CAIRN.INFO : Matières à réflexion

INTRODUCTION

1Avec le Traité d’Amsterdam, le développement durable est devenu l’un des objectifs fondamentaux de l’intégration européenne. En 2001, cet objectif devint le centre de l’attention politique au plus haut niveau, lorsque le Conseil européen marqua son accord sur une stratégie de l’Union européenne en faveur du développement durable (SDD) et déclara sa détermination à l’appliquer. Plus tard la même année, le Conseil européen évoquait le thème du développement durable dans la déclaration de Laeken sur l’avenir de l’Europe, parmi les valeurs définissant l’identité et le rôle de l’Union européenne dans le monde. Cette déclaration caractérise l’Europe comme « une puissance qui veut encadrer la mondialisation selon les principes de l’éthique, c’est-à-dire l’ancrer dans la solidarité et le développement durable  [1] ». Faisant écho à cette vision, les signataires du Traité établissant une Constitution pour l’Europe proclament dans son préambule, leur « conscience de leurs responsabilités à l’égard des générations futures et de la planète ». Les dispositions de la Constitution définissant les objectifs de l’Union européenne confirment l’importance du développement durable, le mentionnant expressément en tant qu’objectif devant être poursuivi à la fois sur le plan interne et externe. D’après l’article I-3 de la Constitution, l’Union « œuvre pour le développement durable de l’Europe fondé sur une croissance économique équilibrée (…) et un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement  [2] » et, « dans ses relations avec le reste du monde », elle contribue « au développement durable de la planète[3] ».

2Malgré le rejet de la Constitution par référendum en France et aux Pays-Bas – rejet qui a plongé l’Union élargie dans une grave crise institutionnelle, doublée peu de temps après par de profonds désaccords politiques sur les perspectives financières et les priorités budgétaires – les dirigeants de l’Union européenne continuent à manifester leur intérêt pour le développement durable comme élément du projet politique européen. Au Conseil européen de Bruxelles de juin 2005, au moment même où ils doivent décider d’une période de réflexion sur l’avenir de la construction européenne et constater l’échec des négociations sur les perspectives financières, ils « réitèrent » aussi leur « attachement au développement durable en tant que principe clé présidant à l’ensemble des politiques et actions de l’Union » en approuvant une déclaration sur les principes directeurs du développement durable  [4]. Un an plus tard, le Conseil européen adopte une nouvelle SDD, confirmant et actualisant les engagements politiques pris à Göteborg en 2001. Dans les conclusions de la Présidence, ces engagements en faveur du développement durable sont présentés comme facteur de légitimation du projet européen en réponse aux préoccupations citoyennes : « Les citoyens attendent de l’Union qu’elle démontre sa valeur ajoutée en prenant des mesures pour relever les défis et saisir les occasions qui se présentent : garantir la paix, la prospérité et la solidarité, renforcer la sécurité, favoriser le développement durable et promouvoir les valeurs européennes dans un environnement qui se mondialise rapidement  [5]. »

3Notre but ici est d’analyser l’origine, l’élaboration et l’impact de la SDD dans le contexte général de l’évolution de la politique européenne  [6]. Nous examinerons d’abord comment l’Union européenne a abordé le thème du développement durable et quelles sont la place et la fonction de cet objectif relativement récent dans le discours politique et juridique des institutions européennes. Ensuite, nous procéderons à une analyse critique du contenu de la SDD adoptée à Göteborg en 2001 et de son processus de mise en œuvre et d’examen annuel par le Conseil européen de printemps de 2002 à 2005. Nous mettrons en évidence la relation pour le moins ambiguë qu’entretient la SDD avec les autres orientations stratégiques de la politique de l’Union européenne, telle que la stratégie de Lisbonne portant sur la croissance, l’emploi et la compétitivité. Nous conclurons en rendant compte des développements les plus récents, à savoir les interférences entre la relance de la stratégie de Lisbonne en 2005 et la révision différée de la SDD, et l’adoption en 2006, cinq ans après Göteborg, d’une nouvelle stratégie qualifiée d’« ambitieuse et globale », mais se révélant peu audacieuse à l’examen.

4Les principaux acteurs institutionnels dans l’élaboration, l’examen annuel et la révision de la SDD ont été la Commission et le Conseil européen. Le Conseil de l’Union européenne a aussi joué un rôle, notamment au niveau de la mise en œuvre de la stratégie, mais le Parlement européen, quant à lui, a été quasiment absent du débat interinstitutionnel sur ce dossier et n’a eu aucune influence réelle sur son évolution. Cette situation s’explique d’une part par le mode de décision intergouvernemental du Conseil européen et le non-recours aux procédures législatives normales, sauf pour certaines mesures de mise en œuvre. D’autre part, force est de constater que le Parlement lui-même n’a pas fait preuve d’une grande diligence pour peser sur le processus. S’il a adopté des résolutions d’initiative, tant en 2001  [7] qu’en 2006  [8] il l’a fait tardivement, quelques jours avant les réunions du Conseil européen appelées à statuer sur les propositions de la Commission, à un moment où les négociations entre les États membres et la Commission étaient déjà bouclées. La lenteur des procédures parlementaires et le fait que ces propositions ne lui avaient pas été transmises suffisamment à l’avance, comme il s’en est d’ailleurs plaint  [9], ont effectivement mis le Parlement européen hors jeu.

1. L’ÉMERGENCE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE DANS LE DISCOURS DE L’UNION EUROPÉENNE

5Le concept de développement durable est devenu l’objet de débat politique au niveau international, aux Nations unies et dans d’autres enceintes internationales, après la publication du rapport de la Commission mondiale pour l’environnement et le développement  [10] aussi connu comme rapport Brundtland, en 1987  [11]. Il a néanmoins fallu un certain temps entre la reconnaissance du développement durable en tant qu’objectif politique au niveau international et son émergence dans le discours politique des Communautés européennes. Ce ne fut que dix ans après le rapport Brundtland que le développement durable fut juridiquement inscrit dans les traités en tant qu’objectif de l’Union européenne et de la Communauté européenne.

6L’examen des conclusions présidentielles du Conseil européen montre que, tandis que la politique environnementale devenait un sujet occasionnel de discussion des chefs d’État et de gouvernement à partir du milieu des années 1980, le développement durable en tant que tel ne fut mentionné pour la première fois dans les conclusions du Conseil européen qu’en 1988. Faisant écho à l’inquiétude croissante de l’opinion publique pour des problèmes tels que la détérioration de la couche d’ozone et les changements climatiques, le Conseil européen de Rhodes adopta en décembre 1988 une déclaration sur l’environnement annexée aux conclusions de la Présidence. Cette déclaration reflète l’attention croissante aux thèmes environnementaux portée au plus haut niveau politique et la compréhension de leur caractère mondial. Bien que la déclaration ne mentionne pas explicitement le rapport Brundtland, le terme « développement durable » appartient désormais au vocabulaire politique du Conseil européen.

7La déclaration de Rhodes débute en énonçant que les solutions aux problèmes environnementaux doivent être trouvés « pour assurer une croissance soutenue et une meilleure qualité de vie  [12] ». Mais le paragraphe suivant évoque implicitement le développement durable lié au principe d’intégration :

8

« Il est essentiel, à l’intérieur de la Communauté d’intensifier les efforts visant à
protéger directement l’environnement et aussi d’assurer que cette protection fasse
partie intégrante de toutes les autres politiques. L’un des premiers objectifs de toutes
les politiques communautaires doit être un développement à des conditions
acceptables[13]. »

9Cette hésitation du discours politique entre « croissance soutenue » et « développement à des conditions acceptables » traduit bien son ambivalence à l’égard du nouveau concept de développement durable.

10Le Conseil européen qui accorda une attention particulière aux thèmes environnementaux fut le Conseil de Dublin de juin 1990. Celui-ci adopta une déclaration intitulée « Les impératifs de l’environnement » , ayant pour but d’établir les lignes de conduite, objectifs et principes de l’action future de la Communauté, comme fondement du cinquième Programme d’action communautaire pour l’environnement (PAE) devant être élaboré par la Commission. Cette déclaration de Dublin est moins hésitante que la déclaration de Rhodes pour entériner le concept de développement durable. Les chefs d’État et de gouvernement déclarent : « Nous souhaitons que l’action entreprise par la Communauté et ses États membres soit développée d’une manière coordonnée et selon les principes du développement durable et du recours aux mesures préventives  [14]. » Se référant à la réalisation du marché intérieur et au développement économique qui en est attendu, ils déclarent aussi : « Il faut parallèlement intensifier les efforts afin d’assurer que ce développement soit durable, sans danger pour l’environnement  [15]. » Ils appellent, plus particulièrement, à une meilleure intégration des considérations environnementales au sein des politiques sectorielles. Ils affirment également l’intention des Communautés européennes d’exercer un rôle de chef de file au niveau mondial dans les termes suivants : « La Communauté doit faire usage d’une manière plus efficace de son autorité morale, économique et politique afin d’intensifier les efforts entrepris sur le plan international pour résoudre les problèmes planétaires et encourager un développement durable et le respect pour les domaines communs de la planète  [16]. » Dans ce contexte, une référence spécifique est faite aux thèmes environnementaux globaux tels que la dégradation de la couche d’ozone, les changements climatiques et la déforestation des zones tropicales.

11Les négociations du Traité de Maastricht, conclues l’année où culminait le débat international sur le développement durable lors de la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement à Rio, fournirent l’opportunité d’introduire le développement durable, nouvel engagement politique du Conseil, dans le texte des traités. Néanmoins, malgré la rhétorique de la déclaration de Dublin, les États membres n’étaient pas encore prêts à consacrer le développement durable en tant qu’objectif dans les traités de 1992  [17]. De la sorte, aucune référence directe au développement durable en tant qu’objectif de l’Union n’a été incluse au Traité sur l’Union européenne. Celui-ci fait référence à la notion de durabilité par des formules indirectes évoquant un « progrès économique et social équilibré et durable[18] » ou encore une « croissance durable et non inflationniste respectant l’environnement  [19] ». Cette dernière formule fut choisie pour l’énoncé des objectifs de l’intégration européenne à l’article 2 du Traité CE. Même si la durabilité fit l’objet d’un débat, aucun consensus ne put être trouvé sur la reconnaissance du développement durable en tant qu’objectif de la Communauté, et le compromis final se référa donc à la « croissance durable ». À cet égard, le Traité de Maastricht était plus proche de l’esprit de la déclaration de Rhodes que de celui de la déclaration de Dublin. La notion de « croissance durable » pouvant aussi bien signifier durabilité économique que durabilité écologique, et pouvant donc être entendue comme « croissance soutenue », la précision « respectant l’environnement » fut ajoutée pour apaiser les États membres ayant une vision plus « verte ».

12Paradoxalement, la seule partie du Traité CE tel qu’amendée par le Traité de Maastricht faisant référence au développement durable en tant que tel est celle qui traite de la coopération au développement (Titre XVII). En son article 130u (actuellement article 177 CE), l’objectif de la politique de la Communauté en ce domaine est décrite comme « le développement économique et social durable des pays en développement et plus particulièrement des plus défavorisés d’entre eux ». On ne peut que constater qu’en 1992, l’Union européenne n’était pas encore prête à appliquer elle-même ce qu’elle préconisait, considérant apparemment le développement durable comme un objectif adéquat pour les pays en développement mais pas pour sa propre politique interne.

13Bien que le développement durable n’obtint pas une reconnaissance juridique dans les traités de 1992, le concept continua néanmoins à progresser dans le discours politique des institutions, notamment dans le cinquième PAE tel qu’adopté par le Conseil le 1er février 1993  [20]. Ce programme, intitulé Programme communautaire de politique et d’action en matière d’environnement et de développement durable fut préparé par la Commission à la demande du Conseil européen de Dublin et construit d’après les principes généraux établis par la déclaration de Dublin afin de faire du développement durable son objectif central  [21]. L’approche stratégique adoptée consistait à s’attaquer aux facteurs clés de la dégradation de l’environnement : « Il est préférable de s’attaquer aux agents et aux activités qui sont nuisibles à l’environnement et gaspillent les ressources naturelles par une stratégie proactive de l’intégration de l’environnement  [22]. » Comme le relève la résolution du Conseil : « La mise en œuvre d’une telle stratégie de développement soutenable exigera des modifications considérables dans presque tous les grands domaines où la Communauté œuvre  [23]. »

14Rétrospectivement le cinquième PAE ne constituait pas seulement, comme l’a relevé plus tard la Commission, le « premier engagement de la Communauté en faveur du développement durable  [24] », mais aussi sa première stratégie pour le développement durable avant la lettre. En effet, lorsqu’il approuva l’approche et la stratégie générale du cinquième PAE, le Conseil s’y référa en tant que programme communautaire de politique et d’action en matière d’environnement et de développement durable  [25]. Le programme contenait déjà la plupart des thèmes clés (changement climatique, énergie, transport, agriculture, biodiversité, internalisation des coûts, etc.) qui allaient être développés dans la SDD de 2001, comme nous le verrons ci-dessous.

15Ce fut le Traité d’Amsterdam qui assura la reconnaissance juridique du développement durable comme objectif dans les traités  [26]. D’après le TUE tel qu’amendé par le Traité d’Amsterdam, l’Union se donne pour objectifs « de promouvoir le progrès économique et social ainsi qu’un niveau d’emploi élevé, et de parvenir à un développement équilibré et durable[27] ». L’article 2 du TCE fut amendé afin d’assigner comme mission à la Communauté, entre autres, de « (…) promouvoir dans l’ensemble de la Communauté un développement harmonieux, équilibré et durable des activités économiques (…)  [28] ». Il faut néanmoins relever que ce nouvel objectif ne remplace pas la notion de « croissance durable et non inflationniste », notion introduite par le Traité de Maastricht qui reste présente dans l’article 2 en tant qu’objectif distinct, sans la précision « respectant l’environnement ». Alors que la « croissance durable » était dès lors réduite à sa dimension purement économique, la protection de l’environnement obtenait le statut d’objectif à part entière dans la nouvelle version de l’article 2 qui inclut désormais l’objectif de « niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement  [29] ».

16La référence la plus solide au développement durable se trouve dans l’article 6 TCE, qui établit l’obligation d’intégrer les exigences de protection de l’environnement dans la définition et la mise en œuvre d’autres politiques et activités communautaires, « en particulier afin de promouvoir le développement durable  [30] ». Si le principe d’intégration apparaissait déjà dans l’ancien article 130r du Traité, il lui est dorénavant donné une plus grande importance et une finalité explicite en lien direct avec la promotion du développement durable. D’après l’article 6, l’intégration des exigences environnementales est le moyen principal de promouvoir le développement durable. Ainsi, l’accent est mis sur la dimension environnementale du développement durable, en soulignant que les autres politiques doivent prendre en compte les contraintes écologiques. Mais la référence à la promotion du développement durable pourrait aussi être interprétée comme impliquant des contraintes pour l’intégration de l’environnement qui résulteraient des deux autres piliers : développement économique et social. Il existe des éléments de plus en plus nombreux dans les documents politiques et même juridiques récents qui tendent à interpréter le développement durable dans ce sens, comme nous le verrons plus loin  [31].

