CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1Le groupe de travail sur le fonctionnement des institutions bruxelloises (appelé aussi, dans un premier temps, groupe de Donnea, puis Costa bruxelloise ou Corée bruxelloise  [1]) a été mis sur pied en vertu de l’accord gouvernemental bruxellois de juillet 1999  [2]. Cet accord assignait au groupe de travail la mission de trouver les solutions permettant d’assurer le bon fonctionnement des institutions communautaires bruxelloises et de porter une attention particulière au problème de la représentation du groupe néerlandophone dans le Conseil de la Région de Bruxelles-capitale. Il prévoyait un transfert supplémentaire de 840 millions de francs en 2000 et de un milliard de francs en 2001 de la Région de Bruxelles-capitale vers la Commission communautaire française et la Commission communautaire flamande.

2Le groupe de travail avait limité son agenda à la question de la représentation flamande au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale et aux moyens d’éviter le blocage des institutions régionales bruxelloises (Conseil de la Région de Bruxellescapitale, Assemblée réunie de la Commission communautaire commune). Il connut une première phase de réunions sous la présidence de François-Xavier de Donnea (Fédération PRL FDF MCC), alors bourgmestre de la ville de Bruxelles et ancien formateur du gouvernement bruxellois, du 26 octobre 1999 jusqu’au 3 avril 2000. Au cours de celle-ci, diverses propositions furent lancées pour améliorer la représentation flamande dans les assemblées bruxelloises et pour éviter le blocage des institutions.

3Elles butèrent cependant sur l’incompatibilité entre la volonté flamande d’obtenir des élus supplémentaires au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale disposant d’un statut de parlementaire à part entière et le principe ‘un homme, une voix’ auquel certains francophones n’entendaient pas déroger. En outre, le thème de la périphérie, rendu plus aigu notamment par la circulaire Peeters, imposant une interprétation restrictive des facilités linguistiques, perturba la négociation  [3].

4La deuxième phase de réunions se concentra sur les mois de mars et d’avril 2001.

5Toutefois, le débat institutionnel bruxellois ne s’interrompit pas durant la période intermédiaire. Dès juin 2000, les partis flamands réaffirmaient leurs revendications relatives à une meilleure représentation au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale et menaçaient de bloquer, à partir de 2001, les moyens régionaux supplémentaires destinés à la Commission communautaire française et à la Commission communautaire flamande si aucun progrès n’était enregistré à propos de leur exigence. Le transfert de ces moyens était en effet lié à la préoccupation francophone de refinancement des matières communautaires. Ces mises en garde suscitèrent des échanges entre francophones et néerlandophones qui s’exprimèrent dans la presse et dans l’enceinte du Conseil de la Région de Bruxelles-capitale. Le lien entre une avancée sur la représentation flamande dans les institutions bruxelloises et le ralliement des voix de la Volksunie au vote des deux projets de lois spéciales concrétisant l’accord du Lambermont placèrent un moment le groupe de travail bruxellois au centre du jeu politique belge.

6Ces événements déterminants lors des négociations de mars et d’avril 2001 devaient être intégrés dans l’étude. C’est pourquoi celle-ci couvre un champ plus vaste que la durée des réunions. Elle s’ouvre, en effet, sur l’été 2000, avec les premières polémiques visant le financement régional des matières communautaires, pour se clôturer en mai 2001 après l’accord dit du Lombard. Nous nous sommes attaché à décrire les conséquences de l’accord du Lambermont sur les préoccupations francophones et flamandes liées au statut de la Région de Bruxelles-capitale telles que nous les avions identifiées dans notre étude sur la première phase. Une attention particulière a également été portée à la période qui s’étend de la signature de l’accord dit du Lambermont-bis ou de la Saint-Polycarpe (23 janvier 2001) jusqu'à la reprise des réunions du groupe de travail (23 mars 2001). Cette période vit la pression sur le groupe de travail s’intensifier et fut marquée par le remplacement de François-Xavier de Donnea, ministre-président de la Région de Bruxelles-capitale, par Daniel Ducarme, président du PRL, à sa présidence. C’est aussi durant ces deux mois que les francophones et les Flamands de Bruxelles redéfinirent les positions qu’ils allaient défendre au groupe de travail, en fonction des effets de l’accord du Lambermont sur leurs préoccupations.

