CAIRN.INFO : Matières à réflexion

INTRODUCTION

1La loi relative au Conseil central des communautés philosophiques non confessionnelles de Belgique, aux délégués et aux établissements chargés de la gestion des intérêts matériels et financiers des communautés philosophiques non confessionnelles reconnues a été promulguée le 21 juin 2002. Elle avait été votée par la Chambre le 25 avril 2002 et par le Sénat le 13 juin 2002.

2Cette nouvelle loi organise notamment la prise en charge par l’État des traitements et des pensions des délégués qui fournissent une assistance morale non confessionnelle. En ce sens, elle concrétise le paragraphe deuxième de l’article 181 de la Constitution  [1] : « Les traitements et pensions des délégués des organisations reconnues par la loi qui offrent une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle sont à la charge de l’État ; les sommes nécessaires pour y faire face sont annuellement portées au budget. » Cette loi dite de reconnaissance de la laïcité constitue l’aboutissement d’un processus engagé il y a environ trente ans, et dont les principales étapes ont été l’octroi de subsides à la laïcité organisée dès 1981, la modification de la Constitution en 1993 et la présente loi.

3Il est aujourd’hui utile de retracer l’histoire de ce processus. Auparavant, il est intéressant de présenter la laïcité organisée, et de préciser certains concepts. L’ajout d’un second paragraphe à l’article 181 de la Constitution ayant inscrit la laïcité organisée dans un processus de reconnaissance et de financement comparable à celui qui est en vigueur à propos des cultes, démarche que la loi qui vient d’être votée achève, il apparaît également pertinent d’établir une comparaison entre les structures, les modes et les niveaux de financement de ces cultes et de la laïcité organisée.

4Le présent Courrier hebdomadaire est consacré à l’organisation de la laïcité telle qu’elle existe et telle qu’elle est prévue par la nouvelle loi. Il s’ouvre sur une explication des significations du terme « laïcité » et sur une première partie consacrée à une présentation générale de la situation des cultes et du mouvement laïque en Belgique dans une perspective historique. Une deuxième partie présente ensuite la structuration progressive du mouvement laïque, et une troisième partie détaille les premiers éléments de la législation qui ont préparé la reconnaissance de la laïcité organisée. Enfin, les quatrième et cinquième parties sont consacrées à la loi du 21 juin 2002 : sa genèse et son parcours parlementaire d’une part, son contenu de l’autre.

5Le financement de la laïcité tel qu’il était pratiqué jusqu’à aujourd’hui et tel qu’il est organisé par la nouvelle loi fera l’objet d’une livraison ultérieure du Courrier hebdomadaire.

1. DÉFINITIONS DE LA LAÏCITÉ

6L’emploi des termes « laïque » et « laïcité » présente en Belgique des ambiguïtés que seule la connaissance du contexte historique belge permet de lever.

7Le terme « laïque », plus souvent orthographié « laïc » – du grec laos, via le latin ecclésiastique laicus –, désigne à l’origine celui qui n’a pas revêtu l’habit de clerc, qui n’appartient pas au clergé. Il s’agit donc des fidèles qui assistent à l’office religieux mais ne le célèbrent pas. Leur état est dénommé le laïcat.

8A la fin du XVIIIe siècle, et surtout dans le courant du XIXe siècle, le terme « laïque » a progressivement désigné un partisan de la laïcisation de l’État, c’est-à-dire de la séparation de l’Église et de l’État. Les laïques peuvent, par ailleurs, appartenir ou non à l’Église.

9Dans un troisième stade, et particulièrement en Belgique, le terme laïque, sous cette seule orthographe, a désigné le libre penseur, c’est-à-dire un anticlérical convaincu, partisan, certes, de la laïcité de l’État, mais également engagé dans la défense d’une conception philosophique spécifique. La laïcité revêt alors un habit militant. Dans cette acception-là, le terme « laïcité » ne s’exporte que difficilement au delà des frontières de la Belgique francophone, et il ne se traduit que malaisément  [2]. Certains auteurs parlent dans ce contexte de « laïcisme ». Nous utiliserons ici le terme communément admis de laïcité, et le deuxième chapitre de ce Courrier hebdomadaire reviendra plus en détail sur l’histoire de cette laïcité belge.

10Cependant, le terme laïque a conservé en France sa signification de partisan de la stricte séparation de l’Église et de l’État, de la « laïcité de l’État »  [3] entendue comme une neutralité de l’État. La République française est laïque, ainsi que le proclame la Constitution depuis 1946, c’est-à-dire qu’elle se veut strictement neutre en matière de conceptions philosophiques et religieuses (dans l’enseignement public en France, aucune religion ne peut être enseignée). C’est là l’aboutissement d’une longue lutte des partisans de l’État laïque, initiée avec la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 – condamnée par le pape en 1791 –, poursuivie à travers le Concordat, sous la Restauration, sous le Second empire et sous la Troisième république. La France avait une relation historique particulière avec l’Église catholique : le gallicanisme. L’Église de France jouissait d’une autonomie par rapport à Rome, mais elle tolérait également, sous certains aspects, l’autorité du Roi de France qui nommait les évêques. Cette situation présentait donc plutôt un contrôle de l’État sur la religion qu’une emprise de la religion sur la sphère publique. Les deux choses sont également incompatibles avec le principe de la séparation de l’Église et de l’État  [4].

11Le système belge est celui d’une indépendance réciproque des Églises et de l’État plus que d’une réelle séparation. Les origines et caractéristiques de ce système font l’objet du prochain chapitre.

12Cependant, la loi de reconnaissance de la laïcité, tout comme l’article 181 de la Constitution, se réfère aux « Communautés philosophiques non confessionnelles », termes qui ont suscité des débats dans l’enceinte parlementaire, tout comme ils en avaient suscités auparavant à l’intérieur du monde laïque. À l’origine, ils ont été employés pour éviter l’ambiguïté qu’aurait suscitée l’emploi du terme laïque, lorsqu’en 1965 un arrêté royal organisa l’assistance morale non confessionnelle aux détenus  [5]. Des laïques craignirent en effet que le texte soit utilisé pour la dispense d’une assistance morale par des laïcs, c’est-à-dire des non-membres du clergé, qui auraient toutefois des convictions religieuses. Ils ont eu recours à une terminologie inspirée par celle employée dans le Pacte scolaire pour désigner l’alternative aux cours de religion dans les établissements du réseau officiel : « morale non confessionnelle ». Depuis lors, la laïcité organisée a adopté comme appellation officielle celle de « Communauté philosophique non confessionnelle », souvent employée au pluriel pour rendre compte de sa pluralité  [6]. Remarquons que le néerlandais permet une approche plus nuancée : Nietconfessionele Levensbeschouwelijke Gemeenschapen, le terme Levensbeschouwelijke signifiant plutôt conception de vie que philosophie. Ajoutons que la traduction de laïque en néerlandais est Vrijzinnige, ce qui signifie à l’origine « libéral ».

13C’est bien à une reconnaissance de la laïcité organisée que l’on assiste avec la loi du 21 juin 2002  [7].

2. LA LAÏCITÉ ET LES CULTES EN BELGIQUE

2.1. LES ORIGINES : DE LA FIN DE L’ANCIEN RÉGIME À L’INDÉPENDANCE

2.1.1. La fin de la période autrichienne

14L’Europe occidentale a été longtemps dominée par la religion catholique. Non seulement la foi catholique y était partagée par la quasi-totalité de la population, mais de plus l’Église y exerçait une domination de type politique. Le pape était lui-même un chef d’État, mais en outre l’Église s’efforçait d’influencer voire de diriger les autres autorités politiques de l’Europe et elle y réussissait généralement. On peut parler de compénétration de l’Église et de l’État pour décrire la situation de l’Ancien régime. À partir du XIe siècle, alors que l’Église durcit sa doctrine théocratique, des disputes vont éclater entre elle et des chefs d’État : querelle des investitures entre les empereurs allemands et le pape, différends qui opposent le roi d’Angleterre et Thomas Becket au siècle suivant, lutte sans merci entre l’empereur Frédéric II et le pontife au début du XIIIe siècle. Timidement, l’État va commencer à marquer des points dans son émancipation de la tutelle religieuse. Néanmoins l’alliance entre l’autel et le trône s’est poursuivie et des services publics (l’enseignement, l’état civil, l’assistance) demeurent aux mains de l’Église durant tout l’Ancien régime. La laïcité peut ainsi apparaître lors de ses origines comme un mouvement d’affranchissement du peuple de la tutelle du château, de l’église ou du couvent.

15Une première expérience de relative sécularisation dans les Pays-Bas autrichiens a lieu à la fin du XVIIIe siècle. Les premiers établissements d’enseignement qui échappent au contrôle de l’Église sont créés (les collèges dits thérésiens, en 1777), l’empereur Joseph II promulgue l’Édit de tolérance (1781) et supprime les ordres monastiques strictement contemplatifs (1783). Ce mouvement rencontra l’opposition des conservateurs comme des progressistes, et fut à l’origine de la Révolution brabançonne de 1789 et de la création des États Belgique Unis. Cette éphémère confédération (le régime autrichien est rétabli partout au début de 1791) fut dominée par les groupes les plus attachés aux particularismes locaux et aux privilèges sociaux, mais cette période vit aussi naître un anticléricalisme appelé à se développer ultérieurement  [8].

2.1.2. La période française (1795-1814)

16Dès la fin de l’année 1792, les troupes françaises sont entrées sur le territoire de la future Belgique (bataille de Jemappes) et avec elles les idées révolutionnaires. Trois années plus tard, l’administration française était en place dans neuf départements qui correspondent grosso modo au territoire de la future Belgique. La France de la Convention et du Directoire imposa une laïcisation brutale de la société. Les mesures principales en furent la confiscation puis la vente des biens du clergé, la constitution civile du clergé, la suppression des congrégations religieuses et l’interdiction des manifestations extérieures du culte. Ces mesures rencontrèrent l’opposition d’une large partie de la population attachée à la pratique religieuse. La signature du Concordat par le premier consul Bonaparte et le pape Pie VII, en 1801, restaura la liberté d’exercice public du culte mais conféra à l’autorité publique le pouvoir de le réglementer, ce qui fut fait par la loi du 8 avril 1802, qui rendit l’Église française dépendante de l’État. Les limites des diocèses furent redessinées, et de nouveaux évêques, tous français, furent nommés. Le régime concordataire n’empêcha pas une opposition traditionaliste catholique de continuer à se développer.

2.1.3. La période hollandaise (1814-1830)

17Après la défaite française de Leipzig, les territoires de la future Belgique furent rattachés aux anciennes Provinces Unies par le Traité de Paris (30 mai 1814), confirmé par le Traité de Vienne un an plus tard, et se retrouvèrent sous l’autorité d’un prince protestant. Bien que la Constitution de 1815 ait prévu la liberté de conscience et l’exclusion des ecclésiastiques des assemblées représentatives, la police du culte catholique et en particulier l’ensemble de l’enseignement se retrouvaient sous l’autorité d’un prince protestant. En outre, une clause qui prévoyait le maintien de lois héritées de la période française constituait une reconnaissance implicite du divorce. Le projet royal de Constitution avait rencontré une large opposition dans les provinces méridionales, notamment celle de la hiérarchie catholique. Seule une manipulation du résultat du vote des 1.600 notables belges appelés à se prononcer sur le projet de Constitution – ce qu’on appellera « l’arithmétique hollandaise » – permit à la Constitution d’être adoptée.

18Le régime hollandais se heurta, encore plus que son prédécesseur français, à l’opposition des catholiques de Belgique. D’un autre côté, il jouit d’un certain support auprès de la nouvelle bourgeoisie et de l’administration, qui avaient bénéficié du mouvement de laïcisation. Durant cette époque, se dessine l’un des clivages qui traverseront la société belge durant tout le dix-neuvième siècle : l’opposition entre catholiques et libéraux.

2.2. LES DISPOSITIONS DE LA CONSTITUTION

19Le Congrès national composé de 200 membres élus au terme d’un suffrage censitaire et capacitaire s’attela à la rédaction d’une Constitution de décembre 1830 à février 1831. Si l’opinion catholique l’emportait numériquement sur l’opinion progressiste que l’on qualifiera dorénavant de libérale, les membres du Congrès se rallièrent néanmoins largement aux principes de la liberté de conscience et d’indépendance réciproque de l’Église et de l’État, concrétisés dans les articles actuellement numérotés 19,20 et le premier alinéa de l’article 21 de la Constitution :

20

« Art. 19 La liberté des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la liberté de manifester
ses opinions en toute matière, sont garanties, sauf la répression des délits commis à
l’occasion de l’usage de ces libertés.
Art. 20 Nul ne peut être contraint de concourir d’une manière quelconque aux actes et aux cérémonies d’un culte, ni d’en observer les jours de repos.
Art. 21 L’État n’a le droit d’intervenir ni dans la nomination ni dans l’installation des ministres d’un culte quelconque, ni de défendre à ceux-ci de correspondre avec leur
supérieurs, et de publier leurs actes, sauf, en ce dernier cas, la responsabilité ordinaire en matière de presse et de publication. »

21L’indépendance réciproque de l’Eglise et de l’État souffre cependant deux limitations.

22La première, en faveur de l’État, réside dans l’obligation de contracter un mariage civil avant de recevoir la bénédiction religieuse, qui figure au deuxième alinéa de l’article désormais 21 de la Constitution :

23

« Le mariage civil devra toujours précéder la bénédiction nuptiale, sauf les exceptions à établir par la loi, s’il y a lieu. »

24L’adoption de cette obligation de préséance du mariage civil fit l’objet de longs débats au congrès national  [9]. La volonté libérale d’éviter qu’un acte religieux puisse entraîner d’éventuels effets juridiques l’emporta.

25La seconde limitation, en faveur de l’Église, réside dans la prise en charge des traitements et pensions des ministres du culte par l’État, qui figure au paragraphe premier de l’article 181 de la Constitution. Ce financement public était conçu comme une manière de compensation de la confiscation des biens civils du clergé à la période révolutionnaire et de la suppression concomitante de la dîme.

26

Les traitements et pensions des ministres des cultes sont à la charge de l’État ; les sommes nécessaires pour y faire face sont annuellement portées au budget  [10].

