CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1 Ce Courrier hebdomadaire cherche à expliciter les aspects sociaux de la réforme de l’État, tels qu’ils sont prévus dans l’« Accord institutionnel sur la sixième réforme de l’État » conclu le 11 octobre 2011. Résultant de la négociation entre le CD&V, le CDH, Écolo, Groen, le MR, l’Open VLD, le PS et le SP. A, cet accord fait partie du programme de la coalition gouvernementale dirigée par Elio Di Rupo depuis le 5 décembre 2011 (PS / CD&V / MR / SP. A / Open VLD / CDH).

2 L’objectif premier est d’en rendre le contenu lisible pour les non-spécialistes.

3 À cette fin, chaque point de l’accord sera présenté dans sa version intégrale, tel qu’il figure dans le texte rendu public. Cette présentation sera suivie d’une explication technique, notamment des termes, des expressions, des acronymes et des sigles utilisés, dans la mesure où ils ont une signification spécifique qui nécessite un éclaircissement.

4 Pour chaque chapitre, on s’efforcera par ailleurs de mettre les propositions en perspective.

5 Selon la méthode déjà utilisée dans deux précédents Courrier hebdomadaire consacrés, respectivement, à la défédéralisation de la sécurité sociale [1] et à la régionalisation de la politique de l’emploi [2], cette mise en perspective s’attachera surtout aux conséquences de la réforme sur le contenu même de la politique sociale. Dans beaucoup de cas, elle sera présentée sous forme de questions, auxquelles le texte de l’accord négocié ne permet pas de répondre, et sur lesquelles les différents partis qui ont participé à la négociation n’ont probablement pas les mêmes réponses, si tant est qu’ils aient une position arrêtée sur tous les points. Malgré l’apparence très détaillée et méticuleuse de cet accord politique, sa transcription en textes constitutionnels et légaux opérationnels, sans parler de la réception des nouvelles compétences par les entités fédérées auxquelles elles sont attribuées, seront loin d’être des formalités.

6 On ne cherchera pas à décrypter d’où viennent les différentes propositions qui sont sur la table, comment les différents partis qui ont participé à la négociation les ont marquées de leur empreinte, etc. Par contre, on analysera à l’occasion en quoi l’accord final se distingue ou non des trois rapports qui ont jalonné la longue période de négociation politique qui a suivi les élections de juin 2010 : le « rapport au roi Albert II » déposé par le clarificateur Bart De Wever (N-VA) le 17 octobre 2010, la « note de négociation » déposée par l’informateur Johan Vande Lanotte (SP. A) le 3 janvier 2011, et la note du formateur Elio Di Rupo lui-même (PS) du 4 juillet 2011.

7 La présentation sera ordonnée en trois chapitres, correspondant à trois des grands points du troisième chapitre de l’accord (« Détail des transferts de compétences de l’État fédéral aux entités fédérées ») : marché de l’emploi, soins de santé et d’aide et aux personnes, et allocations familiales.

8 La présente étude s’en tiendra aux matières traditionnellement cataloguées dans la « politique sociale », en ignorant certains autres aspects qui peuvent avoir des implications sociales – on pense, par exemple, à l’emploi des langues en matière judiciaire visé dans le chapitre de l’accord relatif à l’arrondissement judiciaire de Bruxelles-Hal-Vilvorde, qui peut avoir une incidence sur l’accès à la justice par des travailleurs ou par des assurés sociaux.

1. MARCHÉ DE L’EMPLOI

9 L’accord prévoit d’une part la régionalisation de divers dispositifs de politique de l’emploi développés au niveau fédéral au cours des deux dernières décennies, et d’autre part l’attribution aux régions de la compétence d’application de certaines dispositions de la réglementation du chômage.

1.1. DROIT DU TRAVAIL ET SÉCURITÉ SOCIALE RESTENT DE COMPÉTENCE FÉDÉRALE

10

« Les règles relevant du droit du travail et de la sécurité sociale restent fédérales, de même que les dispositifs de concertation sociale ainsi que la politique salariale » (point 3.1.1 de l’accord).

11 Le caractère fédéral de la sécurité sociale et du droit du travail est actuellement affirmé par l’article 6 §1er VI-12° de la loi spéciale de réformes institutionnelle du 8 août 1980, comme exception aux compétences des Régions en matière d’économie, parmi d’autres dispositifs censés assurer l’unité monétaire du pays. On y trouve par ailleurs, à l’article 5 §1er I-1°c, l’assurance-maladie-invalidité comme exception aux compétences des Communautés en matière de santé, et plus particulièrement de « politique de dispensation des soins dans et au dehors des institutions de soins », qui est une des matières dites personnalisables.

12 En ce qui concerne la concertation sociale, on se rappellera qu’il y a eu, il y a quelques années, une discussion sur la possibilité, pour les Régions et les Communautés, de régler cette matière dans les domaines qui les concernent, en créant un cadre juridique pour des conventions collectives régionales ou communautaires [3]. L’initiative flamande en la matière s’est heurtée à l’opposition de la Cour constitutionnelle [4]. La situation actuelle est que la matière des conventions collectives est régie par la législation fédérale ; dans les secteurs subventionnés par les Régions ou les Communautés, il existe des commissions ou des sous-commissions paritaires séparées par autorité subsidiante. Si le cadre juridique reste fédéral, le contenu concret des conventions est donc différent (comme d’ailleurs les acteurs de la concertation). Cette construction respecte la nature fondamentale de la convention collective de travail aux yeux des interlocuteurs sociaux, qui n’y voient pas un règlement négocié, édicté sous la responsabilité de l’autorité publique en charge de la matière traitée, mais une forme de contrat, dont l’autorité publique se borne à assurer la force obligatoire.

13 L’accord du 11 octobre 2011 ne modifie donc pas cette situation, ce qui ne l’empêche pas de transférer aux communautés ou aux régions certains éléments qui, actuellement, relèvent de la sécurité sociale ou du droit du travail.

1.2. CONTRÔLE DE LA DISPONIBILITÉ DES CHÔMEURS

14 Conformément au principe qui précède, le cadre normatif de l’indemnisation du chômage reste fédéral. Mais les Régions reçoivent la compétence d’appliquer une des conditions essentielles d’octroi des allocations de chômage.

1.2.1. Texte de l’accord

15

« – Les régions reçoivent la pleine compétence de décision et d’exécution en matière de contrôle de la disponibilité active et passive et d’imposition de sanctions des chômeurs y relatives [En note : « Pour que cette répartition des compétences puisse fonctionner, il est indispensable que l’autorité qui verse les allocations soit aussi celle qui exécute matériellement la sanction »].
– Maintien au fédéral du cadre normatif en ce qui concerne la réglementation en matière d’emploi convenable, de recherche active d’un emploi, de contrôle administratif et de sanctions.
– Les régions ont la possibilité de déléguer le pouvoir de sanction à l’autorité fédérale (ONEM) contre rémunération.
– Sur la base de directives européennes, des accords de coopération seront conclus fixant des objectifs communs relatifs à l’intensité de l’accompagnement des chômeurs » (extrait du point 3.1.2 de l’accord).

16 Le tableau des conséquences financières de l’accord, en annexe de celui-ci, précise que ce point représente environ 38 millions d’euros [5].

1.2.2. Explications

Disponibilité pour le marché de l’emploi

17 La « disponibilité pour le marché de l’emploi » est une des conditions d’octroi des allocations de chômage [6].

18 Cette notion est traditionnellement définie dans la réglementation du chômage comme l’obligation d’être disposé à accepter tout emploi convenable. Le chômeur qui « soumet sa remise au travail à des réserves qui le rendent indisponible pour le marché de l’emploi » [7] peut être exclu du bénéfice des allocations jusqu’à ce qu’il lève ces réserves.

19 Cette définition traditionnelle s’applique donc au chômeur qui refuse un emploi pour des raisons qui ne sont pas liées à un emploi déterminé qui lui est offert, mais qui manifestent, sinon un refus général de travailler, en tout cas une limitation non justifiée des catégories d’emploi qu’il est disposé à accepter. Cette mesure est aujourd’hui peu appliquée par l’Office national de l’emploi (ONEM), notamment parce que les situations visées ne sont plus systématiquement détectées par les services de placement, qui dépendent des Régions. À l’époque où elle était appliquée plus systématiquement – essentiellement dans les années 1970, à l’époque où les services de placement dépendaient encore de l’ONEM [8] – elle générait un important contentieux.

20 Ce contentieux pouvait concerner l’interprétation par les services de l’ONEM des situations de fait, car, si elle peut se manifester à l’occasion d’un refus d’emploi, l’indisponibilité peut aussi être inférée de paroles ou d’attitudes dont il se déduit que si un emploi lui était offert, le chômeur le refuserait. Il y avait aussi des questions de fond d’une portée potentiellement redoutable, la principale d’entre elles étant de savoir si l’« indisponibilité » ainsi sanctionnée s’entend uniquement d’une absence de volonté de travail, ou comprend aussi l’impossibilité ou la difficulté de travailler. Par exemple, quand une chômeuse évoque ses difficultés à trouver une solution de garde pour ses enfants, donne-t-elle implicitement à savoir qu’elle ne veut pas travailler ? Ou encore, un chômeur qui se déclare disposé à travailler, mais dont l’état de santé ou l’image générale qu’il donne de lui-même réduit pratiquement à néant les chances de se faire embaucher, est-il bien disponible pour le marché de l’emploi ? Il faut reconnaître que la pratique administrative, et même la jurisprudence de l’époque, avaient tendance à confondre dans une même notion l’indisponibilité en tant qu’attitude et l’indisponibilité en tant que situation.

21 Dans le vocabulaire des dernières années, on a pris l’habitude de qualifier de passive cette définition traditionnelle de la disponibilité, car elle se réfère à l’attitude du chômeur vis-à-vis d’une offre, réelle ou potentielle.

22 Sous le titre de « disponibilité active », on a ajouté l’obligation du chômeur de chercher par lui-même un emploi, qui fait aujourd’hui l’objet d’une procédure spécifique de suivi et de sanction ou, pour reprendre la formulation de la réglementation, d’avoir un « comportement actif de recherche ». Depuis 2004, cette obligation fait l’objet d’une procédure spécifique de suivi et de sanction, au niveau fédéral, par l’ONEM.

23 C’est donc au premier chef l’application de ces notions qui est transférée aux Régions, sous réserve de la possibilité pour elles de déléguer ce pouvoir à l’ONEM, étant entendu que la réglementation proprement dite reste fédérale. Il va par ailleurs de soi que, même si les organismes régionaux prononceront les sanctions, l’exécution matérielle de celles-ci restera du ressort des organismes chargés du paiement de l’allocation, à savoir l’ONEM et les organismes de paiement.

Sanctions pour chômage dû au propre fait du travailleur

24 À côté de la disponibilité pour le marché de l’emploi au sens réglementaire du terme, la réglementation du chômage prévoit des sanctions, sous forme de privation temporaire ou définitive du droit aux allocations de chômage, si le chômeur refuse un emploi concret qui lui est offert, ou adopte des attitudes jugées équivalentes (par exemple, ne pas répondre à la convocation du service de placement ou d’un employeur). À l’emploi au sens strict, ont été assimilés au fil du temps divers dispositifs d’insertion, en particulier la formation professionnelle et le plan d’accompagnement des chômeurs (PAC). Même si elles se rattachent, comme l’indisponibilité pour le marché de l’emploi, à la notion globale de chômage involontaire, ces sanctions relèvent plutôt, réglementairement, d’un groupe de situations qualifiées de « chômage dû au propre fait du travailleur », qui concerne aussi le licenciement pour faute et l’abandon d’emploi sans motif légitime.

25 Le texte de l’accord du 11 octobre 2011 ne permet pas de déterminer si l’application de ces sanctions, en tant que celles-ci concernent des refus d’emploi ou assimilés, relèveront dorénavant des Régions, restera fédérale. La logique de l’accord serait qu’elles relèvent des Régions, puisque c’est par les services régionaux de l’emploi que les refus d’emploi sont détectés et communiqués à l’ONEM. C’est également la logique des revendications qui ont abouti à cet accord.

26 Précisons encore que, lorsque le texte de l’accord parle de « directives européennes », il ne peut viser des directives au sens juridique du terme, qui n’existent pas dans le domaine. Il vise les « lignes directrices pour l’emploi » arrêtées dans le cadre de la « méthode ouverte de coordination », ou peut-être encore les « recommandations » arrêtées dans le cadre de la surveillance budgétaire.

1.2.3. Mise en perspective

27 Nous avons tenu à traiter séparément ce point du chapitre « Marché de l’emploi » de l’accord du 11 octobre 2011, car il comporte des enjeux spécifiques par rapport aux autres points qui figurent dans le même chapitre.

28 Les négociateurs semblent être arrivés assez vite à un accord sur ce point, qui a été repris sans modification substantielle de la note de Bart De Wever. Et il est vrai que la répartition actuelle des compétences entre la sécurité sociale et les dispositifs favorisant la réinsertion des chômeurs n’est pas des plus lisibles. Néanmoins, le choix est loin d’être neutre en termes de politique sociale.

29 La notion de « chômage involontaire » est la pierre angulaire de tout système d’indemnisation du chômage, mais aussi sa principale pierre d’achoppement. D’un côté, une assurance, et plus largement n’importe quel système de solidarité, ne peut faire l’économie du principe selon lequel le bénéficiaire doit s’efforcer, dans la mesure de ses moyens, de limiter son risque ou, si le risque se réalise tout de même, de s’efforcer de limiter l’ampleur du dommage. Mais d’un autre côté, cette notion est très difficile à définir et à objectiver.

30 En tant qu’elle repose sur les offres d’emploi (ou de dispositifs d’insertion assimilés) émanant des organismes publics régionaux de placement, elle se heurte à plusieurs objections fondamentales.

31 D’une part, est-il possible de déduire une attitude à partir d’une faute qui peut être isolée ? D’autre part, est-il justifié de faire reposer le système sur les services publics de placement, qui n’ont, dans les faits, pas le monopole des offres d’emploi ? En théorie, les employeurs sont tenus de leur communiquer leurs emplois « vacants ». Mais, hormis la question de savoir si cette obligation est bien vérifiée et sanctionnée, elle ne concerne dans les faits que les emplois qui ne restent vacants qu’après que l’on ait recouru à d’autres méthodes de publicité. Certains employeurs – et non des moindres, puisqu’il s’agit pratiquement de l’ensemble du secteur public – ne sont d’ailleurs pas soumis à cette obligation. En outre, le secteur du travail intérimaire revendique, et assume à sa manière dans les faits, un rôle d’intermédiation entre les utilisateurs et les demandeurs d’emploi.

32 À partir de là, on n’échappe pas au dilemme suivant, qui a marqué l’histoire de l’indemnisation du chômage depuis les années 1970.

33 Si le service de placement joue un rôle de contrôleur des obligations des chômeurs, il sacrifie inévitablement son rôle de service de placement : d’une part, parce qu’il empêche les demandeurs d’emploi d’avouer des difficultés ou des préférences qui peuvent être interprétées comme une indisponibilité pour le marché de l’emploi ; d’autre part, parce qu’il encombre les services du personnel des entreprises d’une foule de candidats non réellement aptes ou intéressés par la fonction, dans le seul but de tester leur volonté de travail. C’est la situation qui a prévalu jusqu’à la fin des années 1970, jusqu’à ce qu’une séparation soit opérée, au sein de l’ONEM, en 1979, entre les bureaux du chômage et les services de l’emploi. À l’époque, cette réforme avait été saluée comme un rétablissement de la cohérence, en permettant à chaque service de se concentrer sur ses missions.

34 Mais si le service de placement joue réellement son rôle, il est logiquement amené, surtout dans un contexte de chômage élevé, à limiter son action à une certaine frange de la population en chômage – celle qui est a priori la plus apte et la plus motivée à l’emploi – et à laisser les autres tout simplement de côté. C’est la situation qui a prévalu après la scission des services, et surtout après la régionalisation des services de placement et la création d’organismes régionaux séparés. Au cours des dernières années, on a incité les services de l’emploi à s’intéresser aussi à des publics plus difficiles. Mais on ne saurait affirmer qu’on a ainsi complètement renversé les tendances : pour une proportion appréciable de chômeurs, l’inscription comme demandeur d’emploi reste limitée à une formalité vide de sens, et les « plans d’accompagnement » limités à des entretiens périodiques qui ne débouchent pas sur la fourniture d’une aide concrète.

35 En dépit des accords de coopération qui se sont succédé, le système est longtemps resté orphelin d’une procédure systématique de contrôle du chômage involontaire.

36 C’est cette lacune qui a été comblée par le dispositif dit d’activation ou de contrôle du « comportement actif de recherche », mis en place au niveau fédéral par l’ONEM en 2004. Mais ce dispositif lui-même n’est pas sans poser des problèmes de fond. Le principal d’entre eux est que, à partir du moment où on prend au sérieux l’insertion sur le marché du travail comme objectif, notamment en vérifiant systématiquement le respect par les assurés sociaux de leurs obligations en la matière, on se rend mieux compte des obstacles rencontrés par ceux qui cherchent un emploi. Même si elle est individualisée et censée tenir compte de la situation personnelle du demandeur d’emploi, en laissant même un espace à la négociation sur la base du projet personnel, la procédure reste imprégnée de la notion assez traditionnelle de « disponibilité pour le marché de l’emploi », qui postule que le travailleur soit, pratiquement du jour au lendemain, en mesure d’occuper un emploi à temps plein. En fonction à la fois des exigences actuelles du marché de l’emploi et des caractéristiques personnelles de certains demandeurs d’emploi, tel n’est pas, dans les faits, le cas de tous les chômeurs indemnisés.