7Nous avons tenté de relater les divers épisodes de la négociation avant de présenter le contenu de l’accord dans sa dimension politique.

8L’accord du Lombard constitue l’aboutissement des travaux du groupe de travail sur le fonctionnement des institutions bruxelloises. Nous évaluerons, dans notre conclusion, sa portée par rapport aux attentes des néerlandophones et des francophones de Bruxelles.

La polémique sur le financement régional des matières communautaires

9La suspension des réunions du groupe de travail sur le fonctionnement des institutions bruxelloises était intervenue à l’approche des élections communales, en un moment où le climat communautaire s’alourdissait en périphérie. Cela avait incité le président du groupe, François-Xavier de Donnea, à s’adresser au Premier ministre car il estimait que « pour débloquer le débat bruxellois, il faut des avancées, la fin d’une série de vexations en périphérie »  [4]. Du côté flamand, la menace était brandie de s’opposer à la libération du milliard prévu au budget régional bruxellois pour 2001 en faveur de la Commission communautaire française et la Commission communautaire flamande si aucun progrès n’était enregistré dans le dossier de la représentation flamande au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale (CRBC).

10Les partis francophones s’insurgèrent contre cette attitude. Ils considéraient en effet que le versement à la Commission communautaire française (Cocof) et à la Commission communautaire flamande (VGC) de 840 millions pour 2000 et de 1 milliard pour 2001 en vertu de l’accord gouvernemental bruxellois était acquis et qu’il n’était pas lié à l’aboutissement des travaux du groupe de travail.

11Ce sujet a nourri une polémique qui s’est exprimée dans des déclarations à la presse et dans l’hémicycle du Conseil de la Région de Bruxelles-capitale.

Premiers échanges

12Le 7 juin 2000, la ministre régionale bruxelloise des Finances, du Budget, de la Fonction publique et des Relations extérieures, Annemie Neyts (VLD), affirmait au journal De Financieel Economische Tijd qu’elle lierait les transferts financiers en faveur de la Commission communautaire française et de la Commission communautaire flamande à la représentation garantie des Flamands au sein du Parlement bruxellois.

13Cette déclaration suscita une question orale de Jean-Pierre Cornélissen (FDF), en commission le 10 juillet 2000  [5]. Le député du FDF s’étonnait du contenu de cette déclaration qu’il considérait comme manifestement en contradiction avec l’accord du gouvernement. Pour Jean-Pierre Cornélissen, le transfert en faveur de la Commission communautaire française et de la Commission communautaire flamande était totalement inconditionnel et profitait aux deux communautés. Il souhaitait donc que la ministre confirme au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale que l’accord du gouvernement serait respecté dans son intégralité, ce qui impliquait que les moyens financiers seraient bel et bien transférés à heure et à temps, sans lier cette opération à des conditions qui n’avaient pas été prévues. La ministre, évoquant la volonté des négociateurs de l’accord gouvernemental bruxellois de faire face aux problèmes de l’enseignement francophone et de la représentation politique néerlandophone, considérait que les solutions proposées étaient intégrées de manière équivalente dans le texte de l’accord gouvernemental et qu’il était convenu de les développer ensemble  [6].

14L’ouverture à la préoccupation flamande d’une discussion sur la représentation du groupe néerlandais au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale était en effet compensée dans l’accord de gouvernement bruxellois par le transfert de moyens régionaux aux matières communautaires, lequel répondait à une demande francophone.