27La Constitution de 1831, qui garantit la liberté de conscience, était une Constitution très progressiste pour l’époque. Elle résultait d’un compromis entre catholiques et libéraux. Si les seconds ont obtenu la liberté de conscience, les premiers ont obtenu la prise en charge des traitements des ministres du culte par l’État, sans ingérence possible dans la nomination de ceux-ci.

2.3. LE RÉGIME DES CULTES EN BELGIQUE[11]

28Le principe constitutionnel de prise en charge des traitements de ministres des cultes a ouvert la voie à d’autres formes d’interventions financières des pouvoirs publics, tandis que d’autres éléments du financement des cultes ont été hérités de dispositions juridiques antérieures à 1830. D’autre part, le bénéfice de ce financement a été appliqué aux cultes déjà reconnus par l’État, à savoir les cultes protestant et israélite. Il sera ultérieurement étendu aux cultes anglican (en 1870), islamique (en1974) et orthodoxe (en 1985)  [12].

29Parmi les principales formes d’intervention financière des pouvoirs publics, outre la prise en charge des traitements et pensions des ministres des cultes, on peut citer la prise en charge par les communes et les provinces des déficits des fabriques d’église et des établissements publics correspondants dans les autres cultes, la mise à disposition d’un logement ou l’octroi d’une indemnité correspondante pour les ministres des cultes, l’exonération du précompte immobilier pour les édifices du culte, des aides publiques à l’investissement et à la rénovation, la prise en charge du traitement des aumôniers dans des structures telles que les prisons, les forces armées etc.  [13]

30Bien que l’État ne puisse s’immiscer dans l’organisation interne des cultes reconnus, il a cependant souhaité organiser ses rapports avec eux, pour ce qui est de la gestion du temporel, dans un souci de contrôle de l’affectation des deniers publics.

31Après plusieurs tentatives qui n’aboutirent pas, le gouvernement réussit à faire adopter en 1870 une loi sur le temporel des cultes  [14]. Cette loi, fondée sur l’organisation de l’Église catholique, a constitué jusqu’à aujourd’hui le socle de l’organisation des rapports entre l’État et les cultes reconnus. Ses principales dispositions instaurent un mécanisme complexe d’approbation des budgets et des comptes des fabriques d’église. Ces documents sont transmis, accompagnés de pièces justificatives, successivement au conseil communal, au gouverneur de la province, à l’évêque, enfin à la députation permanente  [15].

32Des dispositions similaires s’appliquent aux cultes anglican, protestant et israélite. En revanche, et toujours en vertu de la loi sur le temporel des cultes, les cultes islamique et orthodoxe sont organisés (pour ce qui concerne leur temporel) et financés sur une base exclusivement provinciale et non plus communale, leurs budgets et comptes étant soumis au contrôle du ministre de la Justice après avis des députations permanentes.

33Pour chacun des cultes reconnus autres que l’Église catholique  [16], l’État a reconnu un organe représentatif qui constitue son interlocuteur pour les matières relevant du temporel de ce culte. Il s’agit du Synode de l’Église protestante unie de Belgique, du Consistoire central israélite, du Comité central anglican, de l’Exécutif des musulmans de Belgique et du Métropolite-archevêque du patriarcat œcuménique de Constantinople.

34D’autre part, l’État reconnaît, par arrêté royal, les paroisses ou les communautés dont les desservants verront leur salaire et pension pris en charge par le financement public et dont le déficit éventuel des administrations sera comblé par les communes ou les provinces selon le cas. Pour le culte islamique, en dépit d’une reconnaissance acquise depuis 1974, et de la conclusion en 1999 d’un processus de constitution de l’Exécutif des musulmans de Belgique, il n’y a pas encore de communautés reconnues.

35Depuis le 1er janvier 2002, la législation relative aux établissements chargés de la gestion du temporel des cultes est devenue une compétence régionale  [17]. Dorénavant, la tutelle sur les fabriques d’église et les organes chargés de la gestion du temporel pour les communautés des autres cultes reconnus appartient aux régions. Outre la tutelle, les régions sont compétentes en matière de travaux aux édifices des cultes, de patrimoine, de budgets et comptes et de legs. La reconnaissance d’un culte et le paiement des traitements et pensions demeurent des compétences de l’État fédéral  [18].

2.4. L’ANTICLÉRICALISME ET LES ORIGINES DU MOUVEMENT LAÏQUE

36Le premier clivage à se manifester durement en Belgique a été le clivage philosophique. À la fin des années 1840, l’unionisme, c’est-à-dire l’alliance entre les catholiques et les libéraux a éclaté, et l’Église catholique est traversée par une réaction hostile aux nouvelles libertés : l’ultramontanisme. La suite du XIXe siècle, au moins jusqu’en 1884-85, sera dominé politiquement par l’opposition entre catholiques et libéraux. Cette opposition se cristallisera notamment autour de la question scolaire.

37L’enseignement fut le théâtre de l’essentiel des affrontements entre catholiques et libéraux durant la seconde moitié du XIXe siècle. Durant la période unioniste, une loi de compromis adoptée en 1842 obligeait chaque commune à organiser une école primaire, ou à « adopter » une école primaire, organisée par un autre pouvoir, nécessairement une autorité religieuse. En 1850, un gouvernement libéral homogène fit voter la première loi organique de l’enseignement secondaire, organisant un réseau d’État. Cette législation rencontra l’opposition de la hiérarchie catholique, qui redoutait cette concurrence et s’y était vu dénier toute autorité, notamment en matière de cours de religion. Parallèlement, l’anticléricalisme se muait en hostilité à l’égard de la hiérarchie catholique et la revendication d’une école officielle entièrement neutre progressait. Pour la défendre fut fondée en 1864 la Ligue de l’enseignement, dont les objectifs principaux étaient la scolarité obligatoire, l’école officielle laïque et la non-subsidiation des écoles privées. Ses membres se recrutaient parmi les libres penseurs, les libéraux progressistes et les francs-maçons. L’un de ceux-ci, Pierre Van Humbeeck, devint ministre de l’Instruction publique et fit voter en 1879 une nouvelle loi organique de l’enseignement primaire. Désormais, chaque commune devait établir une école communale dont l’enseignement de la religion était absent. Les catholiques réagirent vivement contre cette « loi de malheur » et établirent rapidement un réseau serré d’écoles libres concurrentes. Lorsqu’en 1884 les catholiques retrouvèrent le pouvoir, pour une période de trente ans, ils firent adopter immédiatement une nouvelle loi qui permettait de financer sur deniers publics les écoles libres nouvellement créées, en restaurant la possibilité d’adoption et en supprimant l’obligation de neutralité. Des laïques réagirent parfois en organisant leurs propres écoles laïques là où l’école communale était supprimée. Les subsides aux écoles libres catholiques furent accrus à nouveau en 1895. Durant l’entre-deux-guerres, le conflit porta davantage sur l’enseignement secondaire dont les effectifs avaient crû dans une proportion notable, et culmina dans l’immédiate après-guerre (1950-1958) durant la guerre scolaire. Des gouvernements successifs, catholique homogène puis de coalition libérale-socialiste octroyèrent ou refusèrent de larges subsides au réseau libre. Le conflit scolaire ne se résoudra qu’avec le Pacte scolaire (cf. infra).

38Progressivement, un puissant courant anticlérical s’est ainsi formé, appuyé successivement sur le parti libéral puis sur le parti socialiste, et a développé ses propres organisations : la Ligue de l’enseignement, mais aussi l’Université libre de Bruxelles (fondée en 1834), la franc-maçonnerie  [19], etc.

39D’autre part, il existe alors des sociétés de libre penseurs, où sont défendus le rationalisme et l’athéisme. L’essentiel de leurs revendications est alors la reconnaissance des funérailles civiles, alors que l’Église continue à monopoliser le rituel des funérailles et bien souvent la gestion des cimetières. Une société dénommée L’Affranchissement a été fondée en 1854 avec pour objet la défense des funérailles civiles. Cette revendication, essentiellement apolitique, a regroupé ouvriers et bourgeois, réformistes et révolutionnaires. Plus tard, les revendications – comme le suffrage universel – deviendront plus politiques et les cercles de libre pensée, regroupés dans la Fédération nationale des sociétés de libre pensée de Belgique, seront partagés entre la tendance libérale et la tendance socialiste. Globalement, les liens entre la Libre pensée et le POB, fondé en 1885 par des libres penseurs, seront étroits jusqu’à peu avant la Première guerre mondiale.

40Après 1918, et l’expérience d’un premier gouvernement « d’union sacrée » qui rassemblait catholiques, libéraux et socialistes, la revendication laïque fut en quelque sorte mise en sourdine. Il y eut tout de même des oppositions vives autour de la crémation, établie par une loi en 1932, et le différend scolaire persistait. Cependant, le contexte de tensions internationales et de crise économique, qui s’accompagna bientôt de la montée en puissance de partis opposés au parlementarisme démocratique, y compris en Belgique, et la pratique systématique du gouvernement de coalition n’étaient pas favorables à l’ouverture d’un débat de fond sur les rapports entre Église et État.

3. LA STRUCTURATION DE LA LAÏCITÉ

41L’évolution de la laïcité vers son inscription dans un mécanisme en tous points similaire à celui du financement public des cultes reflète l’évolution parallèle de la société. La religion – en l’occurrence la religion et l’Église catholiques – a cessé de dominer l’ordre social. Au fur et à mesure que son emprise se faisait moins prenante, la nécessité de combattre l’Église s’est faite, pour les laïques, moins pressante. Ce qui a contribué à orienter la laïcité vers une définition positive d’elle-même, la défense et la promotion de son contenu philosophique. D’autre part, la défense des idées et des intérêts laïques a progressivement disparu du champ politique de l’après-guerre, les partis politiques ne mettant plus autant l’accent sur cet élément de leurs programmes. En particulier, pour les socialistes, la question sociale a nettement pris le pas sur la question philosophique. Cette situation a conduit la laïcité à compter davantage sur ses propres forces pour faire avancer ses idéaux.

3.1. LES PREMIÈRES STRUCTURES

42Une des premières associations laïques à caractère généraliste, c’est-à-dire désireuse de défendre un idéal de vie laïque à travers une action sociale, pédagogique, et culturelle vit le jour à Anvers en 1951 : il s’agit de l’Humanistisch Verbond, qui demeure aujourd’hui l’une des associations laïques les plus importantes de Flandre.

43Dans les années 1950, l’accès aux médias a constitué le premier enjeu d’une reconnaissance de la laïcité comme une composante de la société belge. Dès 1955, les deux ailes linguistiques de l’Institut national de radiodiffusion (INR) acceptèrent de réserver une plage horaire aux émissions laïques. Cette décision intervint alors que le mouvement laïque n’était que peu structuré. Deux comités consultatifs de cinq membres furent mis sur pied, ils allaient donner naissance du côté néerlandophone à Het Vrije Woord et du côté francophone à La Pensée et les hommes. Si l’organisation et le contenu des émissions néerlandophones furent progressivement pris en charge par une section de l’Humanistisch Verbond, La Pensée et les hommes fut constituée en asbl autonome en 1961.

44La Pensée et les hommes fut la première association francophone laïque à caractère généraliste, c’est-à-dire dont le but était la défense de conceptions laïques d’un point de vue idéologique mais également culturel et social.

3.2. LE PACTE SCOLAIRE

45La loi du 29 mai 1959, dite loi du Pacte scolaire, a mis fin à une querelle qui avait constitué depuis le milieu du XIXe siècle le principal terrain d’affrontement entre catholiques et laïques. Le Pacte scolaire du 20 novembre 1958 a consacré l’obligation pour l’État de payer les traitements des professeurs du réseau libre et de subsidier cet enseignement. Sur ce point, il a été considéré comme une défaite pour le mouvement laïque, dont les positions de défense de l’école officielle et de sa neutralité avaient toujours inclus l’interdiction pour l’État de financer les écoles confessionnelles.

46Cependant, le Pacte scolaire a également reconnu l’existence d’une morale non confessionnelle et institutionnalisé son enseignement dans les établissements organisés par les pouvoirs publics, où est offert en alternative un cours de l’une des religions reconnues. Dès ce moment, la laïcité est devenue un élément constitutif du pluralisme belge : elle a entamé un mouvement de bascule de l’anticléricalisme militant à la participation à la construction d’une société pluraliste.

47Le cours de morale non confessionnelle sera institué sans référence à la laïcité organisée, qui ne contrôle donc ni son contenu ni son organisation. En cela, il diffère des cours de religions dont les programmes sont élaborés et les professeurs désignés par les organes chefs de cultes. Les milieux laïques vont cependant s’attacher à promouvoir ce cours et vouloir en influencer le contenu. Dans ce but furent constitués deux nouvelles asbl : l’Oudevereniging voor de Moraal du côté néerlandophone (1967) et la Fédération des amis de la morale laïque du côté francophone (1969)  [20]. En 1998, le CAL et d’autres associations  [21] ont mis sur pied le Conseil supérieur de l’enseignement de la morale non confessionnelle ou Conseil de la morale laïque, pour « examiner, améliorer et promouvoir, en Communauté française, l’enseignement de la morale non confessionnelle »  [22].

3.3. L’ASSISTANCE MORALE

48C’est en entrant dans un champ traditionnellement réservé aux religions, celui de l’assistance morale, que la laïcité a définitivement franchi le pas vers la constitution d’une structure alternative à celles des cultes organisés.

49Assez logiquement dans le contexte de l’époque marquée par l’interdiction de l’avortement et l’absence de contraception, c’est dans le domaine de l’éducation sexuelle que la laïcité fut d’abord active. Le premier centre de planning familial fut créé à l’initiative de laïques à Gand, en 1956. D’autres suivirent et se fédérèrent en 1972 dans la Fédération belge pour le planning familial et l’éducation sexuelle  [23].

50En 1965, l’assistance morale laïque fit son apparition dans les prisons et quelques années plus tard dans les hôpitaux, auprès des immigrés et dans les aéroports, là où les cultes reconnus avaient déjà leurs aumôniers depuis longtemps. À ces nouvelles fonctions correspondirent de nouvelles associations au sein du monde laïque, dont la structuration se faisait parallèlement à l’évolution de la législation : création de la Fondation pour l’aide morale aux détenus (1964) et de la Fondation pour l’assistance morale laïque (1970).

51En 1975 fut constitué le Centre universitaire de coopération au développement qui deviendra plus tard le Service laïque de coopération au développement.