37 Se pose donc la question de savoir s’il ne faut pas introduire, dans la réglementation du chômage, un concept analogue aux « raisons de santé et d’équité » qui, dans le régime supplétif du revenu d’intégration sociale (RIS), permet de moduler le principe selon lequel le demandeur doit être « disposé à travailler », voire de mettre ce principe entre parenthèses, provisoirement ou définitivement. C’est à une conclusion de cet ordre qu’était arrivé le comité de gestion de l’ONEM, qui, dès 2008, avait recommandé que ce public fasse l’objet d’un accompagnement spécifique par les régions, mais ne soit plus soumis à la procédure de suivi par l’ONEM. Cette idée était soutenue par la ministre de l’Emploi, Joëlle Milquet (CDH), mais ne rencontra pas de consensus politique suffisant, en raison des perspectives de réforme de l’État, et ne put se concrétiser avant la chute du gouvernement Leterme II, en avril 2010.

38 En replaçant dans l’orbite des services régionaux de placement tout ce dispositif, de même que la sanction traditionnelle pour indisponibilité dite passive et, sans doute, que les sanctions pour « chômage dû au propre fait du chômeur », on revient sur la scission opérée en 1979, et on accorde par ailleurs à ce choix une portée quasi constitutionnelle.

39 On n’a entendu, au sujet de cette réforme, aucun argument de fond. Ou plus exactement, chaque fois qu’un acteur du terrain s’est exprimé sur le fond, c’était pour critiquer ou émettre des doutes sérieux sur ce choix. Cette réforme n’est finalement qu’un compromis en réponse à la revendication de régionalisation de l’assurance-chômage elle-même, qui avait été formulée en son temps par le SP. A, avant d’être reprise par l’ensemble des partis flamands [9]. Dans le récent livre d’entretien qu’il a accordé au journaliste Jörgen Oosterwaal, Johan Vande Lanotte reliait cette revendication à la constatation que, pour des raisons économiques et démographiques, la Flandre connaît des pénuries de main-d’œuvre qui vont s’accentuer, tandis que la Wallonie et Bruxelles, pour des raisons différentes, connaissent un excédent de main-d’œuvre. Il est donc essentiel à ses yeux que les chômeurs wallons et bruxellois soient incités, au besoin par la contrainte, d’aller travailler en Flandre [10]. On voit cependant mal en quoi la régionalisation du régime du chômage ou du contrôle de la disponibilité des chômeurs peut contribuer à régler ce problème. Au contraire, on peut craindre que cela favorise le repli de chaque région sur elle-même.

40 Selon le témoignage du même Johan Vande Lanotte, la régionalisation complète de l’ONEM a été réclamée surtout par la N-VA (bien qu’elle n’ait pas été prévue dans la note de Bart De Wever), car « pas mal d’électeurs de la N-VA trouvent que les francophones travaillent trop peu et revendiquent trop d’allocations. Ils trouvent que les Wallons doivent enfin vivre selon leurs moyens » [11]. On reconnaîtra au moins à cette dernière position le mérite d’être claire, et cohérente avec la solution proposée.

41 On peut se demander si le compromis finalement retenu tiendra longtemps la route. À moins d’un renversement de tendance dans les ambitions de pouvoir des uns et des autres, on peut penser que ce ne sera qu’une étape vers une défédéralisation du régime du chômage.

1.3. AUTRES ASPECTS

42 Pour cette partie, on exposera par thème le contenu de l’accord et les commentaires spécifiques qu’appellent les différentes mesures. On livrera ensuite une mise en perspective globale.

1.3.1. Politique axée sur des groupes cibles

Texte de l’accord

43

« – Régionalisation des réductions groupes cibles ONSS et activation des allocations de chômage. Les réductions structurelles des charges ONSS ainsi que la dispense de versement du précompte professionnel restent une compétence fédérale.
– Les régions reçoivent la pleine autonomie pour ce qui est de l’utilisation des budgets. Elles pourront affecter à leur guise le budget transféré (y compris les excédents éventuels) à diverses formes de politique du marché du travail au sens large (mesures en matière de coûts salariaux, formation et accompagnement des demandeurs d’emploi, programmes de mise à l’emploi, (…).
– L’ONSS et l’ONEM restent les seuls opérateurs administratifs et techniques.
– L’Autorité fédérale n’instaurera plus de nouveaux groupes cibles après le transfert de cette compétence [En note : « Toute éventuelle décision relative à la création de nouveaux groupes cibles se prendra jusqu’à ce moment au Conseil des ministres »] mais conservera une latitude de décision sur les mesures relatives au coût salarial qui demeurent de sa compétence » (extrait du point 3.1.3 de l’accord).

44 Par ailleurs, sous le titre « Placement », l’accord prévoit que « les Régions deviennent compétentes pour les programmes d’accompagnement visant à réinsérer les bénéficiaires d’un revenu d’intégration sur le marché du travail (articles 60-61) » (extrait du point 3.1.4 de l’accord).

Explications

45

  1. Les cotisations à la sécurité sociale font l’objet de trois types de réductions :
    • une « réduction structurelle » de la cotisation patronale, orientée vers le secteur privé marchand. Héritière de la réduction « Maribel », destinée à soutenir la compétitivité extérieure des entreprises, elle reste du ressort de la législation fédérale de sécurité sociale ;
    • une réduction de la cotisation personnelle, ciblée sur les bas salaires, afin de diminuer la tension entre le revenu brut et le revenu net. Elle reste également du ressort de la législation fédérale de sécurité sociale ;
    • diverses réductions, visant soit un groupe particulier de demandeurs d’emploi soit un secteur ou une catégorie particulière d’entreprises. Elles portent en général sur la cotisation patronale, mais aussi parfois sur la cotisation personnelle du travailleur. Ce sont ces réductions ciblées qui sont visées par l’accord du 11 octobre 2011 et qui sont retirées de la législation fédérale de sécurité sociale. Les montants qui y correspondent sont transférés aux Régions, qui en disposeront en toute autonomie.
  2. Quant à l’activation des allocations de chômage, il s’agit des techniques mises en place au niveau fédéral par lesquelles une partie de l’allocation de chômage reste payée en cas de reprise du travail et est transformée dans les faits en subside salarial. En général, elle vient en déduction du coût salarial, comme dans le programme Activa ou dans les programmes de transition professionnelle. Dans le programme SINE, destiné à l’insertion de groupes à risque dans l’économie sociale, elle est même payée directement à l’employeur.
  3. Les « articles 60 et 61 » sont deux articles de la loi organique des centres publics d’action sociale du 8 juillet 1976. Ils règlent les dispositifs d’insertion sur le marché du travail dont disposent les CPAS. Ils comprennent entre autres la possibilité pour le CPAS d’occuper le bénéficiaire de l’aide (éventuellement en le mettant à la disposition d’un tiers), le temps nécessaire pour lui d’ouvrir des droits à la sécurité sociale – essentiellement une admissibilité dans le régime du chômage. Conceptuellement parlant, ils correspondent en quelque sorte à l’activation des allocations de chômage, et leur régionalisation obéit à la même logique.
  4. L’accord ne contient guère d’explication sur la signification de la référence à l’ONSS et à l’ONEM comme « opérateurs techniques ». La note de Johan Vande Lanotte, plus explicite sur ce point, précisait que cela ne signifie pas que les Régions devraient nécessairement recourir à des réductions de cotisation ou à des activations d’allocations, mais que si elles décidaient de recourir à cette technique, les organismes fédéraux de sécurité sociale resteraient les seuls opérateurs ; les Régions devraient alors retransférer vers ces organismes les moyens budgétaires qu’elles affecteraient à ces dispositifs.
  5. Les dispenses de versement du précompte professionnel qui ont fait l’objet de discussions au cours des négociations sont celles qui existent en faveur de certains secteurs : la marine marchande, le dragage et le remorquage, la recherche scientifique, les artistes et les gardiennes d’enfants. Plusieurs de ces secteurs sont concernés par des réductions de cotisations ONSS, qui, elles, sont régionalisées (dragage et remorquage, gens de maison, accueillants d’enfants et artistes), et il a fallu trancher la question de savoir si les réductions fiscales devaient suivre le même sort. La note de Bart De Wever prévoyait la régionalisation de ces réductions. La proposition Vande Lanotte prévoyait encore la régionalisation des réductions pour la recherche et le secteur maritime, et précisait que l’autorité fédérale n’introduirait pas de nouveaux groupes cibles. L’accord du 11 octobre 2011 a donc décidé qu’aucune réforme ne serait introduite en la matière.
  6. Le tableau qui figure dans le chapitre « Synthèse budgétaire des transferts (estimations les plus récentes) » (point 3.6 de l’accord) renseigne les montants en cause dans les mesures que nous venons de lister :

Tableau 1

Synthèse budgétaire des transferts (en millions d’euros)

Réductions ONSS 1 738,6
Travailleurs âgés
Jeunes travailleurs
Chercheurs d’emploi de longue durée
Restructurations
Groupes à risque (jeunes peu scolarisés)
Programmes de transition professionnelle (PTP) [12]
Économie sociale (SINE)
Secteurs spécifiques
– dragage et remorquage [13] : 0,7 (travailleur) + 3,7 (employeur) = 4,4
– gens de maison : 0,2
– accueillants d’enfants : 14,2
– artistes : 14,3
Plans emplois [14]
– agents contractuels subventionnés (ACS) ONSS : 291,5
– ACS ONSSAPL : 240,9
– ACS Droits de tirage : 485,8
338,0
105,0
155,0
10,9
40,0
12,8
25,6
33,1
1 018,2
Activation 541,4
Chômeurs longue durée hors PTP (Activa)
Programmes de transition professionnelle (PTP)
CPAS (art. 60 et 61)
438,0
24,6
138,7
Total 2 280,0
figure im1

Synthèse budgétaire des transferts (en millions d’euros)

Un État fédéral plus efficace et des entités plus autonomes. Accord institutionnel pour la sixième réforme de l’État, 11 octobre 2011, p. 51-52.

1.3.2. Services de proximité

Texte de l’accord

46

« Régionalisation des titres-services, en maintenant les aspects liés au droit du travail, tels que ceux concernant les conditions de travail dans le secteur, au fédéral » (extrait du point 3.1.3 de l’accord).
« La compétence ALE relève de l’autonomie des régions (transfert aux régions des accompagnateurs à l’emploi des ALE et des moyens y afférents). Si les régions décident de maintenir le dispositif ALE, le fédéral poursuivra le financement d’allocations de chômage, limité au nombre de bénéficiaires actuel par région. Le système s’appliquera aux chômeurs de longue durée et à ceux qui sont très éloignés du marché de l’emploi » (extrait du point 3.1.4 de l’accord).

47 Par ailleurs, l’accord précise que les « dépenses fiscales titres-services » seront à l’avenir de la compétence exclusive des Régions, auxquelles les dépenses seront transférées (point 3.5.3 de l’accord).

Explications

48 Les agences locales pour l’emploi (ALE) ont été créées dans les années 1980 pour permettre à des chômeurs éloignés du marché de l’emploi de compléter leurs revenus en effectuant des « petits boulots ». Dans les années 1990, elles sont devenues une part significative de la politique fédérale de l’emploi [15], à la fois comme cadre de développement de « services de proximité » et comme solution d’insertion pour des chômeurs réputés inaptes à retrouver un emploi ordinaire.

49 Ce dispositif comporte plusieurs volets :

50

  • un volet organique, avec l’obligation pour les communes d’instituer une ALE sous forme d’ASBL administrée par la commune et par les interlocuteurs sociaux au niveau local ;
  • un cadre juridique spécifique (contrat de travail ALE) de la relation de travail entre le travailleur, l’employeur (l’ALE) et l’utilisateur ;
  • une dérogation à diverses dispositions de la réglementation du chômage, en particulier la possibilité de travailler un certain nombre d’heures en cumulant la rémunération ALE avec l’allocation de chômage. Le système repose donc sur le principe selon lequel le travailleur conserve ses allocations de chômage, qui lui assurent sa base de revenus (le travail ALE n’offrant qu’un complément) et sa protection sociale en matière de soins de santé, de pensions, d’allocations familiales, d’incapacité de travail, etc. ;
  • un système spécifique de rémunération, basé sur des « chèques ALE » achetés par l’utilisateur et remis au travailleur en rémunération de chaque heure de travail ;
  • un système de subvention, couvrant les frais non couverts par les chèques ALE (entre autres, les frais d’émission de ces chèques et le fonctionnement des ALE) ;
  • un avantage fiscal au profit des utilisateurs des services ALE.

51 Ce système n’est ouvert qu’à certaines catégories de bénéficiaires d’allocations de chômage ou du revenu d’intégration sociale. Les chômeurs de certaines catégories sont « inscrits d’office » dans l’ALE, et, pour eux, l’emploi ALE peut être considéré comme un emploi convenable, dont le refus ou l’abandon est susceptible de sanctions dans le cadre du chômage.

52 Au fil du temps, la plupart des activités prestées dans le cadre des ALE ont été placées dans d’autres cadres. Ainsi, les agents de prévention et de sécurité (APS) engagés par les communes dans le cadre de contrats de sécurité sont désormais, sauf exception, employés dans les liens d’un contrat de travail ordinaire, subventionné dans le cadre du programme Activa, par ailleurs régionalisé.

53 En ce qui concerne les services de proximité, spécialement les tâches ménagères pour les particuliers, ils ont été largement supplantés par le système des « titres-services ».

54 Le système des titres-services était au départ une initiative de la Région flamande, qui envisageait d’ailleurs une gamme sensiblement plus étendue d’activités. Tel qu’il fonctionne actuellement, il trouve son origine dans un accord de coopération relatif à l’économie sociale, conclu le 4 juillet 2000 entre l’État fédéral et les régions [16]. Cet accord visait notamment à « soutenir les services de proximité, notamment les services accomplis en vue d’améliorer les conditions de vie des citoyens ou de répondre à des besoins collectifs locaux, à condition que le développement de ces services soit à la base de la création d’emplois stables et n’entraîne aucune autre forme d’exclusion ou de dualisation tant du marché de l’offre ou de la demande que du marché du travail ».

55 Son volet fédéral est organisé par une loi du 20 juillet 2001 [17]. Au départ, le système était cofinancé par l’État et par les régions. Depuis 2004, l’État a décidé d’intensifier le système, et l’a pris intégralement à sa charge [18]. Sur l’insistance de la Région flamande, les régions ont été autorisées à étendre le système à certaines activités non admises dans le cadre fédéral. La Région flamande l’a expérimenté entre 2007 et 2009 pour l’accueil extra-scolaire de l’enfance, mais y a mis fin en raison du manque de succès de la formule, sous réserve de quelques projets pilotes à évaluer dans le courant de 2010. Actuellement, le système des titres services est donc entièrement fédéral, même si une dimension régionale fut présente dès le début.

56 Le système des titres-services comporte certaines ressemblances avec le système ALE, en particulier du point de vue de l’utilisateur, qui rémunère le service par un titre-service correspondant à une heure de travail, et pour lequel il bénéficie d’un avantage fiscal. Comme dans le cadre ALE, le travailleur est mis à disposition de l’utilisateur par un opérateur, qui a la qualité juridique d’employeur et assume les obligations administratives qui y sont liées. Cet opérateur peut être une ALE, mais aussi une autre forme d’organisme sans but lucratif, une entreprise privée commerciale, un commerçant indépendant ou une entreprise de travail intérimaire ; ces opérateurs doivent être agréés par l’ONEM.

57 Quant au travailleur, il ne doit pas nécessairement être chômeur ou bénéficiaire du revenu d’intégration sociale. Contrairement aux travailleurs ALE, son contrat de travail est fondamentalement identique à un contrat de travail ordinaire. L’importante différence qui existe entre le prix payé par l’utilisateur et le coût salarial réel, complété des frais de gestion – et de la marge bénéficiaire – de l’entreprise, est prise en charge par une intervention de l’ONEM. Si le travailleur est chômeur ou bénéficiaire du revenu d’intégration sociale, l’entreprise titres-services peut en outre faire appel aux programmes d’emploi existants, par exemple le programme Activa. On peut s’étonner de l’« exubérance » de cette subvention publique, bien supérieure proportionnellement à l’intervention dans le coût salarial de travailleurs handicapés ou à celle de l’assurance-maladie dans le coût des soins de santé, sans parler de celle dans le système ALE, pourtant plus sélectif [19]. Les débats politiques sur le budget 2012 ont montré que, dans le monde politique, le système est considéré comme une sorte de cadeau à la classe moyenne, dont on craint qu’elle se sente de plus en plus abandonnée par le système social et sollicitée par le système fiscal.

58 Les propositions d’accord ont connu quelques variations en ce qui concerne le sort des ALE. Le principe de leur transfert était acquis, mais se posait la question des conséquences pour le régime du chômage, puisque l’allocation de chômage reste la source de revenu principale des personnes concernées. Alors que la note de Bart De Wever prévoyait que les Régions seraient « entièrement autonomes en matière de définition des groupes cibles et des activités au sein des ALE », Johan Vande Lanotte, de même que le formateur au mois de juillet, prévoyait explicitement l’extinction de ce système (proposition dont on trouve trace dans le texte final, qui prévoit la possibilité pour les Régions de ne pas maintenir le dispositif ALE). L’accord final permet donc aux Régions de maintenir le système, mais limité au nombre actuel de bénéficiaires.