15La mise en place de nouvelles majorités communales, au lendemain des élections du 8 octobre 2000, eut des répercussions sur la majorité bruxelloise. D’abord, la constitution de nouvelles alliances à la ville de Bruxelles ainsi qu’à Anderlecht, Forest, Ixelles et Molenbeek-Saint-Jean, engendra une tension entre les partenaires PRL FDF MCC et PS. Ensuite, l’opposition virulente des Flamands à la nomination du président du FDF, Olivier Maingain, comme bourgmestre intérimaire de la ville de Bruxelles faisait craindre à la Fédération PRL FDF MCC certains problèmes au sein de la majorité régionale bruxelloise. Aussi, Olivier Maingain fut-il invité par la Fédération PRL FDF MCC à se retirer en faveur de la libérale Marion Lemesre. Mais le président du FDF voyait sa position renforcée au sein du groupe de travail sur le fonctionnement des institutions bruxelloises et il avertissait que « les partis flamands doivent savoir qu’ils auront en face d’eux quelqu’un de plus déterminé que jamais dans le refus de certaines demandes flamandes dans le cadre des prochains négociations communautaires »  [7]. Cette déclaration était cependant jugée « irresponsable » par le secrétaire d’État socialiste Alain Hutchinson, chargé du Budget de la Commission communautaire française, qui rappelait l’importance du respect de l’accord gouvernemental pour le refinancement des matières communautaires  [8]. Un tel climat n’apparaissait pas propice à François-Xavier de Donnea pour relancer la négociation et De Financieel Economische Tijd pouvait constater le 25 octobre 2000 que « la Costa bruxelloise reste encore un peu au frigo ».

16Cet attentisme suscitait l’impatience du côté flamand. Le 19 octobre 2000, au cours de la discussion du Conseil de la Région de Bruxelles-capitale sur la déclaration du gouvernement bruxellois présentée par le nouveau ministre-président François-Xavier de Donnea  [9], les intervenants des groupes CVP (Brigitte Grouwels) et VLD VU O (Sven Gatz) avaient déjà répété qu’il était nécessaire d’arriver rapidement à un accord  [10]. Un article de Brussel, deze week du 8 novembre 2000 aiguisait la polémique.

17Guy Vanhengel (VLD) qui avait remplacé Annemie Neyts au gouvernement bruxellois en tant que ministre des Finances, du Budget, de la Fonction publique et des Relations extérieures, y exprimait un signal clair des Flamands de Bruxelles. Pour lui, dans l’esprit de l’accord du gouvernement, le problème des deux communautés devait être réglé. Donc également le problème de la représentation garantie des Flamands. Il annonçait que, pour le budget 2001, le milliard de francs destiné à être transféré aux commissions communautaires ferait l’objet d’un article séparé. Et il ne cachait pas son intention de ne marquer son accord pour libérer ce montant qu’à la condition que les discussions sur la représentation flamande soient reprises par le groupe de travail. Dans le même article, la présidente du groupe CVP, Brigitte Grouwels, allait plus loin. Elle avertissait que si les travaux n’aboutissaient pas à un accord écrit, « l’argent pour les francophones » ne serait pas libéré. Très motivé par l’aide régionale aux commissions communautaires, le groupe Écolo réagissait immédiatement à cette menace. Sa présidente, Evelyne Huytebroeck, posait une question d’actualité à la réunion du Conseil de la Région de Bruxelles-capitale du 10 novembre 2000. L’élue écologiste demandait au ministre-président, François-Xavier de Donnea, si l’inscription séparée du milliard destiné aux commissions communautaires en 2001 avait fait l’objet d’une discussion au gouvernement. Elle relevait que, dans l’accord gouvernemental, il n’y avait aucun lien entre la conclusion d’un accord au sujet de la représentation des Flamands à Bruxelles et le droit de tirage destiné à financer les discriminations positives en faveur de certaines écoles, garanti jusqu’en 2001 compris. Sa vision de l’accord était que, si aucune solution n’était intervenue sur la représentation flamande à l’été 2001, le financement des commissions communautaires pourrait être remis en cause à partir de 2002. Elle voulait également savoir quand les travaux du groupe de travail reprendraient. Le ministre-président de Donnea répondit qu’il s’en tiendrait à l’accord gouvernemental et que les travaux du groupe de travail reprendraient le plus vite possible. Des contacts avaient été pris à ce sujet avec un certain nombre de personnes  [11].

