CAIRN.INFO : Matières à réflexion

INTRODUCTION

1 Dans la précédente livraison du Courrier hebdomadaire nous avons abordé les débats parlementaires bruxellois sur les relations communautaires, la fiscalité et la mobilité. Le même type d’analyse porte dans la présente livraison sur les nuisances sonores dues au survol aérien de Bruxelles, la politique de l’eau et la Cobru.

2 Rappelons que le choix de ces thématiques a été dicté par le fait qu’elle nous ont paru de nature à éclairer une triple préoccupation : la Région de Bruxelles-Capitale doit concilier la défense des intérêts de sa population avec son rôle de capitale ; elle est organisée sur la base de deux groupes linguistiques officiellement reconnus – le groupe français et le groupe néerlandais – qui participent à sa gestion ; au cours de la législature 1999-2004, l’absence d’Écolo au sein de la majorité, alors qu’il avait participé aux négociations de l’accord gouvernemental, a rendu le rapport de forces défavorable au PS par rapport à son partenaire.

3 Pour la lecture chronologique des débats, il faut noter que, durant la législature 1999-2004, plusieurs groupes politiques ont changé de dénomination : le 5 octobre 2001, le groupe CVP devenait le groupe CD&V ; le 30 novembre 2001, le groupe VLD-VU-O devenait le groupe VLD-Spirit et le 3 juillet 2002, le groupe VLD ; le 29 mars 2002, le groupe PRL FDF se transformait en groupe MR ; le 24 mai 2002, le groupe PSC prenait l’appellation de groupe CDH. Le gouvernement bruxellois connut plusieurs remaniements. Le poste de ministre-président changea trois fois de titulaire. Le 18 octobre 2000, François-Xavier de Donnea (PRL FDF) devenait ministre-président à la place de Jacques Simonet. Le 6 juin 2003, Daniel Ducarme (PRL FDF) devenait à son tour ministreprésident. Jacques Simonet reprenait cette fonction le 18 février 2004. D’autres remplacements intervinrent : le 18 octobre 2000, Guy Vanhengel (VLD-VU-O) prenait la place d’Annemie Neyts-Uyttebroeck et Willem Draps remplaçait Éric André en tant que secrétaire d’État ; le 15 septembre 2003, Pascal Smet (SP-Aga) accédait au poste de secrétaire d’État en lieu et place de Robert Delathouwer.

4 La conclusion concerne l’ensemble des problématiques abordées dans les deux livraisons du Courrier hebdomadaire.

1. LES NUISANCES SONORES DUES AU SURVOL AÉRIEN DE BRUXELLES

5 Le problème des nuisances sonores dues à l’exploitation de l’aéroport de Bruxelles-Na-tional suscita de nombreux débats au Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale.

6 À la fin de la législature précédente, le 27 mai 1999, le gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale adopta, à l’initiative du ministre de l’Environnement Didier Gosuin, un arrêté déterminant les normes acoustiques à respecter par les exploitants de l’aéroport de jour comme de nuit. Cet arrêté, entré en vigueur le 1er janvier 2000, avait pour but de limiter les nuisances des avions, notamment par la fixation de normes de bruit définies en fonction des zones et des périodes de survol. Le 11 octobre 2000, BIAC (société exploitante de l’aéroport) et un certain nombre de compagnies aériennes introduisirent un recours en suspension et en annulation, sur la base d’une étude réalisée par la KUL. L’auditeur du Conseil d’État mit en évidence le peu de sérieux de cette étude et le Conseil d’État refusa de suspendre l’arrêté du gouvernement bruxellois  [1].

7 La déclaration gouvernementale de juin 1999 aborda la problématique des nuisances sonores dans son chapitre consacré à l’environnement et à la qualité de vie. Ce chapitre présentait parmi ses objectifs principaux la nécessité de respecter un équilibre harmonieux entre les aspirations et prescriptions environnementales et la nécessité du développement économique et de l’emploi. Pour ce qui concernait plus particulièrement les nuisances sonores, la déclaration gouvernementale annonçait que le plan « bruit » serait approuvé définitivement et qu’une attention particulière serait apportée aux nuisances sonores dues au survol aérien de Bruxelles  [2].

8 Si la lutte contre le bruit est bien une compétence régionale, l’exploitation de l’aéroport de Bruxelles-National est du ressort du gouvernement fédéral. Le traitement des nuisances sonores dues au trafic aérien nécessitait donc une concertation avec celui-ci.

9 Une proposition de résolution en vue de l’élaboration d’une concertation entre entités fédérale et régionales afin de prévenir et de réduire les nuisances et les dangers liés au trafic aérien fut déposée par Béatrice Fraiteur (PSC), François Roelants du Vivier (PRL FDF) et Willem Draps (PRL FDF) le 23 juin 1998. Elle fut à nouveau déposée et prise en considération le 20 octobre 1999.

1.1. L’ARRÊTÉ DURANT DE LA SAINT-SYLVESTRE ET LA DÉCISION FÉDÉRALE DU 11 FÉVRIER 2000

10 Le 28 décembre 1999, la ministre fédérale des Transports Isabelle Durant (Écolo) prit un arrêté d’interdiction des vols de nuit entre 1h et 5h du matin, après une période de transition progressive de trois ans. L’arrêté prévoyait également une diminution du bruit global calculé sur une nuit de huit heures, ainsi qu’une diminution des pics de bruit les plus dérangeants par l’élimination, dans le courant de l’année 2000, des avions les plus bruyants et plus particulièrement, de la majorité des B-727 hushkittés[3]. Cette décision suscita la vive opposition de BIAC et de l’entreprise de courrier express DHL, ce qui amena la ministre fédérale, mise en minorité au gouvernement, à retirer son arrêté et le Premier ministre Guy Verhofstadt à s’impliquer personnellement dans le dossier. Le 14 janvier 2000, la députée régionale Béatrice Fraiteur demanda au ministre-président Jacques Simonet s’il y avait eu concertation entre le gouvernement fédéral et le gouvernement régional bruxellois avant que la ministre fédérale des Transports ne prenne sa décision. Jacques Simonet répondit qu’il n’y avait eu aucune concertation entre la ministre fédérale et les autres niveaux de pouvoir régionaux. Il rappela les paramètres de la coopération que la région voulait instaurer avec l’État fédéral en la matière : poursuivre des objectifs concertés en matière de croissance économique, de maintien de l’emploi, mais évidemment aussi de tranquillité des riverains. On ne pouvait isoler l’un des aspects de la problématique  [4].

11 Le 28 janvier 2000, la députée écologiste Geneviève Meunier interrogea le ministreprésident sur la position du gouvernement bruxellois dans le dossier des nuisances sonores nocturnes dues aux activités de l’aéroport de Bruxelles-National. Le groupe Écolo estimait que le gouvernement et tous les partis bruxellois devaient prendre clairement position dans ce dossier pour protéger la sécurité et la santé de plusieurs milliers de Bruxellois. Ayant appris qu’une concertation allait avoir lieu entre le pouvoir fédéral et les régions, elle attirait l’attention sur l’urgence d’une position claire du gouvernement bruxellois en vue de cette concertation. Il s’agissait, d’une part, de protéger les riverains, d’autre part, de faire diminuer de manière significative les nuisances provoquées par l’aéroport de Bruxelles-National. Le ministre-président répondit que la position du gouvernement était on ne peut plus claire dans ce dossier. Son souhait était que le gouvernement fédéral prenne des dispositions destinées à limiter les nuisances acoustiques générées par les activités de l’aéroport tout en permettant le développement d’une activité économique aéroportuaire respectueuse des populations survolées. Le gouvernement plaidait depuis des années en faveur d’une concertation entre les différents niveaux de pouvoir. Il saluait la volonté du Premier ministre d’associer les entités fédérées aux travaux du groupe de travail ad hoc et soulignait que la Région bruxelloise était la seule entité du pays à avoir pris un arrêté limitant les normes acoustiques  [5].

12 Alors que les débats sur la prévention des nuisances étaient en cours au niveau fédéral, Béatrice Fraiteur (PSC) demanda le 11 février 2000 au ministre de l’Environnement Didier Gosuin s'il était au courant du résultat de ces négociations et s'il comptait donner une information sur ce sujet en commission. Elle voulait également savoir si le ministre allait continuer à appliquer son arrêté relatif aux nuisances acoustiques, quelles que soient les décisions prises au niveau fédéral. Didier Gosuin confirma que les régions avaient bien été associées aux discussions et que son arrêté restait d'application  [6]. Le même jour, un accord-cadre intervint au niveau fédéral autorisant les vols de nuit à certaines conditions. Parmi les décisions prises – qui seraient transposées dans des arrêtés, un an plus tard, le 9 février 2001– figurait la suppression de la « route Chabert », un itinéraire qui autorisait les avions qui font route vers le sud-ouest à survoler Bruxelles en ligne droite à faible altitude du vendredi à 18h au lundi à 7h  [7].

13 Le 26 mai 2000, la proposition de résolution en vue de l’élaboration d’une concertation entre entités fédérale et régionales afin de prévenir les nuisances et dangers liés au trafic aérien, déposée par Béatrice Fraiteur et co-signée par François Roelants du Vivier et Willem Draps, était votée à l’unanimité  [8].

1.2. LES ACCORDS DE 2002

14 Le 22 février 2002, un accord fut signé entre l’État fédéral, la Région de Bruxelles-Capi-tale et la Région flamande. Cet accord, complété par les accords du 16 juillet et du 29 novembre 2002, concentrait tous les décollages de nuit sur une nouvelle route conçue de manière à survoler le moins de population possible. Le nombre de riverains dérangés passait ainsi de 19 000 à 10 000 personnes. Les riverains concernés bénéficiaient d’un programme d’isolation acoustique financé par une nouvelle redevance imposée aux compagnies aériennes. Le pouvoir fédéral reconnaissait le pouvoir normatif des régions, les deux régions devant s’entendre sur de nouvelles normes communes de bruit. La Région de Bruxelles-Capitale suspendit l’application de son arrêté sur les normes acoustiques et BIAC devait retirer son recours contre cet arrêté.

15 Le 29 mars 2002, Geneviève Meunier (Écolo), se réjouissant de cet accord, souligna la possibilité qu’il donnait d’interdire les avions les plus bruyants, les fameux avions hushkittés, elle insista sur la nécessité de prendre un tel arrêté royal immédiatement car une nouvelle directive européenne sur les avions hushkittés, « qui fait clairement prévaloir les intérêts économiques sur les exigences environnementales » allait être adoptée prochainement par le Parlement européen  [9].

16 Le 12 novembre 2002, le député CDH Denis Grimberghs interpella le ministre de l’Environnement Didier Gosuin sur le contrôle du bruit des avions à la commission de l’Environnement, de la Conservation de la nature et de la Politique de l’eau. Arguant du fait que, malgré les mesures prises pour maîtriser le phénomène du bruit des avions, les nouvelles procédures de décollage en vigueur depuis 2001 étaient, selon lui, à l’origine d’une augmentation des nuisances sonores et des risques au-dessus de Bruxelles, il demandait si les mesures de contrôle du bruit avaient été adaptées aux nouvelles trajectoires. Geneviève Meunier avait également constaté une augmentation des survols de Schaerbeek le jour et la nuit, mais elle pensait que l’accord de février 2002 et la modification des procédures de décollage intervenue à la fin octobre devraient réduire les nuisances nocturnes. Quant aux nuisances diurnes, ce serait, selon elle, un point important pour le prochain gouvernement fédéral.

17 Le ministre Gosuin rappelait qu’il avait accordé une priorité à la problématique des vols de nuit sur laquelle il avait obtenu un accord durable et favorable aux Bruxellois. Cet accord rencontrait les principaux objectifs qu’il s’était toujours fixés : éviter le survol de Bruxelles, la dispersion des vols et la dilution des nuisances ; assurer aux Bruxellois une sécurité juridique quant à la protection de leur environnement sonore ; permettre aux riverains de la zone située dans l’axe de la piste principale d’isoler leurs logements dans le respect des recommandations de l’OMS et obtenir la reconnaissance officielle de la compétence régionale en matière de normes de bruit. Il donnait ensuite diverses explications sur les mesures de bruit effectuées par l’Institut bruxellois pour la gestion de l'environnement (IBGE)  [10].

18 Le 29 novembre 2002, le ministre Gosuin fut interrogé par Marion Lemesre (MR-PRL)  [11] et Béatrice Fraiteur (CDH) à propos du respect de l’accord de coopération et des conclusions de la réunion qui s’était tenue le matin entre les régions et l’État fédéral à propos des vols de nuit. Sans nier certains problèmes du côté de la Région flamande, le ministre se voulait rassurant : les accords des 22 février 2002 et du 16 juillet 2002 étaient intégralement maintenus. Il ajoutait une autre bonne nouvelle, à savoir la décision de demander à Belgocontrol d’ajuster ses procédures de jour  [12].

19 Début 2003, la concentration partielle des vols de nuit sur la périphérie Nord suscitait de vives réactions flamandes. La ministre flamande de l’Environnement Vera Dua exigeait une répartition des vols de nuit et menaçait d’adopter elle aussi des normes acoustiques sévères  [13].

20 Lors de sa réunion du 16 janvier 2003, le gouvernement de la Région de Bruxelles-Capi-tale procéda à un échange de vue au sujet de l’accord sur les vols de nuit. Le ministreprésident François-Xavier de Donnea entendait que l’accord soit respecté et pensait que les choses se clarifieraient lorsque les trois Boeing 727 hushkités de DHL auraient disparu du ciel, ce qui devait se faire le 15 mars. À cet égard, il reprochait à la ministre fédérale des Transports Isabelle Durant de ne pas avoir attendu cette date pour mettre l’accord en œuvre [14]. François-Xavier de Donnea ne cachait pas que la fin de l’accord signifierait aussi la fin de la suspension de l’arrêté bruxellois sur le respect des normes acoustiques et la reprise des verbalisations. Cependant, les ministres flamands du gouvernement bruxellois, Jos Chabert (CD&V) et Guy Vanhengel (VLD) souhaitèrent, quant à eux, un réexamen de l’accord. Ils ne furent pas suivis par le secrétaire d’État socialiste flamand Robert Delathouwer. Celui-ci trouvait les prises de position de certains mandataires de la Région flamande injustes à l’égard des Bruxellois, lesquels n’avaient pas adopté une ligne de conduite communautaire dans un dossier qui ne pouvait être examiné sous cet angle  [15].

1.3. L’ACCORD DU 24 JANVIER 2003

21 Suite aux remous entraînés par la mise en œuvre des accords de 2002, une importante concertation entre l’État fédéral, la Région de Bruxelles-Capitale et la Région flamande eut lieu le 23 janvier 2003. Elle déboucha sur l’accord du 24 janvier 2003 qui réaménageait les accords précédents. La répartition des vols de nuit en quatre catégories amenait un survol de la périphérie Est de 7,7 vols par nuit, de Bruxelles de 3,2 vols par nuit – pour lesquels le tracé n’était pas encore établi – et de la périphérie Nord de 6,4 vols par nuit. La situation des vols de jour ne changeait pas. Certaines procédures de vol devaient être adaptées et le Premier ministre demandait à DHL le retrait immédiat de ses trois boeings 727  [16].

22 Cet accord fit l’objet d’une question orale de Christos Doulkeridis l’après-midi même, dans laquelle le président du groupe Écolo déplorait que la Région bruxelloise ne se soit pas exprimée d’une seule voix. Le ministre-président François-Xavier de Donnea répondit que la Région bruxelloise avait donné son accord à la proposition du gouvernement fédéral qui n’impliquait que peu de concessions pour Bruxelles. L’alternative à cette proposition aurait été de revenir à la situation d’avant l’accord de 2002, ce qui aurait signifié le rétablissement de la route Chabert, l’abandon du programme d’isolation et la création d’une insécurité d’emploi. Christos Doulkeridis constatait certains reculs. Il doutait de la capacité de François-Xavier de Donnea de défendre une position clairement approuvée au sein de la majorité. Il faisait état d’une information selon laquelle le ministre Tomas se serait désolidarisé des accords conclus  [17].

23 Décrié par le monde associatif bruxellois  [18], l’accord suscita également les interpellations de Caroline Persoons (MR-FDF) et de Christos Doulkeridis (Écolo) en commission de l’Environnement du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale le 11 février 2003. Caroline Persoons mit l’accent sur le fait que ce n’était pas la Région bruxelloise qui avait dénoncé les accords de 2002. Elle décelait des zones d’ombre dans l’accord du 24 janvier à propos du contrôle des normes, de la concentration des vols de nuit à certaines heures, de la demande flamande de renvoyer une partie des vols de jour sur la Région bruxelloise et de la solidité de l’accord. Christos Doulkeridis mettait en cause le manque de mobilisation des Bruxellois dans ce dossier. Il considérait le dernier accord intervenu comme mauvais pour Bruxelles, précisant qu’Écolo en assumait sa part de responsabilité. Mais pour lui, la raison principale de l’échec de l’accord et du recul enregistré était à rechercher dans l’absence d’unanimité au sein du gouvernement bruxellois. Alors que l’aspect sécurité était fondamental, il constatait que certains interlocuteurs ne semblaient pas le prendre en compte. Il appelait les Bruxellois à se serrer les coudes et à organiser une mobilisation. Joseph Parmentier (PS) déplora que le gouvernement ait dû agir sous pression. Le groupe socialiste ne s’était pas opposé à la discussion pour ne pas remettre l’accord historique du 22 février 2002 en cause. Prenant acte des concessions qu’il avait fallu accepter, il avertissait que son groupe ne pourrait accepter des changements de cap continuels et qu’il se montrerait vigilant en ce qui concernait le respect strict et équitable du dernier accord. Il demandait des précisions sur la correction des chiffres pris en compte et voulait savoir si le ministre avait reçu un mandat de l’ensemble du gouvernement lorsqu’il avait participé aux négociations.

24 Béatrice Fraiteur (CDH) déplora le retour des vols de nuit sur Bruxelles, au mépris de la santé et de la sécurité des citoyens. Elle releva également que le plafond annuel des vols de nuit restait inchangé. Elle fit remarquer que la dispersion des vols de nuit sur le territoire régional rendait inefficientes toutes les mesures concernant les zones d’isolation. Elle demanda au ministre des informations sur le contrôle des normes de bruit et l’interrogea sur sa détermination à résister à la Flandre qui souhaitait, semblait-il, renvoyer une partie des vols de jour vers la Région bruxelloise.

25 Au nom du VLD, Jean-Luc Vanraes souligna l’importance économique de l’aéroport de Bruxelles-National pour la Région bruxelloise. Il se déclara partisan d’une harmonisation des normes de bruit et d’un minimum de nuisances sonores pour tous les habitants de Bruxelles et de sa grande périphérie. Comme l’impossibilité de limiter les routes aériennes à un seul couloir étroit était clairement apparue, il considérait qu’il fallait élargir au maximum ce corridor. Il ne voulait pas plaider pour un retour à la route Chabert mais il ne voulait pas non plus que l’on perde de vue l’élément solidarité. Il demandait que l’on veille dans les prochaines négociations à ce que les nuisances sonores restent minimales pour tous. Il fallait encore travailler à la mise en œuvre d’un contrôle permanent des nuisances sonores et il fallait une étude approfondie sur la sécurité de l’aéroport. Adelheid Byttebier (SP/Aga) posa la question des choix politiques en matière d’environnement et d’économie. Pour elle, on ne rendait service ni à l’environnement ni à l’économie en laissant faire une seule société, à savoir DHL. Elle refusait de s’inscrire dans le jeu d’une surenchère entre Flamands et francophones. La question était de savoir dans quelle mesure il existait un lien entre l’ordonnance-cadre de lutte contre les nuisances sonores et les nuisances générées par l’aéroport. Elle estimait par ailleurs essentiel de tenir compte des risques pour la sécurité.

26 Le député CDH Denis Grimberghs demanda si l’on pouvait accepter la diminution du survol des zones les moins peuplées et posa la question des mesures d’accompagnement prévues pour les riverains. Alain Adriaens (Écolo) demanda des informations sur les recours introduits par les compagnies aériennes sanctionnées parce que leurs avions étaient trop bruyants. À ses yeux, l’épisode de janvier 2003 constituait un recul et il mettait en cause certains politiciens de la région de Vilvorde qui avaient manipulé les riverains pour déstabiliser le pouvoir fédéral. Il prônait la prise de mesures rationnelles indépendamment de la langue des riverains : l’interdiction des vols de nuit et la concentration des vols de jour sur les zones les moins peuplées. Walter Vandenbossche (CD&V) ironisait sur la « déconfiture » d’Écolo. Il considérait qu’il fallait trouver un équilibre entre l’économie et la qualité de la vie, entre la ville et la campagne, entre les différents modes de transport. Pour lui, le gouvernement bruxellois avait donc pris une bonne décision.

27 Danielle Caron (MR-FDF) se prononça pour l’obtention, via une disposition européenne, de l’interdiction des vols de nuit entre 23h et 6h du matin. Bruxelles restant une plateforme stratégique importante, il ne s’agissait pas d’interdire son survol mais de faire moins de bruit.

28 Dans sa réponse, le ministre de l’Environnement Didier Gosuin commença par constater que l’on ne pouvait parler de développement durable dans ce dossier. Tout au plus devait-on tenter de mettre le sparadrap environnemental sur des accords économiques signés en 1989-1990. Il ne cacha pas son insatisfaction par rapport à l’accord de janvier 2003. Il reconnut avoir commis l’erreur d’avoir sous-estimé la désinformation ambiante du Noordrand. Il signala que la délégation bruxelloise, unanime et fidèle à son mandat, avait accepté l’accord après avoir refusé trois propositions. Toute cessation de dialogue aurait été dangereuse vu l’incertitude électorale prochaine. Il insista sur le fait que l’accord formait un tout. La diminution du bruit serait poursuivie et les zones d’isolation ainsi que les normes de bruit seraient maintenues. La suspension de verbalisation pour les vols de nuit serait maintenue jusqu’en novembre 2003, le temps que les normes de bruit soient révisées. Cependant, les procès-verbaux pour les vols de jour seraient réalisés. Il ne fallait cependant pas négliger l’importance économique de DHL pour la Région bruxelloise. Le gouvernement bruxellois défendait la logique d’une réduction des charges sonores sur les zones les plus densément peuplées, cela de jour comme de nuit. Il conclut en rappelant, d’une part, que ces négociations avaient eu lieu dans un contexte très délicat où il avait fallu faire face à la nonchalance du pouvoir fédéral, d’autre part, que le gouvernement bruxellois n’avait pas reculé  [19].