59 Le montant du transfert s’élève à 1 479 millions d’euros (35 millions pour les fonctionnaires et les frais de fonctionnement ALE, et 1 444 millions pour les « chèques services (seule partie SS) »).

1.3.3. Fonds de l’expérience professionnelle et « autres programmes fédéraux d’économie sociale »

60

« Transfert aux régions du Fonds de l’expérience professionnelle » (extrait du point 3.1.3 de l’accord).
« Transfert [des] autres programmes fédéraux d’économie sociale : aux régions » (extrait du point 3.1.5 de l’accord).

61 Le Fonds de l’expérience professionnelle est un fonds budgétaire institué au SPF Emploi, Travail et Concertation sociale dans le cadre de la loi du 23 décembre 2005 relative au pacte de solidarité entre les générations. Il subventionne des projets en vue de maintenir au travail des travailleurs âgés : ce programme est lié à la formation et à l’adaptation des postes de travail et, plus généralement, au reclassement professionnel. Il s’agit d’un montant de l’ordre de cinq millions d’euros.

62 Les « autres programmes fédéraux d’économie sociale » sont des projets pilotes financés par le Service public de programmation (SPP) Intégration sociale, conformément à un accord de coopération du 30 mai 2005. Selon la note d’accord, cela représenterait 19,3 millions d’euros. Mais selon la présentation de ces programmes sur le site internet du SPP, il s’agirait en fait de 1,9 millions d’euros.

1.3.4. Reclassement

63

« Régionalisation du reclassement : le droit du travail reste fédéral (notamment les CCT n°s 51 et 82), mais les régions deviennent compétentes pour les exigences de fond qui ne sont pas fixées dans les CCT n°s 51 et 82, pour le remboursement des frais de reclassement aux entreprises et pour l’imposition de sanctions aux employeurs en cas d’absence de reclassement » (extrait du point 3.1.4 de l’accord).

64 Les conventions collectives de travail (CTT) n° 51 du 10 février 1992 et n° 82 du 10 juillet 2002 du Conseil national du travail (CNT) concernent l’outplacement (ou reclassement). La CCT n° 51 réglemente ce dispositif dans la relation entre le travailleur et l’employeur ; la CCT n° 82 prévoit un droit à ce dispositif, au profit des travailleurs de plus de 45 ans.

65 Le montant du transfert s’élève à 4,5 millions d’euros.

1.3.5. Congé éducation payé et apprentissage industriel

66

« Communautarisation de l’apprentissage industriel et régionalisation du congé-éducation payé. En matière de congé-éducation payé, les régions devront conclure un accord de coopération avec les communautés pour l’organisation et la reconnaissance des formations » (extrait du point 3.1.5 de l’accord).

67 L’apprentissage dit industriel est l’apprentissage organisé par les commissions paritaires, réglé par une loi fédérale, par opposition à l’apprentissage dit « des classes moyennes », qui a été communautarisé dès les premières réformes institutionnelles.

68 On peut se demander comment s’organisera concrètement la communautarisation de ce secteur. Les autres systèmes d’apprentissage – celui des classes moyennes ou les dispositifs analogues à l’apprentissage dans le reclassement social des personnes handicapées – sont encadrés par des institutions (par exemple, l’IFA-PME en Communauté française ou le réseau Syntra en Communauté flamande) qui déterminent en pratique le champ d’application de la réglementation communautaire, un peu comme le choix de l’école détermine la législation scolaire à laquelle on se soumet. L’apprentissage industriel est encadré par les commissions paritaires, qui sont des institutions fédérales.

69 Quant au congé-éducation payé, il s’agit du droit pour le travailleur de s’absenter de son lieu de travail, avec maintien de sa rémunération, pour suivre des formations professionnelles ou générales. Une partie de la rémunération du travailleur est à charge du SPF Emploi, Travail et Concertation sociale.

70 D’aucuns ont soutenu que la régionalisation du dispositif du congé-éducation payé (alors que le reste de la formation est de compétence communautaire) serait le signe de son évolution vers une approche purement économique, au détriment du développement personnel du travailleur [20]. Cependant, il convient de reconnaître qu’attribuer ce dispositif aux Communautés aurait entraîné le risque que, sur un même lieu de travail où peuvent se trouver des travailleurs francophones, germanophones et néerlandophones, coexistent plusieurs formes différentes de congés.

71 Ce point de l’accord a connu des évolutions lors des étapes des négociations institutionnelles. La note de Bart De Wever prévoyait la communautarisation de l’apprentissage industriel et du congé-éducation. Pour sa part, celle de Johan Vande Lanotte prévoyait la régionalisation du premier et la communautarisation du second. C’est finalement la solution inverse qui a donc été retenue.

72 Le montant du transfert s’élève à 83,9 millions d’euros pour le congé-éducation payé. L’apprentissage industriel comme tel ne génère pas de dépense publique.

1.3.6. Interruption de carrière dans le secteur public

73

« Transfert des conditions et du financement de l’interruption de carrière dans le secteur public : régionalisation de l’interruption de carrière pour la fonction publique locale, provinciale, communautaire et régionale, ainsi que dans l’enseignement, à l’exclusion des agents contractuels de l’enseignement qui relèvent du crédit-temps » (extrait du point 3.1.5 de l’accord).

74 L’interruption de carrière, de même que les congés dits thématiques (congé parental, congé pour soins, congés pour soins palliatifs), est un dispositif fédéral ; le travailleur bénéficie d’allocations d’interruption à charge de ONEM. La réforme prévoit de mettre à charge des Régions les allocations pour les fonctionnaires des entités fédérées, ainsi que des administrations provinciales et locales et de l’enseignement.

75 Le crédit-temps est le nom de l’interruption de carrière dans les secteurs soumis à la législation sur les conventions collectives de travail (secteur privé).

76 On peut se demander si ce point de l’accord correspond bien à une volonté de renforcer l’autonomie des entités fédérées. Il semble plutôt obéir à une logique de responsabilisation, au même titre que les mécanismes inscrits dans les modalités de financement des pensions de fonctionnaires.

77 Le montant du transfert s’élève à 79 millions d’euros pour les interruptions de carrière hors fédéral et enseignement et à 82 pour les interruptions de carrière dans l’enseignement à l’exclusion des agents contractuels qui relèvent du crédit-temps, soit un total de 161 millions d’euros.

1.3.7. Migration économique

78

« Migration économique : régionalisation du pouvoir réglementaire concernant les permis de travail A et B ainsi que de la carte professionnelle pour travailleurs indépendants. Le travailleur qui obtient un permis de travail A dans une des régions peut travailler dans les deux autres régions sur base de ce même permis. Le travailleur indépendant qui a obtenu une carte professionnelle dans une région ne peut pas établir le siège de son activité dans une autre région mais peut y exercer son activité » (extrait du point 3.1.5 de l’accord).

79 Dans l’état actuel, la législation sur les permis de travail est fédérale, mais son application est régionale, ce qui donne aux Régions une certaine marge d’appréciation, là où la réglementation prévoit de tenir compte de l’état du marché de l’emploi pour l’octroi d’un permis de travail. Cependant, ce pouvoir d’appréciation est assez marginal. Les ressortissants européens, les réfugiés reconnus dans le cadre de la politique d’asile, les étrangers établis en Belgique, ainsi que toute une série de professionnels venant en Belgique pour une prestation déterminée (sportifs, artistes, etc.) sont dispensés du permis de travail.

80 L’accord prévoit la régionalisation du pouvoir réglementaire en matière de permis B (permis d’une durée déterminée et valable pour un seul employeur, accordé en principe sur la base d’une analyse du marché de l’emploi) et de permis A (permis à durée illimitée, valable dans tous les secteurs, accordé sur la base d’une période de travail sous permis B). Les permis C (permis à durée limitée valable dans tous les secteurs, accordé dans diverses circonstances humanitaires) restent de compétence fédérale.

81 C’était le compromis auquel était arrivé Johan Vande Lanotte. Quant à elle, la note de Bart De Wever prévoyait : « Afin que les Régions soient en mesure d’appliquer une politique cohérente en matière de migrations économiques, le nouveau gouvernement déterminera les conditions (au vu du lien avec le droit d’admission et le droit de séjour) sous lesquelles la compétence législative en ce qui concerne les permis A, B et C peuvent être transférés aux Régions ». Il s’agissait donc d’une approche plus globale, mais sans engagement formel de régionaliser.

82 L’accord du 11 octobre 2011 précise que l’octroi du permis A par une Région autorise le bénéficiaire à travailler aussi dans les autres Régions. La maîtrise par les Régions des flux migratoires, qui était la revendication à la base de la réforme, reste donc assez marginale.

1.3.8. Travail intérimaire

83

« – Toutes les dispositions du droit du travail régissant le travail intérimaire restent fédérales ;
– les régions et les communautés deviennent compétentes pour permettre le travail intérimaire dans leur secteur public respectif et le secteur local, et les régions pour recourir au travail intérimaire dans le cadre des trajets de mise au travail » (extrait du point 3.1.5 de l’accord).

84 Ce point est apparu dans la note du formateur en juillet 2011 ; il ne figurait ni dans la note de Bart De Wever ni dans celle de Johan Vande Lanotte.

85 Dans le cadre actuel, la législation sur le travail intérimaire est fédérale, mais l’agrément des entreprises de travail intérimaire, ainsi que l’institution éventuelle d’une entreprise publique de travail intérimaire, sont du ressort des Régions. La législation actuelle ne permet pas de recourir au travail intérimaire dans la fonction publique ; cette réticence s’explique par la protection du statut de la fonction publique et par la crainte d’un manque d’objectivité dans les recrutements. La réforme vise à permettre aux entités fédérées qui le souhaitent de passer outre à ces objections.

86 La reconnaissance des entreprises de travail intérimaire comme opérateurs d’insertion a toujours été un sujet controversé. Le secteur du travail intérimaire est demandeur d’une telle reconnaissance, qui renforcerait sa légitimité sociale. Mais le secteur non marchand de l’insertion, de même que les organisations syndicales, voient d’un mauvais œil la commercialisation de ce secteur.

1.3.9. Encouragement de la reprise du travail par les chômeurs

87

« Transfert de programmes : (…)
– bonus de démarrage et de stage pour les stagiaires issus de l’enseignement en alternance : aux régions ;
– complément de reprise du travail pour les chômeurs âgés et les familles monoparentales : aux régions » (extrait du point 3.1.5 de l’accord).

88 L’accord prévoit la régionalisation du bonus de démarrage et de stage pour les stagiaires issus de l’enseignement en alternance. Il s’agit d’une allocation à charge de l’ONEM au profit de jeunes demandeurs d’emploi, peu qualifiés, qui n’ont pas droit aux allocations d’attente [21], soit parce qu’ils sont encore dans le stage d’attente, soit parce qu’ils n’ont pas atteint le niveau d’étude suffisant, et qui soit accomplissent un stage d’insertion en entreprise, soit se préparent à se lancer comme indépendants. Ce poste représenterait 1,1 million d’euros.

89 Seraient de même régionalisés deux compléments d’allocations de chômage payés par l’ONEM en cas de reprise du travail à des chômeurs qui présentent un risque particulier d’être victime du « piège du chômage » :

90

  • le « complément de reprise du travail pour les chômeurs âgés », au profit de chômeurs âgés bénéficiaires d’un « complément d’ancienneté » ; ce poste représenterait 28,7 millions d’euros ;
  • le « complément de garde d’enfants », accordé aux chômeurs isolés avec enfants à charge, indemnisés comme chefs de ménage ; ce poste représenterait 1,2 millions d’euros.

91 La régionalisation de ces divers dispositifs est dans la ligne de celle des allocations « activées ».

1.3.10. « Convention de premier emploi dans le cadre des projets globaux »

92

« Transfert [des] conventions de premier emploi dans le cadre des projets globaux : aux communautés et aux régions » (extrait du point 3.1.5 de l’accord).

93 La convention de premier emploi, dite aussi plan Rosetta, est essentiellement l’obligation, pour les entreprises, d’occuper un certain quota de jeunes travailleurs, moyennant diverses mesures incitatives. Quant à eux, les projets globaux sont un dispositif spécifique de ce programme, prévu par la loi relative au pacte de solidarité entre générations, en vue de favoriser l’emploi des jeunes dans le secteur non marchand. Ce dispositif, réglé par la législation fédérale, requiert un projet développé par une Communauté ou une Région.

94 L’accord prévoit que cette matière passe entièrement aux Communautés et aux Régions. Il s’agit donc de rendre les Communautés et les Régions entièrement autonomes, dans la logique de l’attribution des autres mesures ciblées.

95 Le montant du transfert s’élève à 38,5 millions d’euros (12,6 pour les « premiers emplois », et 25,9 pour le « bonus jeunes non marchand (ONSS) »).

1.3.11. Réorganisation de la structure de gestion de l’ONEM

96

« Afin de garantir une bonne coopération entre l’ONEM et les services régionaux pour l’emploi et compte tenu des nouvelles compétences des régions, la structure de gestion de l’ONEM sera adaptée. À cette fin, chaque région participera, en la personne d’un représentant du service régional pour l’emploi, aux réunions du comité de gestion de l’ONEM » (point 3.1.6 de l’accord).

97 Cette disposition doit sans doute être lue en rapport avec la possibilité, pour les Régions, de confier à l’ONEM l’application des « sanctions » en matière de disponibilité, et avec le fait que l’ONEM reste « l’opérateur administratif et technique » des mesures d’activation (cf. supra).

1.3.12. Dispenses pour formation

98

« Dispenses au critère de disponibilité pour reprendre des études ou pour suivre une formation professionnelle : les régions déterminent de manière autonome quelles études et formations professionnelles un chômeur indemnisé peut reprendre en conservant ses allocations et quel type de chômeur peut bénéficier de cette mesure. La détermination du type de chômeur bénéficiaire par les régions se fera après avis conforme du fédéral. Une enveloppe fédérale sera définie par région. Les régions seront financièrement responsables en cas de dépassement de l’enveloppe fixée » (extrait du point 3.1.2 de l’accord).

99 Afin qu’ils puissent suivre des formations, la réglementation du chômage permet aux chômeurs d’obtenir une dispense de diverses obligations, en particulier l’inscription comme demandeur d’emploi et la disponibilité pour le marché de l’emploi. Cette dispense est un effet automatique de l’accomplissement d’une formation professionnelle sous les auspices des organismes régionaux de formation. Mais elle peut également être obtenue, sur décision de l’ONEM, pour toute formation de nature à favoriser la réinsertion professionnelle du chômeur, y compris des cours de plein exercice. Ce dispositif est régionalisé par l’accord d’octobre 2011.

100 Dans le texte de l’accord, ce point est inscrit dans le chapitre « contrôle de la disponibilité ». Juridiquement, cela a une logique, puisque les dispenses dont il s’agit concernent l’obligation que les régions seront désormais chargées de surveiller et sanctionner. Mais sur le fond, l’enjeu est différent, et c’est cela qui justifie que le présent Courrier hebdomadaire lui ait réservé un exposé séparé. La réglementation du chômage impose aux chômeurs d’être inscrits comme demandeurs d’emploi, mais ce sont les régions qui gèrent cette inscription. Que la dispense de cette inscription soit accordée par l’ONEM ne favorise pas la lisibilité du système pour les demandeurs d’emploi. Surtout s’il s’agit d’une dispense pour se former, qui a des connexions évidentes avec les offres des communautés et des régions elles-mêmes.

101 Le tableau des conséquences financières, en annexe de l’accord, attribue à ce poste une valeur de 47,9 millions d’euros.

1.3.13. Formation professionnelle des demandeurs d’emploi à Bruxelles

102 Cette matière avait été communautarisée dans le cadre des réformes des années 1980, et cette option n’est pas remise en question. Toutefois, la Région de Bruxelles-Capitale reçoit désormais la « possibilité légale (…) de mettre sur pied des programmes de formation professionnelle dans le cadre de sa politique d’emploi en tenant compte du caractère spécifique de Bruxelles » (extrait du point 2.6 de l’accord) [22].

103 Même si, en soi, la formation professionnelle des demandeurs d’emploi ne se distingue pas d’autres dispositifs de formation, comme l’enseignement ou l’apprentissage, ce qui justifie son attribution aux Communautés, elle a toujours entretenu des liens étroits avec la politique de l’emploi. Créée au départ au sein de l’ONEM, elle fait partie de l’offre d’insertion en direction des demandeurs d’emploi, au même titre que les services de placement, les conseillers en orientation, les programmes de résorption du chômage, etc. En Région wallonne [23], en Flandre et en Communauté germanophone [24], c’est le même organisme qui s’occupe d’emploi et de formation professionnelle (à savoir respectivement le Forem, le VDAB et l’ADG). Il n’y a que dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale que ces compétences sont éclatées en trois organismes : Actiris, sous tutelle de la Région de Bruxelles-Capitale, pour l’emploi ; Bruxelles-formation, sous tutelle de la COCOF [25], pour la formation professionnelle francophone ; et le VDAB, sous tutelle de la Communauté flamande, pour la formation professionnelle néerlandophone.

104 L’accord du 11 octobre 2011 ne fait dans pas disparaître cet éclatement. Il laisse seulement à la Région proprement dite la possibilité d’ajouter ses propres initiatives en matière de formation professionnelle, en plus de la COCOF et du VDAB.

1.3.14. Mise en perspective

Transfert

105 Hormis la question du financement, qui fait l’objet d’un point distinct ci-dessous, ce chapitre de l’accord est probablement le moins controversé.

