CAIRN.INFO : Matières à réflexion

INTRODUCTION

1 L’objet du présent Courrier hebdomadaire est de retracer l’évolution des négociations communautaires de juillet 2003 à mai 2005.

2 Le point de départ de l’étude se trouve dans l’analyse des résolutions de mars 1999 votées par le Parlement flamand. Celles-ci regroupent l’ensemble des revendications des partis flamands nées au cours des dernières décennies ; elles constituent le fil rouge pour la compréhension des réformes engrangées et expliquent, pour partie, le développement des événements politiques ultérieurs.

3 La première partie fait le bilan des réformes institutionnelles engrangées au cours de la législature 1999-2003. Sont ainsi brièvement examinés l’accord de la Saint-Éloi, la CIIRI, les accords du Lambermont I et II, l’accord du Lombard et l’accord « du renouveau politique » du 26 avril 2002. Dans chaque cas, on distingue les problèmes réglés de ceux qui, faute d’accord, sont restés en suspens. L’un d’eux est la question de la scission de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Une scission « horizontale » réglée par la loi du 13 décembre 2002 est annulée par la Cour d’arbitrage en mai 2003. La volonté flamande d’aboutir à la scission de cette circonscription électorale se traduit par le dépôt de diverses propositions de loi qui sont examinée par le Conseil d’État à la lumière de l’arrêt de la Cour d’arbitrage.

4 La deuxième partie est consacrée à la première année du gouvernement Verhofstadt II mis en place en juillet 2003. Le programme gouvernemental prévoit la création d’un Forum dont la mission est de préparer de nouvelles réformes en partant notamment de l’accord du « renouveau politique » du 26 avril 2002. L’ouverture du Forum est reportée après les élections régionales, communautaires et européennes du 13 juin 2004. Mais la pression flamande pour une scission de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde s’est accrue avant ces élections et le nouveau gouvernement flamand, mis en place au lendemain de ces élections, met à son programme la réalisation de cette revendication, ce qui suppose le dépôt d’une proposition de loi à la Chambre et son adoption par cette assemblée fédérale. Les programmes des nouveaux gouvernements en matière institutionnelle sont examinés dans la troisième partie.

5 Compte tenu du retour au pouvoir du CD&V en Flandre, le lendemain des élections de juin 2004 est marqué par de nouvelles tensions au niveau fédéral, accentuées par la pression mise par le CD&V, dans l’opposition à ce niveau. Le Premier ministre tente d’apporter une solution à la question de Bruxelles-Hal-Vilvorde mais est amené à y renoncer faute d’accord sur ses propositions. Au cours de sa déclaration à la Chambre le 12 octobre 2004 il annonce la mise en place du Forum et l’activation du Comité de concertation pour régler la question de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Cette question revient au premier plan avec le dépôt de diverses propositions de loi flamandes et francophones et la multiplication d’enceintes de négociation chargées de traiter ce dossier (quatrième partie).

6 C’est au sein d’un nouveau groupe de travail réuni par le Premier ministre en avril 2005 que des négociations serrées s’engagent pour trouver une solution au problème de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Les francophones acceptent une forme de scission de la circonscription mais demandent en contrepartie des garanties pour les électeurs francophones ainsi qu’une présence accrue de la Communauté française dans les communes concernées. L’accord ne se réalise cependant pas et les négociateurs se séparent le 10 mai. Ces événements ainsi que l’analyse de l’accord tel que publié dans Le Soir font l’objet de la cinquième partie.

7 Le 11 mai le Premier ministre annonce à la Chambre l’échec des négociations et demande la confiance à cette assemblée. Celle-ci la lui accorde le 13, majorité contre opposition (sixième partie).

8 La conclusion fait le point sur les méthodes de négociations communautaires mises en œuvre depuis 1999 ainsi que sur les avancées obtenues par les Flamands en matière de réformes institutionnelles.

9 Les problèmes communautaires laissés en suspens en mai 2005 faute d’accord politique entre partis francophones et néerlandophones, notamment en ce qui concerne Bruxelles-Hal-Vilvorde, sont de nature à occuper encore la scène politique tant il est vrai qu’en ces matières, c’est un leurre de croire que l’on pourra tout régler en une seule négociation.

1. LE BILAN DES RÉFORMES ENGRANGÉES SOUS LA LÉGISLATURE 1999-2003

10 Le gouvernement fédéral arc-en-ciel formé à la suite des élections du 13 juin 1999 ne fait pas des problèmes communautaires son cheval de bataille, mais il ne peut ignorer pour autant la pression qui se manifeste du côté flamand pour de nouvelles réformes institutionnelles.

11 Quelques mois plus tôt, le 3 mars 1999, le Parlement flamand avait adopté une série de résolutions concernant un programme de réformes institutionnelles. La Flandre souhaitait franchir une nouvelle étape vers plus d’autonomie fiscale et financière et exigeait le transfert de nouvelles compétences, notamment en ce qui concerne deux branches de la sécurité sociale, les soins de santé et les allocations familiales [1].

12 Le nouvel exécutif flamand mis en place le 13 juillet 1999 et dirigé par le libéral Patrick Dewael comporte, outre le VLD, parti de son ministre-président, le SP, Agalev et la VU-ID21, sans laquelle la coalition ne serait pas majoritaire, tandis que le CVP est rejeté dans l'opposition. La nouvelle configuration politique ne change en rien la politique poursuivie sous la précédente législature en matière institutionnelle. On retrouve dans la déclaration gouvernementale, sous une formulation légèrement différente, la plupart des revendications contenues dans les résolutions du Parlement flamand. L’accord précisé par ailleurs par les revendications à mettre en œuvre immédiatement au profit, essentiellement, des régions, à savoir le transfert de la législation organique relative aux communes et aux provinces, une sérieuse avancée en matière d’autonomie fiscale et le transfert de compétences de manière à constituer des ensembles homogènes de matières.

13 Pour les autres réformes, qui nécessitent une concertation plus approfondie, le gouvernement flamand préconise un dialogue de communauté à communauté.

14 Face aux revendications flamandes, les francophones avaient opposé, avant les élections, une fin de non-recevoir [2].

15 La nouvelle équipe gouvernementale fédérale [3] définit son programme de réformes institutionnelles dans un paragraphe de l’accord de gouvernement intitulé « Le renouveau institutionnel et démocratique [4] ». Rappelant le respect de la loyauté fédérale inscrit dans la Constitution [5], le gouvernement déclare vouloir éliminer les tensions communautaires et améliorer la construction de l'État fédéral. Pour atteindre cet objectif, il estime « nécessaire de créer un Forum permanent de rencontre, de discussion et d'évaluation », organe permettant à l'Autorité fédérale, aux communautés et aux régions de se rencontrer pour, d'une part, analyser et améliorer le fonctionnement des institutions, et, d'autre part, formuler des propositions en ces matières ainsi que leurs modalités de financement.

16 À cet effet, il propose de créer une Conférence intergouvernementale et interparlementaire du renouveau institutionnel (CIIRI [6]). Celle-ci est créée par le Conseil des ministres le 2 septembre 1999 et fonctionne jusqu’en décembre 2000 [7].

17 Les travaux de la CIIRI aboutissent au début avril 2000 à un accord sur la régionalisation de l'agriculture et du commerce extérieur.

18 En matière d’agriculture, la compétence est octroyée aux régions sur l'ensemble de la politique agricole ainsi qu'en matière de pêche maritime, sauf pour ce qui concerne le plateau continental. L’Autorité fédérale garde uniquement la compétence dans des matières limitativement énumérées.

19 Pour le commerce extérieur, déjà fortement régionalisé auparavant, l'Autorité fédérale voit son pouvoir réduit aux seuls services chargés des opérations financières, comme l'Office national du Ducroire et les prêts d'État à État ; il en est de même pour les opérations multilatérales (OMC et FAO). L'Office belge du commerce extérieur, outil fédéral, est supprimé et remplacé pour partie par l’Agence pour le commerce extérieur, cogéré par les régions et le pouvoir fédéral.

20 Parallèlement aux travaux de la CIIRI, des négociations s’ouvrent au sein du Comité de concertation en vue d’aboutir à un accord sur l’application de l’article 39 § 2 de la loi du 16 juillet 1989 relative au financement des communautés et des régions. Cet accord est celui de la Saint-Éloi, signé le 1er décembre 1999 [8].

21 Le gouvernement fédéral s’était en effet engagé, lors de sa formation, à régler la question de la répartition de la masse TVA qui finance l’enseignement des deux grandes communautés, une question qui aurait déjà dû être réglée pour l’année budgétaire 1999 en vertu de l’article 39 § 2 de la loi spéciale de financement des communautés et des régions. Ce règlement devait apporter à la Communauté française des moyens supplémentaires d’au moins 2,4 milliards BEF. Pour les partis flamands, cette application de la loi spéciale, qui devait diminuer d’autant le financement de la Communauté flamande, n'était concevable que si une avancée significative en matière d'autonomie fiscale était simultanément engrangée. Ils obtiendront en outre qu’une série de mesures soit adoptée, qui augmente le financement de la Communauté française de 2,4 milliards BEF et évite de diminuer celui de la Communauté flamande.

22 L’accord conclu le 1er décembre 1999 règle la question de la clé de répartition de la masse TVA en fonction du nombre d’élèves dans chaque communauté pour le financement de l’enseignement. Il porte en outre sur :

  • de nouvelles modalités pour le financement des étudiants étrangers ;
  • l’augmentation des droits de tirage régionaux pour les programmes de remise au travail des chômeurs ;
  • des modalité d’octroi de centimes additionnels ou de remises régionales (centimes soustractionnels) à l'impôt des personnes physiques.

23 L’accords de la Saint-Éloi est alors considéré comme une première étape vers le refinancement des Communautés française et flamande, et accessoirement des régions, ainsi que vers une plus large autonomie des régions sur le plan fiscal [9].

24 Des négociations se poursuivent, toujours en marge de la CIIRI, sur la question du refinancement des communautés et sur celle des transferts de compétences à opérer, avec un premier accord le 17 octobre 2000 (accord de la Sainte-Thérèse ou accord de Lambermont I) et un second accord le 23 janvier 2001 sur les textes à déposer au Parlement pour mettre en œuvre le premier (accord de la Saint-Polycarpe ou accord du Lambermont II).

25 En ce qui concerne les réformes relatives à Bruxelles, le programme du gouvernement fédéral prévoit que la CIIRI adopte les décisions ayant fait l'objet d'un consensus entre les Bruxellois des deux communautés. À cette fin, un groupe de travail est mis sur pied à la rentrée parlementaire de 1999 [10]. Interrompus pendant la préparation des élections communales d'octobre 2000, les travaux reprennent le 23 mars 2001 pour aboutir le 29 avril 2001 à l’accord du Lombard [11]. Ces travaux sont influencés par ceux du Lambermont ainsi que par la résolution de l'Assemblée de la Commission communautaire flamande du 19 décembre 2000, qui avait repris toutes les exigences flamandes à propos de Bruxelles.

26 Négocié entre des représentants du gouvernement fédéral et ceux des partis de la coalition ainsi que des membres des gouvernements régionaux, un accord « du renouveau politique » est conclu le 26 avril 2002. Cet accord, qui sera la clé de voûte de la déclaration de la révision de la Constitution d’avril 2003, poursuit un double objectif : d'une part, la modification du Code électoral ; d'autre part, la révision d'une série d'articles de la Constitution en vue de la prochaine réforme de l'État, notamment en ce qui concerne le rôle, la composition et le fonctionnement du Sénat.

1.1. LES ACCORDS DU LAMBERMONT

27 Les accords du Lambermont se concrétisent par les lois spéciales du 13 juillet 2001, la première portant transfert de diverses compétences aux régions et aux communautés et la seconde portant sur le refinancement des communautés et l'extension de l’autonomie fiscale des régions [12].

1.1.1. Les nouvelles compétences des régions et des communautés

28 La politique agricole et la pêche maritime sont entièrement régionalisées, à l'exception des normes de sécurité, des revenus de remplacement en cas de cessation anticipée d'activité et du Bureau d'intervention et de restitution (BIRB).

29 Pour la préparation et les négociations avec les autorités européennes [13] ainsi que pour le suivi des activités à ce niveau, une concertation est prévue entre le gouvernement fédéral et les gouvernements des entités fédérées.

30 Le transfert est réalisé en conformité avec la résolution du Parlement flamand, à l'exception des compétences relatives aux matières sanitaires et phytosanitaires.

31 Concernant le commerce extérieur, il est entièrement régionalisé à l’exception des opérations financières (essentiellement l'Office national du Ducroire et les prêts d'État à État) et des opérations multilatérales. La décision est conforme aux desiderata flamands, notamment par la suppression de l'OBCE, mais par contre l’Office national du Ducroire est maintenu. Les prêts d’État à État restent de la compétence du pouvoir fédéral.

32 Si la régionalisation quasi intégrale de l’agriculture, de la pêche maritime et du commerce extérieur répondent aux desiderata flamands, ces réformes semblent avoir rencontré le plein assentiment des négociateurs francophones, également preneurs d’un surcroît d’autonomie régionale en ces matières.

33 La réglementation organique des pouvoirs locaux est régionalisée, y compris la législation électorale provinciale et communale [14]. Les exceptions ont trait aux matières et aux garanties données par la loi de pacification du 9 août 1988, qui concerne les communes à facilités linguistiques essentiellement, ainsi qu'aux politiques en matière de police et de lutte contre l'incendie. La loi confirme les garanties données aux francophones habitant les communes de la périphérie bruxelloise [15] ainsi que celles dont bénéficient les néerlandophones, les francophones et les germanophones dans les communes dotées d'un statut spécial en vue de la protection de leurs minorités [16].

34 L'organisation de la tutelle sur les communes, y compris les communes à facilités de la périphérie bruxelloise, les communes de Comines-Warneton et de Fourons ainsi que les communes germanophones, est transférée aux régions [17]. Celles-ci doivent appliquer la réglementation d'une manière identique dans toutes les communes d’une même région.

35 Cette réforme est conforme aux desiderata flamands, sauf en ce qui concerne le respect de la loi de pacification et les autres garanties linguistiques exigées par les négociateurs francophones. Rappelons par ailleurs que le principe de la régionalisation de la nouvelle loi communale et de la loi provinciale faisait partie intégrante des accords de la Saint-Michel conclus fin septembre 1992 entre les partis de la majorité sociale-chré-tienne/socialiste, et élargis à la Volksunie et aux partis écologistes.

36 Au regard de l’accord interne à la CIIRI (avril 2000), les accords du Lambermont ont innové en adoptant le principe d’un transfert partiel des compétences en matière de coopération au développement. Sur ce point, la loi spéciale prévoit une procédure inusitée en créant un groupe de travail chargé d'étudier la communautarisation et surtout la régionalisation partielle de la coopération au développement. Le groupe de travail, coprésidé par des collaborateurs des deux vice-Premiers ministres chargés des réformes institutionnelles, sera effectivement mis en place ; il aurait dû rendre son rapport pour le 31 décembre 2002. Ce ne fut pas le cas, aucun consensus n'ayant été atteint parmi les participants.

1.1.2. L'extension de l’autonomie fiscale des régions et le refinancement des communautés

37 Outre le transfert de compétences, la réforme de 2001 accroît l'autonomie fiscale des régions et rencontre les besoins financiers des communautés en y apportant une réponse structurelle [18].

L’autonomie fiscale régionale

38 L’objectif est, d’une part, de donner aux régions la possibilité d'instaurer des centimes additionnels régionaux ou des remises à l'impôt des personnes physiques, et, d'autre part, de leur transférer toutes les compétences relatives à certains impôts régionaux, sur lesquels les régions ne possèdent qu’une autonomie limitée.

39 Une autonomie fiscale est accordée aux régions en matière d'IPP : dans certaines limites, elles peuvent percevoir des centimes additionnels et accorder des réductions ou centimes soustractionnels à l'IPP. Elles peuvent également modifier les impôts liés à leurs compétences en les augmentant ou en les réduisant.

40 Certains impôts se situant dans le prolongement des impôts régionaux (la taxe de mise en circulation, la taxe de circulation, l’eurovignette, les droits d'enregistrement sur l'établissement d'hypothèques, les droits de donation) et la redevance radio et télévision sont régionalisés.

41 Les revendications flamandes reçoivent ainsi satisfaction de manière très partielle puisqu’elles comprenaient, dans les résolutions du 3 mars 1999 [19], le transfert complet de l'IPP, y compris la perception, en vue de permettre le financement des soins de santé et des allocations familiales s’ils avaient été transférés.

Le refinancement des communautés

42 Trois mesures sont prises dans le domaine du refinancement des communautés. La première prévoit une dotation compensatoire pour les deux communautés à la suite de la perte financière résultant de l'intégration de la redevance radio et télévision dans les impôts régionaux. La deuxième prévoit le refinancement proprement dit, destiné à couvrir, si les communautés en font le choix, de nouvelles politiques. Enfin, la troisième adapte la masse TVA destinée aux communautés à la croissance réelle de la richesse nationale (RNB), et cela en sus de son indexation à l'inflation.

43 Il ne s'agissait pas là d'une revendication flamande explicite ; par contre, elle était fondamentale pour les francophones.

44 Les accords du Lambermont sont relativement équilibrés : la Région flamande acquiert l’autonomie fiscale et la Communauté française est refinancée. Cependant, en obtenant elle aussi un refinancement, la Communauté flamande engrange des marges financières importantes qui lui permettront ultérieurement de réduire la pression fiscale dans le Nord du pays, ou de supprimer sa dette en quelques années.

1.2. L’ACCORD DU LOMBARD

45 Une part des revendications flamandes à propos de Bruxelles trouve une réponse dans l’accord du Lombard. Les francophones concèdent aux Flamands de Bruxelles une meilleure représentation au sein du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale [20]. Le nombre de sièges au Conseil est porté à 89, à raison de 17 pour le groupe linguistique néerlandais et de 72 pour le groupe linguistique français. Les francophones obtiennent en échange un refinancement des commissions communautaires. Ce dernier point intéresse également les Flamands, mais dans une moindre mesure, la répartition du montant de la dotation spéciale d’un milliard de BEF étant 80% F – 20% N. Les deux parties se mettent également d'accord pour instaurer un mécanisme permettant d’empêcher le Vlaams Blok de paralyser le fonctionnement des institutions bruxelloises.

46 Des dispositions complémentaires, absentes de l’agenda initial de négociation, encouragent la constitution d’une majorité politique bilingue dans les communes bruxelloises. Adoptées dans l’espoir de rallier quatre députés de la Volksunie à l’adoption des lois spéciales de 2001, ces dispositions restent très en deçà des exigences de représentation garantie au niveau communal formulées par divers responsables politiques flamands.

47 L’ensemble des dispositions de l’accord du Lombard est repris dans des lois spéciales et ordinaires selon les matières traitées [21].

1.3. L'ACCORD DU 26 AVRIL 2002 ET LA DÉCLARATION DE RÉVISION DE LA CONSTITUTION

48 L’accord du 26 avril 2002, dit accord du renouveau politique, porte d’abord sur plusieurs réformes électorales qui seront mises en œuvre par deux textes législatifs : la loi du 13 décembre 2002 modifiant le Code électoral ainsi que son annexe, et la loi du 13 décembre 2002 portant diverses modifications en matière de législation électorale [22]. Les règles électorales modifiées furent appliquées lors des élections législatives fédérales du 18 mai 2003, sauf en ce qui concerne le dispositif relatif aux circonscriptions de Bruxelles-Hal-Vilvorde, Louvain et Nivelles, qui fit l’objet d’un arrêt de suspension puis d’un arrêt d’annulation de la Cour d’arbitrage [23] (cf. infra).

49 Le texte de l'accord du 26 avril 2002 définit ensuite le remodelage de certaines institutions et établit la liste des articles devant figurer dans la déclaration de révision de la Constitution. Les divers problèmes repris ci-après firent l'objet de négociations sans pour autant aboutir à un accord détaillé : seules les grandes orientations étaient esquissées. Nous n’en retiendrons ici que les éléments institutionnels susceptibles de provoquer des débats entre les deux grandes communautés [24].

50 L’accord prévoit que le Sénat serait composé de 70 élus indirects, désignés uniquement par les assemblées des entités fédérées. La durée du mandat serait de cinq ans. La répartition linguistique serait paritaire, le sénateur germanophone faisant partie du groupe linguistique français. La composition du Sénat serait donc modifiée sur plusieurs points majeurs (disparition des sénateurs élus directs, des sénateurs cooptés et des sénateurs de droit ; répartition linguistique plus favorable aux francophones) pour en faire, comme dans les autres États fédéraux, une seconde chambre représentant exclusivement les entités fédérées.

51 En ce qui concerne les compétences, les matières soumises au système bicaméral resteraient inchangées. On ajouterait toutefois aux compétences exclusives les lois relatives au Conseil d'État, l'organisation des cours et tribunaux ainsi que l'approbation des accords de coopération conclus entre l’Autorité fédérale et les entités fédérées.

52 Dans le domaine des relations internationales, la compétence du Sénat serait exclusive en matière d'approbation de traités, la majorité au sein de chaque groupe linguistique étant exigée [25]. Il en serait de même pour les accords multilatéraux.

53 En matière législative, le droit d'évocation du Sénat ne pourrait être exercé que si une majorité de sénateurs au sein d'un même groupe linguistique le demande. Le droit d'initiative législative pourrait s'exercer sous la forme de dépôts de projets et de recommandations à la Chambre, qui en déciderait en dernier ressort. Le rôle du Sénat en matière législative serait donc fortement réduit.

54 Selon les termes de l'accord, « La Chambre fédérale est l'assemblée parlementaire de la Fédération belge ». Ses compétences ne seraient pas modifiées ; une commission de réflexion évaluerait le travail législatif en seconde lecture.

55 La Chambre serait composée de 200 députés : les 150 députés actuels assurant le lien avec la population locale, c’est-à-dire élus selon les circonscriptions provinciales créées par le même accord, et 50 députés supplémentaires traduisant des préoccupations plus générales, élus à l’échelle de chacune des communautés. La répartition de ces 50 derniers sièges s'effectuerait proportionnellement au nombre de sièges obtenus par chaque groupe linguistique à la Chambre lors de l'élection législative précédente.

56 L’accord prévoit également d’octroyer l’autonomie constitutive à la Région de Bruxel-les-Capitale et à la Communauté germanophone, de manière à leur donner les mêmes compétences qu’aux autres régions et communautés en matière d’auto-organisation.

57 L’accord prévoit enfin de modifier la procédure de révision de la Constitution, qui est établie par l’article 195 de cette dernière. L’objectif est de simplifier la procédure, en faisant l’économie de la déclaration d’ouverture à révision à opérer sous la législature antérieure à la révision. L'accord ne donne cependant aucune indication quant aux orientations souhaitées par les négociateurs.

58 Dans l’exposé introductif de la déclaration de révision de la Constitution présentée aux Chambres par le gouvernement Verhofstadt I, les dispositions soumises à révision sont classées en trois groupes. Dans les deux premiers on trouve d'une part, les articles qui figuraient déjà dans la déclaration de 1999 et, d'autre part, des dispositions relatives aux libertés et aux droits fondamentaux, à l'organisation de la démocratie directe et indirecte ainsi qu'à des institutions comme la Cour des comptes, la Cour d'arbitrage et la Cour pénale internationale.

59 Les dispositions jugées nécessaires à la mise en œuvre de l'accord « du renouveau politique » sont reprises dans le troisième groupe. Pour ces dernières matières, la déclaration de révision contient une énumération exhaustive et très précise des articles ou parties d'articles soumis à révision.

1.4. LES ARRÊTS DE LA COUR D’ARBITRAGE DES 26 FÉVRIER ET 26 MAI 2003

60 Dans son arrêt du 26 mai 2003, la Cour d’arbitrage annule certaines dispositions de la loi du 13 décembre 2002, plus précisément les dispositions qui ont trait à l’élection de la Chambre au sein de la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde et de la circonscription de Louvain. Rappelons que la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde est la seule qui chevauche deux régions linguistiques : la région de langue néerlandaise et la région de Bruxelles-Capitale. Elle permet aux électeurs domiciliés dans l’arrondissement administratif flamand de Hal-Vilvorde, qui comprend les six communes à facilités linguistiques de la périphérie bruxelloise, de voter utilement pour un candidat francophone, et, à l’inverse, aux Bruxellois de voter utilement pour un candidat flamand, les voix francophones de la périphérie s’ajoutant aux votes émis à Bruxelles et les voix flamandes de Bruxelles s’ajoutant aux votes émis à Hal-Vilvorde. Ces dispositions ne sont d’application que pour les élections fédérales et européennes [26].

61 Le dispositif annulé prévoyait que, alors que toutes les autres circonscriptions pour l’élection de la Chambre correspondaient désormais au territoire d’une province, le Brabant flamand continuait à être divisé : la circonscription de Louvain subsistait, ainsi que celle de Bruxelles-Hal-Vilvorde, cette dernière étant à cheval sur la province de Brabant flamand et sur la Région de Bruxelles-Capitale. Le dispositif annulé imposait cependant que les listes de candidats flamands soient strictement identiques dans les deux circonscriptions, et instaurait un mécanisme inédit de répartition des sièges en leur sein. Ce dispositif très complexe, parfois qualifié de « scission horizontale » de la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde, avait été proposé par les négociateurs flamands de l’accord du 26 avril 2002 faute d’obtenir la scission de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde et la création d’une circonscription du Brabant flamand, scénario rejeté par les francophones.

62 En annulant ce dispositif, la Cour restaure donc la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde telle qu’elle existe depuis 40 ans, et annule l’obligation faite aux candidats de la circonscription électorale de Louvain pour la Chambre de se présenter également aux suffrages des électeurs de la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde. La Cour motive sa décision par le fait que les dispositions qui instituent cette nouvelle organisation électorale contreviennent à la prescription de l’article 63, § 2, premier alinéa, de la Constitution, selon lequel « chaque circonscription électorale compte autant de sièges que le chiffre de sa population contient de fois le diviseur fédéral, obtenu en divisant le chiffre de la population du Royaume par cent cinquante [27] ». La Cour annule l’ensemble de la réforme portant sur les circonscriptions de l’ancien Brabant et fait revivre l’état antérieur du droit pour ces circonscriptions. Le reste de la réforme est par contre validé pour les autres circonscriptions et modalités [28].

63 Ce faisant, dans le cadre d’une carte électorale redessinée selon le contour des provinces, le maintien de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde est examiné par la Cour en tant que second grief, formulé par les demandeurs néerlandophones, et ce grief est rejeté. Il apparaît toutefois au juge constitutionnel que le fait que la province de Brabant flamand, contrairement aux autres provinces, ne forme pas une circonscription électorale pour l’élection de la Chambre des représentants, est constitutif de discriminations.

64

« B.9.5. En maintenant la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde, le législateur traite les candidats de la province du Brabant flamand différemment des candidats des autres provinces, puisque, d’une part, ceux qui se présentent dans la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde se trouvent en compétition avec des candidats qui se présentent ailleurs que dans cette province, et que, d’autre part, les candidats qui se présentent dans la circonscription électorale de Louvain ne sont pas traités de la même façon que ceux qui se présentent dans la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde .
B.9.6. Toutefois, la mesure procède du souci, déjà constaté dans l’arrêt n° 90/94, de recherche globale d’un indispensable équilibre entre les intérêts des différentes communautés et régions au sein de l’État belge. Les conditions de cet équilibre ne sont pas immuables. Mais la Cour substituerait son appréciation à celle du législateur si elle décidait qu’il doit être mis fin, dès à présent, à une situation qui a jusqu’ici emporté l’adhésion du législateur, alors qu’elle n’a pas la maîtrise de l’ensemble de problèmes auxquels il doit faire face pour maintenir la paix communautaire.
B.9.7. En cas de maintien des circonscriptions électorales provinciales pour l’élection de la Chambre des représentants, une nouvelle composition des circonscriptions électorales de l’ancienne province de Brabant peut être accompagnée de modalités spéciales qui peuvent différer de celles qui valent pour les autres circonscriptions électorales afin de garantir les intérêts légitimes des néerlandophones et des francophones dans cette ancienne province.
C’est au législateur et non à la Cour qu’il appartient d’arrêter ces modalités.
B.9.8. Pour ces raisons, il peut être admis que la répartition en circonscriptions électorales opérée par la loi entreprise soit maintenue pendant le délai de quatre ans prévu par l’article 65 de la Constitution prenant cours au moment déterminé par l’article 105 du Code électoral.
B.9.9. En considération de ce qui précède, le second grief doit être rejeté. »

65 Pour ce qui concerne les circonscriptions de Bruxelles-Hal-Vilvorde, Louvain et Nivelles (cette dernière couvrant dès avant la réforme le territoire du Brabant wallon), et comme le précisait l’arrêt de suspension du 26 février 2003, les élections du 18 mai 2003 se sont déroulées en application des dispositions en vigueur avant la loi du 13 décembre 2002.

66 Pour ce qui concerne la question du maintien de la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde à l’avenir, la Cour n’annule pas les effets des dispositions qu’elle critique. « Au lieu de prononcer une annulation, voire une annulation en maintenant provisoirement certains effets [29], la Cour rejette le grief fondé sur l’absence de circonscription électorale du Brabant flamand [30]. » Les dispositions qui ont été appliquées pour les élections du 18 mai 2003 restent donc applicables à tous les scrutins tant qu’une nouvelle loi n’est pas entrée en vigueur : ces dispositions s’appliquent faute d’autres possibilités, étant donné que la Cour a rejeté les griefs et le recours sur ce point [31].

67 La perception de la portée juridique des arrêts de la Cour d’arbitrage évoluera avec le temps. Au lendemain de l’arrêt de suspension du 26 février 2003, le gouvernement arc-en-ciel, sous la pression du SP.A, envisage un moment d’élaborer dans l’urgence un projet de loi proposant un nouveau système électoral pour l’ancienne province de Brabant, avant de se résoudre à maintenir le système existant. Très rapidement, des responsables politiques flamands, dont les ministres fédéraux Frank Vandenbroucke (SP.A) et Patrick Dewael (VLD) annoncent leur intention de mettre la scission de la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde au menu des négociations pour la formation du prochain gouvernement fédéral. Nous verrons qu’en un second temps, le front flamand qui se constituera en faveur de cette scission prétendra lire dans les arrêts de la Cour d’arbitrage une injonction à opérer une telle scission avant et pour les élections de 2007, thèse qui sera vivement combattue par les responsables politiques francophones. Sur le plan du calendrier, la thèse flamande se fondera sur le fait que le délai donné par la Cour d’arbitrage pour légiférer est le délai de l’article 65 de la Constitution, qui précise que la Chambre est renouvelée tous les quatre ans.

