CAIRN.INFO : Matières à réflexion

INTRODUCTION

1Entre juin et décembre 2007 ont eu lieu les négociations gouvernementales les plus longues de l’histoire de la Belgique. C’est seulement près de 200 jours après les élections du 10 juin 2007 qu’un gouvernement, d’ailleurs censé être transitoire, a pu se former.

2L’un des moments forts de ces négociations est intervenu en dehors d’elles : le 7 novembre 2007, la commission de l’Intérieur de la Chambre a adopté à l’unanimité de ses membres flamands, moins une abstention écologiste et en l’absence des commissaires francophones, une proposition de loi scindant la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde. De plusieurs côtés, ce vote a été présenté comme exceptionnel, dans la mesure où il a opposé la communauté linguistique majoritaire à la communauté minoritaire  [1].

3Le présent Courrier hebdomadaire revient sur l’historique du problème de Bruxelles-Hal-Vilvorde, sur les événements qui ont précédé le vote du 7 novembre et sur ses effets. Il retrace donc d’une part les antécédents, même lointains, du dossier, de l’autre les épisodes accompagnant la formation du gouvernement lorsque, du moins, ils portent sur ce point particulier. Il n’évoque pas sinon marginalement, par contre, la question de la scission de l’arrondissement judiciaire, liée – au moins politiquement – à celle de la circonscription électorale  [2]. Il ne s’étend pas davantage sur les événements qui ont suivi le 1er décembre 2007, date à laquelle ont pris fin les négociations gouvernementales menées sous la conduite d’Yves Leterme. Il n’a pas l’ambition, enfin, d’épuiser le dossier : celui-ci a aussi une dimension proprement bruxelloise, qui n’est abordée ici que sous l’angle électoral, sans référence par exemple (sauf lorsque les protagonistes eux-mêmes établissent ce lien) aux aspirations à l’élargissement de Bruxelles-Capitale.

1. RAPPEL HISTORIQUE

1.1. UNE CIRCONSCRIPTION À CHEVAL SUR LA FRONTIÈRE LINGUISTIQUE

4Comme on le sait, la Belgique est en 1830 un État dont la langue officielle est le français, même si l’on parle majoritairement dans les provinces du Nord des variantes régionales du néerlandais, de même que dans le Sud, on parle des variantes régionales du wallon. Il faudra attendre l’instauration du suffrage universel en 1921 et le renforcement subséquent du poids politique des électeurs flamands pour que des lois successives introduisent le principe des régions linguistiques, qui impose à l’administration d’utiliser une langue déterminée lorsqu’elle s’adresse aux administrés, selon qu’elle se situe dans tel ou tel endroit du pays.

5Dans un premier temps, ce principe est assorti de la liberté pour les communes de choisir le régime linguistique qui leur sera applicable, en tout cas dans les communes « dont la majorité des habitants parle le plus fréquemment, d’après le dernier recensement décennal, une langue différente du groupe linguistique auquel l’article premier les rattache » (article 31 de la loi du 31 juillet 1921). En 1921, seize communes choisissent d’être ainsi bilingues.

6Par la suite, et à partir de 1932, une commune change de régime linguistique si la majorité des habitants déclare parler l’autre langue officielle que celle de la région. En outre, si 30 % des habitants font une telle déclaration, la commune entre dans un régime dit de « bilinguisme externe », notamment pour les avis et communications au public et la faculté d’utiliser la langue de la minorité dans les contacts avec l’administration (loi du 28 juin 1932) : c’est là un des éléments de ce qu’on qualifiera par la suite de « facilités ».

7Au recensement de 1947, le seuil de 50 % est franchi dans les communes (non bruxelloises à l’époque) de Berchem-Sainte-Agathe, Evere et Ganshoren et celui de 30 % à Drogenbos, Linkebeek, Kraainem et Wemmel. En 1954, les trois premières sont rattachées à la région bilingue de Bruxelles et les quatre autres reçoivent le régime de bilinguisme externe. Pour les hommes politiques flamands, il y a là une évolution dangereuse : celle qui pousse de plus en plus de francophones à s’installer dans des communes flamandes, et le français à y supplanter le néerlandais dans la vie de tous les jours. C’est ce qu’ils qualifient de « tache d’huile » (olievlek).

8La loi du 8 novembre 1962 fixant la frontière linguistique est adoptée à la Chambre le 31 octobre 1962 par une majorité de députés flamands  [3], la majorité des députés francophones émettant un vote négatif. Elle entraîne la démission d’un ministre. Le gouvernement élabore une nouvelle législation sur l’emploi des langues mais achoppe sur le statut des communes de la périphérie bruxelloise. Après une offre de démission refusée par le Roi, un accord est recherché entre ministres et personnalités appartenant aux deux partis de la coalition réunis à Val Duchesse. Cet accord, qui débouche sur la loi du 2 août 1963, prévoit que l’arrondissement administratif de Bruxelles est divisé en trois parties : six communes « à facilités » (à savoir les quatre communes bénéficiant déjà du régime de bilinguisme externe auxquelles s’ajoutent celles de Wezembeek-Oppem et de Rhode-Saint-Genèse) forment désormais un arrondissement administratif distinct, appelé arrondissement spécial de Bruxelles ; les autres communes flamandes forment l’arrondissement administratif de Hal-Vilvorde et les actuelles dix-neuf communes de l’agglomération bruxelloise forment l’arrondissement administratif de Bruxelles. Électoralement toutefois, ces trois arrondissements administratifs continuent de former, ensemble, l’arrondissement électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde qui est donc traversé par la frontière linguistique. Celle-ci sépare les cantons flamands de l’arrondissement de Hal-Vilvorde (les cantons de Asse, Hal, Lennik, Meise et Vilvorde, à l’époque) des cantons bilingues de l’arrondissement de Bruxelles (Bruxelles, Molenbeek-Saint-Jean et Saint-Gilles), mais traverse également certains cantons composés à la fois, à cette époque, de communes flamandes et de communes bruxelloises (les cantons d’Anderlecht, Ixelles, Saint-Josse, Schaerbeek et Uccle).

9Les six communes « à facilités » cessent de former un arrondissement administratif distinct en janvier 1971, quand elles sont rattachées à l’arrondissement administratif de Hal-Vilvorde. La réforme électorale de 1993, qui revoit également la répartition des membres de la Chambre entre les arrondissements électoraux (rebaptisés « circonscriptions »), crée un nouveau canton électoral flamand (celui de Zaventem) et modifie les limites des cantons afin qu’aucun canton bruxellois ne s’étende plus au-delà des dix-neuf communes. Mais la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde continue à rassembler des électeurs domiciliés et des candidats qui se présentent dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale et dans la région de langue néerlandaise.

10Régulièrement, les partis politiques flamands font valoir que cette situation est un anachronisme. Ils n’admettent pas que des habitants de communes qui, à leurs yeux, sont flamandes (même si la majorité de leurs habitants votent, en particulier aux élections communales, pour des listes francophones) puissent être candidats sur des listes communes avec des Bruxellois, et puissent voter pour de telles listes. Ils prônent en conséquence la « scission » de l’arrondissement (devenu circonscription depuis 1993), qui n’interdirait pas la présentation de candidats francophones dans les communes (flamandes, donc) de l’arrondissement de Hal-Vilvorde mais supprimerait la possibilité d’y voter pour une liste bruxelloise.

11En 1977, la scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde figure dans le « Pacte communautaire », dit d’Egmont, qui fait partie intégrante de l’accord de gouvernement, et devenu caduc suite à la démission du gouvernement Tindemans en octobre 1978. À l’époque, la solution imaginée pour préserver le droit des habitants des communes de la périphérie à voter pour des listes bruxelloises est celle d’un « droit d’inscription » : les habitants des six communes à facilités mais aussi ceux de sections ou de quartiers de communes flamandes comme Beersel, Dilbeek, Grand-Bigard, etc. auraient été autorisés à élire domicile dans une des dix-neuf communes bruxelloises avec toutes les conséquences électorales, mais aussi fiscales, judiciaires et administratives qui en découlent. Par ailleurs, les habitants francophones des communes à facilités auraient pu bénéficier des mêmes droits et des mêmes compétences dans les matières culturelles et personnalisables que les Flamands de Bruxelles.

12La piste du droit d’inscription sera encore évoquée à plusieurs reprises par la suite. Son volet électoral – sans inscription domiciliaire donc – sera effectivement mise en place en 1988 pour les habitants de Fourons et pour ceux de Comines-Warneton. Ils peuvent voter aux élections fédérales et européennes, respectivement, dans les circonscriptions de Verviers et d’Ypres  [4].

13Quant aux « facilités », une loi dite de pacification communautaire (loi du 9 août 1988) a modifié dans les communes à régime linguistique spécial le mode de désignation des échevins qui sont, depuis lors, élus directement de même que les membres du CPAS ; la même loi règle la présomption de connaissance du néerlandais des conseillers communaux, des bourgmestres et des échevins. La même année, les facilités sont « bétonnées », selon la terminologie de l’époque, par leur inscription à l’article 129, § 2 de la Constitution selon lequel, pour les communes à régime linguistique spécial, « une modification aux règles sur l’emploi des langues (…) ne peut être apportée que par une loi adoptée à la majorité prévue à l’article 4, dernier alinéa », c’est-à-dire la majorité spéciale dont il sera question plus loin.

1.2. LA RÉFORME ÉLECTORALE DE DÉCEMBRE 2002

14L’annulation le 26 mai 2003, par la Cour d’arbitrage, de nouvelles dispositions électorales, va mettre plus encore en évidence le caractère particulier de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde.

15Le gouvernement arc-en-ciel (Verhofstadt I) mis en place en 1999 fait adopter en 2002 plusieurs modifications du Code électoral afin, notamment, de faire coïncider les circonscriptions électorales et les provinces. L’objectif de cet élargissement des circonscriptions électorales est notamment de réduire le poids du CD&V, mieux implanté sur le plan local  [5]. La mesure ne soulève de difficulté majeure que dans l’ancienne province de Brabant, scindée depuis 1993 en une province de Brabant flamand, une province de Brabant wallon et un territoire « déprovincialisé » – celui de la Région de Bruxelles-Capitale, c’est-à-dire celui des dix-neuf communes. La circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde, qui recouvre désormais le territoire déprovincialisé de Bruxelles-Capitale et une partie de la nouvelle province de Brabant flamand, est en effet la seule à inclure, depuis le tracé de la frontière linguistique, des communes appartenant à deux régions linguistiques différentes. Faire de la province de Brabant flamand le territoire d’une nouvelle circonscription électorale revient à mettre fin à cette coexistence et à scinder la circonscription, ce dont les partis francophones ne veulent pas.

16Aussi la loi du 13 décembre 2002 modifiant le Code électoral ainsi que son annexe et la loi du 13 décembre 2002 portant diverses modifications en matière de législation électorale prévoient-elles :

  • deux circonscriptions, celle de Louvain et celle de Bruxelles-Hal-Vilvorde, ne correspondant pas aux limites d’une province, ce qu’épinglera la Cour d’arbitrage en 2003 ;
  • la présentation séparée des candidats francophones et des candidats néerlandophones dans la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde, de façon à ajouter aux résultats des listes néerlandophones de cette circonscription ceux de la circonscription électorale de Louvain, les listes de candidats flamands de la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde étant identiques à celles présentées dans la circonscription de Louvain ;
  • le maintien de la possibilité d’apparentement entre les listes francophones déposées dans la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde et les listes déposées dans la circonscription du Brabant wallon.

17L’objectif poursuivi est de créer une sorte de circonscription flamande implicite rassemblant les électeurs de la circonscription de Louvain et les électeurs désirant voter pour des candidats flamands dans la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde et ce, sans scinder la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde et sans adjoindre Hal-Vilvorde à la circonscription de Louvain, ce qui aurait permis de faire correspondre le territoire de la circonscription à une province mais aurait, du même coup, empêché les électeurs de communes de la périphérie bruxelloise d’encore voter pour des candidats se présentant à Bruxelles.

18Les nouvelles dispositions légales font l’objet d’un avis du Conseil d’État  [6], lequel émet plusieurs objections que le gouvernement décide de ne pas retenir. Le Conseil d’État s’interroge ainsi, notamment, sur la différence de traitement entre les électeurs et les candidats de la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde selon qu’ils votent pour ou se présentent sur des listes déposées dans cette seule circonscription ou déposées également dans la circonscription de Louvain.

19Saisie de demandes d’annuler plusieurs de ces dispositions, déposées notamment par des élus du CD&V, de la N-VA et du Vlaams Blok, la Cour d’arbitrage rend le 26 mai 2003 un arrêt d’annulation des articles ou parties d’articles de la loi qui se rapportent aux circonscriptions de Louvain et de Bruxelles-Hal-Vilvorde, tout en maintenant les effets de certaines d’entre elles pour les élections législatives qui, entre-temps, ont eu lieu le 18 mai 2003.