18La presse faisait état des hésitations de François-Xavier de Donnea à garder la présidence du groupe de travail. La Libre Belgique laissait entendre que le PRL n’aurait pas été hostile à céder celle-ci à un autre parti  [12]. Et Le Soir du 4 décembre 2000 rapportait des propos de Jacques Simonet, le président du PRL bruxellois, selon lesquels François-Xavier de Donnea, ayant accédé à la présidence régionale, ne pouvait plus s’engager dans ces négociations communautaires sensibles. Jacques Simonet aurait cité deux noms pour lui succéder : Armand De Decker, le président du Sénat, et Philippe Moureaux, le président des socialistes bruxellois.

Le débat budgétaire de décembre 2000

19Le milliard supplémentaire pour la Commission communautaire française et la Commission communautaire flamande était bien inscrit au projet de budget 2001.

20Toutefois, il était inscrit dans un article différent de celui du droit de tirage de la Commission communautaire française et de la Commission communautaire flamande et sa libération dépendait d’un accord au sein du gouvernement bruxellois.

21Cela entraînait des réactions lors du débat budgétaire au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale. Le président du groupe PSC, Benoît Cerexhe, y voyait la marque d’un nouveau renoncement des ministres francophones en matière institutionnelle et communautaire. Pour lui, en effet, le fait d’isoler ce crédit permettrait aux ministres flamands de poser des conditions pour sa libération. Benoît Cerexhe rappelait la revendication flamande d’obtenir une meilleure représentation des Flamands dans les institutions électives régionales bruxelloises. Il faisait parallèlement remarquer que la dotation supplémentaire d’un milliard aux Commissions communautaires française et flamande ne faisait l’objet d’aucune condition  [13]. Aussi, il déposait avec la présidente du groupe Écolo, Evelyne Huytebroeck, un amendement destiné à réunifier l’article budgétaire concerné  [14].

22Deux parlementaires du FDF montèrent à la tribune pour témoigner de leur inquiétude à propos de la scission du crédit provisionnel. Serge de Patoul la qualifia d’inutile et exigea que le transfert de fonds s’effectue de la même façon qu’en 2000  [15]. Jean-Pierre Cornélissen tint à se référer à l’accord gouvernemental concernant le transfert financier vers les commissions communautaires. Il fit remarquer que la Corée bruxelloise se réunissait parallèlement et examinait la question de la représentation flamande à Bruxelles. Dans ce cadre, poursuivait Jean-Pierre Cornélissen, François-Xavier de Donnea avait formulé des propositions intéressantes et ce n’était pas le refus opposé à ces propositions qui pourrait justifier des représailles contre ce qui était un acquis irréfragable pour 2000 et 2001  [16].

23Même s’il regrettait la séparation des deux postes budgétaires, le président du groupe PRL FDF, le libéral Marc Cools, annonçait toutefois qu’il ne soutenait pas l’amendement déposé par le PSC et Écolo. Son groupe prenait en effet acte des explications du ministre du Budget sur les explications techniques justifiant cette double inscription et sur sa volonté de clarifier ce qui relevait du droit de tirage et ce qui relevait des transferts liés à l’accord du gouvernement. Il exprimait sa confiance en l’intention du ministre de respecter cet accord. Mais Marc Cools ne cachait pas que l’amendement d’Écolo et du PSC avait incité sa formation à être attentif au libellé de l’article 10.50.22.45.10 et à proposer d’améliorer la version qui émanait de la majorité.