106 Il est vrai que les réformes des années 1980 avaient vu le transfert aux Régions de la plupart des dispositifs catalogués à l’époque sous le titre de politique de l’emploi. Les années 1990 et 2000 ont vu le développement d’un nouveau droit fédéral de l’emploi, à partir surtout des réductions de cotisations sociales et de l’activation des allocations sociales, mais aussi du développement des services de proximité, d’abord dans le cadre des ALE, puis dans celui des titres-services.

107 Il faut bien reconnaître que cette situation crée un ensemble assez peu cohérent et peu lisible, et la pertinence de saisir l’opportunité d’une remise en ordre n’était pas contestée.

108 Sur ce point, l’économie générale de l’accord est restée à peu près inchangée depuis la note de Bart De Wever. L’accord est simplement plus détaillé quant à l’inventaire des dispositifs transférés.

109 Comme on l’a vu, le principal changement de fond concerne le maintien au fédéral des dispenses de précompte professionnel. La participation des Régions au comité de gestion de l’ONEM n’était pas explicitement prévue par Bart De Wever, mais elle est dans la ligne de ses propositions. On aura noté aussi quelques hésitations sur le sort des ALE, et les questions qui subsistent en matière d’apprentissage.

110 Si les négociateurs sont parvenus à un accord sur le plan des principes, cela ne veut pas dire que cet accord sera simple à mettre en œuvre. Tel est particulièrement le cas des activations d’allocations de chômage et des réductions ONSS, si les Régions décident de conserver ces techniques, peut-être dans un premier temps, avant d’éventuellement se doter de structures administratives aptes à prendre en charge cette compétence. Les activations d’allocations s’appliquent par définition en fonction du domicile de l’assuré social et du travailleur concerné, tandis que les réductions des cotisations patronales à l’ONSS s’appliquent en fonction de l’employeur. Qu’en sera-t-il si le domicile du travailleur et le siège de l’employeur ne coïncident pas ? Si par exemple un travailleur wallon ou flamand vient travailler à Bruxelles, son employeur bruxellois bénéficiera-t-il d’aides à charge de la Région d’origine de l’intéressé, ou à charge de la Région bruxelloise ? Et qu’en sera-t-il si le siège social de l’employeur, à partir duquel s’effectue son administration sociale, ne coïncide pas avec le lieu de travail ? Quelle région sera compétente pour les aides relatives à un travailleur résidant en Wallonie, occupé dans la succursale bruxelloise d’une entreprise dont le siège est établi en Flandre (par exemple un travailleur résidant à Enghien, occupé à Anderlecht dans un des magasins de la chaîne Colruyt ?). Cette difficulté ne se pose pas actuellement, puisque les deux dispositifs sont fédéraux, et que ce sont les mêmes aides qui sont accordées, quels que soient le lieu de travail et le domicile du travailleur. Ce problème conduira peut-être les Régions à abandonner ces techniques, dont l’efficacité était d’ailleurs controversée, et à affecter autrement les budgets dont elles ont hérité.

Financement

111 Si les principes décrits ci-dessus ont, assez tôt, rencontré un certain consensus parmi les négociateurs, il n’en va pas de même de leurs conséquences financières. On se contentera ici d’un résumé de l’accord final, laissant à d’autres le soin de retracer l’évolution du compromis dans des exposés détaillés sur le financement global des Communautés et des Régions.

112 La plupart des compétences en matière d’emploi sont dévolues aux Régions, dans la logique des réformes antérieures. Pour les matières régionalisées, le principe de l’accord n’est pas de partir de la situation existante, mais d’une clé de répartition basée sur l’impôt des personnes physiques : « L’enveloppe “emploi” (…) sera répartie sur la base de la clé de répartition de l’IPP maintenu au niveau fédéral. Cette dotation se compose de 90 % des moyens transférés en matière d’emploi (…). Cette dotation évoluera selon l’inflation et 70 % de la croissance réelle nationale » (extrait du point 4.4 de l’accord).

113 Les 10 % non transférés iront dans le « mécanisme de transition » prévu pour le financement global des Régions, destiné à « garantir que chaque entité fédérée dispose, dès le départ du nouveau modèle, de moyens financiers au minimum équivalents à ceux de la LSF [loi de financement actuelle], tenant compte de l’utilisation des dépenses fédérales à transférer, et avant juste financement de Bruxelles et de l’assainissement des finances publiques » (extrait du point 4.1 de l’accord).

114 L’accord précise que « la référence à 70 % utilisée pour la liaison des moyens à la croissance a pour objectif de compenser la perte de recettes du fédéral liée à la perte d’élasticité supérieure à 1 des recettes IPP par rapport au PIB sur le montant d’IPP transféré aux Régions » (extrait du point 4.4 de l’accord).

115 Les recettes de l’impôt des personnes physiques (IPP) croissent plus vite que le produit intérieur brut (PIB), phénomène baptisé « élasticité supérieure à 1 ». C’est donc pour éviter d’appauvrir l’État fédéral suite au transfert d’une partie de l’IPP aux Régions, comme le prévoit l’accord dans son volet « Loi de financement », que la dotation ne croît pas exactement en fonction de la croissance du PIB.

116 La clé de répartition de la dotation « emploi » en fonction de la contribution des habitants de chaque Région à l’IPP n’est pas actuellement en faveur de la Wallonie, en raison de sa situation économique, ni de Bruxelles, en raison du grand nombre de travailleurs résidant en dehors de la Région : la contribution des habitants de ces Régions à l’IPP est inférieure à la contribution des habitants de la Flandre. Mais d’une part, la différence éventuelle entre la clé fiscale et la clé actuelle sera prise en compte dans le mécanisme de transition. D’autre part, tenir compte de la situation existante aurait sans doute été encore plus défavorable pour la Wallonie et pour Bruxelles. Ainsi, le système des titres-services, qui représente une des grandes masses financières régionalisées, est actuellement plus utilisé en Flandre, où il rencontre un certain consensus de la classe politique, qu’en Wallonie et à Bruxelles, d’où s’élèvent la plupart des objections à un mode aussi « exubérant » de subvention publique. Il en va de même des réductions de cotisation, en raison de la répartition territoriale du secteur industriel et commercial, principal bénéficiaire de ces mesures.

117 Pour les quelques matières communautarisées, signalons que l’accord pose en principe le fait que la répartition se fera « sur des clés tenant compte des besoins » (point 4.1 de l’accord), mais ne précise aucune modalité en ce qui concerne les dispositifs, il est vrai d’une importance financière assez marginale, concernés par ce chapitre.

2. SOINS DE SANTÉ ET AIDE AUX PERSONNES

118 L’accord prévoit le transfert de divers dispositifs en matière de santé, actuellement gérés au niveau fédéral. Les plus importants concernent les personnes âgées : certains remboursements de l’assurance-maladie et une des prestations du système des allocations pour handicapés.

2.1. OBSERVATION PRÉLIMINAIRE : COMMUNAUTARISATION OU « RÉGIONALISATION » ?

2.1.1. Texte de l’accord

119

« Les politiques listées ci-dessous seront communautarisées.
Dans la mesure où les compétences impliquent, pour les personnes, des obligations ou des droits à une intervention ou une allocation, ou lorsqu’il s’agit d’institutions bicommunautaires, l’autorité compétente en région de Bruxelles-Capitale sera la Commission communautaire commune. De plus, l’accord de la Saint-Quentin pourra être appliqué » (nota bene du point 3.2 de l’accord).

2.1.2. Cadre institutionnel actuel

120 La revendication d’une communautarisation plus poussée de la politique de santé et d’aide aux personnes s’autorise de la logique des réformes antérieures, qui situent ces politiques parmi les matières dites personnalisables, qui sont de la compétence des communautés (art. 128, §1er de la Constitution belge).

121 La répartition actuelle des compétences est décrite par l’article 5 §1er de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980, qui énumère les matières personnalisables attribuées aux communautés :

122

« I. En ce qui concerne la politique de santé :
1. La politique de dispensation de soins dans et au dehors des institutions de soins, à l’exception :
a) de la législation organique ;
b) du financement de l’exploitation, lorsqu’il est organisé par la législation organique ;
c) de l’assurance-maladie-invalidité ;
d) des règles de base relatives à la programmation ;
e) des règles de base relatives au financement de l’infrastructure, en ce compris l’appareillage médical lourd ;
f) des normes nationales d’agréation, uniquement dans la mesure où celles-ci peuvent avoir une répercussion sur les compétences visées aux b), c), d) et e) ci-dessus ;
g) de la détermination des conditions et de la désignation comme hôpital universitaire conformément à la législation sur les hôpitaux.
2. L’éducation sanitaire, ainsi que les activités et services de médecine préventive, à l’exception des mesures prophylactiques nationales.
II. En matière d’aide aux personnes :
1. La politique familiale, en ce compris toutes les formes d’aide et d’assistance aux familles et aux enfants. (…)
4. La politique des handicapés, en ce compris la formation, la reconversion et le recyclage professionnels des handicapés, à l’exception :
a) des règles et du financement des allocations aux handicapés, en ce compris les dossiers individuels ;
b) des règles relatives à l’intervention financière pour la mise au travail des travailleurs handicapés, octroyée aux employeurs occupant des handicapés.
5. La politique du troisième âge à l’exception de la fixation du montant minimum, des conditions d’octroi et du financement du revenu légalement garanti aux personnes âgées (…) ».

123 Ce texte pose donc en principe que les matières de santé sont de la compétence des communautés, mais ménage diverses exceptions – dont l’assurance-maladie et le financement des hôpitaux, qui, sur le plan budgétaire, représentent en fait les matières les plus importantes. L’accord prévoit en somme un approfondissement de la communautarisation de la politique de soins de santé, sans toutefois bouleverser fondamentalement l’équilibre actuel.

2.1.3. Matières personnalisables et communautarisation : la région bilingue de Bruxelles-Capitale

Communauté française, Communauté flamande, COCOM

124 L’expression « matières personnalisables » peut prêter à confusion en raison de la spécificité des communautés en tant qu’entités politiques, à savoir le fait qu’elles sont rattachées à des territoires, mais de façon non exclusive : dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, les Communautés française et flamande sont toutes deux compétentes dans les matières qui les concernent.

125 Or, on ne voit pas comment répartir les habitants de Bruxelles en sous-nationalités qui permettraient d’identifier les individus à l’une ou l’autre communauté de manière obligatoire, définitive et exclusive. Dans des domaines qui touchent aux droits fondamentaux – comme l’est la sécurité sociale –, le principe même d’une telle distinction se heurterait d’ailleurs à des objections majeures, eu égard au principe de non-discrimination garanti à la fois par la Constitution belge, le droit de l’Union européenne et les normes internationales de droits de l’homme.

126 La solution prévue par la Constitution (art. 127 et 128) est que, dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, les Communautés française et flamande sont compétentes, non pour les personnes, mais pour les institutions qui s’adressent, respectivement, aux francophones et aux néerlandophones. Les décrets adoptés par les deux grandes communautés et applicables à Bruxelles ont donc un impact sur la vie des personnes par le biais indirect des institutions qui offrent des services, institutions que chacun choisit librement de solliciter ou non. Autrement dit, c’est en s’adressant à une institution relevant d’une communauté que le citoyen se soumet à la législation portant sur ce type d’institutions (que ces institutions soient privées, comme certaines associations, ou publiques, comme certaines écoles).

127 La Constitution a prévu par ailleurs des collectivités politiques spécialisées pour gérer les matières communautaires sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale, y compris lorsqu’elles sont mises en œuvre par des institutions, publiques ou privées, ne relevant exclusivement d’aucune des deux communautés.

128 Ce principe a été concrétisé par la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises, qui crée trois commissions communautaires :

129

  • la Commission communautaire française (COCOF) ;
  • la Commission communautaire flamande (Vlaamse Gemeenschapscommissie, VGC) ;
  • la Commission communautaire commune (COCOM).

130 Chacune des commissions communautaires dispose d’une assemblée et d’un exécutif.

131 Les assemblées de la COCOF et de la VGC sont constituées, respectivement, du groupe linguistique français et du groupe linguistique néerlandais du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale. Quant à la COCOM, son « assemblée réunie » correspond aux deux groupes linguistiques réunis, autrement dit au Parlement bruxellois lui-même. Les ordonnances de la COCOM doivent être adoptées à la majorité dans chacun des groupes linguistiques. Si une décision emporte la majorité dans l’ensemble des deux groupes, mais non dans un des groupes, il peut être procédé, après un délai minimum de trente jours, à un second vote, lequel ne requiert plus qu’une majorité dans les groupes réunis et un quorum d’un tiers dans chacun des groupes.

132 Les exécutifs de la COCOF et de la VGC, appelés collèges, sont composés des membres du gouvernement bruxellois et des secrétaires d’État régionaux, respectivement du rôle linguistique français et du rôle linguistique néerlandais. Le « collège réuni » de la COCOM correspond au gouvernement régional bruxellois. Un membre bruxellois du gouvernement de la Communauté française et un membre bruxellois du gouvernement flamand désignés par ceux-ci assistent avec voix consultative aux séances du collège de la COCOF ou du collège de la VGC, selon le cas. Ils assistent tous deux, dans les mêmes conditions, aux séances du collège réuni.

133 En vertu de la Constitution, les commissions communautaires ont, chacune pour sa communauté, les mêmes compétences que les autres pouvoirs organisateurs pour les matières culturelles, d’enseignement et personnalisables.

134 Les commissions communautaires, y compris la COCOM, sont donc des entités distinctes de la Région de Bruxelles-Capitale [26], et possèdent d’ailleurs une personnalité juridique propre. Mais ce sont des représentants politiques de la Région de Bruxelles-Capitale qui les animent. La participation consultative de membres (bruxellois) des gouvernements de communauté ne compromet pas cette constatation.

135 Comme les communautés correspondantes, les Commissions communautaires française et flamande ne sont compétentes que pour des institutions. Dans les matières sociales et de santé, leur compétence est déterminée par l’organisation des institutions, autrement dit par la langue dans laquelle celles-ci fonctionnent. La COCOM, elle, est compétente pour les institutions bilingues, qu’elles soient bilingues par obligation (institutions publiques, telles que les CPAS notamment) ou par choix (institutions privées, comme un certain nombre de maisons de repos).

136 La COCOM possède également la compétence exclusive relative aux personnes : elle règle par ordonnance les matières communautaires qui prennent la forme d’une aide directe aux personnes (aide financière) ou d’une contrainte exercée directement sur les personnes (comme c’est le cas de certaines mesures de protection de la jeunesse [27]). Cette solution permet de sauvegarder le lien entre ces matières et le reste des matières personnalisables, tout en tenant compte du fait que, lorsqu’il ne s’agit plus d’institutions, mais de prestations aux personnes, entraînant dans le chef de celles-ci des droits, mais aussi des obligations (par exemple celle de cotiser), il faut en réalité en revenir à une notion habituelle d’entité politique, liée à un territoire.

137 La nouveauté de l’accord est que les compétences de la COCOM en matière d’aide directe aux personnes, qui reste très limitée à l’heure actuelle, sera considérablement étendue, notamment par le transfert de la compétence en matière d’allocations familiales.

Accord de la Saint-Quentin

138 L’accord du 11 octobre 2001 fait référence à l’accord de la Saint-Quentin (« l’accord de la Saint-Quentin pourra être appliqué »). On appelle ainsi l’accord conclu le 31 octobre 1992 entre partis politiques francophones, et qui détermine, sur base de l’article 138 de la Constitution, les compétences de la Communauté française qui sont transférées à la Région wallonne dans la région de langue française et à la Commission communautaire française (COCOF) dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale. Parmi ces domaines de compétences figurent surtout des matières personnalisables, à savoir une partie de la politique de santé, une partie de la politique familiale, la politique d’aide sociale, la politique d’accueil et d’intégration des immigrés, la politique des handicapés et la politique du troisième âge. Eu égard aux décisions antérieures et à l’évolution des idées politiques en Communauté française [28], il est probable que les francophones décideront de mettre en application les dispositions de l’article 138 de la Constitution concernant les matières communautarisées visées par l’accord du 11 octobre 2011.

2.1.4. Mise en perspective

139 L’accord prévoit donc en fait deux formes de communautarisation [29] :

140

  • une « communautarisation classique » (Communauté française, Communauté flamande, Communauté germanophone) ; dans ce cadre, il est probable que la Communauté française transférera ces compétences à la Région wallonne (pour la région de langue française) et à la COCOF ;
  • « dans la mesure où les compétences impliquent, pour les personnes, des obligations ou des droits à une intervention ou une allocation, ou lorsqu’il s’agit d’institutions bicommunautaires », la communautarisation s’opère sur la base des quatre régions linguistiques (région de langue française, sur le territoire de laquelle est compétente la Communauté française, qui transférera probablement ces compétences à la Région wallonne ; région de langue néerlandaise, sur le territoire de laquelle est compétente la Communauté flamande ; région bilingue de Bruxelles-Capitale, sur le territoire de laquelle est compétente la COCOM ; région de langue allemande, sur le territoire de laquelle est compétente la Communauté germanophone).

141 Comme on le verra, c’est en réalité cette dernière solution qui s’appliquera aux points les plus importants de l’accord. Le compromis finalement retenu se trouvait déjà dans la note de Bart De Wever, et est resté inchangé jusqu’à l’accord final, ce qui ne signifie pas qu’il ait été accepté sans mal.