1.5. LA FRONDE DES BOURGMESTRES FLAMANDS DE LA PÉRIPHÉRIE BRUXELLOISE

68 Fin mars 2003, vingt-huit bourgmestres des communes de la périphérie bruxelloise exigent qu’aucun parti flamand n’entre dans le prochain gouvernement fédéral si ce dernier ne prévoit pas la scission de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Ces bourgmestres appartiennent aux divers partis traditionnels ou dirigent des coalitions de type local, et représentent toutes les communes de la périphérie à l’exception des six communes à facilités et de la commune de Biévène. Ils relaient aussi un appel lancé par plusieurs associations aux partis flamands [32].

69 Problème rémanent, la scission avait été remise sur la table des négociateurs lors de la formation du premier gouvernement Verhofstadt en 1999. Les partis francophones l’avaient repoussée mais la volonté flamande de résoudre cette question était omniprésente. En 2002, un embryon de solution avait été trouvé lors de l’élaboration de la nouvelle législation électorale, cette dernière permettant, au moins symboliquement, aux Flamands d’avoir une circonscription unique pour le Brabant flamand, tandis que les francophones avaient obtenu que le dispositif préserve la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde. L’annulation de ce dispositif par la Cour d’arbitrage a pour conséquence, aux yeux des 28 bourgmestres, de créer une discrimination intolérable, le Brabant flamand restant la seule province qui ne se confonde pas avec une circonscription électorale. De manière plus fondamentale, les droits électoraux des francophones dans l’arrondissement de Hal-Vilvorde sont dénoncés comme un privilège inacceptable, assimilé aux facilités linguistiques en matière administrative.

70 Cette fronde des bourgmestres à la veille des élections fédérales de 2003 n’aura guère d’écho, à la différence de la protestation organisée avant les élections régionales, communautaires et européennes de 2004.

2. LA PREMIÈRE ANNÉE DU GOUVERNEMENT VERHOFSTADT II

71 Après les élections fédérales du 18 mai 2003 se forme au niveau fédéral une coalition « violette », composée des partis libéraux (VLD et MR [33]) et socialistes (PS et SP.A – Spirit [34]).

72 On présentera tout d’abord l’accord conclu au niveau fédéral au lendemain des élections du 18 mai 2003. La première et la seule réalisation de ce programme au plan institutionnel sera la régionalisation de l’octroi des licences d’exportation, d’importation et de transit d’armes.

2.1. L’ACCORD DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL DU 13 JUILLET 2003

73 Après les élections fédérales du 18 mai 2003, la négociation du programme de gouvernement [35] se déroule sans que des tensions apparaissent sur le plan communautaire. Sous le titre « Une administration de meilleure qualité », l’accord de gouvernement comprend un chapitre 5 intitulé « Le renforcement de l’État fédéral ». Cet intitulé comporte une ambiguïté sémantique : d’une part, on peut donner au terme « État fédéral » le sens de pouvoir fédéral, ce qui implique que des compétences supplémentaires ou nouvelles seraient reconnues à celui-ci ; d’autre part, on peut également comprendre qu’il convient de renforcer le système fédéral, ce qui, dans un pays au départ unitaire, implique plutôt un mouvement en sens inverse, à savoir un transfert de compétences de l’Autorité fédérale vers les entités fédérées [36].

74

« 5. Le renforcement de l'État fédéral
À l'instar de ce qu'il a réalisé ces dernières années, le gouvernement favorisera le dialogue entre les communautés de ce pays en discutant et en résolvant les conflits d'intérêt existants de manière rationnelle, adulte et en refusant la provocation. Le Comité de concertation regroupant le gouvernement fédéral et les gouvernements de Région et de Communauté évoluera pour devenir l'instance par excellence où les nouvelles formes de coopération entre les communautés seront traitées. Il se réunira une fois par mois à une date fixe.
Le gouvernement créera en outre un Forum auquel seront associées les régions et les communautés. Ce Forum préparera, partant de l’accord du 26 avril 2002, les propositions de révision de la Constitution et les projets de loi, qui devront mener entre autres à (1) la réforme du système bicaméral, (2) l’autonomie constitutive de la Région de Bruxelles-Capitale [37](3) la révision de l’article 195 de la Constitution, (4) les dates d’élections pour les élections fédérales et les entités fédérées, (5) l’introduction dans la Constitution du terme ‘Parlement’ pour les conseils régionaux et communautaires.
En outre, le Forum examinera et préparera par des projets de loi des solutions pour différentes questions en vue de contribuer à une plus grande cohérence structurelle de la répartition des compétences fédérales, régionales et/ou communautaires. Dans ce cadre, le Forum traitera entre autre de la sécurité routière et de l’octroi de licences en ce qui concerne le commerce des armes. Dans ce même cadre, on parlera aussi de la coopération au développement dans les limites fixées par la loi spéciale du 13 juillet 2001.
Le gouvernement portera les moyens de l’accord de coopération avec la Région de Bruxelles-Capitale de 100 millions € en 2004 à 125 millions € en 2007. Il les pérennisera et en outre simplifiera la procédure de décision en ce qui concerne cet accord.
Enfin, et conformément à ce qui a été prévu dans la Déclaration de révision de la Constitution, le gouvernement étendra les compétences de la Cour d'arbitrage qui deviendra une Cour constitutionnelle.
Les nouvelles compétences de la Cour des comptes seront inscrites dans la Constitution. »

75 La volonté gouvernementale est de mettre l’accent sur la résolution des conflits et la diminution des tensions communautaires, en défendant au passage le bilan du précédent gouvernement arc-en-ciel. À cette fin, l’accord confie au Comité de concertation un nouveau rôle : il doit devenir le lieu où les nouvelles formes de coopération entre les communautés sont traitées [38]. Cependant, l’essentiel du texte renvoie l’ensemble des problèmes relatifs à la réforme de l’État à la création d’un Forum, auquel doivent être associées les communautés et les régions. Cette nouvelle création porte les espoirs du gouvernement en matière de règlement des problèmes institutionnels, c’est-à-dire, pour les partis flamands, de nouveaux transferts de compétences. Bien que l’accord gouvernemental charge le Forum de diverses missions, la composition de celui-ci n’est pas précisée [39], pas plus d’ailleurs que la méthode de travail qu’il devrait utiliser.

2.1.1. Le Forum

76 Les missions du Forum découlent en grande partie de l’accord du renouveau politique du 26 avril 2002. Dans la mesure où Écolo, dans l’opposition sous la nouvelle législature fédérale, confirme son plein soutien à la réalisation de cet accord, le gouvernement peut espérer trouver au sein des Chambres fédérales la majorité des deux tiers qui lui est nécessaire [40]. Agalev [41] n’entre plus en ligne de compte, n’étant plus représenté dans les assemblées fédérales.

77 La première mission du nouvel organe est de préparer les textes des articles nouveaux à insérer dans la Constitution, ainsi que des projets de loi relatifs à la réforme du système bicaméral, ces derniers visant essentiellement le Sénat.

78 La seconde mission est de concrétiser l’autonomie constitutive à octroyer à la Région de Bruxelles-Capitale.

79 Les autres missions consistent en la révision de l’article 195 de la Constitution (dont le principe, mais non les modalités, avait été adopté le 26 avril 2002), la fixation des dates pour les élections fédérales et régionales (certains songeant à regrouper les dates de scrutin, alors que la première élection « découplée » des Conseils de région et de communauté n’a pas encore eu lieu) et l’insertion dans la Constitution de l’expression « Des parlements de communauté et de région » en lieu et place, pour désigner les assemblées des entités fédérées, de l’expression « Des conseils de communauté et de région » [42].

80 Aux missions précitées, l’accord gouvernemental ajoute : « En outre, le Forum examinera et préparera par des projets de loi des solutions pour différentes questions en vue de contribuer à une plus grande cohérence structurelle de la répartition des compétences fédérales, régionales et/ou communautaires. Dans ce cadre, le Forum traitera entre autres de la sécurité routière et de l’octroi de licences en ce qui concerne le commerce des armes. Dans ce même cadre, on parlera aussi de la coopération au développement dans les limites fixées par la loi spéciale du 13 juillet 2001. »

81 Cet ajout est destiné à emporter l’adhésion des négociateurs flamands. Cependant, cette liste ne les satisfait guère car elle ne reprend pas clairement la question de ce qu’on appelle familièrement des ensembles de compétences homogènes, une de leurs revendications majeures, quoique l’évocation de projets de loi visant à une plus grande cohérence structurelle de la répartition des compétences ne s’en éloigne que d’une manière qui relève surtout de la sémantique. Par ailleurs, si l’accord n’évoque que trois matières dont le transfert aux régions doit être discuté, il les fait précéder d’un « entre autres » qui reflète la volonté des partenaires flamands de débattre d’autres transferts.

82 Nettement moins précis que l’accord gouvernemental de 1999, le texte de 2003 donne le sentiment que les négociateurs francophones ont marqué des points. En effet, ils ne s’engagent pas sur des sujets considérés par eux comme vitaux, et qui constituent une part essentielle des revendications flamandes en 2003, notamment la défédéralisation de la sécurité sociale et la scission de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde.

83 À l’exception de la réforme du Sénat, esquissée dans l’accord du 26 avril 2002, le texte de juillet 2003 ne comporte aucune piste de solution ni aucune option importante. Cette absence d’orientation concerne notamment la procédure de révision de la Constitution, visée par l’article 195 de la Constitution [43].

84 Le « renforcement de l’État fédéral » peut donc être compris dans les deux acceptions relevées ci-dessus.

2.1.2. Les autres questions institutionnelles

85 En dehors du Forum et du Comité de concertation, l’accord de gouvernement aborde les questions institutionnelles, sous un angle plus concret, dans trois autres chapitres.

86 Le premier chapitre, intitulé « Plus de démocratie citoyenne et participative », reprend des questions visées par la déclaration de révision de la Constitution, dont la régionalisation de l’organisation des consultations populaires communales et provinciales et des conseils de district : l’objectif est de parfaire ce qui aurait dû être fait lors de la mise en œuvre des accords du Lambermont en 2001, mais qui n’avait pas pu être réalisé faute de voir l’article 41 soumis à révision à cette époque [44].

87 Toujours sur le terrain institutionnel, l’accord de gouvernement s’intéresse encore à deux questions.

88 L’augmentation des moyens financiers octroyés à la Région bruxelloise au titre de capitale rencontre une demande émanant essentiellement des partis francophones. Plus précisément, le gouvernement envisage d’augmenter les moyens prévus par l’accord de coopération visant à financer les responsabilités de Bruxelles en tant que capitale, accord appelé de plus en plus souvent Beliris.

89 Le financement de la réalisation de travaux à Bruxelles avait déjà été augmenté une première fois en 1999, et plus tard dans le cadre de l’accord du Lombard [45].

90 L’accord prévoit enfin l’équilibre des finances publiques tel que requis par les dispositions européennes. À cet effet, il existe un accord de coopération [46] entre l’Autorité fédérale, les régions et les communautés qui fixe les objectifs en termes de déficit autorisé et donc la contribution des entités fédérées à l’assainissement des finances publiques. L’accord de gouvernement vise l’élaboration d’un nouvel accord de coopération pour le mois de septembre 2003, apparemment plus strict pour les entités fédérées, et cela sur la base des nouveaux chiffres du Bureau fédéral du Plan [47] et des recommandations figurant dans le rapport annuel du Conseil supérieur des finances. Plusieurs dossiers pouvant avoir une influence sur les finances des différentes entités fédérées sont liés à cet accord selon le texte même de celui-ci, à savoir d’abord les répercussions sur les finances des initiatives reprises dans la Déclaration de politique fédérale, ensuite les dossiers qui restent en suspens devant le Comité de concertation, ainsi que la répartition des efforts relatifs à l’accord de Kyoto et l’indication par les régions de leurs priorités en matière d’investissements ferroviaires.

91 Dans l’ensemble, si l’on constate que l’accord de gouvernement n’est pas très élaboré sur la question communautaire, les discussions semblent cependant avoir été vives. La presse évoque après coup le fait que les francophones ont élaboré et présenté une liste dite des « horreurs », à la suite des revendications institutionnelles des partis flamands [48]. Cette liste comprend une série de revendications francophones qui seraient mises sur la table lors d’une prochaine négociation communautaire si les revendications flamandes devaient porter sur des points inacceptables pour les francophones. On y retrouve l’assentiment à apporter à la convention-cadre du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales, la question du renvoi à l’assemblée générale du Conseil d’État lorsque les requérants résident dans une commune à statut spécial, la suppression de la circulaire Peeters restreignant les facilités administratives reconnues aux francophones dans les communes flamandes, le transfert vers le niveau fédéral de la compétence en matière de médecine préventive, etc. [49] Cet incident provoqua une tension lors de la négociation gouvernementale et la résolution des problèmes institutionnels fut reportée.

2.2. LA MISE EN ŒUVRE DE L’ACCORD FÉDÉRAL AU COURS DE LA PREMIÈRE ANNÉE DE LA LÉGISLATURE

92 Selon l’accord de gouvernement, trois matières doivent faire l’objet d’une discussion relative à leur régionalisation, intégrale ou partielle : la sécurité routière, dont des responsables politiques flamands (SP.A en particulier) souhaitent avoir la maîtrise pour mener une politique volontariste ; la coopération au développement, dossier enlisé dans les dernières années de la législature arc-en-ciel, et l’octroi de licences relatives à la circulation internationale des armes.

2.2.1. La régionalisation de l’octroi des licences d’exportation, d’importation et de transit d’armes

93 La question était redevenue particulièrement épineuse [50] à la suite de l’octroi par le vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères Louis Michel (MR) d’une licence d’exportation vers le Népal à la FN en 2002 [51]. L’accord gouvernemental renvoie la résolution de cette question au Forum, mais au cours de sa première réunion en juillet 2003, le Conseil des ministres décide de procéder immédiatement à la rédaction d’un projet de loi spéciale qu’il souhaite faire adopter avant les vacances parlementaires.

94 Sans accord sur un programme de réformes institutionnelles, le gouvernement aborde dès le début un sujet hautement sensible pour le monde politique. Bien que ne disposant pas de la majorité des deux tiers, il dépose un projet de loi spéciale qui trouve la majorité nécessaire, le CDH et Écolo s’abstenant [52].

95 En 1991, la solution du problème né de l’opposition flamande à certaines exportations d’armes fabriquées en Wallonie avait été trouvée en créant un système où les licences demandées par une entreprise wallonne ou bruxelloise francophone étaient octroyées par un ministre francophone, et les licences demandées par les entreprises néerlandophones, par un ministre néerlandophone.

96 La régionalisation de la compétence en matière d’octroi de licences revient en fait à céder aux entités fédérées une partie, marginale mais importante en termes d’enjeux intérieurs, de la politique étrangère de l’État fédéral.

97 Paradoxalement, la régionalisation de cette matière fut l’occasion de débats parlementaires où les représentants du CD&V, de la N-VA et du Vlaams Blok, tenants de la régionalisation la plus poussée, ont reproché aux Flamands de la majorité fédérale de ne plus pouvoir intervenir dans l’octroi des licences wallonnes, et de ce fait, de diminuer l’influence flamande sur la politique étrangère belge [53].

2.2.2. Le report du Forum

98 L’accord de gouvernement ne fixe aucune date relative à la création et au démarrage des travaux du Forum. Il apparaît rapidement que les partis francophones de la majorité fédérale ne sont pas désireux de précipiter les échéances, craignant que par-delà quelques thèmes supposés consensuels, les discussions tournent rapidement autour d’un cahier de revendications flamand comportant de nombreux points problématiques pour les francophones.

99 Début novembre 2003, Johan Vande Lanotte (SP.A), vice-Premier ministre chargé, comme son collègue Louis Michel (MR), des réformes institutionnelles au sein du gouvernement fédéral, annonce au Sénat [54] la rédaction, dans un délai d’un mois, d’un texte de base pour les travaux du futur Forum. Le Forum réunirait des représentants des différents gouvernements et des partis de la majorité fédérale, mais sa composition et l’échéancier de ses travaux doivent être précisés par le texte annoncé. Les thèmes de discussion évoqués devant le Sénat sont ceux de l’accord du renouveau politique du 26 avril 2002, auquel le vice-Premier SP.A ajoute la sécurité routière, dont il doit être possible de parler avant les élections de 2004 alors que, précise-t-il, les autres thèmes sont trop sensibles pour être traités en période préélectorale.

100 Il semble que ce texte de base n’ait jamais été transmis aux membres du gouvernement, voire jamais rédigé. En tout état de cause, la coalition fédérale, fin 2003-début 2004, est sujette à de vives tensions à propos de l’octroi du droit de vote aux étrangers non européens pour les élections communales, l’hypothèse se faisant même jour d’une chute du gouvernement sur ce projet farouchement critiqué par le VLD.

101 Début janvier 2004, il est entendu au sein de la majorité que le Forum institutionnel ne peut être créé qu’après les élections régionales, communautaires et européennes du 13 juin 2004, le risque étant trop important de crisper les débats et de diviser la coalition de manière dommageable pour tous ses membres si le Forum devait s’ouvrir en période préélectorale, propice aux surenchères. De même, la majorité « violette » décide de reporter la réforme des fins de carrière et le relèvement du taux d’activité des travailleurs de plus de 50 ans après les élections sociales de mai 2004.

102 Dans les semaines qui précèdent les élections du 13 juin, les déclarations des responsables politiques sont particulièrement contrastées entre le Nord et le Sud du pays : les leaders flamands exposent leurs ambitions en matière de transferts de compétences au profit des entités fédérées, tandis que les leaders francophones répètent leur hostilité à tout débat institutionnel qui dépècerait le niveau de pouvoir fédéral.

103 Le 25 mai 2004, un comité ministériel restreint (kern), élargi à titre exceptionnel aux présidents des quatre principaux partis de la coalition fédérale, se livre à un tour d’horizon de la situation politique, incluant le travail à entamer après les élections au sein du Forum. Aucune décision n’y est prise, le seul véritable point d’accord semblant résider dans la nécessité d’envisager un recouplage des dates de scrutin [55]. Cette réunion a aussi pour but de s’assurer, trois semaines avant les élections régionales, de la volonté de chacun de préserver le gouvernement fédéral des négociations des gouvernements régionaux. Sans doute destinée à rassurer l’opinion flamande quant au fait que des négociations institutionnelles démarreront après les élections, la réunion confirme de plus le faible niveau de préparation et d’accord au sein de la coalition en ces matières.

2.3. LE RETOUR DE LA PROBLÉMATIQUE DE BRUXELLES-HAL-VILVORDE

104 La revendication flamande de scission de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde revient en force dans la perspective des élections européennes du 13 juin 2004.

2.3.1. Les propositions de loi visant à scinder la circonscription électorale

105 Dès l’ouverture de la législature fédérale 2003-2007, le député N-VA Geert Bourgeois dépose une proposition de loi [56] visant à scinder la circonscription pour toutes les élections, mais en répartissant préalablement les sièges entre néerlandophones et francophones pour ce qui concerne la Chambre. Il propose une scission en deux circonscriptions englobant chacune Bruxelles, soit le Brabant flamand (Bruxelles – Hal-Vilvorde – Louvain) et le Brabant wallon (Bruxelles – Nivelles).

106 En ce qui concerne Bruxelles, les électeurs pourraient choisir une liste francophone ou une liste flamande, les candidats bruxellois devant se présenter sur des listes unilingues. Le « chiffre de population » à prendre en compte pour déterminer le nombre de sièges entre les deux groupes découle de la proportion fixée pour la répartition des sièges au Parlement bruxellois lors de l’accord du Lombard (17 N et 72 F sur 89 membres, c’est-à-dire environ 19 % des sièges pour les Flamands de Bruxelles).

107 Dans son avis, le Conseil d’État estime la proposition de loi contraire à l’article 63 de la Constitution parce qu’un même territoire ne peut appartenir à deux circonscriptions, et également en raison de la proposition relative au nombre de sièges : cette proposition viole le principe d’égalité, chaque siège ne représentant plus un même nombre d’habitants [57].

108 Pour les francophones, cette proposition est inacceptable car elle retire les droits électoraux aux francophones de l’arrondissement de Hal-Vilvorde, crée des sous-nationa-lités à Bruxelles et ne permet plus l’élection de candidats francophones dans le Brabant flamand ; il est interdit de présenter des candidats francophones dans les communes de Hal-Vilvorde, même dans les communes à facilités.

109 Une autre proposition de loi est déposée à la Chambre le 24 octobre 2003 par Hans Bonte (SP.A), Willy Cortois (VLD), Herman Van Rompuy (CD&V) et consorts [58]. Les trois signataires cités sont domiciliés et élus dans l’arrondissement de Hal-Vilvorde et leur proposition fait l’objet d’une approbation des bourgmestres flamands de Hal-Vil-vorde. Elle est d’ailleurs connue sous l’appellation de proposition de loi « des bourgmestres flamands » La proposition suggère la scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde en deux circonscriptions, celle du Brabant flamand et celle de Bruxelles. L’apparentement serait instauré entre Bruxelles et le Brabant flamand ou le Brabant wallon. En cas d’apparentement, la double candidature serait autorisée pour les listes bruxelloises. Le système permet de présenter dans la circonscription de Bruxelles les mêmes candidats flamands que dans celle du Brabant flamand. L’apparentement lié à une déclaration d’appartenance linguistique des candidats à Bruxelles doit permettre aux partis néerlandophones d’obtenir un ou plusieurs sièges à Bruxelles [59].

110 L’avis du Conseil d’État se réfère à l’arrêt de la Cour d’arbitrage 73/2003 [60]. La scission de la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde serait acceptable si on maintenait un découpage « provincial » des circonscriptions électorales. Mais le Conseil d’État relève que la proposition crée une discrimination importante en permettant aux listes qui se présentent dans deux circonscriptions de récolter des voix sur deux territoires différents. De plus, les candidats figurant sur une liste bruxelloise qui voudraient recourir à l’apparentement avec une liste présentée dans le Brabant flamand devraient faire préalablement une déclaration d’expression linguistique flamande : il y a donc une discrimination dans le chef des francophones. En fait, si une liste bruxelloise désirait bénéficier de cet apparentement avec le Brabant flamand, il faudrait se déclarer flamand à Bruxelles et renoncer à l’apparentement avec une liste du Brabant wallon [61].

2.3.2. La nouvelle fronde des bourgmestres et la formation d’un front flamand

111 À l’approche des élections régionales, communautaires et européennes du 13 juin 2004, le dossier de la scission de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde revient en force dans le débat politique, au point de finir par dominer la campagne électorale. Nous ne donnerons ici qu’un aperçu de ce mouvement de grande ampleur.

112 Le 10 décembre 2003, une résolution du Parlement flamand, adoptée à l’unanimité moins une voix, celle du membre francophone Christian Van Eyken (UF), appelle à la scission de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde et de l’arrondissement judiciaire de Bruxelles [62], scission à réaliser avant les élections européennes de juin 2004. Cette résolution « soutenant le plan d’action des États généraux des bourgmestres et échevins flamands de l’arrondissement administratif de Hal-Vilvorde » découle des travaux de ces « États généraux » au cours desquels plusieurs bourgmestres ont menacé de ne pas collaborer à l’organisation du scrutin du 13 juin 2004 (en pratique, à le boycotter) si la scission n’était pas obtenue avant cette échéance. Si la résolution en appelle au passé, et notamment à l’accord du gouvernement flamand de juillet 1999 qui exigeait d’obtenir la double scission avant fin 2001, elle est aussi motivée par le fait que l’élection européenne intègre la zone de Bruxelles-Hal-Vilvorde dans la circonscription unique où concourent les listes de candidats qui se présentent devant le collège électoral français.

113 En janvier 2004,25 bourgmestres de Hal-Vilvorde (sur les 35 communes que compte l’arrondissement) se disent décidés à boycotter l’organisation du scrutin européen si la scission n’est pas intervenue pour le 1er avril 2004 [63]. La conférence des bourgmestres de Hal-Vilvorde, qui donne le la dans cette fronde, a pour porte-parole le bourgmestre VLD de Lennik, Willy De Waele, et parmi ses fers de lance le bourgmestre SP.A de Kapelle-op-den-Bos et ancien ministre régional de l’Intérieur, Leo Peeters : les principaux partis flamands du gouvernement fédéral sont ainsi impliqués dans le mouvement par le biais de leurs édiles locaux. On remarque également que le bourgmestre CD&V de Vilvorde, l’ancien Premier ministre Jean-Luc Dehaene, appelle lui aussi au boycott du scrutin : les trois partis traditionnels flamands convergent sur une revendication partagée par les partis séparatistes [64].

114 L’argumentation juridique sur laquelle ils se basent est l’arrêt de la Cour d’arbitrage de mai 2003 qui annule le système particulier mis en place dans le Brabant flamand pour les élections à la Chambre. Cet arrêt fait également référence à un arrêt de 1994 qui reconnaît la légitimité d’un système électoral particulier à Bruxelles-Hal-Vilvorde, au nom des équilibres linguistiques et de la protection des minorités [65]. Mais la Cour ajoute une formule qui retient l’attention des bourgmestres flamands : « Les conditions de cet équilibre ne sont pas immuables ». L’arrêt précise en outre que le système actuel d’une circonscription bilingue de Bruxelles-Hal-Vilvorde doit pouvoir être maintenu pendant quatre ans, soit jusqu’aux élections législatives de 2007. La Cour d’arbitrage donnait plutôt raison à la thèse des bourgmestres flamands sur le fait que quelque chose doit être fait, mais leur donne tort quant au calendrier. Rappelons que l’arrêt ne concerne pas les élections pour le Parlement européen mais uniquement celles de la Chambre.

115 Pour se donner une chance de voir la scission de la circonscription électorale aboutir avant le scrutin de 2004, Geert Bourgeois, président de la N-VA, dépose à la Chambre un amendement au projet de loi organisant les élections européennes [66]. Malgré le front flamand affiché sous les multiples formes déjà signalées, l’amendement est rejeté le 22 janvier 2004. Au sein de la majorité fédérale, une partie des députés VLD et SP.A vote contre l’amendement, privilégiant la stabilité gouvernementale fédérale, mais un député SP.A, les six députés Spirit et sept députés VLD s’abstiennent, d’où le titre choisi par De Standaard pour rendre compte de l’événement : « SP.A – Spirit en VLD spreken met dubbele tong[67]. » Tous les partis flamands de la majorité fédérale déclarent alors que la scission figurera à l’ordre du jour du Forum institutionnel qui s’ouvrira après les élections, et font la promesse solennelle, réitérée à de multiples reprises tout au long de la campagne électorale, qu’ils obtiendront gain de cause. VLD, SP.A et Spirit se lient ainsi les mains en s’engageant à la fois sur un objectif et sur un calendrier, alors même que les partis francophones du gouvernement fédéral rappellent que l’accord de gouvernement ne prévoit pas de discuter d’un tel sujet.

116 De nombreuses déclarations en faveur de la scission émailleront toute la période préélectorale, parmi lesquelles on retiendra l’affirmation réitérée, de la part du ministre flamand de l’Intérieur, Paul Van Grembergen (Spirit), qu’il ne sanctionnera aucun bourgmestre flamand qui boycotterait l’organisation des élections européennes pour protester contre le maintien de la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde [68].

117 La pression des bourgmestres rebelles de la périphérie, ainsi que de diverses organisations flamandes et des partis flamands situés dans l’opposition au niveau fédéral, ne fera que croître à l’approche du scrutin, au point que l’éventualité du boycott de l’élection européenne par certaines communes [69] sera prise au sérieux par le ministre fédéral de l’Intérieur, le VLD Patrick Dewael, qui annonce dès février 2004 que les bourgmestres qui se soustrairaient à leurs obligations seraient passibles de sanctions, le ministre se déclarant prêt à assumer ses responsabilités. D’autres mises en garde contre les risques encourus par d’éventuels récalcitrants, ainsi qu’une plainte déposée au pénal [70] le 15 avril 2004 par Éric Libert, échevin FDF de Rhode-Saint-Genèse, ont sans doute contribué à faire rentrer les bourgmestres dans le rang, le scrutin européen étant finalement organisé sans problème majeur. Mais à la veille des élections, tous les partis flamands auront pris l’engagement solennel d’obtenir la scission de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde à bref délai [71], et en tout cas bien avant les élections fédérales de 2007, conformément à ce que prescrit, selon la lecture qu’ils en font, l’arrêt de la Cour d’arbitrage du 26 mai 2003.

3. LES ACCORDS RÉGIONAUX ET COMMUNAUTAIRES DE 2004

118 Ces accords des gouvernements régionaux et communautaires formés à la suite des élections du 13 juin 2004 sont examinés uniquement sous l’angle des problèmes communautaires. De ce point de vue, ni l’accord de gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale [72], ni celui de la Communauté française [73], ne contiennent des revendications pouvant avoir un impact sur le niveau fédéral.

3.1. LES ACCORDS FRANCOPHONES

119 Après avoir déclaré que la Wallonie serait un « acteur loyal » et favoriserait le développement de contacts étroits avec les autres régions, les communautés et l’État fédéral, le gouvernement wallon [74] précise qu’il « ne sera demandeur d’aucune réforme institutionnelle additionnelle. Il sera fermé à toute velléité de régionalisation des compétences qui remettrait en cause les mécanismes de solidarité interpersonnelle ou interrégionale, qui porterait alors atteinte à l’existence même de l’État belge. » Il insiste sur le fait que la santé publique et la sécurité sociale relèvent essentiellement de la compétence du pouvoir fédéral.

120 La seule allusion faite aux questions institutionnelles dans l’accord du collège de la Cocof concerne la requête que la Commission adresse au gouvernement fédéral pour qu’il fasse ratifier dans les plus brefs délais la convention-cadre pour la protection des minorités nationales.

3.2. L’ACCORD FLAMAND

121 Contrairement aux autres entités fédérées, la Communauté flamande, dirigée par une coalition comprenant le cartel CD&V – N-VA, la VLD et le cartel SP.A–Spirit présente une synthèse mise à jour de ses requêtes antérieures [75]. Cet accord débute par les revendications d’ordre général dûment actualisées, pour ensuite détailler celles qui sont relatives à Bruxelles et conclure sur celles qui traitent de la périphérie bruxelloise et des communes à facilités.

« Meer Vlaanderen »

122 L’accord du gouvernement flamand complète les résolutions du Parlement flamand sur différents points. Cela signifie concrètement que, d’une part, le nouveau gouvernement flamand demande une modification de la répartition des compétences entre le niveau fédéral et l’entité flamande, dans le but de renforcer « la force de gestion » de ses institutions, et, d’autre part, que la liste de ses revendications s’est affinée. Elle est étoffée par l’adjonction de nouvelles revendications, mais elle est en retrait sur les résolutions du 3 mars 1999 sur différents points qui ont dû paraître politiquement ou techniquement inaccessibles (la régionalisation de l’IPP, par exemple, ne figure pas dans l’accord alors qu’elle était revendiquée en 1999).