52Parallèlement vont se développer les fêtes de la jeunesse laïque, une alternative aux communions traditionnelles dans les milieux catholiques, puis d’autres célébrations ou rites de passage comme le mariage laïque.

3.4. LES ORGANISMES COORDINATEURS

53À la fin des années 1960, de nombreuses associations laïques à caractère généraliste avaient vu le jour, et la reconnaissance de l’existence d’une communauté philosophique non confessionnelle avait progressé et s’était traduite notamment par une présence laïque dans l’enseignement et l’assistance morale.

54Un événement allait, semble-t-il, servir de catalyseur à une structuration plus approfondie de l’activité laïque. Lors des funérailles collectives qui suivirent l’incendie de l’Innovation, en mars 1967, des ministres des différents cultes rendirent hommage aux victimes, tandis que les incroyants n’étaient représentés par personne.

55Le Centre d’action laïque (CAL) fut créé par une douzaine d’associations laïques en mars 1969, et l’Unie Vrijzinninge Verenigingen (UVV) fut constituée en asbl deux ans plus tard.

3.4.1. Le Centre d’action laïque

56Le Centre d’action laïque a été créé à Charleroi en mars 1969, par une douzaine d’associations laïques  [24] : la Fondation Magnette-Engel-Hiernaux, l’association Ernest De Craene, la Ligue de l’enseignement, l’Union rationaliste de Belgique, l’Union des anciens étudiants de l’ULB, La Pensée et les hommes, La Libre pensée de Schaerbeekk, la Ligue humaniste, la Fondation pour l’assistance morale aux détenus, la Famille heureuse, les Amis de la jeunesse laïque, Pensée et Morale laïques.

57Il avait pour objet :

58

« de défendre et de promouvoir la laïcité. À cet effet, notamment, elle [l’asbl] prêtera son concours aux associations laïques existantes ou à créer et ce, en tentant de coordonner leurs efforts, en les informant sur toutes questions intéressant la laïcité, en les représentant et en défendant leurs droits, à leur demande, ainsi que ceux de la laïcité, auprès de toutes institutions publiques ou privées, sur le plan national ou international et, d’une manière générale, en favorisant l’activité de ces associations, en défendant et en propageant les idéaux de la laïcité, notamment par la création d’associations laïques appropriées là où le besoin s’en fait sentir. »

59Cet énoncé de l’objet social fait montre d’une certaine prudence, les organisations laïques étant farouchement attachées à leur indépendance. Il ne s’agissait pas de créer une fédération qui aurait exercé sur elles une autorité. Les statuts du CAL prévoyaient en revanche la possibilité de désigner des délégués régionaux et de créer des sections régionales (article 9), ce qui fut fait. Cinq, six puis sept régionales virent le jour. Aujourd’hui, le CAL conserve cette structure duale, d’une part d’associations qui en sont membres et bénéficient toutes d’une représentation à l’assemblée générale, d’autre part une structure géographique, les régionales.

60Aujourd’hui, il existe 27 associations constitutives du CAL, également appelées associations communautaires :

  • les Amis de l’Institut d’études des religions et de la laïcité de l’ULB ;
  • l’Association Ernest De Craene ;
  • l’Association nationale des communautés éducatives (ANCE) ;
  • le Centre communautaire laïc juif (CCLJ) ;
  • le Centre laïque de l’audiovisuel (CLAV) ;
  • la Confédération parascolaire ;
  • l’Extension de l’ULB ;
  • la Famille d’accueil Odile Henry ;
  • la Fédération du libre examen ;
  • la Fédération des amis de la morale laïque ;
  • la Fédération des maisons de la laïcité ;
  • la Fédération des services laïques d’aide aux justiciables ;
  • la Fédération laïque de soins palliatifs de la Région wallonne ;
  • la Fondation Magnette-Engel-Hiernaux ;
  • la Fondation rationaliste ;
  • le Fonds d’entraide Georges Beernaerts ;
  • Laïcité et humanisme en Afrique centrale (LHAC) ;
  • la Ligue de l’enseignement et de l’éducation permanente (LEEP) ;
  • la Pensée et les hommes ;
  • Peuple et culture en Wallonie et à Bruxelles ;
  • le Service laïque d’aide aux personnes (SLP) ;
  • le Service laïque de coopération au développement (SLCD) ;
  • le Service laïque jeunesse (SLJ) ;
  • le Service laïque de parrainage ;
  • l’Union des anciens étudiants de l’ULB (UAE) ;
  • l’Union rationaliste de Belgique ;
  • Territoires de la mémoire  [25].

61Chaque régionale est dotée de structures propres, assemblée générale et conseil d’administration, dont les membres sont élus par les représentants des associations locales affiliées au CAL. Les sept régionales sont celles du Brabant wallon, de Bruxelles, de Charleroi, de Liège, de Luxembourg, de Sambre et Meuse et de Picardie.

62Les statuts du CAL ont été modifiés à plusieurs reprises. L’objet social, tel qu’il apparaît depuis 1999, constitue une définition de la laïcité et des objectifs du mouvement laïque. Sa comparaison avec la rédaction de l’objet social original en 1969 permet de mesurer l’évolution du monde laïque en une trentaine d’années.

63

« Le CAL a pour objet de défendre et de promouvoir la laïcité en Belgique et en particulier
en Wallonie et à Bruxelles.
Par laïcité, il faut entendre d’une part :
La volonté de construire une société juste, progressiste et fraternelle, dotée d’institutions
publiques impartiales, garante de la dignité de la personne et des droits humains assurant à
chacun la liberté de pensée et d’expression, ainsi que l’égalité de tous devant la loi sans
distinction de sexe, d’origine, de culture ou de conviction et considérant que les options
confessionnelles ou non confessionnelles relèvent exclusivement de la sphère privée des
personnes.
Et d’autre part :
L’élaboration personnelle d’une conception de vie qui se fonde sur l’expérience humaine, à
l’exclusion de toute référence confessionnelle, dogmatique ou surnaturelle, qui implique
l’adhésion aux valeurs du libre examen, l’émancipation à l’égard de toute forme de
conditionnement et aux impératifs de citoyenneté et de justice. » (art 4)

64La laïcité conserve donc ce double objectif de laïcisation de la société et de défense d’une conception de vie basée sur le libre examen.

65Le CAL regroupe en tant que membres les associations constitutives et les régionales. Il est géré par un conseil d’administration, dont les membres sont élus par l’assemblée générale, les uns sur proposition des régionales, les autres sur proposition des associations constitutives. L’assemblée générale regroupe les représentants des régionales et des associations constitutives  [26]. Il existe une structure plus large, dénommée la Convention, qui regroupe outre les membres de l’assemblée générale, les membres des sections locales et régionales. La convention se réunit tous les trois ans et est ouverte aux laïques non affiliés. Elle adopte des résolutions qui sont transmises au conseil d’administration.

66Le CAL a également soutenu la création de maisons de la laïcité, implantations locales qui doivent permettre à tout public de rencontrer le mouvement laïque ou de trouver une information sur la laïcité. Les premières maisons de la laïcité ont été créées à la fin des années 1970. Elles ont adopté une Charte des maisons de la laïcité, et se sont regroupées dans une Fédération des maisons de la laïcité, qui compte actuellement 45 membres. Ces maisons sont en quelque sorte doublement affiliées au CAL, d’une part à travers la Fédération qui est une association constitutive du CAL, d’autre part via leur affiliation à une régionale du CAL. Ce cas de figure se rencontre pour d’autres associations locales affiliées à une fédération et à une régionale également.

67D’autre part, depuis l’octroi de moyens supplémentaires à la laïcité par l’augmentation de son subside en 1997, des centres d’assistance morale laïque ont été créés à Bruxelles et en Wallonie : ce sont les ReLais (pour réseau laïque de solidarité). Ils permettent de dispenser une assistance morale à caractère généraliste et ouverte à tout public, par contraste ave l’assistance morale dite itinérante, qui est organisée dans les hôpitaux, les prisons, etc. Ce réseau devrait être étendu et complété suite à l’adoption de la loi de reconnaissance de la laïcité, qui par ailleurs ne devrait pas modifier l’organisation du CAL décrite ci-dessus (cf. infra).

3.4.2. L’Unie Vrijzinnige Verenigingen

68L’Unie Vrijzinnige Verenigingen a été formée en 1965 par un groupe d’associations laïques flamandes et structurée en asbl en mars 1971  [27]. Ses membres fondateurs étaient l’Humanistische Verbond, l’Oudestudentenbond VUB, l’Oudervereninging Voor de Moraal, Humanistische Jongeren, le Vereninging Voor Nederlandstalig Vrijzinnig Hoger Onderwijs, le Willemsfonds, le Fonds Tony Bergmann, la Volksuniversiteit Maurits Sabbe et Humanitas.

69Son objet est le suivant :

70

« Art. 3. De UVV bestaat uit die organisaties, die in het Nederlands taalgebied en in het tweetalig gebied Brussel-Hoofstad voor de Vlaamse Gemeenschap, het beginsel van vrij onderzoek huldigen, dogma >of gezagsargument bij het uitbouwen van hun levensbeschouwelijke, wijsgerige en politieke overtuiging verwerpen en de mens erkennen als schepper en drager van morele waarden.
Het doel van de UVV is de uitbouw van de vrijzinnige niet-confessionele gemeenschap in het behartingen
van haar belangen.
Art. 4. De UVV zal dit doel nastreven door :
Initiativen en acties te steunen en te coordineren voor haar lidorganisaties op hun verzoek ;
Zelf initiatieven te nemen en acties te voeren in overleg met die liedorganisaties die wegens hun maats-chappelijk doel bevoegd zijn in een specifieke materie ;
De niet-confessionele morele diesntverlening te organiseren, te beheren en uit te bouwen, zowel voor de bevolking in het algemeen als voor bepaalde kategorieën van bevolking, inzake de morele diesntverlening de vrijzinnige niet-confessionele gemeenschap te vertegenwoordigen tegenover de overheid en derden.
Hiertoe kan zij alle nodige en nuttig geachte middelen aanweden en all rechten uitoefenen. »  [28]

71L’UVV regroupe actuellement 39 associations :

  • Antwerps Liberaal Verbond ;
  • August Vermeylenfonds ;
  • Bibliotheekvereniging van het Willemsfonds ;
  • Bond Oud Leven ‘t Zal Wel Gaan (BOL) ;
  • Brussels Studentengenootschap – Algemene Studentenvoorzieningen (BSG-AG) ;
  • Comité Feest Vrijzinnige Jeugd Agglomeratie Antwerpen ;
  • Cultureel Steunfonds voor de VUB ;
  • Ernest De Craene ;
  • Federatie Vrijzinnige Centra ;
  • Fonds Tony Bergman ;
  • Grijze Geuzen, Net Vrije Woord ;
  • Humanistisch Instituut Voor Massamedia ;
  • Humanistisch Verbond ;
  • Humanistisch Vrijzinning Centrum Voor Lectuurbegeleiding ;
  • Humanistisch Vrijzinnig Vormingswerk ;
  • Humanistische Jongeren ;
  • Humanistische Jongeren Service ;
  • Humanistische Vrijzinninge Dienst ;
  • Humanitas ;
  • Julius Vuylstekefonds ;
  • Koepel Vrijzinnige Thuisbegeleidingsdiensten ;
  • Onderlening Steunfonds Georges Beernaerts ;
  • Opvang ;
  • Oudervereniging Voor De Moraa L;
  • Oudstudentenbond (VUB) ;
  • Prik Vz ;
  • Stichting Morele Bijstand ;
  • Stichting Voor Morele Bijstand Aan Gevangenen ;
  • Studiekring Vrij Onderzoek ;
  • Uitstraling Permanenete Vorming ;
  • Universitair Centrum Voor Ontwikkelingssamenwerking ;
  • Vlaams Onderwijs Overlegplatform (VOOP) ;
  • Volksuniversiteit Maurits Sabbe ;
  • Vrijzinnig Studie-, Archief En Documentatiecentrum Karel Cuypers ;
  • Vrijzinnige Koepel ;
  • Werkgemeenschap Leraren Ethiek ;
  • Willemsfonds  [29].

72La plus importante d’entre elles est sans doute l’Humanistisch Verbond, une des plus anciennes et des plus larges organisations laïques du pays. L’Humanistisch Verbond affilie des membres individuels, et se fait souvent le porte-parole de la communauté laïque néerlandophone.

73L’UVV est dirigée par une assemblée générale composée de trois représentants de chaque association membre. Cette assemblée élit en son sein, annuellement, un conseil d’administration.

74Depuis 1982, l’UVV développe progressivement un réseau de centres d’assistance morale (CAM) en Flandre et à Bruxelles ; ces centres sont aujourd’hui au nombre de 14, dont deux sont établis dans la région de Bruxelles-capitale. En 1996, six centres provinciaux ont été établis pour coordonner les activités des CAM. L’ensemble des centres est regroupé dans une fédération, la Federatie Vrijzinnige Centra.

75L’UVV est donc organisée, tout comme le CAL, selon une double structure : associations communautaires et centres d’assistance morale avec un regroupement à l’échelle provinciale. Cependant, cette seconde structuration « géographique » est moins développée que celle du CAL, et l’objet des organismes qui la composent est plus restreint : contrairement aux maisons de la laïcité, les CAM ne s’occupent que d’assistance morale. Ils sont en quelque sorte le pendant des Relais mis en place plus récemment par le CAL. Les activités de l’UVV sont centrées sur l’assistance morale et sur le cours de morale non confessionnelle, les autres secteurs relevant d’autres associations, principalement l’Humanistisch Verbond et Vrijzinnige Koepel.

3.4.3. Humanistische Präsenz

76L’association Humanistische Präsenz a été constituée en 1988 pour assurer l’action laïque dans la région de langue allemande. Elle est affiliée à la régionale de Liège du CAL.

3.4.4. Le Conseil central laïque

77Le Conseil central des communautés philosophiques non confessionnelles de Belgique – usuellement dénommé Conseil central laïque (CCL) – est une asbl qui a été créée en 1972 pour établir une liaison entre l’UVV et le CAL, et pour constituer un interlocuteur unique face à l’État : « L’association a pour objet social de grouper les deux organes représentatifs des communautés philosophiques non confessionnelles de Belgique et de les représenter vis-à-vis des tiers, en particulier vis-à-vis des institutions officielles et des pouvoirs public. »  [30] Le Conseil central laïque est constitué de 12 membres (le CAL et l’UVV, ainsi que cinq représentants du CAL et cinq représentants de l’UVV), et a été reconnu comme interlocuteur des pouvoirs publics depuis l’adoption de la loi du 23 janvier 1981 accordant un subside au Conseil central laïque. Le Conseil central laïque est responsable de la gestion des services d’assistance morale dans les départements fédéraux. En réalité, il s’agit d’une construction juridique ; le CCL ne dispose pas de personnel propre, le CAL et l’UVV remplissent les missions qui lui sont dévolues, chacun dans la communauté à laquelle il appartient.