2. LE PROCESSUS DE CARDIFF POUR L’INTÉGRATION DE L’ENVIRONNEMENT

17Fin décembre 1997, avant même l’entrée en vigueur du Traité d’Amsterdam, le Conseil européen réuni à Luxembourg se base sur le nouvel article 6 pour inciter la Commission à présenter une stratégie afin de réaliser l’objectif d’intégration environnementale :

18

« Le Conseil européen souligne sa conviction – exprimée dans le futur article 6 du
traité – que les exigences de la protection de l’environnement doivent être intégrées
dans les politiques et actions de la Communauté, en particulier afin de promouvoir
le développement durable. Dans cette perspective, il invite la Commission à lui
présenter, avant sa session de juin 1998, une stratégie pour atteindre cet objectif  [32]. »

19En juin 1998, le Conseil européen de Cardiff accueillit positivement l’ébauche de stratégie concernant l’intégration  [33] et s’engagea à l’« examiner rapidement en vue de la mise en application des nouvelles dispositions du traité  [34] ». Plus concrètement, le Conseil européen invita « toutes les formations concernées du Conseil à définir leurs propres stratégies pour concrétiser l’intégration de l’environnement et le développement durable dans leurs domaines de compétence respectifs  [35] » et invita la Commission « à faire rapport aux futurs Conseils européens sur les progrès accomplis par la Communauté pour répondre à cette exigence du traité  [36] ».

20Un glissement sémantique mérite d’être relevé : alors que l’article 6 du Traité et la communication de la Commission renvoient à l’intégration d’objectifs environnementaux au sein des politiques communautaires dans le but de promouvoir le développement durable, de son côté le Conseil européen entend donner effet à l’intégration de l’environnement et du développement durable dans les politiques, impliquant que le développement durable est un objectif plus large qui ne peut être atteint exclusivement par l’intégration environnementale.

21Sur la base de ce mandat, les formations du Conseil compétentes pour les transports, l’énergie et l’agriculture ont élaboré des rapports sur l’application du principe d’intégration. Le Conseil européen a par la suite encouragé ces formations à continuer leur travail et étendu leur exercice à d’autres formations sectorielles du Conseil, sollicitant le développement de stratégies détaillées et la présentation d’un rapport général par la Commission. Il n’est pas possible dans le cadre de ce Courrier hebdomadaire d’entreprendre une analyse approfondie des résultats de ce processus. Nous renvoyons donc aux rapports publiés par la Commission en 1999  [37] et 2004  [38], et par l’Agence européenne pour l’environnement en 2005  [39].

22Il semble que le mandat de Cardiff ait obligé les formations du Conseil à prendre en compte les implications environnementales des politiques pour lesquelles elles sont compétentes. Que cela ait mené à de réels changements politiques est une autre question. Comme la Commission l’a observé en 1999, « dans la grande majorité des cas, aucun calendrier précis n’a été établi pour l’adoption des mesures et aucun objectif clair n’a été fixé, ce qui rend malaisée la surveillance des progrès  [40] ».

23La réponse la plus fréquente des formations sectorielles à la requête du Conseil européen semble avoir été d’une part l’adoption de conclusions ou rapports contenant des dispositions de politique générale sur la relation entre leurs domaines de politique et le développement durable et d’autre part la justification de leurs activités dans la perspective du développement durable, plutôt que la proposition de stratégies opérationnelles ou de plans d’action contenant des objectifs concrets et de nouvelles mesures pour faire évoluer l’intégration environnementale. Le plus souvent, les conclusions des formations du Conseil étaient « davantage axées sur la mise en œuvre de la politique environnementale que sur des engagements en vue de l’intégration de l’environnement dans les secteurs concernés  [41] ».

24Après une première évaluation du processus de Cardiff en 1999, le Conseil européen d’Helsinki demanda au Conseil de « mener à bien » ces stratégies sectorielles, qui devaient être « mises en œuvre immédiatement ». Le Conseil européen envisagea un suivi régulier pour que les stratégies puissent « être ajustées et approfondies  [42] ». Deux ans plus tard, le Conseil européen de Göteborg invita encore une fois le Conseil à « arrêter et à étoffer les stratégies sectorielles afin d’intégrer l’environnement dans tous les domaines concernés de la politique communautaire, en vue de les mettre en œuvre le plus rapidement possible  [43] ». Mais malgré ces appels répétés pour une approche plus opérationnelle, la Commission ne put que conclure dans son second rapport de 2004 que le processus de Cardiff avait « abouti à des résultats mitigés », n’avait « pas donné tous les résultats escomptés », et semblait « être perçu par plusieurs formations du Conseil comme un exercice purement formel  [44] ».

25Dans le même temps, malgré les (ou peut-être en raison des) résultats limités des stratégies sectorielles d’intégration établies en réponse au mandat de Cardiff, le Conseil européen lança une seconde stratégie sous la bannière du développement durable. De la sorte, le Conseil européen éloigna l’attention politique de l’application de l’article 6, cherchant d’autres moyens de promouvoir le développement durable.

3. LA STRATÉGIE DE L’UNION EUROPÉENNE EN FAVEUR DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

26En 1999, le Conseil européen d’Helsinki invita la Commission à présenter une « proposition de stratégie à long terme destinée à assurer la concordance des politiques ayant pour objet un développement durable du point de vue économique, social et environnemental[45] ». Ce fut le début d’un processus qui allait mener à l’adoption de la SDD, terme qui ne renvoie pas à un document unique mais à une multitude de textes ayant divers statuts politiques. La brochure d’information du public intitulée Stratégie de l’Union européenne en faveur du développement durable, publiée en 2002 par l’Office des publications officielles  [46] contient trois documents principaux : un extrait des conclusions présidentielles du Conseil européen de Göteborg, une communication de la Commission au Conseil européen  [47], et un document de travail des services de la Commission ayant servi de document de consultation préliminaire  [48]. Pour correctement comprendre la portée, le contenu et le statut de la SDD il est nécessaire de se référer à ces trois documents, et à d’autres documents non contenus dans cette brochure.

27Début 2001, les services de la Commission ont publié un document de consultation dans le but d’obtenir une contribution des autres institutions et de la société civile sur le champ et le contenu possible d’une stratégie de l’Union européenne sur le développement durable  [49]. Dans ce document, il était suggéré que la stratégie devrait se concentrer sur un nombre limité de sujets sélectionnés sur la base de leur gravité, de leur dimension européenne, et de leur dimension temporelle et irréversible. Le document se concentrait sur les problèmes localisés au sein de l’Europe et les politiques internes, déclarant que la dimension internationale serait abordée plus tard dans le cadre de la préparation du Sommet mondial sur le développement durable (SMDD) de Johannesburg. Suite à cette consultation, la Commission présenta une Communication portant sur une stratégie de l’Union européenne en faveur du développement durable soumise pour être examinée par le Conseil européen de Göteborg  [50] un mois seulement avant la réunion de ce sommet  [51].

28La proposition réduisait le champ de la SDD à des thèmes environnementaux bien que le document de consultation contenait également deux thèmes sociaux à aborder prioritairement (la pauvreté et le vieillissement de la population). Ces thèmes furent exclus de la proposition formelle de la Commission. Celle-ci le justifia par le fait que les objectifs et les mesures pertinents dans le cadre de la politique sociale avaient déjà été adoptés comme faisant partie du processus de Lisbonne (les engagements en question étaient annexés à la Communication dans un but purement informatif). Enfin, la Commission proposa certaines politiques transversales (relatives à la cohérence politique et à la prise de décision) et un ensemble d’objectifs de premier ordre et de mesures spécifiques dans quatre domaines prioritaires : le changement climatique, le transport, la santé publique et les ressources naturelles.

29Les conclusions de la Présidence du Conseil européen de Göteborg contiennent une partie intitulée « Une stratégie pour le développement durable ». Dans ces conclusions, les chefs d’État et de gouvernement « se félicitèrent » de la présentation par la Commission de sa communication sur le développement durable, des « propositions importantes » qu’elle contient  [52] et donnèrent leur accord à « une stratégie de développement durable qui complète l’engagement politique de l’Union en faveur d’un renouveau économique et social et ajoute une troisième dimension, celle de l’environnement, à la stratégie de Lisbonne  [53] ». Comme ce langage l’indique, le Conseil européen n’a pas adopté la proposition de la Commission en tant que telle ; il a donné son accord à « une » stratégie qui n’est ébauchée qu’en termes généraux dans les conclusions présidentielles. En fait, la majeure partie du texte approuvé à Göteborg consiste en principes généraux et objectifs vagues, la plupart desquels nécessitent une élaboration a posteriori. En effet, le Conseil européen s’est gardé d’exprimer une position sur la plupart des propositions les plus concrètes présentes dans la Communication de la Commission, mais a plutôt invité « le Conseil à examiner, aux fins de la mise en œuvre de la stratégie, les propositions figurant dans la communication de la Commission, notamment les propositions d’objectifs et de mesures prioritaires  [54] » et à définir les « modalités de mise en œuvre de cette stratégie  [55] ».

30Le Conseil européen introduit la partie pertinente de ses conclusions en désignant le développement durable comme un « objectif fondamental assigné par les traités », qui « implique que les politiques économiques, sociales et environnementales soient abordées dans un esprit de synergie  [56] ». Ainsi, la SDD arrêtée à Göteborg est destinée à établir « une nouvelle approche en matière d’élaboration des politiques » qui « repose sur le principe selon lequel il faut examiner d’une manière coordonnée les conséquences économiques, sociales et environnementales de toutes les politiques et en tenir compte dans le processus de décision  [57] ».

31Il est frappant que les conclusions présidentielles de Göteborg, de même que le traité lui-même, s’abstiennent de donner une définition du développement durable. Le développement durable est assimilé à une « approche d’élaboration des politiques », un processus de mise en balance et d’accommodation entre ses trois « piliers ». Ironiquement, la seule définition du développement durable donnée par le droit dérivé apparaît dans un règlement établissant un instrument financier pour fournir un appui aux mesures de promotion du développement durable dans les pays en développement  [58]. Dans ce règlement, et seulement dans ce cadre, le développement durable est défini comme étant « l’amélioration du niveau de vie et du bien-être des populations concernées, dans les limites de la capacité des écosystèmes, par la préservation du patrimoine naturel et de sa diversité biologique dans l’intérêt des générations actuelles et futures  [59] ». Une telle définition aurait très bien pu être appliquée à la population de l’Union européenne dans le cadre de la SDD. Quoi qu’il en soit, il est symptomatique de l’ambiguïté de l’engagement de l’Union européenne pour le développement durable que ses institutions semblent incapables ou ne désirent pas formuler une définition matérielle du concept dans un instrument appliquant cette définition à ses politiques internes.

32Les conclusions présidentielles du sommet de Göteborg traitent en premier lieu certaines des propositions transversales présentées par la Commission et énoncent des principes généraux qui devraient guider « toutes les politiques », tels que l’objectif de « dissocier la croissance économique de l’utilisation des ressources  [60] », l’internalisation complète des coûts sociaux et environnementaux  [61], et la proposition selon laquelle « toutes les grandes propositions comprennent une évaluation de leur impact sur le développement durable, couvrant les conséquences économiques, sociales et environnementales possibles  [62] ». Dans cette section, le Conseil européen appelle aussi les États membres à élaborer des stratégies nationales pour le développement durable, et établit une procédure interinstitutionnelle pour examiner la mise en œuvre de la SDD, procédure qui sera analysée plus loin.

33Les conclusions évoquent l’adoption d’« objectifs clairs et stables en vue du développement durable  [63] » mais il est douteux qu’elles établissent de tels objectifs. En effet, à la différence de la stratégie de Lisbonne, la SDD n’est pas construite autour d’un objectif stratégique central. Comme nous l’avons déjà relevé, les conclusions de la Présidence du Conseil européen de Göteborg renvoient à des principes généraux et à des objectifs de nature transversale tel que « dissocier la croissance économique de l’utilisation des ressources » et, au-delà de ces généralités, n’établissent que des objectifs limités de nature sectorielle. Le Conseil européen n’a pas réellement suivi la Commission dans sa proposition d’articuler clairement la SDD en termes d’objectifs principaux et de mesures propres à chacun d’entre eux.

34Dans un premier temps, le Conseil européen a retenu « un certain nombre de mesures et objectifs pour servir d’orientation générale à l’évolution future des politiques dans quatre domaines prioritaires : le changement climatique, les transports, la santé publique et les ressources naturelles  [64] ». La formulation implique que ces objectifs ne sont pas suffisants en eux-mêmes mais nécessitent des développements ultérieurs, et qu’ils ne couvrent qu’une partie de la matière du développement durable. En effet, même dans les quatre domaines prioritaires identifiés par le Conseil européen, les objectifs ne sont formulés ni clairement ni systématiquement, ni distingués des mesures spécifiques. Certains sont de nature politique, à court terme (par exemple la ratification du Protocole de Kyoto), d’autres sont de nature substantielle, à long terme (par exemple l’« internalisation complète des coûts sociaux et environnementaux » ou « mettre un terme à l’appauvrissement de la biodiversité, objectif qui devrait être atteint d’ici 2010 »). D’autres se bornent à réitérer des politiques déjà adoptées (par exemple, l’objectif indicatif de production électrique à partir de sources renouvelables  [65] ) ou à reprendre des mesures déjà en chantier antérieurement à Göteborg (par exemple les propositions REACH pour la réforme de la réglementation des produits chimiques  [66] ou l’établissement d’une Autorité européenne pour la sécurité alimentaire).

35La Commission s’étant bornée dans sa Communication de mai 2001 à formuler des propositions concernant les aspects internes du développement durable, le Conseil européen de Göteborg mit l’accent dans ses conclusions sur le fait que « le développement durable exige des solutions au niveau planétaire » et demanda à la Commission de « présenter (…) une communication sur la manière dont l’Union contribue et devrait continuer à contribuer au développement durable sur le plan mondial afin de préparer l’Union au sommet mondial de Johannesburg sur le développement durable  [67] » En réponse à cette demande, la Commission a préparé une autre communication intitulée « Vers un partenariat mondial pour un développement durable  [68] » , destinée à remplir deux fonctions différentes mais intimement liées. D’une part, compléter la SDD adoptée à Göteborg avec des mesures abordant le développement durable dans le cadre des politiques externes de l’Union. Et d’autre part « dégager plusieurs composantes stratégiques » de la position de l’Union dans les négociations pour le SMDD  [69]. Conséquence de cet objectif double, la communication est un document hybride mélangeant des propositions politiques à mettre en œuvre par l’Union elle-même à des positions politiques sur les thèmes du développement durable mondial vouées à être abordés au sein d’un forum multilatéral. La Commission articule des « objectifs prioritaires » et des propositions pour l’action de l’Union dans plusieurs domaines, mais dans ces deux catégories se trouvent non seulement des propositions qui pourraient être menées à bien indépendamment par l’Union, mais aussi des mesures qui nécessiteraient un consensus international plus large.