20Les motifs d’annulation sont les suivants :

  • le nombre de sièges à pourvoir dans les circonscriptions de Bruxelles-Hal-Vilvorde et de Louvain ne dépend plus des chiffres de population respectifs des deux circonscriptions, ce qui est contraire à l’article 63, § 2, premier alinéa de la Constitution  [7];
  • les candidats de la province de Brabant flamand sont traités de manière différente des candidats des autres provinces, puisque ceux d’entre eux qui se présentent dans la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde se trouvent en compétition avec des candidats qui se présentent ailleurs que dans la province de Brabant flamand, et qu’il y a inégalité de traitement entre les candidats qui se présentent dans la circonscription de Louvain et ceux qui se présentent dans la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde.

21La Cour d’arbitrage reconnaît néanmoins que la situation particulière de l’ancienne province de Brabant peut justifier de prendre, pour ses circonscriptions électorales, des « modalités spéciales (…) afin de garantir les intérêts légitimes des néerlandophones et des francophones dans cette ancienne province ». La Cour ajoute que c’est au législateur d’arrêter ces modalités ; pour cette raison, elle admet le maintien de la circonscription mais seulement « pendant le délai de quatre ans prévu par l’article 65 de la Constitution prenant cours au moment déterminé par l’article 105 du Code électoral ».

22En avril 2005, le Premier ministre, Guy Verhofstadt, engage des négociations avec ses partenaires au sein de la coalition libérale-socialiste afin de résoudre le problème de Bruxelles-Hal-Vilvorde ou, plus exactement, d’apporter « une solution au problème posé par l’arrêt de la Cour d’arbitrage n° 73/2003 ».

1.3. LE PROJET D’ACCORD DE MAI 2005

23Le 10 mai 2005, ces négociations débouchent sur un projet d’accord dont il n’existe aucune version officielle, mais que des informations venues de plusieurs sources permettent de résumer comme suit  [8] :

  • l’élection des membres de la Chambre des représentants serait organisée, dans l’ancienne province de Brabant, dans quatre circonscriptions : Bruxelles, Hal-Vilvorde, Louvain et Nivelles. Mais les arrondissements administratifs de Bruxelles, de Hal-Vilvorde et de Louvain « forment trois collèges électoraux dans lesquels les mêmes listes électorales sont introduites », et il serait interdit de déposer des listes bilingues ;
  • dans les arrondissements de Louvain et de Hal-Vilvorde, l’électeur ne pourrait voter que pour des listes néerlandophones. Dans celui de Bruxelles et dans les six communes à facilités, il pourrait choisir ;
  • la répartition des sièges pour le total des listes dans ces trois arrondissements serait fixée à 16 N et 13 F (ou 15 N et 14 F, selon les versions) ;
  • l’article 89bis du Code électoral  [9] serait applicable aux habitants qui, « au moment des prochaines élections fédérales, ont le droit de vote » dans les communes de Beersel, Leeuw-Saint-Pierre, Dilbeek, Asse, Merchtem, Meise, Vilvorde, Machelen, Zaventem, Grimbergen, Overijse, Hoeilaart, Ternat, Biévène, Hal et Lennik (ce droit – le droit de voter pour des candidats de la circonscription de Bruxelles – serait donc extinctif et ne s’appliquerait pas aux nouveaux arrivants) ;
  • la Communauté française pourrait exercer sa compétence dans les six communes à facilités en matière d’enseignement, de politique des sports et de jeunesse, dans les matières personnalisables ;
  • les facilités seraient acquises dans les six communes à régime linguistique spécial à qui le demande, même une seule fois (la circulaire Peeters, qui impose de faire une demande à chaque fois qu’on veut faire usage des facilités linguistiques, ne serait donc plus d’application) ;
  • la législation sur l’emploi des langues à Bruxelles serait « modernisée » ; l’exigence de bilinguisme porterait par exemple, désormais, sur son caractère « fonctionnel », et le bilinguisme des services serait garanti, non celui des fonctionnaires ;
  • l’arrondissement judiciaire serait « dédoublé » avec un siège francophone et un siège néerlandophone comptant chaque fois un tiers de magistrats bilingues ; on réaliserait une scission verticale du parquet, avec un parquet de Bruxelles et un parquet de Hal-Vilvorde comptant chacun un cinquième de magistrats de l’autre rôle linguistique et un tiers de bilingues ;
  • la Région bruxelloise bénéficierait d’un financement complémentaire pour un montant global de 16 millions d’euros en 2006,32 millions en 2007,48 millions en 2008,64 millions en 2009, une partie de ces montants étant réservée aux commissions communautaires bruxelloises ;
  • la Région flamande bénéficierait d’un financement spécial pour « améliorer l’accessibilité d’habitations et de terrains dans la périphérie bruxelloise ».

24Ce projet d’accord n’aboutit pas. Il ne recueille notamment pas l’agrément d’un des partenaires de la coalition, Spirit (qui s’était présenté aux élections de 2003 en cartel avec le SP.A). Ce petit parti né de l’implosion de la Volksunie en septembre-octobre 2001 ne peut, en particulier, accepter l’intervention de la Communauté française dans les communes flamandes de la périphérie bruxelloise.

25Le 11 mai 2005, suite à l’échec de cette négociation, le Premier ministre Guy Verhofstadt demande et obtient la confiance de la Chambre. Mais les « difficultés nées de l’arrêt de la Cour d’arbitrage » n’en sont pas résolues, et aucune solution ne peut être trouvée avant la fin de la législature 2003-2007. Les propositions de loi déposées à la Chambre en vue de scinder l’arrondissement ne sont plus examinées en commission. La dissolution des Chambres, le 2 mai 2007, les rend caduques.

2. BRUXELLES-HAL-VILVORDE DANS LES CAMPAGNES ÉLECTORALES DE 2006 ET DE 2007

26Le dossier de Bruxelles-Hal-Vilvorde n’a donc pas avancé d’un pouce sur le plan institutionnel. Il va occuper une place relativement importante dans l’actualité politique des mois précédant les élections communales du 8 octobre 2006, et plus encore lors de la campagne électorale pour les élections fédérales du 10 juin 2007.

2.1. LES ÉLECTIONS COMMUNALES DU 8 OCTOBRE 2006

27À Bruxelles et dans sa périphérie, les partis en lice pour les élections communales du 8 octobre 2006 sont confrontés, lorsqu’ils veulent composer des listes bilingues, au dossier de Bruxelles-Hal-Vilvorde et à la difficulté de concilier les positions opposées que défendent les deux communautés dans cette affaire. Jean-Luc Vanraes, président flamand du CPAS d’Uccle et président de l’Assemblée de la VGC (VLD), signe ainsi une déclaration affirmant qu’il est opposé à la scission de la circonscription  [10] – déclaration apparemment destinée à lui permettre de figurer sur une liste MR bilingue aux côtés, notamment, de candidats du FDF. Ailleurs à Bruxelles, les libéraux et le FDF déposent des listes séparées parce que le PRL accueille, sur ses listes, des candidats flamands dont les positions sont jugées hostiles aux intérêts des francophones. C’est le cas à Koekelberg et à Jette.

28À Wemmel, commune à facilités (« à régime linguistique spécial ») encore dotée en 2000 d’un bourgmestre flamand, le PRL reste seul à se présenter sur la « liste du bourgmestre » ; les autres partis francophones (FDF, PS, CDH et Écolo) constituent une liste purement francophone, jugeant que le bourgmestre sortant, Marcel Van Langenhove (VLD), n’est pas un adversaire suffisamment résolu de la scission. Dans d’autres communes à facilités également, la menace de la scission pousse les partis francophones à tenter de former des listes d’union ; mais des listes francophones uniques ne sont finalement déposées qu’à Kraainem, Rhode-Saint-Genèse et Wezembeek-Oppem.

2.2. LES ÉLECTIONS FÉDÉRALES DU 10 JUIN 2007

29Vingt-cinq bourgmestres flamands de l’arrondissement administratif de Hal-Vilvorde (sur les 35 communes que compte cet arrondissement) décident de boycotter l’organisation des élections du 10 juin 2007, les jugeant inconstitutionnelles. Le délai de quatre ans visé par la Cour d’arbitrage a, selon eux, expiré le 18 mai 2007  [11]. Ils refusent en conséquence de dresser les listes électorales et d’envoyer les convocations, comme ils l’avaient déjà fait pour les élections européennes du 13 juin 2004  [12]. Le ministre flamand de l’Intérieur, Marino Keulen (Open VLD), interrogé à ce sujet en commission du Parlement flamand par les députés Joris Van Hauthem (Vlaams Belang) et Eric Van Rompuy (CD&V) le 17 avril 2007, déclare qu’il ne prendra pas de sanctions disciplinaires contre ces bourgmestres, puisque « la revendication d’une scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde est soutenue par tous les partis flamands ». Au demeurant, si les bourgmestres concernés contestent la constitutionnalité du scrutin, certains d’entre eux – et en premier lieu Michel Doomst (CD&V), bourgmestre de Gooik – y sont candidats et appellent les électeurs à y participer, faute de quoi le nombre d’élus flamands de la circonscription bilingue pourrait fortement baisser  [13].

30Certains assesseurs de bureaux de vote du Brabant flamand refusent, pour le même motif, de siéger. Le tribunal correctionnel de Termonde en acquittera plusieurs en septembre 2007, estimant qu’ils ont fait prévaloir la Constitution sur leur obligation civique ; mais la Cour d’appel de Gand les condamnera à une amende le 17 janvier 2008. D’autres seront condamnés à une amende par le tribunal correctionnel de Bruxelles le 20 décembre 2007 et par le tribunal correctionnel de Louvain le 17 janvier 2008.

2.3. LE PROGRAMME DES PARTIS

31Le programme des partis flamands pour les élections fédérales du 10 juin 2007 est, à chaque fois, pourvu d’un volet institutionnel.

32Le CD&V met l’accent sur la « bonne gouvernance » (goed bestuur) dont une condition est l’octroi de compétences accrues à la Flandre (meer Vlaanderen). Il est question d’une « évolution confédérale » impliquant le « maintien de la solidarité » avec les francophones. Pour Bruxelles, le CD&V plaide pour une application « correcte » de la loi linguistique ; en ce qui concerne la périphérie bruxelloise, il réaffirme que « la périphérie flamande se situe intégralement en Flandre. Ceci ne peut être négocié ; il ne peut absolument pas être question d’un élargissement de Bruxelles. Le CD&V souhaite évidemment réaliser la scission de l’arrondissement judiciaire et électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde. » La N-VA (Nieuw-Vlaamse Alliantie), en cartel pour ces élections avec le CD&V, veut une « nouvelle réforme de l’État » dont le but final doit être l’indépendance de la Flandre ; d’ici là (« notre stratégie est celle du progrès ; étape après étape vers la création d’un État flamand »), elle rappelle les engagements pris dans le cadre de l’accord de gouvernement flamand, qui prévoient le transfert des compétences en matière de soins de santé, d’allocations familiales, d’emploi, de mobilité en ce compris les chemins de fer, de recherche scientifique, de police et de justice et l’octroi de l’autonomie fiscale. Cet accord inclut également la revendication d’une scission « évidente, et prioritaire » de l’arrondissement électoral et judiciaire de Bruxelles-Hal-Vilvorde ». Le cartel CD&V–N-VA va aux élections avec un programme communautaire commun prônant « l’organisation confédérale de l’État », réaffirmant lui aussi la volonté de scinder les deux arrondissements.

33L’Open VLD est partisan lui aussi d’une autonomie accrue de la Flandre en matière socio-économique et financière, avec maintien de la solidarité y compris interpersonnelle, « mais sur la base de paramètres objectifs et transparents ». La partie institutionnelle du programme de l’Open VLD s’achève par cette conclusion : « Enfin, il faut trouver une solution pour la situation difficile que connaît actuellement la périphérie bruxelloise. Les facilités linguistiques n’étant plus conciliables avec la logique fédérale, le parti est favorable à leur extinction progressive. Par contre, il faut mener une politique d’accueil à l’égard des nouveaux habitants qui parlent d’autres langues, afin de mettre en valeur le caractère international de Bruxelles. Par ailleurs, il faut scinder la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde. »

34Le Vlaams Belang est favorable à l’indépendance de la Flandre, puisque « la souveraineté d’une nation émane du peuple même ». Bruxelles doit être la capitale de cette nation flamande, avec des garanties pour les Bruxellois francophones. Le Vlaams Belang exige « la scission correcte et de l’arrondissement électoral, et de l’arrondissement judiciaire de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Le gouvernement flamand est lui aussi convaincu de la nécessité de la scission et a indiqué dans son accord qu’elle devait avoir lieu sans délai. Tant que ce n’est pas le cas, les partis politiques francophones ont intérêt, électoralement, à favoriser la francisation de la région. Il est enfin évident que, pour les mêmes raisons, le Vlaams Belang veut mettre fin immédiatement aux facilités linguistiques dont bénéficient les francophones. Ils n’ont droit à un statut spécial qu’à Bruxelles. »

35Le SP.A juge « inutile » l’indépendance de la Flandre et se borne à demander la régionalisation de quelques compétences comme les chemins de fer ou l’emploi. Ce chapitre de son programme électoral est extrêmement sommaire, et il n’y est pas question de la scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Spirit, qui se présente en cartel avec les socialistes flamands, souhaite confier aux régions toute une série de compétences actuellement fédérales (la justice, l’emploi dans sa totalité, une partie de la sécurité sociale notamment), revendique l’autonomie fiscale et considère que « la scission de l’arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde en une circonscription électorale flamande/néerlandophone de Bruxelles-Hal-Vilvorde et une circonscription électorale wallonne/francophone de Bruxelles-Nivelles ne peut plus être postposée ».