Principes généraux repris dans l’accord du gouvernement flamand

123 L’accord demande plus de compétences pour la Flandre par la voie de transferts vers la Communauté ou, surtout, vers la Région flamande :

  • plus d’autonomie en matière fiscale et financière : la totalité des compétences en matière d’impôts régionaux, y compris leur prélèvement, est visée ;
  • la compétence exclusive pour le secteur des soins de santé et de la famille (ce qui recouvre notamment deux branches de la sécurité sociale), la coopération au développement (qui n’était censé être que partiellement transférée aux régions et aux communautés selon l’accord du Lambermont), les télécommunications, les sciences et les technologies ;
  • une autonomie constitutionnelle complète quant à l’organisation des institutions régionales et communautaires ;
  • les transports et la mobilité : il s’agit du transfert de l’infrastructure des chemins de fer, de l’exploitation du rail et d’une présence renforcée des régions dans les organes de gestion au sein de la SNCB ;
  • les problèmes de circulation : les régions devraient pouvoir introduire de nouvelles réglementations en matière de circulation routière et de police ;
  • la réglementation complète relative à la navigation intérieure doit être également transférée aux régions.
Selon le document, ces diverses avancées institutionnelles doivent s’effectuer compte tenu d’« une solidarité objective et attentive » avec les autres entités fédérées.

L’établissement d’ensemble de compétences homogènes

124 Une des principales revendications est de réaliser des ensembles de compétences plus homogènes – c’est-à-dire, faut-il comprendre, des compétences (quasi) exclusives des régions et des communautés – dans les secteurs énumérés ci-après :

  • la gestion de l’emploi :
    • de plus grandes possibilités pour utiliser les allocations de chômage comme instrument actif du marché du travail, entre autres par l’utilisation des allocations de chômage pour des projets d’expérience de travail, ainsi que par la conclusion d’accords de coopération avec le fédéral ;
    • la conclusion d’accords sociaux flamands pour les compétences flamandes et la ratification commune des accords sociaux concernant les compétences flamandes et fédérales ;
    • le contrôle et la surveillance du travail intérimaire ;
    • le transfert du congé payé d’éducation, l’apprentissage industriel et la formation en entreprise ;
  • l’économie :
    • le transfert des compétences du comité socio-économique de la distribution et le transfert de la Commission nationale pour la distribution ;
    • le transfert de tous les instruments de développement en faveur des entreprises et des indépendants ;
  • la gestion de l’énergie :
    • une réglementation propre dans les domaines de l’énergie qui ont déjà été régionalisés ;
    • le transfert du droit de décision concernant la fixation des tarifs et des conditions de connexion pour les matières qui appartiennent aux compétences des entités fédérées : la distribution, l’utilisation rationnelle de l’énergie, la production décentralisée. Le Comité de contrôle pour l’électricité et le gaz doit être transformé en un organe indépendant composé de deux chambres ;
  • les statistiques : l’organisation et la gestion de statistiques pour la Flandre ;
  • la police, la justice, la fonction publique et l’administration :
    • des compétences supplémentaires en matière d’organisation, de fonctionnement et de gestion de la police et de la justice ;
    • la répartition des revenus d’une éventuelle taxe sur l’énergie imposée dans le contexte européen ;
    • l’autonomie concernant l’organisation et le statut du personnel des entités fédérées, où une réforme de l’arrêté relatif aux principes généraux de la fonction publique semble nécessaire [76] ;
    • le droit et les instruments d’expropriation liés aux compétences régionales et communautaires ;
    • une Inspection des finances flamande ;
    • le déblocage du transfert de biens de l’Autorité fédérale vers les communautés et les régions ;
    • une Cour des comptes liée au Parlement flamand ;
    • le transfert de la conception et du contrôle de la comptabilité publique.

De nouvelles compétences ponctuelles

125 Pour accentuer la cohérence des compétences, le gouvernement flamand demande en outre le transfert de nouvelles matières, dont :

  • le transfert de la justice des mineurs d’âge ;
  • la scission du Fonds d’équipement et de services collectifs (FESC) ;
  • la sécurité routière, y compris la réglementation routière et les amendes ;
  • le fonds des calamités et l’assurance des calamités ;
  • l’organisation et la gestion concernant la protection civile, les pompiers et l’organisation des CPAS ;
  • l’inspection des langues et l’inspection pédagogique des écoles dans les communes à facilités ;
  • la gestion de l’implantation des grandes surfaces ;
  • le cadastre.
Cette énumération ressemble étrangement à une shopping list institutionnelle dans laquelle un certain nombre de desiderata sont précisés dans des matières très ponctuelles. La plupart des matières dont le transfert est exigé vers « la Flandre » sont proches des compétences des régions, et non des communautés : dans cette partie de l’accord de gouvernement, « plus de Flandre » équivaut à un renforcement de la Région flamande et donc, parallèlement, des deux autres régions. Mais la partie consacrée à Bruxelles montre que les cinq partis de la coalition flamande veulent aussi renforcer l’influence flamande à Bruxelles : « plus de Flandre » signifie là, entre autres, un renforcement de la Communauté flamande à Bruxelles.

Les revendications relatives à Bruxelles

126 Malgré les avancées obtenues lors des négociations du Lombard, le gouvernement flamand persiste à vouloir obtenir une représentation garantie ainsi qu’une participation effective et équilibrée des deux groupes linguistiques à tous les niveaux de décision, ce qui semble viser surtout le niveau communal, puisque la représentation garantie au Parlement régional a été obtenue en 2001. Pour l’administration publique, l’option retenue est celle d’avoir des fonctionnaires bilingues plutôt que le bilinguisme des services.

127 Les partis de la majorité gouvernementale insistent également sur la nécessaire scission de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde et de l’arrondissement judiciaire bilingue de Bruxelles, qui couvre le même territoire que la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Le gouvernement s’engage à tout mettre en œuvre au niveau fédéral pour que cette scission intervienne « sans délai [77] » par l’adoption d’une proposition de loi commune aux partis de la coalition flamande. Au début de l’année parlementaire, une nouvelle proposition de loi pour la scission de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde pour les élections à la Chambre, au Sénat et au Parlement européen sera effectivement introduite, le texte étant déposé dès le 13 octobre 2004 [78].

128 Sous le titre « Brussel is en blijft de hoofdstad van Vlaanderen », le document confirme que la Flandre et Bruxelles sont liées sur les plans économique, culturel et du bien-être et réaffirme le caractère bilingue de la capitale.

129 Pour le gouvernement flamand, les Bruxellois flamands font partie intégrante de la Communauté flamande. Cela signifie que la Flandre doit exercer totalement ses compétences dans la capitale et veiller à ce que « la gestion flamande ne s’arrête pas aux frontières de la Région flamande, mais s’applique également à Bruxelles ».

130 Le texte énumère ensuite diverses propositions visant à mieux assurer la présence flamande à Bruxelles, notamment par :

  • le contrôle de chaque décret et règlement flamand pour vérifier leur applicabilité à Bruxelles ;
  • le développement de l’offre de services afin de renforcer la présence flamande dans la capitale via la quantité et la qualité des institutions flamandes ;
  • la reconnaissance de la « Vlaamse Gemeenschapscommissie » comme partenaire politique prioritaire dans le renforcement de la politique flamande à Bruxelles ;
  • le développement d’une politique de promotion des langues et l’établissement d’un inventaire des plaintes existantes en matière de législation sur l’emploi des langues ;
  • la construction d’un réseau qui lie la Flandre à sa capitale au niveau socio-économique. Ce dernier doit être réalisé en liaison avec la Région de Bruxelles-
    Capitale dans les domaines de l’environnement, de la circulation, des transports en commun, de la formation à l’emploi et de la mise au travail.
Dans d’autres domaines, diverses politiques sont esquissées :
  • la réalisation d’un plan stratégique pour augmenter l’offre flamande de l’aide aux personnes et de soins de santé, en particulier pour les soins à domicile et les soins aux personnes âgées, ce qui comprend l’étude de faisabilité d’un deuxième hôpital flamand à Bruxelles ;
  • l’ajout d’un chapitre sur Bruxelles dans le décret flamand sur la politique sociale ;
  • la réalisation d’une politique cohérente dans le cadre de l’enseignement néerlandophone à Bruxelles. Des mesures doivent être prises pour signaler aux parents qu’il est important que leurs enfants parlent le néerlandais en dehors de l’école et en dehors des heures de cours ;
  • l’élargissement de l’offre flamande en matière de formation à l’emploi à Bruxelles et le développement de formations en ce qui concerne les langues ;
  • la promotion de l’organe culturel « Vlaams-Nederlands Huis » à Bruxelles, et celle des centres communautaires dans le but de faire connaître l’offre culturelle flamande.

La périphérie bruxelloise et les communes à facilités

131 Pour renforcer sa présence dans la périphérie flamande de Bruxelles et dans les communes à facilités, le gouvernement flamand a décidé que les compétences concernant la politique dans la périphérie seraient attribuées à un ministre bien déterminé qui devait les gérer en collaboration avec les ministres compétents pour le développement de la qualité de vie, le logement, le bien-être, l’enseignement, la culture, la nature et l’environnement. À cette fin, diverses initiatives doivent être prises :

  • la législation dans tous les domaines doit être établie en tenant compte de ses effets sur les communes de la périphérie ; l’asbl De Rand devait désormais être l’instrument le plus important dans la mise en œuvre de cette politique ;
  • les communes à facilités doivent adhérer à la politique de la Communauté flamande ;
  • une politique d’accueil et de communication pour les personnes qui parlent une autre langue doit être mise en œuvre. Dans les écoles néerlandophones de la périphérie, un soutien et une formation complémentaires doivent être apportés aux enfants parlant une autre langue ;
  • une solution devrait être trouvée pour le 1er janvier 2006 en ce qui concerne la problématique de la pédagogie et de l’inspection des langues dans l’enseignement francophone des communes à facilités ;
  • les efforts en matière de logement et d’affectation du sol seront renforcés afin de contrer l’augmentation de la francisation.

3.3. LA SITUATION POLITIQUE DU CÔTÉ FLAMAND

132 La liste des revendications institutionnelles flamandes, qui introduit de nouvelles demandes à côté des revendications traditionnelles, dessine le visage d’une Flandre disposant, surtout dans les domaines économiques et liés au territoire, de leviers qui en feraient un quasi-État – même si plusieurs fonctions régaliennes de l’État et plusieurs branches de la sécurité sociale ne sont pas concernées par les transferts envisagés. Si l’on doit souligner que la nature fédérale de l’État belge n’est pas remise en cause par l’accord du gouvernement flamand, il reste que l’objectif ultime des partis de la majorité flamande semble être le confédéralisme, notion d’autant plus rassembleuse qu’elle demeure assez floue. Deux des partis de la coalition, le CD&V et le VLD, sont traversés par de fortes tendances confédéralistes ; la N-VA et Spirit sont séparatistes comme l’était la Volksunie ; le SP.A, allié à Spirit au plan électoral, n’est ni séparatiste ni confédéraliste, mais certains de ses ténors mettent un soin particulier à doter la Flandre d’instruments lui donnant un maximum d’autonomie dans le cadre belge. Quant aux partis d’opposition, le seul à être modéré au plan institutionnel, à savoir Groen !, pèse d’un poids extrêmement réduit au regard du Vlaams Belang, qui a atteint à lui seul un score proche de celui du cartel CD&V – N-VA aux élections régionales, et qui revendique l’éclatement de la Belgique et l’absorption de Bruxelles par la Flandre.

133 Au lendemain des élections législatives de 1999, une même coalition arc-en-ciel avait été constituée au niveau fédéral et au gouvernement flamand : les partis de la majorité flamande espéraient alors que cette symétrie politique favoriserait une véritable percée institutionnelle. Les résultats ont été nettement plus modestes qu’ils ne l’espéraient : les réformes de 2001, qui parachevaient pour l’essentiel des évolutions déjà amorcées, ont été perçues comme une demi-victoire flamande voire comme une défaite, symbolisée par le fait qu’à l’exception du FN tous les partis francophones ont participé à l’adoption des lois spéciales (dans le chef du PSC, en recourant à l’abstention lors des votes), alors qu’elles étaient refusées du côté flamand par deux partis importants, le CVP et le Vlaams Blok, et par une partie de la VU, ce bilan mitigé provoquant l’éclatement de la Volksunie fin 2001.

134 Au lendemain des élections du 13 juin 2004, le front flamand en faveur de réformes institutionnelles connaît une situation plus complexe. Trois partis de la majorité flamande, le VLD, le SP.A et Spirit, sont présents au gouvernement fédéral, et sont dès lors supposé relayer à ce niveau les engagements qu’ils prennent au sein du gouvernement flamand – mais en devant compter avec leurs partenaires francophones du gouvernement fédéral, ce qui peut les rendre suspects de manque de courage politique aux yeux de leurs partenaires au sein de la coalition flamande. Quant à ceux-ci, le CD&V et son allié électoral la N-VA, ils restent dans l’opposition au niveau fédéral, et disposent dès lors de deux moyens de pression potentiels : le fait qu’ils ont les mains libres au plan fédéral, et le fait qu’ils peuvent exiger de leurs partenaires régionaux la plus grande loyauté dans l’exécution de leur accord de gouvernement. Mais, du fait même de cette asymétrie, chaque pression exercée par le CD&V et la N-VA et qui mettrait le VLD et le SP.A en difficulté au niveau fédéral pourra être interprétée comme une tentative de passer en force au plan institutionnel sans craindre de provoquer, le cas échéant, la chute de la coalition fédérale, dont le CD&V pourrait essayer de tirer profit pour faire son retour à ce niveau de pouvoir. La méfiance peut donc être permanente au sein du front flamand constitué au lendemain des élections de 2004, ce dont témoigne le fait que l’accord de gouvernement prend soin de lier les partenaires par un engagement précis sur Bruxelles-Hal-Vilvorde, à savoir l’adoption de propositions de loi scindant la circonscription électorale et l’arrondissement judiciaire.

4. LES TENSIONS COMMUNAUTAIRES AU LENDEMAIN DES ÉLECTIONS DU 13 JUIN 2004

135 À la veille des élections, les tensions communautaires sont au plus haut, aiguillonnées par le report du Forum institutionnel, qui soulageait surtout les partis francophones, et l’interminable polémique autour de Bruxelles-Hal-Vilvorde, qui avait opposé les francophones aux Flamands mais aussi, du côté flamand, les partis de la majorité fédérale au CD&V, à la N-VA et au VB, pour qui le VLD, le SP.A et Spirit avaient trahi la cause flamande en refusant d’essayer d’obtenir la scission avant le scrutin. L’ouverture du Forum, et de manière plus large l’apaisement des tensions linguistiques et communautaires, font dès lors figure de priorités à la rentrée, ces deux objectifs pouvant néanmoins s’avérer contradictoires : nul ne peut alors prévoir comment le Premier ministre, resté discret jusque-là, abordera ces questions.

4.1. L’ACCROISSEMENT DE LA TENSION AVANT ET APRÈS LES ÉLECTIONS

136 Les perspectives sont d’autant plus incertaines à la rentrée politique qu’il existe deux motifs particuliers de tension, l’un autour des négociations institutionnelles proprement dites, l’autre autour de Bruxelles-Hal-Vilvorde.

137 Comme d’ordinaire en période de campagne électorale, les responsables politiques flamands ont fait de multiples déclarations sur leurs ambitions en matière institutionnelle, qui pouvaient se lire comme l’annonce des thèmes dont ils souhaitaient discuter dans le cadre du Forum. Certaines de ces déclarations ont marqué les esprits, en ce qu’elles allaient bien au-delà de la longue liste de revendications déjà dressée par les résolutions du 3 mars 1999 et par le programme du gouvernement flamand de juillet 1999. Parmi elles, on retiendra l’exigence formulée par le ministre flamand du Travail et du Tourisme, Renaat Landuyt (SP.A), de voir la police et la justice partiellement régionalisées, la presse du 18 mai 2004 titrant ainsi « SP.A wil Vlaams minister van Justitie » (De Morgen), ou, faisant écho à la présentation d’un livre signé par Renaat Landuyt, « Il wil Vlaams minister van Justitie worden » (De Standaard).

138 Ce thème avait déjà été avancé par diverses personnalités, aussi bien Renaat Landuyt lui-même que l’ancien ministre CVP de la Justice Tony Van Parys, et il ne fut pas le seul à alimenter la campagne électorale du côté flamand. Des déclarations de même nature ont également suivi les élections, comme si les responsables politiques flamands voulaient faire sentir l’urgence à ouvrir les négociations, sans les borner forcément à la liste de revendications présentes dans l’accord du gouvernement flamand : on relèvera ainsi la déclaration de Frank Vandenbroucke, alors ministre fédéral de l’Emploi (SP.A), en faveur de la régionalisation des allocations de chômage [79]. L’ensemble des revendications avancées, du fait même qu’il était disparate, a donné l’impression à certains responsables francophones que les travaux du Forum risquaient de prendre une tournure maximaliste et, à leurs yeux, susceptibles de conduire à l’implosion de la structure fédérale de l’État [80] voire au séparatisme, d’autant que la nouvelle majorité flamande associait, en juillet 2004, le CD&V et la N-VA [81] au VLD, au SP.A et à Spirit, tandis que le Vlaams Blok sortait une nouvelle fois renforcé du scrutin.

139 Ce sont dès lors, après les élections, des responsables francophones qui ont créé la surprise et ajouté un regain de tension en faisant des déclarations surprenantes, dont trois méritent d’être retenues :

  • la déclaration d’Elio Di Rupo, président du PS, lors du congrès de participation de son parti (14 juillet 2004), selon laquelle, si les Flamands décidaient de se passer des francophones, ces derniers devraient en tirer toutes les conséquences : « Il faudrait bien que nous prenions entre nous, Bruxellois et Wallons, notre destin plus complètement en main, avec l’ensemble des attributions d’une nation » ;
  • la déclaration de Charles Picqué (PS), nouveau ministre-président de la Région de Bruxelles-Capitale, selon laquelle la Belgique passerait à une structure confédérale si les francophones acceptaient tout ce que la Flandre revendique, de sorte que les Bruxellois et les Wallons devraient rapprocher leurs destinées après avoir pris acte de leur indépendance forcée : « Si nous sommes dans le scénario de rupture d’une Flandre qui veut prendre le large, il faut espérer que les Flamands ne nous empêcheraient pas, en plus, de trouver des formes de coopération privilégiées avec la Région wallonne ! » [82] ;
  • la déclaration de Jean-Claude Van Cauwenberghe (PS), reconduit dans ses fonctions de ministre-président de la Région wallonne, selon laquelle, si la Flandre veut son indépendance, il faudra éviter qu’il existe une « coupure entre Bruxelles et la Wallonie », ce qui suppose que l’on crée, au préalable, une « continuité territoriale entre elles », par exemple en rattachant la commune de Rhode-Saint-Genèse à la Région wallonne ou à la Région bruxelloise de sorte que Bruxelles ne soit plus enclavée en Flandre [83].
  • Ces déclarations n’émanent que d’un seul parti francophone, le PS, et traduisent une réelle diversité interne, les degrés de fusion ou au contraire d’autonomie respective de Bruxelles et de la Wallonie variant de l’une à l’autre. Elles montrent néanmoins que des francophones s’attendent au pire, et semblent menacer les Flamands, s’ils défendaient des thèses trop extrêmes, de négocier sans tabou, au risque de devoir conclure à l’impossibilité de maintenir l’unité du pays, et en les menaçant de perdre Bruxelles dans l’aventure, la région-capitale ayant vocation, dans toutes ces déclarations, à être indépendante de la Flandre et à entretenir un lien tout à fait privilégié avec la Wallonie.

140 Une autre tension, sur Bruxelles-Hal-Vilvorde cette fois, est née des déclarations préélectorales des partis flamands. Le jour même où les bourgmestres des partis flamands de la majorité fédérale annoncent qu’ils ne boycotteront pas le scrutin européen du 13 juin 2004, les présidents des trois partis concernés (Dirk Sterckx, VLD ; Steve Stevaert, SP.A ; Els Van Weert, Spirit) signent un communiqué dans lequel ils confirment que les partis flamands sont décidés, s’il le faut, à voter unilatéralement les propositions de loi de scission déjà introduites en ce sens [84]. Ce scénario – utiliser la majorité numérique flamande au Parlement pour adopter des lois ordinaires sans l’appui d’aucune voix francophone – est arithmétiquement tenable, mais constituerait aux yeux des francophones un coup de force inacceptable qui conduirait quasi inévitablement à la chute du gouvernement fédéral, même si les francophones y réagiraient sans doute en un premier temps en recourant au mécanisme dit de la sonnette d’alarme.

141 Ce mécanisme de protection de la minorité au niveau fédéral est institué par la Constitution [85]. Il permet à un groupe linguistique du Parlement de bloquer le vote d’un projet qui lèserait gravement ses intérêts, et ce en renvoyant la question au gouvernement fédéral, qui est paritaire au plan linguistique. Sur un point aussi sensible que Bruxelles-Hal-Vilvorde, la tension créée de part et d’autre – de la part des Flamands, vouloir passer en force au Parlement ; de la part des francophones, suspendre le processus législatif et forcer les Flamands à constater le désaccord au sein de l’exécutif fédéral – risquerait fort de conduire à la chute du gouvernement [86].

142 En outre, l’ambition affichée par le gouvernement flamand d’obtenir « sans délai » le vote d’une loi de scission jette une suspicion, du point de vue francophone, sur la stratégie des partis flamands de la coalition fédérale. Ils avaient annoncé, avant les élections, vouloir discuter de ce sujet au Forum, ce qui permettait d’imaginer qu’une scission éventuelle s’accompagnerait de compensations et de garanties pour les francophones. L’adoption unilatérale d’une loi de scission ne laisse au contraire aucune place pour des compensations, voire pour des garanties. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, pendant les négociations pour la formation du gouvernement flamand, le VLD et le SP.A ont refusé la proposition du président de la N-VA, Geert Bourgeois, de voter la scission au plus vite, scénario qui conduirait à la chute du gouvernement fédéral : VLD et SP.A ont demandé que la question soit reportée à octobre et traitée dans le cadre du Forum [87]. Il reste que, à la rentrée politique, aucun parti flamand ne reconnaît ouvertement la nécessité d’envisager des compensations et des garanties pour les francophones, tous déclarant vouloir appliquer l’arrêt de la Cour d’arbitrage, sans plus.

4.2. LES INITIATIVES DE GUY VERHOFSTADT (AOÛT-SEPTEMBRE 2004)

143 Dès la fin du mois d’août [88], des pistes de solution sont proposées par le Premier ministre, dans une note qui ne fut jamais officialisée. Il propose de « bétonner » les facilités linguistiques reconnues aux habitants de certaines communes via une loi à majorité spéciale [89] destinée à limiter les effets des circulaires Peeters, Van den Brande et Martens, qui restreignent le bénéfice des facilités linguistiques en imposant aux administrés concernés d’introduire à chaque fois une demande spécifique pour obtenir une version française d’un document officiel délivré dans une commune à facilités de la région de langue néerlandaise. Le Premier ministre veut également préciser la notion de minorité linguistique comme le requiert la procédure d’assentiment à la conventioncadre du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales, ce qui devrait permettre d’appliquer cette convention en Belgique, et plus particulièrement dans les communes de la périphérie.

144 Pour ce qui concerne la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde, il propose un système de représentation garantie, d’une part pour les partis francophones dans la circonscription électorale du Brabant flamand, et d’autre part pour les partis néerlandophones au sein de la circonscription électorale formée par les 19 communes de Bruxelles, ce qui suppose la scission de la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Enfin, il souhaite concrétiser la réforme du Sénat figurant dans l’accord du renouveau politique.

145 Le fait que le Premier ministre ait vraiment rédigé une note limitée à ces points est rapidement mis en doute par l’ensemble des partis du gouvernement fédéral tant francophones que néerlandophones, qui jugent inacceptables les idées du Premier ministre. Les francophones, en particulier, repoussent l’idée de devoir « bétonner » des facilités linguistiques que la loi organise déjà sans limite dans le temps, et dont les propositions du Premier ministre restreignent la portée en les limitant dans le temps pour les nouveaux arrivants. Ils refusent également de scinder la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde, le « bétonnage » des facilités n’étant pas pour eux une compensation à la scission mais une concession supplémentaire.

146 Fin août, le gouvernement décide d’avancer la rentrée parlementaire de trois semaines en la fixant au 21 septembre 2004. Entre-temps, diverses autres idées et revendications avaient surgi. Les francophones, sentant le débat sur la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde inéluctable, souhaitent mettre en avant d’autres dossiers pour obtenir un équilibre ou obtenir des compensations. Le président du Parti socialiste, Elio Di Rupo, évoque d’abord la question de savoir s’il y a encore en Belgique une volonté de vivre ensemble, mais également de savoir s’il est possible de négocier le contenu des lois linguistiques à Bruxelles. Ces dernières devraient être assouplies pour favoriser l’emploi, Elio Di Rupo pensant évidemment aux Bruxellois francophones. Le président du FDF, Olivier Maingain, revient pour sa part sur l’extension des limites de la Région bruxelloise, tandis que Joëlle Milquet, la présidente du CDH, dans l’opposition au niveau fédéral, refuse d’entamer le débat sur ce sujet.

147 Il est question à la mi-septembre d’un nouveau document de travail « Verhofstadt [90] ». Deux circonscriptions seraient créées, scindant la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde : le Brabant flamand et Bruxelles. La possibilité est prévue pour les francophones des communes à facilités et/ou de Hal-Vilvorde d’exercer leur droit de vote pour les élections fédérales en se déplaçant dans une commune bruxelloise. Il s’agit d’instaurer un système analogue à celui en vigueur depuis la loi de pacification du 9 août 1988 pour les francophones de Fourons, qui peuvent voter à Aubel, et pour les Flamands de Comines-Warneton, qui peuvent voter à Heuvelland (art. 89bis du Code électoral) [91].

148 Il est également suggéré d’instaurer un droit d’inscription, par référence au système qui figurait dans le Pacte d’Egmont et l’accord du Stuyvenberg en 1977-1978 ; cette disposition prévoyait que les francophones des communes de la périphérie bruxelloise pouvaient demander leur inscription comme électeur dans une commune bruxelloise. À l’époque, il s’agissait en fait d’un droit d’inscription sur les plans électoral, fiscal et administratif [92]. Ce droit d’inscription avait été fortement critiqué par le Conseil d’État. Les accords et le projet de loi sur ce droit d’inscription ne devaient pas aboutir.

149 La note Verhofstadt garantit un nombre de sièges aux néerlandophones à Bruxelles et traite de la composition du Forum et des matières à examiner par cette enceinte, dont la réforme du Sénat. Elle prévoit la suppression de la « sonnette d’alarme » au Sénat et, enfin, elle réintroduit la simultanéité des dates des élections régionales et fédérales comme lors des élections du 13 juin 1999. La suppression de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde et le fait qu’elle est accompagnée d’une représentation garantie des Flamands de Bruxelles font de cette note une base inacceptable pour les francophones.

150 L’absence de consensus gouvernemental, jointe aux grandes difficultés rencontrées par le gouvernement fédéral pour dégager un consensus avec la Région flamande et la Région bruxelloise face aux exigences de la société de courrier express DHL pour développer ses activités à l’aéroport international de Zaventem, entraîne le report de la déclaration de politique générale du 21 septembre au 12 octobre 2004, date habituelle de la rentrée parlementaire. Ce report est mis à profit par les différents partis pour annoncer et déposer différentes propositions de loi relatives à la scission de la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde, tenant compte des arrêts de la Cour d’arbitrage du 26 février et du 26 mai 2003.

4.3. LA DÉCLARATION DE POLITIQUE GÉNÉRALE DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL (12 OCTOBRE 2004)

151 La déclaration de politique générale est prononcée le 12 octobre par le Premier ministre Guy Verhofstadt devant la Chambre des représentants et le Sénat. Elle comporte une partie intitulée « Le Forum, une nouvelle étape sur la voie de la pacification communautaire ». Son intervention marque la fin de sa première tentative de résoudre le problème de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde ainsi que celui d’autres dossiers communautaires.

152 Dans sa déclaration, le Premier ministre définit lapidairement les bases du Forum, dont il annonce la composition (cf. infra) ainsi que la convocation sous huitaine : il ne se risque pas à annoncer tous les thèmes de discussion, peut-être parce que le consensus sur les points contenus dans l’accord du renouveau politique du 26 avril 2002 ne paraît pas aussi solide qu’espéré. La déclaration du Premier ministre se borne à évoquer la réforme du Sénat et « des ensembles de compétences plus homogènes », sans autre précision sur ce dernier point. Le recouplage des dates des élections fédérales et régionales n’est pas évoqué, peut-être faute de consensus au sein du gouvernement.

153 Le Premier ministre aborde ensuite la question de Bruxelles-Hal-Vilvorde, en faisant d’emblée référence « au problème posé par l’arrêt de la Cour d’arbitrage n° 73/2003 ». Ne pouvant dégager un accord au sein du gouvernement avec les partis politiques de la majorité, le Premier ministre renvoie les députés aux propositions de loi qui ont été ou seront déposées. Il définit ensuite les différentes options dans le cadre desquelles la discussion générale devrait intervenir. Il cite essentiellement quatre points.

154 D’abord, une solution ne peut être imposée par une communauté au détriment de l’autre. « La structure institutionnelle de notre pays fait qu’il est impossible d’approuver quelque proposition que ce soit si elle va manifestement à l’encontre de la volonté d’une des deux grandes communautés linguistiques de notre pays. Cela n’est d’ailleurs pas souhaitable. Que du contraire ! Une solution devra être soutenue par un large consensus dans les deux grandes communautés. »

155 En second lieu, il rappelle le principe « un homme, une voix », expression du suffrage universel qui indique qu’une représentation garantie ne peut être acceptée, sans doute tant par les Flamands pour ce qui concerne les sièges francophones dans le Brabant flamand, que par les francophones pour ce qui concerne les sièges flamands à Bruxelles.

156 Dans son troisième point, il propose une méthode de négociation : le dossier de Bruxelles-Hal-Vilvorde ne sera pas traité au Forum [93], mais les gouvernements des entités fédérées seront associés aux débats. Les discussions se tiendront dans un cadre ad hoc qui n’est pas davantage précisé. Guy Verhofstadt se limite à déclarer : « En d’autres termes une solution durable et transparente doit être élaborée qui doit être souscrite tant par une large majorité au Parlement que par les communautés linguistiques concernées de notre pays. Les régions et les communautés seront invitées dans les prochains jours afin de collaborer à une telle solution. »

157 Le dernier point laisse entendre que la solution devra passer par un accord qui concerne d’autres dossiers qui peuvent être qualifiés de connexes. Dans cette optique, il importe plus de relever ce qui ne figure pas dans la déclaration que ce qui s’y trouve. « En outre, il serait souhaitable de mettre également un terme à certains points critiques qui entravent depuis des décennies déjà la pacification communautaire, et plus particulièrement la coexistence pacifique des francophones et des néerlandophones à Bruxelles et dans la périphérie bruxelloise. Il serait également souhaitable de renforcer encore la bonne coopération entre les néerlandophones et les francophones au sein de la Région de Bruxelles-Capitale, entre autres, par le biais d’une modernisation de la loi sur l’emploi des langues, l’octroi de l’autonomie constitutive à la Région de Bruxelles-Capitale et les droits des francophones et de la minorité flamande. » Le Premier fait référence à des dossiers connus, mais ne dit pas un mot sur la procédure d’assentiment à la convention-cadre du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales, ni de la circulaire Peeters qui restreint l’usage des facilités dans les communes flamandes de la périphérie bruxelloise. La partie de la déclaration relative à Bruxelles-Hal-Vivorde se termine par l’évocation de la réforme de l’arrondissement judiciaire de Bruxelles, qui devrait être traitée à part, un projet de loi de la ministre de la Justice devant être déposé à cet effet avant la fin de l’année 2004.