29 La mise en œuvre de l’accord du 24 janvier 2003 tourna au conflit entre le Premier ministre Guy Verhofstadt et la ministre fédérale des Transports Isabelle Durant. Le 14 mars 2003, Jean-Pierre Cornelissen (MR-FDF) interrogea le ministre Gosuin sur le coup de force du Premier ministre concernant le trafic aérien en Brabant flamand et à Bruxelles. Il fit état de l’information diffusée le 6 mars par divers médias selon laquelle le Premier ministre avait, de sa propre autorité, fait modifier les routes aériennes au départ de Zaventem, au mépris de l’accord du 24 janvier, initiative immédiatement bloquée par la ministre compétente. La date d’entrée en vigueur de ces nouvelles routes, juste avant le scrutin du 18 mai, montrait que l’on était en plein électoralisme. Le ministre Gosuin répondit que le gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale n’était pas habilité à intervenir dans cette querelle de compétences interne au gouvernement fédéral, d’autant qu’aucune indication ne permettait de penser que les procédures aériennes qui devaient être publiées sortaient de l’accord du 24 janvier. Il précisa que la définition précise des routes aériennes dont le principe avait été arrêté le 24 janvier n’était pas soumise à l’approbation du comité de concertation. Par contre, il signala que le gouvernement bruxellois poserait des questions et, le cas échéant, interpellerait le comité de concertation sur l’empressement qui entourait la définition et la publication des routes aériennes décidées le 24 janvier, alors que les choses n’étaient pas réglées sur le plan de la réactualisation des zones d’exposition au bruit et sur la mise en œuvre du programme d’isolation prise en charge par les autorités fédérales  [20].

30 Le jeudi 20 mars, le ministre Gosuin fut consulté par la ministre fédérale des Transports et informé du danger de survoler le terminal Shell, chaussée de Vilvorde, une installation industrielle classée Sevezo  [21]. Le 28 mars 2003, le président du groupe Écolo au Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, Christos Doulkeridis, aborda ce problème devant l’assemblée bruxelloise. Soulignant que la ministre Durant avait tendu une perche à la Région bruxelloise en lui demandant de prendre attitude par rapport à cette situation, il voulait connaître la position adoptée par la région. Béatrice Fraiteur interrogea également le ministre sur ce point. Didier Gosuin répondit qu’en aucun cas le gouvernement bruxellois ne refusait de donner l’avis demandé par la ministre Durant. Cependant, le gouvernement ne disposant pas d’informations incontestables d’un point de vue scientifique dans une compétence qui n’était pas la sienne, il n’était pas en mesure d’émettre un avis circonstancié. Des rapports complémentaires et incontestés avaient donc été demandés à la ministre compétente. Cette réponse provoquait un vif échange de propos entre le ministre Gosuin et le ministre-président, d’une part, et Christos Doulkeridis, d’autre part  [22].

31 Fin avril, Belgocontrol prenait l’initiative, sur instruction du Premier ministre, de publier une nouvelle route bruxelloise dans les documents d’information internationaux destinés aux pilotes et aux compagnies aériennes. Isabelle Durant suspendit la publication, entrant en conflit ouvert avec le Premier ministre. La crise s’acheva par le départ d’Isabelle Durant et d’Olivier Deleuze du gouvernement fédéral et la reprise des compétences aéronautiques d’Isabelle Durant par la vice-Première ministre et ministre de l’Emploi Laurette Onkelinx (PS). Un nouveau tracé proposé par le Parti socialiste qui contournait un peu plus le site Sevezo et les quartiers les plus densément peuplés – « la route Onkelinx » – fut accepté  [23].

32 Le 15 mai 2003, Caroline Persoons interrogeait le gouvernement pour savoir s’il avait donné son aval à la « route Onkelinx ». Christos Doulkeridis posa la même question mais voulait également savoir si le ministre de l’Environnement comptait remettre en œuvre son arrêté relatif au respect des normes acoustiques et quelles étaient les dispositions prises par le gouvernement pour faire face aux risques liés à la sécurité.

33 Didier Gosuin répondit que le gouvernement bruxellois avait souscrit à l’accord du 24 janvier avec « des pieds de plomb » sur la base d’une proposition du gouvernement fédéral de l’époque. Après le 24 janvier, différentes propositions de routes au-dessus de Bruxelles avaient été proposées mais le gouvernement bruxellois n’avait pu donner son accord à leur sujet, menaçant, si le gouvernement fédéral passait outre, de remettre en œuvre son arrêté. À raison, mais pas de gaieté de cœur, le gouvernement avait acquiescé à la proposition de route Onkelinx qui était conforme à l’accord du 24 janvier 2003. Pour ce qui était de la sécurité, il rappela que la sécurité aérienne n’était pas de la compétence de la région. Cependant, la région était prête à participer à une compétence du fédéral, si ce dernier estimait utile de mettre en œuvre des plans catastrophe. Suite à l’accord pris une dizaine de jours auparavant, il avait immédiatement écrit à la ministre fédérale pour lui faire savoir que le gouvernement bruxellois était dans l’attente du respect intégral de l’accord. Il attendait encore la communication des contours des zones d’isolation de bruit. Il avait également demandé que la société BIAC renonce au recours introduit contre l’arrêté, ce qui était aussi une condition de l’accord  [24].

34 Le 20 juin, le président du groupe CDH, Benoît Cerexhe interrogea le ministre de l’Environnement sur la proposition faite par Daniel Ducarme le 13 mai 2003 d’organiser un referendum sur le survol de Bruxelles. Il estimait qu’il s’agissait de démagogie et que cela n’était pas juridiquement faisable  [25].

1.4. LA RÉSOLUTION DU 4 JUILLET 2003

35 Suite aux débats qui avaient porté sur l’accord du 24 janvier 2003, les parlementaires, membres de la commission de l’Environnement, avaient accédé à la demande de Caroline Persoons d’organiser des auditions en commission. Le 29 avril, les commissaires entendaient Philippe Touwaide, directeur du Service de médiation pour l’aéroport de Bruxelles-National, François van Hoobrouck, vice-président de l’Union belge contre les nuisances des avions (UBCNA), par ailleurs bourgmestre de Wezembeek-Oppem, Pierre Gilliard, administrateur de Bruxelles Air Libre. Alloo, directeur des opérations de Belgocontrol et Paul De Backer, Corporate Communicatios Manager de BIAC, répondirent aux questions des commissaires et le ministre Didier Gosuin fit part du dossier. Lors des réunions du 6 mai, les auditions relatives à la sécurité furent ajournées en raison d’un différend entre le secrétaire d’État Robert Delathouwer et les parlementaires qui souhaitaient entendre le représentant des pompiers sans poser préalablement les questions au secrétaire d’État. Ces auditions eurent lieu le 27 mai 2003, réunion au cours de laquelle intervinrent Véronique Paulus du Châtelet, gouverneur de l’arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale, Jan Kamphuis, expert néerlandais d’Airport and Aviation Consultancy, le secrétaire d’État Delathouwer et le major De Sneyder, officier commandant en second du SIAMU. À l’issue de ces différentes auditions, la commission fut saisie d’une proposition de résolution rédigée par des membres des groupes MR, PS, Écolo et CDH. Cette proposition fut examinée le 17 juin 2003. Lors de la réunion du 20 juin, la présidente de la commission signala qu’elle était informée du fait que les groupes néerlandophones ne pourraient signer la proposition. Anne Van Asbroeck (SP/Aga) rappela qu’elle avait émis des réserves quant au mode de travail ainsi qu’au contenu du texte. Celui-ci comportait des éléments que les groupes néerlandophones ne pouvaient admettre, notamment ce qui, selon elle, était sous-jacent à la proposition : la fermeture de l’aéroport de Bruxelles-National. Le dernier point de la proposition lui paraissait inacceptable dans la mesure où il y était question du développement d’un aéroport belge en dehors de l’agglomération bruxelloise. Le passage relatif aux vols de nuit lui posait également problème : en effet, la décision d’interdire les vols de nuit devait se prendre au niveau européen. Le 24 juin 2003, le député Michel Van Roye notait que les amendements déposés par les commissaires néerlandophones dénaturaient la proposition de résolution. Sven Gatz (VLD) souhaita arriver à une position commune qui fut soutenue tant par la majorité que par l’opposition. Un texte fut finalement adopté par 9 voix et deux abstentions  [26].

36 La proposition fut débattue à la séance plénière du 4 juillet 2003. Geneviève Meunier souligna le rôle joué par Écolo dans l’élaboration de cette résolution qui contenait des mots d’ordre que les verts avaient toujours soutenus : interdiction de tout vol entre 23 et 6h et limitation des avions les plus bruyants entre 21 et 23 h et 6 et 8h. S’il était vrai que l'interdiction devait être prise surtout au niveau européen, le gouvernement fédéral devait déjà progressivement limiter les vols de nuit comme cela avait été fait ailleurs. Écolo estimait aussi que le gouvernement fédéral devait se pencher sur les vols de jour pour des raisons de sécurité et de santé. Quant à la région, elle devait faire respecter les normes de bruit et de pollution atmosphérique. Pour le MR, Caroline Persoons marqua sa satisfaction d’être parvenu à une résolution claire et commune. Grâce à cela, les demandes des associations de riverains avaient désormais une portée politique. Il fallait tenir compte de l’intérêt du plus grand nombre dans le choix des routes et respecter la norme européenne qui organisait le survol des quartiers les moins peuplés. Les vols devaient être interdits entre 23 et 6h et la capacité de l’aéroport de Bruxelles-National devait être limitée au nombre actuel de mouvements annuels.

37 Béatrice Fraiteur annonça que le groupe CDH ne pouvait marquer son accord avec le texte tel qu’il était présenté. Elle considérait cette résolution comme une tentative des partis qui avaient participé à la capitulation de Bruxelles au mois de janvier de se racheter une bonne conscience à bas prix. Elle considérait cette proposition comme minimaliste et aux effets inexistants, reprochant notamment la disparition de la mention du nombre maximum de vols de nuit. Brigitte Grouwels (CD&V) constata qu’on ne retrouvait que très peu des amendements que son groupe avait déposés avec le VLD et le SP.a. Elle considérait que la proposition manquait de cohérence parce qu’elle n’optait pas pour la meilleure solution qui consistait en une dispersion générale de jour comme de nuit. Par ailleurs, la proposition ne tenait pas compte de l’intérêt de l’aéroport pour Bruxelles et ses habitants.

38 Joseph Parmentier (PS) se réjouit que le groupe SP/Aga se soit associé à la résolution. Pour le PS, il était en effet exclu de se laisser entraîner dans une communautarisation de cette question. Il signala qu’il aurait préféré que l’interdiction des vols de nuit vienne en premier lieu de la requête. Pour le reste, la résolution relayait bien, à ses yeux, les revendications des Bruxellois. Un aéroport international était nécessaire à Bruxelles, mais une capitale européenne ne valait rien si elle était invivable. Le groupe socialiste soutenait les accords souscrits précédemment par le ministre. Mais, concluait Joseph Parmentier, de tels accords n’étaient pas immuables et le PS continuerait à se battre pour améliorer la sécurité et la santé des habitants de la région. Dominiek Lootens-Stael annonça l’abstention du Vlaams Blok. S’il admettait que des mesures s’imposaient afin de limiter les nuisances liées aux vols, il souligna que l’aéroport fournissait des emplois à Bruxelles. Or, les Bruxellois ne voulaient que les avantages et laissaient aux Flamands les problèmes et les nuisances. Sven Gatz (VLD) considéra que cette résolution avait été préparée de manière un peu prématurée, sans tenir compte des néerlandophones. Plutôt que d’émettre un vote négatif, le VLD choisit d’amender le texte afin qu’il tienne compte des intérêts des habitants du Brabant flamand. Il attira l’attention sur le caractère transrégional de la problématique et sur l’intérêt de Zaventem pour le tissu économique de la Région bruxelloise. Pour le VLD, la solution devait être recherchée au niveau européen, ce qui ne devait pas empêcher le gouvernement d’agir, notamment en ce qui concernait la limitation des vols durant les heures difficiles. Une étude d’incidence était par ailleurs essentielle : avant de prendre des décisions définitives, il fallait mesurer l’impact des vols nocturnes sur la santé, l’environnement, l’économie et l’emploi. Il estimait en outre qu’il y avait des limites à l’extension de l’aéroport. Zaventem devait rester un aéroport de taille moyenne. L’augmentation des 250 000 vols annuels aux 400 000 rêvés par BIAC était totalement inacceptable pour le VLD. Anne Van Asbroeck (SP.a) mit pour sa part également l’accent sur la pollution atmosphérique et la sécurité. Toutefois, elle relevait l’impact économique extrêmement important de l’aéroport non seulement sur la région mais sur le pays tout entier. Il ne pouvait donc être question de démanteler l’aéroport de Zaventem. Mais il ne pouvait être non plus question d’une augmentation sensible du nombre de vols, laquelle se traduirait par un recul de la qualité de la vie  [27].

39 La résolution visant à prendre toutes mesures nécessaires afin de lutter contre les nuisances subies par les habitants et liées au survol de Bruxelles à partir de l’aéroport de Bruxelles-National fut votée par le MR, le PS, Écolo, le VLD et le SP.a.

40 Le Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale demandait au gouvernement fédéral :

  • une intervention prioritaire pour que les autorités européennes avancent rapidement vers l’interdiction des vols de nuit partout en Europe ;
  • l’interdiction programmée de tous les vols de nuit entre 23h et 6h du matin ;
  • la limitation programmée du quota count à 12 pour les avions décollant ou atterrissant entre 21h et 23h et entre 6h et 8h ;
  • le retrait du recours déposé au Conseil d’État par BIAC contre l’arrêté bruxellois et la mise en œuvre rapide du programme d’isolation acoustique ;
  • une négociation rapide entre l’État fédéral, la Région bruxelloise et la Région flamande, pour le choix des routes de vol en tenant compte au maximum de la santé, de l’environnement, de la sécurité et du principe européen visant à éviter le survol des zones à forte densité de population ;
  • une concertation rapide entre l’État fédéral et les régions pour redéfinir les zones et les conditions d’application des programmes d’isolation acoustique ;
  • la création, au niveau fédéral, d’un organe de contrôle public indépendant afin de veiller au respect des dispositions en matière de gestion des nuisances sonores ;
  • une politique aérienne concertée entre l’État fédéral et les régions afin de permettre à la Région bruxelloise, seule responsable de la protection de l’environnement sur son territoire, d’honorer ses obligations définies par de nombreuses directives européennes en matière de qualité de l’air, ce qui implique un contrôle effectif et un rapport public régulier des compagnies aériennes comme cela se pratique dans de nombreux pays ;
  • la passation d’une commande à un organisme indépendant d’une étude relative à l’impact global du trafic aérien de l’aéroport de Bruxelles-National sur l’emploi, l’activité économique, l’environnement et la santé publique en collaboration avec les régions ;
  • la mise en œuvre de toutes mesures techniques, technologiques ou d’infrastructures permettant d’assurer un survol à plus haute altitude des zones habitées et/ou en vue d’aboutir à une diminution des nuisances subies par les populations survolées ;
  • une planification des activités aéroportuaires à l’échelle nationale avec une limitation de la capacité de l’aéroport de Bruxelles-National et, à cette fin, la réalisation d’une analyse globale des coûts et bénéfices liés à la poursuite de l’exploitation ultérieure de l’aéroport de Bruxelles-National et au développement d’un aéroport belge international, plus éloigné d’un centre urbain  [28].

1.5. LE PLAN ANCIAUX

41 Le 10 juin 2003, la Cour d’appel de Bruxelles, saisie d’un recours introduit en octobre 2002 par 47 habitants de la périphérie Nord, rendit un arrêt qui confortait le principe de la dispersion des vols au-dessus de l’aéroport de Bruxelles-National. L’arrêt stipulait également que la norme de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en matière de nuisances sonores ne pouvait être dépassée.

42 L’accord du gouvernement fédéral du 8 juillet 2003 prévoyait la réalisation d’un cadastre du bruit et une répartition plus équitable. Le portefeuille des Transports était confié à Bert Anciaux (SP.a/Spirit). Début septembre 2003, celui-ci présenta un plan de dispersion des vols tant de jour que de nuit au départ de l’aéroport de Bruxelles-National. Ce qui provoqua les interpellations, le 18 septembre 2003, de Béatrice Fraiteur (CDH) et de Geneviève Meunier (Écolo) en commission plénière du Conseil de la Région de BruxellesCapitale. Selon Béatrice Fraiteur, les revendications bruxelloises exprimées dans la résolution du 4 juillet étaient remises en question par le ministre fédéral. Elle signalait que le ministre Anciaux ne répondait jamais à une plainte rédigée en français et qu’il n’adressait « qu’un vague accusé de réception aux plaintes rédigées en néerlandais ». BIAC n’avait, à sa connaissance, toujours pas retiré son recours contre l’arrêté bruxellois en matière de bruit des avions. La députée CDH reprochait son immobilisme au ministre de l’Environnement face aux violations des accords par ses partenaires. Elle lui demandait s’il ne serait pas temps de remettre l’arrêté bruit en vigueur ainsi que le contrôle et les sanctions à l’égard des contrevenants en vigueur. Elle remarquait l’absence de décision en matière d’isolation acoustique et de concertation en vue du choix des routes de vol. Sur le plan de la sécurité, elle contestait le raisonnement de Bert Anciaux selon lequel les routes aériennes les plus sûres sont les routes où les avions filent tout droit, en l’occurrence au-dessus du centre de Bruxelles. Le cadastre du bruit n’était toujours pas disponible, rien n’avait été fait au sujet de l’étude qui devait mesurer l’impact global de l’aéroport sur l’emploi, l’environnement et la santé. Quant à la création d’un organe de contrôle public indépendant afin de veiller au respect des dispositions en matière de nuisance sonore, elle n’était même pas à l’ordre du jour des discussions.

43 Geneviève Meunier évoqua l’accord du gouvernement fédéral qui prévoyait une concertation permanente avec les régions et un cadastre du bruit préalable à toute décision. Or, le nouveau ministre de la Mobilité avait annoncé qu’il allait exécuter fin septembre la première phase d’un plan de répartition des nuisances sonores liées à l’aéroport. Celle-ci consisterait à utiliser davantage de pistes de décollage, la deuxième phase consistant à utiliser, à partir de janvier, davantage de routes aériennes pour permettre une dispersion maximale des avions, des nuisances et des risques. Geneviève Meunier constatait, elle-aussi, que le ministre fédéral ne tenait pas du tout compte de la résolution bruxelloise, pourtant votée par une large majorité, y compris par le SP.a. Le cadastre du bruit, préalable à toute discussion, était encore virtuel et on ne savait pas qui était chargé de sa réalisation. La députée écologiste appelait la région à contre-attaquer et le ministre à réactiver son arrêté. Face à des nuisances insupportables pour tout le monde, il fallait supprimer les vols de nuit et développer une politique de mobilité cohérente et durable. François Roelants du Vivier (MR-FDF) trouvait pertinente la quasi-totalité des propos de Geneviève Meunier. L’idée évoquée par le Premier ministre d’implanter un nouvel aéroport à Chièvres lui semblait une bonne solution. Pour Joseph Parmentier (PS), la résolution votée le 4 juillet définissait ce qui devait au minimum être défendu par le gouvernement bruxellois. Le député socialiste demanda notamment à Didier Gosuin s’il avait attiré l’attention du ministre Anciaux sur la demande émise par le Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale d’avancer vers l’interdiction de tous les vols de nuit entre 23h et 6h du matin. Il appela à défendre bec et ongles la résolution contre les exploitants de l’aéroport de Bruxelles-National qui cherchaient uniquement le profit au détriment de la population.

44 Le ministre Gosuin répondit que l’élaboration d’un nouveau plan de dispersion devait faire l’objet d’une discussion au gouvernement fédéral. Cette étape franchie, il y aurait lieu d’en débattre. Le ministre Anciaux l’avait assuré qu’il suivrait la déclaration gouvernementale. Le cadastre du bruit était donc prévu. Cela faisait seulement quatre ans que le dossier avait été traité au niveau fédéral – après des années d’immobilisme –, mais il l’avait été dans la précipitation. Didier Gosuin affirmait que le ministre Anciaux s’était inspiré de la résolution bruxelloise et qu’il avait exprimé sa volonté de créer un organisme de contrôle des nuisances indépendant. Ce serait seulement dans le cas où il ne le ferait pas que le ministre bruxellois de l’Environnement interviendrait. Le ministre Anciaux n’avait pas évoqué la création d’un second aéroport national. Il avait seulement déclaré que la capacité de Zaventem était limitée à 300 000 mouvements. En conclusion, Didier Gosuin signalait qu’il n’était pas naïf et qu’il n’attendait pas que Bert Anciaux puisse faire des miracles. Il fallait, selon lui rester crédible dans les revendications et laisser le temps d’agir au ministre Anciaux  [29].

45 Le 16 octobre 2003, le ministre Bert Anciaux adressa un courrier à Belgocontrol lui demandant de publier de nouvelles routes aériennes pour le 22 janvier 2004. Il prit cette initiative sans obtenir l’accord du gouvernement fédéral et alors qu’aucune négociation avec les gouvernements régionaux n’avaient été entamée, ce qui suscita l’irritation du côté francophone. Le dimanche 29 octobre, lors d’un débat télévisé à RTL-TVI, le ministre de l’Environnement Didier Gosuin et le député-bourgmestre Charles Picqué dénoncèrent le comportement de Bert Anciaux, allant jusqu’à évoquer sa démission  [30].

46 Le 14 novembre 2003, Béatrice Fraiteur, Caroline Persoons et Geneviève Meunier interpellèrent le ministre Gosuin sur la mise en œuvre du plan Anciaux. Béatrice Fraiteur demanda quels moyens étaient à la disposition de la Région bruxelloise pour empêcher le ministre Anciaux de mettre son plan en œuvre. Pour elle, il devenait urgent de prévoir un maximum de mouvements annuels pour l’aéroport de Bruxelles-National plutôt que de permettre à BIAC de majorer à terme ce nombre de mouvements. Pour la députée FDF Caroline Persoons, le plan Anciaux n’était pas un plan de dispersion des vols mais bien un plan de concentration des vols sur Bruxelles. Elle souligna le non-respect par le plan Anciaux de la résolution bruxelloise et de l’accord gouvernemental fédéral. Geneviève Meunier fit remarquer que le plan réintroduisait de façon larvée la route Chabert. Il avait été conçu sans demander l’avis des pilotes et chargeait BIAC de réaliser une étude sur la valeur économique des vols de nuit alors que la résolution du 4 juillet prévoyait une étude indépendante. Philippe Van Cranem (MR-PRL) jugea que le plan Anciaux pénalisait l’Est de la région, laquelle devait subir au moins la moitié des départs nocturnes de la piste 20. Il demanda quand il serait possible d’espérer une étude objective concernant la répartition du survol de Bruxelles. Joseph Parmentier (PS) aurait espéré que le ministre Gosuin défende la position du Parlement bruxellois auprès d’un ministre fédéral. Il souligna une certaine incohérence dans l’attitude du ministre bruxellois qui, après avoir déclaré qu’il avait l’écoute du ministre fédéral, le critiquait vertement. Il considérait les modifications projetées comme très défavorables à la Région bruxelloise, puisque le ministre Anciaux échafaudait un système qui déchargeait le Noordrand au détriment du Centre et de l’Est de Bruxelles. Il constatait qu’on ne pouvait raisonnablement envisager des indemnisations pour l’isolation des immeubles si on dispersait les vols à outrance.