24Il déposait donc un amendement destiné à remplacer le libellé « crédit provisionnel au financement de discriminations positives de certaines écoles néerlandophones et francophones dans la Région » par « crédit additionnel provisionnel destiné à couvrir des dépenses des commissions communautaires ». De cette façon, l’accent était mis sur l’intention d’utiliser cet article budgétaire  [17]. L’amendement d’Écolo et du PSC fut rejeté, celui de Marc Cools adopté  [18].

25Du côté flamand, la liaison entre la représentation garantie des néerlandophones au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale et le versement d’un milliard aux commissions communautaires était réaffirmée. Le président du groupe VLD VU O , Sven Gatz, constatait que les négociations sur la représentation flamande étaient toujours en cours et souhaitait que le gouvernement l’informe du calendrier qu’il prévoyait pour la ‘Corée bruxelloise’. Le CVP se montra beaucoup plus pressant. Ses trois parlementaires – Walter Vandenbossche, Brigitte Grouwels et Jan Beghin – affirmèrent à la tribune que l’octroi du montant d’un milliard à l’enseignement était lié à un accord quant à la représentation garantie des Flamands  [19]. Le budget était toutefois voté, le différend étant reporté à l’exécution du budget, c’est-à-dire en 2001  [20].

La première réunion du gouvernement bruxellois en 2001

26Le 11 janvier 2001, le quatorzième point de l’ordre du jour du Conseil des ministres de la Région de Bruxelles-capitale portait sur les « dotations aux commissions communautaires pour l’année budgétaire 2001 ». La presse fit état d’un différend qui serait intervenu sur ce sujet. Les ministres flamands auraient fait part de leur irritation en raison de l’absence de reprise des réunions du groupe de travail sur le fonctionnement des institutions bruxelloises et, faute d’accord, le point avait dès lors été reporté. L’après-midi même, au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale, deux élus de l’opposition, Denis Grimberghs (PSC) et Evelyne Huytebroeck (Écolo) interrogeaient le ministre-président, François-Xavier de Donnea, sur le sujet. Denis Grimberghs évoquait le tirage communautaire au sein du gouvernement régional révélé par la presse et demandait notamment si François-Xavier de Donnea était toujours le président du groupe de travail bruxellois et quel était le calendrier des négociations prévues. Evelyne Huytebroeck, faisant allusion au même incident, constatait l’escalade de la crispation communautaire et s’informait également du redémarrage de la Corée bruxelloise. François-Xavier de Donnea niait l’existence d’une réelle crispation au gouvernement. Il signalait qu’il y avait eu des réflexions, des échanges de vue sans qu’aucune décision formelle ne fût prise. Assurant qu’il restait « maître de la manœuvre », il déclarait son intention de réunir le groupe de travail « le jour opportun », sa volonté étant d’aboutir  [21].

27Face à la presse, il revenait sur la proposition qu’il avait avancée l’hiver précédent et reconnaissait qu’elle bloquait sur l’introduction de cooptés en provenance de la périphérie. Il pensait toutefois que les réactions à sa proposition pourraient évoluer si certains problèmes de la périphérie trouvaient une solution au niveau fédéral.

Les réactions bruxelloises aux accords du Lambermont

28Les accords du Lambermont (16 octobre 2000 et 23 janvier 2001) ont eu des répercussions sur les préoccupations flamandes et francophones relatives au statut de Bruxelles et ont entraîné des réactions dans le monde politique bruxellois. Compte tenu de l’influence de ces réactions sur les positions des différents partis impliqués dans le groupe de travail sur le fonctionnement des institutions bruxelloises, il nous a paru indispensable de les passer en revue. Afin d’en faciliter la compréhension, nous décrirons préalablement les grandes lignes des accords du Lambermont.

