge s’inscrit à l’exact opposé de cette tendance. La sécurité sociale et la santé y ont longtemps relevé exclusivement du niveau de pouvoir national. Toutefois, depuis 1988, chaque réforme institutionnelle prive l’Autorité fédérale d’un certain nombre de compétences en matière de soins de santé. Le dernier accord institutionnel, présenté le 11 octobre 2011, poursuit dans cette voie. En outre, il « innove » en ouvrant une brèche dans la sécurité sociale (via le transfert des allocations familiales et du Fonds des équipements et des services collectifs  [155]). Aujourd’hui, la santé relève non seulement de l’Autorité fédérale, mais également des communautés, des régions et même, à Bruxelles, des commissions communautaires commune et française (sans parler des compétences résiduelles des provinces en Wallonie et en Flandre). Dans la partie francophone du pays, l’absence de logique a été particulièrement poussée, par la dissociation, par exemple, de la politique de prévention (qui relève pour l’essentiel de la Communauté française  [156]) et de celle relative aux institutions de soins (qui relève davantage de la Région wallonne), ou encore par la scission artificielle de la tutelle sur les hôpitaux universitaires et de celle sur les hôpitaux généraux. Il résulte de cet éparpillement progressif des compétences une grande complexité institutionnelle, un manque de cohérence et des effets négatifs en termes d’efficacité.

348 En Europe, la notion même de solidarité entre territoires, classes d’âge et individus de statuts et de fortunes diverses constitue une valeur-clé qui fonde la sécurité sociale et ses différentes branches, conçues pour affronter les aléas de l’existence. Aux États-Unis, pour beaucoup de citoyens, les priorités idéologiques restent le combat vis-à-vis des excès de l’étatisme et le rejet des « profiteurs assistés ». Ils lui préfèrent l’individualisme charitable : l’individu n’entend pas déléguer à l’État fédéral les choix qu’il pose, les aides qu’il consent à accorder de son plein gré, ni la sécurité qu’il veut rester libre d’acheter dans un marché concurrentiel. Les laissés-pour-compte, qu’il reste possible d’aider par l’aumône, n’ont qu’à puiser dans leurs réserves de talent ou de débrouillardise personnelles pour affronter la précarité.

349 Un monde de différences sépare, des deux côtés de l’Atlantique, les deux systèmes d’assurance maladie. Aucune perméabilité idéologique susceptible de les rapprocher n’est perceptible. Mitt Romney a tenu en campagne des propos hostiles et condescendants vis-à-vis du National Health Service britannique  [157] et a présenté comme un repoussoir la France socialiste  [158] – pays qu’il connaît bien pour y avoir passé deux années en qualité de missionnaire mormon en 1968-1969, années au cours desquelles il a appris le français. Au cours des débats télévisés consacrés aux affaires étrangères, aucun des deux candidats à la magistrature suprême n’a évoqué un partenariat avec l’Union européenne.

350 Alors qu’il se révèle moins onéreux, plus efficace et qu’il offre plus de liberté aux patients, le système de sécurité sociale européen ne suscite nulle convoitise aux États-Unis. En Belgique, la santé et sa protection généralisée et solidaire à des coûts abordables constituent une priorité – mieux même, un acquis – des citoyens  [159]. Un vaste consensus politique existe pour maintenir cet impératif de sécurité collective et individuelle, même si les compétences des entités fédérées sont appelées à poursuivre leur élargissement.

351 Les États-Unis restent un modèle puissant et attractif en matière d’innovation scientifique et technologique. Ils maintiennent l’excellence de la médecine clinique, en tout cas lorsqu’elle est pratiquée dans les centres académiques de pointe richement dotés. Ils poursuivent jusqu’ici le développement de leur prédominance incontestée pour transformer les résultats de la recherche, notamment dans les sciences du vivant, en concepts hégémoniques et en produits à succès sur le terrain commercial. Le laboratoire d’idées ne se limite pas aux seuls domaines des sciences de la vie et de la médecine clinique. Nombre de nouvelles pistes ont été tracées depuis vingt ans aux États-Unis pour rendre les filières de soins et leur financement plus performants, par exemple en instaurant des expériences de rétribution par capitation, en développant les Health Maintenance Organizations, qui systématisent l’offre préventive à côté des prestations curatives, et les Affordable Care Organizations, qui proposent l’abandon de la médecine à l’acte au profit de la facturation forfaitaire par « épisode de soins » ou par « épisode d’hospitalisation », dans une approche similaire à celle introduite en Belgique pour les « montants de référence ». Quel que soit le destin de l’ACA, ces modalités au banc d’essai ne manqueront pas d’influencer d’autres expériences novatrices en Europe, pour tenter encore et toujours de maîtriser la croissance effrénée des dépenses de santé.

352 Ce 6 novembre 2012, les grands électeurs américains ont octroyé la victoire à Barack Obama pour un second mandat. Il gagne aussi le vote populaire alors que plusieurs observateurs étaient convaincus qu’il n’y parviendrait pas. Le Parti démocrate conserve sa majorité au Sénat, mais confirme la perte antérieure de la majorité à la Chambre des représentants, dominée par les élus républicains. Cette donne politique confère donc au président Barack Obama un mandat clair, mais très éloigné du triomphe engrangé en 2008, lorsque son charisme avait soulevé tant d’enthousiasme et une majorité homogène au Congrès.

353 L’histoire retiendra probablement que le scrutin de 2012 aura opposé deux déceptions : celle des électeurs de Barack Obama, restés sur leur faim en matière de changements et de réformes, et celle des électeurs de Mitt Romney, déboussolés par ses volte-face sur plusieurs questions-clés. Plusieurs éléments ont sans doute joué en défaveur du président démocrate : le pragmatisme ne fait pas rêver ceux qui avaient adhéré avec ferveur au « Yes we can! » (son slogan de 2008), et l’échec des tentatives de ralliement d’une fraction au moins des élus républicains à l’ACA et à d’autres lois ambitieuses ont échaudé ceux qui espéraient l’émergence d’un consensus législatif plus global autour de réformes cruciales et très attendues. Mais il est plausible aussi que beaucoup d’électeurs aient aussi perdu toute chance de comprendre les arcanes de textes de loi ardus et peu accessibles, contestés de surcroît tant au Congrès que devant la Cour suprême. L’extrême complexité du système d’assurance maladie aux États-Unis ne rebute pas seulement les observateurs extérieurs, par exemple européens. Barack Obama, brillant orateur et juriste de renom, a peiné à vulgariser le bien-fondé de réformes qui touchent pourtant au cœur même des besoins de protection sociale de ses concitoyens. Il a également éprouvé des difficultés à vanter sa réforme durant la campagne de 2012, en raison du fait que plusieurs dispositifs majeurs de son projet – et notamment l’obligation de s’assurer – n’entreront en vigueur que plus tard. La coalition des déçus, qui attendaient des réformes plus drastiques, et des sceptiques, qui redoutent l’impact économique de l’État fédéral et les mesures qui encadrent leur liberté de choix, l’ont privé, faute de pédagogie, d’un succès électoral qu’il avait espéré plus net.