36Il convient aussi de relever que la Communication n’a pas été formellement soumise au Conseil européen, ni a fortiori approuvée par lui  [70], mais a été seulement examinée par le Conseil de l’Union qui a pris position sur certaines propositions dans diverses conclusions, sans jamais considérer le document comme un élément à part entière de la SDD, comme le demandait la Commission  [71]. Ces conclusions du Conseil avaient en fait essentiellement pour objet de définir la position de l’Union européenne en vue du sommet mondial de Johannesburg. Il est vrai que les principales, celles du Conseil du 30 mai 2002, contiennent une partie intitulée « La dimension extérieure du la SDD ». Quoi qu’il en soit, l’examen de son contenu révèle que, comme le document de la Commission lui-même, ce texte ne distingue pas clairement les engagements unilatéraux de l’Union européenne pour son action extérieure des positions que l’Union entend défendre au SMDD.

37S’agissant du Conseil européen, il n’est pas surprenant qu’il mette l’accent sur le deuxième aspect tout en s’abstenant d’approuver le premier. Les conclusions de la présidence du sommet de Barcelone annonçaient son intention d’arrêter « la position globale de l’Union européenne pour le sommet de Johannesburg » lors de ses réunions à venir  [72], mais le Conseil européen de Séville, renvoyant à une série de conclusions antérieures du Conseil en ce qui concerne le SMDD, « marque son accord avec les positions générales définies par l’Union européenne dans ce contexte », sans aucune référence à la dimension extérieure de la SDD en tant que telle  [73]. Ainsi, le Conseil européen n’a jamais formellement approuvé les objectifs extérieurs ni a fortiori les mesures concrètes proposées pour les réaliser. L’approbation sélective des conclusions pertinentes du Conseil laisse quant à elle un doute sur la validité politique des quelques vagues engagements qu’elles contiennent, en dehors du contexte de négociation multilatérale du SMDD.

38La seule conclusion qui peut être tirée de ce qui précède est que l’engagement politique de l’Union européenne en faveur de sa « SDD » est, au mieux, ambivalent. La Commission, le Conseil européen et le Conseil de l’Union européenne ont, clairement, des conceptions différentes sur le but, la portée et le statut de la SDD, qui ne se combinent pas pour former une politique globale cohérente. À défaut d’un document stratégique unique adopté par toutes les institutions, il semble y avoir autant de stratégies différentes qu’il y a d’acteurs institutionnels impliqués.

39L’élaboration de la SDD n’était pas envisagée comme un exercice ponctuel, mais comme un processus évolutif, dont les objectifs seraient périodiquement réévalués et développés à mesure qu’évolueraient la mise en œuvre et les circonstances. Pour évaluer l’impact de la SDD il donc est nécessaire de considérer les résultats de la procédure d’examen annuel annoncé par les conclusions présidentielles du sommet de Göteborg. Est-ce que cette procédure a abouti à des clarifications, voire à de nouvelles orientations ?

4. LA PROCÉDURE D’EXAMEN ANNUEL

40Lorsqu’il a adopté la SDD, le Conseil européen a dans le même temps prévu d’évaluer « les progrès accomplis dans l’élaboration et la mise en œuvre de la stratégie  [74] », et de « formuler, en fonction des nécessités, des orientations politiques pour promouvoir le développement durable dans l’Union  [75] » lors de ses réunions de printemps. Comme fondement de cette procédure d’examen annuel la Commission fut invitée à évaluer « la mise en œuvre de la stratégie de développement durable dans son rapport annuel de synthèse  [76] ».

41La Commission reçut comme mission d’établir un tel rapport annuel pour évaluer les progrès vers la réalisation des objectifs de réforme économique et sociale tels qu’avalisés par le Conseil européen de Lisbonne. Le Conseil européen de Göteborg avait donc décidé d’étendre à la SDD la procédure d’examen annuel de la stratégie de Lisbonne. L’examen annuel de l’agenda de Lisbonne par le Conseil européen est un des instruments de la méthode ouverte de coordination développée dans le cadre de la politique économique et sociale, « de manière que cette stratégie soit dirigée de façon plus cohérente et que les résultats obtenus fassent l’objet d’un suivi effectif  [77] ».

42En conséquence des décisions prises à Göteborg, le rapport de synthèse doit être basé non seulement sur des indicateurs économiques et sociaux, mais aussi sur des paramètres environnementaux. Ceci afin de permettre d’évaluer les progrès accomplis dans les trois domaines lors des sommets de printemps du Conseil européen.

43Quoi qu’il en soit, la façon dont a été abordée la mise en œuvre de la SDD lors des réunions de printemps n’indique pas que l’exercice a été pris très au sérieux par la Commission comme par les dirigeants politiques des États membres. Les réunions de printemps n’ont jamais réalisé un examen approfondi des progrès et n’ont donné que peu d’orientations politiques sur le développement durable depuis le sommet de Göteborg.

44Le rapport de synthèse annuel de la Commission ne donne pas un traitement équilibré aux trois dimensions du développement durable. En effet, depuis 2002 ce rapport comporte un chapitre succinct sur l’environnement apparaissant plutôt comme un appendice greffé au corps principal du rapport, comme une pensée après coup, dans le but de respecter le mandat formel donné par le Conseil européen. L’attention principale du rapport reste axée sur les objectifs socio-économiques de la stratégie de Lisbonne, et le développement durable n’a pas été intégré à la procédure d’évaluation comme une nouvelle dimension devant être prise en compte à tous les niveaux. Seul un nombre limité d’indicateurs environnementaux ont été ajoutés à la liste principale d’indicateurs de premier ordre, économiques et sociaux (3 sur 14). Les quelques indicateurs retenus ne couvrent pas les quatre domaines prioritaires de la SDD identifiés à Göteborg. De même, la partie narrative du rapport ne met en lumière que quelques problèmes et se garde d’établir des conclusions politiques claires.

45Le rapport du Conseil de printemps de 2002 n’aborde que les émissions de gaz à effet de serre, l’élaboration d’une approche viable des transports et l’importance des technologies propres  [78]. En 2003, le rapport relevait que « selon les données disponibles pour 2000, les tendances préoccupantes observées au moment du lancement de la stratégie de développement durable de l’Union ont persisté », illustrant ce point de vue par des données sur l’énergie, le transport et la qualité de l’air, tout en insistant sur l’importance de supprimer les obstacles à l’investissement dans les technologies environnementales  [79]. Le rapport fournit également une vue générale des engagements pris par l’Union européenne au SMDD et appelle à une plus grande cohérence entre politiques internes et extérieures. Le rapport de 2004 déplore, en des termes très généraux, la « mise en œuvre limitée » de la SDD puis, de manière quelque peu inconsistante énumère en tant qu’ « importants efforts » un certain nombre de mesures européennes adoptées l’année précédente. Le rapport appelle également à « renforcer les synergies entre compétitivité et environnement  [80] ». Le rapport de 2005 ne contient pas de chapitre consacré à l’environnement en tant que tel. Il est entièrement axé sur l’emploi et la croissance, et n’aborde l’environnement qu’incidemment via la « contribution » de l’éco-innovation qui pourrait créer productivité, compétitivité et croissance  [81]. Le rapport ne contient aucune information sur les progrès vers la réalisation des objectifs établis à Göteborg.

46Étant donné le peu de zèle avec lequel la Commission a examiné la mise en œuvre de la SDD dans ses rapports annuels, il n’est pas surprenant que la procédure d’examen fut réalisée par le Conseil européen lui-même de façon purement formelle. À la veille de Göteborg, au Conseil européen de Stockholm de mars 2001, de hautes ambitions politiques avaient pourtant été proclamées. Le Conseil européen avait annoncé qu’il passerait en revue lors de son prochain sommet de printemps de 2002 « les progrès en ce qui concerne l’intégration des objectifs de développement durable dans la stratégie de Lisbonne », ainsi que « la manière dont le secteur des technologies de l’environnement peut aider à promouvoir la croissance et l’emploi  [82] ». Dans les faits, aucun examen digne de ce nom n’a eu lieu.

47Le Conseil européen de Barcelone en mars 2002 s’est borné à réitérer en des termes généraux que « dans les processus d’élaboration des politiques et de prise de décisions, une même attention doit être apportée aux considérations d’ordre économique, social et environnemental  [83] » et a pris note des travaux en cours du Conseil et de la Commission sur un certain nombre de thèmes. En ce qui concerne les sujets faisant l’objet d’une attention prioritaire lors du sommet de Göteborg, tels que les technologies environnementales, les transports et les études d’impact, leur mise en œuvre était déjà différée par le retard de la Commission à soumettre des propositions. Comme l’attention des décideurs politiques en 2002 était fixée sur l’agenda international du fait du sommet de Johannesburg, un examen de la SDD fut remis à plus tard par le Conseil européen annonçant qu’ « il réexaminera au printemps 2003 la stratégie globale pour le développement durable en mettant l’accent sur la mise en pratique des résultats du Sommet mondial sur le développement durable » lors de son sommet de printemps à venir, en 2003  [84]. La seule nouvelle orientation politique contenue dans les conclusions présidentielles de Barcelone concerne la « nécessité pour l’Union européenne d’enregistrer des progrès importants dans le sens d’une meilleure efficacité énergétique d’ici 2010  [85] ». Alors que le Conseil de l’Union européenne est prié de parvenir à un accord rapide sur la directive sur la taxation de l’énergie, le Conseil européen l’invite à prendre en compte les « besoins des entreprises de transport routier » dans la recherche de cet accord  [86]. Ce message politique semble plutôt aller à l’encontre de l’un des objectifs clés de la SDD : la promotion de modes de transport plus respectueux de l’environnement, et l’internalisation complète des coûts sociaux et environnementaux dans les prix des transports.

48En 2003, dans la foulée du sommet mondial de Johannesburg, le Conseil européen de printemps a consacré plus d’attention au développement durable, bien que ses conclusions restent limitées à une revue globale des progrès accomplis dans le cadre de la SDD. Le Conseil européen relevait qu’« en dépit de certains progrès, les tendances inquiétantes que l’on pouvait observer à l’époque du lancement de la stratégie n’ont pas été inversées, et il faut donc insuffler un nouvel élan  [87] », et mettait encore une fois l’accent sur la protection de l’environnement en tant que « facteur important pour l’innovation et l’introduction de nouvelles technologies, dont découlent la croissance et l’emploi [88] ». Le Conseil européen invitait également les États membres à « accélérer les progrès afin d’atteindre les objectifs fixés par le Protocole de Kyoto  [89] », et examinait le travail du Conseil et de la Commission dans des domaines tels que le commerce des émissions, les biocarburants, l’efficacité énergétique, la taxation de l’énergie, et les frais d’infrastructures (dont le traitement était encore retardé). En ligne avec l’objectif de Göteborg de « fixer des prix qui reflètent mieux ce que les différentes activités coûtent réellement à la société », le Conseil européen appelait aussi à la réforme des subventions « ayant une incidence négative importante sur l’environnement et incompatibles avec le développement durable  [90] ». Dans deux autres domaines prioritaires de la SDD, les conclusions présidentielles préconisaient une accélération rapide des travaux sur la conservation de la biodiversité et la réglementation des produits chimiques (également retardés). Les conclusions donnent des instructions à la Commission pour la finalisation de son plan d’action sur les technologies de l’environnement, longtemps attendu. Enfin, les conclusions contiennent un passage sur la promotion du développement durable au niveau mondial, appelant à la traduction des engagements du sommet de Johannesburg en actions concrètes, comprenant des actions sur le plan interne et extérieur dans des domaines tels que le commerce, l’aide au développement et les pêcheries. Un engagement spécifique du SMDD ayant des implications internes est l’élaboration « en temps utile, au niveau tant international qu’européen, d’un cadre de programmes pour une durée de dix ans en matière de consommation et de production durables », pour lequel le Conseil européen aimerait voir l’Union européenne prendre le leadership  [91].

49Après ce bref réveil d’attention politique pour le développement durable à la suite du sommet de Johannesburg, le Conseil européen semble être revenu à une approche business as usual en 2004 et 2005, se concentrant encore une fois presque exclusivement sur des thèmes socio-économiques dans le contexte de la détérioration du climat économique et du prochain examen à mi-terme de la stratégie de Lisbonne. Dans ce contexte, les seuls thèmes relevant du développement durable qui ont reçu une attention sont le changement climatique et les thèmes liés à l’énergie et aux technologies propres. Dans les conclusions du Conseil européen de printemps de 2004, « améliorer l’efficacité énergétique et accroître le recours aux sources d’énergie renouvelables » est souligné comme étant « primordial, pour des raisons liées à l’environnement et à la compétitivité  [92] » et la mise en œuvre des technologies propres essentielle « pour exploiter pleinement les synergies entre les entreprises et l’environnement  [93] ». Le Conseil européen accueillit favorablement le plan d’action sur les technologies environnementales présenté avec retard par la Commission et appelait à ce qu’il soit « rapidement mis en œuvre  [94] ». Dans le même temps, alors qu’il réitérait l’engagement de l’Union européenne à réaliser les objectifs de Kyoto, le Conseil européen entama les travaux préparatoires du cycle de négociations mondiales sur les changements climatiques à venir en prévoyant de considérer « des stratégies de réduction des émissions à moyen et long terme » lors de son prochain Conseil de printemps de 2005. Dans ce but, il invita la Commission à élaborer « une analyse coût-avantages prenant en compte à la fois des considérations environnementales et des considérations de compétitivité  [95] ».