47 Dans sa réponse, le ministre Gosuin rappela que le kern[31] fédéral avait été très clair en disant qu’il n’y aurait pas de décision sans cadastre du bruit. Il signala par ailleurs que la Région bruxelloise avait relevé que la directive européenne sur le bruit était d’application. Selon cette directive, un cadastre du bruit n’était pas un modèle théorique et devait être réalisé à partir de relevés sur le terrain, par le pouvoir fédéral. Il précisa que les nouvelles dispositions envisagées par Bert Anciaux n’étaient pas mises en œuvre. C’était encore le plan de l’ancien gouvernement qui était en vigueur. Il n’était pas disposé à appliquer l’arrêté « bruit » parce que la région se trouvait dans une relation de loyauté avec le pouvoir fédéral. L’attitude du gouvernement fédéral était conforme aux décisions et l’arrêté « bruit » ne serait réactivé que si celles-ci n’étaient pas respectées. Béatrice Fraiteur dénonça l’absence de fermeté du gouvernement bruxellois et Geneviève Meunier trouva inacceptable de ne pas appliquer la seule arme disponible  [32].

48 Le 18 novembre 2003, sur base de son arrêt du 10 juin 2003, la Cour d’appel de Bruxelles rendait un jugement dans lequel elle demandait au gouvernement fédéral d’appliquer immédiatement un plan de dispersion des vols d’avions au départ et vers l’aéroport de Bruxelles-National. À défaut, il devrait payer une astreinte de 50 000 € par jour aux plaignants. Les riverains du Noordrand se trouvaient ainsi en position de mettre la pression sur l’État fédéral  [33].

49 Le 3 décembre, un accord intervint au Conseil des ministres restreint. L’accord, considéré comme provisoire, n’était pas favorable à Bruxelles et à la périphérie Est (Oostrand) : il réintroduisait la route Chabert et prévoyait l’utilisation de la piste 02 un samedi sur deux pour les atterrissages et la piste 20 pour les décollages chaque dimanche jusque 17 h  [34]. Dans une interview à La Libre Belgique, le ministre Gosuin estimait que les décisions avaient été prises dans la précipitation et qu’elles n’étaient pas en conformité avec la déclaration gouvernementale qui exigeait un cadastre du bruit avant toute mesure. Il reprochait au ministre Anciaux d’avoir eu recours à la désinformation avec le risque de paiement de l’astreinte des 50 000 €. Or, il y avait moyen d’éviter ce paiement : « D’une part, il fallait que les plaignants déposent un dossier qui justifie l’astreinte pour pouvoir la réclamer. Par ailleurs, le gouvernement pouvait démonter l’argument des riverains auprès du juge des saisies. » Il n’y avait pas eu de note juridique présentant les différentes procédures de contestation de l’astreinte et les conséquences de l’arrêt du 18 novembre. Le non-respect des normes OMS était aussi soumis au paiement de l’astreinte, mais cet aspect de l’arrêt avait été passé sous silence  [35].

50 Le 16 décembre 2003, Caroline Persoons (MR-FDF), Christos Doulkeridis (Écolo) et Benoît Cerexhe (CDH) interpellèrent le ministre Gosuin en commission de l’Environnement sur les conséquences de l’arrêt de la Cour d’appel du 18 novembre 2003 et sur l’accord intervenu au sein du gouvernement fédéral au sujet du plan de dispersion des vols. Caroline Persoons fit remarquer que les normes de l’OMS ne permettaient pas la répartition des vols au-dessus de Bruxelles. Or, elles acquéraient une force nouvelle du fait qu’elles étaient citées dans l’arrêt de la Cour d’appel. Elle demandait comment imposer les normes de l’OMS sur la Région bruxelloise. Par ailleurs, la députée FDF refusait le chantage commercial et à l’emploi exercé par DHL. Bruxelles ne pouvait être la poubelle de l’Europe. Christos Doulkeridis constata les limites de la solidarité francophone au fédéral. Le fait que l’accord intervenu au fédéral était provisoire et devait être revu dans un an ne lui apparaissait pas fiable. Il voulait savoir si le gouvernement avait saisi le comité de concertation pour y dénoncer l’accord, quelle serait l’attitude officielle et commune du gouvernement face à ce dossier et pourquoi « l’arrêté bruit » n’avait pas été mis à exécution. Benoît Cerexhe dénonça la déclaration de Louis Michel selon laquelle le plan Anciaux était une solution équitable, laquelle, selon lui, n’était pas étrangère à la « mollesse » avec laquelle il reprochait à Didier Gosuin de traiter ce dossier. Il estimait lui aussi que la réintroduction de « l’arrêté bruit » restait un moyen efficace de limiter les nuisances sonores. Selon lui, aucune des demandes comprises dans la résolution votée le 4 juillet n’avait été rencontrée par le gouvernement fédéral. Le député PS Joseph Parmentier reprocha la lenteur avec laquelle le ministre agissait dans ce dossier. Il n’était cependant pas partisan de l’alignement des normes de bruit sur les recommandations de l’OMS car, si elles étaient suivies, « elles condamneraient l’aéroport à ne laisser décoller que des cerf-volants et des ULM ». Il se prononçait, dans un premier temps, pour l’adoption de normes communes avec la Flandre. Devant la perte de légitimité à laquelle on assistait, Joseph Parmentier proposa la mise sur pied d’une commission de contrôle paritaire composée de représentants de l’IBGE, des associations de riverains et de parlementaires bruxellois. Le député du CD&V Walter Vandenbossche attribuait les difficultés actuelles à la façon dont Isabelle Durant avait détruit « une répartition équilibrée, non contestée, du trafic aérien ». Pour le CD&V, également, la santé et la sécurité des Bruxellois était primordiale. Il n’avait pas approuvé la résolution du 4 juillet parce qu’elle était incohérente et irrationnelle, et qu’elle conduisait à la concentration. Or, le CD&V plaidait en faveur d’une dispersion complète des vols de jour comme de nuit. Cette dispersion devrait s’accompagner d’un cadastre du bruit  [36].

51 Le 19 décembre 2003, le Conseil d’État suspendit le plan de dispersion des vols d’avions adopté par le gouvernement fédéral. Un recours avait été introduit par douze riverains de l’aéroport national, membres de l’Union belge contre les nuisances d’avions (UBCNA). Le Conseil d’État considérait que l’argument de préjudice grave et difficilement réparable invoqué par les plaignants était établi  [37].

52 Par ailleurs, la société de courrier express DHL, qui représente plus de 60 % du fret transporté sur le site de l’aéroport, annonça son intention de développer son activité à Bruxelles-National et la création de nouveaux emplois. Dix mille emplois seraient créés à l’horizon 2012. Mais cela nécessitait de faire sauter le verrou des 25 000 vols nocturnes par an. Réuni en conclave à Petit-Leez le 16 janvier, le gouvernement fédéral décida de reporter cette décision au mois de septembre et d’y associer les régions.

53 Pour contourner la suspension du Conseil d’État, le ministre Anciaux prit une nouvelle décision, en fait équivalente à celle du 3 décembre, et quatre nouvelles routes aériennes autour de l’aéroport de Bruxelles-National étaient mises en service durant la nuit du jeudi 22 janvier 2004.

54 Le 23 janvier 2004, Caroline Persoons (MR-FDF), Denis Grimberghs (CDH) et Christos Doulkeridis (Écolo) interrogèrent le ministre Gosuin sur le plan Anciaux et la décision relative à DHL (report au mois de septembre, concertation des régions). Le ministre répondit que le gouvernement bruxellois avait été associé à la décision relative à DHL et avait exprimé sa satisfaction par rapport à celui-ci. Par contre, le gouvernement bruxellois restait dans la perplexité par rapport au dossier Anciaux. La décision du gouvernement fédéral sur ce point était équivalente à celle du 3 décembre. Il se refusait à agir dans la précipitation et signalait qu’il était prévu que le ministre fédéral de la Mobilité fasse rapport tous les quinze jours au Conseil des ministres restreint et tienne compte des remarques du Conseil d’État. Voulant objectiver l’impact des décisions, il avait demandé à l’IBGE d’établir le cadastre du bruit ; l’appel d’offres avait été lancé le jour même. À Denis Grimberghs qui lui demandait s’il avait obtenu un droit de veto concernant DHL, il répondit par l’affirmative. Christos Doulkeridis, quant à lui, se déclara outré d’entendre chaque fois ressortir l’argument du cadastre du bruit qui ne serait jamais mis en application  [38].

55 Le 3 février, Roland Steisel, responsable des affaires juridiques à DHL, fut entendu par la commission de l’Environnement du Parlement bruxellois. À cette occasion, les parlementaires régionaux bruxellois apprirent que sur les 6 600 emplois directs de DHL, seuls 350 étaient assurés par des Bruxellois  [39]. Durant le mois de février, se déroulait l’enquête publique relative au renouvellement du permis de BIAC pour l’exploitation de Bruxelles-National pour les vingt prochaines années. Mais des modifications aux conditions d’exploitation étaient prévues. BIAC demandait une dérogation à deux décisions prises par la ministre flamande de l’Environnement, Vera Dua. Ces décisions concernaient, d’une part, les quotas de bruit à respecter pour les décollages, d’autre part, la fixation à 25 000 du nombre de décollages nocturnes par an. Didier Gosuin, qui avait rencontré les pires difficultés à obtenir la demande de permis – ni le gouvernement flamand, ni le gouvernement fédéral, ni BIAC n’avaient accepté de lui en transmettre copie – dénonçait un jeu de dupe : BIAC était en train de dérouler le tapis rouge à DHL. « Si BIAC obtient gain de cause », expliquait Didier Gosuin, « elle aura réussi à court-circuiter la décision du Conseil des ministres de Petit-Leez  [40] ».

56 Lors de la séance plénière du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale du 20 février 2004, Geneviève Meunier fit part de la demande d’Écolo que cette question fasse l’objet d’un point d’urgence à l’ordre du jour du comité de concertation. Denis Grimberghs appuya cette demande. Exposant les difficultés qu’il avait rencontrées pour obtenir le dossier, Didier Gosuin annonça la transmission de celui-ci à l’IBGE qui, après consultation, devait l’envoyer aux huit communes bruxelloises concernées. Une enquête publique allait être organisée. Par contre, il estimait qu’il fallait être prudent avant de saisir le co-mité de concertation. On ne pouvait le faire qu’une fois pour un même dossier et il fallait donc choisir le bon moment. Il avait néanmoins averti le ministre de tutelle pour qu’il fasse pression sur BIAC. Geneviève Meunier demanda pourquoi on ne saisissait pas immédiatement le comité de concertation, appuyée par Denis Grimberghs, selon lequel, on pouvait saisir celui-ci au motif d’organiser la coopération entre entités fédérées  [41].

57 Le 4 mars, la Cour de cassation cassait l’arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles du 10 juin 2003, sur lequel se basait le ministre de la Mobilité Bert Anciaux pour élaborer un plan de dispersion des vols d’avions autour de Bruxelles-National. Cela ne remettait pas en cause, pour Bert Anciaux, la poursuite de l’exécution du plan de dispersion  [42].

58 Le 12 mars 2004, Béatrice Fraiteur, devenue membre du MR, Caroline Persoons (MR-FDF) et Joseph Parmentier (PS) interpellèrent le ministre Gosuin sur le plan Anciaux. Béatrice Fraiteur prôna la reprise de la constatation des infractions et l’établissement de procès-verbaux en cas de dépassement des normes. Pour elle, il était grand temps de remettre de l’ordre dans ce dossier et de se doter d’un vrai cadastre du bruit qui devait permettre aux politiques de prendre de bonnes décisions. Elle considérait comme inadmissible de tout envoyer sur Bruxelles et l’Oostrand à la veille des élections. Il fallait reprendre le dossier à zéro et demander la mise sur pied d’un organe indépendant de contrôle.

59 Caroline Persoons dit soupçonner Bert Anciaux, qui avait présenté à la presse le 27 février, « sans concertation préalable avec les autres ministres », son nouveau plan de dispersion, d’avoir voulu anticiper l’arrêt de la Cour de cassation. Ce plan ne comportait aucune modification notable par rapport à l’ancien. Caroline Persoons voulait que l’on avance sur les normes et le cadastre du bruit avec la Région flamande. Elle estimait qu’il faudrait tenir compte des exigences du gouvernement bruxellois et des demandes formulées par le Parlement bruxellois le 4 juillet 2003.

60 Joseph Parmentier constata que l’on avait dépensé beaucoup d’argent pour des audits dans le domaine de la politique de l’eau sans que des efforts similaires soient accomplis pour le trafic aérien. Il voulait lui aussi savoir où l’on en était dans la mise sur pied d’un véritable cadastre du bruit bruxellois. Il estimait que la commission de l’Environnement devait auditionner des spécialistes pour déterminer la stratégie de la région pour l’établissement de son cadastre et déplorait que, comme d’habitude, l’on ait manqué de pro-activité. Il pensait qu’il faudrait aussi s’intéresser un jour aux nuisances atmosphériques provoquées par les avions. Si l’État cédait au privé les 63,6 % de parts qu’il détenait dans le capital de la BIAC, les pouvoirs publics pourraient-ils continuer à jouer leur rôle de régulateur dans ce dossier ? Pour Joseph Parmentier, il était urgent de mettre sur pied une autorité publique de contrôle indépendante et bien équipée en personnel et matériel. À cet égard, il s’inquiétait de l’intention manifestée par François-Xavier de Donnea de confier la confection d’un plan catastrophe à un bureau d’études spécialisé. Selon lui, à force de déshabiller le service public, c’était au privé que reviendraient les budgets dans toutes ces matières. Il rappelait que si l’accord du 16 juillet 2002 prévoyait la suspension de la poursuite des infractions à l’arrêté « bruit », l’accord du 24 janvier 2003 avait, à ses yeux, réduit à néant les précédents accords. Depuis le 31 octobre 2003, plus rien n’empêchait la région de ne pas faire appliquer l’arrêté relatif au dépassement de bruit lors du survol de Bruxelles.

61 Christos Doulkeridis reprocha au ministre Gosuin « d’accumuler les performances médiatiques qui ne sont jamais suivies d’effets ». La dernière en date était l’invitation faite par courrier à certaines communes à se prononcer dans le cadre de l’enquête publique flamande. Constatant que la lettre du ministre était datée du 18 février et que l’enquête publique se terminait le 28, le député écologiste se demandait comment les communes auraient le temps d’organiser une véritable enquête publique. Il demandait pourquoi l’arrêté bruit n’était pas remis en œuvre et appelait le ministre à réinstaurer le principe de concentration des vols. Jean-Luc Vanraes (VLD) appela à la plus grande prudence dans ce dossier en raison de sa dimension emploi.

62 Benoît Cerexhe fit remarquer que le ministre avait suspendu l’application de l’arrêté bruit parce qu’il avait confiance dans les partenaires de la majorité fédérale et qu’en retour il avait été trompé.

63 Dans sa réponse, le ministre Gosuin informa que l’IBGE s’attelait à la réalisation d’un cadastre réel du bruit et qu’il y accordait une grande attention. Il releva que l’arrêt de la Cour de cassation qui avait cassé l’arrêt de la Cour d’appel du 10 juin 2003 avait privé le ministre fédéral de la Mobilité de tout argument pour justifier d’une quelconque urgence. Une connaissance de fait des populations survolées ou qui pourraient être survolées afin de définir des routes en fonction de la densité de la population était nécessaire. Cette démarche était imposée par la directive européenne relative à l’évaluation et à la gestion du bruit. Évoquant le courrier électoral du ministre Anciaux aux habitants néerlandophones de Laeken et de Neder-over-Hembeek, il releva que le ministre affirmait que la concertation avec la Région bruxelloise avait bien eu lieu. Or, il n’y avait eu qu’une simple réunion de présentation du cadastre prévisionnel du bruit au cours de laquelle aucune attention n’avait été portée aux remarques et demandes de la Région bruxelloise. La région n’avait donc jamais été associée ni de près ni de loin aux travaux du ministre Anciaux. Pire encore, les experts chargés par le ministre Anciaux de l’élaboration du cadastre du bruit n’avaient même pas pris la peine de valider leurs travaux théoriques sur la base des données mesurées sur le réseau sonométrique de l’IBGE. Ce cadastre était largement sous-estimé, en tous cas pour ce qui concernait la Région bruxelloise et ne faisait pas la démonstration d’une répartition plus équitable des nuisances. Il attirait l’attention sur les manipulations du ministre Anciaux pour chercher à trouver des arguments favorables à son plan. On assistait notamment à une manipulation des normes de l’OMS. Les spécialistes de la Région bruxelloise avaient passé au crible le dossier du ministre Anciaux et préparaient les réponses techniques. Ces éléments d’analyse avaient été communiqués aux cabinets des vice-Premiers ministres Onkelinx et Michel en préparation aux réunions du groupe de travail fédéral qui planchait sur l’acceptabilité du plan Anciaux-bis. Didier Gosuin espérait qu’un coup d’arrêt serait donné à l’initiative précipitée du ministre Anciaux. Si, par contre, la décision du kern devait avaliser le plan Anciaux, il proposerait au gouvernement bruxellois de saisir immédiatement le comité de concertation État~régions. Il exploiterait également toutes les voies juridiques. Par ailleurs, il avait soumis au ministre Anciaux un projet d’arrêté modifiant l’arrêté bruxellois de 1999 afin de transposer les normes de l’OMS. Il était dans l’attente de sa réaction avant de soumettre ce projet au gouvernement.

64 Concernant la demande de permis d’environnement de la société BIAC, il rappela que l’accord de Petit-Leez datait de février 2004 et que le permis d’environnement de la BIAC venait à échéance en février 2005. BIAC n’était donc pas obligée d’introduire si rapidement sa demande. Le contenu de cette demande était également problématique, dans la mesure où BIAC précisait qu’elle avait commandé une étude d’incidences mais ne la communiquait pas, affirmait que le bruit généré par les vols d’avions ne la concernait pas, pas plus que les problèmes de pollution atmosphérique causés par les moteurs d’avions. La BIAC persistait à contester la compétence régionale et à se référer à ses recours en annulation  [43].

65 Le 17 mars, le Conseil d’État n’accéda pas à la demande de suspension du nouveau plan Anciaux qui avait été introduite par des riverains, en dépit de l’avis de l’auditeur.

66 La première phase du plan de dispersion Anciaux entrait en application dans la nuit du 23 au 24 mars 2004.

67 Le 24 mars 2004, le ministre Gosuin décida de réactiver l’arrêté du 27 mai 1999 sur les normes acoustiques. À Béatrice Fraiteur, Denis Grimberghs et Christos Doulkeridis qui l’interrogeaient à ce sujet lors de la séance plénière du 26 mars 2004, le ministre répondit que sa décision était motivée par l’arrêt du Conseil d’État et par la plainte du consultant mandaté par la région pour réaliser le cadastre devant le refus obstiné de lui communiquer des informations. Il annonça que chaque sanction ferait l’objet de poursuites et qu’il n’y aurait pas de rétroactivité  [44]. Au cours de la même séance, le Conseil de la Région de Bruxelles, adopta une ordonnance qui modifiait l’ordonnance du 17 juillet 1997 relative à la lutte contre le bruit en milieu urbain. Il s’agissait en fait de la transposition de la directive européenne relative à l’évaluation et à la gestion du bruit dans l’environnement. La principale modification consistait en l’établissement d’une cartographie du bruit dans la Région bruxelloise et sur les grands axes routiers et ferroviaires ainsi que pour le survol. Aucune valeur limite n’était fixée et les cartes devaient être dressées selon la méthode européenne  [45].

68 Le 11 mai 2004, le ministre Gosuin annonça de nouveaux recours en justice contre le plan Anciaux. Il déclara que « les actions judiciaires et recours au Conseil d’État ne sont pas la meilleure façon d’avancer, mais lorsque les discussions politiques se heurtent à l’absence de concertation, ils sont un détour obligé ». Une action en référé a été introduite le 19 mars devant le tribunal de première instance de Louvain. L’objectif est d’obliger la députation permanente du Brabant flamand à accorder à Bruxelles-Capitale l’opportunité d’organiser une enquête publique sur le permis d’environnement de BIAC. Une demande en annulation du plan de dispersion a été également introduite devant le Conseil d’État le 27 avril. Une action au civil doit être déposée avant la fin du mois de mai pour obtenir l’exercice du droit d’action en matière de protection de l’environnement  [46].

1.6. SYNTHÈSE

69 À l’initiative d’Isabelle Durant, vice-Première ministre et ministre de la Mobilité et des Transports (Écolo) le dossier des nuisances sonores liées au survol aérien de Bruxelles a été traité au gouvernement fédéral et des avancées concrètes ont été obtenues pour Bruxelles (accords de 1999 et de 2002) : suppression de la « route Chabert », conditions imposées aux vols de nuit, concentration des vols nocturnes sur des zones de la périphérie, reconnaissance du pouvoir normatif des régions… Les choses vont clairement s’inverser en 2003-2004, dans un contexte d’interférences avec des décisions judiciaires : l’accord du 24 janvier 2003 réoriente certains vols de nuit sur Bruxelles ; le plan Anciaux, dans ses différentes variantes, organise une dispersion des vols qui pénalise la Région de Bruxelles-Capitale ; l’intention manifestée par la société DHL d’augmenter ses activités à l’aéroport de Bruxelles-National et sa demande de faire sauter la limite de 25 000 vols nocturnes par an risquent d’aggraver encore les nuisances subies par les Bruxellois.