158 Cette déclaration contient des éléments qui serviront de base aux négociations. Il faut reconnaître que ces éléments sont extrêmement flous. Les idées officieusement avancées à la mi-septembre par le Premier ministre n’ont pas pu être concrétisées. Devant les réactions négatives qu’elles ont provoquées, leur évocation même n’est plus possible.

159 D’autre part, la décision de discuter de Bruxelles-Hal-Vilvorde en dehors du Forum, contrairement à toutes les annonces faites par les partis flamands de la majorité au premier semestre 2004, confirme que ce dossier est particulièrement sensible. Le gouvernement craint qu’il perturbe les travaux du Forum ; les francophones préfèrent qu’on en discute dans une enceinte ad hoc, où des contreparties pourraient être négociées si l’on s’oriente vers la scission ; les Flamands, enfin, y voient l’assurance que le dossier ne sera pas reporté.

160 Le recul du Premier ministre sur ce dossier est patent ; pour trouver une solution, il s’en réfère à des propositions de loi émanant des partis politiques, seuls ou groupés comme dans le cas de la proposition « du gouvernement flamand [94] » qui sera déposée le lendemain, sans qu’aucune ne semble pouvoir être adoptée par la majorité gouvernementale fédérale.

4.4. LES PROPOSITIONS DE LOI RELATIVES À LA CIRCONSCRIPTION DE BRUXELLES-HAL-VILVORDE

161 En octobre 2004, six propositions de loi sont déposées dont trois émanent de députés flamands et trois de députés francophones. Dès le début de la législature fédérale, l’arrêt de la Cour d’arbitrage avait provoqué une certaine effervescence chez les parlementaires flamands. Rappelons qu’en juillet et en octobre 2003, ils avaient déjà déposé deux propositions de loi visant à scinder la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde.

162 Les nouvelles propositions sont examinées ci-après dans l’ordre chronologique de leur dépôt. Seul leur impact sur les élections à la Chambre a été pris en considération.

163 Le Conseil d’État rend ses avis sur l’ensemble de ces propositions le 9 novembre 2004 [95]. Comme on le verra, les avis du Conseil d’État sont assez négatifs sur la plupart des propositions, ce qui orientera les discussions vers la recherche d’autres solutions que les propositions flamandes de scission, qui risquaient d’être annulées par la Cour d’arbitrage.

4.4.1. Proposition de loi de parlementaires CD&V

164 Servais Verherstraeten, Dirk Claes et Paul Tant, tous trois CD&V, proposent le retour partiel à la situation antérieure aux modifications électorales de 2002, et ce par la suppression du découpage provincial des circonscriptions [96]. Ils proposent en outre de scinder Bruxelles-Hal-Vilvorde en deux circonscriptions (Bruxelles et Hal-Vilvorde), rétablissent l’apparentement provincial, et proposent pour Bruxelles l’apparentement de cette circonscription avec le Brabant wallon d’une part, et avec Hal-Vilvorde et Louvain d’autre part.

165 Dans son avis, le Conseil d’État estime qu’en retournant au système antérieur à 2002, on échappe à la critique de traitement différencié émise par la Cour d’arbitrage dans l’arrêt 73/2003 [97]. Pour cette autorité, la scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde relève du pouvoir d’appréciation du législateur.

166 L’apparentement ne pose pas de problème en soi, mais ici le système est préjudiciable aux listes qui ont pour objet de se grouper avec des listes similaires présentées dans les diverses circonscriptions visées. Par exemple, une liste bruxelloise ne pourrait pas, si ses candidats se déclaraient francophones, faire une déclaration d’apparentement avec une liste déposée à Hal-Vilvorde ou à Louvain : elle ne pourrait faire une pareille déclaration qu’avec une liste déposée dans le Brabant wallon.

4.4.2. Proposition de loi de parlementaires MR

167 Daniel Bacquelaine et Olivier Maingain (MR) proposent [98] l’établissement d’une circonscription électorale unique sur le territoire du Brabant antérieur à la scission de la province en 1995. Les listes seraient identiques sur l’ensemble de l’ancienne province de Brabant ; il y aurait donc possibilité de voter pour les listes flamandes à Bruxelles et dans le Brabant wallon, et pour les listes francophones dans le Brabant flamand. Cette proposition de loi entend répondre directement à l’arrêt de la Cour d’arbitrage en reprenant son argument selon lequel il faut un traitement équivalent pour les candidats d’une part, et pour les électeurs d’autre part, qui doivent tous appartenir à des circonscriptions découpées selon une logique identique (en l’occurrence provinciale) sur tout le territoire. Toutes les circonscriptions, en effet, correspondent au territoire des provinces actuelles ou à celui de l’ancienne province de Brabant.

168 Le Conseil d’État a rendu un avis assez négatif, mais il est difficile de percevoir l’argument juridique qui fait obstacle à cette proposition [99]. Il estime que les candidats « brabançons » seraient traités différemment de ceux des autres provinces, et que le droit, reconnu par l’arrêt de la Cour d’arbitrage du 26 mai 2003, à adopter des modalités spéciales pour les circonscriptions de l’ancienne province de Brabant ne va pas « jusqu’à la fusion de ces circonscriptions ». Le MR était sans doute conscient que cette proposition n’avait pratiquement aucune chance d’être acceptée par les partis flamands, mais elle reflète son souci de ne pas tenir la frontière linguistique pour un cadre sous-jacent à toute réforme.

4.4.3. Proposition de loi de parlementaires VLD, CD&V, N-VA et SP.A – Spirit

169 Rik Daems (VLD), Dirk Van der Maelen (SP.A), Pieter De Crem (CD&V), Patrick De Groote (N-VA) et Koen T’Sijen (Spirit) proposent de scinder Bruxelles-Hal-Vilvorde et de créer trois circonscriptions électorales : le Brabant flamand, le Brabant wallon et Bruxelles [100]. La circonscription du Brabant flamand doit comprendre les arrondissements administratifs de Louvain et de Hal-Vilvorde. Ils ajoutent, comme règle particulière, le maintien de la possibilité de l’apparentement pour les listes bruxelloises, étant entendu que l’on ne pourrait y recourir simultanément avec le Brabant flamand et avec le Brabant wallon. Cette proposition de loi reprend le contenu de la proposition de loi dite « des bourgmestres flamands » (cf. supra) [101].

170 Annoncée dans l’accord du gouvernement flamand de juillet 2004, cette proposition est la base commune d’action des partis du gouvernement flamand. Elle répond selon ses auteurs à l’arrêt de la Cour d’arbitrage du 26 mai 2003 et aux objections émises par le Conseil d’État sur la proposition de loi du 24 octobre 2003.

171 Pour le Conseil d’État [102], la proposition de scission ne pose aucun problème comme telle. Par contre, la technique de l’apparentement telle que prévue est jugée préjudiciable aux listes francophones du Brabant flamand parce qu’elles ne peuvent pas s’apparenter avec celles déposées dans le Brabant wallon, alors que les listes bruxelloises flamandes peuvent le faire avec celles déposées dans le Brabant flamand. De plus, en cette matière, les listes francophones bruxelloises perdraient une partie de leur potentiel électoral étant donné le choix d’apparentement qu’elles devraient faire entre le Brabant wallon et le Brabant flamand.

172 Avec cette proposition, l’objectif des partis flamands de recueillir un maximum de sièges flamands est atteint [103]. Pour leur part, les électeurs francophones du Brabant flamand subissent une modification de régime électoral sur plusieurs plans : ils ne peuvent plus voter pour des candidats francophones de Bruxelles ; leurs voix ne sont plus prises en compte dans le système d’apparentement pour pouvoir élire un député, car les listes francophones de Bruxelles s’apparenteront forcément avec celles du Brabant wallon qui offrent un potentiel de voix très nettement supérieur au potentiel de voix francophones dans le Brabant flamand ; les candidats francophones qui se présentent à eux, s’ils sont élus, ne peuvent siéger qu’au sein du groupe linguistique flamand de la Chambre.

173 Les listes francophones de Bruxelles, elles, perdent la possibilité en pratique d’obtenir les sièges dévolus par apparentement dans le Brabant flamand [104], et perdent leur potentiel électoral dans les communes de Hal-Vilvorde.

174 Le problème que le Conseil d’État relève concernant l’apparentement devient évident si l’expression comme suit : les sièges doivent être attribués aux listes qui peuvent se présenter sur un même territoire ; si certaines listes ne peuvent se présenter sur une partie du territoire, il y a violation de l’égalité entre listes, entre candidats et entre électeurs.

4.4.4. Proposition de loi de parlementaires PS

175 Des parlementaires PS déposent une proposition de loi visant à revenir aux anciens arrondissements électoraux, c’est-à-dire à ceux antérieurs à la provincialisation des circonscriptions [105]. Il s’agit de revenir à une situation où l’apparentement provincial entre les arrondissements était prévu.

176 Comme le relève le Conseil d’État [106], cette proposition répond à l’argument de la Cour d’arbitrage en ce que les habitants du Brabant flamand ne sont plus les seuls à ne pas disposer d’une circonscription à la taille d’une province. En outre, le Conseil d’État relève qu’aucune disposition constitutionnelle n’oblige le législateur à scinder la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde [107].

4.4.5. Proposition de loi de parlementaires CDH

177 Très proche de la précédente, cette proposition [108] poursuit le même objectif : la modification du Code électoral en vue de l’abandon des circonscriptions provinciales auxquelles les sociaux-chrétiens francophones s’étaient d’ailleurs déjà opposés en 2002. Le CDH regrette également l’absence d’une « stratégie collective francophone ».

4.5. L’INSTALLATION DU FORUM (19 OCTOBRE 2004)

178 Comme annoncé, le Forum fut installé le 19 octobre 2004 au Sénat au cours d’une séance à huis clos. Le CD&V avait annoncé qu’il n’y participerait pas afin de protester contre d’une part l’absence de scission et la perspective de devoir négocier la scission, et d’autre part entre les décisions du gouvernement fédéral qui font supporter des efforts budgétaires par les entités fédérées (mise à charge des entités fédérées des cotisations sur les pécules de vacances des fonctionnaires). Le CD&V est présent ; ce changement d’attitude résulte d’une décision prise au cours d’une réunion spéciale du gouvernement flamand qui s’est tenue la veille. Après quelques mots d’accueil d’Anne-Marie Lizin, présidente du Sénat, les participants entendent un discours du Premier ministre.

4.5.1. La composition du Forum

179 Les membres du Forum ont été désignés selon une méthode souple résultant d’une négociation politique. Ni la règle de la représentation proportionnelle, ni celle de la représentation des divers niveaux de pouvoir n’ont été prises en compte comme cela avait été le cas pour la CIIRI.

180 Au 19 octobre 2004 [109], le Forum compte 19 membres dont 9 francophones, 9 néerlandophones et un germanophone avec voix consultative. Pour le gouvernement fédéral, siègent Patrick Dewael (VLD), Johan Vande Lanotte (SP.A), Didier Reynders (MR) [110], Philippe Moureaux (sénateur PS), Patrick Vankrunkelsven (sénateur VLD), Geert Lambert (député fédéral Spirit, président de son parti), Olivier Maingain (député MR) et Denis Grimberghs (député bruxellois CDH), soit huit personnes. Le gouvernement flamand est représenté par Yves Leterme (ministre-président CD&V), Fientje Moerman (vice-présidente VLD), Frank Vandenbroucke (vice-président SP.A) et Bart De Wever (député flamand N-VA, président de son parti), soit quatre personnes.

181 Deux membres siègent pour le gouvernement wallon : Jean-Claude Van Cauwenberghe (ministre-président PS) et Melchior Wathelet (député fédéral CDH). Le gouvernement de la Communauté française est représenté par Marie Arena (ministre-présidente PS) et Marcel Cheron (député wallon et communautaire Écolo).

182 Le gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale est représenté par Charles Picqué (ministre-président PS) et Guy Vanhengel (ministre bruxellois VLD). Et le gouvernement de la Communauté germanophone par Karl-Heinz Lambertz (ministre-président SP).

183 La répartition des membres par groupe linguistique et par parti politique donne :

  • neuf membres francophones : 4 PS, 2 MR, 2 CDH, 1 Écolo ;
  • neuf membres néerlandophones : 4 VLD, 3 SP.A, 1 N-VA, 1 CD&V.

184 Cette composition surprend, car selon la déclaration du Premier ministre et l’accord de gouvernement, c’étaient les gouvernements qui devaient être représentés. On constate qu’à l’exception du gouvernement bruxellois, on y trouve des parlementaires dont certains siègent à un autre niveau de pouvoir que celui qu’ils sont censés représenter ; certains représentent même un gouvernement d’un niveau de pouvoir où leur parti est dans l’opposition. Par exemple, Denis Grimberghs, siégeant dans la majorité bruxelloise, représente le gouvernement fédéral où son parti est dans l’opposition. Un parlementaire wallon tel que Marcel Cheron représente le gouvernement de la Communauté française où son parti siège dans l’opposition.

185 Il semble évident que l’on a agi d’une manière pragmatique en attribuant une représentation aux différents partis présents au Parlement fédéral [111] (à l’exception des partis d’extrême droite), qu’ils soient présents dans la majorité dans l’une ou l’autre entité ou, dans deux cas, dans l’opposition.

186 Dès le départ, on constate qu’il n’y aura pas à proprement parler de dialogue entre les communautés, pas plus qu’entre les gouvernements. Chacun estime qu’il s’agit d’une forme de négociation entre les partis, où sont présents tous ceux qui peuvent être amenés à endosser la responsabilité d’un compromis soit sur un des sujets de négociation soit sur une ébauche de solution concernant plusieurs points.

187 La volonté de sauver les apparences d’un dialogue entre les gouvernements existe du côté flamand. En effet, l’accord de majorité flamand implique une négociation institutionnelle comportant des balises quant à ce qui est négociable [112], et qui doit directement impliquer les entités fédérées, composantes primordiales de l’État actuel et futur selon la vision flamande des institutions. Il s’agit aussi d’exclure le premier groupe politique du Parlement flamand, le Vlaams Belang, décision qui n’est jamais facile à prendre.

188 Parallèlement au Forum, une réunion des présidents des partis francophones [113] est convoquée, afin de définir des positions de manière plus ferme étant donné qu’ils représentent l’ensemble des gouvernements et des partis de la majorité comme de l’opposition. Cette initiative vise à neutraliser dans les diverses assemblées les clivages éventuels majorité/opposition sur les questions communautaires.

189 Si l’on compare la composition du Forum avec celle de la Conférence intergouvernementale et interparlementaire de renouveau institutionnel de 1999, on constate que cette dernière respectait la parité entre représentants des parlements et des gouvernements. La seule règle commune auquel le Forum a obéi est celle du respect de la parité entre francophones et flamands.

4.5.2. Les réunions du Forum

190 Au cours de la séance inaugurale, il est décidé qu’une coprésidence sera assumée par les deux ministres fédéraux des Réformes institutionnelles, Johan Vande Lanotte et Didier Reynders. Aucune décision n’est prise concernant le calendrier ou l’ordre du jour des travaux. Une nouvelle réunion est prévue dans les deux ou trois semaines [114] en fonction de l’avancement des négociations préparatoires.

191 La base de discussion est la déclaration du Premier ministre mettant en exergue l’importance du dialogue. Le Premier rappelle les cinq réformes de l’État intervenues depuis 1970 en insistant sur le fait qu’une communauté linguistique ne peut imposer sa volonté à l’autre. Les premières discussions portent sur les problèmes à mettre à l’ordre du jour. Un certain consensus se dégage pour y inscrire la question de la réforme du bicaméralisme, mais ce sujet peut-il être abordé seul dans un premier temps, ou bien l’agenda est-il ouvert, comme le demande le ministre-président Leterme ? Dans les cinq thèmes abordés figurent les ensembles de compétences homogènes, ce qui permet pour les partis du gouvernement flamand de parler de tout, y compris des questions de financement des entités fédérées, donc de la solidarité et des transferts financiers Nord-Sud. Les trois autres points sont l’autonomie constitutive, la modification de la procédure de révision de la Constitution et le regroupement des dates des élections. Ils semblent être des sujets difficiles mais secondaires aux yeux de tous les participants.

192 Aucune autre réunion du Forum ne se tient en 2004. Lors de la réunion du 19 janvier 2005, le Forum décide de s’adjoindre deux membres représentant le Sénat, Christine Defraigne (MR) et Luc Van den Brande (CD&V), et approuve l’adjonction de membres suppléants. Les discussions sur les thèmes à aborder, par contre, débouchent sur un constat de désaccord. Les francophones souhaitent débattre d’abord des thèmes énumérés par l’accord du renouveau politique (26 avril 2002), en particulier la réforme du Sénat. Les Flamands veulent avancer, en parallèle, sur une nouvelle répartition des compétences entre niveaux de pouvoirs, conformément à l’accord du gouvernement flamand, ce qui suscite de vives inquiétudes du côté francophone. Ni l’ordre du jour, ni la date, ni le mode d’organisation de la prochaine réunion ne sont fixés ; comme on le verra, celle-ci n’aura jamais lieu.

4.6. LE COMITÉ DE CONCERTATION ET LA CRÉATION DE LA CONFÉRENCE INTERMINISTÉRIELLE DE RÉFORMES INSTITUTIONNELLES (9 NOVEMBRE 2004)

193 Concomitamment à la mise en place du Forum, la déclaration gouvernementale prévoyait de donner une nouvelle impulsion au Comité de concertation [115]. À la suite de contacts intervenus entre les partis présents dans les différents gouvernements et non entre les gouvernements eux-mêmes, le Comité de concertation décide le 9 novembre 2004 de créer une instance spécifique pour régler le brûlot que représente Bruxelles-Hal-Vilvorde : il crée une Conférence interministérielle de réformes institutionnelles. Cette décision découle d’une proposition faite à l’issue d’une réunion qui se tint le 20 octobre 2004 entre le Premier ministre, les ministres des Réformes institutionnelles et les ministres-présidents des communautés et des régions. Dans ce genre de réunion [116], plus que leur gouvernement, les personnalités représentent la coalition qu’elles dirigent [117].

194 Le Comité de concertation arrête la composition de la conférence et la date de sa première réunion, mais ne donne aucune indication sur son ordre du jour. Pour chacun des participants, il est évident qu’il s’agit de traiter le dossier de Bruxelles-Hal-Vilvorde en mettant autour de la table l’ensemble des partis siégeant au sein d’un gouvernement, qu’il soit fédéral, régional ou communautaire. La situation est pour le moins complexe, car du côté francophone aucun parti ne peut déclarer qu’il accepte de ne parler que de Bruxelles-Hal-Vilvorde, tandis que du côté flamand, personne ne peut accepter de se mettre autour de la table avec des dossiers comportant de réelles compensations pour les francophones, et, a fortiori, sans engagement sur le fait que le Forum ouvrira des discussions en vue d’octroyer plus de compétences et d’autonomie à la Flandre. En fait, la conférence est chargée spécifiquement de résoudre le problème de Bruxelles-Hal-Vilvorde, qui se trouve ainsi officiellement inscrit à l’agenda politique.

195 Lors de l’annonce de la création de la Conférence, le ministre-président Leterme (CD&V) exprime sa satisfaction car au sein du Comité de concertation, la création d’un groupe de travail chargé d’examiner le dossier des accords financiers entre l’État fédéral, les régions et les communautés est prévu. Il est notamment décidé d’entamer une concertation sur le projet de mise à charge des entités fédérées de la cotisation de responsabilisation sur les pécules de vacances de 13,07%, qui a donné lieu à un conflit d’intérêts soulevé par le Parlement flamand.

196 On constate que le souci de rééquilibrage des charges entre les communautés et les régions, est un problème rémanent du côté flamand [118].

4.6.1. La composition de la Conférence interministérielle

197 Le vice-Premier MR Didier Reynders copréside la Conférence interministérielle avec son homologue flamand, le socialiste Johan Vande Lanotte [119]. Les autres représentants fédéraux à la Conférence sont leurs collègues vice-Premiers Laurette Onkelinx (PS) et Patrick Dewael (VLD). Pour la Région de Bruxelles-Capitale siègent Charles Picqué (PS), Evelyne Huytebroeck (Écolo) et Guy Vanhengel (VLD). Pour la Région wallonne, Jean-Claude Van Cauwenberghe (PS) et André Antoine (CDH). Pour la Communauté française, Marie Arena (PS) et Marie-Dominique Simonet (CDH). Pour la Communauté germanophone, Karl-Heinz Lambertz (socialiste). Et pour la Flandre, Yves Leterme (CD&V), Fientje Moerman (VLD), Frank Vandenbroucke (SP.A), Geert Bourgeois (N-VA) et Bert Anciaux (Spirit). Les vice-Premiers ministres fédéraux [120] et les ministres-présidents des entités fédérées participent donc tous à la conférence, même ceux de la Région wallonne et de la Communauté germanophone, pourtant peu concernés a priori par la question.

198 À l’exception de l’extrême droite, tous les partis représentés au Parlement fédéral se trouvent impliqués.

199 La Conférence interministérielle doit se réunir dans les plus brefs délais, mais il est très vite décidé qu’il faut attendre les éventuelles réponses, sous forme d’amendements, à l’avis du Conseil d’État sur les différentes propositions de loi relatives à la scission de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde qui ont été déposées à la Chambre des représentants.

200 Début janvier 2005, le Premier ministre reprend l’initiative du jeu politique concernant les questions communautaires. Il réunit les présidents de parti et les ministres des réformes institutionnelles. Mais rien de concret ne sort de ces réunions.

4.6.2. L’unique réunion de la Conférence interministérielle et la création du groupe de travail (17 janvier 2005)

201 La Conférence ne se réunit que le 17 janvier 2005, soit plus de deux mois après la réunion du Comité de concertation qui a décidé sa création et après la remise de l’avis attendu du Conseil d’État (9 novembre 2004). Elle ne tiendra en fait qu’une seule réunion. Au cours de cette unique séance, elle décide de créer un groupe de travail, composé d’experts et/ou de parlementaires [121]. Une fois de plus, ce groupe de travail ne reçoit pas une liste officielle de dossiers à traiter, mais tous les membres savent que Bruxelles-Hal-Vilvorde y figure, et qu’il est impossible de régler ce problème isolément car les francophones ne peuvent accepter la scission sans de sérieuses garanties et contreparties, sans qu’il soit possible pour autant d’annoncer sur quoi porteraient les autres travaux. On n’est pas loin de la quadrature du cercle.

202 Au cours de son unique réunion, ce groupe de travail décide que les coprésidents de la Conférence interministérielle, c’est-à-dire les ministres des Réformes institutionnelles, entendront en commun chacun des partis du groupe de travail d’une manière discrète, selon la technique dite « du confessionnal ». Cette méthode avait été suggérée via la presse par le président du SP.A Steve Stevaert, dans le but d’amener des résultats rapides et concrets.

4.7. LA COMMISSION DE L’INTÉRIEUR DE LA CHAMBRE (DÉCEMBRE 2004 À MAI 2005)

203 Nous avons vu que le Conseil d’État a rendu le 9 novembre 2004 ses avis sur les propositions de loi relatives aux circonscriptions électorales de la Chambre.

4.7.1. Le maintien de la position flamande

204 La principale objection du Conseil d’État aux propositions flamandes de scission portait sur les mécanismes d’apparentement prévus pour garantir l’élection des députés bruxellois flamands. Le Conseil d’État voyait dans ces mécanismes une rupture d’égalité entre Flamands et francophones.

205 Malgré cet avis, les députés flamands entendent poursuivre le débat sur le plan parlementaire, moyennant des amendements qui s’avèrent ne pas répondre à l’objection de principe du Conseil d’État Cette objection juridique était pourtant assez importante pour créer un risque d’annulation par la Cour d’arbitrage.

4.7.2. Le report de l’examen des propositions en commission

206 Du côté francophone, les partis tentent d’éviter le débat en commission de l’Intérieur de la Chambre sur les différentes propositions de loi déposées. Étant majoritaires, les partis flamands obtiennent cependant que ces propositions soient mises à l’ordre du jour des travaux ; ce qui est réalisé le 16 décembre 2004. L’examen ne débute cependant pas au cours de la séance de ce jour, la majorité fédérale décidant plutôt, au grand dam des partis flamands de l’opposition, de donner une chance à la Conférence interministérielle pour qu’elle puisse apporter une solution à Bruxelles-Hal-Vilvorde. Les travaux de la commission sont ainsi reportés au 19 janvier 2005. Entre-temps, le Conseil d’État avait rendu son avis, le 18 janvier, sur les amendements apportés à la proposition de loi de scission de la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde déposée par les partis flamands [122], amendements censés tenir compte du précédent avis du Conseil d’État.

207 Pour la séance du 19 janvier, l’agenda de la commission prévoit comme premier point l’audition des deux ministres des réformes institutionnelles, chargés de faire rapport à la commission sur les travaux de la Conférence interministérielle qui a tenu son unique réunion l’avant-veille. En pratique, les discussions sont bloquées, les partis francophones ayant préalablement défini une stratégie commune.

4.7.3. La prise de position des présidents des partis francophones

208 Le 14 janvier 2005, les présidents des partis francophones réagissent également aux arrêts du Conseil d’État du 23 décembre 2004 qui ont rejeté les recours en annulation formés contre la circulaire Peeters, et estiment que le débat doit être poursuivi sur ce point. Pour eux, d’autres juges, appartenant au pouvoir judiciaire [123], ont rendu des arrêts dans un sens différent. S’ils constituent une défaite juridique pour les francophones, imputée par eux à la composition exclusivement flamande de la Chambre compétente du Conseil d’État, les arrêts validant la circulaire Peeters privent les négociateurs autour de Bruxelles-Hal-Vilvorde d’une partie de leurs marges de manœuvre : il paraît difficile d’échanger la scission de la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde contre l’annulation de la circulaire Peeters au moment où les partis flamands peuvent prétendre que cette dernière a été validée par la plus haute juridiction administrative [124]. À défaut de propositions précises, les francophones évoquent la contrepartie d’une éventuelle scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde, montrant ainsi l’importance que le dossier Bruxelles-Hal-Vilvorde revêt à leurs yeux dans le cadre institutionnel du pays. Ils évoquent pour la première fois l’élargissement des frontières de la Région bruxelloise comme contrepartie à la scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde : dans une déclaration commune diffusée le 14 janvier, ils déclarent que « les arrêts du Conseil d’État les confortent dans leur détermination à n’engager un dialogue sur les matières institutionnelles (…) que si les conditions d’un renforcement des droits des francophones, en particulier des francophones de la périphérie et des Fourons, sont réunies. Pour les présidents des partis démocratiques francophones, une façon de rencontrer cette exigence est d’envisager un élargissement des frontières de Bruxelles [125]. » Cette prise de position intervient quelques jours avant la reprise des travaux de la Conférence interministérielle et du Forum.

209 De leur côté, le même jour, les bourgmestres flamands de Hal-Vilvorde exigent une nouvelle fois une scission sans compensation d’aucune sorte [126].

4.7.4. La position du gouvernement fédéral

210 Le 25 janvier 2005, à l'occasion de la réception pour le Nouvel an des Corps constitués au Palais royal, le Premier ministre, Guy Verhofstadt, répète que le dossier de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde « ne sera déminé que moyennant la conclusion d'un accord entre les deux grandes communautés linguistiques, un accord sans perdant ni gagnant », ce qui semble bien écarter l’hypothèse, comme l’avait déjà fait la déclaration gouvernementale du 12 octobre 2004, d’une scission sans contrepartie adoptée par les seules voix flamandes au Parlement. Il affirme aussi que « le gouvernement n'entend en aucun cas se laisser pousser par certains dont on peut douter qu'ils ne souhaitent pas de solution, voire, par ceux dont nous voyons déjà clairement qu'ils abusent de ce dossier rien que pour créer encore plus de problèmes et d'instabilité politique [127] », allusion qui pouvait viser le CD&V et la N-VA en sa première partie, et le Vlaams Belang en sa seconde partie. Le Premier ministre souligne que ce dossier n'est pas nouveau et qu'il n'empêche pas la croissance du bien-être dans le pays. « Il me semble plutôt qu'il s'agit d'un dossier qui préoccupe essentiellement la rue de la Loi », ajoute-t-il. Et de répéter qu'il n'y aura de solution que dans le cadre d'un accord négocié, qu’il y a plus de chances de dégager au sein de la Conférence interministérielle des réformes institutionnelles.

211 L’opposition au niveau fédéral lui reproche vivement d’avoir profité de cette réception officielle pour évoquer un différend d’ordre politique.

212 Depuis la Noël, le débat entre les partis flamands porte sur la question de savoir si le combat pour la scission de la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde vaut la peine de bloquer le pays et de risquer de faire tomber le gouvernement en essayant d’imposer la scission sans concertation avec les francophones, qui seraient alors amenés à recourir à la « sonnette d’alarme » et donc à renvoyer le dossier au gouvernement sur fond de crise majeure. De son côté, le discours tenu par le gouvernement est que Bruxelles-Hal-Vilvorde ne vaut pas une crise, qui aurait de graves répercussions sur le plan socio-économique et sur l’avenir du pays.

4.7.5. Les positions du CD&V

213 Au même moment, au Parlement flamand, le groupe CD&V menace de retirer sa confiance au gouvernement si des résultats concrets ne sont pas engrangés dans le dossier Bruxelles-Hal-Vilvorde. La scission figurant dans l’accord du gouvernement flamand, certains estiment devoir évaluer l’action du gouvernement à partir de ce dossier, sur lequel l’exécutif n’a aucune prise mais au sujet duquel un engagement politique a été pris. Pour cette raison, au fil du temps, de plus en plus de parlementaires N-VA ou CD&V s’abstiennent lors des votes au Parlement flamand, alors qu’ils y font partie de la majorité. À l’analyse, il est difficile d’y voir un signe de maturité en matière de fédéralisme ; il s’agit plutôt d’une stratégie de pression sur des partis représentés à différents niveaux de pouvoir et appartenant à des majorités asymétriques. Dans un système efficace et cohérent, la confiance adressée au pouvoir exécutif ne devrait porter que sur les compétences que celui-ci exerce ou sur lesquelles il a un minimum d’influence concrète.