36Les écologistes de Groen ! défendent le caractère fédéral de l’État belge, mais plaident pour la constitution d’enveloppes de compétences plus homogènes. Ils se disent « favorables à la scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde, mais Groen ! veut s’assurer dans ce cadre que les droits des Bruxellois flamands soient pleinement garantis ».

37Quant aux partis francophones, leurs revendications sur ce point – et, de façon générale, en matière institutionnelle – sont radicalement opposées à celles des partis flamands.

38Le programme électoral du PS souligne que « les francophones de Flandre, et singulièrement des six communes à facilités et des Fourons, sont souvent victimes de tracasseries de la part des autorités flamandes qui ne respectent pas les droits dont ils bénéficient ». En particulier – outre qu’il demande « l’élargissement des frontières de Bruxelles aux communes de la périphérie bruxelloise » – le PS constate que « l’arrondissement électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde fait partie des garanties des francophones de l’arrondissement, et singulièrement ceux des communes à facilités, puisque ceux-ci peuvent voter pour les candidats francophones de leur choix et sont assurés de l’effet utile de leur vote ». Dès lors, « le PS continuera à s’opposer à toute atteinte à ces droits légitimes et fondamentaux dans notre démocratie ». En matière institutionnelle, le même programme insiste surtout sur les synergies entre Bruxelles et la Wallonie et sur « le dialogue et la connaissance réciproque des trois communautés ».

39Le FDF, dans son programme général, insiste sur le fait qu’il est « démocrate » et que « les 120 000 francophones de la périphérie, assignés à vivre en Flandre par l’application des lois linguistiques, ne peuvent faire part de leur volonté d’être rattachés à la région bruxelloise. (…) La Flandre considère que les frontières linguistiques sont des frontières d’État. » En présentant le 7 juin 2007 ses « priorités institutionnelles », le MR réaffirme quant à lui qu’il est et reste opposé « à toute scission de l’arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde qui priverait les électeurs francophones du droit de voter pour des listes de leur choix, qui priverait les francophones du droit de se porter candidat, qui n’apporterait à personne des droits supplémentaires et qui relève exclusivement d’une logique d’exclusion ».

40Le CDH propose de « renforcer les institutions fédérales » et de « respecter les droits des francophones dans l’ensemble du pays », ce qui suppose notamment de « refuser tout démantèlement des droits des francophones de la périphérie » et de « refuser de remettre en cause l’existence de l’arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde à moins d’élargir les frontières de la Région de Bruxelles-Capitale et d’obtenir des garanties équivalentes à l’intérêt que représente l’arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde pour les autres francophones de la périphérie ».

41Écolo veut que soient respectés « tous les citoyens à Bruxelles, dans la périphérie et au-delà », ceci impliquant le « respect des protections de la minorité flamande et des réalités multiculturelles de la Région » (de Bruxelles-Capitale), mais aussi un « élargissement de la Région de Bruxelles-Capitale », du moins « dans l’hypothèse où s’ouvrirait une discussion institutionnelle large dépassant la mise en œuvre de certains ajustements à l’intérieur de l’équilibre institutionnel actuel ».

42Pour ce qui est du dossier de Bruxelles-Hal-Vilvorde, qu’ils en parlent explicitement ou non, les partis en lice pour les élections fédérales du 10 juin 2007 défendent donc, de part et d’autre de la frontière linguistique, des thèses radicalement opposées. Les partis flamands demandent tous (y compris Groen !) une scission qui, à leurs yeux, est le seul moyen de respecter l’unilinguisme des régions linguistiques, d’endiguer l’expansionnisme francophone et de favoriser l’intégration des francophones (et autres minorités linguistiques) dans la région de langue néerlandaise. Ils sont tous, de surcroît, favorables à des mesures qui puissent prévenir la perte prévisible de sièges flamands à Bruxelles en cas de scission pure (sans apparentement). Les partis francophones, à l’inverse, souhaitent tous maintenir la circonscription pour préserver les droits électoraux dont y bénéficient actuellement les francophones, notamment parce que la circonscription électorale unique, comme les facilités, sont les éléments constitutifs d’un accord – celui de Val Duchesse, en 1963 – qui ne peut être modifié unilatéralement. Si tel devait être le cas, si l’on devait donc scinder la circonscription, ils préconisent un élargissement de la Région de Bruxelles-Capitale pour garantir par un autre biais les droits des francophones de la périphérie bruxelloise. Cette revendication est au demeurant régulièrement avancée aussi dans un contexte institutionnel plus général : envisageant l’éventualité de l’éclatement du pays, des responsables politiques francophones veulent garantir dès à présent le rattachement des ou de communes à facilités de la périphérie à la Région de Bruxelles-Capitale, qui est bilingue.

3. DES ÉLECTIONS FÉDÉRALES DU 10 JUIN 2007 À L’ÉCHEC DE LA PREMIÈRE FORMATION DE GOUVERNEMENT

3.1. LES RÉSULTATS DES ÉLECTIONS DU 10 JUIN 2007

43En Flandre, les élections du 10 juin 2007 modifient considérablement les rapports de force politiques. Le cartel CD&V-N–VA devient la première formation en recueillant près de 30% des votes, suivi (dans cet ordre) par le Vlaams Belang, l’Open VLD et le cartel SP.A-Spirit, tous trois cependant à moins de 20%. Groen ! (6,3%) fait son retour à la Chambre après une absence de quatre ans ; la liste LDD, menée par l’ancien sénateur VLD Jean-Marie Dedecker, obtient pour sa première participation à un scrutin 6,5% des voix et cinq élus à la Chambre.

44En Wallonie, le PS (29,5% des voix) perd sa place de premier parti pour la première fois depuis l’instauration du suffrage universel ; il la cède au MR (31,2% des suffrages). Le CDH enregistre un léger progrès (15,8%) tandis qu’Écolo se redresse après sa défaite de 2003 (12,8%). Le Front national (extrême droite) stagne à 5,6%, gardant un élu à la Chambre.

45Dans la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde, non scindée, les élections législatives du 10 juin 2007 confirment l’augmentation régulière, depuis plusieurs années, du nombre d’électeurs francophones dans les communes flamandes de la périphérie bruxelloise et même au-delà  [14]. Dans les six cantons de l’arrondissement administratif de Hal-Vilvorde (qui incluent les communes à facilités), la part des listes francophones atteint au total 22,2 % des votes valables – pourcentage en hausse par rapport à mai 2003 (20,5 %) et par rapport à 1999 (18,8%). Cette augmentation est d’autant plus remarquable que contrairement à 2003, les votes des Belges à l’étranger inscrits dans la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde et qui votent par correspondance sont, cette fois, comptabilisés dans un bureau spécial du SPF Affaires étrangères et non plus ajoutés aux suffrages émis dans le canton de Lennik. Le tableau ci-après fait bien voir que la hausse se présente dans tous les cantons sauf celui de Lennik, mais que la baisse enregistrée dans ce dernier canton est compensée par les hausses des cinq autres.

Tableau 1

Chambre des représentants – Élections législatives

Tableau 1
Tableau 1 : Chambre des représentants – Élections législatives Répartition des votes dans les cantons de Hal-Vilvorde (1999-2007) Année Asse Hal Lennik Meise Vilvorde Zaventem Total 1999 8 489 18 885 1 503 9 494 6 218 19 892 64 471 2003 8 343 20 488 8 435 9 893 6 604 19 373 73 167 2007 10 934 23 183 2 152 11 610 8 396 22 077 78 352

Chambre des représentants – Élections législatives

46Parmi ces listes francophones, le MR se taille la part du lion : 30 096 voix en 1999, 38 221 en 2003 et 39 993 en 2007 soit respectivement 46,7 %, 52,2 % et 51 %.

47Dans les cantons bruxellois, le MR est en progrès (32%) et le PS (21,5%) en recul ; le CDH et Écolo parviennent à dépasser les 10% des voix. Le Vlaams Belang, malgré une perte relativement importante, conserve sa place de premier parti flamand à Bruxelles avec 3,1% des suffrages.

48Au total, les 150 sièges de la Chambre se répartissent comme suit : 30 CD&V–N-VA, 23 MR, 20 PS, 18 Open VLD, 17 Vlaams Belang, 14 SP.A-Spirit, 10 CDH, 8 Écolo, 5 LDD, 4 Groen et 1 FN. Il en résulte notamment qu’une coalition symétrique disposant d’une majorité à la Chambre et dans chacun des groupes linguistiques n’est envisageable (sauf à former un gouvernement d’union nationale rassemblant les trois grandes familles politiques) qu’en associant les partis libéraux et les partis orange, sachant néanmoins que cinq des trente députés du cartel CD&V–N-VA sont des élus qui appartiennent au parti nationaliste flamand et que dès lors, s’ils faisaient défaut, une telle coalition n’aurait plus la majorité dans le groupe linguistique néerlandais de la Chambre. Dès le 11 juin, après avoir été reçu par le roi, Didier Reynders, président du MR, déclare qu’il y a « une seule bipartite possible », qui allie les libéraux, le cartel CD&V ? N-VA et le CDH  [15]. Dès ce moment, cette formule de coalition est appelée « orange bleue » par référence à la couleur des partis qui la composent.

3.2. DE LA DÉSIGNATION D’UN INFORMATEUR À CELLE D’UN FORMATEUR

49Le mardi 12 juin 2007 en soirée, après avoir reçu en audience les présidents des différents partis représentés au Parlement (y compris Jean-Marie Dedecker, chef de file de la LDD, mais à l’exception du FN et du Vlaams Belang), le Roi nomme informateur Didier Reynders, président du MR, vice-premier ministre du gouvernement Verhofstadt II. Reynders accepte la mission et entame, en son cabinet de ministre des Finances du gouvernement démissionnaire, des consultations très larges : contacts bilatéraux (notamment avec les présidents sortants de la Chambre des représentants et du Sénat, avec le Premier ministre Guy Verhofstadt, avec le gouverneur de la Banque nationale, avec les présidents des partis francophones et flamands), et tables rondes articulées par thème (développement durable, santé, mobilité, énergie, sécurité, etc.). Il reçoit ainsi plus de 200 personnes.

50Le 20 juin 2007, Didier Reynders présente un premier rapport intermédiaire au Roi. Le rapport définitif est déposé le 4 juillet. Ce rapport dresse l’état budgétaire, économique et financier de la Belgique et avance une série de recommandations. En matière institutionnelle, il se borne à rappeler la liste des articles de la Constitution soumis à révision par les Chambres sortantes, la liste des compétences susceptibles de faire l’objet d’un réaménagement afin de les rendre plus homogènes et/ou plus cohérentes, les options de redécoupage des circonscriptions électorales – dont celle de Bruxelles-Hal-Vilvorde.

51Le lendemain, 5 juillet, le Roi confie à Jean-Luc Dehaene (CD&V), ancien Premier ministre, une mission de médiation et de négociation. Il n’est pas chargé de former un gouvernement ni même de négocier un accord, mais « d’ouvrir la voie pour qu’un formateur puisse entamer des négociations gouvernementales sous les meilleurs auspices  [16] ». À la presse qui l’interroge sur sa position en tant que bourgmestre de Vilvorde dans le dossier de Bruxelles-Hal-Vilvorde – il a prôné, avec plusieurs de ses collègues, le boycot organisationnel des élections du 10 juin – il répond qu’en la matière, il est « sur la même ligne que tous les partis flamands ».

52Dès le 15 juillet, Jean-Luc Dehaene remet sa démission – de manière assez abrupte et inattendue, peut-être en raison du manque de soutien dont il bénéficie dans son propre parti. Il conclut sa mission en estimant que la coalition dite orange bleue est la seule crédible, et que les quatre formations qui doivent la composer « pourront répondre positivement à une invitation pour entamer des négociations  [17] », ce qui n’était pas acquis dans le chef du CDH.