50Cet accent renouvelé sur la compétitivité, la croissance et l’emploi devint le plus apparent lors du Conseil de printemps de 2005, consacré à la relance de la stratégie de Lisbonne. Le décor était planté par le rapport Kok  [96] et le rapport de synthèse de la Commission ainsi que la communication de cette dernière au Conseil européen d’après laquelle tous les efforts devaient être centrés sur la croissance et l’emploi et qui subordonnait de fait les préoccupations environnementales et sociales à ce premier objectif économique :

51

« Nous avons besoin d’une économie dynamique pour nourrir des ambitions de
plus grande ampleur dans le domaine social et celui de l’environnement. Voilà
pourquoi la stratégie de Lisbonne renouvelée est axée sur la croissance et l’emploi.
(…) Donner la priorité immédiate à la croissance et l’emploi va de pair avec une
promotion des objectifs sociaux et environnementaux  [97]. »

52Dans cette perspective, la prise en compte des thèmes du développement durable était réduite dans les conclusions du Conseil de printemps de 2005 à un paragraphe unique traitant seulement de l’efficacité énergétique, de l’éco-innovation et des technologies environnementales  [98]. Le seul thème à bénéficier de considérations plus détaillées était celui des objectifs à moyen et long terme de la politique des changements climatiques, en réponse à l’agenda des négociations internationales. Toute considération sur la mise en œuvre de la SDD était reportée au réexamen annoncé de la stratégie qui devait mener à une « nouvelle stratégie plus complète et plus ambitieuse comportant des objectifs, des indicateurs et une procédure efficace de suivi » à adopter par le Conseil européen d’ici la fin de 2005  [99].

53Ainsi, l’examen annuel n’a pas répondu aux attentes créées par le Conseil européen de Göteborg  [100]. Le traitement des thèmes du développement durable par les Conseils européens de printemps depuis 2002 s’est réduit à un exercice purement formel, qui n’a pas mené à un développement significatif de la SDD. L’échec de la Commission elle-même à traiter sérieusement les progrès de la mise en œuvre de la SDD dans ses rapports annuels de synthèse et à formuler de nouvelles propositions de politiques à certainement contribué au relâchement de l’attention politique de haut niveau pour le développement durable depuis le sommet de Göteborg. Il en est de même pour le flux et reflux des priorités politiques des présidences du Conseil successives et l’évolution du climat politique et économique général. Le seul domaine prioritaire de la SDD auquel le Conseil européen a accordé une orientation politique importante fut le changement climatique, bien que cette attention continue trouve peut-être ses causes autant dans les développements internationaux que dans un processus endogène de suivi politique. Cela mis à part, la SDD a bel et bien été éclipsée par la relance de la stratégie de Lisbonne et son réexamen remis à plus tard, une fois que cette dernière priorité politique urgente, l’agenda de Lisbonne, aurait été traitée.

54Ce qui nous mène à la question de la relation entre ces deux stratégies.

5. LES RELATIONS DE LA SDD AVEC LES AUTRES STRATÉGIES ET PROGRAMMES

55En analysant la SDD et sa mise en œuvre nous avons dû continuellement renvoyer à la stratégie de Lisbonne pour le renouveau économique et social, dont l’adoption est antérieure au Conseil européen de Göteborg. Il semble que le statut politique ambigu de la SDD est, dans une large mesure, à expliquer par sa relation avec le processus de Lisbonne. Les conclusions présidentielles de Göteborg elles-mêmes renvoient à la stratégie de Lisbonne et mettent à jour des liens entre la SDD, le processus de Cardiff sur l’intégration environnementale, et le sixième PAE. L’un des traits marquants de l’évolution récente de la politique de l’Union européenne est la prolifération de documents et processus « stratégiques », qui tendent à éclipser l’élaboration des politiques au moyen de la méthode communautaire traditionnelle. Pour compléter notre analyse, il est donc nécessaire de s’attacher à la relation entre la SDD, la stratégie de Lisbonne, et le sixième PAE.

56Nous commencerons en présentant brièvement la stratégie de Lisbonne. En réponse au fossé croissant des performances économiques entre l’Union européenne et les États-Unis et aux inquiétudes quant à la compétitivité à long terme de l’économie européenne, le Conseil européen réuni à Lisbonne en mars 2000 adopta une stratégie globale pour le renouveau économique et social, dans le but de stimuler le développement économique et l’emploi par un ensemble de réformes structurelles vouées à promouvoir la recherche et le développement, l’innovation et la compétitivité, à parachever le marché intérieur, et à moderniser le marché du travail et les systèmes de sécurité sociale. La stratégie est orientée vers ce que le Conseil européen de Lisbonne a nommé un « nouvel objectif stratégique » pour l’Union européenne, qui devrait être atteint en dix ans : « Devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale  [101]. »

57Pour réaliser ce but, la stratégie de Lisbonne prévoit un ensemble de mesures au niveau de l’Union et la coordination des politiques économiques nationales des États membres par une nouvelle méthode, intitulée méthode ouverte de coordination. Cette procédure vise à « diffuser les meilleures pratiques et d’assurer une plus grande convergence au regard des principaux objectifs de l’Union européenne » tout en permettant aux États membres de développer leur propre politique dans le respect de lignes directrices européennes  [102]. Il revient au Conseil européen de définir des lignes directrices pour l’Union, assorties de calendriers spécifiques pour réaliser les objectifs à court, moyen et long terme fixés par les États membres, des indicateurs quantitatifs et qualitatifs et des critères d’évaluation en fonction des meilleures performances mondiales et des indicateurs de progrès au niveau de l’Union européenne, tandis qu’il revient aux États membres de « traduire ces lignes directrices européennes en politiques nationales et régionales en fixant des objectifs spécifiques et en adoptant des mesures qui tiennent compte des diversités nationales et régionales  [103] ». La convergence des politiques nationales et régionales doit être stimulée par une procédure périodique de suivi, une évaluation et un examen par les pairs, « ce qui permettra à chacun d’en tirer des enseignements ». Cette procédure doit être menée par le Conseil lors d’une réunion annuelle au printemps consacrée aux questions économiques et sociales afin d’examiner les progrès accomplis  [104].

58La stratégie de Lisbonne, telle que conçue et adoptée en 2000, avant la SDD, se concentrait exclusivement sur des objectifs économiques et sociaux. Les objectifs principaux proposés par la Commission dans sa contribution au Conseil européen de Lisbonne étaient formulés en des termes purement économiques et sociaux. L’agenda de la Commission pour un « renouveau économique et social européen » ne contenait aucune référence à des thèmes environnementaux. L’objectif principal de la Commission pour une « économie compétitive, dynamique et fondée sur la connaissance » était de susciter une croissance économique « accélérée et durable[105] ». Comme dans le Traité lui-même, cette qualification ne devait pas forcément être interprétée comme une référence à la durabilité environnementale.

59Le mandat initial pour le développement de la SDD tel que formulé par le Conseil européen d’Helsinki avant celui de Lisbonne, mentionnait une stratégie « à long terme destinée à assurer la concordance des politiques ayant pour objet un développement durable du point de vue économique, social et environnemental[106] », c’est-à-dire une stratégie globale intégrant les trois piliers du développement durable. Mais l’adoption de la stratégie de Lisbonne avant l’élaboration de la SDD, isolant les objectifs économiques et sociaux de l’agenda plus large du développement durable, empêcha une approche réellement intégrée : le champ de la SDD se trouvait ainsi implicitement, voir explicitement réduit à la dimension environnementale. Ainsi que le Conseil européen de Stockholm le formula avant Göteborg.

60

« Lisbonne a réussi l’intégration des questions économiques et sociales. La stratégie
pour le développement durable, comportant une dimension environnementale, qui
sera adoptée lors du Conseil européen de Göteborg en juin prolongera, en le
complétant, l’engagement politique pris en vertu de la stratégie de Lisbonne  [107]. »

61La Commission n’eut jamais la volonté de s’attacher aux thèmes de politique économique dans le cadre de la SDD, mais avait dans un premier temps envisagé une stratégie regroupant des objectifs à la fois environnementaux et sociaux. Finalement, cette intention fut abandonnée dans sa communication de mai 2001, comme mentionné plus haut. En effet, la Commission ne proposait pas d’objectifs ou mesures de nature sociale, au motif qu’ils avaient déjà été fixés par la stratégie de Lisbonne. Néanmoins, sa communication renvoie à ces objectifs et mesures qu’elle liste en annexe comme faisant « partie intégrante de la stratégie de l’Union européenne en faveur du développement durable  [108] ». De son côté, le Conseil européen de Göteborg adoptait une démarche quelque peu différente en énonçant que la SDD « ajoute une troisième dimension, celle de l’environnement, à la stratégie de Lisbonne  [109] ».

62Mais quelle est exactement la relation entre ces deux stratégies ? Est-ce que le pilier social de la stratégie de Lisbonne est intégré à la SDD ? Est-ce que la SDD est le troisième pilier de la stratégie de Lisbonne, complétant les objectifs économiques et sociaux préétablis par une dimension environnementale ? Ou est-ce que la SDD est une stratégie indépendante, distincte de la stratégie de Lisbonne mais complémentaire à cette dernière, comme le Conseil européen de Stockholm semble le suggérer ?

63Jusqu’à l’adoption de la SDD « renouvelée » en 2006 (cf. infra), ces questions n’ont jamais trouvé de réponse vraiment claire dans le chef des institutions qui semblaient hésiter entre les deux dernières options, passant de l’une à l’autre selon le contexte et les circonstances, comme il ressort des déclarations de la Commission et du Conseil européen  [110].

64La façon dont est mené l’examen des réunions de printemps du Conseil européen depuis 2002 semble impliquer que Lisbonne et Göteborg sont traités comme une stratégie unique, intégrée. Le Conseil européen lui-même a décrit ces réunions comme étant des « réunions annuelles sur la situation économique, sociale et environnementale dans l’Union européenne » et la Commission renvoie dans certains documents à la « stratégie de Lisbonne pour le renouveau économique, social et environnemental  [111] », impliquant que la SDD a bel et bien été incorporée à la stratégie de Lisbonne. De même, on peut déduire cette incorporation des conclusions de la présidence du Conseil européen se référant à l’agenda de Lisbonne comme étant une « approche privilégiant la cohérence entre (…) les différents domaines d’action – économique, social et environnemental  [112] », ou aux « trois dimensions économique, sociale et environnementale de la stratégie [de Lisbonne]  [113] ». Mais on peut douter que l’objectif d’intégration des objectifs de développement durable dans la stratégie de Lisbonne, comme annoncé à l’origine par le Conseil européen de Stockholm avant la réunion de Göteborg  [114], ait été réellement atteint par le seul ajout de quelques objectifs et mesures en matière d’environnement de la SDD à ceux de Lisbonne.

65L’objectif stratégique de Lisbonne n’a jamais été reformulé pour comprendre les trois piliers du développement durable de manière équilibrée, mais reste surtout concentré exclusivement sur des buts économiques et sociaux. L’examen à mi-parcours et le renouvellement de la stratégie de Lisbonne en 2005 aurait pu fournir l’opportunité de reformuler et repenser son but stratégique afin d’y intégrer correctement l’objectif du développement durable. Mais la Commission et le Conseil européen ont préféré dissocier la dimension du développement durable des objectifs de la stratégie de Lisbonne et traiter Lisbonne et la SDD en tant qu’instruments distincts. Dans son rapport de synthèse pour la réunion de printemps de 2005, la Commission justifia ce choix :

66

« Donner la priorité immédiate à la croissance et l’emploi va de pair avec une
promotion des objectifs sociaux et environnementaux. La stratégie de Lisbonne est
une composante essentielle de l’objectif global de développement durable fixé dans le
Traité, à savoir améliorer la protection sociale et les conditions de vie de manière
durable pour les générations actuelles et futures. Tant la stratégie de Lisbonne que la
stratégie de développement durable contribuent à la réalisation de cet objectif. Comme
elles se renforcent mutuellement, elles visent des actions complémentaires, utilisent
des instruments différents et produisent des résultats dans des cadres temporels
distincts  [115]. »

67La nature complémentaire des deux stratégies est simplement affirmée et la différence du cadre temporel utilisée comme argument pour se concentrer sur les objectifs à court terme que sont croissance et l’emploi, laissant le soin à d’autres instruments de traiter la durabilité, préoccupation à long terme  [116]. En donnant la priorité au renouvellement de la stratégie de Lisbonne et en remettant l’examen de la SDD à plus tard, la question de la compatibilité des objectifs de Lisbonne avec le développement durable a été commodément évitée.

68Bien qu’il avait initialement suggéré dans les conclusions présidentielles de son sommet de printemps de 2004 que la SDD était un facteur à prendre en compte dans l’examen à mi-chemin de la stratégie de Lisbonne  [117], le Conseil européen de printemps 2005 avalisa l’approche de la Commission et procéda à la relance de la stratégie de Lisbonne sans attendre le réexamen de la SDD, se bornant à réaffirmer que « cette stratégie [Lisbonne] s’inscrit, elle-même, dans le contexte plus vaste de l’exigence de développement durable  [118] ». En renvoyant à plus tard l’examen de la SDD originairement prévu pour 2004  [119], la Commission a bel et bien fait obstacle à une analyse conjointe et une meilleure intégration des deux stratégies. Au lieu de cela, le Conseil européen annonça son intention d’adopter une « déclaration sur les principes directeurs du développement durable », qui devait être suivie d’une SDD « renouvelée » pour la fin 2005  [120].

69Or, si le développement durable est réellement considéré comme étant le « principe global », cela implique une relation hiérarchique entre cet objectif et d’autres objectifs politiques. Dans une telle perspective, il aurait été plus logique de clarifier dans un premier temps les objectifs globaux économiques, sociaux et environnementaux de la SDD avant d’établir des objectifs à court terme de politique économique et sociale se concentrant uniquement sur la croissance économique et l’emploi et de se donner comme priorité politique l’atteinte de ces objectifs. Le réexamen de la stratégie de Lisbonne a tendu vers une confirmation de son orientation première, plutôt que d’approfondir sa perspective de durabilité.

70Cela démontre que, au-delà du fait que les deux stratégies aient été adoptées par le Conseil européen, en pratique, les stratégies de Lisbonne et de Göteborg ne reçoivent de façon évidente pas la même attention politique. La SDD est présentée comme faisant partie intégrante de la stratégie de Lisbonne lorsque cette intégration soutient la légitimité de cette dernière en soulignant le fait qu’elle s’attache également à la protection de l’environnement. Cela permet également de relier l’examen annuel de la SDD à celui de l’agenda de Lisbonne, évitant ainsi de consacrer au développement durable en tant que tel une réelle attention politique de haut niveau. Néanmoins, lorsqu’il est question de redéfinir les objectifs stratégiques de l’Union européenne, la stratégie de Lisbonne et la SDD sont tout aussi facilement considérées comme distinctes et dissociées l’une de l’autre afin de ne pas compromettre l’objectif économique premier (lui-même déjà étant déjà un compromis subtil entre des objectifs sociaux et économiques), raison d’être de la stratégie de Lisbonne, en prenant en compte de trop nombreuses considérations et paramètres non économiques.