214 Le CD&V, dans cette période, n’accepte pas de discuter ou de négocier sur Bruxelles-Hal-Vilvorde avec les partis francophones [128]. Il se situe dans un rapport de force avec les autres partis de la coalition flamande, présents dans la majorité fédérale avec les francophones, pour les amener à exécuter l’engagement qu’ils avaient pris dans l’accord de gouvernement flamand. Pour le CD&V, ce sont le VLD, le SP.A et Spirit qui doivent assumer seuls la question de savoir s’ils négocient ou non, et s’ils sont prêts à des compromis [129]. Ce faisant, les sociaux-chrétiens flamands refusent la logique d’un pays fédéral où une solution ne peut être imposée par une communauté contre la volonté de l’autre.

215 Le CD&V, comme ses partenaires du gouvernement flamand, a aussi dû compter avec le risque de recours à la « sonnette d’alarme ». Cette possibilité a eu certainement une influence sur l’attitude des partis flamands [130] de la majorité fédérale. Concrètement, un vote en commission de la Chambre, par une majorité flamande [131], d’une de leurs propositions de loi aurait entraîné non seulement le vote d’une motion « de sonnette d’alarme » par les francophones, mais aussi une procédure en conflit d’intérêt, à l’initiative du Parlement d’une des entités fédérées [132].

216 Le CD&V ne semble pas tenir compte, dans sa stratégie [133], de l’utilisation possible de ce mécanisme et de ses conséquences [134], estimant que seule la scission compte, que c’est pour lui une question de crédibilité politique : aucune compensation n’est possible. Il est vrai qu’une chute du gouvernement fédéral aurait provoqué des élections anticipées qui auraient peut-être débouché sur son retour au pouvoir au niveau fédéral. Faute d’accord, le groupe CD&V, par la voix de deux de ses élus au Parlement flamand, Éric Van Rompuy et Luc Van den Brande, semble même décidé à poser la question de confiance à l’exécutif flamand.

217 L’attitude intransigeante du CD&V suggère une autre stratégie aux francophones. Celle-ci est évoquée par le chef de groupe PS à la Chambre, Thierry Giet, le 21 janvier 2005 : elle consiste pour les francophones à quitter la salle au moment où les partis flamands entament la discussion de leur proposition de loi. Il ne peut cependant s’agir que d’un prélude au recours au mécanisme de la sonnette d’alarme, les francophones ne pouvant empêcher un vote par leur absence. Le président de la N-VA, Bart De Wever, résume les sentiments animant sa formation : « C’est la meilleure nouvelle du jour : le débat pourra enfin avancer en commission [135] », sous-entendu, uniquement entre partis flamands.

4.7.6. Les travaux de la commission de l’Intérieur

218 Les travaux de la commission n’entreront jamais dans le vif du sujet, en l’occurrence, la scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Chaque semaine, seul le point 1 de l’ordre du jour est examiné : l’audition des représentants du gouvernement. Le point 2, portant sur l’examen des propositions, n’est abordé que par le biais d’une procédure écrite. Cette dernière, assez particulière, consiste en l’élaboration par les rapporteurs de la commission d’un tableau synoptique reprenant les différentes propositions déposées à la Chambre. Il est difficile d’y voir autre chose qu’une tentative de gagner du temps de la part des francophones, mais aussi du gouvernement dans son ensemble. C’est ainsi que lors de la séance du 26 janvier, la commission se rallie à la proposition des ministres des Réformes institutionnelles d’organiser une réunion du groupe de travail le 23 février, et de reporter en attendant l’examen des propositions de loi en commission.

219 Le 26 janvier 2005, le CD&V décide de quitter le groupe de travail de la Conférence interministérielle pour manifester son désaccord sur le report des travaux en commission et l’attitude du VLD et du SP.A – Spirit, ses alliés à l’exécutif flamand. Pour ce parti, le groupe de travail est mort-né. Le N-VA adopte la même attitude.

220 Entre le 26 janvier et le 23 février, la commission gagne du temps pendant que la négociation s’entame en coulisse. Cette période est mise à profit par les ministres des Réformes institutionnelles qui souhaitent déminer le terrain à l’abri de la presse et des caméras. Le groupe de travail poursuit ses travaux selon la technique dite du confessionnal, les coprésidents recevant chaque parti séparément. Les membres du groupe de travail, réduit à dix suite au départ du CD&V et de la N-VA, sont entendus par Didier Reynders et par Johan Vande Lanotte en vue de préparer la réunion de la commission du 23 février, alors que la réunion du groupe de travail créé par la Conférence interministérielle, prévue pour le 23 février est passée par pertes et profits suite à la défection du CD&V et de la N-VA et l’adoption de la technique du « confessionnal ».

221 Au cours de la réunion de la commission de l’Intérieur, le 23 février, et devant l’absence de proposition concrète, il est décidé de procéder à l’audition de constitutionnalistes. Dans le courant du mois de mars 2005, divers constitutionnalistes sont appelés à éclairer la commission et les membres du groupe de travail sur les suites à réserver à l’arrêt de la Cour d’arbitrage du 26 mai 2003. Les différents experts néerlandophones approchés [136] refusent d’être auditionnés, pour des raisons d’agenda ou autres. Cependant, ils rendent des avis écrits. Trois professeurs francophones [137] expliquent en commission les implications juridiques de l’arrêt. Les membres du groupe de travail de la Conférence interministérielle sont invités à participer à ces réunions.

222 Parmi les questions posées, il y a d’abord celle de savoir si le législateur peut répondre à l’arrêt de la Cour d’arbitrage par un autre moyen que celui de la scission. Il est ausssi demandé quelles sont les élections visées par l’arrêt, et enfin ce qui se passerait en 2007 en l’absence d’une nouvelle législation.

223 Les constitutionalistes admettent que l’arrêt de la Cour ne concerne que l’élection à la Chambre, comme l’avaient déjà relevé les partis francophones et le Conseil d’État, et que la scission n’est pas la seule réponse, le retour aux anciennes circonscriptions (infraprovinciales) pouvant répondre à l’arrêt. Ces réponses invalident la thèse défendue par certains partis flamands selon laquelle l’arrêt impose la scission, et valident les propositions de loi francophones qui prévoient d’abolir la réforme du découpage des circonscriptions pour régler le problème posé par la Cour d’arbitrage.

224 La plupart reconnaissent qu’en l’absence de modification législative, l’arrêt n’aurait aucune incidence sur les prochaines élections, qui devraient se dérouler de la même manière qu’en 2003, faute pour la Cour d’arbitrage de pouvoir se saisir d’une carence législative et de pouvoir se substituer au législateur pour élaborer une solution. « Il ne se passera strictement rien en 2007 si le législateur n’a pas réagi à la situation actuelle », selon le professeur Verdussen [138]. Toutefois, certains suggèrent dans ce cas de justifier le maintien de la circonscription en montrant le but légitime de protection des francophones et des néerlandophones qu’elle permet d’atteindre. Le cas échéant, cette justification peut être apportée au moyen d’une disposition interprétative de l’article 63 de la Constitution.

225 La commission de l’Intérieur de la Chambre poursuit ses réunions jusqu’au début de mai 2005 dans une atmosphère politique de plus en plus tendue, pouvant se résumer par : « une solution ou la crise ». Ses travaux prennent fin avec la déclaration du Premier ministre du 11 mai demandant la confiance à la Chambre (cf. infra).

5. LE GROUPE DE TRAVAIL INFORMEL DU PREMIER MINISTRE ET L’ESQUISSE D’ACCORD (AVRIL-MAI 2005)

226 Les discussions sont suspendues pendant les vacances de Pâques (fin mars à début avril). Chacun reconnaît qu’un coup d’accélérateur doit être donné aux négociations si l’on veut éviter le pire. Semaine après semaine, il devient de plus en plus difficile d’éviter que la commission de l’Intérieur entame ses travaux et franchisse les limites de l’irréparable pour l’avenir du gouvernement fédéral. La majorité flamande est tendue, un incident peut survenir à tout moment. Les francophones pratiquent en commission de l’Intérieur une obstruction parlementaire assimilable à un véritable travail d’opposition.

227 La secrétaire d’État fédérale Els Van Weert (Spirit) menace de démissionner, le ministre flamand Bert Anciaux (Spirit) également. L’éventuel départ de ce dernier menace directement la stabilité du gouvernement flamand.

228 Le vice-Premier ministre Johan Vande Lanotte est le seul membre du gouvernement à réclamer une solution pour le 10 mai, date dont le dépassement, selon lui, plongerait le pays dans la crise. Du coté flamand, seul le Vlaams Belang a un réel intérêt à ce que la situation se dégrade et débouche sur de nouvelles élections.

5.1. L’HYPOTHÈSE DE LA RÉVISION DE L’ARTICLE 63 DE LA CONSTITUTION

229 En avril 2005, une rumeur prend cours du côté flamand : il s’agit de la « piste 63 », qui consiste à répondre aux critiques de la Cour d’arbitrage en confirmant la loi de 2002, laquelle faisait correspondre les circonscriptions électorales aux territoires des provinces, mais en assurant la sécurité juridique de la solution annulée par la Cour d’arbitrage, et ce en révisant l’article 63 de la Constitution. La plupart des constitutionnalistes auditionnés au Parlement avaient évoqué cette possibilité, se basant sur le fait que la Cour ne parlait pas de discrimination dans son arrêt d’annulation, mais bien d’inconstitutionnalité. En outre, en modifiant l’article 63 de la Constitution, on pouvait priver la Cour d’arbitrage de la possibilité d’annuler la loi, dans la mesure où elle se reconnaissait incompétente pour se prononcer sur un choix du constituant.

230 L’hypothèse de la révision de l’article 63 de la Constitution propose le retour au système inclus dans la réforme électorale de 2002 et annulé par la Cour d’arbitrage. En échange de la non-scission, les Flamands obtiendraient le transfert d’une série de compétences vers les régions : la sécurité routière et certains transports par voie ferrée, l’énergie et les implantations commerciales, la coopération au développement, voire l’emploi et la concertation sociale, qui furent cités par la presse Cette piste implique le vote d’une loi spéciale à la majorité des deux tiers. S’il est pensable d’obtenir l’appui du CDH du côté francophone, il est très difficile, pour ne pas dire impensable, d’imaginer que le CD&V puisse accepter la manœuvre [139]. Or son accord paraît nécessaire pour s’assurer de la majorité dans le groupe linguistique néerlandais dans chacune des Chambres, et pour conserver la cohésion du gouvernement flamand. Il faut également convaincre Écolo, présent au gouvernement bruxellois, que pour les francophones, le jeu en vaut la chandelle.

231 Le transfert de compétences implique un risque supplémentaire pour les francophones étant donné que les entités fédérées pourraient ne pas recevoir l’ensemble des moyens financiers leur permettant de gérer ces nouvelles matières. Or, si la Flandre est prête à créer des réserves financières en vue de ces nouveaux transferts, la Wallonie ne dispose d’aucun moyen supplémentaire ; son budget lui permet uniquement de respecter les recommandations du Conseil supérieur des finances et les engagements pris à l’égard des autres entités.

232 Cette piste sera dénoncée par Spirit le 25 avril, celui-ci menaçant de sortir du gouvernement fédéral si on devait recourir à cette technique juridique, qui aurait eu pour effet de maintenir et, pratiquement, de « constitutionnaliser » la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde.

5.2. LA CRÉATION DU GROUPE DE TRAVAIL INFORMEL

233 À partir du 24 avril 2005, le Premier ministre réunit un groupe de travail informel, différent dans sa structure et dans sa composition de tout ce qui avait été créé jusqu’alors. Se réunissant dans des endroits tenus secrets, « le Groupe des douze », comme on l’appelle, est composé des présidents de parti, des vice-Premiers ministres et de personnalités importantes, soit trois membres par parti (ou par cartel, comme c’est le cas pour le cartel SP.A – Spirit) appartenant à la majorité fédérale.

234 Il s’agit de Guy Verhofstadt, Patrick Dewael (vice-Premier ministre) et Bart Somers (président), plus, à l’occasion, Karel De Gucht [140], pour le VLD ; d’Elio Di Rupo (président), Laurette Onkelinx (vice-Première) et de Philippe Moureaux (président de la Fédération bruxelloise) pour le PS ; de Didier Reynders (vice-Premier, président), Jacques Simonet (président de la Régionale de Bruxelles du MR) et d’Olivier Maingain (président du FDF) pour le MR ; et de Steve Stevaert (président), Johan Vande Lanotte (vice-Premier) et Geert Lambert (président de Spirit) pour le cartel SP.A – Spirit.

235 Le Groupe des douze se réunit à diverses reprises entre le 24 avril et le 10 mai dans des endroits qui restent secrets, du moins jusqu’après les réunions.

236 Dès le début des négociations, deux grandes options semblent mises sur la table : d’une part, la « piste 63 » déjà évoquée, accompagnée, pour satisfaire les partis flamands, d’un transfert de diverses compétences ; d’autre part, la scission, avec, pour les francophones, la reconnaissance d’un droit de vote particulier pour les francophones de Hal-Vilvorde, qui devraient se déplacer à Bruxelles pour l’exercer. Dans cette optique, les francophones doivent abandonner certains droits actuels et accepter la création de ce qui peut apparaître, symboliquement mais aussi en cas d’éclatement du pays, comme une « frontière d’État » entre la Flandre et le reste de la Belgique. Certains leaders flamands veulent à cette occasion aller plus loin encore dans le démantèlement du pays, ce qui est inacceptable pour les francophones qui ne sont en rien demandeurs.

237 À ce moment, rien ne semble être prévu qui puisse présenter un intérêt pour les francophones, sauf un refinancement pour Bruxelles. Du côté flamand, on pense que tôt ou tard les francophones seront demandeurs, tandis que ces derniers évoquent la mise en danger de l’existence de la Belgique par les revendications flamandes.

238 La situation semble donc bloquée, ce qui est confirmé lors des discours du 1er mai au cours desquels le PS et le MR font appel à l’union sacrée des francophones pour résister aux revendications flamandes [141]. Ils refusent l’humiliation à laquelle on veut soumettre les francophones et s’en prennent particulièrement aux anciens de la Volksunie.

239 On n’est pas loin d’évoquer ouvertement le séparatisme ou le confédéralisme comme conséquence de l’absence de solution, non seulement du côté flamand, mais également, avec résignation, du côté francophone [142].

240 Le Groupe des douze parvient cependant à élaborer un projet qui semble pouvoir être accepté par la plupart des participants.

241 Au cours de la sixième réunion, tenue le 9 mai [143] dans une commune du Brabant flamand, les négociateurs, après de nombreux contacts bilatéraux, esquissent un projet d’accord qui équilibre des revendications au départ contradictoires :

  • la demande flamande : l’extinction de certains droits actuellement consentis aux francophones de la périphérie, au moins pour les nouveaux venus ;
  • la demande francophone : le maintien ou l’extension de certains autres droits consentis aux actuels francophones de la périphérie.

242 Sur un certain nombre de dossiers connexes, les points de vue se rapprochent, qu’il s’agisse de l’assouplissement des lois linguistiques à Bruxelles, de la scission de l’arrondissement judiciaire de Bruxelles ou du refinancement de la Région de Bruxelles-Capitale.

243 Ne reflétant ni l’entente, ni la rupture, négociateurs flamands et francophones se séparent sur un projet d’accord qui doit encore être peaufiné, les implications des solutions avancées à ce stade de discussion étant fort complexes.

244 C’est ce projet d’accord qui est refusé par Spirit à la fin des discussions, mettant un terme aux négociations. La principale raison avancée par Geert Lambert, le président de Spirit, est que son parti n’accepte pas les droits nouveaux pour les francophones des six communes à facilités. Il semble que dans un premier temps au moins, il n’ait pas été suivi dans son refus par son partenaire SP.A. Le désaccord entériné, et faute de pouvoir réunir une majorité des deux tiers sans Spirit, les partis flamands de la majorité fédérale considèrent le projet comme inacceptable.

5.3. LE CONTENU DU PROJET D’ACCORD

245 Le 17 juin 2005, le journal Le Soir publie le texte du projet d’accord du 10 mai 2005 [144]. Sans que l’exactitude ni le caractère complet ou définitif de ce document puissent être confirmés (il compile sans doute une série de propositions avancées à des moments divers), il faut constater qu’il reprend une série d’éléments déjà connus [145].

246 L’accord en projet [146] concerne successivement la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde, les six communes de la périphérie à régime linguistique spécial, l’octroi de compétences à la Communauté française dans ces dernières, l’emploi des langues dans les communes bruxelloises, l’arrondissement judiciaire de Bruxelles, et enfin un programme financier de désendettement liant le niveau fédéral et les entités fédérées ainsi qu’un refinancement de Bruxelles.

5.3.1. La circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde

247 L’objectif est d’inscrire dans l’article 63 de la Constitution une série de mesures visant à scinder la circonscription électorale, en échange de quoi les francophones obtiennent de nombreuses exceptions, dans le temps et dans l’espace.

248 Le nouvel article 63 de la Constitution organiserait les élections de la Chambre dans quatre arrondissements administratifs : Bruxelles-Capitale, Hal-Vilvorde, Louvain et Nivelles. Il n’est donc pas créé, officiellement, de circonscription du Brabant flamand comme les partis flamands le demandaient. Cependant, comme dans les dispositions de la loi de 2002 annulées par la Cour d’arbitrage en son arrêt du 26 mai 2003, les listes flamandes sont identiques dans le Brabant flamand (Hal-Vilvorde et Louvain) et à Bruxelles, et le dépôt de listes bilingues n’est plus possible à Hal-Vilvorde et à Bruxelles, contrairement à la législation actuelle.

249 Les listes francophones, elles, seraient les mêmes à Bruxelles et dans les six communes à facilités de la périphérie bruxelloise ; sur ce territoire électoral précis, il n’y a donc aucune modification par rapport à la situation existante [147].

250 La situation sur le plan électoral peut se caractériser comme suit :

  • les électeurs de Bruxelles peuvent voter pour les listes flamandes ou francophones, tout comme les électeurs des six communes à facilités ;
  • les électeurs du Brabant wallon (arrondissement de Nivelles) peuvent voter pour des listes francophones exclusivement, comme c’est le cas actuellement. Ces listes peuvent faire une déclaration d’apparentement avec les listes francophones de
    Bruxelles pour l’attribution des sièges. On ne peut pas être candidat sur deux listes :
    Bruxelles et Brabant wallon ;
  • les électeurs des arrondissements de Hal-Vilvorde et de Louvain peuvent voter pour les candidats qui se présentent également à Bruxelles (ce qui est nouveau pour les électeurs de Louvain), pour autant qu’ils votent pour des listes néerlandophones ;
  • il reste dans le texte diverses hypothèses parmi lesquelles un choix devait encore être fait par les négociateurs. Dans certaines communes de Hal-Vilvorde, les électeurs qui en manifesteraient le souhait pourraient exercer leur droit de vote dans une commune bruxelloise [148]. On retrouverait dès lors, selon le scénario décrit par Le Soir, trois catégories de communes au sein de l’arrondissement de Hal-Vilvorde : celles où rien ne change en matière de droits électoraux, à savoir les six communes à facilités ; celles où le droit de vote pour les listes francophones bruxelloises est conservé, mais moyennant déplacement à Bruxelles ; et celles où ce droit disparaît.

251 L’enjeu principal reste donc la situation des électeurs francophones de Hal-Vilvorde autres que ceux établis dans les six communes de la périphérie bruxelloise. Ceux qui souhaiteraient voter pour une liste francophone présentée à Bruxelles pourraient exprimer leur vote dans une commune bruxelloise à la condition qu’ils habitent une des 17 communes reprises sur une liste bien définie, et qu’ils soient électeurs lors des élections de 2007. Ce régime est donc extinctif : seuls les électeurs de 2007 peuvent en bénéficier. Les enfants n’atteignant pas l’âge de 18 ans en 2007, et les habitants qui viendraient s’installer dans ces communes après 2007, ne pourraient voter que pour une liste flamande. À terme, l’ensemble des habitants de ces communes verront leur choix se limiter aux listes flamandes [149]. Il y a donc une réelle scission de la circonscription, seuls les habitants des six communes à facilités gardant tous leurs droits électoraux.

252 De même, on peut parler de scission dans le sens où, en dehors des six communes à facilités, les électeurs de listes francophones ne votent plus dans leur commune, contrairement aux électeurs de listes néerlandophones, mais dans une commune bruxelloise, où les listes francophones et flamandes sont proposées. Il s’agit d’une application du régime introduit en 1988 [150] pour les électeurs francophones de Fourons, qui peuvent voter à Aubel, et pour les électeurs de Comines-Warneton, qui peuvent voter à Heuvelland [151]. Ce régime a souvent été qualifié de « droit d’inscription » dans la presse, surtout dans celle du Nord du pays. Pourtant, il n’y a aucune inscription qui soit nécessaire ou même possible, contrairement au droit d’inscription qui avait été imaginé en 1977 dans le cadre du Pacte d’Egmont [152].

253 Enfin, la scission pure et simple voulue par les partis flamands est effective pour les habitants de 12 communes [153] de Hal-Vilvorde, situées plus au Nord ou plus à l’Est, qui ne peuvent plus voter pour les listes francophones. La présence francophone n’y est pas réellement avérée [154]. Ce n’est qu’à la fin des négociations que l’idée de créer des régimes différents selon les communes est apparue ; cela rompt avec la logique flamande de circonscription provinciale et atteste la présence d’une minorité francophone dans certaines communes. Mais dans cette approche, les négociateurs flamands ont obtenu la possibilité d’imposer le caractère temporaire des droits reconnus à certains francophones : le vote avec déplacement à Bruxelles pour les habitants de certaines communes.

254 À ce stade, les négociateurs francophones préservent la possibilité pour la grande majorité des francophones de Hal-Vilvorde de voter pour les listes francophones de Bruxelles, surtout dans les six communes à facilités, tandis que les Flamands obtiennent que seules les listes de candidats flamands [155] puissent encore être présentées aux électeurs dans la plus grande partie de l’arrondissement administratif de Hal-Vilvorde. Les Flamands semblent renoncer à imposer la scission pour les communes à facilités, où ils sont minoritaires. Les francophones peuvent présenter le projet comme une véritable reconnaissance du fait que Bruxelles et les communes à facilités ne font qu’un, puisque le régime électoral y est identique. De même pour les compétences que la Communauté française peut y exercer (cf. infra). Dans un certain sens, c’est bien une forme d’extension du régime bruxellois aux communes de la périphérie qui est proposée [156].

255 Dans ce projet, les bourgmestres flamands de Hal-Vilvorde n’ont plus aucune raison de soulever des difficultés en ce qui concerne l’organisation des élections dans leur commune (à moins de s’en tenir à l’argument, pourtant réfuté en droit, selon lequel le dessin des circonscriptions électorales doit tenir compte de la frontière linguistique). Toutefois, comme le précise explicitement le début du projet d’accord, il ne s’agit que d’exécuter l’arrêt de la Cour d’arbitrage, qui ne porte que sur l’élection à la Chambre. Pour le Sénat et le Parlement européen, la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde subsiste. Pour ces élections, les francophones maintiennent l’ensemble de leurs droits.

256 Dans la mesure où les listes flamandes sont communes pour le territoire de Bruxelles-Hal-Vilvorde et de Louvain, la question de la représentation des Flamands de Bruxelles ne se pose plus dans les mêmes termes qu’en cas de scission pure et simple. Selon le projet, alors qu’actuellement les 22 sièges de la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde sont répartis entre listes flamandes et francophones selon les résultats du scrutin, les 29 sièges bruxellois et du Brabant flamand (la circonscription de Louvain dispose de 7 sièges) seraient répartis a priori en 16 sièges N et 13 sièges F, ou en 15 sièges N et 14 sièges F (actuellement, la répartition issue du scrutin de 2003 est de 16 sièges N et 13 sièges F).

5.3.2. Les compétences de la Communauté française et le régime des facilités dans les six communes à facilités de la périphérie

257 Ce chapitre du projet d’accord a créé une véritable surprise. C’est d’ailleurs l’élément qui a entraîné la dénonciation de celui-ci par Spirit, d’abord, et ensuite par les autres partis flamands.

258 Dans le projet, la Communauté française voit ses compétences territoriales élargies aux communes à facilités pour l’ensemble des matières personnalisables (aide aux personnes, santé, aide à la jeunesse, politique des personnes âgées, des personnes handicapées…), et, éventuellement [157], à certaines matières culturelles (bibliothèques, médiathèques, sport, politique de la jeunesse…) et pour l’enseignement, primaire essentiellement, plus particulièrement en ce qui concerne l’inspection et l’accompagnement pédagogique [158]. Au passage, le projet règle un conflit existant depuis quelques années : la Flandre exige que, pour être nommés, les enseignants des écoles francophones de la périphérie aient obtenu un brevet de connaissance du néerlandais, langue qu’ils n’enseignent pas et qu’ils ne doivent pas pratiquer. Cette exigence propre au personnel des administrations communales (lois sur l’emploi des langues en matière administrative) est levée, les enseignants étant soumis aux dispositions, moins contraignantes, des lois sur l’emploi des langues en matière d’enseignement.

259 Le texte laisse deux problèmes en suspens. Tout d’abord, il limite l’exercice des nouvelles prérogatives territoriales de la Communauté française aux utilisateurs qui habitent les communes à facilités. Cela soulève de nombreuses questions, dont on donnera quelques exemples : un home pour personnes âgées sera-t-il réservé aux habitants des six communes à facilités ? Son accès peut-il être interdit à ceux qui résidaient auparavant dans une commune sans facilités ? De même, seuls les habitants de ces communes pourraient-ils y accéder à une bibliothèque francophone ?

260 En matière d’enseignement, une telle règle existe déjà. Mais la Belgique a précisément fait l’objet d’une condamnation par la Cour européenne des Droits de l’homme en 1968 parce que la loi belge interdit l’accès aux écoles des communes à facilités aux enfants dont les parents sont domiciliés dans une autre commune. Le Conseil de l’Europe, dans une directive de 2002, a rappelé à la Belgique l’obligation qui lui incombe d’exécuter l’arrêt l’obligeant à supprimer cette restriction d’accès. Des propositions de loi furent déposées en ce sens, mais ne furent pas suivies d’effet.

261 Ensuite, la proposition de solution aurait aussi posé un problème constitutionnel [159] dans la mesure où les articles 127 et 128 de la Constitution, qui ne sont actuellement pas soumis à révision, limitent les compétences matérielles de la Communauté française à la région de langue française et à la région bilingue de Bruxelles-Capitale. En d’autres termes, il fallait modifier la Constitution pour permettre à la Communauté française d’exercer ses compétences dans les communes à facilités de la périphérie bruxelloise. En effet, l’absence de modification constitutionnelle était susceptible d’entraîner l’annulation de la loi spéciale de réformes institutionnelles ou des décrets de la Communauté française lorsqu’elle assurerait l’exécution de l’accord. Le projet d’accord précise, en vue d’assurer une certaine sécurité juridique, que l’article 142 de la Constitution serait modifié pour charger la Cour d’arbitrage « de veiller à ce que les actes normatifs, en ce compris les circulaires et les instructions générales, soient annulés s’ils vont à l’encontre des droits ou les érodent [160] ».

262 C’est donc la Cour d’arbitrage, qui est composée paritairement de Flamands et de francophones (alors que les plaintes pour non-respect des lois linguistiques dans les actes administratifs sont traitées par des chambres flamandes du Conseil d’État pour ce qui concerne les six communes à facilités), qui devrait faire respecter les nouvelles normes territoriales, en veillant à ce que les actes normatifs ne méconnaissent pas les droits nouvellement consacrés. Dans le même esprit, le projet prévoit que les lois sur l’emploi des langues en matière administrative et en matière d’enseignement ne s’appliqueront pas aux institutions appartenant à la Communauté française établies dans les communes à facilités. Il faut sans doute comprendre qu’elles ne s’appliqueraient pas telles quelles aux institutions relevant de la Communauté française dans les six communes à facilités, mais qu’elles devraient être adaptées afin de donner la possibilité à la Communauté française de subsidier et d’agréer des institutions dans ces communes.

263 Il est difficile de percevoir le fil rouge qui a guidé les négociations et d’expliquer ce revirement par rapport à la distribution territoriale des compétences communautaires. Parmi ces dernières, les compétences en matière culturelle semblent plus difficilement acceptées par les Flamands que les compétences liées à l’aide aux personnes.

264 Dans le débat qui intervint à la Chambre lors du vote sur la question de confiance posée par le gouvernement après la cessation des négociations, le seul sujet discuté de manière un peu plus approfondie entre Flamands fut l’enseignement. L’opposition flamande reprocha à la majorité d’avoir négocié l’introduction de l’enseignement secondaire francophone en périphérie. Cette interprétation était une extrapolation du projet d’accord.

265 Pour ce qui concerne les circulaires linguistiques dites Peeters, Martens et Van den Brande, le texte manifeste une volonté de ne pas geler la situation qui prévalait après les arrêts du Conseil d’État rejetant les recours en annulation formés contre ces circulaires. Le projet prévoit que les facilités prescrites par les lois coordonnées sur l’emploi des langues en matière administrative subsistent, et il tente d’en repréciser le régime. Deux possibilités peuvent être inscrites dans la loi, entre lesquelles le projet d’accord ne tranche pas : les particuliers qui désirent recevoir leurs documents en français doivent introduire annuellement une demande, ou peuvent formuler une demande valant à vie. Le contenu des facilités n’est pas modifié.

5.3.3. L’emploi des langues dans les communes bruxelloises

266 Les dispositions relatives aux agents des communes sont modifiées partiellement. Actuellement, ces agents sont soumis à un bilinguisme individuel si la fonction qu’ils occupent implique un contact avec le public, ce qui pose des problèmes aux agents qui échouent aux épreuves d’obtention du brevet linguistique, délivré par le Selor, et aux communes qui éprouvent des difficultés à remplir leur cadre de personnel dans le respect des lois linguistiques.

267 Le principe serait dorénavant calqué sur celui de l’administration régionale, à savoir le bilinguisme des services et non des agents. Le pourcentage d’agents devant disposer du brevet de bilinguisme serait de 30 ou de 33 %. Les services d’urgence des hôpitaux doivent également être organisés de manière à assurer le bilinguisme des services à tout moment. L’Autorité fédérale doit prendre en charge une partie du coût des primes de bilinguisme.

5.3.4. L’arrondissement judiciaire de Bruxelles

268 Cette partie de l’accord concerne le plus grand nombre de citoyens puisqu’il règle leurs rapports avec les institutions judiciaires. Il s’agit d’un projet d’une ampleur considérable, visant à modifier l’ensemble de la construction de l’appareil judiciaire sur le territoire de Bruxelles et de Hal-Vilvorde.

269 Dans la situation actuelle, il existe un arrondissement judiciaire de Bruxelles, qui couvre les arrondissements administratifs de Bruxelles (19 communes) et de Hal-Vilvorde (35 communes) ; il correspond donc à la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde.