53Le 15 juillet, le Roi nomme formateur du gouvernement Yves Leterme (CD&V), dont le score personnel (796 521 voix sur la liste CD&V–N-VA aux élections sénatoriales) fait le grand vainqueur des élections du 10 juin. Leterme, élu sénateur, a prêté serment en cette qualité le 28 juin 2007 et a démissionné la veille du poste de ministre-président du gouvernement flamand, qu’il occupait depuis 2004. Son objectif était donc bien d’avoir les mains libres pour négocier la formation d’un gouvernement fédéral.

3.3. LES PROPOSITIONS DE LOI FLAMANDES

54Le 12 juillet 2007, une fois la Chambre constituée, les différents groupes politiques flamands déposent, chacun séparément, des propositions de loi « modifiant les lois électorales, en vue de scinder la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde ». Il s’agit des propositions :

  • doc. 52 0027/001 de Gerolf Annemans, Filip De Man et Bart Laeremans (Vlaams Belang), 12 juillet 2007 ;
  • doc. 52 0031/001 de Jean-Marie Dedecker (LDD) 12 juillet 2007 ;
  • doc. 52 0033/001 de Hans Bonte et Bruno Tobback (SP.A-Spirit), 12 juillet 2007 ;
  • doc. 52 0037/001 de Pieter De Crem, Sonja Becq, Carl Devlies, Bart De Wever, Michel Doomst et Herman Van Rompuy (CD&V–N-VA), 12 juillet 2007 ;
  • doc. 52 0038/001 de Bart Somers, Rik Daems, Maggie De Block et Luk Van Biesen (Open VLD), 12 juillet 2007.

55Aucune proposition n’émane des députés écologistes flamands, qui forment à la Chambre un groupe unique avec leurs collègues francophones sous le nom « Écolo-Groen ! ». Par ailleurs, la proposition n° 0033/001 est uniquement signée par des députés socialistes flamands, le cartel SP.A/Spirit n’ayant pas réussi à faire élire, le 10 juin, de candidats présentés par Spirit à la Chambre des représentants. Enfin, des propositions sont également déposées par les différents groupes précités pour régler, conformément à l’article 77 de la Constitution, la scission de la circonscription pour les élections sénatoriales et européennes – élections que ne vise pas, on le notera, l’arrêt de la Cour d’arbitrage de 2003.

56Des propositions à l’objet similaire avaient déjà été déposées lors de la législature 2003-2007  [18].

57Les propositions déposées en 2007 par les partis flamands, en ce compris la proposition déposée par des membres du groupe Vlaams Belang, ont une caractéristique commune : elles scindent la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde et créent, dans l’ancienne province de Brabant, trois circonscriptions : celle du Brabant wallon, celle du Brabant flamand (qui inclut les communes de l’arrondissement administratif de Hal-Vilvorde) et celle de Bruxelles, limitée aux dix-neuf communes de l’arrondissement administratif de Bruxelles. Pour éviter que cette scission aboutisse à ce que les listes flamandes ne puissent plus faire élire de députés dans la nouvelle circonscription de Bruxelles, où les néerlandophones sont relativement peu nombreux, ces propositions prévoient un système d’apparentement : les listes bruxelloises peuvent former groupe avec des listes du Brabant flamand ou du Brabant wallon, mais pas avec les deux à la fois.

58À vrai dire, les différents textes déposés en juillet 2007 sont identiques à la virgule près aux propositions doc. 51 0333/001 et doc. 51 1379/001, signées à l’époque par les partis qui composent le gouvernement flamand  [19]. Leurs auteurs affirment avoir tenu compte des avis donnés par le Conseil d’État en août et en octobre 2004, puis en janvier 2005, sur ces propositions plus anciennes, ainsi que de l’arrêt de la Cour d’arbitrage du 26 mai 2003. Une seule des propositions de 2007 s’écarte sur un point de ces textes de nature apparemment consensuelle : la proposition des députés socialistes flamands Hans Bonte et Bruno Tobback prévoit également la possibilité de doubles candidatures sur les listes apparentées, possibilité qui ne figure pas dans les autres propositions flamandes et qui répond mutatis mutandis aux objectifs que poursuivait la loi de 2002 . Son auteur principal, Hans Bonte, signalera dans le cours de l’examen en commission qu’il est « disposé à soutenir la proposition de loi du CD&V–N-VA », dans la mesure où sa propre proposition « n’a (…) pas encore été adaptée aux observations techniques formulées par le Conseil d’État  [20] ».

59L’urgence pour l’examen de ces différentes propositions de loi est demandée, en séance plénière du 12 juillet 2007, par les députés Gerolf Annemans (Vlaams Belang) et Bart Somers (Open VLD). Elle est acceptée par la Chambre : tous les députés flamands présents votent en faveur de l’urgence et tous les députés francophones contre (75 voix contre 45). Les vacances parlementaires empêchent cependant cette décision d’être aussitôt suivie d’effet.

60Le 6 septembre 2007, la Conférence des présidents de la Chambre – l’organe qui décide de l’ordre du jour des séances plénières de l’assemblée – procède notamment au partage des présidences des commissions parlementaires. Cette opération se fait en appliquant le système D’Hondt : chaque parti se voit attribuer un certain nombre de présidences en fonction du nombre de ses députés, et le parti qui compte le plus de députés dispose du premier choix. Le groupe CD&V–N-VA, groupe le plus nombreux de la Chambre, choisit la présidence de la commission de l’Intérieur ; c’est Pieter De Crem  [21], chef du groupe CD&V de la Chambre sous la législature 2003-2007, qui exercera cette fonction. La Conférence des présidents accepte, à la demande du député Gerolf Annemans (Vlaams Belang), que la commission de l’Intérieur se réunisse la semaine qui suit. Elle ne se saisira cependant du dossier qu’à sa réunion du 26 septembre 2007.

3.4. LA PREMIÈRE TENTATIVE DU FORMATEUR YVES LETERME

61Une fois nommé formateur par le roi, Yves Leterme se voit confronté aux déclarations de ceux, Flamands, qui veulent que la scission de la circonscription se fasse « sans prix à payer », parce qu’elle ne serait rien d’autre qu’une « adaptation d’une circonscription électorale à la Constitution », et de ceux, chez les francophones, qui demandent en compensation de cette scission – qu’ils rejettent – un élargissement de la Région bruxelloise aux six communes à facilités ou même au-delà.

62C’est sans doute pour cette raison que, dans une première phase, le dossier de Bruxelles-Hal-Vilvorde ne sera guère abordé. D’une part, les partis flamands se gardent bien d’inclure ce dossier dans la liste de leurs revendications « communautaires » : pour eux, ce n’est pas vraiment une revendication, c’est une obligation découlant de la Constitution et de l’arrêt de la Cour d’arbitrage. D’autre part, le formateur choisit, à ce stade, de ne trancher les difficultés de ce type qu’après avoir engrangé des accords sur d’autres points.

63Le 22 juillet 2007, Yves Leterme présente aux négociateurs de l’accord de gouvernement – à savoir le cartel CD&V–N-VA, l’Open VLD, le MR et le CDH – une note qui doit permettre d’entamer les discussions. Elle ne comprend pas de volet institutionnel à proprement parler, sauf ces quelques phrases : « Le gouvernement entend apporter une large contribution à la réforme de l’État » et « En vue d’un renforcement du fonctionnement de notre démocratie », le gouvernement ouvrira un débat sur l’adaptation du système électoral, « notamment l’obligation de vote, la suppléance, le calendrier électoral et l’arrondissement électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde ». Sur ce dernier point, il « prendra une initiative législative » pour le début de la session parlementaire 2007-2008. La note contient au demeurant, dans ses divers autres chapitres, plusieurs points qui concernent les relations entre communautés ou entre régions : régionalisation de la loi sur les implantations commerciales, ristournes régionales à l’impôt des sociétés, participation des régions aux décisions en matière d’infrastructure ferroviaire, implication des communautés et régions dans la gestion des établissements scientifiques et culturels fédéraux, etc. Elle évoque aussi la scission de l’arrondissement judiciaire de Bruxelles-Hal-Vilvorde, en s’inspirant de la formule imaginée en 2005 par les négociateurs du gouvernement Verhofstadt II mais en réduisant certaines garanties réservées aux justiciables francophones non bruxellois.

64Cette première note, intitulée « La force des gens », est accueillie fraîchement par les partis francophones pressentis pour former la coalition. Le MR considère qu’elle est trop exclusivement axée sur les priorités du cartel CD&V–N-VA, et le CDH la juge « totalement indigeste ». Bart Somers, président de l’Open VLD, se dit « déçu par un texte fort vague », qui manque selon lui de perspectives concrètes et d’ambition.

65Néanmoins, les négociations – qui se déroulent au château de Val Duchesse, à Bruxelles – progressent, mais lentement. Le 26 juillet, le principe d’une réforme fiscale est acquis, impliquant une baisse de l’impôt des personnes physiques. Dans ce dossier spécifique, libéraux et sociaux-chrétiens s’opposent sur le bilan du gouvernement démissionnaire et, partant, sur la possibilité réelle de procéder à des aménagements fiscaux.

66Le 30 juillet, Yves Leterme met en place parmi les négociateurs de l’accord de gouvernement deux groupes de travail afin d’entamer une discussion sur les questions institutionnelles. Un premier groupe est chargé d’examiner la scission de l’arrondissement judiciaire de Bruxelles-Hal-Vilvorde, un deuxième les réformes susceptibles d’être adoptées à la majorité simple au Parlement, sans donc que la future coalition orange-bleue doive chercher des appuis extérieurs pour faire voter ses projets. La coalition en construction ne dispose pas, en effet, de la majorité spéciale (les deux tiers des voix et la majorité dans chacun des groupes linguistiques de chaque Chambre) requise pour adopter des modifications aux lois qui règlent la répartition des compétences entre l’Autorité fédérale et les communautés et régions. Le lendemain, Y. Leterme soumet aux négociateurs une liste, en 13 points, de matières où les pouvoirs des régions ou des communautés pourraient être renforcés sans recours à cette majorité spéciale.

67Cette liste est jugée insuffisante par les négociateurs flamands, et certains de ses points inacceptables par les négociateurs francophones. Une « erreur de traduction » fait bien croire, un moment, qu’un accord est possible sur la réforme de l’arrondissement judiciaire – mais c’est parce qu’il est question dans le texte de néerlandais de « splitsing » (scission) et dans le texte français de « dédoublement ». Au terme d’une longue journée de discussions, le 2 août, un seul accord semble conclu : la représentation des communautés et régions au sein du Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme.

68Le 8 août, la discussion reprend sur la base de la note initiale du formateur, qu’il a complétée et amendée en fonction des éléments avancés jusque là dans le cours des négociations. Les participants semblent cependant de plus en plus excédés par ce que les journaux appellent « la méthode Leterme », et notamment par la lenteur du processus. La négociation se poursuit les jours suivants, essentiellement sur les priorités budgétaires de 2008. L’opportunité d’une hausse des accises sur le mazout de chauffage et l’essence est à l’origine d’une certaine confusion.

69Le 12 août, Y. Leterme présente aux négociateurs francophones la liste des demandes flamandes en matière institutionnelle, dressée par les négociateurs du cartel CD&V– N-VA et de l’Open VLD pour compléter sa propre liste en 13 points, en y ajoutant des réformes dont plusieurs devront être adoptées à la majorité spéciale : régionalisation de l’impôt des sociétés, suppression de l’enveloppe fédérale destinée à la politique des grandes villes, régionalisation de la compétence fédérale sur les baux de logement et les loyers, régionalisation des conventions collectives de travail, implication des communautés dans la politique des allocations familiales notamment. Rien sur Bruxelles-Hal-Vilvorde, ce qui est logique puisqu’aux yeux des partis flamands de la coalition en chantier, il ne s’agit que de répondre à un arrêt de la Cour d’arbitrage, ce qui ne doit dès lors pas faire l’objet d’une négociation, encore moins d’une contrepartie. Tel n’est évidemment pas l’avis des partis francophones. Aussi les négociateurs francophones établissent-ils à leur tour, le 16 août, une liste de demandes à inclure dans le volet communautaire des discussions : consultation populaire dans les communes du Brabant flamand pour connaître l’appartenance linguistique des habitants, possibilité pour la Communauté française et la Région bruxelloise d’agir en dehors de leurs frontières, suppression de la double majorité au Parlement bruxellois, organisation d’un Sénat paritaire. Sans doute savent-ils que ces revendications sont inacceptables aux yeux des négociateurs flamands, mais ils répliquent ainsi à ce qu’ils considèrent comme des outrances de la part de ces derniers.