142 L’impossibilité d’une communautarisation classique, à Bruxelles, de compétences qui « impliquent, pour les personnes, des obligations ou des droits à une intervention ou une allocation » est une dimension très peu perçue en Flandre, même parmi des personnes ou des groupes peu suspects d’entretenir à l’égard de Bruxelles une volonté de « reconquête » ou de « colonisation » – quoi que ces mots puissent vouloir dire et quelle que soit la façon dont ces objectifs pourraient se réaliser.

143 Il est vrai que, d’un point de vue flamand, Bruxelles ne représente qu’une ville de taille très moyenne. En admettant qu’il reste à Bruxelles 10 % d’habitants qui se définissent comme « Flamands » – évaluation sans doute supérieure à la réalité –, cela ne représente jamais qu’environ un cinquante-cinquième de la population de la Région flamande. La situation est évidemment autre en Communauté française, dont Bruxelles représente environ un quart de la population. Il était donc assez logique pour la Flandre de fusionner la Région et la Communauté en mettant l’accent sur la Communauté, ce qui revient en fait à financer les initiatives de la Communauté flamande à Bruxelles à partir des ressources de la Région flamande. Une telle opération est évidemment impensable dans les relations entre Bruxelles et la Wallonie.

144 Les concepteurs flamands de la communautarisation de la sécurité sociale, y compris dans le monde académique, n’ont jamais voulu reconnaître cette réalité, et ont fait mine de considérer qu’il s’agissait d’un problème « technique » sur lequel on trouverait bien une solution.

145 En créant son « assurance-soins » (zorgverzekering), autrement dit son « assurance-dépendance », la Communauté flamande a été obligée, à Bruxelles, de déroger à la notion de base d’un régime de solidarité, qui repose sur l’affiliation obligatoire. Pour les habitants de Bruxelles, l’affiliation à l’assurance-soins est facultative. Elle semble d’ailleurs n’y rencontrer aucun succès, ce qui est dans la ligne d’expériences antérieures d’assurances privées facultatives dans ce domaine spécifique.

146 Plusieurs négociateurs flamands ne semblent avoir découvert cette réalité qu’à un stade avancé des négociations, ce qui a conduit plusieurs personnalités flamandes de Bruxelles à regretter cette perte de lien entre Bruxelles et la Flandre dans des domaines sensibles comme la santé ou les allocations familiales.

147 Si la Communauté française décide effectivement d’appliquer les accords de la Saint-Quentin, les organes communautaires propres à la Région de Bruxelles-Capitale et leurs élus géreront donc seuls les nouvelles matières, à l’exception des institutions relevant de la seule Communauté flamande.

148 Il reste que la concurrence de réglementations « régionales » (celles des commissions communautaires) et d’initiatives propres à la Communauté flamande ne facilitera pas la lisibilité du paysage institutionnel bruxellois, pourtant souhaitée par ailleurs (point 2.6. de l’accord).

149 Une autre hypothèse, conforme à la notion de Fédération Wallonie-Bruxelles, serait une entente en vue de rapprocher autant que possible les réglementations wallonnes et bruxelloises. Mais cela ne manquera pas de susciter des tensions au sein de la COCOM, surtout si la réglementation ainsi définie s’écarte sensiblement de la réglementation flamande.

2.2. DÉTAIL DES COMPÉTENCES TRANSFÉRÉES

2.2.1. Politique en matière d’aide aux personnes handicapées

Aides à la mobilité

150

« Les aides à la mobilité seront transférées aux entités fédérées » (extrait du point 3.2.3.a de l’accord).

151 L’expression « aide à la mobilité » vise, d’une part, certaines prestations remboursées par l’assurance-maladie dans la rubrique des bandagistes (voiturettes, etc.) et, d’autre part, certains dispositifs, hors sécurité sociale, qui sont restés de compétence fédérale lors des réformes institutionnelles antérieures, comme la réduction de la TVA sur l’achat d’un véhicule adapté. Selon l’accord, il s’agirait au total d’un montant de 62,2 millions d’euros.

152 L’accord ne précise pas s’il s’agit aussi des avantages, sans conséquence pécuniaire pour l’État fédéral, mais dont l’octroi est conditionné par une évaluation médicale par la direction générale « personnes handicapées » du SPF Sécurité sociale, comme l’utilisation de places de parking pour handicapés, les réductions tarifaires dans les transports publics, etc.

Allocation d’aide aux personnes âgées (APA)

153

« L’allocation d’aide aux personnes âgées sera communautarisée (à Bruxelles, elle sera transférée à la COCOM) » (extrait du point 3.2.3.a de l’accord).

154 L’allocation d’aide aux personnes âgées (APA) fait partie du régime des allocations pour personnes handicapées, un régime résiduaire d’assistance financé par l’État et géré directement par le SPF Sécurité sociale. Il s’agit d’une allocation accordée aux personnes âgées de plus de 65 ans dont l’autonomie est limitée. Selon les chiffres repris dans l’accord, ce poste de dépenses représente 511 millions d’euros.

155 L’APA est fondamentalement une allocation d’aide de tierce personne, autrement dit une prestation de dépendance. Il y a une certaine cohérence à transférer cette allocation de dépendance, qui présente des interactions avec les remboursements de l’INAMI dans les maisons de repos pour les soins non médicaux aux personnes âgées, transférés par ailleurs (cf. infra).

156 Étant donné que l’assurance-soins (zorgverzekering) de la Communauté flamande n’est pas mise en cause, on peut supposer que l’accueil de cette matière à Bruxelles sera compliqué. Il est en effet probable qu’on trouvera difficilement une majorité, ou même une minorité d’un tiers dans le groupe flamand de l’assemblée de la COCOM, pour prendre des mesures (par exemple, un allégement des condition d’enquête sur les ressources) pour faire évoluer cette allocation vers une « assurance-dépendance » – comme l’avaient suggéré plusieurs acteurs au niveau fédéral – qui d’une quelconque façon désavoue le dispositif de la Communauté flamande, subordonné au paiement d’une cotisation.

157 À noter encore que l’allocation d’intégration, qui couvre le même besoin que l’APA pour les personnes de moins de 65 ans, de même que l’allocation de remplacement de revenus [30], restent au niveau fédéral. La note de Bart De Wever prévoyait le transfert aux Communautés de la Direction générale Personnes handicapées, donc de l’ensemble du régime des allocations pour handicapés.

2.2.2. Politique hospitalière

Prix de journée

158

« Les éléments A1 et A3 du budget des hôpitaux (BMF) seront transférés. Une dotation annuelle sera prévue dans la loi de financement. Cette dotation sera composée de deux parties : une partie extinctive, calculée chaque année en fonction des engagements déjà pris (pendant 33 ans), et un montant à convenir pour les nouveaux investissements qui seront consentis dans le futur. Pour ces nouveaux investissements, les clés de répartition entre les entités seront actualisées de façon à correspondre aux dépenses réelles d’investissement de tous les hôpitaux, y compris académiques. Le calcul concret sera réalisé par un groupe de travail technique qui sera composé de fonctionnaires de l’autorité fédérale, service comptabilité des hôpitaux, et des entités fédérées » (extrait du point 3.2.3.b de l’accord).

159 Le financement public des hôpitaux prend la forme d’un budget des moyens financiers (BMF), déterminé par le SPF Santé publique, et payé aux hôpitaux sous forme de « prix de journée » par patient hospitalisé.

160 Traditionnellement, 75 % de ce montant est payé par l’assurance-maladie, et 25 % par l’État. Depuis quelques années, la part d’intervention de l’État est payée par l’INAMI. Il s’agit à la base d’un paiement pour le compte de l’État, qui trouve son correspondant dans une intervention spécifique de l’État dans les frais d’administration de l’INAMI. Au fil du temps, il s’est installé une distorsion entre les dépenses réelles et le poste inscrit en recettes, ce qui a conduit en pratique à une augmentation de la part à charge de la sécurité sociale.

161 La partie A1 du BMF concerne les charges d’investissement (équipements et appareillages ; gros travaux d’entretien et de transformation, sans modification de la structure ; matériel roulant ; frais de première installation ; charges financières ; le cas échéant, loyer). La partie A3 concerne les mêmes charges pour certains services médico-techniques (radiothérapie, scanner à positron, tomographe à résonance magnétique). Ces postes représenteraient 531 millions d’euros (sur un budget total de l’ordre de 7 milliards).

Normes d’agrément

162

« Les communautés seront compétentes pour définir les normes auxquelles les hôpitaux, ainsi que les services, programmes de soins, fonctions… hospitaliers doivent répondre pour être agréés, étant entendu que :
– la programmation reste de compétence fédérale, des accords bilatéraux asymétriques pouvant néanmoins être conclus lorsqu’une communauté le souhaite ;
– le financement des hôpitaux [En note : « Hors A1 et A3 », cf. supra] reste de compétence fédérale, de même que les règles relatives à la fixation et à la liquidation du budget des moyens financiers des hôpitaux ;
– on vérifiera que les normes d’agrément édictées par les communautés n’ont pas d’impact négatif sur les budgets fédéraux, à défaut d’accord bilatéral ;
– les normes qualitatives de référence sont celles édictées par l’Union européenne » (extrait du point 3.2.3.b de l’accord).

Reconversion de lits hospitaliers

163

« Des accords bilatéraux de reconversion de lits hospitaliers pourront être conclus entre l’Autorité fédérale et une communauté qui souhaite promouvoir la prise en charge en dehors de l’hôpital, en ce qui concerne en particulier le secteur des soins de santé mentale ou la politique des personnes âgées » (extrait du point 3.2.3.b de l’accord).

164 À enveloppe constante pour l’autorité fédérale, les communautés pourront donc demander à affecter leurs moyens à des politiques différentes.

2.2.3. Politique des personnes âgées et soins long care

Contenu de l’accord et explications

165

1. « La compétence complète (y compris la fixation du prix réclamé aux résidents) en matière de maisons de repos, maisons de repos et soins, centres de soins de jour, centres de court séjour, services G isolés et services Sp isolés sera intégralement transférée aux communautés » (extrait du point 3.2.3.c de l’accord).

166 Le montant du transfert se monte respectivement à 2 425 millions d’euros pour les maisons de repos (pour personnes âgées), maisons de repos et de soins, centres de soins de jour et centres de court séjour ; 45,2 millions pour les hôpitaux gériatriques (« services G ») isolés, et 165,8 millions pour les hôpitaux spécialisés (« services Sp ») isolés.

167 Les services Sp sont des institutions spécialisées dans certains types de traitements. Il s’agit notamment de rééducation fonctionnelle, qui relève effectivement du long care (soins de longue durée), mais pas exclusivement.

168

2. « Les conventions de revalidation suivantes seront transférées aux entités fédérées : ORL, psy, toxicomanes, malentendants, déficiences visuelles, rééducation psychosociale pour adultes, rééducation fonctionnelle pour les troubles précoces des interactions parents-enfants, autisme, établissements de rééducation pour enfants présentant une pathologie médico-psychologique grave, établissements de rééducation motrice » (extrait du point 3.2.3.c de l’accord).

169 Ces sous-secteurs de la rééducation fonctionnelle, qui représentent ensemble 170 millions d’euros, concernent majoritairement des prestations ou des publics à la marge d’une assurance- « soins médicaux » classique ; certains d’entre eux ont d’ailleurs été hérités de l’ancien Fonds national de reclassement social des handicapés, à une époque où la communautarisation ne concernait que des institutions.

170 Il reste que certains d’entre eux présentent une interaction avec la nomenclature générale des soins de santé. Par exemple, les conventions ORL concernent essentiellement des prestations de logopédie, remboursées par ailleurs, au point qu’on a envisagé à un certain moment la suppression pure et simple de ces conventions.

Mise en perspective

171 La majeure partie de ce transfert est représentée par la rubrique des maisons de repos (MR) et maisons de repos et de soins (MRS). Dans ce domaine, l’assurance-maladie rembourse des prestations d’aide et assistance en institution dans les actes de la vie quotidienne, qui ressemblent fort à des prestations dites de dépendance, autrement dit d’aide de tierce personne, dont le besoin est d’ailleurs déterminé à l’aide de grilles qui ressemblent fort à des mesures d’aide de tiers. Ces prestations représentent une interaction avec, notamment, l’allocation d’aide aux personnes âgées (APA), également visée par l’accord, mais aussi l’assurance-soins de la Communauté flamande, qui subsistera par ailleurs, et certaines prestations de l’assurance-maladie, notamment certains forfaits pour maladies chroniques, et surtout les prestations des infirmières à domicile, qui concernent en gros les mêmes actes.

172 Loin d’améliorer la cohérence des politiques, objectif affiché de la réforme de l’État, la réforme risque donc d’augmenter les distorsions, par exemple entre les soins en institution et les soins à domicile.

2.2.4. Soins de santé mentale

173

« – Les plates-formes de soins de santé mentale sont transférées aux entités fédérées.
– La compétence complète en matière de maisons de soins psychiatriques (MSP) et d’initiatives d’habitation protégée (IHP) sera transférée aux communautés » (point 3.2.3.d de l’accord).

174 Les MSP et les IHP sont des institutions où, comme dans les MR et les MRS, l’assurance-maladie rembourse, généralement selon la technique du forfait, des soins qui relèvent plutôt de l’aide aux personnes, le séjour proprement dit étant à charge du patient.

175 Les plates-formes de santé mentale sont des associations qui ont entre autres pour but de coordonner les soins prestés dans ces institutions avec ceux qui restent prestés en hôpital.

176 Le montant total de ce transfert s’élève à 174,8 millions d’euros : 2,1 millions pour les plates-formes de santé mentale, 120,5 millions pour les maisons de soins psychiatriques, et 52,2 millions pour les initiatives d’habitation protégée.

2.2.5. Politique de prévention

177

« – Seules les entités fédérées peuvent prendre des initiatives en matière de prévention. Si ces actions de prévention supposent la participation des prestataires de soins par l’intermédiaire d’actes remboursables (par exemple des honoraires de dépistage ou les honoraires pour l’administration d’un vaccin), ces prestations pourront être honorées par l’INAMI. Ces accords peuvent être conclus avec l’INAMI de manière asymétrique.
– Les moyens que le fédéral affecte actuellement à la prévention seront transférés, de même que le Fonds de lutte contre les assuétudes » (point 3.2.3.e de l’accord).

178 L’accord établit donc le monopole des entités fédérées pour « prendre des initiatives en matière de prévention », mais il laisse la possibilité, sur la base d’accords avec l’INAMI (éventuellement « asymétriques »), de rembourser ces prestations par l’assurance-maladie, si l’action concernée suppose la participation de prestataires par l’intermédiaire d’actes remboursables.

179 On rappellera que, depuis les réformes de 1980, les Communautés sont compétentes en matière de santé, sauf, notamment, ce qui relève de l’assurance-maladie. L’application habituelle de ce principe, résultant de la nomenclature de l’assurance-maladie existant à l’époque, était que les communautés se chargeaient de la prévention collective, la prévention individuelle, qui relève de la relation thérapeutique, restant remboursée dans le cadre de l’assurance-maladie. Mais au fil du temps, l’autorité fédérale a réinvesti le terrain de la prévention collective, par le biais de remboursements de l’assurance-maladie, voire de dispositifs financés à partir des frais d’administration de l’INAMI. Sur ce point, l’accord rétablit donc une certaine cohérence.

180 Le montant du transfert s’élève à 76,6 millions d’euros pour la prévention (vaccination, dépistage, plan national nutrition santé (PNNS), hygiène dentaire dans les écoles, consultations de sevrage tabagique) et à 5 millions pour le Fonds de lutte contre les assuétudes.

181 À noter que le transfert du Fonds de lutte contre les assuétudes impliquera une modification de la loi spéciale de financement, afin qu’une partie des accises sur le tabac et l’alcool revienne désormais aux communautés.

2.2.6. Soins de santé de première ligne et soins palliatifs

182

« – Le soutien aux métiers de la santé de première ligne et l’organisation des soins de première ligne (fonds Impulseo, cercles de médecins généralistes, Réseaux locaux multidisciplinaires (RLM), Services intégrés de soins à domicile (SISD), actions de prévention menées par les dentistes...) seront transférés aux entités fédérées.
– Les réseaux palliatifs et les équipes multidisciplinaires palliatives seront transférés aux entités fédérées » (point 3.2.3.f de l’accord).

183 Le premier poste représente 30,2 millions d’euros (Fonds Impulseo, 22,4 millions ; Cercles de médecins généralistes, 3,1 millions ; SISD, 4,7 millions), et le second 14,7 millions d’euros.

184 On entend généralement par soins de santé de première ligne, « le niveau de soins de santé où les professionnels se consacrent au premier accueil et à l’accompagnement professionnel des problèmes de santé, que le patient n’est pas à même de résoudre lui-même » [31]. L’accord, qui énumère les dispositifs transférés, est moins large que cette définition théorique.

185 À noter qu’il ne faut pas confondre les Services intégrés de soins à domicile et la rubrique INAMI des soins infirmiers à domicile. Cette dernière concerne majoritairement des soins aux personnes âgées, remboursés selon une technique de forfaits de dépendance semblable à celle des remboursements dans les MR et les MRS.

186 Comme il a été dit supra, l’accord ne prévoit pas comment assurer la cohérence entre ces rubriques qui, concernant en partie le même public et les mêmes soins, présentent des vases communicants.