70 Dans ce dossier, la Région de Bruxelles-Capitale se heurte au pouvoir fédéral, dont la loyauté est mise en cause et qui ne fait preuve que de peu d’ouverture à ses préoccupations. Les reproches bruxellois sont en effet nombreux : non-retrait par BIAC de son recours contre l’arrêté du gouvernement bruxellois du 27 mai 1999, concertation insuffisante du ministre fédéral de la Mobilité Bert Anciaux avec la Région de Bruxelles-Capi-tale, conditions de la demande de renouvellement du permis d’exploiter de BIAC, peu de cas fait de la résolution du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale du 4 juillet 2003 visant à prendre toutes les mesures nécessaires afin de lutter contre les nuisances subies par les habitants et liées au survol de Bruxelles à partir de l’aéroport de Bruxelles-Natio-nal.

71 Les attitudes du gouvernement fédéral et de BIAC furent régulièrement dénoncées au Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale. Elles alimentèrent également certaines polémiques, le CDH, Écolo et même le PS appelant le ministre bruxellois de l’Environnement à une plus grande détermination. Les ministres du MR, quant à eux, imputèrent une partie des problèmes à la précipitation avec laquelle la ministre Durant avait agi. Du côté flamand, le CD&V se démarqua nettement des positions des groupes parlementaires francophones et se prononça pour une dispersion maximale des vols alors que les groupes SP/Aga et VLD se montraient tiraillés entre l’intérêt économique de l’aéroport et la solidarité avec le Brabant flamand, d’une part, la volonté de réduire les nuisances, d’autre part. Il apparaît intéressant de souligner la prise de position du VLD bruxellois en faveur d’une limitation de l’extension de l’aéroport de Zaventem. Une forte majorité d’élus – y compris ceux des groupes SP/Aga et VLD – a pu aboutir à la résolution du 4 juillet 2003 qui définit clairement les préoccupations bruxelloises en la matière. Cette résolution se veut une base solide pour les négociations à mener par le gouvernement bruxellois concernant le survol aérien de Bruxelles.

2. LA POLITIQUE DE L’EAU ET LA COBRU

72 Dans son chapitre relatif à l’environnement et à la qualité de vie, la déclaration gouvernementale définissait les orientations suivantes concernant la politique de l’eau :

  • en matière de gestion des eaux usées et pluviales, le gouvernement donnera la priorité à l’attribution du marché de concession de la station Nord et favorisera une approche cohérente de la gestion du réseau de collectes (création d’une intercommunale unique et concept du maillage bleu) ;
  • l’eau de distribution devant rester de qualité irréprochable et accessible à tous, le maintien du caractère purement public des intercommunales de production
    (Compagnie intercommunale bruxelloise des eaux (CIBE)) et de distribution
    (Intercommunale bruxelloise de distribution d’eau (IBDE)) est la meilleure garantie de réalisation de ces deux objectifs ;
  • la région incitera l’IBDE à structurer la tarification de l’eau selon des modalités qui permettent de mieux lutter contre le gaspillage ;
  • en ce qui concerne les collecteurs des eaux de surface, priorité sera accordée aux zones inondables ;
  • pour les eaux usées, on envisagera une modification des paramètres de taxation pour les polluants de l’ordonnance sur les rejets des eaux usées dans la perspective d’affirmer le principe pollueur-payeur  [47].
Compte tenu de l’importance des montants financiers liés à la politique de l’eau, de nombreux débats eurent lieu durant cette législature. Une partie d’entre eux se déplacèrent vers la Cobru (Conférence bruxelloise de réforme des institutions), groupe de travail composé d’importantes personnalités émanant des diverses formations démocratiques bruxelloises, dont la création avait été décidée quelques mois après la réforme de l’État de 2001 [48]. Ce glissement de la thématique de l’eau vers la Cobru explique pourquoi nous examinons les débats relatifs à la politique de l’eau et le fonctionnement de cette conférence dans le même chapitre, d’autant plus que la Cobru ne traita finalement pas des autres dossiers qui devaient lui être confiés.

2.1. LES DÉBATS SUR LA POLITIQUE DE L’EAU AVANT LA MISE EN PLACE DE LA COBRU

2.1.1. Les stations d’épuration

73 Le 24 octobre 2000, le député écologiste Alain Adriaens interpella le ministre de l’Environnement Didier Gosuin sur le choix de l’adjudicataire de la station d’épuration des eaux du Nord de Bruxelles. Félicitant le gouvernement sur la façon dont la procédure de sélection des offres en vue de la désignation de l’adjudicataire pour la station Nord s’était déroulée jusque-là, il demanda au ministre s’il avait fixé une grille d’évaluation des projets. Il l’interrogea également sur ses réflexions concernant les pistes de financement de l’épuration des eaux entre 2005 et 2025.

74 Le ministre Gosuin répondit qu’il existait quatre types de critères pour l’attribution du marché, qui concernaient l’économie générale de la concession, la qualité de l’offre, les délais d’exécution et de mise en service des installations et les modalités de contrôle du concédant. Il signalait, par ailleurs, que différentes pistes de financement afin de minimiser l’impact du coût de la station sur le prix de l’eau étaient étudiées  [49].

75 Le 16 mars 2001, constatant que le choix du soumissionnaire pour la station Nord n’avait toujours pas été décidé, Alain Adriaens intervint pour déplorer que « les retards qui s’accumulent depuis le début de l’année font que les actes de lobbying se multiplient ». Il interrogea le ministre sur les raisons de ce retard et l’incita à conclure rapidement. Le ministre répondit qu’il avait donné comme instruction à son administration de travailler dans la sérénité et dans les limites des critères établis. Il n’y avait pour lui pas de retard en l’espèce puisque les limites de validité de l’offre n’étaient pas dépassées  [50].

76 Le 7 juin 2002, le député socialiste Joseph Parmentier interpella le ministre de l’Environnement sur la construction de la future station d’épuration des eaux du Nord de Bruxelles. Dans son interpellation, Joseph Parmentier posait des questions sur la réalisation du collecteur de la rive gauche, sur la dépollution des sols, sur le procédé de traitement des boues retenu, sur le respect des délais prévus, sur l’état d’avancement de la délivrance des permis d’urbanisme et d’environnement et sur la représentation au sein du conseil d’administration de la société concessionnaire Aquiris. Il fit part de certaines inquiétudes : sur le financement de la station Nord, mais aussi à propos de la station Sud. Un audit commandé par la Compagnie intercommunale bruxelloise des eaux (CIBE) à la société Waterleau laissait manifestement apparaître des problèmes graves tant au niveau de la conception de cette infrastructure que de sa réalisation. Joseph Parmentier conclut son intervention en évoquant l’opportunité d’une commission d’enquête Le député écologiste Alain Adriaens demanda également des éclaircissements sur ces différents points et appuya, ainsi que Béatrice Fraiteur (CDH), la demande d’une commission d’enquête.

77 Le ministre Gosuin répondit aux questions des intervenants sur la station Nord. À propos de la station Sud, il signala qu’elle fonctionnait sans aucun jour d’arrêt depuis sa mise en fonctionnement en août 2000. Les réceptions définitives des travaux n’avaient pas encore commencé, de sorte que les installations et les vices éventuels dont elle serait affectée demeuraient de la responsabilité des entrepreneurs. Dans ce contexte, le ministre estimait que la publication d’un rapport confidentiel réalisé à la demande de la CIBE avait considérablement fragilisé la position de la Région bruxelloise à l’égard des entrepreneurs. Ceux-ci attendaient désormais un lourd contentieux avec la région et étayaient leur position et leur attitude en fonction de celui-ci, compromettant de la sorte toute collaboration future. Il regrettait amèrement que ce climat de contentieux prenait sa source dans un rapport dont l’objectivité de l’auteur était largement sujette à caution. La société Waterleau n’était effectivement pas un bureau d’études qui réalisait des audits scientifiques mais une société commerciale active dans l’épuration et donc concurrente aux entreprises qui réalisaient les chantiers. Pire, elle avait été créée par des ingénieurs qui avaient quitté avec perte et fracas un des gros entrepreneurs impliqués dans la station Sud  [51].

2.1.2. Le financement de la politique de l’eau

78 L’importance du budget relatif à la réalisation de la station d’épuration des eaux du Nord de Bruxelles et son mécanisme de financement suscitèrent dès le début de la législature l’inquiétude d’Écolo et du PS, inquiétude exprimée au cours des débats budgétaires.

79 Le 15 juin 2001, le Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale examina le projet d’ordonnance relative au Fonds pour le financement de la politique de l’eau. Le ministre expliqua que les dépenses d’investissement de la politique de l’eau allaient connaître une diminution à partir de cette année, car les travaux de la station d’épuration Sud étaient terminés, diminution qui allait se poursuivre jusqu’en 2006, année à partir de laquelle la première annuité de paiement de la station Nord devrait être acquittée par la région au concessionnaire retenu. Le marché de la station Nord intégrait le financement, la construction et l’exploitation de la station pendant vingt ans. Le montant de l’annuité du concessionnaire retenu par le gouvernement en sa séance du 15 mai 2001 s’élevait à 42,1 millions € hors TVA. La question était de savoir par quel biais la région allait payer chaque année ce montant d’approximativement 2 milliards de francs belges TVA et si ce payement passerait inévitablement par une augmentation de la taxe sur l’eau. La création du Fonds pour le financement de la politique de l’eau devait permettre de ne pas augmenter la taxe sur les eaux usées ni de grever excessivement la caisse régionale de décaissements annuels massifs de quelque 2 milliards de francs belges. En 2006, année qui devrait correspondre au paiement de la première annuité au concessionnaire, la plupart des grands travaux hydrauliques (collecteurs, bassins d’orage) seraient réalisés. Cela devrait permettre de consacrer les sommes antérieurement mobilisées aux grands travaux sur la base de crédits régionaux au paiement de la concession. À ces crédits disponibles, il fallait ajouter une somme d’environ 300 millions de francs belges qui, en vertu de l’accord avec la Région flamande de 1999, serait versée chaque année par la Région flamande. La taxe sur l’eau rapportait quant à elle quelque 750 millions de francs belges chaque année. À financement constant, c’est-à-dire avec des recettes stables de la taxe de l’eau, la dotation de la Région flamande et le maintien d’un niveau de crédits budgétaires constants pour la politique de l’eau, la région avait la possibilité de supporter l’annuité de la concession. L’un des intérêts de créer un tel fonds était que les dépenses qui seraient réalisées ne le seraient pas à charge du budget régional, mais à charge du budget d’une personnalité juridique distincte. Elles ne rentreraient dès lors pas dans le calcul du solde net à financer, ce qui n’était pas le cas du Fonds budgétaire existant. Ce dernier, sur lequel était directement versé l’argent de la taxe sur les eaux usées, n’avait pas de personnalité distincte de la région et possédait une trésorerie et une caisse communes avec celle-ci. Le problème venait du fait que, s’il était possible de laisser s’accumuler l’argent dans ce type de fonds, lorsqu’il était question de le retirer et d’opérer des décaissements, l’équilibre budgétaire de la caisse régionale s’en trouvait perturbé et le solde net à financer de la région s’en trouvait affecté. La création de ce nouveau Fonds pour le financement de la politique de l’eau permettrait l’accumulation de réserves pour un avenir où des financements plus importants devraient être opérés. En outre, disposant d’une personnalité juridique, d’une caisse et d’une trésorerie distinctes de la région, ses dépenses n’alourdiraient plus le déficit de la caisse régionale. La région allait profiter des années 2001 à 2005 pour transférer de l’argent de son budget vers le Fonds pour le financement de la politique de l’eau. Il y aurait ainsi un effet de lissage dans le temps et un étalement progressif de l’utilisation des réserves figurant sur le fonds budgétaire. Cette année, un transfert de 747 millions fut opéré  [52]. Le projet fut voté par toutes les formations à l’exception du PSC qui s’abstint et du Vlaams Blok et du Front nouveau de Belgique qui votèrent contre  [53].

80 Lors du débat budgétaire de 2001, le député libéral Éric André se félicita de l’alimentation, prévue pour la première fois en 2002, du Fonds de l’eau qui garantissait le financement du plus gros investissement public jamais réalisé en Région bruxelloise, à savoir, la station d’épuration Nord. Cela démontrait à ses yeux que des solutions originales en matière de financement pouvaient permettre à la région de se lancer dans des programmes techniquement pointus, sans mettre à mal ses finances  [54]. Mais les représentants du PS et d’Écolo se montrèrent plus circonspects. Le président du groupe socialiste Rudi Vervoort, évoquant la station Nord, souhaita que le gouvernement puisse indiquer, pour toute la durée de l’opération, son impact réel sur les finances régionales. Sans vouloir remettre en question la technique du Fonds, il voulait également avoir la certitude que ces provisions constituées en dehors de la norme du Conseil supérieur des finances puissent être réintégrées au budget le moment venu, sans préjudice de la norme future du déficit  [55]. Quant au député écologiste Alain Adriaens, il estima que le financement de la politique de l’eau continuait à prendre du retard par rapport aux prévisions. Cela aurait pour conséquence qu’en 2005-2006, quand il faudrait débourser 2 milliards de plus chaque année pour voir fonctionner la station d’épuration des eaux du Nord de Bruxelles, d’autres investissements seraient toujours en cours et des moyens budgétaires toujours nécessaires. Les dépenses cumulées dépasseraient donc les réserves du Fonds de l’eau, d’autant plus que les moyens qu’on y accumulait étaient en baisse  [56].

2.1.3. La réforme du secteur de l’eau

81 Le 16 mai 2002, le gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale marquait son accord sur une réforme du secteur de l’eau mettant en place un acteur unique du cycle de l’eau en Région bruxelloise. Un avant-projet d’ordonnance devait être préparé par le ministre de l’Environnement.

82 Le 7 juin 2002, Marie-Jeanne Riquet (MR) et Benoît Cerexhe (CDH) interpellèrent le ministre de l’Environnement à ce sujet en séance plénière du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale.

83 Marie-Jeanne Riquet constatait que les outils mis en place dans la région atteignaient un niveau de complexité tel que le citoyen ne comprenait pas ce qui influençait son prix. Or, les écarts de prix pouvaient être significatifs d’une commune à l’autre. Le groupe MR accueillait donc avec satisfaction la proposition du ministre de l’Environnement destinée à rationaliser le secteur de l’eau en Région bruxelloise. Le MR concevait bien que le fait de consacrer un acteur unique assujetti à la TVÀ permettait d’augmenter les moyens disponibles pour la politique de l’eau. De même, le fait de n’avoir à rémunérer qu’un seul conseil d’administration permettait de réaliser des économies. Mais il se demandait quelle serait l’incidence réelle de ces gains possibles sur le prix de l’eau. Alors que le prix de l’eau avait déjà augmenté, une tarification socialement acceptable s’imposait. Il ne se montrait guère enthousiaste par rapport aux pistes de la liaison des tarifs aux revenus ou de la tarification progressive. Le groupe MR estimait qu’une réforme du secteur de l’eau s’imposait, mais qu’il serait plus sain et plus efficace d’atteindre l’objectif social grâce aux marges budgétaires qui pourraient être générées par le projet de réforme du ministre. Mais cela était-il possible ? La députée demanda donc au ministre s’il était en mesure de préciser la nature et l’ampleur des gains financiers de la réforme proposée. Elle voulait savoir si ces gains seraient suffisants pour garantir une tarification sociale de l’eau ou s’il faudrait y associer un autre mécanisme. Elle s’interrogeait également sur les effets de la fusion sur l’emploi et quels seraient ses avantages pour les communes.

84 Dénonçant la nouvelle redevance d’égouttage imposée par l’Intercommunale bruxelloise d’assainissement (IBRA), le président du groupe CDH Benoît Cerexhe déclara que son parti était favorable à l’intégration des structures, mais il souligna que les économies que cette opération entraînerait n’auraient que peu de retombées pour le contribuable bruxellois. Il posait au ministre différentes questions sur les modalités de cette intégration. Quelles étaient ses compétences pour y parvenir ou quels étaient les pouvoirs dont disposait le gouvernement bruxellois pour imposer cette intégration aux différentes communes ? Il s’interrogeait aussi sur le contrôle que garderait la région sur la politique de l’épuration, une fois réalisé le transfert de celle-ci à cette nouvelle structure.

85 Le député écologiste Alain Adriaens voyait dans l’économie réalisée au niveau de la TVA grâce au transfert de l’épuration des eaux à des intercommunales assujetties à celle-ci, l’élément le plus solide de l’argumentation du ministre. Par contre, il considérait que déclarer que la suppression d’intercommunales permettrait de réaliser des économies significatives était verser dans l'antipolitisme. Alain Adriaens reprochait les réserves émises par le groupe MR à l’égard des tarifs solidaires. Il signalait qu’Écolo était très favorable à une rationalisation et à une fusion raisonnable des intercommunales. Il faisait remarquer qu’un premier effort en ce sens serait de convaincre les communes qui ne l’avaient pas encore fait de transférer à l’IBRA l’ensemble des missions de gestion des égouts communaux. Si la mise en commun des compétences de distribution d’eau potable, d’égouttage et d’épuration était possible et souhaitable, il semblait à Écolo que l’intégration pure et simple dans une seule structure de la CIBE était moins réaliste, du fait que celle-ci était une intercommunale tri-régionale [57]. Son groupe était prêt à débattre du sujet à la mini-Corée bruxelloise  [58], « dont tout le monde parle mais que personne n’a jamais vue ». Il se posait néanmoins la question de ce qui resterait comme expertise à la région pour la politique de l’eau en cas de transfert de l’épuration à une intercommunale. Il était évident pour Écolo que le transfert de compétences ne pouvait signifier l’abandon par la région du milliard et demi qu’elle devait consacrer à la politique de l’eau. Il s’inquiétait enfin des appétits du secteur privé qu’il soupçonnait de vouloir prendre pied dans le secteur de l’eau jusqu’alors totalement public. Ce qui, pour Écolo, était une perspective inacceptable. Pour Joseph Parmentier (PS), motiver la fusion par la suppression de mandats politiques n’était pas crédible, les économies ainsi escomptées apparaissant dérisoires face aux enjeux finaux. Le groupe socialiste était favorable à la fusion car elle contribuerait à rendre le secteur de l’eau plus transparent aux yeux du citoyen. Mais il ne fallait pas faire fi du principe fondamental selon lequel l’eau était un bien commun dont la distribution et le traitement devaient rester de la responsabilité des collectivités publiques. Joseph Parmentier estimait qu’il fallait agir de manière réfléchie et tenir compte de divers facteurs. En premier lieu, de la spécificité des intercommunales. Si l’IBDE et l’IBRA étaient purement bruxelloises, en revanche, la CIBE était un acteur tri-régional. En deuxième lieu, il fallait étudier et résoudre la question du financement des deux stations d’épuration. Il était exclu de transférer ces charges sans savoir comment les financer et de reporter les coûts sur le dos des intercommunales, c’est-à-dire des communes et donc des citoyens. Troisièmement, il convenait de veiller à ce que le caractère public du secteur de l’eau soit intégralement préservé. Le PS était conscient que les contraintes environnementales imposées par l’Europe avaient un prix. Ce constat ne dispensait cependant pas d’étudier la mise sur pied d’une tarification qui prendrait en compte les charges réelles, depuis la production jusqu’à l’épuration, en passant par la collecte et la distribution. Pour le parlementaire socialiste, le pré-requis de la fusion passait par l’instauration de tarifs solidaires. Cependant, la mise en place de cette tarification s’était heurtée à des obstacles techniques. C’est pourquoi il avait déposé une proposition de résolution sur l’installation de compteurs individuels dans les logements bruxellois.

86 Dans sa réponse, le ministre rappela que la directive européenne du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau devait être transposée dans le droit bruxellois au plus tard le 22 décembre 2003. Cette directive consacrait le principe unique ou prix vérité. Ayant constaté l’existence d’un consensus de tous les acteurs politiques pour fusionner les intercommunales, il avait lancé le débat d’un acteur unique chargé de la gestion du cycle de l’eau et de la facturation du prix vérité de l’eau. Il constatait que le débat n’était pas tranché à ce jour. Aussi, avait-il convenu avec ses collègues du gouvernement de soumettre les argumentations en faveur et en défaveur des différentes pistes au Conseil des ministres du 27 juin 2002. Si la piste intercommunale était sélectionnée, comme il le souhaitait, le débat serait très naturellement porté à la Corée puisque les enjeux dépassaient le simple cadre de l’institution régionale. La réforme qu’il proposait aurait comme conséquence d’apporter, d’une part, une garantie de stabilisation du prix de l’eau – il n’avait jamais parlé de diminution –, d’autre part, d’aboutir à un contrôle plus transparent et de consolider la gestion par le pôle public des services de l’eau, sans remettre en cause le volume de l’emploi. Le ministre n’acceptait pas l’intention qu’on lui prêtait d’éviter une tarification solidaire. Seulement, il considérait qu’il ne servait à rien de mettre en place un dispositif qui aurait davantage d’effets pervers que d’effets bénéfiques  [59].

2.1.4. La tarification solidaire de l’eau

87 Le 12 juillet 2002, deux propositions de résolution relatives à la tarification solidaire de l’eau furent discutées en séance plénière du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale. La première, initiée par les députés écologistes Alain Adriaens et Dominique Braeckman demandait principalement l’instauration de tarifs solidaires pour la fourniture d’eau. La seconde, présentée par le socialiste Joseph Parmentier et co-signée par Adelheid Byttebier (SP/Aga), Jan Béghin (CD&V) Alain Adriaens (Écolo), Joël Riguelle (CD&V) et Sven Gatz (VLD), demandait de généraliser l’installation de compteurs individuels dans les logements bruxellois. Ces deux résolutions étaient complémentaires, puisque plus il y aurait de compteurs individuels, mieux on pourrait organiser un tarif solidaire basé sur le niveau de la consommation par ménage et par personne.