70L’impasse semble totale, et les quelques accords engrangés par les négociateurs paraissent maigres au regard de leur incapacité à entamer la moindre discussion sur le volet institutionnel du futur programme gouvernemental. À l’issue d’un nouvel entretien avec le roi, ce dernier suspend les négociations le 18 août sans décharger Yves Leterme de sa mission de formateur. Yves Leterme continue d’ailleurs, mais cette fois dans un cadre plus informel, à rencontrer les présidents des autres partis impliqués dans la formation du gouvernement. Il s’efforce, en particulier, de rallier ses partenaires francophones à l’idée d’intégrer à l’accord de gouvernement certains points qui ne peuvent être réglés qu’à la majorité spéciale des deux tiers, même si la formule gouvernementale envisagée ne dispose pas de cette majorité. Le CDH est opposé à cette proposition, jugeant impossible de négocier des accords de ce type avant la formation du gouvernement pour devoir, ensuite, chercher avec qui les faire aboutir.

71Le 23 août, Yves Leterme demande au Roi à être déchargé de sa mission. Dans un communiqué diffusé à cette occasion, il précise : « J’ai constaté ce jeudi midi qu’il était impossible d’arriver à mettre au point un programme de gouvernement ambitieux pour lequel l’électeur a donné un signal clair le 10 juin dernier. » En l’occurrence, il semble bien que la volonté de faire souscrire aux négociateurs un programme institutionnel incluant des réformes à adopter à la majorité spéciale ait constitué la principale pierre d’achoppement de cette première tentative de formation.

4. DE L’EXPLORATEUR À LA DEUXIÈME TENTATIVE DE FORMATION

72Le roi, après avoir reçu en audience l’ancien informateur Didier Reynders, puis plusieurs ministres d’État (Gérard Deprez, Willy Claes, Philippe Busquin, José Daras, Charles-Ferdinand Nothomb, Louis Michel), nomme le 29 août un « explorateur » en la personne de Herman Van Rompuy (CD&V), qui a par ailleurs succédé à Herman De Croo au poste de président de la Chambre des représentants le 12 juillet 2007. L’explorateur n’est pas chargé de former un gouvernement mais d’examiner les possibilités de rapprocher les positions des partis qui ont participé aux négociations gouvernementales. La fonction n’est pas vraiment nouvelle, malgré son titre inhabituel : dans les vingt dernières années, il est arrivé à plusieurs reprises que le Roi charge une ou plusieurs personnalités politiques, avant de désigner un formateur, d’une tâche de médiation.

73Contrairement à Yves Leterme, Herman Van Rompuy exerce sa mission dans la plus grande discrétion. Il élargit ses consultations à Écolo, qui décide toutefois le 3 septembre de ne participer aux négociations que sans la N-VA et avec les écologistes flamands. Cette réponse, en réalité, ferme la porte à un élargissement de la coalition aux verts.

74Le 10 septembre, le Parlement flamand se réunit en séance plénière pour examiner la demande d’urgence que dépose le député Filip Dewinter (Vlaams Belang) au bénéfice de sa proposition de décret portant organisation d’un référendum en Flandre sur l’indépendance flamande. Vu les circonstances, l’intérêt que suscite cette réunion est inversement proportionnel au soutien dont bénéficie la proposition du Vlaams Belang : en présence de nombreux journalistes de la presse belge mais surtout de la presse étrangère, le Parlement flamand repousse la demande d’urgence par assis et levés.

75Fin septembre, en guise de compensation à la scission de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde, la piste d’un droit général à voter là où on le souhaite (en néerlandais : uitschrijvingsrecht) semble un moment faire son chemin. Est également évoquée la proposition d’un groupe de professeurs d’université portant le nom de Groupe Pavia – la rue où habite un de ses animateurs, le professeur Philippe Van Parijs de l’Université catholique de Louvain – qui propose la création d’une circonscription électorale fédérale s’ajoutant aux circonscriptions provinciales. Chacune de ces deux formules ambitionne, d’une manière différente, de régler le problème de la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde : celle-ci pourrait en effet être scindée sans contraindre les électeurs francophones habitant des communes du Brabant flamand à voter pour des listes propres à la nouvelle circonscription flamande. La N-VA est, néanmoins, totalement opposée à l’idée d’une circonscription fédérale qui ferait « de la Belgique une circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde en plus grand » et le CD&V n’est guère plus favorable à ce qu’il considère comme une « extension des facilités ». Dans une tribune libre publiée par La Libre Belgique, le ministre de l’Intérieur du gouvernement fédéral démissionnaire Patrick Dewael (Open VLD) plaidera pourtant par la suite pour la création d’une circonscription électorale fédérale, « élément fédérateur » susceptible de faire progresser le respect mutuel et le dialogue  [22]. Il s’était déclaré favorable à cette piste dès avant les élections.

76Le 25 septembre, Herman Van Rompuy semble obtenir l’accord des présidents des quatre partis présents à la table des négociations sur une réforme de l’État en quatre phases : une première dès la mise en place du gouvernement (à réaliser à la majorité simple), une seconde dans les trois mois (notamment en matière électorale, et donc en particulier pour le dossier de Bruxelles-Hal-Vilvorde), la troisième par transferts de compétences en recherchant d’emblée la majorité spéciale requise, et la quatrième sur la base d’un accord communautaire négocié par des « sages », à aboutir avant 2009. Néanmoins, le CD&V et la N-VA refusent d’avaliser cet accord en l’état, le jugeant incomplet. À propos de Bruxelles-Hal-Vilvorde, le texte de l’explorateur reprend en outre l’idée de faire déposer par le gouvernement un projet de loi pour résoudre le problème, ce que le cartel refuse : la Chambre doit, à ses yeux, poursuivre sans autre obstacle l’examen des propositions déposées en juillet.

77Le 29 septembre pourtant, après qu’Herman Van Rompuy a fait rapport sur les résultats de sa mission d’exploration, le Roi accepte sa demande d’en être déchargé au motif que des « éléments de convergence » suffisants permettent de reprendre les négociations sous la conduite d’un formateur. Le témoin repasse ainsi aux mains d’Y. Leterme.

78Nommé une deuxième fois formateur, il s’attelle de nouveau à obtenir un maximum d’accords partiels sur une série de points sans aborder directement les dossiers institutionnels. Il y parvient successivement en matière de politique internationale, de politique migratoire, de politique européenne, de coopération au développement, de sécurité internationale, de défense, de soins de santé (sans référence à une éventuelle communautarisation du secteur) et d’environnement notamment.

79Le 25 octobre, Yves Leterme présente aux négociateurs ses propositions en matière socio-économique. Le MR et l’Open VLD les jugent insuffisamment libérales, et les libéraux flamands déposent des « dizaines » d’amendements pour rétablir, notamment, la limitation dans le temps des allocations de chômage. L’atmosphère dans le groupe des négociateurs ne s’est guère améliorée. Alors que Leterme bénéficie toujours, selon toute apparence, du soutien sans faille du cartel CD&V–N-VA, les autres négociateurs lui reprochent une méthode de travail confuse, voire « apathique ».

80De plus, parallèlement aux négociations gouvernementales, l’examen en commission de l’Intérieur de la Chambre des propositions de scission de la circonscription se poursuit. Le sentiment s’installe qu’une course-poursuite se déroule entre des parlementaires (majoritairement flamands) pressés de voter un texte de loi qui concrétise les aspirations flamandes sans contrepartie pour les partis francophones et risque dès lors de plomber tout compromis entre les négociateurs de l’accord gouvernemental, et les chefs des partis (en tout cas francophones), soucieux d’éviter ce vote en parvenant, avant le jour fatidique, à une solution négociée.

81Dans un entretien au journal De Morgen, Didier Reynders se montre ainsi prêt à accepter une discussion sur la scission de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde, à une « ouverture » – ce sont ses mots – « pour trouver un compromis communautaire ». Il demande en échange l’instauration d’une circonscription électorale fédérale de 30 ou 40 députés qui viendraient s’ajouter aux 150 élus de la Chambre, un renforcement du financement de Bruxelles, la refédéralisation de certaines compétences (prévention sanitaire, commerce extérieur…), le droit de la Communauté française à agir en dehors de son territoire et singulièrement dans les communes à facilités. Il renonce, dans l’hypothèse d’une scission négociée, à réclamer l’élargissement de la Région bruxelloise  [23]. Ce « pacte de paix » ne permet cependant pas de débloquer le volet institutionnel des négociations. La N-VA, puis le CD&V, répètent leur opposition à la piste d’une circonscription fédérale.

82La non-nomination de bourgmestres de certaines communes à facilités par le ministre flamand des Affaires intérieures, Marino Keulen (Open VLD) pèse également sur les négociations. M. Keulen reproche aux bourgmestres de Kraainem, de Linkebeek, de Rhode-Saint-Genèse et de Wezembeek-Oppem d’avoir envoyé directement en français des convocations électorales en mai 2007 aux habitants francophones de leur commune au mépris de la circulaire Peeters, qui impose aux habitants francophones des communes à facilités de demander, pour chaque document officiel, le bénéfice des facilités linguistiques.

83Le 22 octobre 2007, les bourgmestres de Kraainem, Linkebeek et Wezembeek-Oppem convoquent leur conseil communal dans le but, disent-ils, de « faire respecter leurs droits », en ce compris le droit de s’exprimer en français lors des séances du conseil. Ils entendent aussi y mettre au vote une motion exigeant la nomination des bourgmestres de ces trois communes et leur rattachement à la Région bruxelloise en cas de scission de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Olivier Maingain, président du FDF, qui avait appelé le 15 octobre dans une lettre ouverte à soutenir les mandataires qui utiliseraient le français dans les conseils communaux de la semaine suivante, annonce de son côté qu’il ne participera plus à des négociations institutionnelles dans le cadre de la formation du gouvernement tant que les bourgmestres concernés n’auront pas été nommés par leur pouvoir de tutelle.

84Les conseils communaux extraordinaires ainsi convoqués se déroulent dans une ambiance surchauffée. À Linkebeek, les deux conseillers flamands refusent de prendre part au vote, des manifestants flamands protestant bruyamment à l’extérieur de la maison communale. À Wezembeek-Oppem, plusieurs militants du groupe Voorpost et des parlementaires du Vlaams Belang dont le président du parti, Frank Vanhecke, présents sur les bancs du public, chahutent la réunion et sont expulsés par la police. Le ministre Keulen annonce aussitôt son intention d’annuler les décisions prises lors de ces réunions : la législation linguistique, estime-t-il, n’a pas été respectée et les points adoptés ne relèvent pas de la compétence des communes. Il décide encore de contrer ce qu’il ressent comme une forme de marchandage en soumettant à l’ensemble du gouvernement flamand la décision de nommer, ou non, les bourgmestres en cause.

5. L’EXAMEN ET LE VOTE DES PROPOSITIONS DE SCISSION EN COMMISSION DE LA CHAMBRE

85La première réunion de la commission de l’Intérieur de la Chambre qui doit examiner, avec le bénéfice de l’urgence, les propositions de loi déposées par les groupes politiques flamands en vue de scinder la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde a lieu le 26 septembre 2007, sous la présidence de Pieter De Crem. Elle désigne comme rapporteurs des propositions de loi deux élus flamands de la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde, à savoir Michel Doomst (CD&V), par ailleurs bourgmestre de Gooik, et Luk Van Biesen (Open VLD), conseiller communal et ancien échevin à Kraainem.

86La réunion débute par une querelle de procédure : les commissaires francophones demandent d’inscrire également à l’ordre du jour différentes propositions de loi qu’ont déposées certains d’entre eux. La majorité (flamande) de la commission s’y refuse, ces propositions n’ayant pas encore été prises en considération en séance plénière de la Chambre. La discussion des propositions flamandes peut donc commencer, mais elle s’interrompt à 17 h. La commission fait droit, en effet, à la demande de plusieurs députés francophones de pouvoir participer aux réceptions organisées à l’occasion de la fête de la Communauté française qui se tiennent ce même jour. Le vote en ce sens fait apparaître une majorité plutôt inhabituelle : aux voix francophones s’ajoutent celles du groupe CD&V–N-VA, les autres groupes flamands votant contre. Les médias interprètent l’interruption précoce de la séance comme une manière de reporter le débat, dans l’attente de la reprise des négociations en vue de former le gouvernement : on est à ce moment dans l’attente du rapport de mission de l’explorateur H. Van Rompuy.

87Lors de sa réunion du 2 octobre, la commission poursuit l’examen des propositions de scission et entend, dans ce cadre, les objections des commissaires francophones.

88Le 10 octobre, la commission joint à l’examen des textes qui serviront de base à ses discussions – à savoir les propositions déposées par le groupe CD&V–N-VA – une proposition du groupe PS et une proposition du groupe CDH modifiant, elles aussi, le Code électoral mais en proposant le retour aux circonscriptions d’avant la réforme de 2002. Un premier incident survient lorsque P. De Crem refuse de joindre à cette discussion deux propositions du groupe MR dont l’une a été renvoyée par la Chambre à une autre commission et l’autre n’a pas encore été prise en considération en séance plénière. Le second incident, plus sérieux, amène les commissaires francophones à quitter la réunion après un vote où la majorité flamande décide, par 10 voix contre 6 et une abstention, d’en finir le jour même avec la discussion générale et la discussion des articles des propositions du groupe CD&V–N-VA. Mais les députés Melchior Wathelet (CDH) et Daniel Bacquelaine (MR) ont, entre-temps, demandé que le président de la Chambre soit saisi d’une demande d’avis au Conseil d’État sur des amendements qu’ils ont déposés : une telle demande d’avis suspend le vote en commission. La discussion générale et la discussion des articles de la proposition doc. 52 0037/001 s’achèvent donc effectivement le 10 octobre, mais le vote est reporté.