71La relation entre la SDD et le sixième PAE, adopté un an plus tard et couvrant la période 2002-2012, soulève elle aussi des questions de cohérence politique. L’adoption périodique de programmes d’action pluriannuels est une marque de la politique environnementale des Communautés européennes depuis ses débuts au cours des années 1970. En 1992 cette pratique fut codifiée par le Traité de Maastricht et dotée d’une base juridique dans ce qui était l’article 130s (3) du TCE. Cet article (maintenant article 175(3) TCE) prévoit que « des programmes d’action à caractère général fixant les objectifs prioritaires à atteindre » soient adoptés par le Conseil par la procédure de co-décision avec le Parlement européen.

72Ainsi, le sixième PAE était à l’examen par les deux institutions pendant le sommet de Göteborg. Le Parlement et le Conseil venaient juste d’achever leur première lecture du projet lorsque la SDD fut adoptée par le Conseil européen. Les conclusions présidentielles de Göteborg renvoient au sixième PAE en question dans une clause par laquelle le Conseil était invité à examiner, « aux fins de la mise en œuvre de la stratégie [SDD] », non seulement les propositions de la communication de la Commission au sujet de la SDD, mais aussi le sixième PAE  [121]. En définissant les objectifs environnementaux prioritaires de la SDD, le Conseil européen affirma que c’était « en s’appuyant » notamment sur le sixième PAE  [122]. En effet, certains objectifs spécifiques se rapportant au changement climatique et à la biodiversité contenus dans le sixième PAE sont explicitement repris dans les conclusions de la Présidence de Göteborg. Enfin, le Conseil européen invitait le Conseil à prendre en compte « les objectifs correspondants définis dans le sixième PAE » et ceux de la SDD dans le cadre ses travaux à venir sur les stratégies sectorielles pour l’intégration environnementale dans la ligne du mandat de Cardiff  [123].

73La décision du Parlement européen et du Conseil du 22 juillet 2002 établissant formellement le sixième PAE  [124] contient à son tour plusieurs références à la SDD. La principale de ces références concerne la relation entre la SDD et le sixième PAE décrite dans les termes suivants.

74

« Le programme constitue un fondement de la dimension environnementale de la
stratégie de l’Union européenne pour le développement durable et contribue à
l’intégration de préoccupations environnementales dans toutes les politiques
communautaires, notamment en définissant des priorités en matière
d’environnement pour la stratégie  [125]. »

75Une clause du préambule prévoit plus clairement que le sixième PAE « devrait être pris en compte au moment de présenter des propositions au titre de la stratégie  [126] ». Le programme fait sien la poursuite d’« objectifs et cibles en matière d’environnement » pour « favoriser l’intégration des préoccupations environnementales dans l’ensemble des politiques de la Communauté et contribuer à assurer un développement durable  [127] ». Un examen des « objectifs et cibles en matière d’environnement » établis par le sixième PAE révèle qu’il y a dans une large mesure un recoupement entre ces objectifs et les « priorités environnementales pour la durabilité » de la SDD. En fait, tous les objectifs prioritaires pour la durabilité se reflètent, d’une manière ou d’une autre, dans le PAE. Néanmoins, le PAE est beaucoup plus complet quant aux objectifs qu’il établit et la palette de thèmes environnementaux qu’il traite.

76Cela pose donc le problème du statut des objectifs du PAE par rapport à ceux établis par la SDD. Puisque la SDD était de fait réduite à un ensemble d’objectifs environnementaux voués à compléter les objectifs économiques et sociaux de la stratégie de Lisbonne, n’aurait-il pas été plus logique en termes de cohérence politique d’utiliser les objectifs du sixième PAE dans ce but ? Est-ce que l’adoption d’un nombre limité d’objectifs environnementaux par le Conseil européen dans sa SDD implique que tous les objectifs du sixième PAE ne sont pas considérés comme d’égale importance pour la réalisation du développement durable ? Le fait que les objectifs de la SDD aient été entérinés par le Conseil européen alors que ceux du sixième PAE ont seulement été adoptés par le Parlement européen et le Conseil suivant un mode de décision interinstitutionnel prévu par le Traité implique-t-il que les premiers ont plus de poids politique que les seconds ? Comme ces interrogations le montrent, la SDD a peut-être eu l’effet pervers de dévaluer le sixième PAE et de détourner l’attention de sa mise en œuvre.

77Le texte de la décision du sixième PAE lui-même suggère une conscience d’une sorte de statut inférieur lorsqu’il précise que le PAE devrait constituer une base (pas la base) de la dimension environnementale de la SDD et exprime la simple attente que les priorités du PAE « devraient être prises en compte » dans les mesures prises dans le cadre de la SDD. Cela implique la reconnaissance que certains objectifs établis par le PAE, malgré leur fondement juridique dans l’article 175(3) du Traité, ne devraient en fait peut-être pas être considérés comme s’imposant dans le cadre de la SDD, lorsque mis en balance avec les objectifs économiques et sociaux. Une autre formule de la décision, interprétant le principe d’intégration contenu dans l’article 6 du TCE, précise que « les mesures proposées et adoptées en faveur de l’environnement devraient contribuer aux objectifs des dimensions économique et sociale du développement durable et inversement  [128] ». Il est vrai que le sixième PAE appelle également à une plus grande intégration des préoccupations environnementales dans les autres politiques et à « examiner, avant de les adopter, si les mesures dans le domaine économique et social contribuent aux objectifs, cibles et échéances du programme  [129] », mais les moyens de garantir une telle intégration font défaut.

78Bien que les conclusions présidentielles du Conseil européen de Göteborg prévoyaient la prise en compte du sixième PAE pour la mise en œuvre et l’élaboration de la SDD d’une part et les stratégies sectorielles d’intégration d’autre part, et bien que le Conseil européen de Barcelone renvoyait lui aussi au PAE en tant qu’« instrument clé du progrès vers le développement durable  [130] », la procédure d’examen annuel, comme mentionné plus haut, n’a pas résulté en une élaboration plus poussée des objectifs environnementaux de la SDD basés sur le PAE.

79De plus, contrairement à la « nouvelle approche de l’élaboration des politiques » proclamée à Göteborg, les objectifs économiques et sociaux de la stratégie de Lisbonne n’ont jamais été réexaminés dans la perspective du développement durable de façon à assurer leur cohérence avec les objectifs environnementaux de la SDD, encore moins du sixième PAE.

80Néanmoins, comme nous l’avons vu, le sixième PAE, dans le sillage de la SDD, a internalisé unilatéralement les contraintes économiques et sociales, alors que la stratégie de Lisbonne ne prévoit aucun engagement réciproque de garantir la concordance de ses objectifs économiques et sociaux avec les objectifs environnementaux. Cette subordination volontaire du sixième PAE montre que la SDD a eu, assez paradoxalement, plus d’impact sur la politique de l’environnement que sur les politiques économiques et sociales.

6. SUR LA VOIE D’UN RENOUVELLEMENT DE LA SDD

81Après la relance de la stratégie de Lisbonne, allait-on assister à une relance de la SDD ? Dans sa communication au Conseil européen de Göteborg, la Commission avait envisagé un réexamen exhaustif de la stratégie au début de chaque nouvelle prise de fonction de la Commission. Le Conseil européen avait plutôt opté pour un réexamen progressif par ses réunions de printemps annuelles. Mais après l’échec de cet examen annuel, le Conseil européen et la Commission se sont engagés ensemble sur la voie d’un réexamen global, bien qu’à un rythme plus lent que celui initialement envisagé par la Commission  [131].

82La première étape fut une consultation du public organisée par les services de la Commission d’août à octobre 2004  [132]. Ensuite, la nouvelle Commission établit une Communication contenant un « premier bilan et orientations futures » en février 2005  [133]. Lors de sa réunion de juin 2005, le Conseil européen annonça que la SDD « renouvelée » serait dans la mesure du possible adoptée avant la fin de 2005  [134].

83Le même sommet adopta par ailleurs une « déclaration sur les principes directeurs du développement durable » de trois pages, établissant une série d’« objectifs clés » et « principes directeurs  [135] » destinés à fournir une « nouvelle impulsion » à l’engagement de l’Union européenne pour le développement durable et à servir de « base » pour le renouvellement de la SDD  [136]. Cette initiative de la présidence luxembourgeoise passa presque inaperçue car la réunion était complètement dominée par le débat sur le futur de la Constitution rejetée par référendum en France et aux Pays-Bas. Il est néanmoins remarquable que l’adoption de cette déclaration n’a donné lieu à aucun débat politique. La proposition de la Commission  [137] fut transmise seulement trois semaines avant la réunion du Conseil européen et fut adoptée presque sans aucun changement.

84La déclaration du Conseil européen ne définit pas explicitement le développement durable mais articule une vision plus substantielle du concept (vision que la Commission décrit comme une « vision globale à long terme du développement durable  [138] ») que les conclusions du Conseil européen de Göteborg. Les « objectifs clés » ne sont pas des objectifs concrets, opérationnels dans des domaines particuliers, mais des orientations à long terme reflétant les trois piliers du développement durable : protection de l’environnement, équité sociale, cohésion et prospérité économiques. Ils incluent aussi une référence aux engagements internationaux de l’Union européenne pour la promotion du développement durable au niveau mondial. Chacun de ces quatre objectifs est brièvement décrit dans des termes largement inspirés des traités et des déclarations politiques antérieures. Les « principes directeurs » comportent un certain nombre de principes liés à la démocratie, à la solidarité et à la bonne gouvernance (promotion et protection des droits fondamentaux, participation des citoyens et des parties prenantes, accès à l’information et à la justice, solidarité intra- et intergénérationnelle, cohérence politique, usage des meilleures pratiques connues) combinés avec des principes de base de la politique communautaire de l’environnement.

85Aucun des principes énoncés n’est réellement novateur. C’est leur combinaison en un seul document sous la bannière du développement durable qui est notable, tout comme l’affirmation de la Commission selon laquelle ces principes « correspondent aux valeurs sous-jacentes d’un modèle européen de société dynamique  [139] ». Il faut néanmoins relever que certains des principes inscrits dans l’article 174(2) TCE, tels que le principe de précaution et le principe du pollueur payeur, sont définis dans la déclaration, alors qu’ils ne le sont pas ou différemment dans le Traité lui-même. La définition du principe d’« intégration des politiques » que donne la déclaration est distincte de celle contenue dans l’article 6 du Traité, dans la mesure où elle appelle « l’intégration de considérations d’ordre économique, social et environnemental, de telle sorte qu’elles soient cohérentes et se renforcent mutuellement » plutôt que l’intégration d’exigences environnementales au sein des autres politiques, et met en exergue l’objectif de « mieux légiférer » ainsi que « l’évaluation équilibrée de l’impact  [140] ». D’autre part, on remarquera que le Conseil européen a opté pour une définition un peu plus vigoureuse du principe de précaution que celle proposée par la Commission.

86La communication de la Commission de février 2005 sur les « futures orientations » de la SDD reconnaissait le besoin d’établir des objectifs plus clairs, objectifs accompagnés d’indicateurs et délais afférents. Elle envisageait de « nouveaux objectifs prioritaires » de même que des « échéances intermédiaires qui permettront à l’Union européenne de suivre les progrès réalisés  [141] ». Elle annonçait en outre que la stratégie révisée comprendrait à la fois des objectifs internes et externes, en y intégrant « les politiques extérieures de l’Union qui contribuent au développement durable mondial  [142] ».

87Lorsque la Commission a officiellement présenté ses propositions pour le réexamen de la SDD en décembre 2005  [143] ces intentions politiques déclarées semblaient déjà oubliées. Dans le courant de l’année, la Commission Barroso a considérablement abaissé les ambitions en matière de développement durable, en donnant la priorité à la relance de la stratégie de Lisbonne. L’intitulé de la communication de décembre 2005 était révélateur puisqu’il ne renvoyait plus qu’à un simple « réexamen » de la SDD en lieu et place d’une « stratégie renouvelée », comme suggéré initialement par la communication de février 2005.

88Contrairement aux intentions déclarées, la Commission semble s’être donnée beaucoup de peine pour éviter de proposer de nouveaux objectifs et délais. Aucun objectif ni délai n’apparaît dans la communication elle-même, alors qu’une annexe se borne à reprendre une « sélection » d’objectifs établis par les stratégies et plans d’actions existants. Certains des objectifs qui avaient déjà été avalisés par le Conseil européen dans la SDD de 2001, tels que l’internalisation complète des coûts sociaux et environnementaux des transports et le découplage entre croissance des transports et croissance du PIB sont comme par hasard omis par ce synopsis.

89La proposition de la Commission n’est guère plus qu’une compilation des politiques existantes, dressant la liste d’un certain nombre d’« actions clés » à entreprendre dans les années à venir sur les thèmes du développement durable déjà identifiés par la SDD de 2001. Beaucoup de ces « actions clés » se bornent à être les versions reformulées d’intentions déjà annoncées en 2001 ou de propositions politiques déjà en préparation indépendamment de la SDD.

90Le futur de la SDD dépendait dès lors de l’attitude du Conseil et du Conseil européen. Est-ce que les États membres allaient reprendre la vision minimaliste de la Commission Barroso ou au contraire adopter un document stratégique plus ambitieux et opérationnel qui refléterait les principes directeurs articulés par le Conseil européen dans sa déclaration de juin 2005 ? Les conclusions de la Présidence du Conseil européen de décembre 2005 se bornèrent à « prendre acte » de la présentation de la communication de la Commission sur le réexamen de la SDD, et à confirmer par ailleurs l’intention des chefs d’État et de gouvernement d’adopter en juin 2006 « une stratégie globale ambitieuse », qualifiée de « claire et cohérente », comportant « des objectifs, des indicateurs et une procédure de suivi effective » et « qui puisse être communiquée aux citoyens de manière simple et efficace ».

7. LA RELANCE DE LA SDD EN 2006

91Pour la Commission, la procédure de réexamen de la SDD aurait pu se solder par un simple entérinement, par le Conseil européen, de sa communication de décembre 2005. Il apparut cependant des conclusions précitées du Conseil européen que celui-ci visait un résultat plus ambitieux. On assista donc, en 2006, à une dynamique interinstitutionnelle à l’opposé de celle qui s’était manifestée cinq ans plus tôt lors de l’adoption de la SDD à Göteborg. Alors qu’en 2001, le Conseil européen avait tempéré les ambitions de la Commission Prodi en refusant de faire siennes toutes ses propositions en matière de développement durable, cinq ans plus tard, les États membres, sous l’impulsion de la Présidence autrichienne, manifestèrent leur volonté d’aller plus loin que ne le souhaitait la Commission Barroso. Un groupe spécial d’« amis de la présidence » s’attela à la rédaction d’une SDD « renouvelée » sous la forme d’un texte unique, plus cohérent, très différent, tant dans son esprit que dans sa forme, des propositions minimalistes de la Commission. Le texte issu de ces négociations fut approuvé par le Conseil Affaires générales avant d’être soumis au Conseil européen de juin 2006, qui l’adopta tel quel  [144]. Les conclusions de la présidence y consacrent un seul paragraphe, sous l’intitulé « Promouvoir le mode de vie européen à l’ère de la mondialisation », annonçant l’adoption de ce qu’elles qualifient d’« une nouvelle stratégie de l’Union européenne, ambitieuse et globale, en faveur du développement durable  [145] ». Nous tenterons ici de déterminer si cette nouvelle SDD correspond aux ambitions déclarées par le Conseil européen et comble les lacunes de la stratégie de 2001 relevées tout au long de ce Courrier hebdomadaire.