354 Malgré une crise économique qui conduit, dans bien des pays, les électeurs à voter contre les gouvernements en place, Barack Obama est parvenu à gagner une élection difficile. Sa victoire permet d’assurer l’avenir de sa réforme des soins de santé. Dans un pays aussi riche que les États-Unis, l’existence de plus de 50 millions de personnes non assurées constituait simplement « un scandale »  [160] et Mitt Romney aurait probablement opéré un retour en arrière. L’avenir dira si Barack Obama parviendra, face à un Congrès a priori en partie hostile à l’ACA, à poser de nouveaux jalons et à parachever son œuvre législative. Sa réélection permet en tout cas d’assurer la mise en œuvre de la réforme. On peut supposer qu’il sera ensuite très difficile, voire impossible, de faire marche arrière. Les déclarations du leader républicain à la Chambre des représentants, John Boehner, annoncent peut-être une nouvelle ère de coopération bipartisane, sur le terrain de l’ACA comme dans le domaine budgétaire et fiscal.

Principaux sigles

355 ACA : Patient Protection and Affordable Care Act (promulgué le 23 mars 2010), abrévié en Affordable Care Act, alias « Obamacare ».

356 ACO : Accountable Care Organization.Modèle d’organisation des soins basé sur le principe des soins dits « responsables », introduisant la notion de paiement des soins sur la base de la pertinence, de l’efficacité et de la qualité des soins délivrés.

357 AFDC : Aid to Families with Dependent Children. Programme fédéral d’assistance aux familles créé par le Social Security Acten 1935, effectif jusqu’en 1996 pour les familles avec enfant(s) handicapé(s) ou dépendant(s).

358 AMA : American Medical Association. Association des médecins américains, fondée en 1847. Institution de représentation des médecins américains la plus puissante (plus de 300 000 membres sur la base d’une affiliation volontaire), elle regroupe des docteurs en médecine, des étudiants en médecine et des docteurs en ostéopathie. L’AMA se définit par une mission unique : la promotion de l’art et de la science médicale et l’amélioration de la santé publique.

359 CBO : Congressional Budget Office. Agence fondée en 1974 en appui et au service du Congrès pour l’analyse (indépendante et non partisane) des problèmes économiques et budgétaires. Le CBO ne se base que sur des faits et des analyses méthodiques, ne fait aucune recommandation d’ordre politique.

360 CHIP : Children Health Insurance Program.Ancien programme d’assurance santé publique pour les enfants ; il a pris fin en 2009 et a été remplacé par le SCHIP.

361 CHIPRA : Children Health Insurance Program Reauthorization Act. Loi promulguée par Barack Obama le 4 février 2009, étendant le programme d’assurance santé des enfants et ayant diminué significativement le nombre d’enfants non couverts.

362 CMMI : Centers for Medicare and Medicaid Innovation. Centre d’étude, d’évaluation et de diffusion, dont la mission est la transformation et l’évolution des programmes Medicare, Medicaid et SCHIP par l’amélioration de la qualité des soins, de la réduction des coûts pour l’amélioration de la santé de tous les Américains.

363 CMS : Centers for Medicare and Medicaid Services. Agence fédérale chargée de l’administration des programmes publics Medicare, Medicaid et SCHIP en collaboration avec l’administration des États fédérés.

364 CO-OP : Consumer Operated and Oriented Plan. Programme institué par l’ACA, pour favoriser ou soutenir la création de compagnies d’assurance à but non lucratif (par l’intermédiaire de subventions et de prêts) offrant des programmes d’assurance santé concurrentiels aux plans individuels et pour petits groupes (injection de leurs profits pour la diminution des primes).

365 DHHS : Department of Health and Human Services. Agence gouvernementale fédérale pour la protection de la santé de tous les Américains (équivalent du Ministère de la Santé).

366 EMTALA : Emergency Medical Treatment and Active Labor Act. Loi promulguée en 1986 qui contraint les hôpitaux à dispenser des soins d’urgence indépendamment de la nationalité, du statut juridique ou de la capacité de payer du patient.

367 FEHB : Federal Employees Health Benefits. Programme d’assurance santé destiné aux agents des services publics et aux fonctionnaires.

368 FFS : Fee-For-Service. Modèle de rémunération à l’acte.

369 HAS : Health Savings Account. Compte individuel créé pour les individus couverts par des assurances santé à franchise élevée qui ne sont pas membres d’un programme public.

370 HIPAA : Health Insurance Portability and Accountability Act. Loi promulguée en 1996 qui protège les travailleurs et leur famille en matière de couverture d’assurance santé lorsque le travailleur change d’employeur. Une partie de la loi institue également des règles de confidentialité pour le traitement des données liées aux assurances santé.

371 HMO : Health Maintenance Organization. Organisation des soins de santé basée sur la pratique de groupe (médecins et paramédicaux) financée par un système de prépaiement fixe, indépendamment de la quantité de soins reçus. Elle constitue une alternative au paiement à l’acte.

372 IPA : Independent Practice Association. Association de médecins et professionnels de la santé indépendants. Ceux-ci concluent des contrats de services avec des HMO ou des compagnies d’assurance privées.

373 IPAB : Medicare Independent Payment Advisory Board. Agence de quinze membres fondée en 2010 par l’ACA, qui a pour mission de proposer des économies dans le programme Medicare sans affecter la qualité des soins et la couverture des patients.

374 JCT : Joint Committee on Taxation. Comité mixte non partisan composé d’experts indépendants. Créé par le Revenue Act en 1926, le JCT a une mission d’appui aux deux chambres du Congrès sur les matières fiscales.

375 NHS : National Health Service. Organisation de santé publique fondée en 1948 au Royaume-Uni, qui fournit l’essentiel des soins de santé (médecine générale, hôpitaux, services d’urgence, soins dentaires, etc.).

376 NIH : National Institutes of Health. Agence fédérale dont la mission principale est d’acquérir les connaissances fondamentales sur la nature et les systèmes vivants, afin d’améliorer la santé et l’espérance de vie, de lutter contre les maladies et de réduire l’invalidité. Elle constitue l’une des plus grandes organisations mondiales en soutien à la recherche médicale.

377 POS : Point of Service Plan. Régime d’assurance de soins de santé qui autorise ses membres à se faire soigner par des médecins ou des soignants affiliés, au prix d’une quote-part fixée, ou de faire appel à des prestataires indépendants sur la base d’une quote-part plus importante.

378 PPO : Preferred Provider Organization. Organisation de soins composée de médecins, de soignants, d’hôpitaux et de centres de santé fournissant des soins de santé à tarif réduit. Elle est semblable à la HMO, si ce n’est qu’elle offre une plus grande souplesse, en autorisant les affiliés à recourir à des prestataires hors du réseau.

379 SHOP : Small Business Health Options Program. Programme conçu pour aider les petits employeurs à fournir une assurance santé abordable à leurs employés.

380 USPSTF : US Preventive Services Task Force. Groupe indépendant créé en 1984, composé de seize médecins et scientifiques bénévoles, reconnus pour leur expertise en matière de prévention et de médecine fondée sur les preuves. Sa mission principale est de travailler à l’amélioration de la santé de tous les Américains en proposant des recommandations aux pouvoirs publics.

381 VHA : Veterans Healthcare Administration. Agence fédérale indépendante établie en 1930 au service des anciens combattants américains et de leurs familles. Elle est chargée de veiller à ce qu’ils bénéficient de soins médicaux, d’actions de promotion de la santé, de soutien social et du bien-être, en témoignage de la reconnaissance de leur service à la nation américaine.