89Le 25 octobre 2007, le Conseil d’État remet au président de la Chambre son avis sur les amendements francophones. Renvoyant pour l’essentiel à ses avis précédents, rendus sur les propositions de loi déposées sous la législature 2003-2007, il se limite en définitive à examiner deux des amendements francophones, à savoir le maintien du statu quo, c’est-à-dire de la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde non scindée, et la consultation des populations des communes de la périphérie sur l’opportunité du transfert de communes ou de parties de communes à la Région de Bruxelles-Capitale, pour considérer que ni l’un, ni l’autre ne peuvent être admis. Le maintien du statu quo, même « sous réserve de justifier l’inégalité de traitement qui subsiste ainsi », irait à l’encontre de l’arrêt de la Cour d’arbitrage (devenue entre-temps Cour constitutionnelle) du 26 mai 2003 : « Il se déduit de l’arrêt », écrit le Conseil d’État, « que le maintien du régime actuel (…) ne peut plus se justifier au regard des articles 10 et 11 de la Constitution », c’est-à-dire des articles relatifs à l’égalité des citoyens. Quant à la consultation populaire, le Conseil d’État considère qu’elle ne peut être admise dans une matière qui n’est « manifestement pas d’intérêt communal ou provincial » et que son résultat ne peut lier l’autorité, faute de quoi elle aurait la portée d’un référendum – ce qui n’est pas compatible avec le « caractère représentatif de notre système », tel qu’ancré dans la Constitution.

90Le 30 octobre, Pieter De Crem renonce à rencontrer comme convenu une délégation de bourgmestres flamands de l’arrondissement de Hal-Vilvorde venue lui demander de réunir sans délai la commission pour procéder au vote. Les intéressés s’en étonnent : cherche-t-on à gagner du temps, pour laisser au formateur la possibilité de déminer le dossier avant qu’un vote intervienne au Parlement ? C’est aussi la thèse du Vlaams Belang, qui affuble systématiquement le président de la commission de l’Intérieur du nom de « Pieter De Rem », Pierrot-le-Frein. Au CD&V pourtant, on s’indigne du « chantage » que pratiqueraient les francophones en exigeant, avant toute discussion sur la scission de la circonscription, que les bourgmestres de quatre communes à facilités qui n’ont pas encore été nommés par le ministre des Affaires intérieures du gouvernement flamand le soient effectivement – exigence à laquelle ne veut pas se plier Marino Keulen  [24].

91À ce stade de l’examen des propositions en commission, une dramatisation sans précédent donne le ton dans les médias. Un record vient d’ailleurs d’être battu. En 1987-1988, Wilfried Martens avait dû attendre 148 jours après les élections pour prendre la tête d’une coalition tripartite qui procéda à une importante réforme des institutions. La date fatidique du 7 novembre, date prévue pour réunir la commission de l’Intérieur de la Chambre, se situera 150 jours après le scrutin du 10 juin 2007.

92Surtout, le vote en commission de propositions qui ne sont pas le fruit d’une négociation entre communautés, vote qui implique donc l’application pure et simple de la loi du nombre, favorable aux Flamands, est ressenti dans les médias francophones comme une première susceptible de constituer un tournant dans l’histoire de la Belgique fédérale. Le fait que ce vote emporte la scission de la seule circonscription du pays où, pour la Chambre, des électeurs peuvent voter pour des candidats qui se présentent dans une autre région linguistique renforce ce sentiment : la frontière linguistique, qui est fixée par la loi depuis 1962, se ferme encore un peu plus. Aussi les journaux titrent-ils en parlant de « compte à rebours », de « 24 heures chrono » (série télévisée américaine à suspense, dont le héros dispose d’un temps limité pour désamorcer divers complots). La prise de décision politique cesse de s’inscrire dans la durée, pour trouver place dans une évolution dramatique conduisant quasi mécaniquement – sauf si un deus ex machina venait enrayer la machine – à un climax attendu : pour les uns, le triomphe du bon sens et de la logique démocratique (la loi de la majorité) et, pour les autres, le début de la fin de la Belgique ou en tout cas d’une certaine Belgique.

93Le 6 novembre, la veille donc de ce qui est présenté comme une passe d’armes historique, Yves Leterme présente aux francophones une proposition de nature, affirme-t-il, à permettre « un accord équilibré » sur la scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Le MR et le CDH l’estimant trop vague, il leur en soumet une autre, plus élaborée, le 7 novembre au matin. Elle consiste, en cas de scission, à garantir aux francophones des six communes à facilités le droit de voter à Bruxelles par un système de droit d’inscription, à accorder des moyens financiers complémentaires à Bruxelles pour exercer son rôle de capitale fédérale, à renforcer les politiques culturelles dans les communes à facilités au bénéfice des francophones (mais sans intervention de la Communauté française, sauf par le biais d’accords de coopération) et, tout en scindant l’arrondissement judiciaire, à y maintenir la possibilité d’ester dans les deux langues nationales. Cette proposition est cependant jugée inacceptable par les négociateurs francophones, notamment parce qu’elle se situe en deçà du compromis négocié en 2005.

94L’incapacité à dégager un accord sur le dossier de Bruxelles-Hal-Vilvorde débouche, le 7 novembre, sur un vote en commission de l’Intérieur de la Chambre : l’impensable a lieu. Des dizaines de journalistes et de caméras de télévision sont là, y compris des représentants de médias étrangers convaincus d’assister en direct à l’implosion de la Belgique. Dès que le président de la commission annonce le premier vote, les commissaires francophones quittent la salle de réunion. Les députés flamands sont alors seuls à voter, et après avoir rejeté tous les amendements francophones, ils adoptent les deux propositions du groupe CD&V–N-VA, la première scindant la circonscription électorale pour la Chambre, la seconde pour le Sénat. La représentante du groupe Écolo-Groen !, Tinne Van der Straeten, émet cependant un vote d’abstention. Peu au fait des usages et règlements parlementaires, elle ne sera toutefois pas autorisée à motiver cette abstention en séance. Elle expliquera par la suite qu’à ses yeux, ce vote n’apporte aucune solution au problème de Bruxelles-Hal-Vilvorde et enfonce encore plus le pays dans une crise institutionnelle  [25]. Elle avait auparavant, dans le cadre de la discussion générale, rappelé son attachement au principe de territorialité tout en soulignant combien, « au lieu de se préoccuper du dossier de Bruxelles-Hal-Vilvorde, il conviendrait de s’attaquer à la source du problème » à savoir les efforts à faire pour freiner l’exode urbain des Bruxellois.

95« Une certaine Belgique est morte hier », titre l’éditorial du quotidien Le Soir du 8 novembre. Le quotidien bruxellois critique aussi le recours à « la loi du plus fort ». Mais, curieusement, la crise de régime que ce vote semblait annoncer ne se produit pas. Paradoxalement, estiment certains observateurs, il facilite en réalité la tâche d’Y. Leterme. Désormais, le dossier de Bruxelles-Hal-Vilvorde ne se trouve plus sur la table des négociations. Il devient donc possible de poursuivre celles-ci en laissant de côté un problème toujours susceptible de créer des tensions. Il n’en reste pas moins que ce vote est aussi un échec pour le formateur, qui n’a pas réussi à faire adhérer les négociateurs à une solution de compromis. De surcroît, le vote ne consacre pas la scission puisque les francophones peuvent faire jouer les mécanismes de protection des minorités et que le gouvernement peut, donc, s’y trouver confronté à un stade ultérieur.

96Les présidents des partis francophones signent, le 7 novembre au soir, un communiqué commun où ils indiquent être « indignés par le vote intervenu cet après-midi », qui « constitue une agression politique grave à l’égard des francophones et rompt l’équilibre national ». Ils y annoncent aussi qu’ils vont voter au Parlement de la Communauté française une motion relative à un conflit d’intérêts.

6. APRÈS LE VOTE EN COMMISSION DE L’INTÉRIEUR, LE CONFLIT D’INTÉRÊTS

97Lors de la révision constitutionnelle de 1970-1971, des mécanismes de protection des minorités avaient été prévus à la demande des francophones. Ceux-ci craignaient en effet de devoir subir la loi de la majorité flamande à la Chambre et au Sénat, et de se voir imposer ainsi des mesures législatives dont ils ne voudraient pas.

98Les majorités spéciales nécessaires pour adopter les lois répartissant les compétences entre l’Autorité fédérale et les régions et communautés sont un de ces mécanismes : elles impliquent en effet que des transferts de compétences ne puissent avoir lieu qu’avec l’accord d’une majorité des deux tiers dans chacune des Chambres, et d’une majorité dans chacun des groupes linguistiques de la Chambre et du Sénat. Néanmoins, il peut être procédé à la scission de la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde sans devoir recourir à cette majorité spéciale. Comme cette question relève du seul droit électoral, elle peut être tranchée à la majorité simple.

99Les groupes politiques francophones, cela étant, disposent d’autres mécanismes qui, après le vote en commission, bloquent temporairement le processus et sont censés favoriser la recherche d’une solution consensuelle plutôt que de faire jouer la loi du nombre.

100Le premier de ces mécanismes est la « sonnette d’alarme » prévue à l’article 54 de la Constitution. Déclenchée par les trois quarts des membres d’un groupe linguistique d’une des assemblées parlementaires fédérales (ou du Parlement bruxellois), elle suspend la discussion d’un texte qui est susceptible de « porter atteinte aux intérêts d’une communauté ». Ce texte est alors renvoyé en Conseil des ministres, qui dispose de 30 jours pour trouver une formule de compromis – faute de quoi le gouvernement ne peut, logiquement, que démissionner. L’avantage de cette procédure est de renvoyer le problème devant une instance composée paritairement de francophones et de Flamands. L’inconvénient dans le cas d’espèce est que le gouvernement en place (Verhofstadt II) est un gouvernement en affaires courantes et qu’il n’est pas sûr qu’il puisse prendre une décision dans ce cadre. Pourrait-il, d’ailleurs, sanctionner la loi et la rendre ainsi applicable ? Les avis divergent sur ce point. Pour le professeur Hugues Dumont, « dès lors qu’un gouvernement est démissionnaire (…) il n’est plus en mesure d’utiliser son droit d’amender et de sanctionner une loi  [26] ». Le président de Spirit, Geert Lambert, considère en revanche que l’absence de gouvernement fait l’affaire des partis flamands : s’ils « avaient, ensemble, voté la scission au Parlement en 2005, les francophones auraient lancé la procédure de la sonnette d’alarme et le gouvernement serait tombé. Aujourd’hui, il n’y a pas de gouvernement qui puisse tomber et, par conséquent, les Flamands peuvent approuver la scission à la Chambre, à la majorité simple, dès le 8 septembre  [27]. »

101Le deuxième mécanisme est la procédure du conflit d’intérêts, prévue quant à elle dans la loi ordinaire de réformes institutionnelles du 9 août 1980. Ce mécanisme ne peut intervenir qu’après un vote en commission ; il suspend le processus législatif pendant 60 jours pour permettre une concertation entre l’assemblée qui déclenche le conflit et celle où le texte litigieux est en discussion. Si le délai de 60 jours ne suffit pas pour parvenir à un accord, c’est le Sénat qui est saisi du problème et qui dispose de 30 jours pour donner un avis motivé au comité de concertation qui rassemble des représentants du gouvernement fédéral et des gouvernements communautaires et régionaux. Ce comité rend ensuite une décision selon la procédure du consensus, dans les trente jours. Si, au terme du parcours, il n’y a toujours pas de consensus, le processus législatif reprend son cours, en l’occurrence à la Chambre. Et la loi de la majorité peut, de nouveau, s’appliquer.

102C’est, finalement, la procédure en conflit d’intérêts que retiennent les partis francophones. Elle présente l’avantage de reporter le vote en séance plénière à la Chambre, puisque plusieurs assemblées peuvent, successivement, obtenir la suspension du processus législatif pendant plusieurs mois. Le 9 novembre 2007, le Parlement de la Communauté française adopte une motion déclenchant le conflit d’intérêts rédigée par les chefs de groupe du PS, du MR, du CDH et d’Écolo, par 82 voix pour et 3 abstentions (FN). Un débat houleux agite cependant d’abord l’hémicycle : le groupe socialiste, en effet, laisse entendre que le MR porte une part de responsabilité dans le vote en commission de l’Intérieur de la Chambre, ce vote s’inscrivant dans un scénario écrit à l’avance par le formateur. Les esprits finissent, tant bien que mal, par s’apaiser.