4. VERS LA RECONNAISSANCE DE LA LAÏCITÉ

78Progressivement, la légitimité et la représentativité du mouvement laïque ont été reconnues de facto. C’est ainsi que les représentants de la laïcité organisée ont été invités à la cérémonie officielle au Parlement pour commémorer les 25 ans de règne du Roi Baudouin en 1976, ou à participer aux festivités du 150e anniversaire de la Belgique.

79La structuration de l’activité laïque, la création de l’assistance morale laïque, la reconnaissance graduelle de la représentativité des organisations laïques ouvraient la voie à une reconnaissance et à un financement de la laïcité organisée comparables à ce qui était organisé pour les cultes reconnus. Une telle hypothèse se heurta toutefois à une opposition politique ainsi qu’à des réticences internes à la laïcité.

80La thèse de la laïcité organisée demeurait celle d’un pis-aller : si la revendication première demeurait celle d’une stricte séparation de l’Église et de l’État, l’irréalisme d’une disparition du financement public des cultes convainquit la laïcité organisée de chercher à rétablir l’équité en s’insérant dans un mécanisme similaire.

81La révision constitutionnelle de 1970 fournit un argument supplémentaire à la revendication laïque par l’introduction d’un nouvel article 6bis (actuellement article 11) selon lequel « La jouissance des droits et libertés reconnus aux Belges doit être assurée sans discrimination. À cette fin, la loi et le décret garantissent notamment les droits et libertés des minorités idéologiques ».

82En 1972, une première proposition de loi visant à reconnaître la laïcité fut déposée au Sénat  [31]. Elle était signée par des sénateurs socialistes, libéraux et Volksunie, et proposait la reconnaissance conjointe du culte islamique et de la philosophie laïque, par le biais d’une modification de la loi sur le temporel des cultes de 1870, dont l’intitulé serait devenu loi sur le temporel des cultes et des communautés philosophiques laïques, les modalités de cette reconnaissance devant être déterminées ultérieurement après consultation des représentants du culte islamique et des communautés philosophiques laïques. Une proposition similaire sera ensuite déposée à la Chambre  [32]. Les deux propositions furent frappées de caducité après la dissolution des Chambres en janvier 1974, non sans que la commission de la Justice du Sénat ait examiné la proposition, dont l’un des co-signataires, le libéral flamand Herman Vanderpoorten, était devenu ministre de la Justice dans le gouvernement Leburton. Dans son rapport, la commission, tout en acceptant le principe d’une protection des conceptions philosophiques laïques, doutait de la possibilité de voir des associations défendant ces conceptions être organisées tout comme une religion reconnue, et rejetait la possibilité de les reconnaître dans le cadre de la législation sur le temporel des cultes  [33].

83C’est pourtant ce choix d’une inscription dans le cadre de la loi sur le temporel des cultes que privilégiait alors le mouvement laïque, ainsi qu’en témoignent les projets de proposition de loi et d’arrêté royal rédigés par le Conseil central laïque  [34]. Il y aura une opposition à cette démarche, plus apparente dans sa composante néerlandophone.

84Le loi du 16 juillet 1973, dite loi du Pacte culturel, marque une nouvelle étape dans le processus de reconnaissance de la laïcité. En effet, le Pacte garantit la protection des tendances idéologiques et philosophiques et il sera invoqué à plusieurs reprises par les défenseurs de la laïcité.

85Durant les années 1970, tandis que progresse la structuration du mouvement laïque, ses représentants vont développer leur argumentaire en faveur de la reconnaissance et du financement par les pouvoirs publics  [35].

86Les organisations laïques – CCL, CAL et UVV – continuèrent à réclamer du monde politique de mener à bien la reconnaissance de la laïcité, agissant à travers leurs sympathisants au Parlement ou via des lettres et mémorandums adressés aux ministres et aux formateurs de gouvernements de la période.

87Ces démarches n’étant pas couronnées de succès, probablement en raison de la présence sociale-chrétienne au gouvernement, des parlementaires proposèrent en 1978 d’inclure l’article 117  [36] dans la liste des articles de la Constitution ouverts à révision. Chambre et Sénat adoptèrent in extremis cette proposition de révision. La discussion parlementaire de l’époque révèle les principales objections faites à une reconnaissance de la laïcité  [37] : il ne convenait pas qu’elle s’insère dans le cadre du financement public des cultes, et donc qu’elle s’opère par l’addition d’un paragraphe supplémentaire à l’article constitutionnel. En outre, des sociaux-chrétiens émirent la crainte que l’ouverture à révision de cet article ne soit l’occasion de le vider de sa substance, c’est-à-dire de supprimer la prise en charge des traitements et pensions des ministres des cultes reconnus, plutôt que d’étendre ce bénéfice aux délégués laïques. Cette crainte conduisit au vote d’une déclaration de révision motivée : « Les Chambres déclarent qu’il y a lieu à révision de l’article 117 de la Constitution en y ajoutant un alinéa 2 élargissant éventuellement aux conseillers laïques les dispositions qui figurent à l’alinéa premier. » Des réserves furent également formulées quant à l’importance de la laïcité organisée : selon François Perin, il fallait éviter que toute personne non croyante, et plus largement que toute personne ne se reconnaissant pas dans l’un des cultes reconnus, soit assimilée à un membre de la communauté laïque désireux de bénéficier d’une assistance morale non confessionnelle.

88La modification de l’article 117 n’aboutit pas, bien que la reconnaissance de la laïcité ait figuré dans l’accord du gouvernement Martens III en 1980. Des propositions de modification de la législation sur le temporel des cultes pour introduire par ailleurs une reconnaissance de la laïcité et un financement public furent ensuite introduites en 1981,1982, 1991 et 1992. Mais c’est une autre voie qui allait s’ouvrir et être poursuivie dans l’immédiat.

4.1. LA LOI DU 23 JANVIER 1981

89Alors que la stratégie du Conseil central laïque demeure l’obtention de la reconnaissance de la laïcité à l’instar de celle des cultes, via la modification de l’article 117 de la Constitution et de la loi sur le temporel des cultes de 1870, et qu’un certain nombre d’accords gouvernementaux de la période en font état, un événement va infléchir le processus.

90Les Chambres sont amenées en 1980 à discuter un texte qui prévoit l’augmentation des traitements des ministres des cultes reconnus  [38]. Les organisations laïques et leurs sympathisants au Parlement saisissent cette occasion pour demander l’octroi d’un financement public à la laïcité, et pour conditionner le vote du projet « rémunérations des ministres des cultes » à celui d’un texte qui octroierait un subside à la laïcité. Un accord entre le ministre de la Justice, le CVP Renaat Van Elslande, et les co-présidents du Conseil central laïque fut conclu en 1980, et le premier crédit en faveur de la laïcité inscrit au budget de l’État pour 1980, en attendant le vote d’une loi l’année suivante. Les laïques avaient en effet insisté pour que le subside au Conseil central laïque fasse l’objet d’une législation spécifique et ne soit pas seulement inscrit dans une loi budgétaire.

91Devenant ainsi une première étape décisive dans la reconnaissance de la laïcité organisée, la loi du 23 janvier 1981 accorde un subside au Conseil central laïque, subside destiné à « structurer l’activité laïque ». Le projet initial parlait de structurer l’« assistance morale » – le projet adopté par la commission de la Justice du Sénat parle lui d’activité, pour éviter que l’activité laïque soit limitée à un type d’assistance similaire à celle des aumôniers. Cependant, dans l’exposé des motifs du projet, le ministre de la Justice, Herman Vanderpoorten (PVV)  [39], explique que le projet s’inscrit dans le cadre de l’article constitutionnel qui garantit les droits et libertés des minorités idéologiques et philosophiques. Selon lui, « les non-confessionnels […] doivent pouvoir s’adresser à des organismes de droit privé qui reçoivent de l’État des moyens matériels analogues à ceux prévus pour les “confessionnels” ». Clairement, ce subside était accordé en attendant la modification constitutionnelle de l’article 117, et par référence à la loi sur le financement public des cultes du 4 mars 1870, la laïcité étant reconnue, au même titre que les cultes, en raison de son utilité sociale.

92Si, selon le rapporteur Roger Lallemand (PS), l’unanimité s’était faite durant les débats en commission de la Justice du Sénat quant à l’opportunité de subsidier la laïcité organisée, la discussion a porté sur les modalités de cette reconnaissance et a nécessité une clarification préalable des concepts. Un argument développé en commission soutenait que la laïcité était une matière culturelle, qui relevait donc des Conseils de communauté. S’ensuivit un débat autour de la notion même de laïcité et de son contenu. « Au sein de la Commission, le débat sur le contenu exact de la notion de laïcité est demeuré ouvert. Mais, les considérations échangées de part et d’autre expliquent pourquoi la reconnaissance de la laïcité peut être définie dans le cadre de la législation relative à la reconnaissance des cultes et qu’à ce titre elle sort de la compétence des Conseils de Communauté. »  [40]

93D’autres sénateurs ont émis l’hypothèse que les crédits prévus devraient être pris en charge par le budget du Ministère de la Prévoyance sociale, assimilant l’assistance morale laïque à une assistance sociale.

94La crainte que d’autres organisations philosophiques réclament des subsides pour des activités similaires fut également formulée. D’une manière globale, des doutes furent émis quant à la représentativité des mouvements laïques.

95Bref, l’accord s’est fait plutôt sur la subsidiation du Conseil central laïque que sur la reconnaissance de la laïcité en tant que conception philosophique distincte. Tel quel, il a emporté l’adhésion des 17 membres de la commission de la Justice du Sénat.

96Lors du vote en séance plénière, le projet fut voté à l’unanimité des 144 membres votants, il est vrai dans un vote qui portait simultanément sur le projet de loi relatif à la revalorisation des traitements des ministres des cultes et à l’adoption de barèmes pour les imams  [41].

97Lors de la discussion en commission de la Justice de la Chambre, le fait que cette loi ne constituait qu’une étape dans le processus de reconnaissance de la laïcité fut souligné une nouvelle fois, et le projet adopté également à l’unanimité par les membres de la Commission  [42]. Une unanimité dont ne se départit pas le vote exprimé en séance plénière  [43].

4.2. L’EXTENSION DU FINANCEMENT

98L’accord de 1980 entre le ministre de la Justice et les représentants du CCL prévoyait l’augmentation du montant du subside alloué au Conseil central laïque à raison de 10 % l’an, une proportion qui fut globalement respectée. En 1997, le gouvernement indiqua qu’en vue de procéder à l’exécution du deuxième paragraphe de l’article 181 de la Constitution, il prévoirait un crédit pour le traitement des personnes sui offraient une assistance morale laïque. Le montant initialement prévu de 100 millions de francs belges fut cependant ramené à la moitié lors de l’adoption du budget.

99Ce subside fut utilisé par la laïcité organisée pour se structurer davantage. Il est notamment à l’origine du développement des réseaux de maisons de la laïcité, et il a induit un début de professionnalisation de la fonction de délégué à l’assistance morale. Des délégués laïques financés par le CAL se sont intégrés à une structure jusqu’alors essentiellement composée de bénévoles.

100En 1991, une loi a instauré des conseillers moraux laïques auprès des Forces armées  [44]. Il s’agissait d’un projet gouvernemental, annoncé dans plusieurs accords de gouvernements, après que plusieurs propositions de loi ayant cet objet aient été déposées.

101Cette loi a pour but de créer un service de conseillers moraux attachés à l’armée (et non pas seulement la nomination de conseillers moraux ainsi qu’il en existait déjà dans les hôpitaux ou les prisons), mais qui ne sont ni militaires ni agents de l’État même s’ils bénéficient de certains des avantages du statut de fonctionnaire. C’est à la suite des observations du Conseil d’État que cette loi  [45], et non pas seulement un arrêté royal comme prévu initialement, a été nécessaire pour régler cette matière. Le projet de loi a été discuté en commission de la Défense tant au Sénat qu’à la Chambre, et le débat y a porté surtout sur des questions militaires, telle que l’observation du secret professionnel.

102L’arrêté royal portant statut des conseillers moraux auprès des Forces armées n’a cependant été publié qu’en octobre 1994. Il fallut en effet attendre la détermination préalable de la nature et des modalités des examens linguistiques pour les candidats conseillers moraux  [46].

4.3. LA MODIFICATION DE LA CONSTITUTION

103L’insertion d’un deuxième paragraphe dans l’article 117 (actuellement 181) de la Constitution qui prévoit la prise en charge du traitement des ministres des cultes par l’État est finalement intervenue en 1993.

104Ce deuxième paragraphe est rédigé comme suit : « Les traitements et pensions des délégués des organisations reconnues par la loi qui offrent une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle sont à charge de l’État ; les sommes nécessaires pour y faire face sont annuellement portées au budget de l’État. »

105Cette idée était poursuivie par la communauté laïque depuis le début des années 1970, et prévue dans le cadre du processus graduel de reconnaissance de la laïcité initié par la loi de 1981.

106L’article 117 avait été déclaré ouvert à révision en 1978,1981 et 1987 déjà, mais la révision n’avait pas abouti. L’accord de gouvernement de 1987 avait précédé le dépôt d’une proposition de révision, qui s’était déjà suivie d’une discussion parlementaire en 1988.

107La nouvelle proposition  [47] déposée par R. Lallemand et consorts le 5 février 1992 s’appuyait sur le prescrit constitutionnel d’égalité des droits et de non-discrimination à l’égard des minorités idéologiques, ainsi que sur la résolution 36/15 des Nations unies. Les signataires précisaient que la démarche s’appuyait sur l’utilité sociale de l’action laïque et non pas sur la véracité des convictions qu’elle défendait, à l’instar de la situation qui prévalait pour les autres cultes (peut-être pour prévenir les oppositions de ceux qui estimeraient que l’État sanctionne ou promeut l’athéisme).