Notes

  • [1]
    Tandem formé par Barack Hussein Obama, 44e président des États-Unis (en fonction depuis 2009), et par sa secrétaire d’État, Hillary Diane Rodham Clinton.
  • [2]
    Albert Arnold Gore, ancien vice-président des États-Unis sous la présidence de Bill Clinton (1993-2001), candidat du Parti démocrate lors de l’élection présidentielle de 2000 et co-lauréat du Prix Nobel de la Paix en 2007 pour ses « efforts afin de mettre en place et diffuser une meilleure compréhension du changement climatique causé par l’homme, et de jeter les bases des mesures nécessaires pour contrecarrer un tel changement ».
  • [3]
    William Jefferson Clinton, 42e président des États-Unis (1993-2001).
  • [4]
    George Walker Bush, 43e président des États-Unis (2001-2009). Il est le fils de George Herbert Walker Bush, 41e président des États-Unis (1989-1993).
  • [5]
    J. NYE, Bound to Lead: The Changing Nature of American Power, New York, Basic Books, 1990.
  • [6]
    Les pays des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) réunissent actuellement 40 % de la population et devraient, selon le FMI, assurer 65 % de la croissance mondiale en 2015.
  • [7]
    Ainsi, les séries télévisées qui illustrent et romancent la pratique hospitalière aux États-Unis (Urgences, Grey’s Anatomy, Dr House) ont enregistré, au cours de la dernière décennie, des records d’audimat – et de profit commercial – sur tous les continents.
  • [8]
    P. O. LARSEN et M. VON INS, « The rate of growth in scientific publication and the decline in coverage provided by Science Citation Index », Scientometrics, tome 84, 2010, p. 575-603. En ligne
  • [9]
    Willard Mitt Romney, homme d’affaires, gouverneur du Massachusetts (2003-2007), candidat du Parti républicain pour l’élection présidentielle de 2012.
  • [10]
    I. RICHET, « États-Unis : religion privée et religion publique en tension », Sciences Humaines, n° 160, mai 2005.
  • [11]
    L. HENNETON, « Dieu peut-il faire l’élection ? », Sciences Humaines, n° spécial 17 : De la pensée en Amérique. Idées, auteurs, débats, novembre-décembre 2012.
  • [12]
    Dwight David Eisenhower, 34e président des États-Unis (1953-1961).
  • [13]
    Ces hommes d’affaires se sont illustrés respectivement dans les grands secteurs suivants : acier ; automobile ; pétrole ; cinéma, parcs d’attraction et produits dérivés ; ordinateurs, smartphones et dessins animés ; systèmes d’exploitation et logiciels ; investissements en bourse ; moteurs de recherche ; réseaux sociaux.
  • [14]
    Mouvement politique hétéroclite né en 2008 aux États-Unis ; contestataire, il s’oppose à l’État fédéral et à ses impôts. Son nom fait référence au Boston Tea Party, révolte politique menée à Boston contre le Parlement britannique en 1773.
  • [15]
    American Association for Justice (AAJ), « Preventable Medical Errors. The Sixth Biggest Killer in America », www.justice.org.
  • [16]
    Institute of Medicine, To Err Is Human: Building a Safer Health System, Washington D.C., National Academy Press, 1999.
  • [17]
    E. R. DORSEY et al., « Financial Anatomy of Biomedical Research, 2003-2008 », Journal of the American Medical Association, volume 303, n° 2, 10 janvier 2010, p. 137-143. En ligne
  • [18]
    L’industrie privée concernée ici est l’industrie pharmaceutique, celle des biotechnologies et celle des appareillages médicaux.
  • [19]
    Herbert Clark Hoover, 31e président des États-Unis (1929-1933).
  • [20]
    F. GALVIS-NARINOS et A. MONTÉLIMARD, « Le système de santé aux États-Unis », Pratiques et organisation des soins, volume 40, n° 4, octobre-décembre 2009, p. 309-315.
  • [21]
    M. S. MUELLER, « Health Maintenance Organization Act of 1973 », Social Security Bulletin, volume 37, n° 3, mars 1974.
  • [22]
    Citée par G. DEBRÉ, Obama face au pouvoir. Dans les coulisses de la Maison-Blanche, Paris, Fayard, 2012, p. 185.
  • [23]
    « It has not been purposefully created but inadvertently developed » (M. D. REAGAN, The Accidental System. Health Care Policy in America, Boulder, Westview Press, 1999, p. 19).
  • [24]
    Franklin Delano Roosevelt, 32e président des États-Unis (1933-1945).
  • [25]
    A. DESBIENS, Histoire des États-Unis. Des origines à nos jours, Paris, Nouveau Monde éditions, 2005.
  • [26]
    Cour suprême, Lochner v. New York, 198 US 45, 1905. Dans cet arrêt qui a fait date, la Cour suprême, par un vote de 5 voix contre 4, a déclaré contraire à la Constitution une législation votée à l’unanimité par l’État de New York limitant les horaires de travail dans le secteur des boulangeries (maximum 10 heures par jour et maximum 60 heures par semaine). Cet arrêt a marqué le début de l’« ère Lochner », durant laquelle la Cour suprême, au nom de la liberté des contrats, s’est opposée systématiquement à toute régulation de l’économie. Ce n’est qu’en 1937, via son arrêt West Coast Hotel Co. v. Parrish qu’elle a accepté le principe même d’une intervention du gouvernement pour réguler l’économie.
  • [27]
    B. VINCENT, Histoire des États-Unis, Paris, Flammarion (Champs), 1997.
  • [28]
    Lyndon Baines Johnson, 36e président des États-Unis (1963-1969).
  • [29]
    John Fitzgerald Kennedy, 35e président des États-Unis (1961-1963).
  • [30]
    Ce dernier a fait le choix de soutenir les indigents comme il le fait depuis 1864 via une délégation aux cantons. En 1981, ce sont les cantons de l’État d’Arizona eux-mêmes qui font appel au gouvernement fédéré pour leur venir en aide devant leurs très nombreuses difficultés financières. C’est ainsi que naît, au printemps 1982, l’Arizona Health Care Containment System (AHCCCS), qui est basé sur un système de capitation différent du système d’indemnisation des autres États (qui remboursent sur la base des soins reçus). Ce programme est agréé par le Department of Health and Human Services (DHHS), qui lui octroie un financement. Il passe cependant par un partenariat avec le système privé. De nombreuses compagnies ont fait le choix d’y inscrire leurs affiliés. À l’heure actuelle, plus d’un million de citoyens résidents en Arizona sont enrôlés dans ce programme, qui est reconnu comme performant, et qui couvre des soins de grande qualité à un coût inférieur à celui des autres États.
  • [31]
    J. GRUBER, « The Cost Implications of Health Care Reform », The New England Journal of Medicine, volume 362, n° 22, 3 juin 2010, p. 2050-2051. En ligne
  • [32]
    Il y a un remboursement intégral des 20 premiers jours et, ensuite, une participation à hauteur de 144,5 USD par jour pour les 80 jours suivants. Au-delà de 100 jours, l’ensemble des frais est à charge de l’assuré.
  • [33]
    Auparavant, le contrôle était confié à l’Health Care Financing Administration (HCFA).
  • [34]
    G. M. KENNEY et al., Gains for Children: Increased Participation in Medicaid and CHIP in 2009, s.l., Urban Institute/Robert Wood Johnson Foundation, août 2011.
  • [35]
    Ibidem.
  • [36]
    Par exemple, l’État du Nevada avait le plus mauvais taux d’enrôlement en 2009 à 64 % (57 % en 2008), tandis que les États les mieux couverts sont le District of Columbia et le Massachusetts (96 et 95 % en 2009).