103La motion adoptée rappelle que la scission de la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde porterait atteinte « à l’espace actuel où s’exerce la solidarité entre Bruxelles, la Wallonie et les francophones de Bruxelles-Hal-Vilvorde », que les droits de ces derniers font partie d’un « compromis général » dont l’équilibre se trouverait rompu, que d’autres solutions que la scission sont envisageables pour répondre à l’arrêt d’annulation du 26 mai 2003 et que en tant qu’elle est « l’institution qui garantit la solidarité entre les francophones de notre pays », les intérêts de la Communauté française sont « gravement lésés » par le vote intervenu en commission de la Chambre  [28].

104L’avant-veille par contre, le président du Parlement wallon José Happart (PS) ne parvient pas à réunir un consensus des chefs de groupe de son assemblée sur le texte d’une motion qui ne sera d’ailleurs finalement pas déposée. Il est vrai que dans la perspective d’une stratégie de report du vote définitif des propositions de loi de scission, chaque assemblée a tout avantage à préserver ses munitions.

105Le 7 novembre encore, les dix-neuf bourgmestres bruxellois et les bourgmestres des six communes à facilités rendent publique une déclaration commune où ils affirment que « toute remise en cause de l’arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde ne peut s’envisager sans une consultation de la population, commune par commune, sur l’alternative suivante : maintenir les six communes à facilités en Région flamande ou rejoindre la Région bilingue de Bruxelles-Capitale ». Ils exigent par ailleurs la « nomination rapide des quatre bourgmestres légitimement élus » de Linkebeek, Rhode-Saint-Genèse, Kraainem et Wezembeek-Oppem.

106Le jeudi 8 novembre, Y. Leterme se rend au Palais pour faire rapport au Roi sur l’avancement de sa mission. Le Roi décide de confier aux présidents de la Chambre et du Sénat, Herman Van Rompuy (CD&V) et Armand De Decker (MR), le soin de s’occuper du volet institutionnel de l’accord gouvernemental en mettant sur pied un « comité des sages » ou une « convention pour la réforme de l’État » élargie à d’autres partis que ceux de la coalition orange bleue virtuelle, selon la formule qu’avait déjà esquissée H. Van Rompuy en sa qualité d’explorateur. Yves Leterme, quant à lui, reste chargé de mettre le plus rapidement possible le gouvernement en place. Cependant, l’initiative royale ne permet pas de débloquer la situation. Le cartel CD&V–N-VA, d’abord déstabilisé, réitère – sous la pression de son aile nationaliste ? – sa volonté de faire aboutir une réforme de l’État, y compris sur les points qui requièrent une majorité des deux tiers, sans conditionner la formation du gouvernement à l’assurance de disposer de cette majorité. Après de nombreuses discussions et des contacts multiples entre les présidents des chambres, le formateur et les présidents de partis (y compris ceux qui ne sont pas associés aux négociations gouvernementales), Yves Leterme soumet le dimanche 25 novembre aux négociateurs du CD&V, du MR, de l’Open VLD et du CDH, mais pas de la N-VA, qui ne participe pas à cette phase de la négociation, une note institutionnelle qu’ils acceptent. Mais le 26 novembre, la N-VA refuse d’avaliser cette note et exige des amendements sans lesquels elle dit ne pouvoir participer au prochain gouvernement. Une version définitive du texte, qui recueille l’aval de la N-VA, est rejetée quelques jours plus tard par les négociateurs francophones.

107Faute de résultats concrets, Y. Leterme finit par lancer, le 30 novembre, une sorte d’ultimatum : il demande aux quatre partis de l’orange bleue de répondre, par oui ou par non, à trois questions avant le 1er décembre à 9 h : acceptent-ils de discuter de tout au sein de la convention chargée de préparer la réforme de l’État ? Cette réforme peut-elle être votée par une majorité des deux tiers au Parlement sans autre condition (c’est-à-dire avec, éventuellement, une majorité nettement plus large du côté néerlandophone, ce qu’a toujours refusé le CDH) ? Les régions peuvent-elles octroyer des incitants fiscaux aux entreprises ? Le cartel CD&V–N-VA, le MR et l’Open VLD donnent tous trois une réponse positive ; le CDH par contre considère avoir donné son accord à la note du formateur du 25 novembre, adaptée selon lui « unilatéralement et à la demande de la N-VA » et s’en tient là. Le 1er décembre, Y. Leterme demande pour la deuxième fois au Roi d’être déchargé de sa mission, et le souverain accepte.

7. QUE CONTIENNENT LES PROPOSITIONS DE SCISSION ?

108Les propositions adoptées par la commission de l’Intérieur de la Chambre prévoient :

  • pour la Chambre des représentants :
    • le remplacement des circonscriptions de Bruxelles-Hal-Vilvorde, de Louvain et de Nivelles visées à l’article 87 du Code électoral par une circonscription du Brabant flamand comprenant les communes des arrondissements administratifs de Louvain et de Hal-Vilvorde, une circonscription du Brabant wallon comprenant les communes de l’arrondissement administratif de Nivelles et une circonscription de Bruxelles comprenant les dix-neuf communes de l’arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale ;
    • la possibilité pour des candidats d’une liste de la circonscription de Bruxelles de « former groupe » avec des candidats d’une liste soit de la province de Brabant flamand, soit de Brabant wallon, ceci « au point de vue de la répartition des sièges », dans le cadre donc de la formule d’apparentement. Celle-ci, qui n’existe plus dans le Code électoral actuel que pour les trois circonscriptions de l’ancienne province de Brabant, permet à des listes n’ayant pas atteint le diviseur électoral (le nombre de votes émis dans une circonscription divisé par le nombre de sièges attribués à cette circonscription), ou à des listes qui disposent d’un solde de voix non utilisées après la première répartition des sièges, de valoriser leurs voix en les additionnant à celles d’une liste « sœur » déposée dans une circonscription voisine lors d’une répartition complémentaire ;
    • l’application du seuil électoral de 5% pour la répartition directe des sièges ; pour la répartition complémentaire (celle qui résulte de l’apparentement de listes), le groupe de listes doit obtenir 5% des votes valables dans l’une des circonscriptions concernées.
  • pour le Sénat et pour le Parlement européen :
    • l’adjonction, à la circonscription flamande (actuellement constituée de l’ensemble des provinces flamandes moins l’arrondissement administratif de Hal-Vilvorde), des communes de l’arrondissement administratif de Hal-Vilvorde, et le remplacement de la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde par celle de Bruxelles, limitée aux dix-neuf communes de l’arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale.

109Si elles entrent en vigueur sans être modifiées, elles auront donc pour résultat, pour la Chambre :

  • de rendre impossible le dépôt de listes communes dans les communes de l’arrondissement de Bruxelles-Capitale et dans celles de l’arrondissement de Hal-Vilvorde ;
  • de permettre aux listes flamandes déposées dans la circonscription de Bruxelles d’obtenir des élus en formant groupe avec des listes déposées dans la circonscription du Brabant flamand (à condition qu’elles y atteignent 5% des voix, ce qui devrait être le cas pour les principaux partis), et de même pour les listes francophones avec des listes déposées dans le Brabant wallon ;
  • et, pour le Sénat et le Parlement européen, de ne plus permettre aux électeurs des communes de l’arrondissement de Hal-Vilvorde de voter pour des listes déposées dans la circonscription wallonne. Seuls les électeurs bruxellois au sens strict (c’est-à-dire ceux des dix-neuf communes) pourront encore choisir de voter soit pour des listes ou des candidats qui se présentent dans la circonscription flamande, soit pour des listes ou candidats qui se présentent dans la circonscription wallonne.

110Pour l’élection de la Chambre, il restera donc tout à fait possible de présenter des listes ou des candidats francophones dans la circonscription nouvelle du Brabant flamand, et d’y voter pour de telles listes.

111Les francophones vont-ils disposer de sièges dans cette circonscription ? Dans l’hypothèse où la scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde serait pratiquée selon les conditions contenues dans les propositions de loi votées le 7 novembre en commission de l’Intérieur de la Chambre, les arrondissements de Hal-Vilvorde et de Louvain formeraient une circonscription électorale correspondant au Brabant flamand. Compte tenu du chiffre de sa population établi par l’enquête socio-économique générale (anciennement recensement de la population) au 1er octobre 2001, cette circonscription du Brabant flamand aurait 15 sièges de députés à pourvoir. Il n’y aurait pas d’apparentement possible avec d’autres circonscriptions pour les listes francophones, et le seuil de 5 % serait pratiqué comme dans les autres circonscriptions provinciales.

112Lors des élections du 10 juin 2007, cinq listes francophones ont présenté des candidats à la Chambre dans les cantons de Hal-Vilvorde, tandis qu’il n’y en avait aucune dans la circonscription de Louvain. Le MR, premier parti francophone dans les cantons de Hal-Vilvorde avec 39 993 voix, obtiendrait un siège dans la circonscription du Brabant flamand  [29]. Et il serait le seul parti francophone à dépasser (de peu) le seuil des 5 %. PS (14 462 voix), CDH (10 818 voix), Écolo (10 233 voix) et FN (2 846 voix) en sont très éloignés et seraient donc exclus de la dévolution des sièges. Le calcul de la dévolution des sièges au-delà des 15 qui seraient attribués à l’éventuelle circonscription du Brabant flamand indique que le deuxième siège francophone serait attribué également au MR, mais arriverait en 27e position de la dévolution.

113Ajoutons que ce ou ces élus francophones feraient partie du groupe linguistique néerlandais de la Chambre  [30].

CONCLUSION

114La scission pure et simple de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde n’est pas l’option retenue par les partis flamands, en raison de la perte de sièges qui en résulterait, pour les listes flamandes, dans la (nouvelle) circonscription de Bruxelles. Une étude du professeur Jo Buelens, de la Vrije Universiteit Brussel, a calculé sur la base des résultats des élections de juin 2007 le nombre de sièges qu’une scission « verticale » (c’est-à-dire le remplacement pur et simple, sans apparentement d’aucune sorte, de la circonscription bilingue de Bruxelles-Hal-Vilvorde par une circonscription de Bruxelles et une circonscription du Brabant flamand regroupant l’arrondissement administratif de Hal-Vilvorde et la circonscription de Louvain) coûterait aux listes flamandes déposées dans ces deux nouvelles circonscriptions. À Bruxelles, les listes flamandes n’obtiendraient plus aucun siège sur les 14 à pourvoir ; dans la circonscription du Brabant flamand elles en auraient 14 sur 15, soit au total deux de moins que ce qu’elles recueillent actuellement dans la circonscription non scindée et dans la circonscription de Louvain  [31]. Un Courrier hebdomadaire consacré à cette question en 2002 rappelait quant à lui que selon des calculs du député Hugo Coveliers (VLD à l’époque), une telle scission dite « verticale » donnerait aux listes néerlandophones un seul siège à Bruxelles  [32].

115C’est donc la scission « horizontale » qui a été choisie. Elle permet, en instaurant un apparentement (sans doute critiquable, car « sur mesure ») de listes flamandes entre deux circonscriptions, de préserver l’essentiel des sièges qu’ont obtenus les partis flamands aux dernières élections fédérales (2003 et 2007) dans la circonscription non scindée (9 sur 22).

116Il n’est sans doute pas inutile de rappeler que d’autres pistes ont été évoquées, lors des négociations gouvernementales ou dans l’enceinte parlementaire, pour sortir ce dossier de l’ornière :

  • la scission avec possibilité d’exercer son droit de vote dans une autre circonscription du pays. Plusieurs mois à l’avance, les électeurs choisiraient la circonscription où ils comptent voter et le nombre de sièges serait calculé en fonction de ce choix. Mais ce système, qui permet en effet – même après la scission – aux électeurs de l’arrondissement de Hal-Vilvorde de continuer à voter pour des candidats bruxellois, présente plusieurs inconvénients : une possible manipulation des résultats en orientant les choix des électeurs vers des circonscriptions déterminées pour y faire pencher la balance ; une sous-représentation accentuée des Flamands à Bruxelles, et surtout sa non-conformité avec l’article 63 de la Constitution qui lie le nombre de sièges des circonscriptions au nombre d’habitants ;
  • la scission avec double bulletin de vote : les électeurs de la circonscription scindée disposeraient de deux bulletins, l’un avec des candidats bruxellois, l’autre avec des candidats de Hal-Vilvorde, et n’en utiliseraient qu’un seul ;
  • le retour aux anciennes circonscriptions ;
  • une circonscription élargie au Brabant tout entier ;
  • le compromis avorté de mai 2005 ;
  • la scission assortie d’une circonscription fédérale s’ajoutant aux circonscriptions provinciales nouvelle mouture.