92Le texte débute par une introduction générale, énonçant l’« engagement » de l’Union européenne en faveur du développement durable, qualifié d’« objectif fondamental de l’Union européenne, énoncé dans le traité et déterminant toutes les activités et politiques de l’Union ». Après un bref rappel des rétroactes, le document vise à définir « une stratégie unique et cohérente » et à « recenser et renforcer des actions » afin de répondre aux « défis » du développement durable. La nouvelle stratégie s’inscrit donc dans la continuité : il s’agit d’établir un inventaire structuré des politiques existantes – un catalogue des actions en cours – plutôt que de définir de nouvelles orientations politiques. Ce même souci de continuité se traduit par la reprise in extenso, comme « base » de la nouvelle stratégie, du texte de la déclaration de principes adoptée par le Conseil européen de juin 2005, avec ses « objectifs-clés » et « principes directeurs des politiques ». La première partie du texte se termine par quelques paragraphes consacrés aux « synergies » entre la SDD et la stratégie de Lisbonne et à l’élaboration des politiques. Vient ensuite la partie principale de la stratégie, qui identifie les « défis-clés » du développement durable et, pour chacun d’entre eux, énonce un « objectif général » suivi d’« objectifs opérationnels et chiffrés », et d’une liste d’« actions à entreprendre ». Aux quatre priorités de la SDD de 2001 (changements climatiques, transport durable, santé publique, et gestion des ressources naturelles), la nouvelle stratégie ajoute trois défis supplémentaires : production et consommation durables, inclusion sociale, démographie et migration, et le défi de la pauvreté et du développement durable à l’échelle mondiale. La troisième et dernière partie de la stratégie aborde une série de questions horizontales et mesures intersectorielles (éducation, recherche, instruments économiques et financiers, communication, participation, etc.) et arrête un ensemble de dispositions relatives aux procédures de mise en œuvre, de contrôle et de suivi de la SDD.

93Ayant déjà examiné la déclaration de principes au chapitre précédent, nous nous attacherons ici tout d’abord aux liens entre la nouvelle SDD et la stratégie de Lisbonne, puis au contenu matériel de la stratégie s’agissant en particulier de ses sept « défis-clés », avant de nous attarder enfin à la procédure de suivi retenue.

94La partie introductive de la nouvelle SDD s’étend sur ses liens avec la stratégie de Lisbonne qui s’est recentrée en 2005 sur la croissance et sur l’emploi. Le nouveau texte s’efforce de clarifier cette relation, qui était restée fort nébuleuse depuis 2001. Dorénavant, les deux stratégies sont présentées comme distinctes mais complémentaires. Elles visent toutes deux des changements structurels, mais se fixent des horizons temporels différents.

95Les objectifs de la SDD sont des objectifs généraux à long terme : la stratégie se définit comme portant essentiellement sur « la qualité de la vie, l’équité intra- et intergénérationnelle et la cohérence entre tous les domaines politiques, y compris les aspects extérieurs  [146] ». On peut être surpris que le volet environnemental ne soit pas mentionné en tant que tel. La stratégie de Lisbonne, quant à elle, « en privilégiant les actions et les mesures visant à augmenter la compétitivité et la croissance économique et à favoriser la création d’emploi », est axée sur des objectifs socio-économiques spécifiques et à court terme, objectifs qui sont présentés comme « une contribution essentielle à l’objectif fondamental de développement durable  [147] ». La SDD fixe le « cadre général », tandis que la stratégie de Lisbonne « fournit le moteur d’une économie plus dynamique ». Les « deux stratégies reconnaissent que les objectifs sociaux et environnementaux peuvent se renforcer mutuellement et elles devraient par conséquent évoluer de concert  [148] ». Quant aux objectifs économiques de la stratégie de Lisbonne, ils sont tout simplement présumés compatibles avec le développement durable.

96Ainsi, la SDD intègre les postulats économiques de Lisbonne : « Elle reconnaît le rôle du développement économique, qui facilite la transition vers une société plus durable  [149]. » L’intégration de ces postulats se traduit dans le choix des mots : plus loin la SDD « constate que l’investissement dans le capital humain, social et environnemental, (…) sont indispensables pour atteindre une compétitivité à long terme, une prospérité économique, une cohésion sociale, un emploi de qualité et une meilleure protection de l’environnement  [150] ». Ce vocabulaire utilitariste laisse le lecteur perplexe quant à l’ordre des valeurs sous-tendant la SDD. Il semble plutôt incohérent  [151] que la SDD intègre les objectifs de Lisbonne quand elle constate par ailleurs qu’il faut « briser le lien entre croissance économique et dégradation de l’environnement[152] » ou quand elle se donne comme objectif « opérationnel » de « réduire les effets négatifs de la mondialisation pour les travailleurs et les membres de leur famille  [153] ».

97Ainsi, la SDD non seulement se propose de briser le lien entre mondialisation, dégradation de l’environnement et conséquences sociales néfastes mais se voit également comme outil visant à réaliser les ajustements structurels afin d’optimiser le cadre de la mondialisation alors qu’elle aurait pu être l’occasion pour les décideurs politiques de repenser les postulats de Lisbonne et la réponse européenne aux « défis de la mondialisation ».

98Dans la forme, la SDD et la stratégie de Lisbonne sont envisagées comme distinctes et la SDD relève les « synergies  [154] » entre elles. En qualifiant la SDD de « cadre général », on pourrait supposer que les chefs d’État et de gouvernement aient voulu reconnaître que le développement durable puisse imposer des contraintes aux politiques économiques. Dans le fond, il n’en est rien. Les objectifs sociaux et environnementaux de la SDD restent, du moins implicitement, subordonnés aux impératifs économiques de Lisbonne. En effet, dans le paragraphe de la SDD où le Conseil européen annonce qu’il donnera, à l’occasion des futurs réexamens de la SDD, « des orientations générales sur les mesures, stratégies et instruments aux fins du développement durable », il précise qu’il le fera « en tenant compte des priorités définies dans le cadre de la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l’emploi  [155] ». Ainsi, les objectifs à court terme de la stratégie de Lisbonne restent donc considérés comme prioritaires par rapport aux objectifs à long terme de la SDD.

99Il convient maintenant de nous attacher aux sept « défis-clés ». Le Conseil européen a retenu les sept principaux défis identifiés par la Commission. Alors que celle-ci n’envisageait pas d’aller au-delà de l’énoncé d’objectifs généraux, le Conseil européen a, quant à lui, estimé que la SDD ne pouvait pas se limiter à des généralités. Ainsi, pour chaque « défi-clé », l’objectif général est suivi d’objectifs qualifiés d’« opérationnels et chiffrés » ainsi que d’une liste d’actions à entreprendre. À l’analyse, il faut néanmoins constater que, contrairement à ce qu’elle annonce, la SDD, dans de nombreux domaines, ne contient que peu ou pas d’objectifs chiffrés, réellement opérationnels, et que l’énuméré de mesures reste lui aussi souvent assez vague, voire même conditionnel et donc purement exemplatif. En effet, les objectifs les plus précis sont ceux ayant trait à des domaines où existe une activité normative internationale liant la Communauté européenne  [156], et ceux qui font déjà l’objet d’un instrument normatif communautaire ou accord politique antérieur à la nouvelle SDD et ayant souvent atteint le stade de mise en œuvre. C’est notamment le cas des objectifs en matière de changement climatique et d’énergie propre, où le seul élément neuf est l’objectif d’« envisager » un accroissement des objectifs chiffrés existants pour les biocarburants et la part des énergies propres dans la production d’électricité d’ici à 2015  [157].

100Le même constat s’impose pour le transport durable : dès lors que nous pouvons relever des mesures ou objectifs chiffrés et opérationnels, il s’agit de renvois à des plans d’action, stratégies ou normes existantes. L’objectif d’internalisation des coûts externes des transports qui avait été fixé à Göteborg n’apparaît même plus dans la nouvelle SDD, qui se borne à renvoyer à des études sur la tarification des infrastructures à effectuer par la Commission en vertu de la directive relative à l’eurovignette  [158]. Le chapitre sur le transport durable, comme d’autres parties de la nouvelle SDD, est d’ailleurs caractérisé par une certaine incohérence dans la structure et le choix des mots. Ainsi, on retrouve dans les actions à entreprendre : « La Commission et les États membres devraient s’efforcer de progresser sur la voie de solutions globales efficaces visant à réduire les effets dommageables du trafic maritime et aérien international. » Il nous semble que cette mesure s’apparente plutôt à un simple objectif très général.

101S’agissant de la conservation et de la gestion des ressources naturelles, le texte renvoie à des objectifs existants auxquels a souscrit l’Union européenne dans le cadre des Nations unies ou de la SDD de 2001, et à des stratégies et actions déjà annoncées ou même en cours depuis longtemps, comme la mise en place du réseau « Natura 2000 ». Plus préoccupant, on peut relever des incohérences de fond. Ainsi, un des « objectifs opérationnels et chiffrés » des politiques ayant trait à la mer et aux océans est formulé comme suit : « Améliorer la gestion et éviter la surexploitation des ressources naturelles renouvelables telles que les ressources halieutiques, la biodiversité, (…) et réhabiliter les écosystèmes marins dégradés d’ici 2015 (…)  [159]. » Or, dans les mesures à prendre il est stipulé : « Sur la base du livre vert de la Commission sur la politique maritime de l’Union européenne, les politiques ayant trait à la mer et aux océans seront définies de manière plus durable et intégrée à partir de 2008[160]. » Est-il crédible d’affirmer, comme il ressort de ce qui précède, que sept années suffiront pour définir et mettre en œuvre des politiques qui permettraient d’éviter la surexploitation des ressources halieutiques et de réhabiliter les écosystèmes dégradés ?

102Un des nouveaux « défis-clés » par rapport à la SDD de 2001 est la promotion des modes de production et de consommation durables. Il est positif que cet aspect essentiel du développement durable, reconnu depuis 1992 dans les textes des Nations unies, soit dorénavant établi comme objectif à part entière au niveau de l’Union européenne. Mais la nouvelle SDD ne contient que fort peu d’objectifs opérationnels et mesures concrètes en la matière. Relevons l’objectif « d’atteindre d’ici 2010 un niveau moyen de marchés publics écologiques qui soit égal à celui atteint actuellement par les États membres les plus performants » et celui d’accroître la part européenne du marché mondial des technologies environnementales, ce qui est en soi plutôt un objectif économique et commercial qu’écologique. En fait, les mesures concrètes à prendre doivent encore être identifiées, dans un « plan d’action communautaire pour la production et le développement durables », que la Commission est chargée d’élaborer d’ici 2007. Le Conseil européen avait déjà appelé à la rédaction d’un tel plan en 2003  [161], dans la foulée du Sommet mondial de Johannesburg, mais cet appel était resté sans suite à l’époque. On attendra avec d’autant plus d’intérêt la proposition de plan d’action de la Commission en 2007.

103La dimension externe du développement durable est abordée au titre du « défi-clé » intitulé « Pauvreté dans le monde et défis en matière de développement durable ». Sous cet intitulé est énoncé l’objectif général suivant : « Promouvoir activement le développement durable à travers le monde et veiller à ce que les politiques internes et externes de l’Union européenne soient compatibles avec le développement durable mondial et avec les engagements internationaux qu’elle a souscrits. » Cette formule fait écho à celle de l’objectif clé « Assumer nos responsabilités internationales » qui figure dans la déclaration de principes introductive. Les objectifs opérationnels et actions à entreprendre mettent principalement l’accent sur la politique de coopération au développement. Le dernier des objectifs opérationnels engage certes l’Union européenne à « intégrer les questions relatives au développement durable dans toutes les politiques externes de l’Union européenne, y compris la politique étrangère et de sécurité commune » mais la SDD est loin d’expliciter les implications du développement durable pour la PESC et les autres politiques extérieures sauf la coopération. La SDD se borne à renvoyer aux Objectifs du Millénaire pour le développement et aux objectifs fixés par le SMDD de Johannesburg et par d’autres conférences mondiales récentes. Elle réitère les engagements connus de l’Union européenne d’augmenter le volume et l’efficacité de l’aide au développement et de « promouvoir le développement durable dans le contexte des négociations au sein de l’OMC ». Elle appelle à multiplier « les efforts pour que le commerce international et les investissements servent d’instruments pour un véritable développement durable au niveau mondial ». Elle relève, et c’est un point positif, la question de la réduction de la dette et du déliement de l’aide. Enfin, la nouvelle SDD rappelle les positions connues de l’Union européenne en matière de renforcement de la gouvernance environnementale internationale et de transformation du Programme des Nations unies pour l’environnement en une agence spécialisée de l’ONU.

104Pour conclure notre examen critique de la nouvelle SDD, nous analyserons enfin ses dispositions relatives à la mise en œuvre, au contrôle et au suivi. Tous les deux ans à compter de 2007 la Commission présentera un rapport de situation sur la mise en œuvre de la SDD qui portera également sur les futures priorités, orientations et actions  [162]. On peut déjà regretter cet examen bisannuel alors que la SDD relève plus haut le caractère urgent des mesures à prendre à court terme  [163]. Le rapport de la Commission prendra comme point de départ les mesures adoptées par les États membres pour la mise en œuvre de la SDD. Cet aspect est positif dans la mesure où les progrès, stagnations ou régressions seront évidentes. Néanmoins, on ne peut attendre de ce processus les effets qu’apporte le même mécanisme à la stratégie de Lisbonne car la SDD ne comporte pas de mesures ou objectifs définis avec la précision de ceux de la stratégie de Lisbonne. Pour rédiger son rapport de situation, la Commission s’appuiera sur une « vaste série de d’indicateurs de développement durable » qui seront mis à jour tous les deux ans  [164]. Dans le cadre de cet article, nous ne pouvons pas nous attarder sur la légitimité ni la pertinence de tels indicateurs, déjà prévus dans la SDD de 2001  [165]. Un travail considérable reste à faire dans ce domaine, puisque la nouvelle SDD précise que « les indicateurs doivent être élaborés à un niveau de détail approprié pour garantir une appréciation correcte de la situation en ce qui concerne chaque défi particulier ».