  • [37]
    A. C. ENTHOVEN, « The History And Principles Of Managed Competition », Health Affairs, n° 12 (supplément), janvier 1993, p. 124-148.
  • [38]
    En pratique, maximum 75 % du coût de la prime sera pris en charge par l’État en dehors des agents de la poste qui bénéficient d’un régime spécial lié à une convention collective où l’État intervient davantage dans le coût de la prime.
  • [39]
    H. CAIN, « Moving Medicare to the FEHBP model, or how to make an elephant fly », Health Affairs, n° 18, juillet 1999, p. 25-39. En ligne
  • [40]
    A. C. ENTHOVEN, B. TALBOTT, « Stanford University’s Experience with Managed Competition », Health Affairs, n° 23, novembre 2004, p. 136-140. En ligne
  • [41]
    Ce montant comprend l’ensemble des primes et les suppléments payés par les employés.
  • [42]
    O. W. ANDERSON, J. J. MAY, The Federal Employees Health Benefits Program, 1961-1968: A Model for National Health Insurance?, Chicago, Center for Health Administration Studies (Health administration perspectives), 1971.
  • [43]
    A. C. ENTHOVEN, Health Plan: The Only Practical Solution to the Soaring Cost of Medical Care, Reading (Mass.) Addison-Wesley pub. Co., 1980.
  • [44]
    R. D. EILERS, Regulation of Blue Cross and Blue Shield plans [Published for the S. S. Huebner Foundation for Insurance Education by R. D. Irwin], University of Pennsylvania, 1963.
  • [45]
    C. DENAVAS-WALT et al., Income, Poverty, and Health Insurance Coverage in the United States: 2007. Current Population Reports, Washington D.C., U.S. Census Bureau/Economics and Statistis Administration, 2008.
  • [46]
    Loi fédérale américaine votée au Congrès le 9 mars 1945, qui exclut les compagnies d’assurance de la plupart des lois du commerce fédérales, comme par exemple les lois fédérales anti-trust.
  • [47]
    D. YAMAMOTO et al., How Does the Benefit Value of Medicare Compared to the Benefit Value of Typical Large Employer Plans?, Menlo Park, Kaiser Family Foundation, 2008.
  • [48]
    Employer Health Benefits, 2007. Annual Survey, Menlo Park/Chicago, Kaiser Family Foundation/ Health Research and Educational Trust, 2007.
  • [49]
    J. BERTKO, H. YOO, J. LEMIEUX, An Analysis of the Distribution of Cost-Sharing Levels in Individual and Small-Group Coverage [Policy Report, Change in Health Care Financing & Organization (HCFO)], s.l., Robert Wood Johnson Foundation, août 2009.
  • [50]
    R. B. SIEGRIST, N. M. KANE, « Exploring the Relationship between Inpatient Hospital Costs and Quality of Care. Understanding the Inpatient Cost of Caring for the Uninsured », American Journal of Managed Care, volume 9, n° 1, juin 2003.
  • [51]
    Kaiser Commission on Medicaid and the Uninsured, Sicker and Poorer: The Consequences of Being Uninsured. The Cost of Not Covering the Uninsured Project, Menlo Park, Kaiser Family Foundation, mai 2002.
  • [52]
    P. J. CUNNINGHAM, J. MAY, « Insured Americans Drive Surge in Emergency Department Visits », Washington D.C, Center for Studying Health System Change, 2003 (Issue Brief, n° 70).
  • [53]
    D. ROWLAND, Medicaid: Addressing the Future [Testimony of Diane Rowland to the US Senate Special Committee on Aging], Menlo Park, Kaiser Family Foundation, juin 2005.
  • [54]
    J. HADLEY, J. HOLAHAN, « The Cost of Care for the Uninsured: What Do We Spend, Who Pays, and What Would Full coverage Add to Medical Spending? », Menlo Park, Kaiser Family Foundation, mai 2004.
  • [55]
    « A Pound of Flesh: Hospital Billing, Debt Collection, and Patients’ Rights », New York, Families USA, mars 2007 (Issue Brief).
  • [56]
    S. SOMNATH, A. B. BINDMAN, « The Mirage of Available Health Care for the Uninsured », Journal of General Internal Medicine, volume 16, n° 10, octobre 2001, p. 714-716. En ligne
  • [57]
    J. E. STIGLITZ, Le prix de l’inégalité, Paris, Les liens qui libèrent, 2012, p. 316.
  • [58]
    S. WOOLHANDER, T. CAMPBELL, D. U. HIMMELSTEIN, « Costs of Health Care Administration in the United States and Canada », New England Journal of Medicine, 2003, p. 768-775.
  • [59]
    D. B. Sherlock, « Administrative expense benchmarks for health plans », Sherlock Company. 2003, www.sherlockco.com.
  • [60]
    D. E. GREMBOWSKI et al., « Measuring the “managedness” and covered benefits of health plans », Health Services Research Journal, volume 35, n° 3, août 2000, p. 707-734.
  • [61]
    Rapport sur la santé dans le monde, 2000. Pour un système de santé plus performant, Genève, Organisation mondiale de la Santé, 2000. D’autres études comparatives ont abouti à des résultats similaires, cf. par exemple celle conduite récemment par le Fonds du Commonwealth qui a été publiée en juin 2010.
  • [62]
    M. BERTHO-HUIDAL, « Santé et territorialité aux États-Unis, la réforme du président Obama », Hérodote, n° 143, avril 2011, p. 137.
  • [63]
    Cf. notamment les deux articles d’Atul Gawande, parus en juin 2009 dans le New Yorker : « The Cost Conundrum. What a Texas town can teach us about health care » et « The Cost Conundrum Redux ».
  • [64]
    C. J. L. MURRAY et al., « Eight Americas: Investigating Mortality Disparities across Races, Counties, and Race-Counties in the United States », PLoS Medicine, volume 3, n° 9, 2006, www.ncbi.nlm.nih.gov.
  • [65]
    S. J. OLSHANSKY et al., « Differences in Life Expectancy due to Race and Educational Differences are Widening, and Many may not catch up », Health Affairs, volume 31, n° 8, août 2012, p. 1803-1813. En ligne
  • [66]
    « Bien que de nombreux articles aient été consacrés à la question de la demande de soins qui serait induite par l’offre de soins, la recherche pour une évidence scientifique entre les deux phénomènes n’aboutit pas à une réponse concluante » (« Although a large number of papers have been devoted to the problem of supplier induced demand (SID), the search for evidence about the relationship between physician density and health care utilization did not give a conclusive answer (…). The results on GP density measured in the municipality provide weak evidence in favor of the inducement hypothesis » (Physician workforce supply in Belgium. Current situation and challenges, Bruxelles, Centre fédéral d’expertise des soins de santé, 2008).
  • [67]
    Le nombre de médecins par habitant en Belgique est un chiffre qu’il est difficile de reprendre sans nuance. Pour assurer une comparaison correcte, le chiffre repris dans ce tableau est celui qui est retenu par l’OCDE. Toutefois, si l’on prend les données du SPF Santé publique, il y aurait eu en 2005 42 176 médecins enregistrés, soit 4,1 par tranche de 1 000 habitants. Cependant, seule une partie de ceux-ci pratiquent réellement la médecine dans le régime de l’assurance maladie-invalidité. Si l’on prend seulement en compte ces derniers, la densité médicale oscillerait alors entre 2,38 et 2,81 médecins par 1 000 habitants (Physician workforce supply in Belgium. Current situation and challenges, Bruxelles, Centre fédéral d’expertise des soins de santé, 2008).
  • [68]