270 Le texte projette de créer un tribunal francophone et un tribunal flamand, par la scission des différents tribunaux existants, à savoir le tribunal de première instance, le tribunal de commerce et le tribunal du travail. Au sein de chaque tribunal, il devrait y avoir un tiers de magistrats bilingues, contre deux tiers aujourd’hui [161]. Les présidents de tribunaux devraient être des bilingues légaux.

271 Les règles constantes de renvoi sont maintenues et adaptées ; cela signifie que rien ne change en principe pour le justiciable, qui peut toujours demander à être jugé dans sa langue [162]. En revanche, les règles sont changées en ce qui concerne la magistrature. Pour ce qui concerne le parquet, il est prévu également de le dédoubler, avec un parquet spécifique à Vilvorde pour les faits commis à Hal-Vilvorde, et un parquet limité à Bruxelles. Dans ce cas également, un certain nombre de bilingues parmi les magistrats de chaque rôle linguistique est prévu, avec 20 % de magistrats francophones à Vilvorde, 20 % de magistrats néerlandophones à Bruxelles, et, pour chaque parquet, un tiers de bilingues. Les parquets sont dirigés par un procureur du Roi, bilingue, et d’un rôle linguistique différent à Vilvorde et à Bruxelles. Des règles relatives au traitement des dossiers dans le cadre des informations judiciaires restent à préciser.

5.3.5. Le nouveau programme financier de désendettement et le financement de Bruxelles

272 L’accord comporte aussi un volet financier exigé par certains négociateurs. Il s’agit de refinancer la Région bruxelloise, ses commissions communautaires et ses communes, tout en tenant compte du programme de désendettement de la Belgique vis-à-vis des normes européennes. Cet effort financier est censé couvrir les charges spécifiques liées au rôle de Bruxelles en tant que capitale. Ce dossier n’a manifestement aucun rapport avec les discussions sur les autres points, sauf dans la mesure où les montants destinés à Bruxelles compensent des sacrifices faits par les francophones, et sont censés éviter des discussions ultérieures.

273 Le projet d’accord précise que le gouvernement fédéral proposera au Comité de concertation un nouvel accord de coopération portant sur les objectifs budgétaires, en étant conscient qu’au sein du Comité de concertation, les représentants de la Flandre pourraient marquer leur accord comme ne pas le marquer. L’engagement relatif au volet financier est lié au consensus sur l’ensemble du dossier, y compris le ralliement à obtenir de la part du CD&V, qui dirige le gouvernement flamand mais n’est pas partie prenante à la discussion.

274 Dans ce dossier, un élément nouveau doit être pris en considération : un financement supplémentaire pour Bruxelles « de 16 millions € en 2006,32 millions en 2007,48 en 2008,64 en 2009 à vitesse de croisière, qui procure suffisamment de moyens pour la fonction internationale et pour le rôle de capitale de Bruxelles [163], tout en mettant un terme notamment aux contestations financières pendantes, dont celle de la mainmorte [164] ».

5.4. L’ANALYSE DU PROJET D’ACCORD DU 10 MAI 2005 EN FONCTION DES DISCUSSIONS ANTÉRIEURES

275 Succinctement, quelques considérations sont développées ci-après en ce qui concerne les revendications flamandes et leur évolution au cours de ces dernières négociations.

5.4.1. Une négociation portant sur un nombre limité de points

276 Lors du dernier tour de table, les discussions paraissent se limiter aux points décrits ci-dessus. Rappelons que la presse avait évoqué pendant plusieurs semaines de nombreux autres sujets de négociation, notamment le transfert de compétences compensant vis-à-vis de la Flandre une scission incomplète de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Il aurait été question de la régionalisation de la sécurité routière, de la coopération au développement, de l’énergie, de l’octroi des autorisations concernant les implantations commerciales, etc. Aucune allusion à ces problèmes ne se trouve dans le texte discuté à la fin des négociations. D’autre part, aucune initiative ne semble prévue pour relancer le Forum ou une autre forme de négociation sur ces matières, alors que des revendications flamandes sont mises en avant depuis plusieurs années.

5.4.2. L’accroissement des compétences de la Communauté française

277 Les négociateurs francophones ont évolué également au cours des débats, partant de l’extension des limites de la Région bruxelloise comme contrepartie de la scission de la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde [165] pour aboutir à une extension territoriale des compétences de la Communauté française.

278 La possibilité de confier à la Communauté française des compétences dans les communes à facilités, qui implique plus que la reconnaissance d’une minorité francophone dans ces communes, est un fait remarquable et une évolution intéressante dans le débat communautaire belge. C’est en principe inacceptable pour les Flamands [166], mais cela figure pourtant bel et bien dans le projet d’accord. Certains commentateurs, en particulier du côté flamand, ont estimé que cet élément a constitué « le pas de trop » que les francophones auraient dû s’abstenir de faire pour ne pas braquer les négociateurs flamands et éviter une rupture de dernière minute, voire la « provocation » qu’ils auraient délibérément employée pour faire capoter l’accord et donc la quasi-scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde [167]. Il reste que l’on ne saura jamais si l’accord aurait été conclu et exécuté en l’absence de cet élément.

279 Une modification des frontières régionales, qui aurait impliqué automatiquement une extension territoriale des compétences de la Communauté française, était inacceptable du côté flamand. L’idée de permettre aux francophones de communes flamandes où ils sont majoritaires d’être les bénéficiaires des politiques de la Communauté française constitue déjà une innovation qui transcende les solutions trouvées au fil des années antérieures. Dans la logique consistant à permettre aux politiques communautaires de se développer là où se situent les personnes qui se reconnaissent comme relevant de cette communauté, il convient de développer un fédéralisme personnel, qui transcende la logique régionale axée sur la territorialité. Tout le combat flamand vise à éviter cette ligne de force et à maintenir le principe de territorialité comme cadre d’action des communautés, tel que validé par la Cour d’arbitrage.

5.4.3. La scission de l’arrondissement judiciaire

280 Le dossier de l’arrondissement judiciaire semble avoir assez facilement rencontré des éléments de solution. Le texte est encore rudimentaire, de nombreuses options devant encore être définies. Cependant, on observe que les partis flamands veulent une scission du parquet, qu’ils obtiennent, mais acceptent de reconnaître de manière plus que symbolique la présence de 20 % de justiciables francophones dans Hal-Vilvorde [168]. Un dédoublement des tribunaux à Bruxelles, mais conservant leur ressort couvrant Hal-Vilvorde, est aussi une évolution marquante, sachant que d’autres options ont été défendues du côté flamand, notamment une scission territoriale avec la création d’un tribunal néerlandophone séparé, compétent uniquement pour Hal-Vilvorde.

281 Le projet d’accord impliquant des conséquences financières importantes, de longues discussions étaient à prévoir sur le fonctionnement pratique des deux parquets pour un seul siège, ainsi que sur la fixation de règles de renvoi des affaires entre les deux parquets compétents pour un même arrondissement [169]. La seule question résolue dans le projet est celle du pourcentage de magistrats de chaque rôle linguistique, ce qui préfigure nécessairement les solutions à donner à d’autres problèmes ; en tout cas, le parquet de Hal-Vilvorde fonctionnerait aussi en français.

5.4.4. L’emploi des langues à Bruxelles

282 Le projet d’accord concernant l’application des lois linguistiques à Bruxelles est sans doute moins controversé, mais plus révolutionnaire que d’autres aspects. Il vise à mettre fin à la controverse relative aux circulaires dites de courtoisie linguistique à Bruxelles, suspendues par le Conseil d’État [170], ce qui menace la continuité du service public faute de trouver les agents répondant aux lois sur l’emploi des langues. Les mesures proposées impliquent un bouleversement des règles pour le personnel communal, qui aurait désormais été soumis au bilinguisme des services et non plus au bilinguisme des agents. Cette modification s’accompagne aussi de la résolution du contentieux autour de la question des services de secours et des hôpitaux, qui a été porté devant le Conseil de l’Europe par des parlementaires flamands [171].

283 L’accord qui avait apparemment été conclu entre Bruxellois et qui devait servir à appuyer l’accord négocié par le Groupe des Douze sur ce point semblait devoir être dénoncé par le CD&V bruxellois, qui voulait généraliser le bilinguisme individuel des agents [172].

284 Les solutions recherchées dans les différentes parties de cet accord visaient à concilier les principes et le cadre institutionnel existants avec la volonté d’accorder de meilleures possibilités d’accès aux institutions et aux services publics, tout en opérant une forme de scission de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde et, de manière encore plus sophistiquée, de l’arrondissement judiciaire de Bruxelles, qui préserve les principaux droits des francophones.

285 L’hypothèse d’assouplir les règles sur l’emploi des langues à Bruxelles pour dégager plus facilement un accord tournant autour d’un scénario de scission de la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde avait été examinée dès janvier 2005 au sein de la majorité fédérale. Selon certaines sources, un accord en ce sens aurait parallèlement été conclu entre Bruxellois flamands et francophones.

6. L’ARRÊT DES NÉGOCIATIONS ET LE VOTE DE CONFIANCE AU GOUVERNEMENT (10-13 MAI 2005)

286 Le 10 mai 2005 dans la soirée, il s’avère que le président de Spirit ne veut pas accepter de continuer la discussion sur le projet en négociation. Par ailleurs, l’attitude de la secrétaire d’État Spirit du gouvernement fédéral, Els Van Weert, est source de difficulté. Elle pose ses conditions à la poursuite des négociations au cours de journaux télévisés, au moment même où son président de parti est assis à la table des négociations. Cette situation indispose au plus haut degré les représentants de tous les partis, y compris ceux du SP.A [173].

287 Les négociateurs décident dès lors d’arrêter les discussions et de poursuivre ensemble le travail gouvernemental fédéral. Les présidents de parti conviennent que le Premier ministre fera le lendemain une déclaration à la Chambre, après avoir préalablement fait rapport au Roi sur la situation politique. L’idée d’une démission faute d’accord, qui prévalait dans la presse suite aux déclarations en provenance essentiellement du SP.A (tant de Steve Stevaert que de Johan Vande Lanotte), est immédiatement écartée [174]. L’annonce de l’échec des négociations est faite concomitamment avec l’annonce du scénario « ni scission, ni crise » préparé quelques heures auparavant, chacun mesurant que Spirit n’est pas, en cette situation, un partenaire fiable. Par ailleurs, l’essentiel des dispositions implique un vote à la majorité spéciale des deux tiers, et cette majorité n’existe pas. En effet, le CD&V avait durci le ton et ne voulait pas négocier : il n’aurait donc pu soutenir, même du bout des lèvres, un accord qui lui serait présenté déjà achevé. Il aurait sans doute été plus facile de convaincre le CDH de soutenir le projet, étant donné sa présence dans les exécutifs à la Communauté française, à la Région wallonne et à la Région de Bruxelles-Capitale, et compte tenu de la teneur de l’accord. Cependant, avec ses six députés et ses deux sénateurs, Spirit était incontournable pour obtenir la majorité des deux tiers, vu l’opposition du CD&V.

6.1. LA DÉCLARATION GOUVERNEMENTALE

288 Le 11 mai 2005, l’ordre du jour de la Chambre appelle la déclaration gouvernementale [175]. Le Premier ministre commence par constater qu’il s’avère impossible de dégager la majorité requise pour une solution pouvant « être acceptée par les deux grandes communautés de notre pays ». Il insiste donc sur le fait que la majorité gouvernementale n’a pas pu réunir les deux tiers des voix nécessaires, à défaut de participation constructive de l’opposition. Il insiste à nouveau sur le danger que présenterait un vote d’une communauté contre une autre, un vote flamand en faveur d’une proposition de loi de scission entraînant le dépôt d’une motion de « sonnette d’alarme » par les francophones.

289 Une solution peut-elle être envisagée à terme ? Le Premier ministre se déclare immédiatement candidat pour en trouver une, mais cela nécessite du temps et l’instauration d’un climat serein auquel il va travailler.

290 La Cour d’arbitrage, dans son arrêt du 26 mai 2003, imposait-elle une solution avant 2007 ? L’ensemble du monde politique semblait jusqu’alors considérer que oui, les Flamands exigeant une loi de scission avant cette date et son application dès le scrutin fédéral de 2007, tandis que les francophones proposaient ou négociaient une alternative pour la même échéance. C’est donc de manière inattendue que le Premier ministre explique que la date fixée par la Cour d’arbitrage est le 24 juin 2007, mais que cette date ne se situe pas nécessairement avant les élections fédérales de 2007, le scrutin étant souvent anticipé de quelques semaines. En d’autres termes, selon le gouvernement, il est juridiquement permis d’exécuter l’arrêt de la Cour d’arbitrage après l’élection fédérale de 2007.

291 Cette déclaration de Guy Verhofstadt mérite un éclaircissement. Dans son arrêt du 26 mai 2003, la Cour d’arbitrage évoque d’abord le « délai de quatre ans prévu par l’article 65 de la Constitution », c’est-à-dire le délai séparant deux élections législatives fédérales, ce qui avait donné à penser qu’elle exigeait une solution pour Bruxelles-Hal-Vilvorde avant le scrutin de 2007. Mais elle ajoute que ce délai prend cours « au moment déterminé par l’article 105 du Code électoral », qui le calcule à partir de la date de cooptation des sénateurs au début de la législature en cours [176], ce qui fixe le délai, en l’occurrence, au 19 juin 2007, et détermine la date des élections au dimanche suivant, à savoir le 24 juin 2007 : « Je tiens à souligner, déclare le Premier ministre à la Chambre, que la Cour d'arbitrage estime qu'il est nécessaire de régler le problème au plus tard pour le 19 juin 2007 et par conséquent pas nécessairement avant les prochaines élections de 2007. » En effet, il est fréquent que la date de scrutin calculée conformément à l’article 105 du Code électoral ne soit pas respectée et que le scrutin soit quelque peu anticipé : le délai de quatre ans fixé par le Code électoral aurait impliqué de voter le 4 juillet 1999 et le 18 juillet 2003, ce qui ne fut pas le cas [177]. Pour des raisons diverses, la fin de la législature est souvent écourtée par le vote d’une déclaration de révision de la Constitution qui détermine la date des élections puisqu’elle a pour effet de dissoudre les Chambres et de contraindre le gouvernement à adopter un arrêté royal portant convocation des électeurs dans les quarante jours.

292 Le raisonnement ainsi défendu par le gouvernement, et qui a surpris puisque la majorité s’était efforcée de trouver une réponse à l’arrêt de la Cour d’arbitrage avant le prochain scrutin fédéral, n’a pas été contesté par le CD&V. Il n’est pas certain pour autant qu’il respecte l’intention de la Cour d’arbitrage ni l’esprit du Code électoral, puisque le calcul du délai devant séparer deux scrutins fédéraux a pour objectif, conformément à l’article 65 de la Constitution, d’organiser des élections fédérales tous les quatre ans : par principe, les élections doivent se tenir le jour ainsi calculé, et non préalablement à cette date qui est destinée à fixer le terme de la législature. Il s’agit bien, à l’article 105 du Code électoral, de définir strictement le délai de quatre ans qui détermine la date des prochaines élections, délai qui ne peut, par définition, aller au-delà, le Code électoral ne faisant que préciser ce que la Constitution et la Cour d’arbitrage entendent par « quatre ans ». Cela étant, la Cour d’arbitrage n’a ni exclu l’hypothèse d’élections anticipées, ni affirmé de manière explicite qu’une solution devait être trouvée concernant la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde avant les prochaines élections, et appliquée dès ces élections [178] : relu à la lumière de la déclaration du Premier ministre, l’arrêt de la Cour s’avère moins univoque qu’il le semblait jusqu’alors.

293 L’interprétation de l’arrêt de la Cour d’arbitrage que l’on peut dégager à la lecture des différents avis des constitutionnalistes interrogés en commission de l’Intérieur de la Chambre est que la Cour d’arbitrage ne peut de toute manière pas rendre son délai effectif. Il s’agit d’une invitation adressée au législateur, combinée avec une menace, mais en l’absence de réaction du législateur, la Cour ne peut pas imposer ses vues [179]. En tout état de cause, la Cour a donné un délai de quatre ans, et elle n’a pas assorti son arrêt de dispositions particulières en cas d’élections anticipées [180].

294 Que vont devenir les diverses propositions de loi ? Le Premier ministre demande l’ajournement sine die de leur examen. Par son vote de confiance à la Chambre, la majorité donne son assentiment, et plus formellement encore la semaine suivante par un vote de procédure en commission de l’Intérieur.

295 À la fin de son intervention, le Premier ministre dépose une motion de confiance. En demandant la confiance, il met l’accent sur l’importance des autres chantiers en cours et sur des réalisations prévues dans l’accord de gouvernement sur les plans social et économique.

6.2. LE DÉBAT ET LE VOTE

296 Le CDH se contente de constater l’absence d’accord, qu’il attribue à la fermeté des francophones à faire respecter les équilibres institutionnels. Le CDH, déclare Melchior Wathelet « (…) se réjouit d’avoir pu contribuer, comme parti d’opposition, à une position ferme et sereine dont on peut, aujourd’hui, mesurer l’efficacité ». Ce parti critique également la méthode de négociation du Premier ministre, et annonce qu’il refuse la confiance pour les dossiers socio-économiques.

297 Bien que le projet d’accord ne soit à ce moment révélé que par bribes et morceaux, l’opposition flamande l’attaque sur deux points particuliers : d’une part, l’absence de scission pure et simple et le droit d’inscription au plan électoral ; d’autre part, le non-respect de la frontière linguistique.

298 Le CD&V accuse le VLD et le SP.A – Spirit de se désengager de la politique du gouvernement flamand et de ne pas avoir tout mis en œuvre pour appliquer l’accord gouvernemental.

299 Dirk Van der Maelen (SP.A) pense que les négociateurs étaient proches d’un accord : « Bruxelles-Hal-Vilvorde est un problème tenace qui trouve son origine dans la fixation de la frontière linguistique en 1962. Aucun gouvernement n’a trouvé de solution, mais nous n’en avons encore jamais été aussi proches. Je remercie les négociateurs flamands et en particulier le Premier ministre et le ministre des Réformes institutionnelles pour les efforts qu’ils ont déployés. L’avenir prouvera que les bases d’une solution ont été jetées aujourd’hui et les fruits pourront en être cueillis lorsque le problème sera réexaminé, par exemple lors de la formation d’un prochain gouvernement. »

300 Pour Koen T’Sijen (Spirit), « Spirit est resté cohérent par rapport à l’accord de gouvernement flamand et aux électeurs à qui les partis flamands avaient fait des promesses. (…) Les demandes des francophones qui avaient été formulées au cours des dernières heures étaient inacceptables à nos yeux. Il s’agissait en l’espèce de la semi-scission, de concessions dans les communes à facilité et de l’exigence unilatérale de moyens nouveaux. (…) On ne résout pas un problème en en créant dix supplémentaires. »

301 Du côté des partis francophones de la majorité, le débat porte peu sur l’échec de l’accord mais bien sur les orientations du programme socio-économique et sur la capacité du gouvernement à réaliser son programme. Olivier Maingain et Daniel Bacquelaine (MR) ménagent leurs alliés flamands de la majorité en accusant le CD&V d’être par son attitude intransigeante à la source de l’échec. Selon Daniel Bacquelaine, « (…) le refus obstiné des sociaux-chrétiens du Nord du pays quant à une quelconque solution, quant à un quelconque dialogue rendrait évidemment totalement inopérante et stérile l'organisation de nouvelles élections. L'intransigeance, voire l'intolérance du CD&V, le mépris qu'il affiche vis-à-vis de l'une des deux grandes communautés de ce pays le marginalise constamment. »

302 Dans leurs contacts avec la presse, les négociateurs francophones peuvent difficilement cacher leur peu d’empressement à reparler du communautaire.

303 Au terme du débat, et dans les semaines qui ont suivi, il est apparu avec évidence qu’aucune autre négociation institutionnelle ne serait menée sous l’actuelle législature fédérale, ce qui fait du Forum une enceinte mort-née, dont il n’a même pas paru nécessaire d’annoncer la dissolution.

304 Le vote de confiance intervient 48 heures après la déclaration gouvernementale, soit le 13 mai. La confiance est accordée au gouvernement par 97 députés, tous de la majorité ; 50 députés, tous de l’opposition, votent contre la motion de confiance. Il n’y a pas d’abstention.

6.3. LES SUITES EN FLANDRE ET AILLEURS

305 Comme annoncé lors du débat à la Chambre, les représentants du CD&V suspendent leur participation aux travaux du gouvernement et du Parlement flamands pour cause de rupture de confiance entre les partenaires gouvernementaux, ce qui crée un climat de forte tension. Le 18 mai, le Parlement flamand entend une déclaration du ministreprésident Yves Leterme au nom de son gouvernement, destinée à restaurer la confiance entre les partenaires [181]. Cette déclaration s’en prend essentiellement aux francophones et annonce le renforcement du caractère flamand de la périphérie [182] et le respect de l’intégrité du sol flamand [183]. Le ministre-président Leterme déclare refuser l’ensemble des éléments contenus dans le projet d’accord, à savoir le fait de maintenir la faculté pour les francophones des communes à facilités de voter pour les listes francophones, l’assouplissement des lois linguistiques, le recours au droit d’inscription ou encore l’extension territoriale des compétences de la Communauté française aux communes à facilités.

306 La déclaration du ministre-président reprend en sus une série de revendications institutionnelles [184], dont certaines très factuelles, mais sans tentative de blocage du système institutionnel. Une des mesures qui devrait apporter le plus de clarification à l’avenir est celle prévoyant une étude portant sur les transferts financiers entre les régions. Remarquons que le gouvernement flamand n’hésite pas une fois de plus à prendre des positions sur des dossiers pour lesquels il n’a aucune compétence [185], comme il l’avait déjà fait en juillet 2004 pour la scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde.

307 Pour le SP.A et le VLD, l’essentiel est de préserver le fonctionnement du gouvernement fédéral, d’éviter d’en arriver à ce que certains avaient brandi comme une menace : ne plus collaborer aux mécanismes fédéraux. Yves Leterme déclare s’être heurté aux limites du fédéralisme de coopération, mais, cela étant dit, il ne peut pas prendre le risque de paralyser le fonctionnement des institutions flamandes, ni des mécanismes de concertation entre les diverses composantes de l’État.

308 Dans les jours suivants, la Flandre obtient l’annulation du projet fédéral de prélèvement imposé par le pouvoir fédéral, de la cotisation sur le pécule de vacance des fonctionnaires. Alors que la Chambre avait déjà voté ce projet, il est amendé au Sénat : après la fin de la procédure en conflit d’intérêts engagée par le Parlement flamand, le gouvernement fédéral accepte de revenir en arrière et de renoncer à cette perception.

309 Le 8 juin 2005, le Comité de concertation approuve un accord relatif aux objectifs budgétaires des entités fédérées, dont chacun se déclare satisfait. Il est difficile de savoir quel aurait été le contenu de cet accord dans le contexte d’un accord sur Bruxelles-Hal-Vilvorde, mais en tout cas il évite ce qui apparaissait comme une menace de la Flandre, à savoir empêcher que la Belgique remplisse ses obligations en termes d’objectifs budgétaires vis-à-vis de l’Union européenne.

CONCLUSION

LES REVENDICATIONS ET LA STRATÉGIE DES PARTIS FLAMANDS

310 Au fil du temps, les revendications flamandes se sont à la fois développées quant au nombre de matières visées, et affinées quant à un certain nombre de leurs aspects spécifiques. La synthèse de ces exigences est contenue dans les cinq résolutions de 1999 auxquelles sont venus s’ajouter les desiderata repris dans la déclaration gouvernementale flamande de 2004.

311 Au cours de la période allant de 1999 à 2005, un certain nombre de revendications ont été réalisées en tout ou en partie. D’autres, comme celles relatives aux allocations familiales et aux soins de santé, n’ont jusqu’à présent pas été abordées, mais le seront sans doute dans un proche avenir. Un tableau synoptique de l’état d’avancement des réalisations figure en annexe.

312 Les revendications flamandes résultent de requêtes émanant tour à tour de personnalités et de partis. Nul doute qu’une surenchère flamande a joué et qu’elle continuera à jouer. Jusqu’à présent, aucun signe tendant à calmer le jeu ne s’est durablement manifesté. L’impression qui se dégage de l’observation de la vie politique en Flandre est qu’elle s’inscrit volontairement dans un processus évolutif qui pourrait ne pas avoir de fin en matière de réformes. Il pourrait éventuellement déboucher sur l’instauration d’une nouvelle structure étatique, à savoir le confédéralisme. Chaque négociation communautaire peut être interprétée comme un pas dans cette direction, comme si l’on assistait au franchissement d’étapes successives vers l’objectif à atteindre, et ce même si la plupart des partis flamands sont ambigus quant à la nature exacte de cet objectif.

313 Depuis la législature 1995-1999, sous la houlette du ministre-président Luc Van den Brande, la stratégie flamande consiste à élaborer collectivement, et dans la transparence, un très ample cahier de revendications sur lequel un maximum de partis s’engagent par la voie de résolutions solennelles adoptées par le Parlement flamand, et dont on retrouve à peu près la copie conforme dans l’accord de gouvernement flamand, que ce soit en 1999 ou en 2004. Il revient alors aux partis qui sont simultanément au pouvoir au niveau flamand et au niveau fédéral de créer les conditions – ou de profiter des conditions – permettant d’impliquer les francophones dans des négociations institutionnelles qui supposent, pour aboutir, des votes à la majorité des deux tiers à la Chambre comme au Sénat.

314 Cette démarche a encore été suivie quant à la scission de la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde, et elle a failli aboutir. Mais une rupture a été opérée en 2004 par le dépôt d’une proposition de loi de scission que les partis flamands entendaient faire adopter par leurs seuls représentants, sans négociation avec les francophones et sans compensation.

315 Les partis flamands de la majorité fédérale ont néanmoins ouvert une négociation, et envisagé une longue liste de garanties et de compensations. Il revient à chacun d’apprécier si l’échec fédéral, apparemment dû à l’élargissement des compétences territoriales de la Communauté française, est une conséquence de la stratégie flamande, contrainte d’en passer par de fortes concessions pour sauver l’essentiel après avoir renoncé à faire tomber le gouvernement fédéral sur Bruxelles-Hal-Vilvorde, ou une conséquence d’un excès d’optimisme des francophones, mesurant mal les limites de ce qui était acceptable pour les négociateurs flamands. Les deux explications ne s’excluent du reste pas forcément l’une l’autre.

316 Quoiqu’il en soit, la stratégie des partis de la majorité gouvernementale flamande a échoué. Elle consistait à exiger une négociation avec les francophones sur les questions institutionnelles et une scission « sans délai » de la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde ; or il y a eu négociation, sans succès et donc sans scission, sur Bruxelles-Hal-Vilvorde, et abandon de la négociation institutionnelle au Forum.

L’ATTITUDE ET LES OBJECTIFS DES PARTIS FRANCOPHONES

317 Les partis francophones ont adopté une attitude commune à l’égard des revendications des négociateurs flamands et ont agi en conformité avec les décisions prises. Lors de la négociation précédente, il n’y avait pas eu de front francophone uni dès le début de la négociation, ni de détermination de positions communes à adopter à l’égard des matières faisant l’objet du contentieux communautaire : les francophones avaient uni leurs efforts uniquement pour demander le refinancement de la Communauté française et de la Commission communautaire française ainsi qu’un financement adéquat pour la Région de Bruxelles-Capitale.

318 Malgré les divergences de sensibilité et d’intérêts entre les partis francophones de la majorité fédérale, le MR obtenant plus du double du score électoral du PS dans la périphérie bruxelloise, le front francophone élargi au CDH et à Écolo s’est maintenu pendant le bras de fer sur Bruxelles-Hal-Vilvorde, incluant des préoccupations proprement bruxelloises (assouplissement des lois sur l’emploi des langues) dans une négociation dont l’enjeu principal était la périphérie. Ceci n’augure pas pour autant de la capacité des partis francophones à définir une stratégie à moyen terme et à arrêter des positions qui, si elles ne peuvent pas être unanimes, devraient être suffisamment cohérentes pour faire front lors de prochaines négociations.

319 Dans de nombreux cas, les exigences flamandes furent acceptées favorablement par les Wallons et par les Bruxellois car elles correspondaient à des avancées renforçant les compétences des entités fédérées. Dans la solution apportée au refinancement de la Communauté française en 2001, les négociateurs flamands, bien que n’étant pas demandeurs, ont vu l’opportunité d’obtenir des montants financiers très importants grâce à une clé de répartition qui leur est favorable, et d’engranger parallèlement un net renforcement de l’autonomie fiscale des régions. Ceci a notamment pour conséquence qu’actuellement, du côté flamand, on est prêt à accepter de nouveaux transferts de compétences sans qu’ils soient assortis des crédits budgétaires correspondants.

LA POLITIQUE DES GOUVERNEMENTS VERHOFSTADT DANS LES MATIÈRES INSTITUTIONNELLES

320 L’analyse des accords conclus et les négociations qui les ont entourés font apparaître la diversité des méthodes et des procédures employées par le pouvoir fédéral, qui est seul à assumer la responsabilité finale de la réforme de l’État puisqu’elle passe par l’adoption de lois spéciales ou par la révision de la Constitution.

321 Examinons le bilan en cette matière du précédent gouvernement et de celui qui est actuellement en place. Les procédures et les différentes techniques qui ont été utilisées, pêchent par un manque de clarté et de continuité. À diverses reprises, le Premier ministre a pris des initiatives qui ne furent pas toujours suivies ni récompensées.

322 Les procédures utilisées montrent que la Belgique reste un modèle d’imagination en matière d’ingéniérie institutionnelle. Le nombre et la complexité de nos institutions sont la résultante directe des négociations conclues au cours de compromis en vue de maintenir la « paix communautaire ». Dans ce domaine, la période de 1999 à 2005 a été particulièrement fertile.

323 La manière dont les problèmes institutionnels furent appréhendés relève d’un pragmatisme jamais démenti, alors que la cohérence est difficile à déceler dans la façon dont les dossiers furent traités. Au cours de la dernière négociation sur Bruxelles-Hal-Vilvorde, cette méthode pragmatique a été à deux doigts d’apporter une solution à des problèmes dont la nature avait très fortement évolué au cours des discussions. Le retour à la case départ contraindra sans doute les futurs négociateurs à encore plus d’efforts d’imagination et de patience s’ils veulent aboutir.

324 La prolifération d’organes et de groupes de travail a caractérisé la période 1999-2005. Leur dénomination et leur composition ont varié à chaque stade : il y a eu des organes créés et des organes institutionnels.