108Le débat en commission de la Révision de la Constitution et des Réformes des institutions a concerné notamment la terminologie à employer, résultat d’un débat mené à l’intérieur et à l’extérieur de la communauté laïque.

109Il a conduit également à une discussion autour du contenu philosophique de l’humanisme laïque. L’utilisation du terme non confessionnel plutôt que laïc permettait d’éviter toute confusion qui aurait permis à des associations religieuses laïques (au sens où elles n’appartiendraient pas au clergé ou à l’église) de réclamer une prise en charge de leurs traitements.

110La proposition fut adoptée par la commission de la révision de la Constitution et des réformes institutionnelles du Sénat par 16 voix et 2 abstentions et en commission de la Chambre par 15 voix et une abstention  [48].

111Les discussions en séances plénières, particulièrement au Sénat, furent nourries : si l’unanimité se faisait autour de la nécessité de financer publiquement la laïcité, l’inscription dans l’article 117 de la Constitution suscitait toujours des réticences. Le projet fut adopté par 163 voix et 5 abstentions au Sénat. Les abstentions émanaient du Vlaams Blok, de Rossem et d’un sénateur du CVP, E. Gooreman  [49]. Le projet fut ensuite voté par la Chambre par 196 voix contre 13. Les votes hostiles émanaient tous de l’extrême droite, Vlaams Blok et Front national  [50].

112La modification de l’article 117 a été un processus long, initié dès les années 1970. Elle a rallié lors du vote de 1993 une quasi-unanimité, preuve de l’évolution générale de la société et du climat politique. Les sociaux-chrétiens, sans doute longtemps opposés à la révision de la Constitution, s’y sont ralliés. La lente évolution des esprits vers la reconnaissance du pluralisme n’est peut-être pas étrangère à un calcul d’opportunité : une mise sur le même pied de la laïcité et des cultes reconnus allait consolider dans l’avenir l’intervention de l’État en cette matière contre toute velléité de remise en question du financement public des cultes.

113Le principe de la prise en charge des traitements et pensions des délégués de l’assistance morale laïque par l’État faisait définitivement de la laïcité organisée, au côté des cultes reconnus, une composante du pluralisme de la société belge.

114En dépit du fait cette reconnaissance ait été amorcée vingt ans plus tôt, et confirmée lors de l’adoption de la loi de 1981, il y eut à l’intérieur du monde laïque même des objecteurs à l’inscription de la laïcité dans un mécanisme de financement public jusque-là réservé aux cultes. Parmi ceux qui l’exprimèrent publiquement figure le constitutionaliste Marc Uyttendaele, dans une Carte Blanche au quotidien Le Soir, intitulée « Une religion de trop »  [51]. Qualifiant la modification constitutionnelle intervenue « d’erreur historique », il estimait qu’elle avait renforcé le principe même du financement public des cultes, et rendu plus difficile la laïcisation de l’État. Marc Uyttendaele estimait que la démarche laïque était une démarche indépendante qui s’accommodait mal de l’appartenance à une organisation philosophique donnée. La réponse que lui donna le président du CAL, Philippe Grollet, indiquait que la séparation stricte de l’Église et de l’État demeurait un objectif majeur du mouvement laïque, que la suppression pure et simple de l’article 117 de la Constitution eût été soutenue par le mouvement laïque, mais que, celle-ci s’avérant impossible, l’ajout du deuxième paragraphe constituait une étape vers plus d’équité dans l’application de ce principe de financement public  [52]. Quant au développement de la structuration de la communauté laïque, il indiquait qu’elle était indispensable à l’efficacité de la défense des idéaux laïques.

115Cette controverse dans les colonnes du quotidien Le Soir, dont on peut remarquer qu’elle intervint assez tardivement, car le mécanisme d’inscription de la laïcité dans le financement public avait été mis en place dès la création du Conseil central laïque, illustre l’ambiguïté persistante de la situation de la laïcité organisée en Belgique. Il est en effet difficile de se démarquer des Églises, voire de s’opposer à elles et à leur influence dans la société, tout en recréant une institution compartimentée (même si elle n’est pas hiérarchisée comme l’Église catholique) pourvue de rites propres et reconnue par l’État selon un mécanisme en tous points similaire à celui employé pour les cultes reconnus.

116On peut remarquer qu’un autre article de la Constitution, l’article 21 qui, dans son premier alinéa, interdit à l’État d’intervenir dans la nomination des ministres des cultes, n’a pas été modifié pour inclure les délégués à l’assistance morale  [53].

117Une première application concrète de la modification constitutionnelle fut l’adoption, le 21 mai 1996, d’une loi portant exonération du revenu cadastral pour l’exercice public de l’assistance morale laïque, à l’instar de l’exonération prévue pour les édifices affectés à l’exercice public d’un culte  [54]. On peut remarquer que cette fois le législateur employa les termes « assistance morale laïque » et non plus « assistance morale qui relève d’une conception philosophique non confessionnelle » sans que ce choix puisse être expliqué. Cette loi fut votée sur proposition initialement déposée au Sénat par Fred Erdman (SP) et consorts, où une proposition ayant le même objet avait déjà été déposée par le sénateur W. Seeuws (SP) durant la session 1992-1993  [55].

5. LA LOI DU 21 JUIN 2002

5.1. LA GENÈSE DU PROJET DE LOI

118Après la modification constitutionnelle de 1993, les représentants du Conseil central laïque ont entamé des discussions avec le ministre de la Justice, Melchior Wathelet (PSC), en vue de concrétiser le paragraphe deuxième de l’article 181. Rapidement, le Conseil central laïque a abandonné l’idée d’une modification de la loi de 1870 sur le temporel des cultes. Il semble qu’une opposition de principe à la poursuite du parallélisme avec les cultes reconnus, mais aussi des considérations pratiques liées au statut des délégués à l’assistance morale et aux circonscriptions qui seraient couvertes par les futures communautés laïques reconnues aient conduit à faire le choix d’une loi spécifique à la laïcité.

5.1.1. Le projet de 1999

119Lors de la formation du gouvernement Dehaene II le 23 juin 1995, le dépôt rapide d’un projet de loi concernant l’organisation de la laïcité était décidé. Il fallut cependant attendre le 22 janvier 1999 pour que le Conseil des ministres adopte un avant-projet de loi relatif aux délégués et aux établissements chargés de la gestion des intérêts matériels et financiers des communautés philosophiques non confessionnelles. Les années qui suivirent la constitution de ce gouvernement avaient, il est vrai, été chargées pour le ministre de la Justice, successivement Stefaan De Clerck et Tony Van Parys (après le 24 avril 1998), tous deux CVP. Par ailleurs, il semble que les négociations aient été difficiles à propos du statut et du niveau de traitement des délégués à l’assistance morale. En effet, l’alignement sur la situation des ministres des cultes reconnus aurait eu pour effet une baisse sensible du niveau des traitements des délégués déjà en place. Si la logique administrative eût paru commander l’adoption de statuts et barèmes similaires, un certain nombre de distinctions existaient entre les délégués à l’assistance morale et les ministres des cultes, en particulier ceux du culte catholique, de très loin les plus nombreux. Les délégués laïques ont en effet des charges plus lourdes (études universitaires financées, charge de famille) et n’étaient pas appelés à bénéficier de certains avantages propres aux ministres des cultes (mise à disposition d’un logement ou indemnité, possibilité de cumul de traitements et défraiements).

120L’avant-projet initialement négocié entre le ministre de la Justice et les représentants de la laïcité organisée prévoyait la reconnaissance du Conseil central des Communautés philosophiques non confessionnelles de Belgique, en abrégé Conseil central laïque, d’une communauté philosophique non confessionnelle pour chaque province et à Bruxelles, et des communautés philosophiques non confessionnelles locales, sans que leur nombre soit précisé. Le projet prévoyait également l’organisation d’un établissement fédéral et d’un établissement auprès de chaque communauté provinciale, chargés de la gestion des intérêts matériels et financiers, composés d’un conseil d’administration et d’un bureau, dont la composition et le fonctionnement étaient détaillés. Le projet prévoyait l’intervention de la province pour couvrir les déficits de l’établissement (mécanisme analogue à celui mis en place pour la couverture des déficits des fabriques d’églises ou établissements comparables à l’échelon communal ou provincial), et une procédure de contrôle des budgets et des comptes par la province et le ministre de la Justice. Il organisait également la tutelle du ministre de la Justice sur les budgets et les comptes. Les traitements des délégués des communautés philosophiques non confessionnelles étaient calqués sur ceux de la Fonction publique. Le cadre restait à déterminer par le Roi sur proposition du Conseil central laïque. Cet avant-projet fut soumis au Conseil d’État le 1er août 1997. Le Conseil d’État mit près d’un an pour rendre son avis. Dans celui-ci, daté du 15 juillet 1998, il épinglait une série de mauvaises formulations et d’erreurs de rédaction, tout en soulevant des objections sur le fond.

121Le paragraphe deuxième de l’article 181 de la Constitution fait référence « aux délégués des organisations reconnues par la loi » au pluriel, ce qui empêche selon le Conseil d’État de reconnaître le Conseil central laïque comme la seule organisation représentative. « L’ensemble du texte du projet doit faire apparaître clairement que son seul objet est de reconnaître une organisation et que la reconnaissance faite aujourd’hui ne préjuge pas, ni ne limite, l’éventuelle reconnaissance dans l’avenir d’autres organisations offrant une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle.  [56]» Le projet de loi fut modifié pour tenir compte de cette observation et proposa de reconnaître le Conseil central laïque non plus comme l’organisation représentative unique mais comme une organisation qui offre une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle, le reste du texte étant également modifié dans ce sens, pour reconnaître les communautés philosophiques non confessionnelles « relevant du Conseil central laïque » et l’établissement d’assistance morale « du Conseil central laïque » etc.

122Une autre objection relève de l’organisation même du mouvement laïque : « S’agissant en particulier de ces communautés, il est permis de s’interroger sur leur réalité, tant de fait que de droit. L’incertitude qui affecte le sens de ce mot rend très incertaine la portée de l’article 2, alinéa 2, en ce qu’il dispose que le Conseil central laïque représente » les communautés philosophiques (…). Si ces communautés sont de simples ensembles d’individus censés partager les mêmes idées, il est difficile d’apercevoir comment une loi peut imposer à des individus d’être représentés par une asbl dont ils ne sont pas membres. Si ces communautés sont actuellement des personnes juridiques (sans doute des asbl), affirmer qu’une autre asbl les représente revient à les priver de l’attribut essentiel qui est le leur, à savoir la liberté d’agir elles-mêmes et de n’être obligées que par des actes juridiques qu’elles ont elles-mêmes accomplis. »  [57] Il était difficile de rencontrer cette objection, eu égard à la structuration particulière de la laïcité, le CCL regroupant deux asbl qui elles-mêmes affilient des asbl. Quant à la signification du terme « communauté », elle pourrait être également posée pour ce qui concerne les communautés formées par les fidèles de cultes reconnus qui ne demandent pas tous une forme d’affiliation ou un baptême.

123Le Conseil d’État, s’appuyant sur la composition du Conseil central laïque, à savoir le CAL et l’UVV, signalait que l’organisation actuelle du mouvement laïque reposait sur une base communautaire que l’avant-projet ne pouvait ignorer, notamment à Bruxelles. Cette objection fut rencontrée, en tout cas en ce qui concerne la région bilingue, puisque le nouveau projet prévoyait la création de deux établissements dans l’arrondissement administratif de Bruxelles.

124L’avis estimait également nécessaire de préciser les critères selon lesquels les futures communautés locales seraient reconnues.

125Bien que le Conseil d’État ait estimé que prévoir l’adhésion au principe du libre examen comme condition d’éligibilité au conseil d’administration des établissements provinciaux constituait une grave atteinte au principe constitutionnel de la protection de la vie privée et familiale, le projet ne fut pas modifié sur ce point.

126Autre problème juridique soulevé dans l’avis, et qui n’a pas été rencontré dans la réécriture du projet : la création de l’obligation pour la Région de Bruxelles-capitale de couvrir le déficit de l’établissement d’assistance morale établi dans l’arrondissement administratif de Bruxelles. Le Conseil d’État a estimé que le législateur ne pouvait pas grever la Région de Bruxelles-capitale alors que celle-ci avait un statut d’entité fédérée  [58]. « Si la Région de Bruxelles-capitale refuse de prendre en charge le déficit de l’établissement établi sur son territoire, l’État fédéral sera sans moyen juridique pour l’y contraindre. » On peut remarquer à ce propos que le temporel des cultes islamique et orthodoxe est organisé lui aussi sur une base provinciale et qu’une obligation similaire existe pour la Région de Bruxelles-capitale de couvrir le déficit des institutions chargées de la gestion des intérêts financiers des communautés reconnues pour ces cultes établies sur son territoire. Si cette obligation était donc problématique, la régionalisation de la loi provinciale et de la tutelle sur le temporel des cultes a levé cette difficulté pour les cultes reconnus puisque la Région peut désormais légiférer en cette matière, mais la difficulté subsiste pour la laïcité organisée  [59].

127Les dispositions relatives au statut et à la situation pécuniaire des délégués des communautés philosophiques non confessionnelles reconnues ont également été critiquées par le Conseil d’État, par analogie avec la situation existant pour les ministres des cultes reconnus. L’avant-projet prévoyait un statut de fonctionnaire contractuel et donnait les grades correspondant aux barèmes salariaux à appliquer. Il imposait également aux délégués le secret professionnel. Le Conseil d’État a estimé que, tout comme pour les ministres des cultes reconnus, l’État ne pouvait pas s’immiscer dans la nomination ou l’installation des délégués, et donc ne pouvait les assimiler à des fonctionnaires publics  [60]. Les observations du Conseil d’État n’ont pas été rencontrées dans la rédaction du nouveau texte, sauf pour préciser les niveaux de rémunération en francs et non plus en relations avec les grades des agents de l’État. Le projet prévoyait toujours l’engagement des délégués sous le régime applicable aux agents contractuels de l’État.

128Le projet de loi réécrit pour rencontrer partiellement les objections du Conseil d’État et corriger des incohérences a été déposé à la Chambre le 5 février 1999, et le gouvernement a demandé l’urgence.

129L’examen du projet a été inscrit à l’ordre du jour de la commission de la Justice plusieurs fois, sans être jamais discuté. La dissolution des Chambres intervenue le 5 mai 1999 a rendu le projet caduc.