    M. GRIGNON, « Le financement du système de santé et le partage obligatoire-volontaire. Un point des connaissances », Revue française des affaires sociales, n° 4, avril 2010, p. 59 et 70.
  • [69]
    B. OBAMA, Le Changement. Nous pouvons y croire, Paris, Odile Jacob, 2009, p. 54.
  • [70]
    G. DEBRÉ, Obama face au pouvoir. Dans les coulisses de la Maison-Blanche, op. cit., p. 187.
  • [71]
    D’autres sources soulignent que le chiffre serait actuellement au-delà des 52 millions. Cf. notamment L. L. GARRETT, « Class, health, and the American elections », The Lancet, volume 380, 1er septembre 2012, p. 794.
  • [72]
    Ibidem.
  • [73]
    Belgian Health Care Knowledge Centre, Institute of Public Health, National Institute for Health and Disability Insurance, « Performance of the Belgian health system. A first step towards measuring the Belgian health system performance », Bruxelles, J. De Cock, août 2010.
  • [74]
    L. O. GOSTINET, K. K. GARCIA, « Affordable Care Act Litigation: The Supreme Court and the Future of Health Care Reform », : Journal of the American Medical Association, volume 307, n° 4, 2012, p. 369-370.
  • [75]
    McKinsey Global Institute, « Accounting for the Cost of Health Care in the United States », janvier 2007, www.mckinsey.com.
  • [76]
    P. KRUGMAN, The Conscience of a Liberal, New York-Londres, W. W. Norton & Company, 2007, p. 219.
  • [77]
    Ibidem, p. 222.
  • [78]
    S. WOOLHANDER, T. CAMPBELL, D. U. HIMMELSTEIN, « Costs of Health Care Administration in the United States and Canada », op. cit.
  • [79]
    Cf. notamment G. DEBRÉ, Obama face au pouvoir. Dans les coulisses de la Maison-Blanche, op. cit., p. 198-203.
  • [80]
    Il a été estimé qu’entre le vote de la loi en mars 2010 et juin 2012, les opposants à la réforme ont dépensé plus de 235 millions USD pour la contester via des clips à la télévision (« Medicare, ultimate edition », The Economist, 29 septembre 2012, p. 48).
  • [81]
    M. BERTHO-HUIDAL, « Santé et territorialité aux États-Unis, la réforme du président Obama », op. cit., p. 138.
  • [82]
    G. DEBRÉ, Obama face au pouvoir. Dans les coulisses de la Maison-Blanche, op. cit., p. 202.
  • [83]
    À titre d’exemple, dans la mesure où le système actuel reste en place, et à l’inverse du projet porté par Bill Clinton, le projet n’inquiète pas l’immense partie de la population qui était déjà couverte via son employeur.
  • [84]
    V. G. RODWIN, « L’assurance santé aux États-Unis : la réforme Obama », Les Tribunes de la santé, n° 28, mars 2010, p. 75.
  • [85]
    M. BERTHO-HUIDAL, « Santé et territorialité aux États-Unis, la réforme du président Obama », op. cit., p. 140.
  • [86]
    Cf. notamment M. MEULEMANS, « CO-OP Plans: The ACA’s Public Plan Alternative », http://insurance.about.com.
  • [87]
    Pour pouvoir obtenir un soutien du Department of Health and Human Services, les assureurs concernés ne pouvaient être une compagnie d’assurance avant le 16 juillet 2009 et ne peuvent être soutenues par un État ou une autre entité publique.
  • [88]
    C. COX, L. LEVITT, « The individual mandate: How Sweeping? », Kaiser Family Foundation, mars 2012, www.kff.org. Cet article reprend les projections établies par la CBO selon lesquelles près de 80 % des 272 millions de personnes qui composent la population active seraient assurées en 2014 même en l’absence de l’ACA.
  • [89]
    L. D. BROWN, « Obamacare : où en sommes-nous ? », Les Tribunes de la santé, n° 30, janvier 2011, p. 46.
  • [90]
    Dans le même esprit, la loi prévoit que chaque Exchange doit disposer d’un certain nombre de services pour aider les individus à s’assurer : établissement d’un call center, d’un formulaire type pour accéder aux aides gouvernementales, etc.
  • [91]
    Un rating de A ou B indique que, selon l’USPSTF, le soin préventif visé a un effet, substantiel ou modéré, pour améliorer la santé générale des patients. Une synthèse des soins couverts est notamment présentée dans « Preventive Services Covered by Private Health Plans under the Affordable Care Act », Kaiser Family Foundation, septembre 2011, www.kff.org.
  • [92]
    Kaiser Commission on Key Facts, « Medicaid and the Uninsured. Characteristics of Uninsured Low-Income Adults », Kaiser Family Foundation, août 2012, www.kff.org.
  • [93]
    Pour les enfants, cette obligation de maintien vaut jusqu’au 30 septembre 2019.
  • [94]
    Pour un aperçu des soins préventifs couverts par Medicare, cf. www.medicare.gov.
  • [95]
    Cf. le bilan des réalisations du centre après un an d’activités sur http://innovations.cms.gov.
  • [96]
    Seuls 50 % du montant net des primes sont pris en considération pour le calcul de la taxe pour les compagnies d’assurance sans but lucratif (Non-profit insurers).
  • [97]
    L. D. BROWN, « Obamacare : où en sommes-nous ? », op. cit., p. 48.
  • [98]
    « We do not consider whether the Act embodies sound policies. That judgment is entrusted to the Nation’s elected leaders. We ask only whether Congress has the power under the Constitution to enact the challenged provisions. »
  • [99]
    Alabama, Alaska, Arizona, Caroline du Sud, Colorado, Dakota du Nord, Dakota du Sud, Géorgie, Idaho, Indiana, Kansas, Louisiane, Maine, Michigan, Mississippi, Nebraska, Nevada, Ohio, Pennsylvanie, Texas, Utah, Virginie, Wisconsin, Wyoming.
  • [100]
    Californie, Connecticut, Delaware, Hawaï, Illinois, Iowa, Maryland, Massachusetts, New York, Nouveau-Mexique, Oregon, Vermont, Washington. S’y ajoute par ailleurs Washington, D.C.
  • [101]
    Arkansas, Caroline du Nord, Kentucky, Minnesota, Missouri, Montana, New Hampshire, New Jersey, Oklahoma, Rhode Island, Tennessee, Virginie-Occidentale.
  • [102]
    R. MEADE, V. WALLING, E. VICE, « An analysis of the Supreme Court’s Review of the Affordable Care Act », Prime Policy Group, s.d., www.prime-policy.com.
  • [103]
    « So can the government require you to buy a cell phone because that would facilitate responding when you need emergency services? »
  • [104]
    En effet, bien que très clairement affiché dans le camp républicain, le juge A. Kennedy a régulièrement voté aux côtés des quatre juges démocrates, par exemple dans l’affaire Lawrence v. Texas pour condamner les États qui interdisaient la pratique de la sodomie.
  • [105]
    Cf. B. FRIEDMAN, « Obamacare and the Court: Handing Health Policy Back to the People », Foreign Affairs, septembre-octobre 2012, p. 93, qui indique que selon deux sources proches de la Cour suprême, le président de la Cour avait au départ l’intention de voter dans le même sens que les quatre juges conservateurs.
  • [106]
    « This decision is a tribute to the Supreme Court as an institution and to John Roberts, who is elevating himself into the role of one of the most significant Chief Justices in the last 40 years. By concluding that the mandate could not be sustained under the Commerce Clause, but could be sustained as a tax, the Court and Chief Justice Roberts revealed that legal analysis, not politics, controlled the decision; and that seven Justices agreed on the Medicaid provisions further confirms that the Court found common ground in fidelity to law » (« NYU Law professors react to Supreme Court health care ruling », New York University School of Law, s.d., www.law.nyu.edu).