2.3. AUTRES DISPOSITIONS DE L’ACCORD

2.3.1. Maintien de compétences fédérales

Création d’un institut pour garantir des réponses concertées aux grands défis en matière de soins de santé

187

« Un institut sera créé dans le but de garantir des réponses concertées aux grands défis, notamment budgétaires, à rencontrer en ce qui concerne l’avenir des soins de santé (vieillissement, métiers en pénurie dans ce domaine, évolutions technologiques, évolutions sociétales, maladies environnementales, etc.). Cet institut fera office de lieu permanent et interfédéral de concertation entre les ministres compétents en matière de santé. Il sera chargé de définir une vision prospective commune et une politique de soins durable. Il s’appuiera, entre autres, pour ce faire, sur les études menées par le Comité d’étude sur le vieillissement et par le Centre fédéral d’expertise des soins de santé. Il reprendra les missions du Centre du cancer. Sa composition et son financement seront définis par accord de coopération. Cet institut sera créé au départ de structures existantes afin d’en limiter strictement l’impact budgétaire » (extrait du point 3.2.1 de l’accord).

188 Cet institut sera créé pour coordonner les actions fédérales et les actions des entités fédérées. Cette coordination fera l’objet d’un accord de coopération (cf. aussi le point 3.2.4 de l’accord).

Tutelle sur l’INAMI

189

« Les missions et la composition actuelles du conseil général de l’INAMI ainsi que le fonctionnement de la Conférence interministérielle santé resteront inchangés » (extrait du point 3.2.1 de l’accord).

190 Le conseil général, qui réunit les partenaires sociaux, les organismes assureurs et une délégation du gouvernement, avec participation consultative des prestataires de soins, est l’organe de l’INAMI qui est chargé d’arrêter le budget et les comptes de l’assurance-soins de santé, et d’assurer le suivi du budget. À cette fin, il « vérifie la compatibilité budgétaire » des principales décisions, par exemple les accords et les conventions entre les organismes assureurs et les prestataires de soins.

191 Sur ce point, l’accord s’écarte de ce qui était prévu par la note de Bart De Wever (« Le prochain gouvernement prévoira une représentation des Communautés dans les organes de gestion de l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités. ») et même de la proposition Vande Lanotte, qui prévoyait la représentation des Communautés dans les comités consultatifs des maladies chroniques et de la rééducation fonctionnelle, secteurs où les prestations de l’assurance présentent le plus d’interactions avec les Communautés. Il diffère aussi de ce qui est prévu pour l’ONEM en ce qui concerne l’emploi (cf. supra).

192 Selon l’accord du 11 octobre 2011, la tutelle fédérale sur l’INAMI est destinée à garantir « la solidarité interpersonnelle », présente comme une des « missions essentielles du fédéral ». Cette solidarité interpersonnelle « implique l’égalité d’accès pour tous aux soins de santé remboursés, en garantissant le libre choix du patient, conformément au principe européen de libre circulation des personnes. Le patient paiera le même prix pour un même produit ou une même prestation, quel que soit l’endroit en Belgique où ce soin lui est prodigué » (extrait du point 3.2.2 de l’accord).

193 En réalité, on imagine difficilement comment la tutelle fédérale sur l’INAMI pourra assurer ces principes dans les domaines communautarisés, d’autant que l’existence de l’assurance-soins (zorgverzekering) de la Communauté flamande, qui interfère directement dans les compétences nouvellement communautarisées, n’est pas mise en cause. La formule inscrite dans l’accord s’explique plus probablement par le fait que les matières transférées sont réparties entre quatre entités d’une importance très inégale.

Politique de crise en cas de pandémie aiguë

194

« L’autorité fédérale reste (…) compétente pour la politique de crise dans l’éventualité où une pandémie aiguë nécessiterait des mesures urgentes » (extrait du point 3.2.2 de l’accord).

2.3.2. Matières qui seront réglées par un accord de coopération

195 Outre l’institut destiné à garantir des réponses concertées aux grands défis en matière de soins de santé (cf. supra), plusieurs points devront être réglés par un accord de coopération (point 3.2.4 de l’accord). Ceux-ci sont les suivants :

196

1. « La gestion et l’utilisation d’eHealth ainsi que la transmission des connaissances et des informations. Le principe qui s’applique ici est celui d’une obligation réciproque et inconditionnelle de partager les informations disponibles, dans le respect des droits du patient et de la loi sur la protection de la vie privée. eHealth sera dès lors cofinancé par le fédéral et les entités fédérées. »

197 La plate-forme eHealth est une institution publique de sécurité sociale chargée d’échanges d’informations électroniques entre professionnels de la santé.

198

2. « Les modalités de respect des engagements internationaux en rapport avec la politique de santé. Le principe est que l’autorité fédérale organise la concertation nécessaire à ce sujet lorsque rien n’est encore prévu dans les structures de concertation existantes (COORMULTI). »

199

3. « Les modalités de contingentement des métiers de la santé. La compétence relative à la définition de sous-quotas est transférée aux communautés. »

200 Le contingentement des métiers de la santé est ce que l’on appelle communément le numerus clausus. Ce contingentement est voulu principalement par les gestionnaires de l’assurance-maladie. L’assurance-maladie belge propose une combinaison originale de médecine libérale (liberté thérapeutique assez étendue, libre choix du prestataire) et de subvention publique. Dans un tel contexte, une pléthore de prestataires peut susciter une inflation des dépenses. Selon l’argumentaire des professions de la santé, elle peut aussi avoir des effets négatifs sur la qualité des soins, en ce qu’elle tolère la présence sur le « marché » de prestataires disposant d’une pratique insuffisante.

201 Comme il est peu concevable de refuser un accès à la profession à des personnes ayant réussi des études souvent longues et difficiles (un contingentement à ce niveau soulèverait d’ailleurs des objections européennes, en tout cas s’il s’applique à des personnes diplômées dans d’autres États membres), des pressions ont été exercées sur le système d’enseignement en vue d’organiser le contingentement à l’entrée dans les études.

202 Mais cette solution pose elle-même des problèmes. Il est vrai que les études médicales et paramédicales sont assez spécialisées, et que la grande majorité des diplômés envisagent effectivement une carrière dans le système encadré par l’assurance-maladie. Mais « grande majorité » ne signifie pas « totalité ». Outre le fait que des médecins (pour prendre cet exemple) font carrière dans l’industrie, dans les assurances ou dans l’administration, un certain nombre d’étudiants se destinent à des carrières hors de Belgique. Tel est notamment le cas des étudiants venant de l’étranger (les étudiants provenant de France ou d’autres pays francophones sont ainsi nombreux en Communauté française).

203 Il est donc assez logique que cette matière fasse l’objet, vaille que vaille, d’accords entre les responsables de la politique des soins et les responsables de l’enseignement.

204

4. « Les modalités d’adaptation et d’évaluation de l’AR n° 78. Les entités fédérées sont compétentes pour agréer les prestataires de soins dans le respect des conditions d’agrément déterminées par le fédéral. »

205 Par « AR n° 78 », il faut entendre l’arrêté royal du 10 novembre 1967 relatif à l’exercice des professions des soins de santé [32].

206 La règlementation de l’art de guérir fera l’objet d’un accord ; quant à lui, l’agrément des prestataires est de compétence communautaire, dans le cadre de la législation fédérale.

207

5. « La manière dont est organisée la concertation entre les autorités concernées sur les accords sociaux pour les métiers de la santé. L’autorité fédérale organise une concertation avec les entités fédérées avant de conclure des accords sociaux dans les “secteurs fédéraux” (et, de même, les entités fédérées se concertent préalablement avec le fédéral). »

208 La concertation sociale formelle se déroule dans le cadre fédéral de la législation sur les CCT et les commissions paritaires, laquelle prévoit des sous-commissions, voire des commissions paritaires séparées selon l’autorité de subvention de référence ; la concertation dont il s’agit ici concerne plutôt les accords politiques avec l’autorité de subvention, qui déterminent le cadre budgétaire de la concertation sociale, mais aussi, le plus souvent, le contenu concret des accords.

209

6. « Le mode de gestion et de financement du Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE). »

210 Le Centre fédéral d’expertise des soins de santé / Federaal Kenniscentrum voor de Gezondheidszorg est un organisme fédéral créé en 2002. Il est chargé de produire ou commanditer des études en matière de santé ou d’assurance-maladie, par exemple des guides de bonne pratique, des analyses d’efficacité des traitements, la couverture des risques thérapeutiques, l’organisation des soins, etc.

2.3.3. Financement

Contenu de l’accord

211 L’accord pose en principe que les matières communautarisées seront financées par des dotations basées sur les « besoins » (cf. point 4.1 de l’accord) et « selon des clés démographiques » (cf. point 4.5 de l’accord).

212 Pour les compétences qui concernent « les personnes âgées (essentiellement : structures d’accueil, allocation d’aide aux personnes âgées (APA), hôpitaux gériatriques isolés G) », les moyens financiers seront initialement répartis entre les entités communautaires « selon la clé population des plus de 80 ans » (c’est-à-dire sur base de la résidence de ces personnes). Par la suite, « ils évolueront en fonction de l’évolution des personnes âgées de plus de 80 ans de chaque entité, de l’inflation et de 82,5 % la croissance réelle du PIB par habitant » (extrait du point 4.5 de l’accord).

213 Pour les toutes les autres compétences communautarisées en matière de soins de santé et d’aide aux personnes, le budget sera réparti « selon la clé population » et évoluera « en fonction de l’inflation et de 82,5 % de la croissance réelle » (extrait du point 4.5 de l’accord).

Explications

214 Contrairement aux matières régionalisées, les matières communautarisées ne sont pas soumises au principe dit de responsabilisation : les dotations sont basées sur les besoins, qui sont censés correspondre aux budgets actuels.

215 Des inconnues pèsent par contre sur l’avenir. En ce qui concerne les personnes âgées, l’accord prévoit un paramètre objectif, qui est l’évolution du nombre de personnes de plus de 80 ans. En fonction des chiffres actuels, ce paramètre semble refléter assez correctement la répartition des dépenses entre les entités concernées.

216 Mais s’il sert à définir aussi l’enveloppe globale, il postule en quelque sorte un coût moyen par bénéficiaire qui serait constant, ou du moins dont la croissance serait limitée à l’inflation et à 82,5 % de celle du PIB.

217 Or, les dépenses de l’assurance-maladie dans la rubrique des MR et MRS ont connu, au cours des dernières années, une croissance beaucoup plus rapide que les paramètres retenus dans l’accord. En fait, c’est une des principales rubriques qui ont entraîné les dépenses de soins de santé dans une croissance largement supérieure aux autres secteurs de la sécurité sociale, à la croissance du PIB, à celle des salaires et des recettes de la sécurité sociale, etc. Cette tendance est liée à la professionnalisation des soins aux personnes très âgées et aux revendications du personnel des institutions, et, rien qu’en fonction des données démographiques, il n’y a aucune raison de penser qu’elle s’arrêtera dans les prochaines années : le fameux « papy-boom », lié à la vague de croissance démographique des années d’après-guerre et qui se fait aujourd’hui sentir dans le secteur des pensions, devrait atteindre d’ici quelques années le secteur des maisons de repos. Les dotations fédérales définies dans l’accord ne suffiront donc sans doute pas, à terme, à financer ce secteur. Il est dès lors raisonnable de penser que les entités fédérées devront soit puiser dans d’autres budgets, soit mettre sur pied des recettes supplémentaires, soit limiter la couverture publique de ces besoins sociaux.

218 A fortiori, il n’y a pas de marge pour des améliorations sociales substantielles, par exemple faire sortir l’allocation d’aide aux personnes âgées de la notion d’assistance en revoyant les critères de l’enquête sur les ressources, améliorer l’encadrement dans les MR et MRS ou financer certaines revendications du personnel, par exemple la création de régimes complémentaires de pension.

2.4. COMMENTAIRE GÉNÉRAL

219 Hormis les questions déjà épinglées sur la cohérence entre les secteurs visés et d’autres domaines et hormis la question cruciale du financement, l’accord n’apporte pas de précision quant à la nature même du transfert, lorsqu’il s’agit de dispositifs qui relèvent actuellement de l’assurance-maladie. S’agit-il de sortir un domaine d’action de l’une des branches de la sécurité sociale vers la politique sociale générale des pouvoirs publics ? Ou s’agit-il de « communautariser », selon le terme utilisé par l’accord du 11 octobre 2011, une partie de la sécurité sociale ?

220 La réponse à cette question a des conséquences très importantes, aussi bien du point de vue du citoyen que des « organisations intermédiaires » – principalement les interlocuteurs sociaux et les mutualités, ainsi qu’en ce qui concerne le financement.

221 Du point de vue du citoyen, comment s’organisera le recours d’une personne aux services d’une autre région que celle où elle réside ? Si, par exemple, un habitant néerlandophone de Bruxelles veut se faire admettre dans une maison de repos de la périphérie flamande de Bruxelles, bénéficiera-t-il d’emblée du mécanisme de subventionnement de la Communauté flamande, ou « exportera »-t-il en Flandre des droits acquis dans la région bruxelloise ?

222 L’accord affirme que le dispositif veillera à ce que « le patient paiera le même prix pour un même produit ou une même prestation, quel que soit l’endroit en Belgique où ce soin lui est prodigué » (point 3.2.2). Mais dans la pratique, on conçoit difficilement comment ce principe pourra être assuré sans que soit vidée de son contenu l’autonomie accordée aux entités fédérées. Les entités fédérées adopteront fatalement des mesures différentes en matière de financement et d’organisation, et se trouveront d’ailleurs, à terme, dans des situations différentes en ce qui concerne la capacité financière à assumer ces missions. Dans ces conditions, comment garantir que tous les Belges bénéficieront partout des mêmes soins au même prix ? L’hypothèse la plus probable est donc que s’installeront bel et bien des différences quant à la quantité ou la qualité de l’offre, au prix des services, à la part d’intervention des pouvoirs publics, et donc à la part d’intervention personnelle du patient, tout comme il existe de telles différences dans les matières aujourd’hui communautarisées ou régionalisées.

223 On observera que la réforme institutionnelle belge n’a bien entendu aucune répercussion sur la nature des dispositifs concernés au regard du droit international de la sécurité sociale, en particulier des règlements européens : au regard de ces dispositions, ces dispositifs gardent leur nature de « prestation de soins de santé ». Un patient européen établi en Belgique, par exemple, peut en vertu des règles européennes applicables faire appel à deux filières de remboursement : soit il obtient de son organisme de sécurité sociale l’autorisation de se faire soigner à l’étranger, et il bénéficie de remboursements sur la base du prix pratiqué à l’étranger ; soit il fait usage de son droit à la libre circulation des services, et il bénéficie de remboursements sur la base des prix reconnus par son organisme d’assurance sociale. L’accord manifeste l’intention de garantir ces principes aussi dans le cadre interne belge. Mais dans ce cas, l’accord ne précise pas comment garantir le principe affirmé de l’équivalence du prix pour le patient.

224 Du point de vue du financement, on peut se demander comment le transfert de matières actuellement gérées par l’assurance-maladie se traduira dans le financement de la sécurité sociale. Depuis 1993, la sécurité sociale est soumise à un régime de gestion dite globale : les recettes ne sont pas préaffectées à un secteur déterminé, mais sont réparties entre les secteurs selon les besoins. Globalement, la sécurité sociale est financée majoritairement par les cotisations des travailleurs et des employeurs. S’y ajoutent une intervention de l’État et un « financement alternatif » qui, pour l’essentiel, n’est rien d’autre qu’une intervention de l’État, puisqu’il s’agit de l’attribution à la sécurité sociale du produit de certains impôts. Dans le domaine de l’assurance-maladie, s’ajoutent encore diverses ressources propres de l’INAMI, notamment le produit de certaines cotisations personnelles, ou de cotisations sur les primes d’assurance-auto ou accident du travail. La question qui se pose est donc de savoir si le transfert de matières actuellement gérées par l’assurance-maladie se traduira par une diminution corrélative de l’intervention de l’État ou du « financement alternatif ».

225 Sur le plan institutionnel, si la réforme a des conséquences pour le financement de la sécurité sociale, les interlocuteurs sociaux revendiqueront sans doute d’y être associés. S’il s’agit de transférer une assurance, les mutualités pourraient faire valoir leur expertise en vue du maintien des procédures actuelles, où les remboursements sont basés sur des conventions entre les mutualités et les prestataires concernés. Plusieurs acteurs des secteurs concernés par l’accord ont déjà manifesté leur préférence pour le maintien des mécanismes actuels. D’une façon générale, quelles seront les conséquences de la réforme sur la participation aux décisions politiques des actuels « corps intermédiaires » (interlocuteurs sociaux et mutuelles) ? La politique à cet égard sera-t-elle identique dans les divers organes communautaires concernés ?

226 En Flandre, la revendication de communautarisation de la sécurité sociale s’inscrit clairement dans une idéologie qui met en cause la place prise par ces « corps intermédiaires » dans le champ politique, et veut les réduire à un rôle purement consultatif. Aussi bien la N-VA que le Vlaams Belang voient dans le rôle aujourd’hui attribué à ces corps intermédiaires un élément du « système belge » dont ils veulent la disparition. Bien qu’il ne s’agisse sans doute pas de la position officielle des partis flamands dits traditionnels, il est notoire que cette idéologie traverse aussi certains de ces partis. Il est fort possible, en fonction des actuels rapports de force, que cette idéologie prévaudra en Flandre. En ira-t-il de même dans les trois autres entités ? Des différences sont-elles mêmes envisageables ?