88 Le MR marqua sa satisfaction sur les textes présentés par la commission après que certains points de vue divergents s’y fussent exprimés. Plus particulièrement, le MR soulignait en tant que points positifs : l’évocation d’un tarif basé sur la consommation des ménages et non sur leurs revenus ; la demande de l’étude de mesures visant à des rationalisations et des économies dans le cadre de la gestion publique de l’eau ; la volonté exprimée de sensibiliser les consommateurs aux excès de consommation d’eau ; la volonté d’éviter, dans la structuration des tarifs solidaires, un report de charges sur les seules entreprises. Quant à la proposition d’ordonnance d’Olivier De Clippele visant à supprimer la solidarité des propriétaires et des locataires à l’égard des consommations d’eau impayées, que le MR avait voulu joindre au débat, elle était mise à l’ordre du jour de la commission des Affaires intérieures pour la rentrée. Selon Alain Adriaens (Écolo), l’intégration dans le prix de l’eau du financement de l’épuration, de la protection des captages ou du remplacement des canalisations en plomb représentait une avancée environnementale qui risquait de déboucher sur des problèmes sociaux. La réponse à ce défi étaient les tarifs solidaires, formule par laquelle le prix de l’eau distribuée aux ménages variait en fonction du nombre de personnes dudit ménage et de la quantité d’eau consommée. Il se réjouissait que tous les groupes démocratiques aient fait un effort pour parvenir à un consensus et considérait que sa proposition de résolution serait très utilement complétée par celle de Joseph Parmentier et consorts. Le député socialiste Joseph Parmentier expliqua pourquoi, bien qu’étant d’accord avec le constat posé par Écolo, le groupe PS s’était, dans un premier temps, opposé à la solution proposée par ce groupe. En effet, pour les socialistes, Écolo partait d’un postulat erroné : ménage socialement défavorisé égale petit consommateur d’eau. En commission, ils avaient relevé qu’un des effets pervers majeurs de cette approche de la tarification progressive était la discrimination induite au préjudice des familles nombreuses. Un autre élément ignoré par la proposition écologiste était le problème des immeubles desservis par un seul compteur collectif. Heureusement, Écolo avait reconnu que l’absence de compteur pour chaque unité d’habitation était un problème qui rendait d’autant plus complexe l’application pratique des tarifs progressifs. La discussion en commission avait permis de rapprocher les positions. Le groupe socialiste voterait la proposition de résolution d’Alain Adriaens et de Dominique Braeckman parce que la tarification solidaire et équitable devait aboutir à l’allègement de la facture au profit des ménages en situation précaire. Quant à sa proposition, elle était motivée par trois éléments : les rapports entre propriétaires et locataires lorsqu’il s’agissait d’immeubles sans compteur individuel ; la responsabilisation financière de chacun devant sa propre consommation d’eau potable, avec, pour objectif, la fin des gaspillages ; la mise en œuvre d’un maillon indispensable pour une facturation progressive et sociale de l’eau domestique, qui tienne compte de la consommation individuelle.

89 Après les interventions de Jan Beghin (CD&V), Joël Riguelle (CDH) et Danielle Caron (MR-FDF) qui apportaient le soutien de leur groupe aux deux propositions, le ministre Gosuin se réjouit de « l’évolution des opinions et de la volonté de tout un chacun, chez les partis démocratiques, de converger ». Il rappela son attachement à un certain nombre de principes qui constituaient la colonne vertébrale de son action : la problématique de l’eau devait rester du domaine public ; il fallait être attentif à l’impact du prix de l’eau sur les populations les plus faibles ; il fallait tendre vers le coût vérité de l’eau, mais ne pas faire supporter ce coût vérité à 100 % par le consommateur, ce qui impliquait qu’un effort budgétaire régional reste présent dans la politique de l’eau ; enfin, il fallait être conscient de la nécessité des investissements futurs, qui seraient à charge des communes. Les deux résolutions furent votées par la totalité des parlementaires à l’exception de la députée d’extrême droite francophone, Marguerite Bastien [60].

2.2. LA COBRU

2.2.1. Les prémisses

90 Installé le 26 octobre 1999 sur la base des déclarations gouvernementales fédérale et régionale de 1999, le groupe de travail sur les institutions bruxelloises connut deux phases. Plusieurs réunions eurent lieu durant la période d’octobre 1999 à mai 2000. Ses travaux furent alors interrompus afin d’éviter toute interférence avec la campagne électorale communale  [61]. Ils reprirent le 23 mars 2001 dans un contexte plus contraignant puisque le vote des accords du Lambermont était lié à ses résultats. Le groupe aboutit finalement le 30 avril 2001 à l’accord du Lombard qui répondait notamment à la revendication flamande d’une représentation garantie au Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale et à la volonté francophone d’augmenter les transferts financiers en faveur des Commissions communautaires française et flamande  [62].

91 Le 21 août 2001, l’ancien ministre-président de la Région de Bruxelles-Capitale, alors ministre fédéral de l’Économie, Charles Picqué, accordait une interview au journaliste du Soir William Bourton, dans laquelle il souhaitait que les partis politiques bruxellois poursuivent leurs contacts dans l’esprit qui avait présidé aux négociations des accords du Lambermont et du Lombard en vue de l’élaboration d’une stratégie commune et de revendications concertées. Persuadé que Bruxelles ne ferait pas l’économie d’une nouvelle négociation institutionnelle, il estimait que les francophones devaient s’y préparer en n’oubliant pas de mettre la question du financement de la région dans la balance. Il se prononçait pour la création d’un groupe de travail qui intégrerait des experts et des intellectuels et il suggérait d’y inviter les Wallons.

92 Deux jours plus tard, le président du PRL, Daniel Ducarme, qui avait succédé à François-Xavier de Donnea à la présidence du groupe de travail sur les institutions bruxelloises, réagissait « tout à fait positivement » à la proposition de Charles Picqué dans le même journal. Prenant également en compte la nécessité de traiter de la question du financement de Bruxelles, il suggérait en outre de « développer un authentique projet bruxellois sur base des acquis enregistrés et de la compréhension qui s’était fait jour entre francophones et Flamands au moment du Lombard ». Il voulait donc ajouter deux chapitres au débat projeté : d’abord, la problématique de l’exercice des compétences dans la Région de Bruxelles-Capitale ; ensuite, le redéploiement de cette région sur le plan économique, mais aussi des communications, de la mobilité, de la place des institutions européennes ou de la culture. Daniel Ducarme annonçait donc qu’il allait « refaire un tour de table afin de réunir à nouveau la ‘Corée bruxelloise’ » et que, début septembre, il reprendrait contact avec l’ensemble des interlocuteurs  [63].

93 Cette approche était cependant désavouée le 27 août 2001 par le président de la Fédération bruxelloise du PS, Philippe Moureaux, dans une interview à La Libre Belgique. Celui-ci considérait en effet que les francophones n’avaient plus aucune raison d’être demandeurs au stade actuel à court et à moyen terme.

94 Le 4 octobre 2001, lors du débat sur la situation financière des communes au sein de la commission des Affaires intérieures, chargée des Pouvoirs locaux et des compétences d’Agglomération du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, le parlementaire écologiste, Christos Doulkeridis, soumit la proposition de mettre en place une structure analogue à celle créée en Région wallonne appelée « groupe des 27 ». Ce groupe, composé de neuf ministres du gouvernement wallon, de neuf parlementaires et de neuf représentants des pouvoirs locaux, reçut pour objectif de traiter les principales questions consécutives à la régionalisation des lois communale et provinciale ainsi que les relations de solidarité entre pouvoir local et régional. En fait, le député écologiste avait constaté que l’administration de la tutelle avait très peu de données chiffrées sur les déficits communaux en termes prospectifs et il estimait qu’à Bruxelles, un groupe analogue pourrait travailler sur deux problématiques : la répartition de compétences entre région et communes, d’une part, la question de l’équité fiscale entre communes et entre les communes et la région, d’autre part. Le ministre-président François-Xavier de Donnea réagit avec intérêt à l’idée de constituer un groupe de travail. Lors de la réunion du 8 novembre 2001 de la même commission, il rappela que son souci était que le Parlement, le gouvernement et les communes travaillent ensemble, « sans que cela ne devienne un jeu entre la majorité et l’opposition  [64] ». Convaincu de la volonté de ses différents partenaires d’aller dans la même direction, Christos Doulkeridis entama les consultations avec les présidents de groupe des partis démocratiques. Ces contacts exploratoires se terminèrent le week-end des 10 et 11 novembre 2001. Christos Doulkeridis envisageait la mise en place de trois « ateliers » : le premier – diagnostic – aurait pour but de voir clair dans la situation financière des communes ; le deuxième – posologie – devait déterminer pourquoi certaines communes allaient mal et avancer des pistes pour rétablir leur situation ; le troisième – structure – se pencherait sur l’usage que la Région de Bruxelles-Capitale pourrait faire de la régionalisation de la loi communale. Pour le député écologiste, le groupe devait être composé de quinze parlementaires bruxellois. Il préférait ne pas l’ouvrir à des personnalités extérieures au Conseil de la région de Bruxelles-Capitale afin d’éviter que certains ténors (Ducarme, Maingain, Moureaux, Verhoofdstadt) ne jouent les « belles-mères » comme cela s’était passé au groupe de travail sur le fonctionnement des institutions bruxelloises. À la question du journaliste William Bourton sur le fait que ce groupe pourrait couper l’herbe sous le pied de Daniel Ducarme qui avait annoncé son intention de relancer la « Corée », Christos Doulkeridis répondit : « Jusqu’ici, il ne l’a pas fait  [65]. »

95 Le PRL n’entendait pas laisser l’initiative d’une telle démarche à un parti d’opposition. Dès le lundi 12 novembre, le ministre-président, Francois-Xavier de Donnea, se déclara « étonné » par les propos de Christos Doulkeridis, expliquant qu’« aucune autorité ne l’a mandaté pour prendre une initiative en la matière ». Il fit par contre état de ses propres contacts avec les membres du gouvernement et avec les présidents de groupe politique pour installer un groupe de travail sur l’évolution des finances communales, présidé par la présidente du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, Magda De Galan, et qui associerait parlement, bourgmestres et présidents de CPAS. De son côté, le président des libéraux bruxellois, Jacques Simonet, considérait que, s’il était normal que seuls les députés bruxellois se penchent sur la problématique des finances communales et régionales, des questions telles que « le statut de Bruxelles, les rapports communes-région ou la loi communale régionalisée, doivent être menées dans un autre cénacle, en présence d’hommes politiques capables de relayer la position bruxelloise au fédéral  [66] ».

96 Le 16 novembre 2001, répondant à une interpellation du conseiller Sven Gatz (VLD-VU-O), le ministre-président, François-Xavier de Donnea, annonça que les chefs de groupe de la majorité et le gouvernement, en accord avec la présidente du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, Magda De Galan, proposaient la constitution d’un groupe de travail chargé d’analyser l’évolution des finances communales et d’identifier tous les moyens susceptibles d’accroître la qualité des services rendus à la population par les communes ainsi que le rapport coût-efficacité de ces services. Ce groupe serait présidé par Magda De Galan et composé de membres du Parlement régional ainsi que de représentants de la Conférence des bourgmestres et de la Conférence des présidents de CPAS. Le gouvernement participerait très activement aux travaux afin d’éclairer le groupe de travail sur ses points de vue et ses propositions d’action. Le début de ces travaux était prévu pour 2002. Lorsque le groupe de travail aurait procédé à une radioscopie contradictoire, il faudrait voir comment aller plus loin  [67].

97 Le 20 novembre, les présidents de la Fédération PRL FDF MCC, Daniel Ducarme, et de la fédération bruxelloise du PS, Philippe Moureaux, lancèrent un appel à la constitution d’un groupe de réflexion bruxellois sur l’avenir des institutions. Ce groupe devait discuter de l’avenir de la Région bruxelloise et, plus particulièrement, des rapports régioncommunes à la lumière des récents transferts de compétences. Le gouvernement et le Parlement bruxellois y seraient représentés. Les communes (bourgmestres, échevins, conseillers communaux) pourraient également y participer. Chaque groupe du Parlement régional (majorité et opposition), sauf le Vlaams Blok, désignerait ses représentants mais l’on n’y installerait pas le même rapport de forces francophones-Flamands qu’au précédent groupe de travail. Les travaux devaient débuter dès qu’un accord serait intervenu entre les diverses formations bruxelloises. Ce groupe de travail serait complémentaire à celui que présiderait Magda De Galan, lequel ne s’occuperait que des finances communales  [68].

98 Après plusieurs mois de sommeil, l’intention de réunir le groupe de travail réapparut au mois de mars 2002.

99 Le 18 mars, des représentants des quatre partis démocratiques francophones bruxellois se réunirent en vue d’accorder leurs points de vue avant de rencontrer leurs homologues flamands. Dimitri Yernault (secrétaire fédéral) défendait la position du PS, Michel Van der Stichele (directeur de cabinet de François-Xavier de Donnea) celle de la Fédération PRL FDF, Christos Doulkeridis (président de groupe au Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale) celle d’Écolo et Vincent Henderick (secrétaire politique) celle du PSC. Il semble qu’un consensus se soit dégagé pour refuser d’aborder la fusion des communes dans la discussion. Par contre, des thèmes tels que l’élection, la désignation et la responsabilité du bourgmestre, la réforme des intercommunales ou l’amélioration de la démocratie participative figureraient à l’ordre du jour  [69].

100 Un mois plus tard, De Financieel en Economische Tijd annonça que Philippe Moureaux et Daniel Ducarme allaient réunir le groupe de travail la semaine suivante  [70]. On n’observa cependant aucune nouvelle avancée étant donné le contexte de tension entre le PS et le MR.

101 Les six premiers mois de l’année 2002 furent en effet marqués par des affrontements entre les deux partenaires francophones de la majorité sur plusieurs dossiers. Le plus important de ceux-ci porta sur la réforme fiscale proposée par le gouvernement. Il s’agissait de supprimer la redevance radio-télévision et d’augmenter parallèlement la taxe régionale. Le PS, qui déplorait une augmentation indistincte de la taxe régionale et qui souhaitait que soient étudiées les possibilités d’en répartir la charge en fonction de la capacité contributive des personnes, avait finalement accepté de voter les textes qui furent adoptés le 8 février, moyennant leur évaluation annuelle. Il avait obtenu que soit abordée avant Pâques la question de l’alignement des cohabitants sur les couples mariés pour les droits de succession, question pour laquelle il avait déposé une proposition d’ordonnance  [71]. Le vote de cette ordonnance rencontra des résistances du côté du MR qui le subordonnait à une déclaration du gouvernement sur ses propositions en matière de fiscalité  [72]. Une solution intervint au gouvernement le 18 avril au matin et la commission des Finances adopta le texte le 18 avril après-midi. Il fut voté en séance plénière le 8 mai 2002. L’opposition entre le PS et le MR sur la fiscalité persista cependant. À la mimai 2002, le ministre socialiste Éric Tomas lança des propositions en matière de fiscalité qui s’écartaient sensiblement de la philosophie retenue par le ministre libéral flamand des Finances, Guy Vanhengel  [73]. Cela déclencha une nouvelle polémique. Un accord finit par intervenir sur la réforme fiscale le 21 juin 2003  [74]. Mais les désaccords entre le PS et le MR portaient également sur d’autres sujets. Le 15 mars 2003, le président du groupe socialiste au Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale avait interpellé le ministreprésident concernant « l’accord de coopération dans le domaine de la recherche et du développement industriel entre l’État d’Israël et la Région de Bruxelles-Capitale, en regard du conflit israélo-palestinien ». Le 29 mars, les socialistes s’associaient à l’opposition écologiste et CDH pour rejeter un ordre du jour pur et simple et adopter un ordre du jour motivé relatif à la suspension de la coopération avec l’État d’Israël  [75]. Une crispation apparut également entre le MR et le PS sur le dossier de la réorganisation de l’économie sociale, thème sur lequel le parlementaire MR Serge de Patoul avait déposé une proposition d’ordonnance  [76]. Tout cela amena le parlementaire libéral Olivier de Clippele à demander aux instances du MR de procéder à l’évaluation du travail du gouvernement bruxellois, en signalant d’autres points de désaccord tels que la sécurité, le logement, le droit de préemption  [77].

102 La situation finit par impatienter le président de la fédération bruxelloise du PS, Philippe Moureaux, qui lança un ultimatum à Daniel Ducarme dans Le Soir du 31 mai. Pour lui, le groupe de travail devait impérativement être lancé durant le mois de juin, afin qu’il puisse commencer ses travaux en septembre. Philippe Moureaux n’excluait pas de prendre lui-même l’initiative, tout en précisant qu’il ne tenait pas à assurer la présidence du groupe. De son côté, Daniel Ducarme avait annoncé l’imminence du démarrage des travaux à Télé-Bruxelles  [78]. Le 4 juin, il annonçait au Soir que le groupe se réunirait entre le 20 et le 30 juin.

103 Dans un entretien accordé au journaliste Pascal Sac, le président de la fédération bruxelloise du PS prévoyait que la première réunion aborderait le thème et l’agenda, les vrais travaux ne pouvant commencer, selon lui, qu’en septembre. Concernant la méthode, il optait pour une démarche qui engrangerait progressivement ce qui fait consensus. Par ailleurs, il répétait son opposition à toute intervention du pouvoir fédéral dans le débat : « Si on ne peut pas trancher entre Bruxellois, c’est très clair : ce sera le statu quo. Pas question d’aller pleurer au fédéral. Pour l’accord du Lambermont, nous y étions forcés. Ce n’est plus le cas : les thèmes qui nous occupent ont été transférés aux régions. » Enfin, il ne cachait pas sa volonté de négocier un pôle de gauche avec Écolo face au MR, tout en restant loyal avec le partenaire libéral : « Ca ne met pas l’arc-en-ciel en cause : au contraire, je veux l’étendre à Bruxelles. Mais c’est d’abord à l’électeur de parler  [79]. »

104 Le 21 juin, Daniel Ducarme adressait une lettre par porteur aux différents présidents des formations politiques bruxelloises (francophones et flamandes) pour les inviter à l’installation du groupe de travail le 28 juin. Chaque parti était invité à déléguer un nombre de représentants en fonction de sa représentativité au Parlement bruxellois. Le président du MR se prononçait lui aussi pour une méthode progressive visant à régler un dossier à la fois  [80].

2.2.2. La phase active (juin-octobre 2002)

105 Le groupe de travail se réunit pour la première fois le vendredi 28 juin 2002. Il fut baptisé Conférence bruxelloise de réforme des institutions, en abrégé, Cobru.

106 Cette séance d’installation fut exclusivement consacrée à des points d’organisation (désignation des membres du bureau et formation des délégations) qui nécessitèrent deux suspensions de séance. Le bureau fut constitué des sept personnalités suivantes : Daniel Ducarme (MR), président du MR à la présidence ; Jos Chabert (CD&V), ministre de la Région de Bruxelles-Capitale et Jacques Bauduin (Écolo), vice-présidents ; Anne-Sylvie Mouzon (PS), conseillère régionale et présidente du CPAS de Saint-Josse-Ten-Node, Benoît Cerexhe (CDH), président du groupe CDH au Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, Robert Delathouwer (SP/Aga), secrétaire d’État à la Région de Bruxelles-Capitale et Guy Vanhengel (VLD), ministre à la Région de Bruxelles-Capitale, membres.

107 Le nombre de membres de la Conférence passa de 30 à 41 afin d’assurer une meilleure représentation des néerlandophones  [81].

108 La Cobru se composait donc comme suit : onze MR (Daniel Ducarme, Éric André, conseiller régional, François-Xavier de Donnea, ministre-président de la Région de Bruxelles-Capitale, Vincent Dewolf, conseiller régional et bourgmestre d’Etterbeek, Marion Lemesre, présidente du groupe MR du Conseil de la Région de Bruxelles-Capi-tale, Jacques Simonet, président de la régionale de Bruxelles du PRL, Martine Payfa, présidente de l’assemblée de la Commission communautaire française et bourgmestre de Watermael-Boistfort, Olivier Maingain, président du FDF et député fédéral, Bernard Clerfayt, conseiller régional et bourgmestre de Schaerbeek, Didier Gosuin, ministre de la Région de Bruxelles-Capitale, Caroline Persoons, conseillère régionale) ; six Écolo (Jacques Bauduin, Évelyne Huytebroeck, secrétaire fédérale, Claude Adrian, secrétaire régional, Christos Doulkeridis, président du groupe Écolo au Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, Geneviève Meunier, conseillère régionale, Henri Simons, échevin de la Ville de Bruxelles) ; six PS (Philippe Moureaux, président de la fédération bruxelloise du PS, sénateur et bourgmestre de Molenbeek-Saint-Jean, Anne-Sylvie Mouzon, Freddy Thielemans, bourgmestre de la Ville de Bruxelles, Rudi Vervoort, président du groupe socialiste du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale et bourgmestre d’Evere, Éric Tomas, ministre de la Région de Bruxelles-Capitale) ; cinq CDH (Joëlle Milquet, présidente du CDH et députée fédérale, Benoît Cerexhe, Denis Grimbergs, coneiller régional, Joël Riguelle, conseiller régional, Hervé Doyen, bourgmestre de Jette) ; quatre VLD (Guy Vanhengel, Jean-Luc Vanraes, président de l’assemblée de la Commission communautaire flamande, Sven Gatz, conseiller régional, René Coppens, échevin de Ganshoren), cinq CD&V (Jos Chabert, Jan Beghin, premier vice-président du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, Brigitte Grouwels, présidente du groupe CD&V du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, Walter Vandenbossche, conseiller régional et échevin d’Anderlecht, Peter Michiels) ; quatre SP/Aga (Robert Delathouwer, Werner Daem, président de la fédération de Bruxelles du SP.a et échevin de Jette, Henk Van Hellem, secrétaire politique d’Agalev Bruxelles, Adelheid Byttebier, conseillère régionale). On relevait donc 28 francophones et 13 néerlandophones. Le poids politique de plusieurs des participants révélait l’importance accordée par les différentes formations à la Cobru. Une réunion du bureau était annoncée pour la mi-juillet, la séance plénière suivante devant avoir lieu à la mi-septembre.

109 Le bureau de la Cobru fut convoqué à plusieurs reprises avant que les travaux ne reprennent en séance plénière. La réunion du bureau du 15 juillet fut consacrée à des points de procédure. Daniel Ducarme déposa une note qui inventoriait les thèmes à aborder. L’examen de cette note par le bureau eut lieu le 30 août. Comme prévu, son chapitre 1 excluait tout débat sur la fusion des communes. Le chapitre 2 abordait la question du réaménagement de compétences entre la région et les communes (par exemple, transfert des permis d’urbanisme importants à la région, rationalisation du secteur du logement…). Le chapitre 3 traitait des intercommunales et le chapitre 4 de la loi communale. La méthode préconisée par le président de la fédération bruxelloise du PS fut retenue. Elle consistait à régler les problèmes un par un, ce qui conférait une grande importance à l’ordre des priorités. La problématique de l’eau s’imposa comme le premier thème à traiter  [82]. Une note déposée par Daniel Ducarme abordait la rationalisation du cycle de l’eau. L’objectif était de créer les conditions d’une mise en conformité du cycle de l’eau avec les nouvelles dispositions européennes, d’affecter d’une façon plus optimale les moyens disponibles aux investissements et aux services directement liés au cycle de l’eau, d’effectuer un contrôle de l’eau complet et plus efficace, d’arriver à un prix de l’eau identique pour l’ensemble des consommateurs, dont les dix-neuf communes bruxelloises, et d’instaurer un guichet unique de l’eau permettant une seule et unique facturation  [83]. Il apparaissait qu’il fallait procéder au plus vite à la fusion des trois intercommunales qui interviennent dans le cycle de l’eau. Une telle fusion, accompagnée du transfert à l’opérateur unique ainsi constitué de la propriété des infrastructures, permettrait de récu-pérer des montants de TVA déjà versés pour la station d’épuration Sud. L’urgence provenait du fait que la récupération de ces montants TVA nécessitait un transfert de propriété avant 2003. Le groupe socialiste accepta de confier ce dossier à la Cobru tout en étant très réservé à l’égard du schéma proposé par Daniel Ducarme et Didier Gosuin ; il craignait en effet qu’une dotation régionale insuffisante n’entraîne un report du coût des infrastructures sur les communes et les intercommunales, lesquelles ne pourraient faire face. La privatisation s’imposerait alors comme solution.