105La nouvelle SDD met davantage que la première l’accent sur les stratégies nationales de développement durable des États membres comme instrument de mise en œuvre d’une approche commune du développement durable au sein de l’Union européenne. La stratégie de 2001 avait déjà appelé les États membres à élaborer des stratégies nationales  [166]. Ceux qui ne l’ont pas encore fait sont invités à mettre au point leurs stratégies d’ici juin 2007. À l’avenir, à l’occasion du réexamen des stratégies nationales, il conviendra de « garantir compatibilité, cohérence et complémentarité » avec la nouvelle SDD de l’Union européenne. Par ailleurs, un processus d’« examens collégiaux volontaires » est prévu, dans le cadre duquel des experts nationaux d’autres États membres analyseront les stratégies nationales de développement durable  [167]. Chaque État membre désignera un représentant « point de contact » pour la SDD. La mise en réseau de ces représentants doit faciliter l’échange de bonnes pratiques. Ainsi, la nouvelle SDD entend déclencher une dynamique du type « méthode ouverte de coordination » impliquant pleinement les États membres dans sa mise en œuvre et favorisant la convergence des politiques vers des objectifs communs.

106En fait, on a l’impression qu’elle repose plus sur des mécanismes de coordination volontaires que sur l’utilisation de la méthode communautaire d’harmonisation des politiques. Tel est le cas, notamment, de l’utilisation d’instruments économiques visant une meilleure internalisation des coûts écologiques et sociaux dans les prix des produits et services. La nouvelle SDD recommande aux États membres d’« envisager de nouvelles mesures fiscales » mais ne prévoit pas de mesures communautaires en la matière. Le rôle de la Commission se voit limité à la collecte d’informations. Dans l’ensemble, la stratégie reste fort vague quant aux moyens à mettre en œuvre pour la réalisation de ses objectifs et aux responsabilités respectives des différents acteurs. Les actions à entreprendre sont généralement formulées comme des exhortations adressées tantôt à l’Union européenne, tantôt à la Commission, tantôt aux États Membres, voire simultanément à la Commission et aux États membres. Il est souvent question de « stratégies » et de « plans d’action », rarement de propositions législatives spécifiques à soumettre par la Commission.

107Le dispositif institutionnel de suivi de la SDD reste, comme en 2001, centré sur le Conseil européen. Le Conseil européen de décembre aura comme rôle l’examen tous les deux ans (à partir de 2007) des « progrès accomplis » et « priorités à fixer » et donnera « des orientations générales  [168] ». Le Conseil « Affaires générales » se voit confirmé dans son rôle de coordination horizontale de la SDD alors que les autres formations du Conseil en vérifieront la « mise en œuvre dans leurs domaines de compétence respectifs ». Une nouveauté par rapport à 2001 est l’implication de nouveaux acteurs institutionnels. D’une part, le Parlement européen sera invité à donner son avis à l’occasion des examens périodiques. D’autre part, le Conseil économique et social européen sera invité à contribuer au rapport bisannuel en tant que « catalyseur » permettant que le public soit « partie prenante au processus » et à favoriser le débat au niveau de l’Union européenne  [169]. Le Comité des régions, quant à lui, est appelé à coopérer avec les autorités régionales et locales aux mêmes fins. Enfin, d’ici 2011 au plus tard, le Conseil européen décidera s’il conviendra de « lancer un examen complet de la stratégie de l’Union européenne en faveur du développement durable  [170] ».

108En substituant un examen bisannuel distinct à l’actuel examen conjoint à l’agenda de Lisbonne et à la SDD initialement convenu à Göteborg, la nouvelle SDD confirme le cloisonnement entre la SDD et la stratégie de Lisbonne  [171]. On peut également y voir la confirmation d’une hiérarchie politique implicite entre la SDD et la stratégie de Lisbonne : la SDD sera examinée tous les deux ans alors que pour la stratégie de Lisbonne les États membres fournissent un rapport chaque automne sur la mise en œuvre de leurs programmes de réforme nationaux. La Commission analyse et résume ces rapports chaque année en janvier, en vue d’un examen circonstancié annuel par le Conseil européen de printemps. La périodicité moins fréquente de l’examen de la SDD ne semble pas faite pour souligner l’urgence de sa mise en œuvre.

CONCLUSION

109Notre analyse du discours politique des institutions européennes et des deux versions successives de la stratégie de l’Union européenne en faveur du développement durable a démontré que l’engagement de l’Union en faveur de cet objectif reste ambigu, souvent marqué d’hésitation et d’incohérence. L’attention qui y est portée par les décideurs politiques souffre de fluctuations conjoncturelles. Ainsi, on remarquera que la récente déclaration de Berlin, adoptée moins d’un an après la nouvelle SDD, ne fait aucune référence au développement durable parmi les idéaux du projet européen, alors même que, réunis à Bruxelles en juin 2006, les chefs d’État et de gouvernement y avaient vu un élément de l’affirmation du « mode de vie européen à l’ère de la mondialisation ».

110La faible effectivité de la SDD – le grand décalage entre le discours et l’action – peut être attribuée tant au caractère équivoque de l’engagement politique des institutions communautaires et des gouvernements nationaux en faveur du développement durable qu’à la crise plus générale de la gouvernance européenne. Les orientations politiques fixées par les réunions au sommet du Conseil européen restent largement incantatoires, du fait de l’autonomie institutionnelle de la Commission et du Conseil de l’Union européenne dans ses multiples compositions. Ces acteurs tardent à mettre en œuvre les mesures opérationnelles requises pour concrétiser les principes et objectifs généraux de développement durable formulés dans la SDD, qui sont trop souvent perçus comme secondaires par rapport à l’agenda de Lisbonne. Malgré le consensus de façade sur ces objectifs, affiché périodiquement par leurs dirigeants politiques réunis au sein du Conseil européen, les États membres sont en vérité loin d’être unanimes sur l’importance à y accorder dans leur action politique nationale et enclins à se laisser guider par des intérêts sectoriels et nationaux à court terme qui font obstacle à la modification des modes de production et de consommation non durables. S’agissant de la mise en œuvre de la stratégie, les institutions européennes hésitent à recourir à la méthode communautaire et tendent de plus en plus à favoriser une approche intergouvernementale encadrée par la méthode ouverte de coordination. Il est douteux que cette approche suffira pour déclencher une véritable dynamique politique, sociale et économique en faveur du développement durable à l’échelle européenne, permettant à l’Union de jouer effectivement au niveau mondial le rôle moteur qu’elle se complaît à revendiquer.