325 Parmi ceux qui furent créés par le gouvernement, se trouvaient :

  • la Conférence intergouvernementale et interparlementaire du renouveau institutionnel (CIIRI), composée paritairement de représentants des différents gouvernements et parlements (1999-2000) ;
  • des groupes de travail qui furent à la base des accords du Lombard (1999-2001) ;
  • la Conférence bruxelloise de réforme des institutions (Cobru), qui n’a débouché sur aucun accord (2002) ;
  • le Forum, composé de membres des gouvernements et de parlementaires appartenant pour partie à la majorité et pour l’autre à la minorité des assemblées ;
  • la Conférence interministérielle de réformes institutionnelles, comprenant des ministres fédéraux et des ministres des entités fédérées ;
  • le groupe de travail créé par la Conférence interministérielle ;
  • le groupe de travail informel du Premier ministre, différent des autres instances en ce sens qu’il comprenait le Premier ministre, les vice-premiers ministres, des ministres et les présidents des partis de la majorité.

326 Parmi les institutions fédérales qui sont intervenues dans le débat communautaire, citons :

  • la commission de l’Intérieur de la Chambre des représentants, composée de parlementaires en présence du gouvernement ;
  • la Chambre ;
  • le Sénat ;
  • le Comité de concertation, instance composée de membres du gouvernement fédéral et des gouvernements des entités fédérées.

327 Les partis politiques impliqués dans les accords ont varié lors des diverses négociations :

  • les acteurs de l’accord de la Saint-Éloi étaient des représentants du gouvernement fédéral et des partis politiques de la majorité fédérale, aiguillonnés de l’extérieur par le gouvernement de la Communauté française et par le gouvernement flamand ;
  • les acteurs des accords du Lambermont et du Lombard furent les mêmes que ceux de la Saint-Éloi, avec l’appui d’une partie de la VU et, lors du vote des lois spéciales, du
    PSC qui joua un rôle déterminant par son abstention [186] ;
  • les acteurs de l’accord du renouveau politique étaient les partis de la majorité fédérale ;
  • les acteurs de l’accord qui faillit aboutir sur Bruxelles-Hal-Vilvorde et sur d’autres dossiers étaient également les partis de la majorité fédérale, mais placés cette fois, en ce qui concerne les partis flamands, sous la pression externe du CD&V et de la
    N-VA, leurs partenaires au gouvernement flamand ;
Dans la mesure où ces différents organes auraient été les seules instances chargées d’une négociation communautaire bien déterminée, la situation était relativement claire. La situation s’est présentée différemment lorsque plusieurs institutions ou organes étaient saisis de ces problèmes, ou d’une partie d’entre eux, parce que des résultats tardaient à être engrangés. Il en ressort un enchevêtrement dans l’exécution des tâches et dans les responsabilités, ce qui occasionne des blocages et des redémarrages difficiles.

328 Par comparaison avec la législature fédérale 1999-2003, l’actuelle législature ne se distingue pas par un nombre particulièrement élevé d’enceintes de négociation. La singularité porte plutôt sur les points suivants, qui sont liés entre eux :

  • si l’on excepte la régionalisation de l’octroi des licences concernant la circulation des armes, les négociations communautaires ont démarré tardivement ;
  • la même exception étant faite, ces négociations n’ont débouché sur aucune réforme, pas même sur les points, supposés consensuels au sein de la majorité fédérale, actés dans l’accord du 26 avril 2002 ;
  • les enceintes de négociation ont été créées sur une très courte période, au cours de laquelle il était évident que le premier sujet à aborder était devenu Bruxelles-Hal-Vilvorde, les autres thèmes étant destinés, soit à attendre la résolution de cette question, soit à entrer dans un compromis global autour de cette question ;
  • du Forum au Groupe des Douze en passant par la Conférence interministérielle et le groupe de travail, sans parler du « confessionnal », la composition de chaque enceinte est plus restreinte que celle de la précédente, du fait même qu’il faut discuter du sujet le plus brûlant, toujours celui de Bruxelles-Hal-Vilvorde ;
  • in fine, l’accord a failli être trouvé au sein du groupe comportant les plus hauts responsables au sein du gouvenement et des parties de la majorité fédérale, au cours de reunions tenues dans des lieux et à des moments gardés secrets : la technique des huis clos « au finish » dans des résidences discrètes semble être incontournable en Belgique quand il s’agit de traiter de sujets délicats au plan communautaire.

329 Cette méthode de travail est directement liée à la pression politique qui s’exerce sur le gouvernement fédéral, tant au sein de sa propre majorité que de l’opposition. Le gouvernement est omniprésent dans cette matière qui relève directement de sa responsabilité.

330 L’absence de précision quant au nombre de personnalités que l’on voulait mettre autour de la table, quant à leur fonction (gouvernement ou parlement), et quant à la fixation d’un ordre du jour impliquant des priorités, a démontré à souhait les difficultés auxquelles se sont heurtées les négociations. Ces dernières n’échappèrent pas à la presse et aux médias, ce qui les rendit plus difficiles encore.

331 Du côté flamand, l’exaspération croît sur la question des transferts financiers, d’autant plus que les francophones refusent de discuter de l’octroi de nouvelles compétences à la Flandre. Comme par le passé, une date fétiche apparaît dans l’agenda : en 2007, les Flamands pourraient refuser de constituer un gouvernement fédéral sans de substantielles avancées institutionnelles car les cinq partis flamands qui continueront à gouverner en Flandre auront une sorte d’obligation d’atteindre un tel résultat, ne serait-ce que pour préparer les élections régionales et communautaires de 2009.

332 Seules des négociations discrètes sont susceptibles de déboucher sur un bilan équilibré avec des aspects positifs et négatifs pour chacun. Cette méthode devrait prévaloir lors des prochaines négociations communautaires dont les enjeux sont dès à présent connus. Ces dernières n’ont de chance de réussir que si le Nord et le Sud du pays y trouvent un intérêt direct, et que si un équilibre peut être atteint entre les demandes respectives des deux grandes communautés. Il restera à vérifier si un tel équilibre sera trouvé, et si l’on tentera d’en dégager les lignes de force dès que les négociations en vue de la formation du prochain gouvernement fédéral auront débuté ; elles pourraient alors être longues et difficiles comme elles l’ont été, en particulier en 1987-1988.

1. Chronologie (juillet 2003 – mai 2005)

tableau im1
Dates Documents Organes et institutions 10 juillet 2003 Proposition de loi N-VA 13 juillet 2003 Déclaration gouvernementale fédérale 24 octobre 2003 Proposition de loi SP.A, VLD et CD&V, dite des bourgmestres flamands 29 décembre 2003 Proposition de loi CD&V 24 avril 2003 Proposition de loi Vlaams Blok 22 juillet 2004 Déclaration du gouvernement flamand 5 octobre 2004 Proposition de loi CD&V 12 octobre 2004 Déclaration du Premier ministre à la Création du Forum Chambre 13 octobre 2004 Proposition de loi MR Proposition de loi des cinq partis de la majorité flamande Proposition de loi Vlaams Belang 14 octobre 2004 Proposition de loi PS Proposition de loi CDH 19 octobre 2004 Première réunion du Forum 9 novembre 2004 Avis du Conseil d’État sur les Comité de concertation propositions de loi Création de la Conférence interministérielle de réformes institutionnelles Décembre 2004 – Commission de l’Intérieur de la mai 2005 Chambre 14 janvier 2005 Réunion des présidents de partis francophones 17 janvier 2005 Réunion de la Conférence interministérielle Création d’un groupe de travail 18 janvier 2005 Avis du Conseil d’État sur les amendements aux propositions de loi 19 janvier 2005 Seconde réunion du Forum Février 2005 Audition des membres du groupe de travail (technique du « confessionnal ») 24 avril – 10 mai Projet d’accord négocié par le Premier Création du groupe de travail informel 2005 ministre du Premier ministre Réunions du groupe. 11 mai 2005 Déclaration du Premier ministre à la Chambre 13 mai 2005 Vote de confiance de la Chambre au gouvernement 26 mai 2005 Proposition de loi CD&V et N-VA

2. Accords communautaires et revendications flamandes

333 Les résolutions du Parlement flamand du 3 mars 1999, ainsi que les desiderata se trouvant dans la Déclaration du gouvernement flamand de juillet 2004, ont été repris d’une manière synthétique sous le vocable « revendications flamandes ».

334 Pour plus de clarté et compte tenu de la relative complexité du contenu de la déclaration gouvernementale traitant des matières institutionnelles dans différents chapitres, les cinq résolutions du Parlement flamand ont été prises comme base de référence pour identifier les desiderata du Nord du pays.

335 LO du 23 mai 2000 : loi ordinaire du 23 mai 2000 fixant les critères visés à l'article 39, § 2, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions

336 LO du 26 juin 2000 : loi ordinaire exécutant l'article 62 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions

337 LST : loi spéciale du 13 juillet 2001 portant transfert de diverses compétences aux régions et communautés

338 LSR : loi spéciale du 13 juillet 2001 portant refinancement des communautés et extension des compétences fiscales des régions

339 LORB : loi ordinaire du 13 juillet 2001 portant diverses réformes institutionnelles relatives aux institutions locales de la Région de Bruxelles-Capitale

340 LORB bis : loi modifiant la loi du 12 janvier 1989 réglant les modalités de l’élection du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale et la loi ordinaire du 16 juillet 1993 visant à achever la structure fédérale de l’État

341 L : loi du 13 décembre 2002 modifiant le Code électoral ainsi que son annexe

342 R1 à R5 : Résolutions n° 1 à n° 5 du Parlement flamand

tableau im2
des véhicules, e d’enregistreme R.2. Perception transférés Transfert intég Ristourne impô R.5. Tutelle ad communes de l Fourons Tutelle sur les c spécial 23 janvier 2001 Lambermont II ou Refinancement des communautés, LST 13.7.2001 Saint-Polycarpe autonomie fiscale des régions et LSR 13.7.2001 transferts de compétences

tableau im3
- Association aux décisions européennes R.2. Transfert de l’IPP R.3. Gestion du bicommunautaires à Bruxelles par les communautés R.4. Assurance des soins de santé et allocations familiales R.4. Emploi R.4. Politique scientifique et technologique R.4. Télécommunications, mobilité et transport, SNCB, statistiques R.4. Économie et énergie R.5. Compétence emploi des langues dans les communes à statut spécial R.5. Présentation de membres à la Cour d’arbitrage, Conseil d’État et Cour des comptes

Notes

  • [1]
    Cf. G. PAGANO, « Les résolutions du Parlement flamand pour une réforme de l’État », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1670-1671,2000.
  • [2]
    Le 27 mars 1999, le Parlement wallon adopte à l'unanimité une résolution de fin de non-recevoir des desiderata flamands. Le Parlement de la Communauté française fait de même le 30 mars 1999. Le Parlement bruxellois, bien que directement concerné, ne se prononce pas.
  • [3]
    Composée des libéraux (VLD et Fédération PRL FDF MCC), des socialistes (SP et PS), et des écologistes (Agalev et Écolo). La coalition mise en place à la Région wallonne et à la Communauté française après les élections de 1999 est également de type « arc-en-ciel », PS – Fédération PRL FDF MCC – Écolo.
  • [4]
    La voie vers le XXIe siècle, Accord de gouvernement, 7 juillet 1999.
  • [5]
    C., art. 143, § 1er.
  • [6]
    La presse a utilisé le vocable « CORÉE » pour « Conférence pour la réforme de l'État ». L'abréviation en néerlandais était COSTA, « Conferentie voor staatshervorming ».
  • [7]
    C.-X. JACQUES, C. BOROMÉE, « La Conférence intergouvernementale et interparlementaire du renouveau institutionnel », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1707-1708,2001.
  • [8]
    J. HENRY, G. FILLEUL, G. PAGANO : « L’accord institutionnel dit de la Saint-Éloi », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1696,2000.
  • [9]
    Seul le principe de la remise d'impôts par les régions fut acquis. Cette question sera tranchée lors de la réforme de juillet 2001.
  • [10]
    Par référence à la Conférence interparlementaire et intergouvernementale du renouveau institutionnel baptisée « COSTA » par les néerlandophones et « CORÉE » par les francophones, le groupe de travail fut dénommé respectivement COSTA bruxelloise et CORÉE bruxelloise.
  • [11]
    J.-P. NASSAUX, « Le groupe de travail sur le fonctionnement des institutions bruxelloises. Première phase : octobre 1999 – mai 2000 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1682,2000 ; J.-P. NASSAUX, « Le groupe de travail sur le fonctionnement des institutions bruxelloises : deuxième phase et accords dits du Lombard », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1716-1717,2001.
  • [12]
    Moniteur belge, 3 août 2001.
  • [13]
    C’est un ministre fédéral qui siège dans les Conseils européens au nom de la Belgique et exprime une position qui doit être commune aux trois régions.
  • [14]
    Cf. J. BRASSINNE DE LA BUISSIÈRE, « La régionalisation des lois communale et provinciale et de la législation connexe », Courrier hebdomadaire, CRISP, n°1751-1752,2002.
  • [15]
    Loi sur l’emploi des langues en matière administrative, coordonnée le 18 juillet 1966, art. 7.
  • [16]
    Ibidem, art. 8. Depuis lors, sont intervenus les arrêts du Conseil d’État du 23 décembre 2004 qui ont rejeté les recours formés contre les circulaires Peeters, Martens et Van de Brande et qui remettent sérieusement en cause ces garanties. L’ensemble des trois circulaires est connue sous l’appellation de « circulaire Peeters ».
  • [17]
    L’exercice de la tutelle était déjà une compétence des régions.
  • [18]
    G. VAN DER STICHELE, M. VERDONCK, « Les modifications de la loi spéciale de financement dans l’accord du Lambermont », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1733,2001.
  • [19]
    Mais pas dans l’accord du gouvernement flamand de juillet 1999, qui est moins radical sur ce thème puisqu’il reprend une demande de compétence sélective pour des centimes additionnels et soustractionnels.
  • [20]
    Dénommé aujourd’hui Parlement bruxellois.
  • [21]
    Deux lois spéciales du 13 juillet 2001 et une loi ordinaire, qui reprennent aussi les accords du Lambermont.
  • [22]
    Moniteur belge, 10 janvier 2003.
  • [23]
    Cour d'arbitrage, arrêt suspensif du 26 février 2003 (n° 30/2003), arrêt d'annulation du 26 mai 2003 (n° 73/2003).
  • [24]
    Pour une analyse détaillée de l’accord, cf. B. CADRANEL, « La déclaration de révision de la Constitution d’avril 2003 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1811-1812,2003.
  • [25]
    Le Sénat donnerait l’assentiment aux traités mixtes pour compte de toutes les entités. Toutefois, le Parlement de chaque entité aurait la possibilité d’évoquer un traité mixte qui la concerne.
  • [26]
    Cf. J. BRASSINNE DE LA BUISSIÈRE, « La circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde et les réformes électorales de 2002 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1779,2002.
  • [27]
    Le dispositif annulé ne garantissait pas que les circonscriptions de Bruxelles-Hal-Vilvorde et de Louvain aient, respectivement, 22 et 7 représentants à la Chambre.
  • [28]
    À l’exception de la possibilité de se porter candidat pour les élections simultanément à la Chambre et au Sénat, qui n’était de toute façon en vigueur que pour la seule élection de 2003.
  • [29]
    Art. 8, alinéa 2 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d’arbitrage.
  • [30]
    H. VUYE et alii, « La réforme électorale de décembre 2002 : la Cour d’arbitrage annule le passé et impose le futur ! », CDPK, 2003, pp. 404-405 ; G. ROSOUX, « Leçons de l’éphémère. La Cour d’arbitrage et le renouveau électoral – la Cour d’arbitrage et la suspension », RBDC, 2003/1, p. 66, n° 9.
  • [31]
    Cf. H. VUYE et alii, « La réforme électorale de décembre 2002 : la Cour d’arbitrage annule le passé et impose le futur ! », op. cit., p. 405, et G. ROSOUX, « Leçons de l’éphémère. La Cour d’arbitrage et le renouveau électoral – la Cour d’arbitrage et la suspension », op. cit., p. 66 : « Par ailleurs, le délai de quatre ans ne relève-t-il pas du vœu platonique ? Si le législateur décidait de ‘fossiliser’ la législation électorale et la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde, une sanction par la Cour devrait se concilier avec ses modes de saisines. » La Cour ne pouvait de toute manière statuer sur les dispositions de la loi de 1993 portant sur la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde pour lesquelles le délai de recours était clos depuis dix ans.
  • [32]
    De Standaard, 27 mai 2003.
  • [33]
    Ce dernier se compose du PRL, du FDF et du MCC.
  • [34]
    Spirit est un des deux partis nés de l’éclatement de la VU, le second, plus conservateur, étant la Nieuw-Vlaamse Alliantie (N-VA).
  • [35]
    Une Belgique créative et solidaire. Du souffle pour le pays, Accord de gouvernement, 12 juillet 2003.
  • [36]
    De toute manière, les termes « État fédéral » s’opposent au credo confédéraliste, voire séparatiste, adopté par certains partis flamands.
  • [37]
    L’accord du renouveau politique prévoyait de l’octroyer également à la Communauté germanophone.
  • [38]
    Il semble difficile de déterminer quelles étaient les nouvelles formes de collaboration visées, sauf à comprendre qu’il s’agissait d’un ton nouveau et plus respectueux à l’égard des communautés. La loi du 9 août 1980 qui crée et définit les missions du Comité de concertation n’a pas dû être modifiée pour qu’il puisse jouer ce nouveau rôle.
  • [39]
    Le texte précise uniquement qu’il associera les régions et les communautés, mais ne spécifie pas s’il s’agit des conseils ou des gouvernements. Rappelons qu’en 1999, les modalités de la création de la CIIRI-COSTA étaient définies dans l’accord de gouvernement.
  • [40]
    Dans la composition initiale des assemblées fédérales, les 100 voix nécessaires à la Chambre se répartissent en 25 VLD, 25 PS, 24 MR, 23 SP.A – Spirit et 4 Écolo, les 48 voix nécessaires au Sénat se composant des 12 VLD, 12 SP.A – Spirit, 12 PS, 10 MR et 2 Écolo.
  • [41]
    Qui se rebaptisera Groen ! fin 2003.
  • [42]
    Cette réforme prévue dans l’accord du renouveau politique sera opérée par la modification de la Constitution en date du 2 juillet 2004 (Moniteur belge, 13 août 2004).
  • [43]
    Un colloque avait été consacré à cette question, abordant des pistes très différentes et comportant des avis très tranchés. Le débat politique au sein même des partis était virulent au moment de la déclaration de révision Cf. F. DELPÉRÉE (dir.), La procédure de révision de la Constitution, Bruylant, Bruxelles, 2003.
  • [44]
    L’article 41 de la Constitution a été modifié le 26 mars 2005.
  • [45]
    Loi du 10 août 2001 créant un Fonds de financement du rôle international et de la fonction de capitale de Bruxelles et modifiant la loi organique du 27 décembre 1990 créant des fonds budgétaires.
  • [46]
    Accord de coopération du 15 décembre 2000 relatif aux années 2000 à 2005.
  • [47]
    Dans le cadre de la négociation fédérale, le Bureau du Plan a livré des chiffres de croissance économique moins favorables que ceux qui avaient été fournis antérieurement.
  • [48]
    On retrouve dans ces revendications flamandes, selon Le Soir du 19 juillet 2003, la scission de l’arrondissement judiciaire de Bruxelles, la régionalisation de la sécurité routière…
  • [49]
    Le Soir, 19 juillet 2003 : « La violette effeuillée, les dessous du Lambermont : la liste des horreurs ».
  • [50]
    En 1991, les licences d’exportation d’armes ont été à la base du départ des ministres VU du gouvernement dirigé par Wilfried Martens et de la dissolution anticipée des Chambres.
  • [51]
    La ministre fédérale Agalev, Magda Aelvoet, avait démissionné pour marquer son opposition à cette mesure.
  • [52]
    Loi spéciale du 12 août 2003 modifiant la loi spéciale du 8 août 1980, Moniteur belge, 20 août 2003.
  • [53]
    L’illogisme de cette position ne semble pas les avoir frappés.
  • [54]
    Sénat, Ann. parl., 6 novembre 2003, pp. 13-15.
  • [55]
    Le Soir, 26 mai 2004.
  • [56]
    Proposition de loi modifiant le Code électoral, 10 juillet 2003, Chambre, Doc. parl. 51-0062/001 (SE 2003).
  • [57]
    Avis du Conseil d’État n° 37.656/AG du 5 octobre 2004, Chambre, Doc. parl. 51-0062/003 (2004-2005).
  • [58]
    Proposition de loi modifiant les lois électorales en vue de scinder la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde, déposée le 24 octobre 2003, Chambre, Doc. parl. 51.0333/001 (2003-2004).
  • [59]
    Sans apparentement, les partis flamands obtiendraient au maximum un siège à Bruxelles (qui irait, à résultats électoraux inchangés par rapport à 1999 ou 2003, au Vlaams Belang), voire aucun.
  • [60]
    Avis du Conseil d’État du 22 octobre 2004, Chambre, Doc. parl. 51-0333/002 (2003-2004.
  • [61]
    Deux autres propositions de loi seront encore déposées durant la période qui précède les élections régionales, communautaires et européennes de juin 2004, et que nous n’analyserons pas ici. Il s’agit de la proposition de loi déposée le 29 décembre 2003 par Servais Verherstraeten, Dirk Claes et Simonne Creyf (sur trois CD&V), Chambre, Doc. parl. 51-0632 (2003-2004), et de la proposition de loi déposée le 21 avril 2004 par Bart Laeremans, Filip De Man et Gerolf Annemans (tous trois Vlaams Blok), Chambre, Doc. parl. 51-1040 (2003-2004).
  • [62]
    Qui couvre le même territoire que la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde.
  • [63]
    L’Écho, 14 janvier 2004.
  • [64]
    Cf. F. GOSSELIN, « À propos de la scission de l’arrondissement électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde : considérations sur la méthode des revendications maïorales », Journal des procès, 30 avril 2004, n° 480, p. 14.
  • [65]
    Cf. la référence à l’important arrêt n° 90/94, dit arrêt de pacification, dans la citation de l’arrêt du 26 mai 2003 faite aux points B.9.1. à B9.9.
  • [66]
    D’autres tentatives d’aboutir avaient déjà eu lieu depuis le dépôt des propositions de loi de scission évoquées plus haut ; au grand dam des partis flamands d’opposition, la majorité fédérale avait bloqué l’examen de ces propositions en commission pour éviter des tensions en son sein.
  • [67]
    De Standaard, 24 janvier 2004.
  • [68]
    Cf. notamment Le Soir, 26 janvier 2004, De Standaard, 28 janvier 2004, et De Tijd, 29 janvier 2004.
  • [69]
    À la mi-avril 2004, neuf communes (dont cinq dirigées par un bourgmestre CD&V) maintenaient leur menace de boycott de l’élection européenne. D’autres, dont celle de Vilvorde par la voix de son bourgmestre Jean-Luc Dehaene, acceptaient d’organiser les élections dans le cadre électoral existant, mais en menaçant de faire invalider les résultats du scrutin européen si la scission (dont les effets seraient alors reportés à 2007 et 2009) n’était pas votée avant le 13 juin 2004.
  • [70]
    Les bourgmestres visés ont été entendus dans le cadre de l’instruction de cette plainte par les autorités judiciaires ; fin 2005, il n’y a encore ni classement sans suite, ni renvoi devant un tribunal.
  • [71]
    Cf. notamment le communiqué commun du président du VLD, Dirk Sterckx, et du président du SP.A, Steve Stevaert (La Libre Belgique, 7 mai 2004).
  • [72]
    Signé par une coalition rassemblant le PS, le CDH et Écolo du côté francophone, et le VLD, le cartel SP.A– Spirit et le CD&V du côté flamand.
  • [73]
    Coalition PS/CDH.
  • [74]
    Accord conclu entre le PS et le CDH. Cf. Parlement wallon, Doc. parl. 10 (2004).
  • [75]
    Cf. Vlaams Parlement, Stuk 31 (2004), n° 1,22 juillet 2004. Pour une traduction : Parlement de la Communauté française, Service des études et de la documentation, session extraordinaire 2004, décembre 2004.
  • [76]
    Arrêté royal du 22 décembre 2000 fixant les principes généraux du statut administratif et pécuniaire des agents de l’État applicables au personnel des services des gouvernements de communauté et de région et des collèges de la Commission communautaire commune et de la Commission communautaire française ainsi qu’aux personnes morales de droit public qui en dépendent (Moniteur belge, 9 janvier 2001).
  • [77]
    En néerlandais, onverwijld.
  • [78]
    Cf. infra.
  • [79]
    Le Soir, 30 juin 2004.
  • [80]
    « Il faut un big bang » institutionnel, déclarent Éric Van Rompuy et Luc Van den Brande, tous deux figures en vue du CD&V, le 4 juin 2004 au quotidien De Morgen.
  • [81]
    Ces deux partis s’étaient présentés en cartel aux élections.
  • [82]
    Le Soir, 4 septembre 2004.
  • [83]
    Le Soir, 6 septembre 2004.
  • [84]
    La Libre Belgique, 14 mai 2005.
  • [85]
    L’article 54 de la Constitution dispose : « Sauf pour les budgets ainsi que pour les lois qui requièrent une majorité spéciale, une motion motivée, signée par les trois quarts au moins des membres d’un des groupes linguistiques de la Chambre ou du Sénat et introduite après le dépôt du rapport et avant le vote final en séance publique, peut déclarer que les dispositions d’un projet ou d’une proposition de loi qu’elle désigne, sont de nature à porter gravement atteinte aux relations entre les communautés. Dans ce cas, la procédure parlementaire est suspendue et la motion est déférée au Conseil des ministres qui, dans les trente jours, donne son avis motivé sur la motion et invite la Chambre saisie à se prononcer soit sur cet avis, soit sur le projet ou la proposition éventuellement amendés. Cette procédure ne peut être appliquée qu’une seule fois par les membres d’un groupe linguistique à l’égard d’un même projet ou d’une même proposition de loi. »
  • [86]
    Ce ne fut pas le cas lors de l’unique recours à ce mécanisme en 1985 : le Conseil des ministres a retiré le projet de loi controversé, mais il portait sur un point assez mineur.
  • [87]
    De Morgen, 10 juillet 2004.
  • [88]
    Le Soir, 31 août 2004 et 10 septembre 2004.
  • [89]
    En fait, depuis 1988, les facilités linguistiques sont déjà « bétonnées », selon l’expression la plus courante ; elles font l’objet du § 2 de l’art. 129 de la Constitution, qui dispose qu’elles relèvent d’une loi à majorité spéciale, leur éventuelle suppression ou leur modification requérant donc une majorité dans chaque groupe linguistique de la Chambre et du Sénat et la majorité des deux tiers sur l’ensemble de chaque assemblée.
  • [90]
    Le Soir, 18 septembre 2004.
  • [91]
    Ce système avait franchi le cap de la Cour d’arbitrage, qui a considéré qu’il s’agissait d’un choix du constituant étant donné que différents articles de la Constitution avaient été modifiés pour permettre indirectement une telle législation. La Cour avait déclaré ne pas être compétente pour sanctionner les choix du constituant.
  • [92]
    Cf. J. BRASSINNE, Les nouvelles institutions politiques de la Belgique. Le régime définitif prévu par le Pacte d’Egmont et l’accord du Stuyvenberg, CRISP, 1977.
  • [93]
    Le Premier ministre n’explicite pas cette décision inattendue, mais elle se déduit des quelques lignes qu’il consacre à la méthode proposée.
  • [94]
    La proposition signée et déposée par les partis formant le gouvernement flamand, censée avoir son aval. Cf. infra.
  • [95]
    Avis du Conseil d’État du 9 novembre 2004 n° 37.729/AG à 37.736/AG, Chambre, Doc. parl. 51-1365/002 (2004-2005).
  • [96]
    Proposition de loi rétablissant les circonscriptions électorales d’arrondissement pour l’élection de la Chambre des représentants et scindant la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde pour l’élection des Chambres législatives fédérales et du Parlement européen, 5 octobre 2004, Servais Verherstraeten, Dirk Claes et Paul Tant, Chambre, Doc. parl. 51-1365/001 (2004-2005).
  • [97]
    Avis du Conseil d’État du 9 novembre 2004, Chambre, Doc. parl. 51-1365/002 (2004-2005).
  • [98]
    Proposition de loi modifiant le Code électoral et la loi du 23 mars 1989 relative à l’élection du Parlement européen en vue d’instituer pour les élections de la Chambre des représentants, du Sénat et du Parlement européen, une circonscription électorale composée des arrondissements administratifs de Bruxelles-Hal-Vilvorde, Nivelles et Louvain, déposée le 13 octobre 2004 par Daniel Bacquelaine et Oliver Maingain, Chambre, Doc. parl. 51-1375/001 (2004-2005).
  • [99]
    Avis du Conseil d’État du 9 novembre 2004, Chambre, Doc. parl. 51-1365/002 (2004-2005).
  • [100]
    Proposition de loi modifiant les lois électorales, en vue de scinder la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde, déposée le 13 octobre 2004 par Rik Daems (VLD), Dirk Van der Maelen (SP.A), Pieter De Crem (CD&V), Patrick De Groote (N-VA) et Koen T’Sijen (SP.A), Chambre, Doc. parl. 51-1379/001 (2004-2005). Cette proposition de loi règle une matière visée à l’article 77 de la Constitution. Elle forme un tout avec la proposition de loi, qui traite les matières visées à l’article 78 de la Constitution, Chambre, Doc. parl. 51-1380/001 (2004-2005).
  • [101]
    Le même jour, le Vlaams Belang dépose également une double proposition de loi ayant le même contenu. Chambre, Doc. parl. 51-1381/001 (2004-2005) et 51-1382/001 (2004-2005).
  • [102]
    Avis du Conseil d’État, Chambre, Doc. parl. 51-1365/002 (2004-2005).
  • [103]
    Par l’apparentement, ils espèrent gagner de deux à quatre sièges, essentiellement sur l’arrondissement constitué des 19 communes bruxelloises.
  • [104]
    Une liste francophone de Bruxelles qui voudrait grouper ses voix avec une liste du Brabant flamand verrait ses élus éventuels siéger au sein du groupe flamand de la Chambre. Dès lors, elle ne pourrait leur permettre de siéger au sein de son propre groupe politique.
  • [105]
    Proposition de loi modifiant le Code électoral ainsi que son annexe, déposée le 14 octobre 2004 par Thierry Giet, Karine Lalieux, Yvan Mayeur, Marie-Claire Lambert, Mohammed Boukourna et Talbia Belhouari, Chambre, Doc. parl. 51-1384/001 (2004-2005).
  • [106]
    Avis du Conseil d’État n° 51-1365/002 (2004-2005).
  • [107]
    L’argumentaire flamand reposant sur le fait que l’article 4 de la Constitution, qui établit les régions linguistiques, imposerait de limiter à l’intérieur des frontières des régions linguistiques les circonscriptions électorales se voit ainsi contredit.
  • [108]
    Proposition de loi modifiant le Code électoral ainsi que son annexe, déposée le 14 octobre 2004 par Joëlle Milquet, Melchior Wathelet et Jean-Jacques Viseur, Chambre, Doc. parl. 51-1385/001 (2004-2005).
  • [109]
    Au cours de la réunion de janvier 2005, deux membres supplémentaires furent adjoints et le principe des membres suppléants fut accepté.
  • [110]
    Ces trois premiers membres sont autant de vice-Premiers ministres.
  • [111]
    Ce qui n’est pas le cas de Groen !
  • [112]
    Cf. supra, par exemple sur la ratification de la convention-cadre pour la protection des minorités nationales.
  • [113]
    Composition : Elio Di Rupo et Philippe Moureaux, PS ; Didier Reynders et Olivier Maingain, MR ; Joëlle Milquet et Melchior Wathelet, CDH ; Jean-Michel Javaux et Marcel Cheron, Écolo.
  • [114]
    En fait, elle n’intervint que le 19 janvier 2005.
  • [115]
    Loi ordinaire de réformes institutionnelles du 9 août 1980, art. 31.
  • [116]
    Les ministres-présidents Arena (Communauté française), Van Cauwenberghe (Région wallonne), Leterme (Communauté flamande) et Picqué (Région de Bruxelles-Capitale), d’une part, les ministres Reynders et Vande Lanotte, d’autre part, furent invités par le Premier ministre à une rencontre préparatoire au Comité de concertation, et non à une réunion sur Bruxelles-Hal-Vilvorde, selon la Libre Belgique du 21 octobre : le ministre-président Leterme ne pouvait discuter des propositions de loi sur Bruxelles-Hal-Vilvorde, la position officielle du gouvernement flamand étant que la proposition de loi de scission déposée par les partis de la majorité flamande devait être adoptée telle quelle, sans négociation ni contrepartie (cf. supra).
  • [117]
    En l’occurrence, à Bruxelles, tant des partis francophones que flamands du gouvernement.
  • [118]
    Le ministre-président Leterme a confié dans un premier temps à son administration, ensuite à des professeurs d’université, une étude portant sur les transferts financiers entre l’État fédéral et les entités fédérées d’une part, et entre les entités fédérées d’autre part.
  • [119]
    Tous deux président déjà le Forum institutionnel.
  • [120]
    Mais pas le Premier ministre.
  • [121]
    La composition du groupe de travail est la suivante : du côté francophone : PS : P. Moureaux, sénateur, et T. Giet, député fédéral ; MR : J. Simonet, député, et O. Maingain, député fédéral ; Écolo : C. Doulkeridis, député bruxellois ; CDH : M. Wathelet, député fédéral ; du côté flamand : SP.A-Spirit : F. Vandenbroucke et B. Anciaux, ministres flamands ; VLD : B. Somers, président du parti, et G. Vanhengel, ministre bruxellois ; CD&V et N-VA : L. Van den Brande et B. De Wever, députés flamands ; Les douze membres sont donc tous des représentants politiques, et non des experts. Du côté flamand, les présidents de parti sont présents, sauf J.Vandeurzen pour le CD&V et G. Lambert pour Spirit, de même que trois ministres en fonction. Du côté francophone, les membres sont tous des parlementaires fédéraux ou régionaux bruxellois.
  • [122]
    Il s’agit de la proposition de loi des partis flamands du 13 octobre 2004. Cf. Chambre, Doc. parl. 51-1379/001 (2004-2005) et 51-1380/001 (2004-2005), pour la proposition, et 51-1379/004 Cette objection juridique était pourtant assez importante pour créer un risque d’annulation par la Cour d’arbitrage. et 51-1380/004 Cette objection juridique était pourtant assez importante pour créer un risque d’annulation par la Cour d’arbitrage., pour l’avis du Conseil d’État n° 38.038/AV.
  • [123]
    Les juges des saisies refusent d’appliquer la contrainte en matière de taxes non payées parce qu’enrôlées illégalement, soit en l’occurrence, et conformément à la circulaire, en néerlandais alors que la loi établissant les facilités linguistiques permet aux contribuables de les obtenir en français.
  • [124]
    Cf., par exemple, la déclaration de Patrick Dewael le 4 janvier 2005, écartant tout échange entre la scission et l’abandon des circulaires.
  • [125]
    La Libre Belgique, 15-16 janvier 2005.
  • [126]
    De Standaard, 14 janvier 2005.
  • [127]
    La Libre Belgique, 26 janvier 2005.
  • [128]
    Il avait d’abord refusé de participer à la Conférence interministérielle, puis il changea d’avis. Il ne participa pas au groupe de travail ; il participa une fois au « confessionnal ».
  • [129]
    Le vice-Premier ministre Vande Lanotte évoqua clairement cet élément en commission le 20 avril 2005 comme étant un de ceux qui n’avaient pas permis une solution. Il considérait ce jour-là que l’on avait dépassé ce stade. Implicitement, on pouvait comprendre que la scission sans négociation et sans compensation avait également été voulue par le VLD et le SP.A-Spirit.
  • [130]
    Cette explication est donnée par le Premier ministre lui-même dans une interview au Standaard le 11 avril 2005. Elle est confirmée le 12 mai par J. Vande Lanotte dans une interview au Standaard qui estime que les francophones auraient tiré la sonnette d’alarme en cas de vote d’une proposition par les seuls Flamands.
  • [131]
    Les partis flamands disposaient d’une majorité en commission de l’Intérieur sans l’apport des voix du Vlaams Belang.
  • [132]
    La motion en conflit d’intérêts bloque la discussion d’un projet ou d’une proposition de loi après le vote en commission pour une période de plusieurs mois, le temps de permettre aux parties, en l’occurrence les commissions parlementaires concernées des assemblées concernées, de tenter de se concilier. Le Sénat et le Comité de concertation doivent aussi donner un avis et tenter de concilier les parties. Cf. article 143 de la Constitution, ainsi que la loi ordinaire de réformes institutionnelles du 9 août 1980, articles 32 et suivants.
  • [133]
    Contrairement à Spirit, qui par la voix de Koen T’Sjien, à la Chambre, le 11 mai (CRI, p. 17), montre que son parti ne veut pas exporter la crise en Flandre, contrairement au CD&V.
  • [134]
    Dans la procédure de la sonnette d’alarme, à défaut pour le gouvernement de trouver un accord sur le dossier dans le mois, ce dernier revient au Parlement. Ce mécanisme déclenche un risque majeur de démission du gouvernement. Le 20 avril, J. Vande Lanotte rapportait en commission que ses interlocuteurs lui avaient souvent confié que le gouvernement ne pouvait pas tomber sur le dossier Bruxelles-Hal-Vilvorde. Il estimait quant à lui le contraire : il allait répéter les termes de « crise » à chaque audition, et le 4 mai il insistait : « une solution ou la crise ».
  • [135]
    Agence Belga, 21 janvier.
  • [136]
    Les professeurs flamands étaient Karel Rimanque (Universiteit Antwerpen), Patricia Populier (Rijksuniversiteit Gent) et Paul Van Orshoven (Katholiek Universiteit Leuven).
  • [137]
    Il s’agit de Marc Uyttendaele (Université libre de Bruxelles), Hugues Dumont (Facultés universitaires Saint-Louis) et Marc Verdussen (Université catholique de Louvain).
  • [138]
    Cité par Le Soir, 10 mars 2005. Cf. aussi La Libre Belgique du même jour, Marc Uyttendaele se démarque de cette analyse mais en reconnaissant que « le crime était parfait dans ce cas ».
  • [139]
    Le CD&V refusa très vite, et on peut penser qu’il préférait l’absence de tout accord à un accord qui rencontrerait certaines revendications flamandes à l’exception notoire de celle portant sur la scission.
  • [140]
    Le Groupe des douze siège à treize lorsque Karel De Gucht est présent, permettant au Premier ministre de jouer le rôle d’arbitre.
  • [141]
    Le Soir, 2 mai 2005.
  • [142]
    Le Soir, Vers l’avenir, 5 mai 2005. Du côté flamand, les idées évoluent au point que le sort du gouvernement, qui sombrerait en même temps que la Belgique, n’est même plus mis en évidence.
  • [143]
    La réunion se termina le 10 mai à six heures du matin.
  • [144]
    « Projet d’accord BHV, 10 mai 2005 », Le Soir, 17 juin 2005.
  • [145]
    Aucun commentaire n’a été fait par des personnalités politiques sur cette publication.
  • [146]
    Le texte publié par Le Soir n’est pas repris ici tel quel, mais il est analysé de manière à le rendre aussi compréhensible que possible, étant donné son aspect assez brut et inachevé.
  • [147]
    Le texte parle de la création de collèges électoraux au niveau des quatre arrondissements administratifs, avec un « sous-collège » pour les six communes à facilités. Toutefois, cette délimitation ne semble avoir aucun impact sur les droits des électeurs ou sur ceux des candidats.
  • [148]
    Il s’agit des communes où il semble y avoir le plus d’habitants francophones : Beersel, Sint-Pieters-Leeuw, Dilbeek, Asse, Merchtem, Meise, Vilvorde, Machelen, Zaventem, Grimbergen, Overijse, Bever-Biévène et Hoeilaart. En outre, cette possibilité n’est ouverte qu’en 2007 pour les habitants de quatre autres communes : Lennik, Hal, Ternat et Steenokkerzeel. La seconde possibilité comporte deux communes (Hal et Steenokerzeel) en moins : la différence est que dans ces deux communes, il n’y a plus de droit de vote à Bruxelles pour les électeurs de listes francophones. Par contre, à Lennik et Ternat, cette possibilité n’est pas limitée aux élections de 2007 comme dans l’autre option.
  • [149]
    Sous réserve que des francophones ne proposent pas une liste présentée comme flamande : pour cela, ils doivent sans doute faire une déclaration d’appartenance linguistique flamande (que l’on retrouve dans divers exemples, comme le Sénat, le dispositif annulé par l’arrêt de la Cour d’arbitrage du 26 mai 2003…) et accepter de siéger au sein du groupe linguistique néerlandais de la Chambre. Le texte recèle d’ailleurs encore une ambiguïté dans le fait qu’il qualifie ces dispositions de transitoires. Ce n’est transitoire que dans le sens où cela s’éteint avec le dernier francophone qui en fera usage, âgé par hypothèse de 18 ans en 2007, et n’ayant pas déménagé hors de Hal-Vilvorde d’ici là : le régime peut donc exister 70 ans…
  • [150]
    La Cour d’arbitrage, amenée à statuer sur la discrimination faite aux habitants de Comines et de Fourons dans la loi du 9 août 1988, dite loi de pacification communautaire, a estimé dans son arrêt 18/90 qu’elle ne pouvait se prononcer sur ce qui relevait d’un choix du constituant : « B.14.2. La révision qui a été réalisée le 7 juillet 1988 des articles 47 et 48 de la Constitution visait au premier chef à permettre que la faculté puisse être accordée aux électeurs de Comines-Warneton et de Fourons de voter lors des élections législatives respectivement dans l'arrondissement d'Ypres et de Verviers. Tel était en particulier l'objet de la suppression des termes ‘pour chaque province’ dans le libellé de la première phrase de l'article 48 de la Constitution. Le Constituant ayant donc estimé que ni le principe d'égalité ni le principe du secret du vote ne faisaient obstacle à l'adoption des dispositions attaquées, il apparaît que la portée de la requête est de demander à la Cour de se prononcer sur une option que le constituant a consacrée, ce qui ne relève pas de la compétence de la Cour. »
  • [151]
    Le nombre exact d’électeurs faisant usage de cette possibilité n’est pas connu car aucun recensement de ces électeurs n’est effectué. Dans une réponse à une question écrite d’Olivier Maingain du 10 mars 2005 (Q. n° 542), le vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur répondait : « Le nombre d’électeurs dans les deux cantons peut être évalué à environ 1 200 pour Aubel et 310 pour Messines. »
  • [152]
    Le droit d’inscription porte sur les droits politiques, administratifs et fiscaux.
  • [153]
    Kampenhout, Zemst, Kappelle-op-den-Bos, Londerzeel, Opwijk, Affligem, Liedekerke, Roosdaal, Hooik, Pepingen, Herne et Gammerages.
  • [154]
    Selon les cartes publiées par le site internet de La Libre Belgique : <http :// www. lalibre. be/ bhv/ index. htm>.
  • [155]
    Ou, comme évoqué, des listes de candidats francophones qui se présenteraient comme s’ils étaient flamands.
  • [156]
    Dans Le Soir du 13 mai, O. Maingain présente le projet d’accord comme « mieux que le Pacte d’Egmont ».
  • [157]
    Cela restait manifestement encore soumis à discussion, comme en attestent les crochets dans le texte.
  • [158]
    Comme à Bruxelles, la Communauté française ne s’adresse qu’à des institutions qui, en raison de leurs activités ou de leur organisation, doivent être considérées comme appartenant exclusivement à cette communauté.
  • [159]
    Cf. les propos du professeur Hugues Dumont dans La Libre Belgique du 12 mai 2005.
  • [160]
    Actuellement, la Cour constitutionnelle ne connaît que des normes législatives. Elle deviendrait donc compétente pour des actes réglementaires (arrêtés royaux, arrêtés ministériels…), et serait également compétente pour des actes d’exécution soumis en principe à la censure d’annulation du Conseil d’État. Dans le chef des francophones, le manque de promptitude du Conseil d’État à rendre des arrêts dans les affaires linguistiques, ainsi que la jurisprudence des chambres flamandes du Conseil (arrêts sur le « carrousel fouronnais » et la circulaire Peeters), ont suscité une méfiance certaine.
  • [161]
    Les dispositions des lois de 1935 sur l’emploi des langues en matière judiciaire prévoient qu’un juge ne peut pas rendre un jugement dans une langue autre que celle de son diplôme. Dès lors, les bilingues, qui sont deux tiers en vertu de la loi, sont inclus parmi les francophones ou les néerlandophones.
  • [162]
    Cf. F. GOSSELIN, « La scission territoriale de l’arrondissement judiciaire de Bruxelles ou comment revenir aux pratiques condamnables du XIXe siècle tout en négligeant l’arriéré judiciaire », Journal des Procès, 17 décembre 2004, n° 492, p. 8.
  • [163]
    On peut supposer qu’on pense ici à remplacer la dotation afférente à l’accord de coopération entre l’État et la Région de Bruxelles-capitale par le nouveau financement évoqué.
  • [164]
    Le Soir, 17 juin 2005. La main-morte est une moins value fiscale due à la présence de nombreuses institutions internationales et de représentations étrangères sur le territoire de Bruxelles.
  • [165]
    Selon la position adoptée lors de la réunion des présidents de parti le 14 janvier (cf. supra).
  • [166]
    Pieter De Crem, président de groupe CD&V, déclara à la Chambre le 11 mai 2005 : « Comment est-il possible qu’un Premier ministre flamand puisse encore proposer, en 2005, de permettre à la Communauté française d’intervenir à l’intérieur des frontières flamandes ? »
  • [167]
    Dans une série d’interviews, Johan Vande Lanotte explique que les négociateurs flamands avaient accepté de très larges compensations et garanties pour les francophones avant que l’élargissement des compétences de la Communauté française soit mis sur la table, et que « pour les partis francophones, l’autonomie culturelle en périphérie a pesé si lourd qu’elle a tout fait capoter ». Cf. Le Soir, 25 mai 2005.
  • [168]
    Par la présence de 20 % de magistrats francophones au sein du parquet de Hal-Vilvorde : pour rappel, la population francophone à Hal-Vilvorde est de +/- 20%. Cf. J. BRASSINNE DE LA BUISSIÈRE, « La circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde et les réformes électorales de 2002 », op. cit.
  • [169]
    Il existe actuellement déjà une organisation, au sein du parquet de Bruxelles, qui fait place à des magistrats spécialisés dans les affaires localisées à Hal-Vilvorde. Toute autre chose serait la présence de deux procureurs du Roi.
  • [170]
    La suspension décidée en avril 2005 des circulaires d’octobre 2004 semble être un élément qui a poussé le ministre VLD bruxellois G. Vanhengel à vouloir modifier les lois linguistiques pour les moderniser. Il estimait même que le dossier relatif à l’emploi des langues dans les services d’urgence bruxellois était plus important que Bruxelles-Hal-Vilvorde (Le Soir, 27 avril 2005).
  • [171]
    Le rapport de la représentante du Conseil de l’Europe, la roumaine Minodora Cliveti, ne visait pas quant à lui à des modifications légales sur ce point, mais invitait la Belgique à appliquer la conventioncadre du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales. Ce rapport a été approuvé en Commission du Conseil de l’Europe en juin 2005, et voté en octobre 2005 par l’assemblée.
  • [172]
    Dans ses réponses à des questions parlementaires posées en commission les 26 et 27 avril 2005 (Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, CRI n°27,2004-2005), le ministre-président Picqué ne semblait pas pressé de traduire l’accord. Sans doute parce qu’il savait que seul un accord complet sur Bruxelles-Hal-Vilvorde comprenant ce point permettrait de trouver une majorité des deux tiers au fédéral pour traduire l’accord en loi.
  • [173]
    De Standaard et La Libre Belgique, 12 mai.
  • [174]
    J. Vande Lanotte provoqua rires et applaudissements à la Chambre en déclarant le 11 mai : « La crise qui sévissait hier encore est résolue aujourd’hui », Chambre, Compte rendu intégral, 51 PLEN 135, 11 mai 2005.
  • [175]
    Ibidem.
  • [176]
    Art. 105 du Code électoral : « … le premier dimanche qui suit l’expiration d’un délai de quatre années prenant cours à la date à laquelle il a été procédé à la désignation des sénateurs cooptés lors des sessions précédentes ».
  • [177]
    Les élections fédérales eurent lieu le 13 juin 1999 et le 18 mai 2003. Cf. F. DELPÉRÉE, « Courtes crises », Journal des tribunaux, 2003, n° 10 et « Les volets de la crise », Journal des tribunaux, 2004, n° 6.
  • [178]
    La Cour se borne à dire qu’« il peut être admis » qu’on maintienne la coexistence de la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde et de circonscriptions correspondant au territoire des provinces pendant la législature 2003-2007. Cf. l’extrait de l’arrêt de la Cour d’arbitrage, cité supra.
  • [179]
    Hugues Dumont juge la fin du raisonnement de la Cour d’arbitrage comme étant « pour le moins original de la part d’une juridiction ». Marc Uyttendaele est plus précis encore : « Il est permis de déduire de ce qui précède que, sur le plan technique, une suite possible de l’arrêt de la Cour d’arbitrage est l’organisation du statu quo. Cependant, une telle formule, qui s’apparenterait à une forme de crime parfait, trahirait dans le chef du législateur un mépris de mauvais aloi à l’égard de la Cour constitutionnelle et cela même si celle-ci a fait montre en l’espèce d’une certaine incohérence. » Cf. supra.
  • [180]
    Paul Van Orshoven est très clair : « De prime abord, cela signifie avant les prochaines élections fédérales, mais la Cour a manifestement voulu tenir compte d’une éventuelle, quoique très improbable, dissolution anticipée des chambres, elle garantit au législateur, en tout état de cause, un délai de quatre ans. » C’est aussi l’avis de Hugues Dumont et de Patrica Popelier, qui citent K. MUYLLE et J. VAN NIEUWENHOVE, « De gedeeltelijke vernietiging van de kieshervorming », TBP, 2003, p. 628.
  • [181]
    Vlaams Parlement, Stuk 31 (2004), n° 2,18 mai 2005.
  • [182]
    Concrètement, il vise le statut prioritaire du néerlandais dans la périphérie, par exemple dans l’affichage du nom des rues ; une nouvelle circulaire de type Peeters avec des menaces de sanction contre les bourgmestres qui ne l’appliqueraient pas ; enfin, la connaissance du néerlandais pour les mandataires des communes à facilités (le décret communal flamand du 15 juillet 2005 reprend les connaissances linguistiques comme condition d’exercice d’un mandat, avec recours possible devant une autorité administrative ; pour les communes à facilités, il existe un système de présomption de connaissance depuis la loi de pacification du 9 août 1988). La circulaire annoncée a été élaborée ; il s’agit de la circulaire du ministre Keulen du 8 juillet 2005.
  • [183]
    Notamment par des moyens donnés à Vlabinvest, qui visent à accorder des logements sociaux aux candidats démontrant un lien sociétal et socioculturel avec la Flandre.
  • [184]
    Il rappelle les résolutions institutionnelles de 1999 et de 2004, et propose d’installer une commission parlementaire qui doit rédiger une Constitution flamande.
  • [185]
    Par exemple, la reconnaissance de la Flandre comme un partenaire par l’Union européenne, la revendication de l’exercice de la compétence d’inspection pédagogique dans les écoles francophones des communes à facilités, ou encore un système d’ombudsman pour enregistrer les plaintes des Flamands à Bruxelles dans les hôpitaux.
  • [186]
    Ainsi qu’un rôle déterminant dans l’accord intra-francophone dit de la Saint-Boniface, qui conditionnait son abstention lors du vote des lois spéciales.
Français