110 Le 6 septembre, le bureau écouta un exposé sur l’eau et il fut demandé à Daniel Ducarme de confier une étude juridique sur ce sujet aux cabinets d’avocats Kirkpatrick et Tossens - Prioux.

111 Le 18 septembre, le ministre de l’Environnement et de la Politique de l’Eau, Didier Gosuin, exposa une étude consacrée à l’eau.

112 Une séance plénière se réunit le 23 septembre 2002. Le ministre Chabert évoqua la représentation flamande dans l’entité fusionnée et se heurta à l’opposition sur ce point du président de la fédération bruxelloise du PS Philippe Moureaux. Celui-ci procéda également à une mise au point : l’organe habilité à prendre les décisions était la commission plénière et non le bureau ni le gouvernement régional.

113 Le 30 septembre, un complément d’information fut donné au bureau. Une note du ministre Gosuin fut distribuée.

114 Le 7 octobre 2002, le ministre Gosuin transmit au bureau des documents relatifs au cycle de l’eau. Une séance plénière eut lieu l’après-midi, qui fut consacrée à la rationalisation du secteur de l’eau dans la Région de Bruxelles-Capitale. Le président Daniel Ducarme présenta un projet en la matière, sur la base d’un dossier préparé par le ministre de l’Environnement, Didier Gosuin. Cette proposition entendait en premier lieu, apporter une réponse aux exigences de la directive-cadre sur l’eau de l’Union européenne qui impose notamment un coût vérité à l’eau  [84]. Cette directive évoque le principe de la récupération des coûts de services liés à l’utilisation de l’eau  [85]. De ce fait, il apparaît utile de limiter le nombre d’intervenants dans le cycle anthropique de l’eau  [86]. La proposition de Daniel Ducarme et de Didier Gosuin était donc de fusionner les trois (ou deux des trois) intercommunales opérant dans le secteur. Une telle opération devait en outre permettre à la Région de Bruxelles-Capitale de récupérer de l’argent auprès du pouvoir fédéral. En effet, un transfert de la propriété des infrastructures régionales d’épuration à une structure intercommunale dotée d’un numéro de TVA et d’un registre de commerce pourrait entraîner une réduction du taux de TVA de 21 à 6 %. Cela vaudrait bien sûr pour les nouvelles infrastructures à réaliser (station Nord, bassins d’orage, égouttage) – le gain sur 20 ans était estimé à 250 millions €  [87] – mais un montant de 25 millions € serait récupérable sur les montants de TVA déjà payés pour la station d’épuration Sud si un tel transfert était achevé avant le 31 décembre 2002. Le dossier était prêt, selon le ministre Gosuin, qui se prévalait de l’avis des meilleurs fiscalistes et avocats spécialisés sur la légalité du montage, et des assurances apportées par le ministre fédéral des Finances par l’entremise d’Alain Zenner. La faisabilité juridique et financière de l’opération était cependant mise en doute, non seulement par l’opposition CDH et écologiste, mais aussi par le PS  [88].

115 Cette divergence de vues s’inscrivait dans un nouveau refroidissement des rapports entre le PS et le MR. Dans une interview accordée au Soir, le 7 octobre, Philippe Moureaux s’en était pris à la « duplicité du MR – un discours officiel où il essaie de rester au centre mais, en même temps et de plus en plus, envoyant des signaux pour se présenter comme un parti de droite ». Le mardi 8 octobre après-midi, lors du débat au Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale sur le discours de politique générale du ministre-président, François-Xavier de Donnea, la parlementaire libérale Marion Lemesre attaqua sévèrement les membres socialistes du gouvernement bruxellois  [89]. L’incident était qualifié de très grave par Philippe Moureaux  [90] alors que le CDH et Écolo fustigeaient les conflits entre le PS et le MR, qui paralysaient l’action du gouvernement bruxellois  [91].

116 Le jeudi 10 octobre au matin, le dossier fut soumis au gouvernement, lequel ne parvint pas à un accord. Le ministre-président, François-Xavier de Donnea, signala que le gouvernement avait confirmé que l’opération de transfert des infrastructures régionales à une intercommunale fusionnée représenterait une économie de plus de 250 millions € en vingt ans sur la TVA  [92]. Le PS manifestait cependant une certaine perplexité. Le ministre régional Éric Tomas considérait qu’il était indispensable de bien mesurer les impacts d’une telle décision et il répugnait à se prononcer dans une telle précipitation. Il soulignait qu’ « on ne se prive pas, comme ça, dans l’urgence, d’une telle recette budgétaire régionale, pour la confier à une intercommunale… ». Sa préoccupation se basait sur le fait que le transfert du Fonds de l’eau de 20 millions € alimenté par la taxe sur l’eau était intégré dans le calcul du solde net à financer  [93].

117 Les deux groupes de l’opposition francophone, Écolo et le CDH, ne cachaient pas leur méfiance. Christos Doulkeridis (Écolo) répéta que le dossier de l’eau était exemplaire de la paralysie de l’action du gouvernement générée par les tensions entre le MR et le PS. Il exprima les profondes craintes quant au financement de la région et il refusa que, « par le biais d’un transfert à une intercommunale, ce soient les communes et, in fine, les consommateurs qui se retrouvent pénalisés ». Benoît Cerexhe (CDH) reprocha au cabinet Gosuin et à Daniel Ducarme, le president de la Cobru, d’avoir fait preuve de beaucoup de légèreté. Il persistait dans ses doutes sur ce dossier, en dépit des avis spécialisés avancés par le ministre Gosuin. Pour lui, les lettres envoyées par Alain Zenner et Didier Reynders n’offraient pas les assurances voulues comme le démontrait la réponse apportée par ce dernier à la question orale posée sur ce sujet par le sénateur du CDH, Michel Barbeaux, à la séance du Sénat du jeudi 10 octobre 2002  [94].

118 Le gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale ne parvint pas à un accord lors de sa réunion du 10 octobre. Le lendemain, il réussissait à s’accorder sur les décisions suivantes :

  • valider les chiffres de l’opération pour réaliser à l’horizon 2006 des économies à concurrence de quelque 250 millions € et stabiliser le prix de l’eau payé par le consommateur ;
  • s’engager à rationaliser le secteur de l’eau et à diminuer le nombre d’intercommunales ;
  • renoncer, en tenant compte des délais et de l’impact sur le budget régional – eu égard également aux conséquences des décisions fédérales sur le budget de la région – à la récupération de la TVA historique ;
  • charger le ministre de l’Environnement d’étudier les mesures d’économie pour le secteur de l’eau pour un montant similaire à la TVA historique notamment par le recours à la technique du cross-border lease.
À la séance plénière de la Cobru du 14 octobre 2002, le ministre de l’Environnement, Didier Gosuin, transmit le procès-verbal du gouvernement. Un ordre de priorité des travaux fut alors fixé. Il se présentait de la façon suivante :
  • le problème de l’eau ;
  • la législation concernant l’élection des bourgmestres ;
  • le financement des communes ;
  • le réaménagement des compétences entre la région et les communes.
Il fut confirmé que l’on ne discuterait pas de la fusion des communes. Un accord de principe intervint sur le dossier de l’eau. On renonçait à la récupération de TVA d’anciens chantiers (25 millions €) mais on ferait en sorte d’économiser la TVA de futurs travaux d’égouttage. On s’orientait, par ailleurs, non vers un acteur unique – la CIBE subsistant en tant que telle –, mais vers l’intégration de l’IBRA dans l’IBDE, Daniel Ducarme se montrant prêt à sacrifier sa présidence de l’IBRA, pour aboutir fin 2002  [95].

119 Il fut décidé de constituer un groupe de travail spécifique qui devait traiter de la liquidation de l’IBRA.

120 Du côté flamand, on émettait une demande de représentation garantie dans la future intercommunale. En effet, les Flamands ne voyaient pas sans appréhension le passage d’infrastructures du niveau régional – où le gouvernement est paritaire – à un niveau intercommunal où la parité linguistique n’est pas prévue. Les partis francophones refusèrent cette revendication de façon unanime.

121 La séance plénière du 21 octobre devait être consacrée à la finalisation de l’accord dégagé la semaine précédente. Mais alors que les tensions entre partis francophones semblaient en voie d’apaisement, le dossier se heurta à un problème communautaire. Mécontents que leur demande de représentation garantie n’ait pas été actée dans le procès-verbal, les Flamands réitérèrent leur exigence, sans succès.

122 Dans une déclaration à l’hebdomadaire Brussel, deze week, le premier vice-président du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, Jan Beghin n’hésita pas à se prononcer en faveur de la suppression de la Cobru. Il considérait, en premier lieu, que cette conférence handicapait le travail du gouvernement. Selon lui, Écolo et le CDH présents autour de la table restaient dans un rôle d’opposition. Ils prenaient de ce fait le gouvernement en otage. Le ministre-président, François-Xavier de Donnea était placé sous l’autorité de son président de parti, Daniel Ducarme. En outre, le PS sabotait la position du MR pour comploter avec Écolo. Jan Beghin trouvait tout cela néfaste pour l’action du gouvernement à l’approche des élections. Mais surtout, il exprima à nouveau une revendication quant à la représentation flamande. Partisan d’une suppression des intercommunales et de leur remplacement par des sociétés régionales du type de la STIB, il ne pouvait admettre leur maintien qu’à la condition qu’y soit appliquée la « croix de Saint André ». Cette croix, en vigueur dans les pararégionaux et sociétés publiques dotés d’un conseil d’administration, prévoit que les quatre plus hautes fonctions (président, vice-président, directeur général, directeur général adjoint) soient occupées alternativement par un Flamand et un francophone ou l’inverse. Jan Beghin ne pouvait admettre que les francophones aient refusé de tenir compte de cette revendication  [96].

123 Le groupe de travail se réunit le 24 octobre 2002 mais la réunion se termina sur un constat d’échec.

2.2.3. Les suites

124 Après l’incident communautaire survenu à la séance du 21 octobre, la Cobru ne se réunit plus.

125 Le 7 novembre, le ministre-président de Donnea fit parvenir à la Cobru, suite à la demande du président Ducarme, une note contenant un projet de réforme des articles de la nouvelle loi communale relatifs au système électoral.

126 La léthargie dans laquelle était plongée la Cobru suscita des réactions d’Écolo. Le 5 novembre, Évelyne Huytebroeck regretta vivement dans Le Soir que la Cobru soit « totalement embourbée » alors que « la rationalisation du secteur de l’eau est un enjeu fondamental pour Bruxelles ». En conclusion, la secrétaire fédérale d’Écolo demandait soit qu’« on arrête tout jusqu’après les élections », soit qu’ « on désigne un autre président moins impliqué dans la campagne électorale ».

127 Le 12 novembre, Évelyne Huytebroeck (Écolo) et Philippe Moureaux (PS), ayant constaté l’échec du groupe de travail spécifique, adressaient à Daniel Ducarme une note comprenant les modifications financières, fiscales, juridiques et institutionnelles à apporter à l’IBDE pour lui permettre d’absorber l’IBRA. Ces propositions, inspirées de la situation wallonne, visaient à mettre en place un montage financier crédible. Elles entendaient également maintenir le caractère public du secteur de l’eau : suppression de la possibilité pour une société de droit privé de faire partie de l’intercommunale, possibilité offerte à la région de se voir attribuer des parts non représentatives du capital et attribution à la CIBE, pure intercommunale publique, de la gestion des missions de l’intercommunale fusionnée (distribution et fourniture de l’eau, assainissement).

128 Le 19 novembre, sans faire référence à ce courrier, Daniel Ducarme écrivit à tous les groupes siégeant à la Cobru leur demandant de lui communiquer par écrit leur position quant aux documents relatifs aux propositions de modifications statutaires de l’IBDE déposées en séance plénière de la Cobru ainsi que leurs observations ou propositions complémentaires.

129 Écolo revint à la charge le 27 novembre 2002. Les verts ne cachaient pas leur crainte de voir le prix de l’eau continuer à croître en Région bruxelloise et risquer de devenir financièrement inaccessible aux plus démunis. Persuadés que des erreurs avaient été commises lors de la construction de la station Sud et que les réserves financières accumulées par la région seraient insuffisantes pour financer les 50 millions € annuels que coûterait la concession au privé de la construction de la station Nord, Écolo prédisait une impasse financière. Aussi, le parti vert n’hésitait pas à agiter une menace : « Si ne se manifestaient pas des signes clairs montrant que le gouvernement ne va pas continuer à rester inactif jusqu’en juin 2004, Écolo se verrait contraint de mettre en œuvre une procédure qu’il avait déjà évoquée fin mai 2002 : une commission d’enquête parlementaire sur les multiples erreurs et manquements observés dans la gestion de la politique de l’eau depuis les treize années qu’existe la Région bruxelloise. » Et d’ajouter : « Un premier signe de cette volonté serait de relancer la Cobru, notamment en mettant rapidement à sa tête un président qui ne soit pas entraîné par son rôle de candidat tête de liste aux prochaines élections législatives à Bruxelles. » Le ministre de l’Environnement, Didier Gosuin, réagissait dans le même journal en reprochant à Écolo de politiser un dossier « essentiellement scientifique et technique ». Il ne voyait, pour sa part, aucun inconvénient à ce que les spécialistes de l’administration régionale soient interrogés en commission parlementaire sur les choix stratégiques opérés  [97].

130 Quant à Daniel Ducarme, il précisa qu’il n’avait aucunement l’intention d’abandonner la présidence de la Cobru et il refusa toute accusation de dilettantisme dans ce dossier en se référant à la lettre qu’il avait envoyée le 19 novembre aux partenaires de la Cobru. Il annonçait que durant le prochain week-end, il allait intégrer les différentes remarques qui lui avaient été transmises dans un document qui serait d'abord discuté avec les trois partis qui les avaient émises (MR, PS, Écolo), avant d’être déposées sur la table de la Cobru  [98].

131 Le 21 janvier 2003, Daniel Ducarme écrivit une lettre aux membres du bureau de la Cobru leur signalant que, suite aux notes qu’il avait reçues, d’une part des délégations PS et Écolo, d’autre part de la délégation MR, il avait fait procéder aux consultations juridiques utiles et qu’il lui était possible de soumettre à la Cobru une note de synthèse en deux parties. La première reprenait les propositions qui correspondaient au consensus intervenu lors de la réunion plénière de la Cobru, le 14 octobre 2002, la seconde regroupait des propositions de modifications statutaires qui, à ce stade, ne faisaient pas l’objet du consensus du 14 octobre.

132 Le 22 janvier 2003, Daniel Ducarme annonça au Soir son intention de relancer la Cobru. Cette communication intervenait alors que le président du groupe CDH au Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale avait déposé une interpellation pour la séance plénière du Conseil du 24 janvier concernant le calendrier et la mise en œuvre par le gouvernement des réformes nécessaires en matière de réorganisation des relations entre la région et les communes, de refonte du paysage intercommunal et d’amélioration de la démocratie communale  [99].

133 Revenant sur l’accord intervenu le 14 octobre 2002 et sur les réponses apportées à sa lettre du 19 novembre, Daniel Ducarme affirmait que certaines des propositions contenues dans la note commune PS/Écolo n’étaient pas réalisables. Il préconisait dès lors « l’adoption immédiate des propositions qui ont fait l’objet du consensus d’octobre et l’examen des autres propositions par un groupe technique  [100] ».

134 Daniel Ducarme souhaitait boucler le dossier avant juin, de façon à ce que les taux de TVA sur les différents travaux inhérents au cycle de l’eau puissent passer de 21 % à 6 %. Fustigeant l’attitude d’Écolo, il se disait persuadé que « sans Écolo, un accord sur la problématique de l’eau en Région bruxelloise aurait été dégagé avec le PS  [101] ».

135 Des échanges assez vifs eurent lieu le 24 janvier après-midi au Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale dans le cadre de l’interpellation de Benoît Cerexhe. Le président du groupe CDH constata que depuis la fin du mois d’octobre 2002, voire depuis mai 2001, il était attendu que la Cobru se penche sur des dossiers vitaux pour la région : l’articulation des compétences entre les communes et la région, les réformes nécessaires pour améliorer le fonctionnement de la démocratie locale et les nécessaires réformes ponctuelles et organiques à apporter au paysage intercommunal, tous secteurs confondus. Considérant que Bruxelles avait un besoin urgent de décisions, il estimait que l’on ne pouvait plus attendre que le président de la Cobru décide d’une convocation prochaine ou non de sa conférence. Aussi, il voulait « que les instances officiellement reconnues de notre région, à savoir votre gouvernement et le Parlement reprennent la main en ces matières qu’elles avaient accepté de déléguer, bon gré mal gré, à cette Conférence bruxelloise  [102] ».

136 Au nom du groupe socialiste, Anne-Sylvie Mouzon se référa à la façon dont le PS avait démontré que, financièrement, le plan Gosuin ne tenait pas la route, qu’il ne faisait que reporter sur les communes les charges que le budget régional ne couvrait pas et qu’il préparait, à terme, la privatisation du secteur. Elle faisait remarquer que le PS et Écolo avaient transmis leur proposition à Daniel Ducarme dans des délais permettant encore de rencontrer l’objectif avant fin 2002, mais qu’ils n’avaient trouvé personne au MR pour travailler sur ce dossier durant les mois de novembre et décembre. Elle exprimait sa satisfaction de voir que Daniel Ducarme était à nouveau disponible pour la Cobru, lieu obligé de négociations. Elle demandait alors au ministre-président si « ses amis libéraux », le Premier ministre et le ministre des Finances du gouvernement fédéral avaient accepté de ramener à 6 % le taux de TVA sur les infrastructures d’égouttage et de traitement des eaux usées, une telle réduction représentant pour le PS la solution logique contrairement « au montage précaire préconisé par le MR pour éluder la TVA à Bruxelles ». La parlementaire socialiste conclut son intervention en avertissant que « le PS n’avalera pas, par petites étapes successives, les réformes voulues par tel ou tel membre du MR, sur la simple promesse qu’on verra plus tard ce qui est, à nos yeux, important : le financement des pouvoirs locaux, une participation plus efficace des habitants à la décision politique, une plus grande efficience de nos pouvoirs publics locaux et régionaux ». Mais elle ne suivait pas le groupe Écolo dans sa demande de remplacement de Daniel Ducarme à la présidence de la Cobru  [103].

137 Le parlementaire écologiste Bernard Ide revint d’abord sur les déclarations faites au Soir par Daniel Ducarme le 23 août 2001 dans lesquelles un certain nombre de questions étaient ciblées. Bernard Ide relevait que la politique de l’eau avait été ajoutée par la suite. Il rappelait la proposition de Christos Doulkeridis de créer un groupe de travail parlementaire sur la question de la régionalisation de la loi communale, l’accueil favorable initialement réservé à celle-ci, la « volte-face de la majorité », la relance de la Corée  [104] désormais appelée Cobru. Il faisait remarquer que la Cobru avait décidé de se pencher prioritairement, et à l’exclusion de tout autre sujet, sur la problématique de l’eau alors que l’eau n’avait rien à voir avec la régionalisation de la loi communale. Cela avait débouché sur un fiasco total même si Écolo avait joué le jeu par un travail de fond constructif durant toute cette période. Regrettant que près de deux ans aient été perdus et que rien de ce qui concernait la régionalisation de la loi communale n’ait été abordé, le groupe Écolo déclarait : « Soit la Cobru aborde enfin d’urgence les sujets pour lesquels elle a été créée, soit le Parlement reprend ses droits ; et pourquoi pas les deux ! » Bernard Ide annonçait qu’en tout cas, Écolo ferait connaître dès la semaine suivante ses premiers dépôts d’ordonnance concernant la régionalisation de la loi communale, la démocratie participative et la transparence dans le fonctionnement des institutions  [105].

138 Il appartenait à la présidente du groupe MR, Marion Lemesre, de prendre la défense de Daniel Ducarme en soulignant que celui-ci « a travaillé consciencieusement et sereinement sur ce dossier en apportant des notes de synthèse à la Cobru ». Marion Lemesre justifia l’attention apportée par la Cobru au dossier de l’eau : « C’était le dossier essentiel de la Cobru ; il dépassait le cadre de cette majorité et celui des compétences régionales. Ce dossier impliquait également des contacts avec les bourgmestres et les communes  [106]. »

139 Dans sa réponse aux intervenants, le ministre-président, rappela que lors de sa séance plénière du 14 octobre 2002, la Cobru avait fixé l’ordre de ses priorités avec, en premier lieu, la première phase de la rationalisation du secteur de l’eau. Il reprocha à Écolo d’avoir bloqué la proposition « intelligente et courageuse » de Daniel Ducarme qui prévoyait la fusion des intercommunales de l’eau. Il se prononçait pour que l’on discute également au sein de la Cobru de la compétence régionale en matière de législation communale – dès l’issue des travaux de la commission mixte sur les finances communales – et du réaménagement des compétences entre région et communes (application du principe de subsidiarité). Mais il ne croyait pas à la possibilité d’aboutir avant les élections du 18 mai. Répondant à l’interrogation d’Anne-Sylvie Mouzon relative aux taux de TVA, il signala qu’il avait plaidé dans le sens voulu par la parlementaire socialiste et qu’un accord était intervenu sur ce point au sein du comité de concertation. À sa connaissance, le ministre des Finances ne formulait plus d’objection à cette proposition, soutenue également de façon active par le Premier ministre et l’ensemble des ministres-présidents des gouvernements régionaux du pays  [107].