227 Autant de questions auxquelles l’accord n’apporte pas de réponse.

3. ALLOCATIONS FAMILIALES

228 Exception au principe affirmé en exergue de l’accord, une branche de la sécurité sociale – en l’occurrence le secteur des allocations familiales – est transférée aux Communautés.

3.1. COMMUNAUTARISATION

3.1.1. Allocations familiales

229

« Transfert des allocations familiales, des allocations de naissance et des primes d’adoption aux communautés. À Bruxelles, c’est la COCOM [33] qui sera compétente à l’exclusion des deux communautés » (extrait du point 3.3.1 de l’accord).

230 Les allocations familiales, y compris les primes de naissance et d’adoption, sont communautarisées (pour un montant total de 5 822,5 millions d’euros). Nous renvoyons, pour l’explication technique et les enjeux, notamment concernant la région bilingue de Bruxelles-Capitale, au chapitre « Soins de santé » (cf. supra).

3.1.2. Fonds d’équipements et de services collectifs

231

« Suppression du FESC. Répartition de ses moyens entre les communautés » (point 3.3.3 de l’accord).

232 Le Fonds d’équipements et de services collectifs (FESC) est un fonds qui fonctionne au sein de l’Office national d’allocations familiales pour travailleurs salariés (ONAFTS). Au départ, ce fonds était constitué à partir des réserves de la branche « allocations familiales » de la sécurité sociale, du temps où les différents secteurs de la sécurité sociale étaient financés par une cotisation préaffectée. À l’époque, le secteur des allocations familiales pour salariés était financé, pour l’essentiel, par une cotisation patronale de 7 % du salaire brut, trop importante par rapport aux besoins, compte tenu de l’évolution démographique. Les réserves constituées à partir de ce surplus structurel n’ont pas tardé à devenir virtuelles, car elles ont servi à éponger les déficits des secteurs – en particulier les soins de santé et le chômage –, dont les recettes étaient inférieures aux besoins ; elles ont disparu avec l’instauration de la « gestion globale » de la sécurité sociale des travailleurs salariés, décidée en 1993 et appliquée à partir du 1er janvier 1994 [34]. On avait tout de même perpétué la tradition d’une subvention, par le régime des allocations familiales, de services d’aide aux familles. Initialement, il s’agissait surtout de services d’aide familiale, dont l’action concernait surtout les personnes âgées. Aujourd’hui, il s’agit plutôt de structures d’accueil de l’enfance pour parents au travail ou en formation.

233 Le montant du transfert du FESC s’élève à 77,6 millions d’euros.

234 La clé de partage des moyens du FESC entre les entités fédérées ne sera pas la même que celle du montant des allocations familiales (cf. infra). Il s’agira d’une « clé “utilisation” » (note infrapaginale du point 4.5 de l’accord).

235 Contrairement aux allocations familiales, le FESC est un dispositif de subvention d’institutions. On ne s’étonnera donc pas de lire dans l’accord qu’il sera réparti « entre Communautés », sans référence à une modalité spécifique pour Bruxelles.

3.2. MESURES D’ACCOMPAGNEMENT

3.2.1. Suppression de la différence entre travailleurs salariés et travailleurs indépendants

236

« Préalablement au transfert, la différence entre travailleurs salariés et travailleurs indépendants sera gommée » (extrait du point 3.3.1 de l’accord).

237 La principale différence entre les deux régimes concerne l’allocation du premier enfant, qui est plus basse dans le régime des indépendants.

3.2.2. Période de transition

238

« Pendant une période de transition, les communautés et la COCOM qui le souhaitent pourront faire appel aux actuelles institutions de paiement pour continuer à assurer, contre rémunération, la gestion administrative et le paiement des allocations familiales » (extrait du point 3.3.1. de l’accord).

239 En ce qui concerne les travailleurs salariés, les allocations familiales sont payées par une « caisse de compensation » qui est, en règle générale, choisie par l’employeur. Des règles complexes, mais dont l’efficacité est généralement reconnue, assurent une continuité du paiement lorsque l’attributaire, c’est-à-dire le parent dont le statut social ouvre le droit au profit de l’enfant, change d’employeur ou de statut social. En ce qui concerne les travailleurs indépendants, les allocations familiales sont payées par la caisse d’assurance sociale, choisie par le travailleur, qui se charge aussi de percevoir les cotisations et de déterminer les droits à la pension. En ce qui concerne les membres du personnel du secteur public, les allocations familiales sont le plus souvent payées par l’employeur en même temps que le traitement.

240 L’accord ne dit rien du destin de l’ONAFTS (scission ou maintien de la structure unique).

3.2.3. Consécration constitutionnelle du droit aux allocations familiales

241

« Le droit aux allocations familiales sera consacré dans la Constitution » (note préalable du point 3.3 de l’accord).

242 Le texte du 11 octobre 2011 n’explique pas la portée de cette précision. Il va de soi qu’il ne saurait signifier que les Communautés perdent la compétence de modifier les taux et les conditions d’octroi des allocations familiales.

243 La jurisprudence de la Cour constitutionnelle reconnaît à l’actuel article 23 de la Constitution, qui consacre un droit à la « sécurité sociale » parmi d’autres dispositifs destinés à assurer un « droit à la dignité humaine », un effet dit de standstill, c’est-à-dire l’interdiction de « régresser significativement » depuis l’entrée en vigueur de la disposition.

244 L’inscription du droit aux allocations familiales dans la Constitution interdirait aux entités fédérées de supprimer purement et simplement la branche des allocations familiales, par exemple en la remplaçant par des aides fiscales (ce qui avait été naguère la position de l’Open VLD) [35], des dispositifs d’aide aux familles, comme ceux qui sont actuellement financés par le FESC, ou encore des bourses d’études.

245 En soi, elle leur interdirait également d’instaurer des « régressions significatives » dans les montants ou les conditions d’octroi. Mais, sur ce point, le principe doit évidemment être confronté aux modalités de financement.

3.3. FINANCEMENT

246 Comme il a déjà été dit, l’accord dispose que les matières communautarisées seront financées par des dotations basées sur les « besoins » (cf. point 4.1 de l’accord) et « selon des clés démographiques » (cf. point 4.5 de l’accord).

247 Concernant plus spécifiquement la répartition des moyens en matière d’allocations familiales, il précise que celle-ci « se fera sur la base de la clé population de 0 à 18 ans de chacune des trois Communautés et de la COCOM [36] (clé forfaitaire). Les enveloppes des entités évolueront ensuite sur base de l’indice des prix à la consommation et de la croissance de la population de 0 à 18 ans compris de chaque entité (…) » (extrait du point 4.5 de l’accord).

248 Par ailleurs, l’accord précise que « le gouvernement fédéral pourra, sur proposition des partenaires sociaux, affecter une partie de l’enveloppe “bien-être” à la majoration de l’enveloppe globale “allocations familiales” attribué[e] aux Communautés si ceux-ci constatent que le taux de scolarisation des jeunes dans l’enseignement supérieur a augmenté significativement entre 2012 et l’année en cours » (extrait du point 3.3.2 de l’accord, répété dans le pont 4.5).

249 Le budget global transféré est donc le budget fédéral des allocations familiales tel qu’il existera à ce moment dans les trois secteurs concernés (salariés, indépendants, fonctionnaires).

250 La répartition de l’enveloppe sur une base purement démographique, en tenant compte uniquement des habitants jusque 18 ans, ignore les différences qui peuvent exister entre entités fédérées dans le montant moyen ou la durée d’attribution des allocations familiales.

251 Étant acquis que les différences qui existent entre salariés et indépendants seront supprimées avant le transfert, les différences qui peuvent subsister dans le montant de l’allocation sont liées, soit à la situation d’allocataire social de l’attributaire, soit à la situation de « parent isolé » (famille monoparentale) de l’allocataire (la personne qui perçoit effectivement les allocations, généralement la mère), soit encore au rang, à l’âge ou à la situation de handicap de l’enfant bénéficiaire. Or, sur la plupart de ces critères, la Wallonie, et plus encore Bruxelles, sont défavorisées par rapport à la Flandre. En d’autres termes, la répartition de l’enveloppe globale selon une clé « population de 18 ans maximum », apparemment égalitaire (un enfant est un enfant), pénalise en fait les entités – et donc, potentiellement, les enfants habitant dans ces entités – dans lesquelles sont versées une plus importante proportion d’allocations familiales majorées pour rencontrer des difficultés diverses.

252 Selon certaines informations, qui ne se trouvent cependant pas inscrites dans le texte de l’accord, ce facteur défavorable serait compensé, du moins dans le chef de la région bilingue de Bruxelles-Capitale, par la prise en compte dans la clé de répartition des enfants qui ne sont pas bénéficiaires d’allocations familiales, notamment les enfants de diplomates ou de fonctionnaires internationaux. Nous n’avons pas pu vérifier le bienfondé de ce calcul.

253 En ce qui concerne la durée d’attribution des allocations familiales, on rappellera que l’octroi d’allocations familiales au-delà de 16 ans (dans le régime des salariés et des indépendants) ou 18 ans (dans le régime des fonctionnaires) suppose des conditions dans le chef de l’enfant : soit un handicap, soit la poursuite d’études ou d’une formation. Une distorsion entre Communautés s’est créée du fait que, dans la mise en œuvre de la réforme des études supérieures (processus dit de Bologne) la Communauté française a fixé à cinq ans la durée d’études pour l’obtention du titre demaster, alors que la Communauté flamande a conservé les durées des anciennes licences, généralement limitées à quatre années.

254 Hormis la question de la répartition, l’évolution de l’enveloppe elle-même est déterminée exclusivement par le nombre d’enfants et par l’inflation. La notion d’adaptation au bien-être, qui fait l’objet, selon la législation actuelle, de conciliabules bisannuels entre partenaires sociaux, sera dans le futur détournée de son sens pour offrir éventuellement un financement complémentaire, à charge de la sécurité sociale, en cas de modification de la durée des études.

255 Le mécanisme prévu de financement ne permet pas aux Communautés de mener une politique d’amélioration structurelle, même ciblée, des allocations familiales, sauf à puiser dans des moyens dont elles disposent par ailleurs ou à compenser ces améliorations par des économies.

256 Plusieurs partis politiques flamands ont déjà annoncé leur intention d’améliorer les allocations familiales en Communauté flamande, voire de créer un régime d’allocations familiales flamandes. Il faudra voir si cette politique s’inscrira dans les nouvelles compétences, ou dans les compétences actuelles des Communautés.

257 Dans la première hypothèse, cette politique flamande ne s’appliquera pas à Bruxelles et l’existence d’un régime social plus avantageux en Flandre dans un secteur aussi emblématique que les allocations familiales risque bien de contribuer à l’exode de la classe moyenne vers la périphérie et à un appauvrissement supplémentaire de la région capitale.

258 La seconde hypothèse peut paraître contraire à l’esprit de l’accord, mais il y aura précisément lieu de vérifier comment le transfert sera exprimé. Dans l’état actuel des choses, la Constitution et les lois spéciales sont muettes sur les allocations familiales. Le caractère fédéral de ces dernières résultent du fait qu’il s’agit d’une branche de la sécurité sociale, mais rien, hormis la législation de sécurité sociale elle-même, ne décrit de façon précise le risque social qu’elles sont censées couvrir. Or, elles constituent une dérogation implicite à la compétence générale des communautés en matière familiale. Rien ne semble empêcher les communautés de prévoir des dispositifs complémentaires aux branches de la sécurité sociale. La Communauté flamande a plusieurs fois exercé cette compétence, par exemple pour son « assurances-soins » et pour ses « primes d’encouragement à la réduction du temps de travail », qui ne sont dans les faits que des compléments, d’une part, aux dispositifs fédéraux en matière de dépendance – essentiellement dans le cadre des soins de santé et du régime des allocations pour handicapés – et, d’autre part, au régime fédéral de l’interruption de carrière et du crédit-temps. Dans le domaine couvert par les allocations familiales, on notera que le système flamand des bourses d’études est nettement moins sélectif que le régime de la Communauté française, et constitue dès à présent un complément significatif de ces dernières. À moins que la loi de transfert ne prévoie le contraire, on ne voit pas ce qui empêcherait une Communauté, en plus du régime transféré des allocations familiales, de prévoir, dans le cadre de ses compétences générales, l’un ou l’autre dispositif en faveur des familles, qui, à Bruxelles, serait par exemple lié au choix de l’école, un peu comme l’actuel système des bourses d’études.

259 Si cette hypothèse devait se confirmer, on risque de voir bel et bien ce que les négociateurs francophones croyaient avoir évité, à savoir l’application d’un régime à deux vitesses à Bruxelles. Dans ce cas, il faudra voir si cette situation résistera à un examen de sa conformité par rapports au principe de non discrimination, affirmé tant par la Constitution belge que par les normes internationales de protection sociale.

3.4. COMMENTAIRE GÉNÉRAL

260 Hormis les questions qui précèdent, l’accord du 11 octobre 2011 est muet sur plusieurs problèmes essentiels.

261 Dans la situation actuelle, le droit aux allocations familiales est déterminé par le statut social de l’attributaire (personne à qui l’argent est versé). C’est également ce critère qui détermine la législation applicable, par exemple dans le contexte des règlements européens de sécurité sociale ou de la plupart des conventions internationales qui lient la Belgique.

262 La logique de l’accord est que le droit soit déterminé par la résidence de l’enfant. Ceci ne manquera pas de susciter des problèmes dans des situations particulières, par exemple en cas de garde alternée, et les solutions imaginables pour y remédier susciteront elles-mêmes des problèmes, notamment des phénomènes de law shopping (choix du régime légal le plus favorable).

263 Plusieurs autres questions fondamentales restent également irrésolues dans l’accord. Par exemple, d’où proviendra concrètement la dotation fédérale ? Le secteur des allocations familiales peut donner socialement l’impression d’une quasi-universalisation de fait, mais tel n’est pas le cas sur le plan juridique, ni sur le plan financier. Il subsiste en réalité trois régimes d’allocations familiales : celui des salariés, celui des indépendants et celui de la fonction publique. Le régime des salariés, on l’a déjà indiqué, était financé historiquement par une cotisation patronale. Celle-ci n’est plus identifiée comme telle dans le financement global de la sécurité sociale, mais elle existe toujours, notamment pour calculer les cotisations dues par les employeurs – essentiellement du secteur public – qui ne sont pas assujettis à cette branche de la sécurité sociale. Le régime des indépendants est financé par les cotisations des travailleurs. Quant au régime, ou plutôt aux régimes de la fonction publique, ils font en réalité partie de la charge salariale des différents organismes.

264 L’opération se traduira-t-elle par une diminution des cotisations sociales dues par les employeurs du secteur privé et par les indépendants, et de la charge salariale des organismes publics ? Ou diminuera-t-on l’intervention de l’État (ou du financement dit alternatif qui s’y apparente) dans le financement de la sécurité sociale ? Il s’agit là de savoir de quelle caisse fédérale viendra l’argent, et quelles seront les répercussions sur la sécurité sociale.

265 La logique d’attribution et le financement ne sont pas sans conséquence sur l’organisation administrative du secteur. L’accord prévoit la possibilité de faire appel aux organismes existants, mais il laisse lui-même entendre qu’il s’agit d’une situation transitoire. Si on en arrive à un régime réellement universalisé basé sur la résidence de l’enfant, il n’est plus justifié d’avoir des caisses choisies par l’employeur, comme pour les travailleurs du secteur privé, ou un paiement direct par l’employeur, comme dans la fonction publique.

266 Ajoutons que ces questions ne sont pas non plus sans impact sur la participation des interlocuteurs sociaux à la gestion du secteur.

267 Mais cette conséquence paraît assumée, sinon voulue, en tout cas par la plus grande partie des responsables politiques flamands. Du côté francophone, les positions semblent moins affirmées.

CONCLUSION

268 Pour sa plus grande partie, le volet « emploi » de l’accord obéit incontestablement à une certaine logique institutionnelle. Toute fiction juridique mise à part, il faut bien reconnaître que des allocations de chômage « activées » ne sont plus vraiment des allocations sociales, mais des subsides à l’emploi, tout comme les réductions ciblées de cotisation à la sécurité sociale. Ces techniques elles-mêmes présentent d’ailleurs matière à controverse de fond sur leur efficacité, notamment pour éviter les effets d’aubaine ou de substitution. De même, on ne voit pas bien à quelle logique répondait la gestion par l’ONEM de dispositifs comme les titres-services ou les agences locales pour l’emploi. La réforme peut être une occasion pour reconsidérer certaines de ces subventions, de manière à en améliorer la sélectivité ou l’efficacité.

269 On peut avoir la même appréciation sur certains aspects mineurs de la réforme en matière de soins de santé, par exemple dans le domaine de la prévention ou des services de première ligne. Même si les dispositifs concernés sont logés au sein de l’INAMI, il ne s’agit pas de vrais remboursements de l’assurance-maladie, mais de financement d’institutions, généralement à charge des frais d’administration de l’INAMI. On peut soutenir que, par ces initiatives, l’autorité fédérale usurpait des compétences appartenant aux Communautés dans la logique, voire même selon la lettre des dispositions existantes. On peut en dire autant du Fonds des équipements et services collectifs de l’ONAFTS, du moins dans la logique de fonctionnement qu’il avait adoptée, basée sur la subvention d’institutions, déconnectée du droit aux allocations familiales d’attributaires dans le régime des salariés.

270 On réservera une toute autre appréciation sur ce que certains négociateurs eux-mêmes ont appelé « les gros poissons », à savoir le transfert des allocations familiales, d’une partie des soins de santé et du contrôle sur la disponibilité des chômeurs, autrement dit de dispositifs qui font incontestablement partie de la sécurité sociale.