5.1.2. Le projet de 2001

130Dans un mémorandum adressé au gouvernement Verhofstadt, le CAL réclamait que le projet de 1999 soit relevé de caducité et adopté aussi promptement que possible. Cependant, la constitution d’un gouvernement dont, pour la première fois depuis 1958, les sociaux-chrétiens étaient écartés, ouvraient d’autres perspectives. Des dossiers éthiques, comme la dépénalisation de l’euthanasie ou le mariage des homosexuels, ont été ouverts, la position protocolaire des représentants de l’Église catholique et les cérémonies religieuses mêlées aux célébrations publiques (Te Deum) ont été discutées. D’une part, ces questions ont mobilisé une partie des énergies du monde laïque, d’autre part la nouvelle configuration politique a permis de renégocier le contenu de la future loi de reconnaissance de la laïcité dans un sens plus conforme aux desiderata du Conseil central laïque.

131Un nouvel avant-projet de loi fut rédigé et soumis à l’avis du Conseil d’État le 13 juillet 2001. Il différait du projet de loi déposé à la Chambre en février 1999 sur un certain nombre de points, à savoir la prise en charge des frais du secrétariat fédéral, le statut, le cadre et les traitements des délégués.

132Le nouveau projet de 2001 prévoit en effet la prise en charge, par l’État fédéral, des charges inhérentes au fonctionnement du secrétariat fédéral adjoint au CCL (article 49). Le projet de 1999 prévoyait la prise en charge de ces frais par les différents établissements d’assistance morale. Par ailleurs, la définition des frais du secrétariat fédéral qui entrent en compte a été élargie, et logiquement, une procédure d’approbation du budget et des comptes du secrétariat fédéral par le ministre de la Justice a été prévue.

133En ce qui concerne le statut des délégués, le régime d’agent du service public contractuel a été abandonné, et un statut hybride qui combine des éléments du secteur public et du secteur privé a été prévu. Les délégués sont engagés par le Conseil central laïque suivant les dispositions de la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail, cependant les traitements et charges sociales patronales sont à charge du Trésor public. Ils bénéficient des congés et absences tels qu’octroyés aux membres du personnel des administrations de l’État, et d’une pension calculée selon les conditions et modalités applicables aux agents des ministères fédéraux. Les niveaux des traitements sont déterminés par une modification de la loi du 2 août 1974 qui devient la loi relative aux traitements des titulaires de certaines fonctions publiques, des ministres des cultes reconnus et des délégués du Conseil central laïque. Le cadre, que le projet de 1999 déterminait précisément pour les établissements provinciaux et pour les services locaux est, dans le projet de 2001, laissé à la détermination ultérieure par le roi, ce qui dispense de recourir à une modification législative lorsque le cadre évolue.

134Ces modifications avaient induit également une modification de l’organisation du texte du projet, les articles traitant des traitements des délégués étant renvoyés à la fin du texte, puisqu’il était dorénavant prévu de les déterminer via une modification de la loi du 2 août 1974. D’autres petites modifications destinées soit à clarifier le texte soit à préciser ou allonger les délais dans la procédure d’examen des budgets et comptes des établissements ont également été apportées au texte.

135L’avis du Conseil d’État rendu le 8 octobre 2001 renvoyait largement à l’avis rendu sur le projet de 1999, pour ce qui est des remarques qui n’avaient pas été rencontrées. L’avis insistait notamment sur le fait que les nouvelles dispositions à propos du statut des délégués ne rencontraient toujours pas l’objection d’une immixtion inconstitutionnelle de l’État dans l’organisation interne du mouvement philosophique non confessionnel. Selon le Conseil d’État, seul le niveau des rémunérations pouvait être déterminé par l’État. L’application d’un régime de congés et absences prévu pour les agents de l’État, le remboursement de certains frais ordinairement remboursés aux agents de l’État, constituaient, outre une violation du principe de non-ingérence de l’État dans l’organisation des cultes reconnus et assimilés, mais également, selon le Conseil d’État, une violation des articles 10 et 11 de la Constitution, dès lors que les ministres des cultes reconnus ne bénéficient pas des mêmes avantages. La prise en charge des frais de fonctionnement du secrétariat fédéral, « dont [le Conseil d’État] n’aperçoit pas quelle est la distinction qu’il convient d’opérer entre ce secrétariat fédéral et le Conseil central laïque lui-même » est également critiquée par le Conseil d’État comme non conforme au prescrit de l’article 181 paragraphe 2 et comme discriminatoire par rapport aux situations des autres cultes reconnus.

136En ce qui concerne l’application de la loi sur le territoire de la Région de Bruxelles-capitale, le Conseil d’État rappelait l’absence de moyen juridique permettant à l’État fédéral de contraindre la Région de Bruxelles-capitale à prendre en charge le déficit des établissements d’assistance morale établis sur son territoire. Le commentaire qui accompagnait l’avantprojet soumis au Conseil d’État prévoyait, pour résoudre cette question, une modification de l’accord de coopération signé le 30 mai 1994 entre l’État fédéral, les régions et les communautés, à propos de la disparition de la province de Brabant. À ce propos, le Conseil d’État attirait l’attention sur une modification induite par la loi spéciale du 13 juillet 2001 : au 1er janvier 2002, les fabriques d’églises et les établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus relèveraient désormais de la compétence des régions. Il poursuivait en indiquant que l’accord de coopération du 30 mai 1994 serait probablement modifié en raison de ce nouveau transfert de compétences, mais que les communautés philosophiques non confessionnelles n’étaient pas concernées par le transfert, donc, qu’il conviendrait de conclure un accord de coopération spécifique entre l'État fédéral et la Région de Bruxelles-capitale pour ce qui concerne la gestion des établissements relevant de la communauté philosophique non confessionnelle situés sur le territoire de l’arrondissement administratif de Bruxelles.

137Il est assez étonnant que le Conseil d’État, qui a par ailleurs établi un parallélisme entre la situation des ministres des cultes reconnus et les délégués de l’assistance morale laïque afin d’élever des objections quant à leur statut, n’ait pas relevé plus directement l’incohérence créée par la régionalisation du temporel des cultes reconnus et le maintien de l’organisation fédérale de la laïcité. Le ministre de la Justice fournit l’explication suivante dans une note adressée à la commission de la Justice de la Chambre : « La raison en est très simple. Le Conseil d’État a été saisi pour avis le jour où la loi spéciale a été signée. À cette époque, le projet actuellement discuté n’avait pas encore statut de loi. On peut difficilement prévoir dans une loi spéciale (ou dans une autre loi) de transférer les compétences d’un organe qui n’a pas encore de caractère légal. Dans l’hypothèse où une telle méthode de travail serait appliquée et où la dénomination “établissement” serait modifiée par exemple, il serait nécessaire de modifier à nouveau la loi spéciale afin de rendre l’ensemble opérationnel.

138Le Conseil d’État n’a pas formulé d’observations à ce sujet. En effet, on peut lire dans le commentaire de l’article 26 que les nouvelles dispositions de la loi spéciale ne concernent pas les établissements chargés de la gestion des intérêts matériels et financiers des communautés philosophiques non confessionnelles reconnues sur la base de l’article 181, § 2 de la Constitution.

139Le Conseil d’État a dès lors rendu son avis en connaissant les dispositions de la loi spéciale et a examiné l’ensemble à la lumière de celles-ci sans exprimer de critique. Si le maintien, dans le projet de loi, de la tutelle parmi les compétences des autorités fédérales avait suscité des observations fondamentales, celles-ci auraient certainement figuré dans l’avis, ce qui n’est pas le cas. »  [61]

140Le projet de loi définitif fut déposé à la Chambre le 10 décembre 2001. Il différait peu de l’avant-projet soumis au Conseil d’État dont les objections majeures n’étaient pas rencontrées. Cependant, le texte avait été remanié sur quelques points pour répondre à certaines remarques : le terme « receveur » avait été remplacé par celui de « comptable » dans les articles traitant des budgets et comptes des établissements d’assistance morale, et l’article qui lui faisait obligation de fournir un cautionnement pour ces activités a été supprimé. Le Conseil d’État avait, lui, recommandé de préciser davantage les missions et devoirs de ce receveur, assimilé à un comptable public. En ce qui concerne la position sociale des délégués, une petite modification allant dans le sens de l’objection formulée par le Conseil d’État quant à l’ingérence de l’État dans l’organisation des communautés philosophique reconnues a été prise en compte. La rédaction nouvelle de l’article 53 dit que « les délégués sont engagés par le Conseil central laïque » et ne précise plus comme dans l’avant-projet qu’ils bénéficient d’un contrat de travail pour employé à durée indéterminée ni que les dispositions de la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail leur sont applicables.

141Le gouvernement a justifié le maintien du statut social particulier des délégués par l’historique de la reconnaissance de la laïcité et la nécessité de tenir compte de la réalité de terrain qui s’était développée depuis l’adoption de la loi de 1981. Par ailleurs, le maintien d’avantages octroyés au-delà du traitement s’expliquait par l’existence d’un certain nombre d’avantages octroyés aux ministres des cultes reconnus, qui eux aussi, allaient au-delà du prescrit de l’article 181 de la Constitution.

5.2. LA DISCUSSION PARLEMENTAIRE

142Le gouvernement demanda l’urgence pour le projet de loi déposé à la Chambre le 10 décembre 2001. Le projet fut examiné au sein de la commission de la Justice les 22 février, 5 et 26 mars 2002, où il rencontra des objections soulevées par Baert Laeremans (Vlaams Blok) et Tony Van Parys (CD&V). Le premier s’interrogea notamment sur la représentativité du Conseil central laïque et les intentions en matière d’évolution à long terme du nombre de services d’assistance morale. L’ancien ministre de la Justice, tout en s’étonnant que le projet de 1999 n’ait pas été repris tel quel, émit des objections à propos du maintien de subventions octroyées aux associations laïques en tant que telles parallèlement au système de financement que la loi instaurerait. Il s’interrogeait quant à la pertinence de la prise en charge des frais de fonctionnement du secrétariat fédéral et le bénéfice d’un régime de pensions semblable à celui des fonctionnaires fédéraux statutaires. Par ailleurs, Tony Van Parys fit également remarquer que la compétence du temporel des cultes avait été transférée aux régions. Le ministre répondit que la loi spéciale du 13 juillet 2001 ne mentionnant pas la laïcité organisée, celle-ci demeurait une compétence fédérale, et que le Conseil d’État n’avait pas émis d’objections à cet égard  [62]. Tony Van Parys et Joke Schauvliege, également CD&V, déposèrent trois amendements  [63]. Le premier visait à obliger les conseils d’administration des établissements à comprendre au moins un membre qui appartienne à la laïcité non organisée ; il fut retiré. Les deux autres amendements touchaient au cadre et au patrimoine des établissements, ils furent repoussés par 10 voix pour et 4 voix contre. Il y eut 2 abstentions.

143L’ensemble du projet de loi fut adopté en Commission de la Justice par 9 voix et 4 abstentions.

144De nouveaux amendements furent déposés après le dépôt du rapport par les députés CD&V Tony Van Parys et Yves Leterme  [64]. Ils visaient à supprimer la prise en charge des frais du secrétariat fédéral et différents avantages pécuniaires prévus pour les délégués aux articles 49,51 et 70 du projet de loi. Ils furent repoussés.

145Lors du débat en séance plénière, les partis de la majorité soutinrent le projet sans restriction. Le PSC annonça sa décision de voter le projet en dépit d’une réserve relative à l’imposition faite aux provinces de couvrir les déficits des établissements. Le CD&V et le Vlaams Blok maintinrent leur opposition au projet, dénonçant les inégalités créées avec les ministres des cultes reconnus. Le CD&V dénonça en outre l’inconstitutionnalité des dispositions accordant des subsides au-delà des traitements  [65].

146Le vote sur l’ensemble du projet en séance plénière intervint le 25 avril 2002. Le projet fut adopté par 88 voix pour. Il y eut 27 abstentions. Les membres de la Chambre qui se sont abstenus appartenaient au CD&V, à la N-VA, au Vlaams Blok et au Front national  [66].

147Le texte adopté en séance plénière à la Chambre était donc identique à celui déposé par le gouvernement le 10 décembre 2001. Il fut transmis au Sénat qui choisit de l’évoquer  [67].

148Les sénateurs CD&V Hugo Vandenberghe et Mia De Schamphelaere déposèrent 38 amendements au projet  [68], dont la plupart consistaient en des corrections linguistiques ou des modifications mineures visant à la clarté rédactionnelle. Certains reprenaient des objections déjà formulées par le CD&V à la Chambre, et proposaient de supprimer la prise en charge des frais du Conseil central laïque ou certaines indemnités octroyées aux délégués.

149L’ensemble des amendements furent repoussés, et la commission de la Justice adopta le projet sans modification le 5 juin 2002.

150Après le dépôt du rapport, H. Vandenberghe et M. De Schamphelaere déposèrent à nouveau des amendements qui furent tous repoussés.

151Durant la discussion en séance plénière le ministre de la Justice, Marc Verwilghen, évoqua le maintien de la tutelle de l’autorité fédérale sur les établissements d’assistance morale, pour estimer que l’inexistence de ces établissements lors du vote de la loi spéciale du 13 juillet 2001 avait empêché de procéder autrement. Au surplus, il rappela que le Conseil d’État n’avait pas formulé de remarques à ce sujet  [69].

152Après le rejet des amendements proposés, le Sénat vota le texte tel qu’adopté par la Chambre, par 40 voix pour et 14 abstentions. Les abstentions émanaient de tous les membres présents du Vlaams Blok et du CD&V ainsi que de Chris Vandenbroeke (N-VA).

6. L’ORGANISATION PRÉVUE PAR LA LOI

6.1. LES STRUCTURES

153La loi du 21 juin 2002 reconnaît le Conseil central des communautés philosophiques non confessionnelles de Belgique, dénommé Conseil central laïque, comme une organisation qui offre une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle. Le Conseil se compose du Centre d’action laïque (CAL) et de l’Unie Vrijzinnige Verenigingen (UVV) (article 1).

154Le rôle du Conseil central laïque est ainsi défini : « Le Conseil central laïque représente les communautés philosophiques non confessionnelles qui en relèvent, dans leurs rapports avec l’autorité civile.