  • [107]
    Elle n’a pas fini d’être commentée (cf. notamment L. GREENHOUSE, « A justice in Chief », The New York Times, 28 juin 2012, http://opinionator.blogs.nytimes.com).
  • [108]
    M. C. O’CONNOR, W. O. JACKSON, « Analysis: U.S. Supreme Court Upholds the Affordable Care Act: Roberts Rules? », The National Law Review, 29 juin 2012, www.natlawreview.com.
  • [109]
    « This decision has confirmed my worst fears about the anti-mandate: using individual rights rhetoric to constrain the commerce power has led the Court to unleash a much more dangerous power that had lain dormant for more than a half-century (since Kahriger). Having bought the limit on the commerce clause, the Court has stripped this limit of any functional meaningfulness by re-affirming an essentially unlimited taxing power » (« NYU Law professors react to Supreme Court health care ruling », New York University School of Law, s.d., www.law.nyu.edu).
  • [110]
    « Rick Hills is right to smell a rat in Chief Justice Roberts’s decision in National Federation of Independent Business v. Sebelius to sustain the individual mandate under the taxing power of the United States. The question that was constantly asked about the government’ expansive reading of the Commerce Clause was whether it was possible to identify some “limiting principle” if various forms of non-activity could be taxed. The same question can be asked about the power of taxation. Hills is surely correct that a legislative measure cannot be sustained solely because it raises revenue, for by that definition, every tax will pass muster, so long as it can raise a single dime » (Ibidem).
  • [111]
    Cf. notamment B. FRIEDMAN, « Obamacare and the Court: Handing Health Policy Back to the People », op. cit., p. 89.
  • [112]
    « Those subject to the individual mandate may lawfully forgo health insurance and pay higher taxes, or buy health insurance and pay lower taxes. The only thing they many not lawfully do is not buy health insurance and not pay the resulting tax. »
  • [113]
    B. FRIEDMAN, « Obamacare and the Court: Handing Health Policy Back to the People », op. cit., p. 94.
  • [114]
    Steward Machine Co. v. Davis, 301 U.S. 548, 1937 ; South Dakota v. Dole, 483 U.S. 203, 1987.
  • [115]
    « Permitting the Federal Government to force the States to implement a federal program would threaten the political accountability key to our federal system. »
  • [116]
    Steward Machine Co. v. Davis, 301 U.S. 548, 1937 ; South Dakota v. Dole, 483 U.S. 203, 1987.
  • [117]
    « Nothing in our opinion precludes Congress from offering funds under the ACA to expand the availability of health care, and requiring that states accepting such funds comply with the conditions on their use. What Congress is not free to do is to penalize States that choose not to participate in that new program by taking away their existing Medicaid funding. »
  • [118]
    N. HUBERFELD, E. W. LEONARD, K. OUTTERSON, « Plunging into Endless Difficulties: Medicaid and Coercion in the Healthcare Cases », Boston University Law Review, août 2012, p. 5.
  • [119]
    Samuel R. Bagenstos souligne que « the anti-leveraging principle provides that when Congress takes an entrenched federal program that provides very large sums to the states and tells states they can continue to participate in that program only if they also agree to participate in a separate and independent program, the condition is unconstitutionally coercive » (S. R. Bagenstos, « The Anti-Leveraging Principle and the Spending Clause after NFIB », Georgetown Law Journal, volume 101, n° 4, août 2012, p. 3).
  • [120]
    N. HUBERFELD, E. W. LEONARD, K. OUTTERSON, « Plunging into Endless Difficulties: Medicaid and Coercion in the Healthcare Cases », op. cit., p. 42.
  • [121]
    Ibidem, p. 43.
  • [122]
    Pennhurst State Sch. & Hosp. v. Halderman, 451 U.S. 1, 25, 1981.
  • [123]
    « In so doing, the Chief Justice remained true to his philosophy of judicial restraint rather than judicial activism, placing himself firmly in the company of Justice Oliver Wendell Holmes, Jr. and Justice Felix Frankfurter » (M. C. O’CONNOR, W. O. JACKSON, « Analysis: U.S. Supreme Court Upholds the Affordable Care Act: Roberts Rules? », op.cit.). Dans le même sens, Jonathan Rauch souligne que « Roberts and the four concurring justices have managed to be neither a rubber stamp nor a heavy hand. Improbably, they have written a decision that everyone can live with » (J. RAUCH, « Scotus’ ACA decision: An “Act of Judicial Statesmanship” », Brookings, 28 juin 2012, www.brookings.edu).
  • [124]
    En effet, l’ensemble de l’arrêt de la Cour se focalise sur l’extension aux adultes dont les revenus se situent sous le seuil des 133 %. Avant l’ACA, cette règle existait déjà mais seulement pour les enfants de 0 à 5 ans. L’extension pour les enfants de 6 à 18 ans fait-elle partie de ces changements qui ont conduit la Cour à estimer qu’il s’agit là d’un nouveau programme, ou celle-ci considère-t-elle qu’il s’agit d’une simple extension du programme existant ?
  • [125]
    K. OUTTERSON, « The scope of the Red State option », The Incidental Economist, 20 juillet 2012, http://theincidentaleconomist.com.
  • [126]
    H. GREELY, « Analysis: The Supreme Court Upholds The Health Care Reform Act (Really) », Scope, Stanford School of Medicine, 2 juillet 2012, http://scopeblog.stanford.edu.
  • [127]
    W. K. MARINER, L. H. GLANTZ, G. J. ANNAS, « Reframing Federalism. The Affordable Care Act (and Broccoli) in the Supreme Court », The New England Journal of Medicine, 20 septembre 2012, p. 1158.
  • [128]
    T. S. JOST, S. ROSENBAUM, « The Supreme Court and the Future of Medicaid », The New England Journal of Medicine, 13 septembre 2012, p. 984-985.
  • [129]
    W. K. MARINER, L. H. GLANTZ, G. J. ANNAS, « Reframing Federalism. The Affordable Care Act (and Broccoli) in the Supreme Court », op. cit., p. 1157.
  • [130]
    K. RUSSELL, « Medicaid holding may have broad implications », SCOTUSblog, 28 juin 2012, www.scotusblog.com.
  • [131]
    S. R. BAGENSTOS, « The Anti-Leveraging Principle and the Spending Clause after NFIB », Georgetown Law Journal, volume 101, n° 4, août 2012.
  • [132]
    La Cour suprême a ainsi souligné que Medicaid « is among the most intricate ever drafted by Congress. Its Byzantine construction (…) makes the Act almost unintelligible to the uninitiated ».
  • [133]
    Cf. à ce sujet N. HUBERFELD, E. W. LEONARD, K. OUTTERSON, « Plunging into Endless Difficulties: Medicaid and Coercion in the Healthcare Cases », op. cit.
  • [134]
    « Public Opinion on Health Care Issues », Kaiser Family Foundation, août 2012, p. 2.
  • [135]