La seule réforme institutionnelle réalisée jusqu’à présent par le gouvernement Verhofstatd II est la régionalisation du commerce des armes, alors que le chantier qui attendait le Premier ministre à l’aube de son second mandat semblait immense. Et il y a peu de chances pour que la moindre négociation s’engage avant la fin de la législature.
Pour comprendre cette situation il faut revenir sur le train de réformes initié sous la législature précédente. La liste des revendications flamandes appelant de nouveaux transferts de compétences est longue et régulièrement rappelée. Une partie minime des demandes flamandes a été satisfaite, les lois spéciales de 2001 concernant principalement le refinancement des communautés et l’extension des compétences fiscales des régions. Une réforme électorale avait tenté une scission « horizontale » de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde, mais celle-ci avait été annulée par la Cour d’arbitrage. L’accord dit « du renouveau politique » de 2002 ne pouvait quant lui être mis en œuvre que moyennant la révision de plusieurs articles de la Constitution.
Ces réformes n’ont pu être discutées au sein du Forum annoncé par l’accord du gouvernement fédéral en 2003, les discussions étant gelées par la question de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Cette question, elle-même mise au frigo avant les élections de juin 2004, n’a pu être résolue car les partis flamands qui s’étaient formellement engagés sur la scission n’ont pu accepter toutes les contreparties demandées par les francophones.
Des épisodes de fortes tensions communautaires ont marqué les deux premières années de la législature, avec notamment la menace constante de mise en action de la « sonnette d’alarme » par les francophones au cas où les partis flamands de la Chambre voteraient la réforme qu’ils voulaient sur Bruxelles-Hal-Vilvorde. Ces tensions resteront dans les mémoires lors du prochain round de négociations institutionnelles qui devrait avoir lieu après les prochaines élections fédérales.

  1. INTRODUCTION
  2. 1. LE BILAN DES RÉFORMES ENGRANGÉES SOUS LA LÉGISLATURE 1999-2003
    1. 1.1. LES ACCORDS DU LAMBERMONT
      1. 1.1.1. Les nouvelles compétences des régions et des communautés
      2. 1.1.2. L'extension de l’autonomie fiscale des régions et le refinancement des communautés
        1. L’autonomie fiscale régionale
        2. Le refinancement des communautés
    2. 1.2. L’ACCORD DU LOMBARD
    3. 1.3. L'ACCORD DU 26 AVRIL 2002 ET LA DÉCLARATION DE RÉVISION DE LA CONSTITUTION
    4. 1.4. LES ARRÊTS DE LA COUR D’ARBITRAGE DES 26 FÉVRIER ET 26 MAI 2003
    5. 1.5. LA FRONDE DES BOURGMESTRES FLAMANDS DE LA PÉRIPHÉRIE BRUXELLOISE
  3. 2. LA PREMIÈRE ANNÉE DU GOUVERNEMENT VERHOFSTADT II
    1. 2.1. L’ACCORD DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL DU 13 JUILLET 2003
      1. 2.1.1. Le Forum
      2. 2.1.2. Les autres questions institutionnelles
    2. 2.2. LA MISE EN ŒUVRE DE L’ACCORD FÉDÉRAL AU COURS DE LA PREMIÈRE ANNÉE DE LA LÉGISLATURE
      1. 2.2.1. La régionalisation de l’octroi des licences d’exportation, d’importation et de transit d’armes
      2. 2.2.2. Le report du Forum
    3. 2.3. LE RETOUR DE LA PROBLÉMATIQUE DE BRUXELLES-HAL-VILVORDE
      1. 2.3.1. Les propositions de loi visant à scinder la circonscription électorale
      2. 2.3.2. La nouvelle fronde des bourgmestres et la formation d’un front flamand
  4. 3. LES ACCORDS RÉGIONAUX ET COMMUNAUTAIRES DE 2004
    1. 3.1. LES ACCORDS FRANCOPHONES
    2. 3.2. L’ACCORD FLAMAND
      1. « Meer Vlaanderen »
      2. Principes généraux repris dans l’accord du gouvernement flamand
      3. L’établissement d’ensemble de compétences homogènes
      4. De nouvelles compétences ponctuelles
      5. Les revendications relatives à Bruxelles
      6. La périphérie bruxelloise et les communes à facilités
    3. 3.3. LA SITUATION POLITIQUE DU CÔTÉ FLAMAND
  5. 4. LES TENSIONS COMMUNAUTAIRES AU LENDEMAIN DES ÉLECTIONS DU 13 JUIN 2004
    1. 4.1. L’ACCROISSEMENT DE LA TENSION AVANT ET APRÈS LES ÉLECTIONS
    2. 4.2. LES INITIATIVES DE GUY VERHOFSTADT (AOÛT-SEPTEMBRE 2004)
    3. 4.3. LA DÉCLARATION DE POLITIQUE GÉNÉRALE DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL (12 OCTOBRE 2004)
    4. 4.4. LES PROPOSITIONS DE LOI RELATIVES À LA CIRCONSCRIPTION DE BRUXELLES-HAL-VILVORDE
      1. 4.4.1. Proposition de loi de parlementaires CD&V
      2. 4.4.2. Proposition de loi de parlementaires MR
      3. 4.4.3. Proposition de loi de parlementaires VLD, CD&V, N-VA et SP.A – Spirit
      4. 4.4.4. Proposition de loi de parlementaires PS
      5. 4.4.5. Proposition de loi de parlementaires CDH
    5. 4.5. L’INSTALLATION DU FORUM (19 OCTOBRE 2004)
      1. 4.5.1. La composition du Forum
      2. 4.5.2. Les réunions du Forum
    6. 4.6. LE COMITÉ DE CONCERTATION ET LA CRÉATION DE LA CONFÉRENCE INTERMINISTÉRIELLE DE RÉFORMES INSTITUTIONNELLES (9 NOVEMBRE 2004)
      1. 4.6.1. La composition de la Conférence interministérielle
      2. 4.6.2. L’unique réunion de la Conférence interministérielle et la création du groupe de travail (17 janvier 2005)
    7. 4.7. LA COMMISSION DE L’INTÉRIEUR DE LA CHAMBRE (DÉCEMBRE 2004 À MAI 2005)
      1. 4.7.1. Le maintien de la position flamande
      2. 4.7.2. Le report de l’examen des propositions en commission
      3. 4.7.3. La prise de position des présidents des partis francophones
      4. 4.7.4. La position du gouvernement fédéral
      5. 4.7.5. Les positions du CD&V
      6. 4.7.6. Les travaux de la commission de l’Intérieur
  6. 5. LE GROUPE DE TRAVAIL INFORMEL DU PREMIER MINISTRE ET L’ESQUISSE D’ACCORD (AVRIL-MAI 2005)
    1. 5.1. L’HYPOTHÈSE DE LA RÉVISION DE L’ARTICLE 63 DE LA CONSTITUTION
    2. 5.2. LA CRÉATION DU GROUPE DE TRAVAIL INFORMEL
    3. 5.3. LE CONTENU DU PROJET D’ACCORD
      1. 5.3.1. La circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde
      2. 5.3.2. Les compétences de la Communauté française et le régime des facilités dans les six communes à facilités de la périphérie
      3. 5.3.3. L’emploi des langues dans les communes bruxelloises
      4. 5.3.4. L’arrondissement judiciaire de Bruxelles
      5. 5.3.5. Le nouveau programme financier de désendettement et le financement de Bruxelles
    4. 5.4. L’ANALYSE DU PROJET D’ACCORD DU 10 MAI 2005 EN FONCTION DES DISCUSSIONS ANTÉRIEURES
      1. 5.4.1. Une négociation portant sur un nombre limité de points
      2. 5.4.2. L’accroissement des compétences de la Communauté française
      3. 5.4.3. La scission de l’arrondissement judiciaire
      4. 5.4.4. L’emploi des langues à Bruxelles
  7. 6. L’ARRÊT DES NÉGOCIATIONS ET LE VOTE DE CONFIANCE AU GOUVERNEMENT (10-13 MAI 2005)
    1. 6.1. LA DÉCLARATION GOUVERNEMENTALE
    2. 6.2. LE DÉBAT ET LE VOTE
    3. 6.3. LES SUITES EN FLANDRE ET AILLEURS
  8. CONCLUSION
    1. LES REVENDICATIONS ET LA STRATÉGIE DES PARTIS FLAMANDS
    2. L’ATTITUDE ET LES OBJECTIFS DES PARTIS FRANCOPHONES
    3. LA POLITIQUE DES GOUVERNEMENTS VERHOFSTADT DANS LES MATIÈRES INSTITUTIONNELLES
Jacques Brassinne de La Buissière
La seule réforme institutionnelle réalisée jusqu’à présent par le gouvernement Verhofstatd II est la régionalisation du commerce des armes, alors que le chantier qui attendait le Premier ministre à l’aube de son second mandat semblait immense. Et il y a peu de chances pour que la moindre négociation s’engage avant la fin de la législature. Pour comprendre cette situation il faut revenir sur le train de réformes initié sous la législature précédente. La liste des revendications flamandes appelant de nouveaux transferts de compétences est longue et régulièrement rappelée. Une partie minime des demandes flamandes a été satisfaite, les lois spéciales de 2001 concernant principalement le refinancement des communautés et l’extension des compétences fiscales des régions. Une réforme électorale avait tenté une scission « horizontale » de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde, mais celle-ci avait été annulée par la Cour d’arbitrage. L’accord dit « du renouveau politique » de 2002 ne pouvait quant lui être mis en œuvre que moyennant la révision de plusieurs articles de la Constitution. Ces réformes n’ont pu être discutées au sein du Forum annoncé par l’accord du gouvernement fédéral en 2003, les discussions étant gelées par la question de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Cette question, elle-même mise au frigo avant les élections de juin 2004, n’a pu être résolue car les partis flamands qui s’étaient formellement engagés sur la scission n’ont pu accepter toutes les contreparties demandées par les francophones. Des épisodes de fortes tensions communautaires ont marqué les deux premières années de la législature, avec notamment la menace constante de mise en action de la « sonnette d’alarme » par les francophones au cas où les partis flamands de la Chambre voteraient la réforme qu’ils voulaient sur Bruxelles-Hal-Vilvorde. Ces tensions resteront dans les mémoires lors du prochain round de négociations institutionnelles qui devrait avoir lieu après les prochaines élections fédérales.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/02/2006
https://doi.org/10.3917/cris.1903.0005
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