155Le Conseil central laïque coordonne l’organisation et l’exercice de l’assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle et la gestion des intérêts matériels et financiers des communautés philosophiques non confessionnelles qui en relèvent.

156Le Conseil central laïque règle l’exercice des fonctions des délégués qui offrent une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle, dénommés dans la présente loi “délégués”, et leur désignation à l’égard de l’État. » (article 3)

157Le Conseil central laïque correspond donc, mutatis mutandis, à ce que l’on appelle communément l’Organe chef de culte (OCC) pour les cultes reconnus.

158Un secrétariat fédéral est attaché au Conseil central laïque. Il « assiste le Conseil central laïque dans l’exécution de sa mission et la coordination de la gestion des intérêts financiers et matériels des communautés philosophiques non confessionnelles » (article 47).

159La création d’un secrétariat fédéral, établissement public, permet en fait la prise en charge des frais de fonctionnement du Conseil central laïque qui demeure une asbl.

160La loi prévoit la reconnaissance par le Roi de douze communautés philosophiques non confessionnelles : une par province et deux dans l’arrondissement administratif de Bruxelles-capitale (article 4 § 1). Pour chaque communauté est créé un établissement de droit public chargé de la gestion des intérêts matériels et financiers de la communauté (article 5).

161Chaque établissement est géré par un conseil d’administration dont la composition est fixée par la loi : sept membres (et sept suppléants) élus pour cinq d’entre eux par l’assemblée générale de l’établissement, qui comprend les représentants des associations faisant partie du CAL ou de l’UVV et pour deux d’entre eux par le conseil d’administration du Conseil central laïque (article 9). Sont éligibles les personnes âgées de 18 ans au moins, domiciliées dans le ressort territorial de l’établissement concerné ou présentées par une association y ayant établi son siège, qui sont de bonnes vie et mœurs et adhèrent au principe du libre examen (article 7). Sont en outre membres du conseil d’administration avec voix consultative le comptable de l’établissement, un délégué du Conseil central laïque ainsi que le gouverneur de la province ou son représentant (article 6). Une série d’incompatibilités sont prévues (article 8). Le fonctionnement et les attributions du conseil d’administration sont également détaillés dans la loi (articles 13 à 25). Les revenus et les charges des établissements sont énumérés aux articles 26 et 27.

162Aux douze établissements provinciaux s’ajoutent une certain nombre de services d’assistance morale locaux (article 4 § 2). Leur nombre n’est pas fixé par la loi, mais il ressort des explications du ministre de la Justice, Marc Verwilghen, à la commission de la Justice de la Chambre qu’il est prévu 44 services (22 francophones et 22 néerlandophones). Le cadre n’est pas, lui non plus, défini dans le loi, mais le ministre prévoit sept délégués par établissement provincial, cinq délégués par service local, et 50 délégués au secrétariat fédéral, ce qui portera à 354 le nombre de délégués du Conseil central laïque qui seront rémunérés par l’État en application de l’article 181 de la Constitution  [70].

163L’organigramme suivant permet de visualiser les structures de la laïcité. En grisé apparaissent les structures reconnues ou organisées par la loi du 21 juin 2002.

tableau im1
Structures de la laïcité organisée en Belgique Conseil central laïque + secrétariat fédéral Centre d’action laïque (CAL) Unie Vrijzinnige Verenigingen (UVV) 27 associations 6 communautés + 6 7 régionales 6 communautés + 6 39 associations constitutives établissements établissements constitutives 22 services Nombreuses asso- 22 services locaux d’assistance morale ciations locales d’assistance morale dont : 10 Services locaux 45 Maisons de la 14 centres d’assistance morale laïcité d’assistance morale existant

6.2. LES BUDGETS ET LES COMPTES

164La loi met en place un mécanisme de vérification des budgets et des comptes du secrétariat fédéral et des établissements provinciaux comparable aux mécanismes qui existent pour les cultes reconnus (section 4) : chaque établissement transmet son budget, avant le 15 mai de l’année qui précède l’année budgétaire considérée, au gouverneur de province ou de l’arrondissement administratif de Bruxelles-capitale accompagné des pièces justificatives. Après avoir recueilli l’avis du conseil provincial ou du conseil de la Région de Bruxellescapitale, le gouverneur transmet le budget au Conseil central laïque avant le 30 juin. Le Conseil central laïque arrête définitivement les dépenses et approuve le budget qu’il renvoie au gouverneur avant le 1er septembre. Le gouverneur transmet le budget au ministre de la Justice avant le 15 novembre. Le ministre ne peut modifier les articles du budget concernant les dépenses relatives à l’organisation et l’exercice de l’assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle. Il statue avant le 15 décembre, et envoie le budget approuvé à l’établissement concerné, au Conseil central laïque et au gouverneur. La liquidation de l’intervention de la province ou de la région a lieu dans le mois qui suit. Une procédure similaire d’approbation est mise en place pour les comptes des établissements (articles 37 à 41).

165Les budgets et les comptes du secrétariat fédéral sont dressés par le Conseil central laïque et vérifiés par le ministre de la Justice (articles 50 et 52). L’intervention de l’État est liquidée en trois tranches (article 51).

166La loi instaure une tutelle du ministre de la Justice sur les établissements provinciaux (articles 42 à 45). Le ministre de la Justice peut suspendre ou annuler les décisions d’un conseil d’administration qui violerait la loi ou blesserait l’intérêt général. Les travaux de construction ou de grosses réparations aux immeubles gérés par les établissements et affectés à l’exercice public de l’assistance morale sont soumis à autorisation. Il s’agit là également de dispositions similaires à celles qui organisent la tutelle sur les fabriques d’église.

167La loi prévoit l’obligation pour les provinces et la Région de Bruxelles-capitale de couvrir le déficit éventuel des établissements de l’assistance morale. La loi modifie donc l’article 69 de la loi provinciale  [71].

6.3. LE STATUT DES DÉLÉGUÉS LAÏQUES

168Le statut des délégués laïques est probablement l’élément de la loi qui a donné le plus de difficultés à ses rédacteurs, et il est sans doute à l’origine d’une partie au moins du délai de neuf ans qui s’est écoulé entre la modification de la Constitution et l’adoption de la loi de reconnaissance de la laïcité.

169Le principe général énoncé à l’article 53 est que les délégués sont engagés par le Conseil central laïque, et que leurs traitements et les charges sociales patronales y afférentes sont à charge du Trésor public. Il s’agit là du statut hybride propre aux ministres des cultes reconnus.

170Cependant, le statut des délégués laïques se différencie de celui des ministres des cultes reconnus par le bénéfice d’un certain nombre d’éléments propres à celui des agents statutaires de l’État, en matière de congés et d’absences ainsi que de pensions.

171Les traitements des délégués sont prévus aux articles 61 à 63 de la loi, et insérés dans la loi du 2 août 1974 relative aux traitements des titulaires de certaines fonctions publiques et des ministres des cultes qui devient la loi relative aux traitements des titulaires de certaines fonctions publiques, des ministres des cultes reconnus et des délégués du Conseil central laïque  [72].

172L’organisation de la couverture sociale des délégués a nécessité la modification de plusieurs dispositions législatives pour leur étendre le bénéfice d’une couverture initialement prévue pour les ministres des cultes (articles 65,66 et 67).

173L’article 70 prévoit le maintien des droits acquis pour les délégués en service au moment de l’entrée en vigueur de cette loi, avec la création d’un cadre ad hoc bénéficiant d’une échelle de traitements sensiblement plus élevés que ceux prévus pour les nouveaux engagés. Cette situation conduira à la création d’une inégalité entre les délégués déjà en fonction et les délégués qui seront dorénavant engagés par le Conseil central laïque.

6.4. L’ABROGATION DE LA LOI DE 1981

174L’article 68 de la loi prévoit l’abrogation de la loi du 23 janvier 1981 relative à l’octroi de subsides aux communautés philosophiques non confessionnelles de Belgique. Un arrêté royal déterminera la date d’entrée en vigueur de la disposition.

CONCLUSION

175Différents indices tendent à montrer que la Belgique est un des pays européens où le sentiment d’appartenance à une religion est le plus faible  [73]. Cependant, c’est l’un des pays où le statut des cultes reconnus, dans leurs rapports avec l’État, est le plus avantageux. Le financement public des cultes, principe constitutionnel établi depuis 1831, a longtemps été l’objet d’une opposition virulente des libres penseurs, au même titre que d’autres manifestations de l’incomplète séparation de l’Église et de l’État : le rang protocolaire du nonce apostolique et des cardinaux, la présence de crucifix dans les tribunaux, le Te Deum de la fête nationale, etc. En ce sens, le principe du financement public des cultes a contribué, avec la question scolaire, à créer un vaste réseau d’associations laïques, qui constitue une autre spécificité belge. Dans aucun autre pays on n’observe un tel développement du mouvement laïque organisé, avec la présence de conseillers moraux laïques aux côtés des aumôniers, l’existence de rites alternatifs laïques pour la naissance, l’adolescence et le mariage, le cours de morale non confessionnelle offert dans toutes les écoles des réseaux organisés par les pouvoirs publics (même s’il n’est pas sous la responsabilité de la laïcité organisée).

176Graduellement, des composants du mouvement laïque ont évolué d’une position de refus absolu du financement public des cultes à celle d’une revendication d’un financement équitable pour la laïcité. La loi du 21 juin 2002 constitue l’aboutissement de cette revendication, et la concrétisation de la révision de l’article 181 de la Constitution intervenue en 1993. Même si la reconnaissance de la laïcité s’est finalement faite par le biais d’une loi propre et non pas par celui d’une inscription dans la loi de 1870 sur le temporel des cultes, il n’en demeure pas moins que la laïcité organisée s’est insérée dans le système de financement public des cultes. Ce faisant, elle renforce le pluralisme belge, qui est un pluralisme institutionnel (fondé sur l’existence de structures propres à chaque courant de pensée), d’avantage qu’idéologique (fondée sur des structures communes ouvertes à tous). C’est la conception même de l’État qui s’en trouve bouleversée. L’État « neutre » n’est plus seulement d’un « État-gendarme », arbitre passif qui s’abstient de chercher à imposer une conception idéologique de l’existence, et use de son autorité pour empêcher d’autres acteurs de le faire. L’État devient le gestionnaire du pluralisme, il lui appartient désormais de garantir le traitement équitable de toutes les tendances idéologiques reconnues. On peut remarquer que la première conception d’un État rigoureusement neutre et non interventionniste est en tout état de cause un leurre ; il y a toujours des points de contacts entre l’État démocratique et les cultes, dans l’enseignement ou l’assistance morale (au sens large).

177La question centrale du financement public des cultes et de la laïcité est donc devenue celle de l’égalité. Cette égalité peut être mise en péril sur trois points.

178Le premier est celui de la discrimination entre les différents cultes et organisations laïques reconnus et non reconnus, les premiers étant les seuls à bénéficier d’un financement public. L’absence de critères objectifs de reconnaissance d’un culte ou d’une communauté philosophique non confessionnelle coulés en texte de loi rend cette différence de traitement difficile à justifier.

179Le deuxième est celui d’un rapport identique à l’État. Les dispositions qui régissent les rapports entre les organisations reconnues et l’État sont actuellement différentes. On songe à l’intervention plus importante de l’État dans l’organisation des structures du culte islamique et de la laïcité organisée que dans celle des autres cultes reconnus, mais aussi au maintien de l’organisation de la laïcité au niveau de l’autorité fédérale alors que le temporel des cultes a été régionalisé. Ce rapport s’exprime aussi à travers la participation de représentants de l’État à des cérémonies religieuses et à celle des représentants des cultes et des organisations laïques à des cérémonies civiles.

180Le troisième est celui du niveau de financement des organisations laïques et des cultes reconnus. Plusieurs éléments de la problématique sont ouverts. Le financement doit-il être strictement proportionnel au nombre d’adeptes des courants philosophiques concernés, ou tenir compte de situations historiques ou sociologiques différentes ? Si oui, comment les mesurer ? Quels éléments doivent être pris en compte pour une répartition proportionnelle ? Les réparations aux édifices du culte classés, ou les subsides aux organisations d’éducation permanente qui sont liées aux cultes et à la laïcité doivent-ils entrer dans ce mécanisme ? Est-il possible d’imaginer qu’une telle répartition (la même ?) soit mise en œuvre au niveau fédéral pour les traitements et pensions et au niveau régional pour les autres dépenses ? Empêcherait-elle des entités locales, les communes ou les provinces, d’accorder des subsides qui iraient au-delà de l’enveloppe déterminée en proportion du nombre des adeptes ?

181Les objectifs des Libres penseurs d’hier étaient un réseau unique d’enseignement officiel neutre, la suppression du financement public des cultes, et une laïcisation complète des institutions. Si les deux premiers objectifs n’ont pas été rencontrés, des solutions de compromis sont intervenues qui les ont rendus politiquement obsolètes. Quant à la laïcisation des institutions, elle paraît être en voie d’achèvement. Quels seront demain les objectifs d’un mouvement laïque devenu de plein droit une composante idéologique reconnue de la société belge ? Reste la question posée par Guy Haarscher, philosophe et professeur à l’ULB : « Peut-on impunément ramener la laïcité à une composante idéologique de la société alors qu’elle devrait en constituer le fondement même ? » Quelle que soit la réponse que l’on souhaite donner à cette interpellation, il paraît certain que le mouvement laïque se trouve aujourd’hui à l’aube d’une ère nouvelle.