271 En ce qui concerne le contrôle des chômeurs, il est vrai que la situation actuelle est source de difficultés et d’incompréhension. Mais ces difficultés ne proviennent pas en soi de ce que les abus sont constatés par les organismes régionaux et sanctionnés par l’ONEM. Elles proviennent de ce que les organismes régionaux n’ont pas pour vocation première de vérifier les conditions d’octroi des allocations de chômage. Il en résulte que l’application des sanctions pour « refus d’emploi » ou assimilé laisse un goût d’inéquité, car elles ne s’appliquent en réalité qu’à une partie de la population en chômage. La procédure de suivi du « comportement actif de recherche » offrirait la possibilité d’une vérification globale de cette condition d’octroi, dans le cadre de laquelle l’attitude du chômeur vis-à-vis des dispositifs régionaux ne serait plus qu’un élément d’appréciation parmi d’autres. Son existence permettrait même de supprimer purement et simplement les sanctions spécifiques pour refus d’emploi et indisponibilité pour le marché de l’emploi, et donc les flux de transmission entre organismes liés à ces sanctions. Cette voie n’a pas été suivie, peut-être parce que cette procédure suscite, dans les milieux intéressés, encore plus de méfiance que les « sanctions » traditionnelles. On peut cependant se demander si le choix opéré, qui rétablit dans le chef des services régionaux la confusion de rôles qui avait été dénoncée dans le passé dans le chef de l’ONEM, et attribue à cette option une valeur quasi constitutionnelle, n’est pas de nature à susciter une méfiance encore plus grande. En tout cas, on va plus loin qu’une réforme institutionnelle : le choix n’est pas neutre en termes de politique sociale.

272 En ce qui concerne les soins de santé et les allocations familiales, l’accord démontre à sa manière la limite de l’argument de « cohérence des politiques » invoqué pour justifier la réforme. En tout cas, l’accord n’améliorera pas substantiellement la cohérence, spécialement à Bruxelles, où elle était déjà problématique. L’accord laisse également sans réponse de nombreuses questions, essentielles ou de nature plus pratique, quant à sa mise en œuvre. Il laisse en tout cas entrevoir que les masses financières transférées ne correspondront pas, à terme, à l’évolution des dépenses, spécialement dans le domaine des soins aux personnes âgées. Dans le domaine des allocations familiales, il limite la solidarité nationale par rapport aux différences de dépenses liées à la situation sociale des bénéficiaires, ou aux choix des Communautés (par exemple, le choix de prolonger la durée des études). Dans les deux secteurs, les modalités de financement paraissent en tout cas limiter les perspectives de progrès social que permettait encore l’arbitrage au sein des grandes masses financières brassées par la sécurité sociale. Pour améliorer le niveau de protection, voire pour maintenir ce qui existe, les entités fédérées devront, tôt ou tard, soit créer des recettes nouvelles, soit arbitrer avec d’autres dépenses. Et comme l’idée de recettes nouvelles n’est pas dans l’air du temps, on peut émettre des doutes sur la capacité des entités fédérées à respecter l’obligation de stand still imposée par la Constitution, et le principe, affirmé dans l’accord au sujet des soins de santé, que les citoyens bénéficieront des mêmes conditions de prix, quel que soit l’endroit où est localisé le prestataire auquel ils s’adresseront.

273 Une autre question intéressante à suivre sera de voir comment la COCOM bruxelloise exercera les compétences qui lui sont attribuées. Plusieurs voix francophones ont déjà appelé à des formes d’association entre Bruxelles et la Wallonie. Mais, en admettant même qu’une unité de vues se réalise entre Wallons et francophones de Bruxelles, les collègues néerlandophones de ces derniers au sein des instances de la COCOM ne manqueront pas de faire valoir leur propre cadre de référence, lequel sera certainement influencé – pour ne pas dire plus – par la politique menée en Région flamande.

Notes

  • [1]
    P. PALSTERMAN, « Défédéraliser la sécurité sociale ? », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1899, 2005.
  • [2]
    P. PALSTERMAN, « Régionaliser la politique de l’emploi ? », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1958- 1959, 2007.
  • [3]
    Cf. A. DEBRULLE, É. ARCQ, « La controverse sur les conventions collectives flamandes », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1782, 2002.
  • [4]
    Arrêt de la Cour constitutionnelle, 145/2004, 15 septembre 2004.
  • [5]
    Tous les montants mentionnés dans l’accord s’entendent hors personnel et moyens associés (fonctionnement et bâtiments) qui devront également être transférés (nota bene du point 3.6 de l’accord).
  • [6]
    Cf. P. PALSTERMAN, « L’évolution de la notion de chômage involontaire (1945-2003) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1806, 2003.
  • [7]
    Arrêté royal du 25 novembre 1991, article 56, §1er.
  • [8]
    À la suite des réformes institutionnelles de 1980, les services subrégionaux de l’emploi de l’ONEM (placement, formation professionnelle, aides à l’emploi, etc.) ont été transférés à des organismes régionaux et communautaires, l’ONEM conservant la fonction de payement des allocations.
  • [9]
    Cf. P. PALSTERMAN, « L’évolution de la notion de chômage involontaire », op. cit. ; G. PAGANO, « Les résolutions du Parlement flamand pour une réforme de l’État », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1670-1671, 2000.
  • [10]
    J. OOSTERWAAL, Johan Vande Lanotte, dagboek van een politieke crisis, De Bezige Bij, Anvers, 2011, p. 47 et 59.
  • [11]
    Ibidem, p. 58.
  • [12]
    Les PTP bénéficient à la fois d’une allocation de chômage activée et d’une réduction de cotisation patronale.
  • [13]
    S’ajoutent en outre 54,3 millions d’euros, en tant que « moyens afférents à la dispense partielle de versement du précompte professionnel batelerie et remorquage ».
  • [14]
    C’est par l’appellation « Agents contractuels subventionnés », usitée lorsque ces programmes étaient gérés par l’ONEM, et conservée par les régions flamande et bruxelloise, que la législation sur l’ONSS désigne la dispense de cotisation patronale dont bénéficient les programmes de mise au travail dans le secteur public et le secteur non marchand, aujourd’hui gérés par les régions. En Wallonie, ces programmes sont actuellement intitulés « Aides à la promotion de l’emploi » (APE).
  • [15]
    La question a été posée de savoir si, en instituant les ALE au niveau fédéral, il n’a pas été contrevenu aux lois de réforme de 1980. La Cour d’arbitrage a légitimé l’intervention de l’autorité fédérale, n’y voyant pas une mesure de placement, mais une mesure spécifique d’indemnisation des chômeurs (arrêt de la Cour d’arbitragre, 58/95, 12 juillet 1995) ; de même, elle n’a pas censuré l’apparition, plus tard, d’une législation spécifique sur le contrat de travail ALE (arrêt de la Cour d’arbitrage, 14/2001, 14 février 2001).
  • [16]
    Y compris la Communauté germanophone, puisque celle-ci a repris sur son territoire la plupart des compétences de la Région wallonne en matière d’emploi.
  • [17]
    Loi du 20 juillet 2001 visant à favoriser le développement de services et d’emplois de proximité, Moniteur belge, 11 août 2001.
  • [18]
    Loi-programme du 22 décembre 2003, Moniteur belge, 31 décembre 2003.
  • [19]
    Cf. entre autres : P. PALSTERMAN, « Titres-services : subventions “exubérantes” pour quelle efficacité ? », Démocratie, 1er mai 2010 ; J. PACOLET, F. DE WISPELAERE, S. CABUS, « Bomen groeien niet tot in de hemel ; de werkelijke kostprijs van de dienstencheques », Gids op maatschappelijk gebied, volume 102, n° 3, 2011, p. 7-15.
  • [20]
    C. CAUDRON, F. LIGOT, « Congé-éducation, nos droits culturels à défendre », Démocratie, 1er novembre 2011.
  • [21]
    Les allocations d’attente sont les allocations de chômage attribuées aux jeunes de moins de trente ans qui ne trouvent pas immédiatement d’emploi après leurs études. Il s’agit de montants forfaitaires, qui sont fonction de la catégorie familiale et de l’âge.
  • [22]
    L’accord précise que cette décision nécessitera une modification de l’article 4 de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980. En ce qui concerne la formation professionnelle, il conviendra d’ajouter à la fin du point 16 la phrase suivante : « Toutefois, la Région de Bruxelles-Capitale sera compétente pour mettre sur pied des programmes de formation professionnelle dans le cadre de sa politique d’emploi en tenant compte du caractère spécifique de Bruxelles. »
  • [23]
    En vertu de l’accord de la Saint-Quentin conclu entre partis francophones le 31 octobre 1992, la Communauté française a transféré ses compétences en matière de formation professionnelle des demandeurs d’emploi à la Région wallonne dans la région de langue française et à la COCOF dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale.
  • [24]
    Dans le cadre des accords entre la Région wallonne et la Communauté germanophone, cette dernière exerce, sur son territoire, les compétences régionales en matière de placement des chômeurs.
  • [25]
    Cf. note 23.
  • [26]
    Comme l’impose l’article 39 de la Constitution, en vertu duquel les régions ne peuvent se voir attribuer des compétences que la Constitution attribue aux communautés.
  • [27]
    Ordonnance COCOM du 29 avril 2004 (entrée en vigueur le 1er octobre 2009) relative à l’aide à la jeunesse, qui règle les mesures d’aide sans le consentement des intéressés.
  • [28]
    Précisons que la Communauté française a décidé, en mai 2011, d’adopter la dénomination « Fédération Wallonie-Bruxelles » dans sa communication interne et externe. Ce nouveau nom n’ayant cependant pas la portée juridique que lui donnerait une révision de la Constitution allant dans le même sens, nous maintiendrons, dans ce Courrier hebdomadaire, l’appellation constitutionnelle de Communauté française.
  • [29]
    L’accord du 11 octobre 2011 ne précise que très rarement dans lequel de ces deux cas de figure se situent les différentes compétences personnalisables transférées. Il n’y a en fait que pour l’allocation d’aide aux personnes âgées (et pour les allocations familiales, cf. infra) que l’accord prévoit explicitement que, en région bilingue de Bruxelles-Capitale, la compétence communautarisée « sera transférée à la COCOM ».
  • [30]
    L’allocation de remplacement de revenus (ARR) vise à procurer un revenu minimum aux personnes handicapées incapables de travailler et ne disposant pas de ressources propres.
  • [31]
    Cf. notamment le protocole du 25 juillet 2001 entre le gouvernement fédéral et les autorités visé aux articles 128, 130 et 135 de la Constitution portant sur les soins de santé de première ligne, Moniteur belge, 25 septembre 2001.
  • [32]
    Moniteur belge, 14 novembre 1967.
  • [33]
    Dans le chapitre relatif à la loi de financement, il est reprécisé que les « moyens en matière d’allocations familiales (…) seront transférés à la Communauté germanophone, à la Communauté française et la Communauté flamande à l’exception de Bruxelles où ils seront transférés à la COCOM » (extrait du point 4.5 de l’accord).
  • [34]
    Dans le cadre de la gestion globale de la sécurité sociale, l’ensemble des ressources est centralisé, et réparti dans les différentes branches (assurance-maladie, pension, chômage, allocations familiales, etc.) en fonction de leurs besoins.
  • [35]
    C’était une des propositions issues du congrès tenu par le VLD à Hasselt du 18 au 20 mars 1994 (cf. le projet de texte préparé par P. Chevalier et D. Van Mechelen : De nieuwe sociale zekerheid. De V.L.D.- voorstellen voor een echte sociale en solidaire samenleving).
  • [36]
    Il aurait été plus correct d’écrire : « de chacune des quatre régions linguistiques » (région de langue française pour la Communauté française, région de langue néerlandaise pour la Communauté flamande, région bilingue de Bruxelles-Capitale pour la COCOM et région de langue allemande pour la Communauté germanophone).
  1. Introduction
  2. 1. MARCHÉ DE L’EMPLOI
    1. 1.1. DROIT DU TRAVAIL ET SÉCURITÉ SOCIALE RESTENT DE COMPÉTENCE FÉDÉRALE
    2. 1.2. CONTRÔLE DE LA DISPONIBILITÉ DES CHÔMEURS
      1. 1.2.1. Texte de l’accord
      2. 1.2.2. Explications
        1. Disponibilité pour le marché de l’emploi
        2. Sanctions pour chômage dû au propre fait du travailleur
      3. 1.2.3. Mise en perspective
    3. 1.3. AUTRES ASPECTS
      1. 1.3.1. Politique axée sur des groupes cibles
        1. Texte de l’accord
        2. Explications
      2. 1.3.2. Services de proximité
        1. Texte de l’accord
        2. Explications
      3. 1.3.3. Fonds de l’expérience professionnelle et « autres programmes fédéraux d’économie sociale »
      4. 1.3.4. Reclassement
      5. 1.3.5. Congé éducation payé et apprentissage industriel
      6. 1.3.6. Interruption de carrière dans le secteur public
      7. 1.3.7. Migration économique
      8. 1.3.8. Travail intérimaire
      9. 1.3.9. Encouragement de la reprise du travail par les chômeurs
      10. 1.3.10. « Convention de premier emploi dans le cadre des projets globaux »
      11. 1.3.11. Réorganisation de la structure de gestion de l’ONEM
      12. 1.3.12. Dispenses pour formation
      13. 1.3.13. Formation professionnelle des demandeurs d’emploi à Bruxelles
      14. 1.3.14. Mise en perspective
        1. Transfert
        2. Financement
  3. 2. SOINS DE SANTÉ ET AIDE AUX PERSONNES
    1. 2.1. OBSERVATION PRÉLIMINAIRE : COMMUNAUTARISATION OU « RÉGIONALISATION » ?
      1. 2.1.1. Texte de l’accord
      2. 2.1.2. Cadre institutionnel actuel
      3. 2.1.3. Matières personnalisables et communautarisation : la région bilingue de Bruxelles-Capitale
        1. Communauté française, Communauté flamande, COCOM
        2. Accord de la Saint-Quentin
      4. 2.1.4. Mise en perspective
    2. 2.2. DÉTAIL DES COMPÉTENCES TRANSFÉRÉES
      1. 2.2.1. Politique en matière d’aide aux personnes handicapées
        1. Aides à la mobilité
        2. Allocation d’aide aux personnes âgées (APA)
      2. 2.2.2. Politique hospitalière
        1. Prix de journée
        2. Normes d’agrément
        3. Reconversion de lits hospitaliers
      3. 2.2.3. Politique des personnes âgées et soins long care
        1. Contenu de l’accord et explications
        2. Mise en perspective
      4. 2.2.4. Soins de santé mentale
      5. 2.2.5. Politique de prévention
      6. 2.2.6. Soins de santé de première ligne et soins palliatifs
    3. 2.3. AUTRES DISPOSITIONS DE L’ACCORD
      1. 2.3.1. Maintien de compétences fédérales
        1. Création d’un institut pour garantir des réponses concertées aux grands défis en matière de soins de santé
        2. Tutelle sur l’INAMI
        3. Politique de crise en cas de pandémie aiguë
      2. 2.3.2. Matières qui seront réglées par un accord de coopération
      3. 2.3.3. Financement
        1. Contenu de l’accord
        2. Explications
    4. 2.4. COMMENTAIRE GÉNÉRAL
  4. 3. ALLOCATIONS FAMILIALES
    1. 3.1. COMMUNAUTARISATION
      1. 3.1.1. Allocations familiales
      2. 3.1.2. Fonds d’équipements et de services collectifs
    2. 3.2. MESURES D’ACCOMPAGNEMENT
      1. 3.2.1. Suppression de la différence entre travailleurs salariés et travailleurs indépendants
      2. 3.2.2. Période de transition
      3. 3.2.3. Consécration constitutionnelle du droit aux allocations familiales
    3. 3.3. FINANCEMENT
    4. 3.4. COMMENTAIRE GÉNÉRAL
  5. CONCLUSION
Paul Palsterman
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
L’accord institutionnel sur la sixième réforme de l’État du 11 octobre 2011 prévoit d’importants transferts de compétences susceptibles d’influencer la politique en matière sociale. Paul Palsterman propose une explication, point par point, des décisions prises et en analyse les implications.
Le présent Courrier hebdomadaire est structuré en trois chapitres. Le premier est consacré aux dispositions relatives au marché de l’emploi. L’accord prévoit d’une part la régionalisation de divers dispositifs de politique de l’emploi développés au niveau fédéral au cours des deux dernières décennies, et d’autre part l’attribution aux régions de l’application de certaines dispositions de la réglementation du chômage. Le deuxième chapitre porte sur le transfert aux communautés de divers dispositifs en matière de soins de santé et d’aide aux personnes. Les plus importants concernent les personnes âgées : certains remboursements de l’assurance-maladie et l’une des prestations du système d’allocations pour handicapés. Enfin, le dernier chapitre traite de la communautarisation d’une branche de la sécurité sociale : les allocations familiales.
Dans ses mises en perspective, l’auteur s’attache particulièrement à l’impact de la réforme sur la politique sociale elle-même. Dans un certain nombre de cas, l’analyse soulève des interrogations auxquelles le texte de l’accord ne permet pas de répondre actuellement. Ceci met notamment en évidence certains des éclaircissements que nécessitera la traduction de l’accord en textes de loi.
Mis en ligne sur Cairn.info le 02/05/2012
https://doi.org/10.3917/cris.2127.0005
Pour citer cet article
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