Notes

  • [1]
    Déclaration de Laeken sur l’avenir de l’Union européenne, Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Laeken, 14-15 décembre 2001, annexe I, p. 20.
  • [2]
    Traité établissant une Constitution pour l’Europe, art. I-3, § 3 (nous soulignons).
  • [3]
    Ibidem, § 4 (nous soulignons) Il est à noter que ces dispositions de la défunte Constitution seront intégrées dans le Traité sur l’Union européenne en vertu du mandat donné à la Conférence intergouvernementale de 2007 par le Conseil européen.
  • [4]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Bruxelles, 16-17 juin 2005, § 8 et annexe I.
  • [5]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Bruxelles, 15-16 juin 2006, § 3 (nous soulignons).
  • [6]
    Le présent Courrier hebdomadaire est basé dans une large mesure sur M. PALLEMAERTS, « The EU and Sustainable Development : An Ambiguous Relationship », in M. PALLEMAERTS et A. AZMANOVA (eds.), The EU and Sustainable Development : Internal and External Dimensions, VUB Brussels University Press, Bruxelles, 2006, pp. 19-52, mais a été mis à jour pour tenir compte des développements intervenus depuis sa publication.
  • [7]
    Cf. les résolutions du Parlement européen du 31 mai 2001 sur la politique de l’environnement et le développement durable : préparation du Conseil européen à Göteborg, et du 13 juin 2001 sur la préparation du Conseil européen qui se tiendra les 15 et 16 juin 2001 à Göteborg.
  • [8]
    Cf. la résolution du Parlement européen du 15 juin 2006 sur l’examen de la stratégie en faveur du développement durable.
  • [9]
    Résolution du 31 mai 2001, § 1 ; Résolution du 13 juin 2001, § 12.
  • [10]
    Commission mondiale pour l’Environnement et le Développement, Notre avenir à tous, Éditions du Fleuve, Montréal, 1988.
  • [11]
    Sur l’émergence du concept dans le discours politique et juridique international, cf. M. PALLEMAERTS, « De opkomst van het begrip “duurzame ontwikkeling” in het internationaal juridisch en politiek discours : een conceptuele revolutie ? », Recht en Kritiek 21 (1995), pp. 380-397.
  • [12]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Rhodes, 2-3 décembre 1988, annexe I, § 1 (nous soulignons).
  • [13]
    Ibidem, § 2 (nous soulignons). La version anglaise utilise les termes sustainable development.
  • [14]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Dublin, 25-26 juin 1990, annexe II, p. 14 (nous soulignons).
  • [15]
    Ibidem.
  • [16]
    Ibidem, p. 16.
  • [17]
    Lorsqu’il fixa le mandat de la Conférence intergouvernementale pour la révision des traités lors de son sommet de Rome en décembre 1990, le Conseil européen lui demanda de tenir compte de la nécessité de renforcer la protection de l’environnement afin de parvenir à une « croissance durable », formule qui fut retenue dans le premier projet de traité présenté par la Présidence luxembourgeoise dès avril 1991 et ne fut plus remise en question par la suite. Cf. B. VERHOEVE, G. BENNETT et D. WILKINSON, Maastricht and the Environment, Institute for European Environmental Policy, Arnhem/London, 1992, pp. 14-15.
  • [18]
    Article B du Traité sur l’Union européenne, Maastricht, 7 février 1992 (nous soulignons).
  • [19]
    Article 2 du Traité instituant la Communauté européenne, tel que modifié par le Traité sur l’Union européenne (nous soulignons).
  • [20]
    Résolution du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil, du 1er février 1993, concernant un programme communautaire de politique et d’action en matière d’environnement et de développement durable, Journal officiel C 138,17 mai 1993, p. 1.
  • [21]
    Programme communautaire de politique et d’action pour l’environnement et le développement durable et respectueux de l’environnement, ibidem, p. 25 : « La stratégie élaborée dans le présent programme repose sur le but final de transformer les modèles de croissance dans la Communauté de façon à emprunter la voie du développement soutenable. »
  • [22]
    Ibidem, p. 22.
  • [23]
    Ibidem, p. 25.
  • [24]
    Communication de la Commission, L’environnement en Europe : quelles orientations pour l’avenir ? Évaluation globale du programme communautaire de politique et d’action en matière d’environnement et de développement durable, « Vers un développement soutenable », COM (1999) 543 final, p. 5.
  • [25]
    Résolution du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil, du 1er février 1993, concernant un programme communautaire de politique et d’action en matière d’environnement et de développement durable, op. cit., p. 1.
  • [26]
    Cf. S. BÄR et R.A. KRAEMER, « European Environmental Policy After Amsterdam », Journal of Environmental Law 10,1998) pp. 315-330.
  • [27]
    Article 2 du TUE, tel qu’amendé par le Traité d’Amsterdam, (ancien article B du TUE) (nous soulignons).
  • [28]
    Article 2 du TCE, tel qu’amendé par le Traité d’Amsterdam (nous soulignons).
  • [29]
    Ibidem.
  • [30]
    Article 6 du TCE, tel qu’amendé par le Traité d’Amsterdam.
  • [31]
    Cf. aussi M. PALLEMAERTS et D. DEFRISE, « L’émergence du concept de “développement durable” en droit international : un progrès pour l’environnement ? », Aménagement-Environnement 2000, numéro spécial, pp. 4-8.
  • [32]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Luxembourg, 12-13 décembre 1997, § 56.
  • [33]
    Communication de la Commission, Partenariat d’intégration, COM (98) 333 final.
  • [34]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Cardiff, 15-16 juin 1998, § 32.
  • [35]
    Ibidem, § 34.
  • [36]
    Ibidem, § 32.
  • [37]
    Document de travail de la Commission, De Cardiff à Helsinki et au-delà, Rapport au Conseil européen sur l’intégration des considérations relatives à l’environnement et au développement durable dans les politiques communautaires, SEC (1999) 1941,24 novembre 1999.
  • [38]
    Commission européenne, Intégration des considérations environnementales dans les autres politiques – bilan du processus de Cardiff, COM (2004) 394 final, 1er juin 2004.
  • [39]
    European Environment Agency, « Environmental policy integration in Europe – State of play and an evaluation framework », Technical report, n° 2/2005, Copenhagen.
  • [40]
    SEC (1999) 1941, p. 6.
  • [41]
    COM (2004) 394 final, p. 34.
  • [42]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen d’Helsinki, 10-11 décembre 1999, §§ 46-47.
  • [43]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Göteborg, 15-16 juin 2001, § 32.
  • [44]
    COM (2004) 304 final, p. 34.
  • [45]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen d’Helsinki, 10-11 décembre 1999, § 50 (nous soulignons).
  • [46]
    Commission européenne, Stratégie de l’Union européenne en faveur du développement durable, Office des publications officielles des Communautés européennes, Luxembourg, 2002.
  • [47]
    Communication de la Commission, Développement durable en Europe pour un monde meilleur : Stratégie de l’Union européenne en faveur du développement durable, COM (2001 )264 final/2,19 juin 2001.
  • [48]
    Document de travail des services de la Commission, Document consultatif en vue de la préparation d’une stratégie de l’Union européenne pour un développement durable, SEC (2001) 517,27 mars 2001.
  • [49]
    SEC (2001) 517.
  • [50]
    COM (2001) 264 final/2.
  • [51]
    Sur les consultations préalables et travaux préparatoires de cette communication, cf. I. TANASESCU, « The Political Process Leading to the Development of the EU Sustainable Development Strategy », in M. PALLEMAERTS et A. AZMANOVA (eds.), The EU and Sustainable Development : Internal and External Dimensions, op. cit., pp. 53-77.
  • [52]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Göteborg, 15-16 juin 2001, § 19.
  • [53]
    Ibidem, § 20 (nous soulignons).
  • [54]
    Ibidem, § 25.
  • [55]
    Ibidem, § 20.
  • [56]
    Ibidem, § 19.
  • [57]
    Ibidem, § 22.
  • [58]
    Règlement (CE) nº 2493/2000 du Parlement européen et du Conseil du 7 novembre 2000 relatif à des mesures visant à promouvoir la pleine intégration de la dimension environnementale dans le processus de développement des pays en développement, Journal officiel L 288,15 novembre 2000, p. 1.
  • [59]
    Ibidem, art. 2
  • [60]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Göteborg, 15-16 juin 2001, § 21.
  • [61]
    Ibidem, § 29.
  • [62]
    Ibidem, § 24.
  • [63]
    Ibidem, § 21.
  • [64]
    Ibidem, § 27 (nous soulignons).
  • [65]
    Cf. directive 2001/77/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2001 relative à la promotion de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables sur le marché intérieur de l’électricité, Journal officiel L 283,27 octobre 2001, p. 33. L’accord politique sur cette directive est intervenu avant le sommet de Göteborg.
  • [66]
    Cf. Commission européenne, Stratégie pour la future politique dans le domaine des substances chimiques, Livre blanc, COM (2001) 88 final, 27 février 2001.
  • [67]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Göteborg, 15-16 juin 2001, § 26.
  • [68]
    Communication de la Commission, Vers un partenariat mondial pour un développement durable, COM (2002) 82 final/2.
  • [69]
    Ibidem, p. 3.
  • [70]
    Contrairement à ce que prétend la Commission par exemple dans COM (2005) 37 final, il ne ressort pas du texte des conclusions de la présidence des Conseils européens de Barcelone et Séville que la communication sur la dimension extérieure de la SDD ait jamais été approuvée par le Conseil européen.
  • [71]
    COM (2002) 82 final/2, p. 19.
  • [72]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Barcelone, 15-16 mars 2002, § 14.
  • [73]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Séville, 21-22 juin 2002, § 40.
  • [74]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Göteborg, 15-16 juin 2001, § 25.
  • [75]
    Ibidem, § 24.
  • [76]
    Ibidem, § 25
  • [77]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Lisbonne, 23-24 mars 2000, § 7.
  • [78]
    Communication de la Commission au Conseil européen de printemps, Barcelone, La Stratégie de Lisbonne – Réussir le changement, COM (2002)14 final, 15 janvier 2002, pp. 14-15.
  • [79]
    Communication de la Commission, Opter pour la croissance : connaissance, innovation et emploi dans une société fondée sur la cohésion, Rapport au Conseil européen de printemps du 21 mars 2003 sur la stratégie de Lisbonne pour le renouveau économique, social et environnemental, COM (2003) 5 final/2,31 mars 2003, p. 21.
  • [80]
    Rapport de la Commission au Conseil européen de printemps, Réalisons Lisbonne – Réformes pour une Union élargie, COM (2004) 29 final/2,20 février 2004, section 2.4.3.
  • [81]
    Communication de la Commission au Conseil européen de printemps, Travaillons ensemble pour la croissance et l’emploi – Un nouvel élan pour la stratégie de Lisbonne, COM (2005) 24 final, 2 février 2005, section 3.3.2.
  • [82]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Stockholm, 23-24 mars 2001, § 51.
  • [83]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Barcelone, 15-16 mars 2002, § 9.
  • [84]
    Ibidem, § 143.
  • [85]
    Ibidem, § 12,5e tiret 3.
  • [86]
    Ibidem, § 12,4e tiret 3.
  • [87]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Bruxelles, 20-21 mars 2003, § 533.
  • [88]
    Ibidem, § 12,1er tiret 3.
  • [89]
    Ibidem, § 54,1er tiret 3.
  • [90]
    Ibidem, § 54,4e tiret.
  • [91]
    Ibidem, § 60,6e tiret.
  • [92]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Bruxelles, 25-26 mars 2004, § 31.
  • [93]
    Ibidem, § 33.
  • [94]
    Ibidem.
  • [95]
    Ibidem, § 32.
  • [96]
    Relever le défi : La stratégie de Lisbonne pour la croissance et l’emploi, Rapport du groupe de haut niveau présidé par Wim Kok, Bruxelles, novembre 2004.
  • [97]
    Communication de la Commission au Conseil européen de printemps, Travaillons ensemble pour la croissance et l’emploi – Un nouvel élan pour la stratégie de Lisbonne, op. cit., pp. 4-5.
  • [98]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Bruxelles, 22-23 mars 2005, § 19.
  • [99]
    Ibidem, § 42.
  • [100]
    Cette vision est partagée par la Commission, qui considère que « la décision de Göteborg visant à assurer le suivi annuel de la stratégie à l’occasion des Conseils de printemps n’a pas répondu aux attentes », Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, Examen de la stratégie de l’Union européenne en faveur du développement durable pour 2005 : premier bilan et orientations futures, COM (2005) 37 final, 9 février 2005, p. 23.
  • [101]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Lisbonne, 23-24 mars 2000, § 5 (souligné dans le texte).
  • [102]
    Ibidem, § 37.
  • [103]
    Ibidem.
  • [104]
    Ibidem, § 36.
  • [105]
    Commission européenne, Un agenda de renouveau économique et social pour l’Europe, Contribution de la Commission européenne au Conseil européen spécial de Lisbonne des 23 et 24 mars 2000, COM (2000) 7 final.
  • [106]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen d’Helsinki, 10-11 décembre 1999, § 50 (nous soulignons).
  • [107]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Stockholm, 23-24 mars 2001, § 50 (nous soulignons).
  • [108]
    COM (2001) 264 final, p. 10.
  • [109]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Göteborg, 15-16 juin 2001, § 20.
  • [110]
    Le Parlement européen, tout en soulignant la nécessité d’une meilleure coordination, n’a pas vraiment formulé de vision claire sur la relation entre les différentes stratégies dans ses résolutions précitées. Ses prises de position semblent parfois même contradictoires, comme dans sa résolution du 31 mai 2001, où il affirmait à la fois que la SDD « doit être compatible avec la stratégie de Lisbonne, s’agissant de la dimension sociale et économique » (considérant W) et « que la dimension écologique doit être le point de départ de la stratégie pour un développement durable et que le sixième programme d’action pour l’environnement doit constituer la base de celle-ci » (§ 6).
  • [111]
    Cf. par exemple COM (2003) 5 final.
  • [112]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Bruxelles, 25-26 mars 2004, §. 9.
  • [113]
    Ibidem, 22-23 mars 2005, § 6.
  • [114]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Stockholm, 23-24 mars 2001, § 51,1er tiret.
  • [115]
    Communication de la Commission au Conseil européen de printemps, Travaillons ensemble pour la croissance et l’emploi – Un nouvel élan pour la stratégie de Lisbonne, op. cit., p. 5 (nous soulignons).
  • [116]
    Il convient de relever que le Comité économique et social européen ne partage pas le point de vue de la Commission en ce qui concerne la compatibilité automatique entre la stratégie de Lisbonne et la SDD, mais considère plutôt qu’un effort doit être fourni pour rendre compatible l’agenda de Lisbonne avec le développement durable : « Cela signifie que les objectifs en matière de développement durable doivent être introduits dans tous les secteurs concernés par la stratégie de Lisbonne qui pourra et devrait de cette manière constituer une étape importante sur la voie du développement durable, sans toutefois remplacer une stratégie à long terme en faveur de celui-ci. » Avis sur l’évaluation de la stratégie en faveur du développement durable, avis exploratoire, 28-29 avril 2004, CESE 661/2004, p. 14.
  • [117]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Bruxelles, 25-26 mars 2004, § 47.
  • [118]
    Ibidem, 22-23 mars 2005, § 42.
  • [119]
    Rapport de la Commission au Conseil européen de printemps, Réalisons Lisbonne – Réformes pour une Union élargie, COM (2004) 29 final/2,20 février 2004, p. 17.
  • [120]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Bruxelles, 22-23 mars 2005, § 42.
  • [121]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Göteborg, 15-16 juin 2001, § 25,1er tiret.
  • [122]
    Ibidem, § 27.
  • [123]
    Ibidem, § 32.
  • [124]
    Décision n° 1600/2002/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juillet 2002 établissant le sixième programme d’action communautaire pour l’environnement, Journal officiel L 242, 10 septembre 2002, p. 1.
  • [125]
    Ibidem, art. 2, § 1 (nous soulignons).
  • [126]
    Ibidem, préambule, point 7 (nous soulignons).
  • [127]
    Ibidem, art. 1, § 1.
  • [128]
    Ibidem, art. 2, § 4.
  • [129]
    Ibidem, art. 3, § 3,2e tiret.
  • [130]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Barcelone, 15-16 mars 2002, § 11.
  • [131]
    Sur le processus de réexamen de la SDD, cf. aussi T. BERNHEIM, « The EU Sustainable Development Strategy : Its Implementation and Ongoing Review », op. cit., pp. 79-92.
  • [132]
    Cf. le document de travail de la Commission, Consultation publique : le réexamen de la stratégie européenne en faveur du développement durable, SEC (2004) 1042,30 juillet 2002. Un résumé des résultats de cette consultation se trouve dans SEC (2005) 451,31 mars 2005.
  • [133]
    COM (2005) 37 final, 9 février 2005.
  • [134]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Bruxelles, 16-17 juin 2005, § 8.
  • [135]
    Ibidem, annexe I, pp. 28-31.
  • [136]
    Ibidem, § 8.
  • [137]
    Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, Projet de déclaration sur les principes directeurs du développement durable, COM (2005) 218 final, 25 mai 2005.
  • [138]
    Ibidem, p. 2.
  • [139]
    Ibidem.
  • [140]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Bruxelles, 16-17 juin 2005, annexe I, p. 31.
  • [141]
    Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, Examen de la stratégie de l’Union européenne en faveur du développement durable pour 2005 : premier bilan et orientations futures, COM (2005) 37 final, 9 février 2005, p. 23.
  • [142]
    Ibidem, p. 20
  • [143]
    Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, L’examen de la stratégie en faveur du développement durable : Une plate-forme d’action, COM (2005) 658 final, 13 décembre 2005.
  • [144]
    Conseil de l’Union européenne, Nouvelle stratégie de l’Union européenne en faveur du développement durable, Doc. 10117/06,9 juin 2006 (ci-après « SDD 2006 »).
  • [145]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Bruxelles, 15-16 juin 2006, § 17.
  • [146]
    SDD 2006, § 7.
  • [147]
    Ibidem.
  • [148]
    Ibidem, § 8.
  • [149]
    Ibidem, § 7.
  • [150]
    Ibidem, § 9, cf. aussi le § 38 p. 27 sur le rapport bisannuel sur le suivi de la SDD : ce processus de suivi devra prendre en compte les « priorités définies dans le cadre de la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l’emploi ».
  • [151]
    En dépit de ce qui est souhaité dans les principes directeurs « promouvoir l’intégration de considérations d’ordre économique, social et environnemental, de telle sorte qu’elles soient cohérentes (…) », SDD 2006, p. 5.
  • [152]
    Ibidem, 1er objectif clé, p. 3.
  • [153]
    Ibidem, p. 17, cf. aussi le § 22, p. 24 : les instruments économique peuvent être utiles d’après la Commission pour « concilier la protection de l’environnement et une croissance économique intelligente » et leur pertinence est évaluée « en fonction d’un certain nombre de critères, entre autres leur incidence sur la compétitivité et la productivité ».
  • [154]
    SDD 2006, §§ 7-9, p. 6.
  • [155]
    Ibidem, § 38 (nous soulignons).
  • [156]
    Comme c’est le cas pour le changement climatique.
  • [157]
    Depuis, de nouveaux objectifs pour les biocarburants et les énergies renouvelables ont effectivement été arrêtés par le Conseil européen de Bruxelles des 8-9 mars 2007.
  • [158]
    Directive 1999/62/CE du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 1999, relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures, Journal officiel L 187,20 septembre 1999, p. 42.
  • [159]
    SDD 2006, p. 13.
  • [160]
    Ibidem, p. 14.
  • [161]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Bruxelles, 20-21 mars 2003, § 60,6e tiret.
  • [162]
    SDD 2006, § 33, p. 26.
  • [163]
    Ibidem, § 2, p. 2.
  • [164]
    Ibidem, § 33 p. 26.
  • [165]
    Cf. par exemple P.-M. BOULANGER, « Political uses of social indicators : overview and implications for sustainable development indicators », <http :// www. iddweb. be/ >.
  • [166]
    Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Göteborg, 15-16 juin 2001, § 23,1er tiret.
  • [167]
    SDD 2006, § 41 p. 28.
  • [168]
    Ibidem, § 38, p. 27.
  • [169]
    Ibidem, § 39, p. 28.
  • [170]
    Ibidem, § 45, p. 29.
  • [171]
    Ibidem, p. 14.
Français

Avec le Traité d’Amsterdam, le développement durable est devenu l’un des objectifs fondamentaux de l’intégration européenne. En 2001, le Conseil européen adopte une orientation politique nommée stratégie en faveur du développement durable (SDD). La même année, le développement durable est cité dans la déclaration de Laeken sur l’avenir de l’Europe parmi les valeurs définissant l’identité et le rôle de l’Union européenne dans le monde. Le Traité constitutionnel en fait aussi l’un des objectifs de l’Union européenne.
Marc Pallemaerts et Armelle Gouritin analysent l’émergence du thème de développement durable dans le discours européen. Ils analysent le contenu de la stratégie adoptée à Göteborg en 2001 et sa mise en oeuvre. Ils mettent en évidence la relation pour le moins ambiguë qu’entretient la SDD avec les autres orientations de la politique de l’Union européenne, dont la stratégie de Lisbonne portant sur la croissance, l’emploi et la compétitivité. Ils concluent en rendant compte des développements les plus récents, à savoir les interférences entre la relance de la stratégie de Lisbonne en 2005 et la révision différée de la SDD, et l’adoption en 2006, cinq ans après Göteborg, d’une nouvelle stratégie qualifiée d’ambitieuse et globale, mais qui se révèle peu audacieuse à l’examen.

Avec le Traité d’Amsterdam, le développement durable est devenu l’un des objectifs fondamentaux de l’intégration européenne. En 2001, le Conseil européen adopte une orientation politique nommée stratégie en faveur du développement durable (SDD). La même année, le développement durable est cité dans la déclaration de Laeken sur l’avenir de l’Europe parmi les valeurs définissant l’identité et le rôle de l’Union européenne dans le monde. Le Traité constitutionnel en fait aussi l’un des objectifs de l’Union européenne. Marc Pallemaerts et Armelle Gouritin analysent l’émergence du thème de développement durable dans le discours européen. Ils analysent le contenu de la stratégie adoptée à Göteborg en 2001 et sa mise en oeuvre. Ils mettent en évidence la relation pour le moins ambiguë qu’entretient la SDD avec les autres orientations de la politique de l’Union européenne, dont la stratégie de Lisbonne portant sur la croissance, l’emploi et la compétitivité. Ils concluent en rendant compte des développements les plus récents, à savoir les interférences entre la relance de la stratégie de Lisbonne en 2005 et la révision différée de la SDD, et l’adoption en 2006, cinq ans après Göteborg, d’une nouvelle stratégie qualifiée d’ambitieuse et globale, mais qui se révèle peu audacieuse à l’examen.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/10/2007
https://doi.org/10.3917/cris.1961.0005
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