140 Le 30 janvier 2003, la secrétaire socialiste de la Cobru Anne-Sylvie Mouzon répondit à la lettre de Daniel Ducarme du 21 janvier 2003 en lui reprochant de ne communiquer ni la note PS/Écolo, ni la note MR, ni les consultations juridiques. Elle faisait remarquer que les dispositions rangées dans le consensus étaient, mot à mot, y compris pour les commentaires, une série d’articles proposés par la note PS/Écolo. Elle signalait qu’étaient également considérés comme faisant l’objet d’un consensus, des articles inspirés de la note PS/Écolo, mais sans commentaire justifiant pourquoi ils s’en écartaient sur plusieurs points. En conséquence, la députée socialiste avertissait qu’elle communiquait co-pie de sa lettre, ainsi que les propositions PS/Écolo du 12 novembre 2002 à l’ensemble des délégations et aux membres PS des bureaux de l’IBRA et de l’IBDE. Elle priait Daniel Ducarme de faire de même avec la note MR et les consultations juridiques invoquées dans son courrier du 21 janvier. Elle confirmait par ailleurs que la délégation PS n’entendait pas renoncer à ce stade aux propositions contenues dans la note PS/Écolo.

141 La fin des réunions de la Cobru qui résulta des désaccords sur la restructuration du secteur de l’eau ne pemit pas à cette conférence de traiter des autres problèmes qu’il avait été décidé de lui soumettre.

2.3. LA POURSUITE DU DÉBAT SUR LE FINANCEMENT DE LA POLITIQUE DE L’EAU

142 Le 25 février 2003, considérant que les comptes des dépenses pour la politique de l’eau restaient inconnus, le groupe Écolo prit l’initiative de solliciter un audit de la Cour des comptes sur la politique de l’eau en commission de l’Environnement. Cette demande fut approuvée grâce à l’appui que lui apporta le PS, ce qui suscita la colère du ministre Gosuin. Le député écologiste Alain Adriaens déclara redouter que « le pourrissement » du dossier de l’eau n’ouvre la porte à une privatisation de fait du secteur. Or, pour les écologistes et les socialistes, le maintien intégral du secteur monopolistique de la gestion de l’eau aux mains d’organismes publics représentait une garantie pour que le prix de l’eau ne continue pas à croître en Région bruxelloise, la rendant inaccessible aux plus démunis  [108].

2.3.1. La station Sud

143 Le 25 mars 2003, Joseph Parmentier (PS) interpella le ministre Gosuin en commission de l’Environnement à propos de « l’audit Merlin » sur la station Sud. Se réjouissant que, selon un communiqué de presse du ministre les relations entre la CIBE et la Région étaient normalisées, il prenait acte des nouvelles rassurantes sur le plan financier qu’apportait le rapport Merlin, en remarquant que le rapport Waterleau n’était pas erroné quant au constat matériel des problèmes. Il estimait qu’il aurait mieux valu demander à l’AED et à la CIBE de procéder elles-mêmes à des coupes claires, sans avoir recours à un audit supplémentaire sans doute très onéreux. Il n’était par ailleurs pas persuadé que l’incinérateur de boues, construit à grands frais, était en parfait état de marche et qu’il serait dorénavant inutile de continuer à acheminer les boues bruxelloises vers celui de Basse-Wavre. Alain Adriaens se joignait aux questions de Joseph Parmentier.

144 Le ministre Gosuin répondit que le rapport Waterleau avait été réalisé sans visite sur le chantier et sans que l’administration régionale y fut associée. Le rapport Merlin, au contraire, avait été accueilli par les deux parties comme une étude objective, rigoureuse et complète, permettant d’établir un plan d’optimalisation de l’outil. Son estimation du coût des travaux (1,950 million €) était nettement plus basse que celle de Waterleau (8,750 millions €). Il préconisait en effet des solutions radicalement différentes et moins chères. Les travaux à charge de la région étaient estimés à 1,8 million €, et ceux à charge des entrepreneurs dans le cadre de la réception définitive, à 1,05 million €. Le montant total à investir pour le plan d’optimalisation serait donc de 2,85 millions €, ce qui était bien en deçà des estimations de la CIBE faites sur base du rapport Waterleau. Il lui semblait donc que le prix de l’expertise Merlin, moins de 60 000 €, était abordable, en valait la peine, puisqu’il permettait à la région, rien qu’avec leur solution alternative à la station de pompage, de faire une économie de plus de 70 millions de francs belges.

145 Concernant le four de la station Sud, il signalait qu’il était équipé d’un système de lavage des fumées pour incinérer les boues. Il avait donc chargé son administration de passer un marché en procédure négociée, sans publicité, pour le faire démarrer. Ce marché devait être passé avec une nouvelle association momentanée, IBTV-GTI (il s’agissait du reste de l’ancienne association momentanée du lot 3 à l’exception de la société Seghers, faillie). La mise en exploitation proprement dite du four pouvait être envisagée pour la fin de l’année  [109].

146 Le 2 décembre 2003, Joseph Parmentier interrogeait le ministre en commission de l’Environnement sur le démarrage du four de la station d’épuration des eaux du Sud de Bruxelles. Le ministre répondit que le Conseil des ministres du 27 novembre avait adopté le dossier relatif au démarrage du four. Le marché avait été attribué à une nouvelle association momentanée composée des membres originaux adjudicataires du lot 3 du marché initial de la station Sud. Le marché comprenait trois phases : un check-up général du marché, la réalisation des tests à chaud et à froid et les réglages d’optimalisation et la formation du personnel. Le montant de l’opération s’élevait à 1 848 188,50 € et il était inscrit au budget 2003. Les tests à chaud pourraient être effectués dès avril 2004 et le traitement des boues pourrait donc commencer dès cette date  [110].

2.3.2. La station Nord

147 Lors de la séance plénière du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale du 28 mars 2003, Joseph Parmentier interpella à nouveau le ministre cette fois, à propos de la station Nord. Il considérait que le projet de deuxième avenant à la concession du marché de la station Nord, déposé et approuvé par le gouvernement, soulevait de nombreuses questions, comportait des incohérences multiples et suscitait de vives inquiétudes. La modification du cahier des charges intervenue après la passation du marché rouvrait la possibilité de recours de la part des autres soumissionnaires qui, à l’époque de l’adjudication, n’avaient pas hésité à ester en justice. Les justifications avancées pour procéder à ces modifications étaient fondées sur des problèmes d’ordre rédactionnel et sur la nécessité d’apporter des précisions d’ordre juridique et technique. Si tel était le cas, Joseph Parmentier mettait en cause le manque de qualité et de sérieux dont on aurait fait preuve au moment de la rédaction du contrat initial. Selon certaines informations, le véritable motif de ces modifications serait à rechercher dans les difficultés rencontrées par la société Aquiris pour obtenir des banques les capitaux nécessaires. Joseph Parmentier demandait des éclaircissements sur ces difficultés pour Aquiris à se procurer des lignes de crédit bancaires. Par ailleurs, le fait que le chantier n’avançait pas beaucoup n’était-il pas lié à des doutes sur les possibilités financières de l’entrepreneur ? Mais, dans un tel contexte, n’était-on pas en train de « tailler un costume sur mesure » pour Aquiris ? Joseph Parmentier en voulait pour exemple l’intention de séparer le financement du collecteur de l’ensemble du projet, ce qui arrangeait bien Aquiris en raison des difficultés que rencontrait cette société à obtenir des lignes de crédit bancaires. Selon les informations du député socialiste, il s’agissait là d’une manœuvre portant sur une somme de 63 millions € qui serait en partie payée par la Flandre, laquelle finançait le projet à concurrence d’environ 20 %. Enfin, Joseph Parmentier abordait le problème de la dépollution du sol. Il lui était revenu que la pollution du sol était beaucoup plus importante que celle qui avait été déterminée par la région dans le dossier d’appel d’offres. Les entreprises concernées, se fondant sur leurs propres estimations, prévoyaient une sérieuse augmentation des coûts et un allongement substantiel de la durée des travaux de dépollution. Elles demandaient donc de revoir leurs offres, le projet de construction pouvant être de la sorte retardé d’une année. Le parlementaire socialiste concluait par l’expression de son inquiétude à propos du mode de passation de marché, qu’il assimilait à une double concession, appelée boot.

148 Son collègue écologiste Alain Adriaens le remercia d’avoir attiré l’attention du Parlement bruxellois sur l’évolution du dossier de la station d’épuration des eaux du Nord de Bruxelles. Alain Adriaens craignait que les avenants apportés au contrat passé avec Aquiris puissent entraîner des révisions de prix. Il rappela le débat relatif à la capacité de la région de payer 50 millions € annuels à partir de 2006. Si cette somme était dépassée, cela deviendrait très problématique. Par ailleurs, il se demandait si le contrôle sur la société Aquiris était tout à fait certain. Les deux fonctionnaires dirigeants de l’Administration de l’équipement et des déplacements qui faisaient partie du conseil d’administration d’Aquiris étaient-ils en mesure de faire entendre la position et les priorités de la région et de son gouvernement ou Aquiris considérait-elle que le fait de les avoir dans son conseil d’administration les plaçait sous son contrôle ?

149 Olivier de Clippele (MR) considérait, quant à lui, que la région avait suivi le bon chemin. Elle avait en effet pris trois garanties qui lui paraissaient de poids dans ce type de contrat. Tout d’abord, elle avait eu recours à la technique du droit de superficie ; cela permettait de maintenir en permanence un lien juridique entre le superficiaire et le tréfoncier (la région). Ensuite, la région avait décidé d’avoir recours à un concessionnaire unique, à savoir Aquiris ; c’étaient les soumissionnaires qui allaient constituer ce groupement et l’interlocuteur unique de la région serait Aquiris. Enfin, la troisième garantie concernait l’objet social d’Aquiris qui ne pouvait avoir d’autre activité que le fonctionnement de cette station d’épuration. Le député libéral trouvait par ailleurs contradictoire que les deux intervenants précédents semblaient souhaiter ne pas avoir recours au marché privé, tout en disant que la région n’était pas en mesure de financer le projet elle-même. Il ajoutait qu’introduire des modifications aux cahiers des charges était une pratique normale pour des contrats de cette ampleur. Le principe du boot consistait en un contrat en deux étapes : d’abord le contrat global sur l’investissement, ensuite le volet financier.

150 Dans sa réponse, le ministre Gosuin rappela que le dossier initial avait été conclu sous le gouvernement présidé par Charles Picqué. Il faisait remarquer qu’il aurait été impossible de financer cette station d’épuration sans le recours à des techniques de financement privé. Il répondait ensuite aux différentes questions soulevées par les intervenants.

Modification du contrat et risques de recours

151 La nécessité d’une modification du cahier spécial des charges s’inscrivait dans la logique même de toute concession. L’avenant n° 2 était lié au financement de la station. La construction de celle-ci était entièrement préfinancée par la société Aquiris, laquelle ne recevrait la première annuité qu’après une année entière d’exploitation (en 2007). Le ministre rappelait que le montant à financer dans la convention s’élevait à quelque 280 millions €. Par conséquent, et comme tout contrat de type boot, la conclusion du ou des contrats de financement constituait, après l’attribution du contrat, une étape primordiale pour la réalisation de la concession ; Aquiris allait procéder à la mise en concurrence de différentes banques. Le réexamen du contrat de concession préalable au « closing financier » s’inscrivait très normalement dans le processus d’exécution d’un contrat de type boot. Le contenu de l’avenant couvrait l’insertion de certaines précisions visant à éviter toute ambiguïté éventuelle et toute confusion possible entre les compétences de la région, autorité fédérée, et la qualité de concédant de celle-ci, ainsi que de certaines dispositions de nature à consolider la pérennité de la concession. La conclusion de cet avenant, proposé au gouvernement et adopté par celui-ci le 20 mars 2003, était donc, en définitive, une étape normale et prévisible de l’exécution du contrat de concession. Par ailleurs, les risques de recours éventuels exercés par les soumissionnaires évincés du marché de concession avaient fait l’objet d’une étude par les conseils du gouvernement, lesquels avaient conclu que ce risque était négligeable.

Qualité du contrat et de son avenant

152 La nécessité de procéder à ces amendements n’impliquait aucunement que le contrat initial aurait comporté « bon nombre d’ambiguïtés, imprécisions et même une clause inapplicable ». Et il n’y avait aucune raison de douter de la qualité de l’avenant n°2, d’autant qu’il avait reçu l’avis favorable, sans la moindre réserve, de l’inspection des finances.

Choix de l’entrepreneur

153 Le ministre précisait que la situation à laquelle remédiait l’avenant n° 2 n’était en rien liée à une quelconque difficulté financière, qu’il estimait inexistante, mais qu’elle concernait la mise au point du projet dans tous ses aspects afin de le présenter, sous ses meilleurs auspices, aux banques contactées pour son financement. Par ailleurs, rien n’avait changé dans les conditions de paiement de la Région flamande depuis la conclusion de la convention de 1990 en vertu de laquelle elle devait acquitter une part des investissements consentis par la Région de Bruxelles-Capitale en matière de collecte et d’épuration des eaux.

Garanties des institutions financières jointes à l’offre

154 Le cahier des charges exigeait des actionnaires qu’ils garantissent la société concessionnaire à concurrence de 12,4 millions € et qu’ils constituent un cautionnement de 2,5 millions €. Cela s’ajoutait aux fonds propres injectés dans la société dédiée (20 millions €).

Financement du collecteur

155 La scission entre le mode de paiement du collecteur et le préfinancement de la station n’était pas à l’avantage d’Aquiris mais bien de la région. Cette scission était un fait depuis 2001, puisque le gouvernement avait adopté un changement dans le mode de paiement du collecteur le 30 novembre 2001. Cette modification permettait à la région d’économiser chaque année sur le montant de l’annuité quelque 6,5 millions €.

156 À propos de l’assainissement du sol, le ministre signalait que le permis d’assainissement du sol délivré par l’IBGE avait été attaqué devant le Collège d’environnement par la Ville de Bruxelles le 3 février 2003. Le Collège d’environnement n’avait pas encore statué. Il était donc difficile de considérer comme anormale la non-exécution des travaux d’assainissement du sol. Le ministre terminait en assurant qu’il n’y avait pas de retard par rapport à l’échéancier prévu dans la concession : les travaux devaient être entamés au plus tard le 24 juin 2003  [111].

2.3.3. Le rapport de la Cour des comptes

157 Le rapport de la Cour des comptes fut transmis le 10 septembre 2003. Il était favorable aux orientations prises par le ministre de l’Environnement, Didier Gosuin. La Cour des comptes constatait que la région serait tout à fait capable de faire face aux dépenses engendrées par le marché de concession de la station d’épuration des eaux du Nord de Bruxelles. Les réserves constituées au sein du Fonds de l’eau excèderaient largement ces dépenses. Le rapport expliquait aussi que l’attribution du marché s’était déroulée de manière conforme, que le choix d’un marché de concession (boot) était une bonne procédure et que le rachat anticipé du collecteur était, lui aussi, crédible. Le cabinet du ministre ne cacha pas sa satisfaction et vit dans le rapport de la Cour des comptes la démonstration que la volonté de réformer le secteur de l’eau n’impliquait aucune intention de cacher une quelconque mauvaise gestion de la politique d’assainissement des eaux  [112].

158 Le 17 octobre 2003, Didier Gosuin cosigna avec le professeur de l’UCL Riccardo Petrella une « carte blanche » intitulée « Pour une nouvelle politique de l’eau à Bruxelles ». Les deux auteurs constataient que le coût de production de l’eau ne cessait d’augmenter, ce qui suffisait à convaincre bien des pays d’entrer dans une dynamique de privatisation du secteur. Leur conviction était qu’il fallait renforcer le caractère public de la gestion de l’eau. Constatant que la faiblesse bruxelloise résidait dans l’éclatement des responsabilités entre différents organes de gestion publique, ils voulaient œuvrer au rassemblement de toutes ces compétences au sein d’une structure unique qui devrait s’organiser autour de la Compagnie intercommunale bruxelloise des eaux. Cela devait permettre de réaliser d’importantes économies utilisées, dans un premier temps, à la mise en place d’une politique plus audacieuse de tarification sociale de l’eau afin de garantir à tous, et en particulier aux personnes les plus fragilisées, un accès décent à l’eau.

159 Écolo et le PS ne se montraient pas convaincus par la satisfaction affichée par le ministre suite aux conclusions du rapport de la Cour des comptes. « L’interprétation du ministre est sujette à caution », déclarait le député vert Alain Adriaens à la journaliste du Soir Martine Duprez, « nous sommes bien moins optimistes. Les évaluations de la Cour des comptes se basent sur des hypothèses et des oublis venant du cabinet du ministre de l’Environnement ». Pour Écolo, il était socialement insupportable de faire payer le retard de la dette écologique accumulée par les retards enregistrés en matière d’épuration des eaux en l’incorporant dans le prix de l’eau. Le député socialiste Joseph Parmentier faisait également part de son scepticisme à Martine Duprez : « À partir de 2006, la région va puiser dans les réserves du Fonds pour payer les annuités pour la station. Et Didier Gosuin ne dit pas comment on va compenser cette dépense. Par des recettes, en augmentant le prix de l’eau ? En diminuant les dépenses du secteur ? Cela paraît irréaliste face aux travaux (le réseau d’égouttage, notamment) à réaliser  [113]. »

160 En fait, si les budgets relatifs aux grands chantiers régionaux (station Nord, gros bassins d’orage) étaient prévus, les communes, par contre, devraient faire face, dans les prochaines années, à des travaux très coûteux : le rajeunissement du réseau d’égouttage et l’interdiction des vieilles conduites en plomb. Socialistes et écologistes estimaient que les communes seraient incapables de faire face à ces dépenses. De son côté, le ministre Gosuin estimait que « la région n’a pas à prendre en compte des charges qui s’imposent aux communes. C’est la rationalisation du secteur de l’eau qui permettra de les financer  [114]. »

2.3.4. La tarification solidaire de l’eau

161 Écolo et le PS s’étaient clairement prononcés à plusieurs reprises pour une facturation de l’eau au consommateur en fonction des revenus de celui-ci. Au mois d’avril 2003, le président du conseil d’administration de l’IBDE Mohamed El Khattabi proposa une tarification solidaire pour les privés, et non pour les sociétés, laquelle devrait permettre d’éviter une augmentation du mètre cube d’eau de 0,10 € en 2004. Réagissant à cette proposition, le ministre Gosuin confia au journaliste du Soir Alain Gérard que c’était la première fois qu’il entendait parler d’une augmentation du mètre cube d’eau de 0,10 €. Il se déclarait étonné que Mohamed El Khattabi ait sous-entendu une opposition du MR à la tarification solidaire. Il rappelait à cet égard, qu’en juin 2002, le gouvernement bruxellois, dont faisait partie le MR, s’était prononcé pour. Il précisait que « ce qui inquiète le MR, ce sont les risques d’effets pervers d’une telle tarification sur les gens à faible revenu ou sur ceux qui habitent des immeubles moins performants en matière de gestion de la consommation d’eau. Quid aussi des reports de charge sur les entreprises bruxelloises ? », se demandait-il. Mais il se déclarait prêt à examiner la proposition de l’IBDE  [115].

162 Le 7 mai 2004, le conseil d’administration de l’IBDE vota la transformation de son mode de tarification linéaire pour les ménages en tarification solidaire. Ce mode de tarification permet aux plus démunis de bénéficier d’une quantité d’eau couvrant ses besoins vitaux (15 mètres cube par an) au prix réduit de 0,60 € le mètre cube au lieu de 1,438 € par mètre cube. Ensuite, le prix au mètre cube monte par tranche. Le nombre de personnes composant le ménage est pris en compte afin d'être plus équitable. Mohamed El Khattabi affirme que la modification sera profitable à 60 % des ménages bruxellois  [116].

2.4. SYNTHÈSE

163 La politique de l’eau nécessite la réalisation de grosses infrastructures pesant lourdement sur le budget régional et risquant d’entraîner une augmentation du prix de l’eau : collecteurs, bassins d’orage, stations d’épuration d’eau imposées par les exigences européennes. Cela a amené le ministre bruxellois de l’Environnement à élaborer un dispositif financier et un projet de réorganisation du secteur de l’eau.

164 Sur le plan financier, la création du Fonds pour le financement de la politique de l’eau (15 juin 2001) devait permettre d’accumuler des réserves financières de 2001 à 2005. L’intérêt d’une telle formule provenait du fait que, lorsque les dépenses seraient réalisées, elles ne seraient pas à charge du budget régional – et n’entreraient donc pas en compte dans le calcul du solde net à financer – mais bien du budget d’une personne juridique distincte. Selon le ministre de l’Environnement, à financement constant – recettes stables de la taxe sur l’eau, dotation de la Région flamande, maintien d’un niveau de crédits budgétaires régionaux constant –, la région se trouverait, à partir de 2006, en position de supporter les annuités de la station Nord (42,1 millions € hors TVA). Afin de répondre à l’imposition par l’Europe d’un prix vérité de l’eau et d’assurer la stabilité de ce prix, tout en consolidant le pôle public de gestion de l’eau, le ministre proposait par ailleurs une réforme du secteur de l’eau. Celle-ci comportait la fusion des intercommunales actives dans le secteur de l’eau ainsi que le transfert par la région des infrastructures régionales d’épuration à cet acteur unique. L’opération dépassant le cadre des institutions régionales, elle fut soumise à l’examen de la Cobru.

165 Les débats relatifs au financement de la politique de l’eau et de la réforme du secteur font apparaître un clivage entre, d’une part, le MR, d’autre part, le PS et Écolo. Les socialistes et les écologistes se rejoignaient dans une grande inquiétude à propos des perspectives financières rassurantes proposées par le ministre Gosuin (MR). À travers plusieurs interpellations et questions, ils multiplièrent les critiques sur la façon dont le ministre avait mené les marchés des stations d’épuration Nord et Sud. Cela les amena à brandir la menace d’une commission d’enquête et à solliciter un audit de la Cour des comptes sur la politique de l’eau. Cet audit fut obtenu par un vote où le PS se retrouva dans le même camp qu’Écolo, contre son partenaire MR de la majorité. Pour les socialistes et les écologistes, le montage proposé par Didier Gosuin pêchait par un sous-financement et il aboutirait de ce fait à reporter le coût des infrastructures sur les intercommunales, lesquelles ne pourraient y faire face. Cela risquait d’aboutir à la privatisation et à l’augmentation du prix de l’eau. Afin d’alléger la facture d’eau en faveur des ménages les plus défavorisés, le PS et Écolo défendirent le principe d’une tarification solidaire et parvinrent à faire voter deux résolutions en ce sens le 12 juillet 2002. Ils furent suivis par le conseil d’administration de l’IBDE qui adopta ce mode de tarification le 7 mai 2004.

166 Le rapport de la Cour des comptes, transmis en septembre 2003, confortait les options du ministre de l’Environnement et se voulait rassurant sur la capacité de la région à faire face aux dépenses générées par le marché de concession de la station Nord de Bruxelles. Le PS et Écolo ne se montraient cependant guère convaincus et ils attiraient l’attention sur les travaux coûteux que les communes devraient réaliser dans les prochaines années : rajeunissement du réseau d’égouttage, interdiction des canalisations en plomb. Pour eux, les communes ne pourraient en assumer les coûts.