    La situation était fortement similaire lors de la campagne présidentielle de 2008. Cf. notamment les articles de Jacques Drucker (« Le débat sur la santé dans la campagne présidentielle », Les Tribunes de la santé, n° 19, février 2008, p. 21-27) et de Daniel Béland (« Les mutations de la protection sociale aux États-Unis : le débat sur l’assurance maladie et l’assurance vieillesse », Hérodote, n° 132, janvier 2009, p. 128-145). Le climat d’insécurité économique qui prévalait encore davantage en 2008 a sans doute conduit à ce que le thème de la santé apparaisse plus important en 2008 qu’en 2012.
  • [136]
    « Public Opinion on Health Care Issues », op. cit., p. 2. Dans le même sens, cf. L. L. GARRETT, « Class, health, and the American elections », op. cit., p. 794. Un sondage effectué par Reuters/Ipsos indique quant à lui que 57 % des Américains pensent que la réforme de la santé a compliqué la situation économique (cité par J. DECKER, « Obama and Romney: The Path to the Presidency », Policy Review, août-septembre 2012).
  • [137]
    La question posée était la suivante : « Would you say you have a basic understanding of what each of the following candidates are proposing to do on health care if he wins the 2012 presidential election or not? ». Un autre sondage effectué par cette Fondation au mois de septembre 2012 montre que Barack Obama a un très large avantage sur Mitt Romney dans le domaine des soins de santé (il y a souvent plus de 20 % d’écart entre eux suivant les questions posées).
  • [138]
    « Are we interested in treating the symptoms of poverty and economic stagnation through income redistribution and class warfare, or do we want to go at the root causes of poverty and economic stagnation by promoting pro-growth policies that promote prosperity? »
  • [139]
    « Do we believe that the goal of government is to promote equal opportunity for all Americans to make the most of their lives? Or, do we now believe that government’s role is to equalize the results of peoples lives? »
  • [140]
    Cf. notamment D. GARDNER, « Romney running mate criticises Britain’s National Health Service because “it makes patients dependent on government help” », Mail Online, 14 août 2012, www.dailymail.co.uk.
  • [141]
    J. DECKER, « Obama and Romney: The Path to the Presidency », op. cit.
  • [142]
    Un sondage mené par le centre de recherche Pew en septembre indique que 69 % des baby-boomers considèrent que Medicare est un enjeu électoral « très important » (M. WINERIP, « Baby boomers’ health anxiety lifts Obama, data say », International Herald Tribune, 25 septembre 2012, p. 5).
  • [143]
    « Kaiser Health Tracking Poll: September 2012 », Kaiser Family Foundation, www.kff.org.
  • [144]
    M. WINERIP, « Baby boomers’ health anxiety lifts Obama, data say », op. cit., p. 5.
  • [145]
    « President Obama wants to give control to families, not insurance companies. Mitt Romney would repeal health reform and turn Medicare into a voucher program that would cost seniors thousands of dollars more each year. »
  • [146]
    « All politicians flip-flop from time to time; but Mr Romney could win an Olympic medal in it » (The Economist, 25-31 août 2012).
  • [147]
    « So, Mitt, what do you really believe? »
  • [148]
    « When Mitt Romney was governor of liberal Massachusetts, he supported abortion, gun control, tackling climate change and a requirement that everyone should buy health insurance, backed up with generous subsidies for those who could not afford it. Now, as he prepares to fly to Tampa to accept the Republican Party’s nomination for president on August 30th, he opposes all those things. » Cf. également l’article « Romney’s U-turn on Obamacare », Financial Times, 11 septembre 2012 : « Depuis bien avant sa désignation comme candidat républicain à la présidentielle, Mitt Romney a dû combattre sa réputation de girouette. Son dernier engagement d’abroger une partie mais pas la totalité de la réforme des soins de santé d’Obama n’a probablement pour seul but que d’augmenter la confusion de l’opinion publique » (« Since long before his nomination as the Republican presidential candidate, Mitt Romney has had to fight the impression that he is a serial flip-flopper. His latest pledge to remove some but not all of Barack Obama’s flagship healthcare reform is likely only to confuse the American public further »).
  • [149]
    « Le premier jour de son entrée en fonction, Mitt Romney publiera un décret qui permettra au gouvernement fédéral de déroger à l’application de l’Obamacare dans les 50 États. Il travaillera ensuite avec le Congrès pour abroger la loi le plus vite possible » (« On his first day in office, Mitt Romney will issue an executive order that paves the way for the federal government to issue Obamacare waivers to all fifty states. He will then work with Congress to repeal the full legislation as quickly as possible »).
  • [150]
    « There are a number of things that I like in health care reform that I’m going to put in place. One is to make sure that those with pre-existing conditions can get coverage » (The New York Times, 9 septembre 2012).
  • [151]
    « When was the last time a massive government program lowered cost, improved efficiency, or raised the consistency of service? »
  • [152]
    « In short, President Obama’s trillion dollars federal takeover of the U.S. health care system is a disaster for the federal budget, a disaster for the constitutional principles of federalism, and a disaster for the American people. »
  • [153]
    « The answer for healthcare is market incentives, not healthcare by a Godzilla-sized government bureaucracy » (Godzilla est un personnage cinématographique ayant l’apparence d’un monstre géant).
  • [154]
    Ainsi, Al Gore a été battu en 2000 par George W. Bush : il a obtenu plus de 500 000 voix de plus que son adversaire pour le scrutin populaire, mais ce dernier a finalement obtenu le mandat présidentiel, après des recomptages controversés lui attribuant 537 voix d’avance (sur plus de 6 millions) pour emporter le vote indispensable des grands électeurs de Floride, et terminer le compte du collège électoral par 271 voix au républicain contre 266 au démocrate.
  • [155]
    Financé notamment par une cotisation sociale patronale de 0,05 %, le FESC intervient dans le financement du coût salarial et des frais de fonctionnement des projets d’accueil extra-scolaire, d’accueil flexible, d’accueil d’urgence et d’accueil d’enfants malades. La sixième réforme de l’État prévoit la suppression du FESC et le transfert des missions aux communautés.
  • [156]
    En mai 2011, la Communauté française a décidé d’adopter la dénomination « Fédération Wallonie-Bruxelles » dans sa communication interne et externe. Ce nouveau nom n’ayant cependant pas la portée juridique que lui donnerait une révision de la Constitution allant dans le même sens, nous maintenons ici l’appellation constitutionnelle de Communauté française.
  • [157]
    Daily Mail, 28 juillet 2012.
  • [158]
    Les Échos.fr, 25 septembre 2012.
  • [159]
    Sondage sur les préoccupations des citoyens belges, publié dans La Libre Belgique, 12 mai 2011.
  • [160]
    « Which one? », The Economist, 3-9 novembre 2012, p. 9.
Français