1825 juillet 2002

Notes

  • [1]
    Il s’agit du deuxième alinéa de l’article anciennement numéroté 117. Une coordination comprenant une renumérotation des articles de la Constitution est intervenue le 17 février 1994, et le nouvel article 181 est dorénavant scindé en deux paragraphes. Pour la commodité de l’exposé, nous nous référerons partout aux paragraphes premier et deuxième.
  • [2]
    C’est ainsi que l’anglais ne connaît que le terme secularization, qui ne recouvre pas non plus, d’ailleurs, la signification de laïcisation au sens neutre du terme. La sécularisation représente une évolution concomitante de la société et de l’Église, ou des Églises, qui limite progressivement l’influence de la religion sur la sphère publique, ainsi que cela s’est déroulé en Angleterre. La laïcisation de l’État, en revanche, désigne un processus plus brutal, de lutte contre l’emprise de l’Église, ainsi que l’a connu la France. Cf. F. CHAMPION, « Entre laïcisation et sécularisation. Des rapports Église-État dans l’Europe communautaire », Le débat, n° 77, novembre-décembre 1993.
  • [3]
    La laïcisation de l’État peut connaître différentes étapes : de l’absence de coercition en faveur d’une religion unique à l’égalité entre les cultes en passant par la religion officielle et un régime de liberté de conscience mais avec une religion favorisée.
  • [4]
    Le contraire de la séparation entre l’Église et l’État connaît en effet au moins deux variantes : le contrôle de l’État par l’Église, situation à laquelle aspirait l’Église de l’ancien régime, et le contrôle de l’Église par l’État, ce dernier cas étant incarné par le gallicanisme dans la France d’une large partie de l’Ancien régime et dans la France concordataire.
  • [5]
    Arrêté royal du 21 mai 1965, Moniteur belge, 25 mai 1965.
  • [6]
    À noter que le néerlandais permet une approche plus nuancée : Nietconfessionele Levensbeschouwelijke Gemeenschapen, le terme Levensbeschouwelijke signifiant plutôt conception de vie que philosophie. Ajoutons que la traduction de « laïque » en néerlandais est « Vrijzinnige », ce qui signifie à l’origine libéral.
  • [7]
    Lors de la clôture de la rédaction de ce Courrier hebdomadaire, la loi n’avait pas encore été publiée au Moniteur belge.
  • [8]
    Cf. X. MABILLE, Histoire politique de la Belgique, Bruxelles, CRISP, 2000, pp. 15-53.
  • [9]
    Cf. le compte-rendu de ces discussions, dans Chevalier E. HUYTENS (éd.), Discussions du Congrès national de Belgique, 1830-1831, Bruxelles, 1844, t. 2, pp. 478-479.
  • [10]
    Cet article a été complété en 1993 par un deuxième paragraphe dans le cadre de la procédure de reconnaissance de la laïcité. Cf. infra.
  • [11]
    Sur le système de reconnaissance et de financement des cultes, cf. C. SÄGESSER et V. DE COOREBYTER, « Cultes et laïcité en Belgique », Dossier du CRISP, n° 51, CRISP, 2000. Le lecteur y trouvera notamment une liste des dispositions de droit applicables aux cultes.
  • [12]
    À noter que la reconnaissance du culte islamique n’a pas pu se concrétiser avant la fin des années 1990. Cf. C. SÄGESSER et V. DE COOREBYTER, « Cultes et laïcité en Belgique », Dossier du CRISP, op. cit., pp.15-16.
  • [13]
    Pour une étude approfondie du financement public des cultes, cf. J.-F. HUSSON, « Le financement public des cultes et de la laïcité organisée », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1703-1704,2000.
  • [14]
    Loi du 4 mars 1870 sur le temporel des cultes, Moniteur belge, 9 mars 1870. Cette loi a été modifiée à plusieurs reprises.
  • [15]
    Pour Bruxelles, le gouverneur de l’arrondissement administratif de Bruxelles-capitale exerce les compétences du gouverneur de province et de la députation permanente.
  • [16]
    Pour la gestion du temporel du culte catholique, l’État traite avec chacun des évêques de la province ecclésiastique belge.
  • [17]
    Loi spéciale du 13 juillet 2001 portant transfert de diverses compétences aux régions et communautés, Moniteur belge, 3 août 2001.
  • [18]
    La loi du 21 juin 2002 organise la laïcité dans le cadre fédéral. Cf. infra.
  • [19]
    Il existe en Belgique deux courants maçonniques principaux. Le premier, dit de la ‘maçonnerie régulière’, suit la maçonnerie anglo-saxonne et admet la foi religieuse. L’autre, numériquement plus important en Belgique, est dit de la ‘maçonnerie moderne’ et rejette toute foi religieuse. Ce dernier courant se retrouve surtout en France et en Belgique.
  • [20]
    Moniteur belge, 20 avril 1967 et 8 mai 1969. Le second Courrier hebdomadaire consacré à la laïcité approfondira la question du cours de morale non confessionnelle.
  • [21]
    L’Institut de recherche et de formation des enseignants de morale, la Ligue de l’enseignement et de l’éducation permanente, la Fédération des amis de la morale laïque et la Fondation rationaliste.
  • [22]
    Article 3 des statuts du Conseil, 16 décembre 1998.
  • [23]
    Moniteur belge, 13 avril 1972.
  • [24]
    Moniteur belge, 3 juillet 1969.
  • [25]
    Liste arrêtée au 31 mai 2002.
  • [26]
    Les sept régionales et les associations qui disposent d’implantations décentralisées représentées au sein d’au moins quatre régionales du CAL disposent de quatre voix. Les autres associations ont une voix.
  • [27]
    Moniteur belge, 8 juillet 1971.
  • [28]
    Moniteur belge, 1er février 1995. « L’UVV se compose des organisations qui, dans la région de langue néerlandaise et dans la région bilingue de Bruxelles-capitale, pour la Communauté flamande, adhèrent au principe du libre examen, rejettent le dogme ou l’argument d’autorité du développement de leurs convictions idéologiques, philosophiques, et politiques, et reconnaissent l’homme comme créateur et porteur de valeurs morales. Le but de l’UVV est le développement de la communauté philosophique non confessionnelle dans la défense de ses intérêts. Pour poursuivre ce but, l’UVV peut : Soutenir et coordonner des initiatives et actions pour ses membres à leur demande ; Prendre elle-même des initiatives et mener des actions en concertation avec ceux de ses membres qui par leur objet social sont compétents dans des matières spécifiques ; Organiser, soutenir et développer les services d’assistance morale non-confessionnelle, destinés à la population en générale ou à des catégories spécifiques, représenter la communauté philosophique non-confessionnelle en matière de services d’assistance morale face aux autorités et aux tiers. Dans ce but elle peut utiliser tous moyens appropriés nécessaires ou utiles et exercer tous les droits. » (traduction libre des auteurs)
  • [29]
    Liste arrêtée au 31 mai 2002.
  • [30]
    Moniteur belge, 14 septembre 1972.
  • [31]
    Sénat, Doc. parl., n° 293 (1970-1972).
  • [32]
    Chambre, Doc. parl. , n° 72/2 (1971-1972).
  • [33]
    Sénat, Doc. parl. , n° 104 (1973-1974).
  • [34]
    Ces textes sont publiés en annexe de la brochure de R. HAMAIDE dans Pour la reconnaissance de la laïcité, CAL, 1974.
  • [35]
    Les revendications du mouvement laïque sont notamment développées dans le Livre blanc de la laïcité, CAL, 1973 et l’année suivante détaillées par R. HAMAIDE dans Pour la reconnaissance de la laïcité, op. cit.
  • [36]
    Il s’agit de l’article aujourd’hui 181 qui prévoit la prise en charge par l’État du traitement et des pensions des ministres des cultes.
  • [37]
    Chambre, An. parl., 14 novembre 1978, et Sénat, An. parl., 14 novembre 1978.
  • [38]
    Projet de loi modifiant la loi du 2 août 1974 relative aux traitements des titulaires de certaines fonctions publiques et des ministres des cultes, Sénat, Doc. parl., n°319 (1980-1981) et Chambre, Doc. parl., , n° 675 (1980-1981).
  • [39]
    H. Vanderpoorten avait succédé à R. Van Elslande dans le gouvernement Martens III (mai à octobre 1980).
  • [40]
    Sénat, Doc. parl., n° 512/2 (1980-1981).
  • [41]
    Sénat, An. parl., 27 novembre 1980.
  • [42]
    Chambre, Doc. parl., n° 676/2 (1980-1981).
  • [43]
    Chambre, An. parl., 15 janvier 1981.
  • [44]
    Loi du 18 février 1991 relative aux conseillers moraux auprès des Forces armées, relevant de la Communauté philosophique non-confessionnelle de Belgique, Moniteur belge, 7 mars 1991.
  • [45]
    Sénat, Doc. parl., n°1057/2 (1989-1990) ; Chambre, Doc. parl., n°1434/2 (1990-1991).
  • [46]
    Arrêté royal du 31 janvier 94, Moniteur belge, 11 mars 1994 et arrêté royal du 26 septembre 1994, Moniteur belge, 21 octobre 1994.
  • [47]
    Sénat, Doc. parl., n° 100-3/1 (1991-1992).
  • [48]
    Chambre, Doc. parl., n° 874/2. (1992-1993)
  • [49]
    Sénat, An. parl., 22 janvier 1993.
  • [50]
    Chambre, An. parl., 22 avril 1993.
  • [51]
    Le Soir, 10 et 11 septembre 1994, p. 2.
  • [52]
    Le Soir, 26 septembre 1994, p. 2.
  • [53]
    La revendication en a cependant été formulée par le mouvement laïque par la voix du président de l’UVV, M. Magits. De Standaard, 14 avril 1999. L’article 21 comprend un deuxième alinéa qui impose l’obligation de contracter un mariage civil avant de recevoir la bénédiction nuptiale. Il n’a pas été modifié.
  • [54]
    Moniteur belge, 31 juillet 1996.
  • [55]
    Sénat, Doc. parl., n° 552-1 (1992-1993).
  • [56]
    Chambre, Doc. parl., n°1966/1 (1998-1999), p.47.
  • [57]
    Ibidem, p. 48.
  • [58]
    Ibidem, pp 60-61.
  • [59]
    Sur la régionalisation des lois communale et provinciale, cf. J. BRASSINNE, « La régionalisation des lois communale et provinciale et de la législation connexe », Courrier hebdomadaire, CRISP, n°1751-1752, 2002.
  • [60]
    Ibidem, p. 68.
  • [61]
    Note du ministre de la Justice à la commission de la Justice de la Chambre des représentants, Chambre, Doc. parl., n°1556/03 (2001-2002), annexe.
  • [62]
    Chambre, Doc. parl., n°1556/03, p. 12 (2001-2002).
  • [63]
    Chambre, Doc. parl., n°1556/02 (2001-2002).
  • [64]
    Chambre, Doc. parl., n°1556/04 (2001-2002).
  • [65]
    Chambre, An. parl., 25 avril 2002 (matin).
  • [66]
    Chambre, An. parl., 25 avril 2002 (après-midi).
  • [67]
    Sénat, Doc. parl., n° 2-1116/1 (2001-2002).
  • [68]
    Sénat, Doc. parl., n° 2-1116/2 (2001-2002).
  • [69]
    Sénat, An. parl., 13 juin 2002.
  • [70]
    Chambre, Doc. parl., n°1556/03, p. 5 (2001-2002).
  • [71]
    Il faut ici remarquer que la loi provinciale a été régionalisée par la loi spéciale du 13 juillet 2001.
  • [72]
    Sur les montants prévus, voir le tome deuxième de la présente étude.
  • [73]
    Selon un sondage Eurobaromètre réalisé en 1997 auprès des jeunes européens, 42,7 % des jeunes Belges se disaient croyants, alors que la moyenne européenne (UE) est de 62 %. Selon un autre sondage Eurobaromètre réalisé à l’automne 2001, seuls 31 % des Belges, tous âges confondus, font confiance aux institutions religieuses, contre 44 % de moyenne européenne.
Français

Résumé

Au terme d’un parcours de longue haleine, le projet de reconnaissance de la laïcité organisée vient d’aboutir avec la promulgation de la loi du 21 juin 2002 relative au Conseil central des communautés philosophiques non confessionnelles de Belgique, aux délégués et aux établissements chargés de la gestion des intérêts matériels et financiers des communautés philosophiques non confessionnelles reconnues.
Les traitements et les pensions des délégués qui fournissent une assistance morale non confessionnelle seront désormais pris en charge par l’État, en application de l’article 181 de la Constitution, qui avait été révisé en ce sens il y a près de dix ans.
Caroline Sägesser et Jean-François Husson ouvrent leur étude sur une explication des significations du terme « laïcité » et sur une première partie consacrée à une présentation générale de la situation des cultes et du mouvement laïque en Belgique dans une perspective historique. Une deuxième partie présente ensuite la structuration progressive du mouvement laïque, et une troisième partie détaille les premiers éléments de la législation qui ont préparé la reconnaissance de la laïcité organisée. Enfin, les quatrième et cinquième parties sont consacrées à la loi du 21 juin 2002 : sa genèse et son parcours parlementaire d’une part, son contenu de l’autre.
Le financement de la laïcité tel qu’il était pratiqué jusqu’à aujourd’hui et tel qu’il est organisé par la nouvelle loi fera l’objet d’une livraison ultérieure du Courrier hebdomadaire.

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  • M. DE WAHA, « À propos de l’histoire de la laïcité » in La pensée et les hommes, 1979-1980, pp. 317-331.
  • E. WITTE, « De Belgische Vrijdenkersorganisaties (1854-1914). Ontstaan, Ontwikkeling En Rol » in Tijdschrift Voor De Studie Van De Verlichting, Brussel, VUB, 1977,2 , pp. 127-286. Site internet du CAL : hhttp :// www. laicite. be Site internet de l’UVV : http :// www. uvv. be
Au terme d’un parcours de longue haleine, le projet de reconnaissance de la laïcité organisée vient d’aboutir avec la promulgation de la loi du 21 juin 2002 relative au Conseil central des communautés philosophiques non confessionnelles de Belgique, aux délégués et aux établissements chargés de la gestion des intérêts matériels et financiers des communautés philosophiques non confessionnelles reconnues. Les traitements et les pensions des délégués qui fournissent une assistance morale non confessionnelle seront désormais pris en charge par l’État, en application de l’article 181 de la Constitution, qui avait été révisé en ce sens il y a près de dix ans. Caroline Sägesser et Jean-François Husson ouvrent leur étude sur une explication des significations du terme « laïcité » et sur une première partie consacrée à une présentation générale de la situation des cultes et du mouvement laïque en Belgique dans une perspective historique. Une deuxième partie présente ensuite la structuration progressive du mouvement laïque, et une troisième partie détaille les premiers éléments de la législation qui ont préparé la reconnaissance de la laïcité organisée. Enfin, les quatrième et cinquième parties sont consacrées à la loi du 21 juin 2002 : sa genèse et son parcours parlementaire d’une part, son contenu de l’autre. Le financement de la laïcité tel qu’il était pratiqué jusqu’à aujourd’hui et tel qu’il est organisé par la nouvelle loi fera l’objet d’une livraison ultérieure du Courrier hebdomadaire.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/12/2005
https://doi.org/10.3917/cris.1756.0005
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