117L’article 63 de la Constitution figurant dans la liste des articles soumis à révision, un aménagement de ses dispositions pourrait, par ailleurs, répondre également au principal motif d’annulation formulé en 2003 par la Cour d’arbitrage.

118Mais ce dossier couplé à la formation d’un gouvernement marie typiquement l’eau et le feu. Les partis politiques flamands en ont une vision historique : les communes de l’arrondissement de Hal-Vilvorde sont historiquement et désormais officiellement flamandes, même quand elles sont majoritairement peuplées de francophones. La vision des partis politiques francophones est tout aussi historique, mais ce n’est pas la même histoire. Ils voient dans la circonscription non scindée un acquis datant d’une Belgique où la frontière linguistique n’avait pas d’effets électoraux, et un élément d’un compromis conclu voici plus de quarante ans, qu’ils ne veulent pas voir rompu unilatéralement.

119Le dossier, par ailleurs, ne serait pas devenu aussi complexe suite à l’arrêt de la Cour d’arbitrage du 26 mai 2003 s’il n’y avait eu une réforme électorale imaginée pour maximiser les résultats de certains partis et diluer ceux de leurs adversaires en élargissant les circonscriptions électorales à la taille des provinces. Par ailleurs, la possibilité de faire aboutir la scission sans devoir disposer d’une majorité spéciale a donné au travail parlementaire un poids qu’il n’avait eu auparavant dans pratiquement aucun autre dossier communautaire.

120Enfin, la gestion du temps joue un rôle fondamental dans les péripéties qui ont entouré les négociations gouvernementales et le vote de la scission en commission. En premier lieu, les négociateurs ont été confrontés à des perspectives de décisions venues d’autres niveaux de pouvoir qui ont agi comme autant d’ultimatums : exécution de l’accord de gouvernement flamand de 2004, délai de quatre ans fixé par la Cour d’arbitrage (agissant comme un aiguillon sur le gouvernement Verhofstadt II en avril-mai 2005), nomination de bourgmestres dans les communes de la périphérie bruxelloise (compétence du gouvernement flamand), vote de propositions de loi de scission de la circonscription en commission de la Chambre (compétence du Parlement fédéral), échéances électorales à relativement court terme (2009, élections régionales). Cette superposition de calendriers gérés par des instances différentes a singulièrement compliqué la conclusion d’un accord. Mais Guy Verhofstadt n’avait pas eu plus de succès en 2005, alors qu’il avait moins de contraintes extérieures à prendre en compte.

Notes

  • [1]
    Dans le passé, il est certes arrivé qu’une communauté linguistique soit minorisée lors d’un vote à la Chambre ; ce fut le cas par exemple – en tout cas depuis la révision constitutionnelle de 1970-1971 et la création des groupes linguistiques à la Chambre et au Sénat – lors du vote du projet de loi visant à octroyer le droit de vote aux élections communales aux étrangers non européens (2004). Mais le vote n’en était pas, pour autant, linguistiquement homogène : la loi a été adoptée en commission de la Chambre par 10 voix contre 7, et en séance plénière par 80 voix (MR, PS, CDH, Écolo, SP.A-Spirit) contre 58 (VLD, CD&V, Vlaams Blok et FN) et 3 abstentions (CD&V). À chaque fois, les votes favorables émanaient de la majorité mais pas exclusivement des groupes francophones.
  • [2]
    Cf. à ce sujet J. SOHIER, « Bruxelles-Hal-Vilvorde : un arrondissement en sursis », in Administration publique, n° 2/2004, pp. 107 à 113.
  • [3]
    Le 31 octobre 1962, cette loi est adoptée à la Chambre par 130 voix dont 96 flamandes et 34 francophones, contre 56 dont 54 francophones et 2 flamandes. Ce vote pèsera dans l’introduction, en 1970-1971, de mécanismes protecteurs pour les francophones dans la Constitution, en vue de dissuader ou d’empêcher des votes opposant les communautés linguistiques.
  • [4]
    Plus précisément dans les communes d’Aubel et de Heuvelland.
  • [5]
    Cf. sur ce point B. CADRANEL, « La déclaration de révision de la Constitution d’avril 2003 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1811-1812,2003, p. 30 ; « Fédéralisme, institutions et vie politique », in M.-T. COENEN, S. GOVAERT et J. HEINEN, L’État de la Belgique, 1989-2004. Quinze années à la charnière du siècle, De Boeck Université, 2004.
  • [6]
    Chambre, Doc. parl. 1806/2,15 octobre 2002.
  • [7]
    « Chaque circonscription électorale compte autant de sièges que le chiffre de sa population contient de fois le diviseur fédéral, obtenu en divisant le chiffre de la population du Royaume par cent cinquante. »
  • [8]
    Cf. aussi J. BRASSINNE DE LA BUISSIÈRE, « Les négociations communautaires sous le gouvernement Verhofstadt II. Forum institutionnel et Bruxelles-Hal-Vilvorde », Courrier hebdomadaire, CRISP n° 1903-1904,2005.
  • [9]
    Cet article, comme exposé plus haut, permet aux électeurs de Fourons d’une part, de Comines-Warneton de l’autre, de voter dans des bureaux de vote spéciaux à Aubel et à Heuvelland.
  • [10]
    De Standaard, 25-26 février 2006.
  • [11]
    Pour ces bourgmestres, le délai de quatre ans fixé par la Cour d’arbitrage prend cours à la date des élections précédentes, soit le 18 mai 2003. Pour le gouvernement par contre, le délai n’expirera que le 19 juin 2007 puisque l’article 105 du Code électoral fait référence à l’élection des sénateurs cooptés qui a eu lieu le 19 juin 2003.
  • [12]
    Le Soir, 14-15 avril 2004. Une résolution du Parlement flamand du 21 avril 2004 avait à l’époque invité le ministre de tutelle à ne pas sanctionner les bourgmestres réfractaires.
  • [13]
    De Morgen, 25 avril 2007.
  • [14]
    P. BLAISE, V. DE COOREBYTER, J. FANIEL, « Les résultats des élections fédérales du 10 juin 2007 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1964-1965,2007.
  • [15]
    Le Soir, 12 juin 2007.
  • [16]
    La Libre Belgique, 6 juillet 2007.
  • [17]
    Le Soir, 16 juillet 2007.
  • [18]
    Les propositions doc. 51 0062/001 de Geert Bourgeois (N-VA), doc. 51 0333/001 de Hans Bonte (SP.A-Spirit), Willy Cortois (VLD), Herman Van Rompuy (CD&V), Walter Muls et Geert Bourgeois (N-VA), doc 51 0632/001 de Servais Verheirstraeten, Dirk Claes et Simonne Creyf (CD&V), doc 51/1040/001 de Bart Laeremans, Filip De Man et Gerof Annemans (Vlaams Belang), doc 51 1365/001 de Servais Verheirstraeten, Dirk Claes et Paul Tant (CD&V), doc 51 1379/001 de Rik Daems (VLD), Dirk Van der Maelen (SP.A), Pieter De Crem (CD&V), Patrick De Groote (N-VA) et Koen T’Sijen (Spirit), doc 51 1381/001 de Bart Laeremans, Gerolf Annemans, Filip De Man, Koen Bultinck, Alexandra Colen, Hagen Goyvaerts, Luc Sevenhans, Guido Tastenhoye, Jaak Van den Broeck et Francis Van den Eynde (Vlaams Belang). Cf. J. BRASSINNE DE LA BUISSIÈRE, « Les négociations communautaires sous le gouvernement Verhofstadt II – Forum institutionnel et Bruxelles-Hal-Vilvorde », op. cit. ; Cf. également K. MUYLLE et J. VAN NIEUWENHOVE, « De Raad van State en de splitsing van de kieskring Brussel-Halle-Vilvoorde », Tijdschrift voor Bestuurswetenschappen en Publiek Recht, 2005/3, pp. 165-171.
  • [19]
    Lequel a prévu dans l’accord qu’ont signé les partis qui le composent en juillet 2004 la « scission sans délai (onverwijld) de la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde ».
  • [20]
    Chambre, Doc. parl. 52 0037/006,5 décembre 2007, p. 15.
  • [21]
    P. De Crem a depuis lors été nommé ministre de la Défense nationale dans le gouvernement Verhofstadt III, formé fin décembre 2007.
  • [22]
    La Libre Belgique, 26 octobre 2007.
  • [23]
    De Morgen, 20 octobre 2007.
  • [24]
    En définitive, seule Myriam Delacroix-Rolin sera nommée bourgmestre de Rhode-Saint-Genèse le 14 novembre 2007. Les communes de Kraainem, Linkebeek et Wezembeek-Oppem n’ont toujours pas de bourgmestre à ce jour, l’autorité de tutelle ayant refusé, pour les motifs déjà évoqués, les candidats proposés par le conseil communal.
  • [25]
    De Standaard, 8 novembre 2007.
  • [26]
    La Libre Belgique, 23 août 2007.
  • [27]
    De Standaard, 23 août 2007.
  • [28]
    Au terme de la première phase de la procédure en conflit d’intérêts, le Parlement de la Communauté française et la Chambre ont constaté la persistance de leur désaccord et le dossier a été transmis au Sénat fin janvier 2008.
  • [29]
    Il faut toutefois tenir compte de ce que, dans l’hypothèse d’une circonscription unique de Brabant flamand, des électeurs de l’arrondissement de Louvain pourraient voter pour des listes francophones, ce qui ne leur a pas été possible en 2007. Les résultats des listes francophones seraient dès lors un peu plus élevés que dans les seuls cantons de Hal-Vilvorde?
  • [30]
    Ce qui ne les empêcherait pas, contrairement à Christian Van Eyken, seul élu francophone (UF) au Parlement flamand, de pouvoir s’exprimer en français.
  • [31]
    De Standaard, 15 juin 2007.
  • [32]
    J. BRASSINNE DE LA BUISSIÈRE, « La circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde et les réformes électorales de 2002 », op. cit.
Français

Le 7 novembre 2007, la commission de l'Intérieur de la Chambre a adopté à l'unanimité de ses membres flamands, moins une abstention écologiste, et en l'absence des commissaires francophones, une proposition de loi scindant la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Ce vote exceptionnel a opposé la communauté linguistique flamande majoritaire à la communauté minoritaire francophone. Serge Govaert rappelle l’origine historique du problème de Bruxelles-Hal-Vilvorde : les lois linguistiques de 1932, la fixation de la frontière linguistique en 1962, et ses conséquences sur les droits électoraux des francophones de la périphérie bruxelloise. Il rappelle les solutions imaginées lors du Pacte d’Egmont en 1977. Il retrace les débats et péripéties du passé récent, depuis l’arrêt de la Cour d’arbitrage du 26 mai 2003 et le projet d’accord avorté de mai 2005. Il synthétise les positions des partis en matière institutionnelle durant la campagne électorale.
Il reprend en détail les épisodes qui ont jalonné les négociations gouvernementales sous la pression constante des parlementaires flamands qui considèrent la scission comme un préalable indépendant des négociations institutionnelles, dans lesquelles s’enlisent les négociateurs d’une coalition orange bleue. En conséquence du vote du 7 novembre, une procédure en conflit d’intérêts est engagée par le Parlement de la Communauté française.
Enfin Serge Govaert analyse le contenu des propositions de loi de scission et décrit les effets du vote de la commission : l’impact électoral de la scission est calculé sur la base des résultats des élections de 2007.

Serge Govaert
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Le 7 novembre 2007, la commission de l'Intérieur de la Chambre a adopté à l'unanimité de ses membres flamands, moins une abstention écologiste, et en l'absence des commissaires francophones, une proposition de loi scindant la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Ce vote exceptionnel a opposé la communauté linguistique flamande majoritaire à la communauté minoritaire francophone. Serge Govaert rappelle l’origine historique du problème de Bruxelles-Hal-Vilvorde : les lois linguistiques de 1932, la fixation de la frontière linguistique en 1962, et ses conséquences sur les droits électoraux des francophones de la périphérie bruxelloise. Il rappelle les solutions imaginées lors du Pacte d’Egmont en 1977. Il retrace les débats et péripéties du passé récent, depuis l’arrêt de la Cour d’arbitrage du 26 mai 2003 et le projet d’accord avorté de mai 2005. Il synthétise les positions des partis en matière institutionnelle durant la campagne électorale. Il reprend en détail les épisodes qui ont jalonné les négociations gouvernementales sous la pression constante des parlementaires flamands qui considèrent la scission comme un préalable indépendant des négociations institutionnelles, dans lesquelles s’enlisent les négociateurs d’une coalition orange bleue. En conséquence du vote du 7 novembre, une procédure en conflit d’intérêts est engagée par le Parlement de la Communauté française. Enfin Serge Govaert analyse le contenu des propositions de loi de scission et décrit les effets du vote de la commission : l’impact électoral de la scission est calculé sur la base des résultats des élections de 2007.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/04/2008
https://doi.org/10.3917/cris.1974.0005
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