Résumé

Le système de soins de santé en vigueur aux États-Unis suscite de nombreuses interrogations en Europe. Il est le plus cher et le plus complexe de tous les pays de l’OCDE sans être pour autant l’un des plus performants, ni en termes de santé publique, ni en termes de qualité des soins ou d’accessibilité.
L’élection présidentielle américaine du 6 novembre 2012 a attiré l’attention des Européens sur les réformes introduites par Barack Obama lors de son premier mandat, et que souhaitait abroger le Parti républicain représenté par Mitt Romney. La victoire démocrate assure le maintien de la loi du 23 mars 2010, surnommée Obamacare, qui oblige la plupart des Américains à s’assurer avant 2014. Pour atteindre cet objectif, des subventions sont accordées aux citoyens à bas revenus et les compagnies d’assurance ne peuvent plus refuser de couvrir une personne en raison de ses antécédents médicaux. La réforme devrait coûter 940 milliards de dollars sur dix ans.
Après avoir présenté le système de soins de santé américain et ses réformes en cours, ce Courrier hebdomadaire analyse les implications politiques, sociales, fiscales, budgétaires et culturelles de la réforme menée par Barack Obama, non seulement pour les États-Unis mais également pour la planète entière. Outre ses effets en politique intérieure, l’Obamacare aura des répercussions internationales en raison du leadership scientifique et technologique des États-Unis dans le domaine médical.

  1. Introduction
  2. 1. L’inspiration américaine
    1. 1.1. La puissance américaine : hard power et soft power
    2. 1.2. Les sources de l’esprit américain : individualisme et religiosité
  3. 2. Le secteur des soins de santé aux États-Unis
    1. 2.1. L’« industrie » des soins de santé
    2. 2.2. L’organisation des soins de santé
  4. 3. La sécurité sociale et la couverture des soins de santé aux États-Unis
    1. 3.1 La genèse : le Social Security Act (1934)
    2. 3.2. Les deux programmes fondamentaux : Medicare et Medicaid
      1. 3.2.1. Fonctionnement et principes
      2. 3.2.2. Le programme Medicare
      3. 3.2.3. Le programme Medicaid
    3. 3.3. Les autres programmes
      1. 3.3.1. Le programme d’assurance santé pour les enfants (CHIPRA)
      2. 3.3.2. Le soutien spécifique aux vétérans (VHA)
      3. 3.3.3. La couverture des soins de santé pour les fonctionnaires (FEHB)
      4. 3.3.4. Le programme Tricare
      5. 3.3.5. Le système des assurances privées
      6. 3.3.6. Le cas des personnes non assurées
    4. 4. L’état de santé du système américain
      1. 4.1. Le poids des dépenses de santé et l’importance des dépenses administratives
    5. 4.2. Un mauvais classement au regard des indicateurs de santé
    6. 4.3. Les ressources du système de santé
    7. 4.4. Les sources de financement du système
  5. 5. La réforme Obama : le Patient Protection and Affordable Care Act (« Obamacare »)
    1. 5.1. Le défi de la couverture des personnes non assurées
    2. 5.2. Les promesses du candidat B. Obama en 2008
    3. 5.3. L’adoption de la loi sur la réforme des soins de santé
      1. 5.3.1. Les ambitions de la réforme
      2. 5.3.2. Une continuité avec la logique de l’économie marchande
      3. 5.3.3. Un choix pragmatique sous peine d’échec
    4. 5.4. Contenu du Patient Protection and Affordable Care Act (ACA)
      1. 5.4.1. Le mandat individuel et la responsabilité partagée
      2. 5.4.2. Dispositions relatives aux obligations des employeurs
      3. 5.4.3. Un pool temporaire pour couvrir les personnes « non assurables »
      4. 5.4.4. Les bourses santé (Exchange)
      5. 5.4.5. Le renforcement de la réglementation du marché de l’assurance privée
      6. 5.4.6. Un meilleur accès aux soins via une extension des programmes publics d’assurance santé
      7. 5.4.7. Une stratégie nationale de prévention et de promotion de la santé publique et du bien-être
    5. 5.5. Les coûts et le financement de la réforme
  6. 6. Analyse de l’arrêt de la Cour suprême (28 juin 2012)
    1. 6.1. Le mandat individuel
      1. 6.1.1. Le rôle joué par le président de la Cour suprême
      2. 6.1.2. La décision de la Cour suprême
    2. 6.2. Medicaid
      1. 6.2.1. La décision de la Cour
      2. 6.2.2. Les conséquences de l’arrêt
    3. 6.3. La mise en œuvre de la réforme
    4. 6.4. L’arrêt a-t-il des conséquences plus larges que l’ACA ?
  7. 7. La campagne présidentielle américaine de 2012
    1. 7.1. Les démocrates
    2. 7.2. Les républicains
    3. 7.3. Des programmes antagonistes
  8. Conclusion
Renaud Witmeur
Renaud Witmeur est directeur de cabinet du ministre-président de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Région wallonne ; il est également président du conseil d’administration du Centre hospitalier universitaire Brugmann (ULB/VUB). Daniel Désir est directeur général médical au Centre hospitalier universitaire Brugmann ; il est également président du collège d’enseignement de la maîtrise en Management des institutions de santé et de soins (ULB). Florence Hut est médecin en chef au Centre hospitalier universitaire Brugmann.
Daniel Désir
Florence Hut
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Le système de soins de santé en vigueur aux États-Unis suscite de nombreuses interrogations en Europe. Il est le plus cher et le plus complexe de tous les pays de l’OCDE sans être pour autant l’un des plus performants, ni en termes de santé publique, ni en termes de qualité des soins ou d’accessibilité.
L’élection présidentielle américaine du 6 novembre 2012 a attiré l’attention des Européens sur les réformes introduites par Barack Obama lors de son premier mandat, et que souhaitait abroger le Parti républicain représenté par Mitt Romney. La victoire démocrate assure le maintien de la loi du 23 mars 2010, surnommée Obamacare, qui oblige la plupart des Américains à s’assurer avant 2014. Pour atteindre cet objectif, des subventions sont accordées aux citoyens à bas revenus et les compagnies d’assurance ne peuvent plus refuser de couvrir une personne en raison de ses antécédents médicaux. La réforme devrait coûter 940 milliards de dollars sur dix ans.
Après avoir présenté le système de soins de santé américain et ses réformes en cours, ce Courrier hebdomadaire analyse les implications politiques, sociales, fiscales, budgétaires et culturelles de la réforme menée par Barack Obama, non seulement pour les États-Unis mais également pour la planète entière. Outre ses effets en politique intérieure, l’Obamacare aura des répercussions internationales en raison du leadership scientifique et technologique des États-Unis dans le domaine médical.
Mis en ligne sur Cairn.info le 19/12/2012
https://doi.org/10.3917/cris.2160.0001
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