167 Peu après le vote des lois spéciales de réforme institutionnelle de juillet 2001, l’idée de remettre en place un groupe de travail fut lancée et débattue. Ce groupe devait avoir pour finalité de traiter notamment des rapports entre la région et les communes et des aménagements à apporter à la législation communale qui venait d’être transférée. Un autre groupe de travail, plus technique et composé d’élus régionaux, devait se pencher sur la problématique du financement des communes. Après plusieurs mois de tergiversations, les deux groupes furent installés en juin 2002. Le premier fut placé sous la présidence du président du MR Daniel Ducarme et dénommé Cobru. La Cobru se réunit de juin à octobre 2002, avant de retomber en léthargie. La restructuration du secteur de l’eau fut inscrite en tête de son agenda. Un blocage intervint sur ce dossier qui fut ainsi de fait reporté à la prochaine législature. Le PS et Écolo y adoptèrent une ligne commune face aux propositions du MR et ne se séparèrent que sur l’exigence de la démission de Daniel Ducarme ; le PS refusa en effet de franchir un tel cap qui aurait pu faire éclater la majorité, en dépit de ses relations très tendues avec le président de la Cobru, comme en témoigne la lettre que lui adressa Anne-Sylvie Mouzon le 30 janvier 2003. Daniel Ducarme ne réunit plus la Cobru par la suite. Il en résulta que la question des communes n’y fut pas abordée.

CONCLUSION

168 Avant la création de la Région de Bruxelles-Capitale en 1989, l’intérêt de la population bruxelloise a été peu pris en compte lors de décisions relatives aux travaux publics à Bruxelles. En dépit de la résistance de l’Agglomération de Bruxelles, d’André Lagasse et de Serge Moureaux, l’accent était mis sur le rôle de capitale et les grosses infrastructures visaient principalement à favoriser l’accès à Bruxelles aux dépens des riverains et des utilisateurs bruxellois : priorité donnée au métro lourd, construction de voies de pénétration urbaines (tunnel sous le boulevard Léopold II, viaduc d’Auderghem, etc.). La création de la Région de Bruxelles-Capitale a permis d’inverser les priorités dans les secteurs où celle-ci avait la maîtrise et de chercher à mieux répondre aux besoins des Bruxellois. Néanmoins, la Région de Bruxelles-Capitale ne dispose pas de tous les leviers qui peuvent influencer la qualité de vie de ses habitants. Dans des matières telles que la mobilité ou les nuisances sonores dues au trafic aérien, l’État fédéral reste un important décideur et la Flandre, voisine directe, un partenaire incontournable.

169 Le conflit entre l’intérêt de la population bruxelloise, défendu par la Région de Bruxelles-Capitale, et celui de la fonction de capitale et de ville internationale, mis en avant par l’État fédéral et la Flandre, est clairement apparu dans les débats relatifs à la mobilité et aux nuisances sonores dues au trafic aérien. Dans ces problématiques, l’État fédéral et, plus particulièrement, de grandes entreprises publiques telles que la SNCB ou BIAC, persistent à vouloir imposer des décisions qui privilégient la fonction de capitale et le statut international de Bruxelles (par exemple, l’installation d’un second terminal TGV sur le site de Schaerbeek-Formation ou l’extension démesurée de l’aéroport de Bruxelles-National). Nombre de débats ont lieu au Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale à ce sujet. Si, en dépit de leurs divergences, les groupes politiques francophones s’accordent à veiller à la défense des intérêts de la population bruxelloise dans ces importants dossiers, les élus néerlandophones de Bruxelles peuvent apparaître, comme dans le cas du survol aérien de Bruxelles, davantage partagés entre une position bruxelloise et une position flamande. Cependant, dans une large majorité, les conseillers régionaux ont pu transcender leurs différences partisanes, et même linguistiques, pour adopter des résolutions qui affirment clairement les préoccupations bruxelloises. Celles-ci ont contribué à certaines avancées, par exemple dans le dossier du RER, et elles constitueront une assise solide pour les négociateurs bruxellois dans les évolutions futures.

170 Il n’est de ce fait pas étonnant que les groupes politiques francophones s’unissent pour défendre le statut de la Région de Bruxelles-Capitale chaque fois que celui-ci paraît mis en cause par les dirigeants flamands. Dans ce combat, ils obtiennent globalement l’appui des groupes néerlandophones bruxellois – à l’exception, bien sûr, du Vlaams Blok et avec une certaine ambiguïté dans le cas de Brigitte Grouwels. Les neérlandophones bruxellois restent par contre extrêmement attentifs quant à leur présence dans les différents échelons de pouvoir bruxellois, très fermes sur la question du bilinguisme des services publics et intraitables quand il s’agit de la périphérie.

171 Les problématiques étudiées permettent de tirer certains enseignements sur le fonctionnement de la majorité qui a été mise en place en 1999 à la Région de Bruxelles-Capitale. Rappelons que l’accord de gouvernement représentait un compromis entre les aspirations des différentes formations qui l’avaient négocié. L’une de celles-ci, Écolo, prit finalement la décision de ne pas participer au pouvoir. La tendance de gauche de la composante francophone de la majorité, incarnée par le PS, se trouvait dès lors dans un rapport de forces qui ne lui était pas favorable. Cela ne l’a pas empêché d’imprimer sa marque dans les politiques menées (par exemple en matière fiscale). Un tel constat a d’ailleurs été fait par le président du groupe CDH Benoît Cerexhe qui déclarait lors du débat budgétaire de décembre 2002 : « Je reconnais que vous avez un pouvoir considérable dans cette majorité, Monsieur Vervoort (président du groupe socialiste, ndlr). Considérant la proportion numérique de ce que vous représentez par rapport à ce que représente le partenaire MR, je tiens à vous féliciter. C’est un constat objectif de l’opposition. Je le dis franchement  [117]. » Un tel constat se verrait vraisemblablement conforté par l’analyse des autres grands débats régionaux (économie et emploi, revitalisation des quartiers, logement, etc.).

172 Dans les débats dont nous avons rendu compte, on a pu observer régulièrement une plus grande proximité du PS avec Écolo qu’avec son partenaire de la majorité, le MR. Cela est apparu dans des matières telles que la fiscalité, le statut public de la STIB ou la politique de l’eau. Cela a pu aboutir à des votes où le PS joignait ses voix à celles de l’opposition (par exemple, en commission, pour demander un audit de la Cour des comptes sur la politique de l’eau) ou au report de certains dossiers à la prochaine législature (par exemple la restructuration du secteur de l’eau). Mais, plus généralement, le PS a choisi de ne pas se laisser entraîner dans la rupture avec son partenaire de la majorité et d’opter pour la voie du compromis interne à celle-ci.

Notes

  • [1]
    Compte rendu intégral de la séance plénière du CRBC, 28 janvier 2000, séance de l’après-midi, pp. 394-395.
  • [2]
    Compte rendu intégral de la séance plénière du CRBC, 15 juillet 1999, pp. 61-62.
  • [3]
    C’est-à-dire munis d’un atténuateur de bruit et de procédures de décollage spécifiques destinées à satisfaire de justesse aux normes de bruit assez minimalistes de l’OACI.
  • [4]
    Compte rendu intégral de la séance plénière du CRBC, 14 janvier 2000, séance de l’après-midi, pp. 352-353.
  • [5]
    Compte rendu intégral de la séance plénière du CRBC, 28 janvier 2000, séance de l’après-midi, pp. 394-395.
  • [6]
    Compte rendu intégral de la séance plénière du CRBC, 11 février 2000, séance de l’après-midi, pp. 454-455.
  • [7]
    Le Soir, 10 février 2001.
  • [8]
    Compte rendu intégral de la séance plénière du CRBC, 26 mai 2000, séance du matin, pp. 834-839 et séance de l’après-midi, pp. 872-873.
  • [9]
    Compte rendu intégral de la séance plénière du CRBC, 29 mars 2002, séance de l’après-midi, p. 976. En fait, la directive dénoncée par Geneviève Meunier avait été adoptée au Parlement européen le 13 mars 2002. Cf. La Libre Belgique, 14 mars 2002.
  • [10]
    CRBC-BIQ (2002-2003) n °6.
  • [11]
    Pour les membres du MR, il nous a semblé intéressant d’y ajouter à quelle composante interne de la fédération ils appartenaient.
  • [12]
    Compte rendu intégral de la séance plénière du CRBC, 29 novembre 2002, séance de l’après-midi, pp. 272-273.
  • [13]
    De Standaard, 14 janvier 2003.
  • [14]
    Pour Isabelle Durant, par contre, la mise en œuvre des accords de 2002 était le seul moyen de mettre suffisamment de pression sur les responsables politiques flamands pour éviter le report, au-delà des élections toutes proches, de l’interdiction des B-727. Guy Verhofstadt lui aurait en effet écrit une lettre, quelques semaines avant la disparition programmée des B-727, pour lui demander d’accorder à DHL un délai supplémentaire en vue du remplacement de ceux-ci.
  • [15]
    La Capitale, 17 janvier 2003.
  • [16]
    La Libre Belgique, 25-26 janvier 2003.
  • [17]
    Compte rendu analytique de la séance plénière du CRBC, 24 janvier 2003, séance de l’après-midi, pp. 11-12.
  • [18]
    Le Soir, 30 janvier 2003.
  • [19]
    CRBC-BIQ (2002-2003) n °25.
  • [20]
    Compte rendu intégral de la séance plénière du CRBC, 14 mars 2003, séance de l’après-midi, pp. 879-880.
  • [21]
    Le Soir, 21 mars 2003.
  • [22]
    Compte rendu intégral de la séance plénière du CRBC, 28 mars 2003, séance de l’après-midi, pp. 943-946.
  • [23]
    La Libre Belgique, 5 mai 2003.
  • [24]
    Compte rendu intégral de la séance plénière du CRBC, 15 mai 2003, pp. 1041-1044.
  • [25]
    Compte rendu analytique de la séance plénière du CRBC, 20 juin 2003, p. 14
  • [26]
    CRBC A, Doc. parl. 440/1 (2002-2003).
  • [27]
    Compte rendu analytique de la séance plénière du CRBC, 4 juillet 2003, séance du matin, pp. 4-10.
  • [28]
    CRBC, Doc. parl. A -440/1 (2002-2003).
  • [29]
    CRBC-BIQ (2002-2003) n °55.
  • [30]
    La Capitale, 30 octobre 2003.
  • [31]
    Conseil des ministres restreint.
  • [32]
    Compte rendu analytique de la séance plénière du CRBC, 14 novembre 2003, séance du matin, pp. 7-11.
  • [33]
    La Libre Belgique, 2 décembre 2003.
  • [34]
    La Capitale, 4 décembre 2003.
  • [35]
    La Libre Belgique, 18 décembre 2003.
  • [36]
    CRBC-BIQ (2003-2004) n° 20.
  • [37]
    La Libre Belgique, 20 et 21 décembre 2003.
  • [38]
    Compte rendu analytique de la séance plénière du CRBC, 23 janvier 2004, séance de l’après-midi, pp. 4-5.
  • [39]
    L’Écho, 4 février 2004.
  • [40]
    Le Soir, 19 février 2004.
  • [41]
    Compte rendu analytique de la séance plénière du CRBC, 20 février 2004, séance de l’après-midi, pp. 4-5.
  • [42]
    La Libre Belgique, 5 mars 2004.
  • [43]
    Compte rendu analytique de la séance plénière du CRBC, 12 mars 2004, séance de l’après-midi, pp. 10-14.
  • [44]
    Compte rendu analytique de la séance plénière du CRBC, 26 mars 2004, séance de l’après-midi, p. 8.
  • [45]
    Compte rendu analytique de la séance plénière du CRBC, 26 mars 2004, séance de l’après-midi, pp. 11-12.
  • [46]
    La Libre Belgique, 12 mai 2004.
  • [47]
    Compte rendu intégral de la séance plénière du CRBC, 15 juillet 1999, p. 62.
  • [48]
    Initialement appelée Corée, en référence au surnom donné à la Conférence intergouvernementale et interparlementaire de renouveau institutionnel, groupe de travail fédéral, et au groupe de travail sur le fonctionnement des institutions bruxelloises, qui avait été surnommé mini-corée.
  • [49]
    CRBC-BIQ (2000-2001) 1.
  • [50]
    Compte rendu intégral de la séance plénière du CRBC, 16 mars 2001, séance de l’après-midi, pp. 808-809.
  • [51]
    Compte rendu intégral de la séance plénière du CRBC, 7 juin 2002, séance de l’après-midi, pp. 1214-1220.
  • [52]
    CRBC, Doc. parl. A-175/2 (2000-2001) et compte rendu analytique de la séance plénière du CRBC, séance du matin, 15 juin 2001, pp. 9-11.
  • [53]
    Compte rendu intégral de la séance plénière du CRBC, 15 juin 2001, séance de l’après-midi, p. 1221.
  • [54]
    Compte rendu intégral de la séance plénière du CRBC, 14 décembre 2001, séance du matin, p. 275.
  • [55]
    Compte rendu intégral de la séance plénière du CRBC, 14 décembre 2001, séance du matin, pp. 286-287.
  • [56]
    Compte rendu intégral de la séance plénière du CRBC, 14 décembre 2001, séance de l’après-midi, pp. 333-334.
  • [57]
    Elle lie, en effet, outre les dix-neuf communes bruxelloises, dix-neuf communes des deux autres régions.
  • [58]
    Celle-ci serait baptisée Cobru, cf. infra.
  • [59]
    Compte rendu intégral de la séance plénière du CRBC, 7 juin 2002, séance de l’après-midi, pp. 1220-1229.
  • [60]
    Compte rendu intégral de la séance plénière du CRBC, 12 juillet 2002, pp. 1524-1534.
  • [61]
    J.-P. NASSAUX, « Le groupe de travail sur le fonctionnement des institutions bruxelloises. Première phase : octobre 1999-mai 2000 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n °1682,2000.
  • [62]
    J.-P. NASSAUX, « Le groupe de travail sur le fonctionnement des institutions bruxelloises. Deuxième phase et accord dit du Lombard », Courrier hebdomadaire, CRISP, n °1716-1717,2001.
  • [63]
    Le Soir, 23 août 2001.
  • [64]
    CRB, Doc. parl. A-274/1 (2001-2002), pp. 52,61 et 72-73 ; L’Écho, 6 octobre 2001.
  • [65]
    Le Soir, 12 novembre 2001.
  • [66]
    Le Soir, 13 novembre 2001.
  • [67]
    Compte rendu intégral de la séance plénière du CRBC, 16 novembre 2001, séance du matin, pp. 135-136.
  • [68]
    Le Soir, 21 novembre 2001 ; La Lanterne, 21 novembre 2001 ; La Libre Belgique, 21 novembre 2001 et 22 novembre 2001.
  • [69]
    Le Soir, 20 mars 2002.
  • [70]
    De Financieel en Economische Tijd, 20 avril 2002.
  • [71]
    Proposition d’ordonnance relative aux taux d’imposition et exonération des droits de succession et de mutation par décès applicable aux cohabitants légaux, CRBC, Doc. parl. A-275/2 ; La Lanterne, 8 février 2002.
  • [72]
    La Libre Belgique, 22 mars 2002.
  • [73]
    La Libre Belgique, 16 mai 2002.
  • [74]
    L’Écho, 22 juin 2002 et 25 juin 2002
  • [75]
    Compte rendu intégral de la séance plénière du CRBC, 15 mars 2002 (séance de l’après-midi), p. 890 et de la séance du 29 mars 2002 (séance de l’après-midi), pp. 983-985.
  • [76]
    Proposition d’ordonnance visant à définir les aides accordées par la Région aux entreprises d’économie sociale, CRB, Doc. parl. A-21/1- S.O.1999.
  • [77]
    La Libre Belgique, 8 avril 2002.
  • [78]
    La Libre Belgique, 1er juin 2002.
  • [79]
    La Libre Belgique, 17 juin 2002.
  • [80]
    Le Soir, 22 et 23 juin 2002.
  • [81]
    Le Soir, 29 juin 2002 ; La Libre Belgique, 29 juin 2002.
  • [82]
    La Libre Belgique, 29 juillet 2002.
  • [83]
    Compte rendu intégral de la séance plénière du CRBC, 24 janvier 2003 (séance de l’après-midi), p. 624.
  • [84]
    Directive 200/60 du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau (JOCE 327,22 décembre 2000, p. 1).
  • [85]
    D. AUBIN et F. VARONE, « La gestion de l’eau en Belgique. Analyse historique des régimes institutionnels (1804-2001) » Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1731-1732,2001, pp. 26-27.
  • [86]
    Le cycle anthropique est le parcours suivi par l’eau à des fins de distribution publique. Cf. D. AUBIN et F. VARONE, « La gestion de l’eau en Belgique. Analyse historique des régimes institutionnels (1804-2001) », op. cit., p. 17.
  • [87]
    La Libre Belgique, 11 octobre 2002.
  • [88]
    Le Soir, 8 octobre 2002 ; L’Écho, 9 octobre 2002.
  • [89]
    Compte rendu intégral de la séance plénière du CRBC, 8 octobre (séance de l’après-midi).
  • [90]
    Le Soir, 10 octobre 2002.
  • [91]
    Le Soir, 9 octobre 2002.
  • [92]
    La Libre Belgique, 11 octobre 2002.
  • [93]
    Le Soir,11 octobre 2002.
  • [94]
    Le Soir, 11 octobre 2002 ; Sénat, An. parl., 2-31.
  • [95]
    La Libre Belgique, 15 octobre 2002.
  • [96]
    Brussel, deze week, 23 octobre 2002.
  • [97]
    Le Soir, 28 novembre 2002.
  • [98]
    Le Soir, 29 novembre 2002.
  • [99]
    Compte rendu intégral de la séance plénière du CRBC, 24 janvier 2003 (séance de l’après-midi), p. 610.
  • [100]
    Le Soir, 22 janvier 2003.
  • [101]
    Le Soir, 22 janvier 2003.
  • [102]
    Compte rendu intégral de la séance plénière du CRBC, 24 janvier 2003 (séance de l’après-midi), pp. 620-622.
  • [103]
    Compte rendu intégral de la séance plénière du CRBC, 24 janvier 2003 (séance de l’après-midi), pp. 622-623.
  • [104]
    En fait la « Corée » était l’autre nom de la Conférence intergouvernementale et interparlementaire de renouveau institutionnel (CIIRI) qui était un groupe de travail fédéral. Il semble qu’ici Bernard Ide vise le groupe de travail sur le fonctionnement des institutions bruxelloises. Cette confusion, fréquente, provient du fait que le groupe de travail bruxellois avait été surnommé la « mini-corée ».
  • [105]
    Compte rendu intégral de la séance plénière du CRBC, 24 janvier 2003 (séance de l’après-midi), pp. 623-624.
  • [106]
    Compte rendu intégral de la séance plénière du CRBC, 24 janvier 2003 (séance de l’après-midi), pp. 624-625.
  • [107]
    Compte rendu intégral de la séance plénière du CRBC, 24 janvier 2003 (séance de l’après-midi), pp. 627-630.
  • [108]
    La Libre Belgique, 26 février 2003 et L’Écho, 15 mars 2003.
  • [109]
    CRBC-BIQ (2002-2003) n °35.
  • [110]
    CRBC-BIQ (2003-2004) n °15.
  • [111]
    Compte rendu intégral de la séance plénière du CRBC, 28 mars 2003, séance de l’après-midi, pp. 964-971.
  • [112]
    Le Soir, 17 octobre 2003.
  • [113]
    Le Soir, 18 octobre 2003.
  • [114]
    Le Soir, 19 novembre 2003.
  • [115]
    Le Soir, 12 et 13 avril 2003.
  • [116]
    Le Soir, 8 mai 2004 ; La Dernière Heure, 10 mai 2004.
  • [117]
    Compte rendu intégral de la séance plénière du CRBC, 18 décembre 2002, p. 366.
Français

Résumé

La Région de Bruxelles-Capitale occupe une place particulière dans l'édifice institutionnel belge. Elle doit concilier la défense des intérêts de sa population avec son rôle de capitale. Elle est en outre organisée sur la base de deux groupes linguistiques officiellement reconnus - le groupe français et le groupe néerlandais - qui participent à sa gestion. Les débats parlementaires bruxellois sont marqués par cette double spécificité. Les positions des partis à l'échelle bruxelloise ne sont pas toujours relayées avec le même degré de solidarité ou de cohérence par les mêmes partis à d'autres niveaux de pouvoir. À cela s'ajoute, au cours de la dernière législature, que l'absence d'Écolo au sein de la majorité francophone, alors qu'il avait participé aux négociations de l'accord de gouvernement, a rendu le rapport de forces défavorable au PS par rapport à son partenaire. Jean-Paul Nassaux a choisi d'analyser les débats politiques de la législature précédente en sélectionnant un nombre limité de problématiques de nature à éclairer les enjeux spécifiquement bruxellois : les relations communautaires, la fiscalité, la mobilité, qui ont été traitées dans la précédente livraison du Courrier hebdomadaire. Les nuisances sonores dues au survol aérien de Bruxelles ainsi que la politique de l'eau et la Cobru sont traitées dans la présente livraison.

La Région de Bruxelles-Capitale occupe une place particulière dans l’édifice institutionnel belge. Elle doit concilier la défense des intérêts de sa population avec son rôle de capitale. Elle est en outre organisée sur la base de deux groupes linguistiques officiellement reconnus – le groupe français et le groupe néerlandais – qui participent à sa gestion. Les débats parlementaires bruxellois sont marqués par cette double spécificité. Les positions des partis à l’échelle bruxelloise ne sont pas toujours relayées avec le même degré de solidarité ou de cohérence par les mêmes partis à d’autres niveaux de pouvoir. À cela s’ajoute, au cours de la dernière législature, que l’absence d’Écolo au sein de la majorité francophone, alors qu’il avait participé aux négociations de l’accord de gouvernement, a rendu le rapport de forces défavorable au PS par rapport à son partenaire. Jean-Paul Nassaux a choisi d’analyser les débats politiques de la législature précédente en sélectionnant un nombre limité de problématiques de nature à éclairer les enjeux spécifiquement bruxellois : les relations communautaires, la fiscalité, la mobilité, qui ont été traitées dans la précédente livraison du Courrier hebdomadaire. Les nuisances sonores dues au survol aérien de Bruxelles ainsi que la politique de l’eau et la Cobru sont traitées dans la présente livraison.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/10/2005
https://doi.org/10.3917/cris.1839.0005
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