Les accords du Lambermont

29Le 16 octobre 2000 au soir, après un week-end et un jour de négociation, la majorité arc-en-ciel fédérale (VLD, PRL, PS, SP, Écolo, Agalev) et la Volksunie arrivaient à l’accord institutionnel dit du Lambermont (dit aussi accord de la Sainte-Perlette ou accord de la Sainte-Thérèse)  [22]. Le lendemain, le contenu de cet accord était exposé à la Chambre par le Premier ministre dans une déclaration de politique fédérale. L’accord fut précisé le 23 janvier 2001 (accord dit du Lambermont-bis ou de la Saint-Polycarpe) par l’adoption de deux avant-projets de loi spéciale, le premier portant refinancement des Communautés et extension des compétences fiscales des Régions, le second portant transfert de diverses compétences aux Régions et Communautés. Les deux textes furent déposés le 29 mars, l’un à la Chambre, l’autre au Sénat  [23].

30Les accords portent sur divers points. Ils complètent la régionalisation d’une série d’impôts. Cela signifie qu’aux impôts pour lesquels les Régions sont d’ores et déjà pleinement ou partiellement compétentes s’ajoutent la redevance radio et télévision, les droits d’enregistrement lors de la constitution d’une hypothèque, les droits d’enregistrement sur les partages, les droits d’enregistrement sur les donations entre vifs de biens meubles ou immeubles, l’eurovignette, la taxe de mise en circulation.

31Pour l’ensemble des impôts régionaux, les Régions seront dorénavant pleinement compétentes pour modifier le taux d’imposition, la base d’imposition et les exonérations (avec certaines réserves pour le précompte immobilier). Ce transfert de compétences doit s’opérer dans le respect de la neutralité budgétaire. Cela implique que les recettes fiscales supplémentaires de chaque Région doivent alors être portées en diminution de la part de l’impôt des personnes physiques attribuée aux Régions. Afin de contrecarrer une évolution qui pourrait être négative de ces nouveaux impôts, il a été décidé lors de la seconde négociation du Lambermont, d’instaurer un mécanisme permettant à une Région de pallier le fait que ces recettes – à taux et base inchangés – seraient inférieures aux recettes obtenues pour ces mêmes impôts en l’année 2002.

32Ce ‘filet de sécurité’ fonctionne à plein rendement pendant les cinq premières années c’est-à-dire de 2003 à 2007. Pour les années 2008 à 2012, la correction de transition se fait de manière dégressive et linéaire pour disparaître définitivement à partir de 2013. Pour ce qui est de la part restante qu’elles perçoivent de l’impôt sur les personnes physiques, les Régions obtiennent une autonomie fiscale et peuvent appliquer des augmentations, des réductions ou des déductions. Cette marge de politique fiscale présente, en vue du maintien de l’union économique et de l’unité monétaire, une tension de 3,25% vers le haut et de 3,25 % vers le bas des recettes totales, et ce à partir du 1er janvier 2001, et de 6,75% vers le haut et vers le bas, à partir du 1er janvier 2004. Cette compétence en matière d’autonomie fiscale devra s’exercer sans réduire la progressivité de l’impôt. Une procédure de concertation est prévue pour prévenir les problèmes liés à ces nouvelles compétences en matière d’impôts régionaux et d’autonomie fiscale.

33Les Communautés française et flamande se voient dotées de moyens supplémentaires : un montant de 8 milliards est prévu dès 2002. Ce refinancement sera progressivement augmenté : 14 milliards en 2003,20 en 2004,35 en 2005,40 en 2006, ensuite un milliard sera encore ajouté chaque année pour atteindre 45 milliards en 2011. À partir de 2012, la dotation des Communautés sera indexée et adaptée au revenu national brut. La répartition de ces moyens supplémentaires évoluera progressivement d’une répartition mixte (65 % partagés en fonction du nombre d’élèves, 35% en fonction de la contribution de chaque communauté à l’IPP) à une répartition basée uniquement sur la contribution de chaque Région à l’IPP (en 2011). Pour la Communauté française, cela donnerait 3,2 milliards de moyens supplémentaires en 2002,5,6 en 2003,7,9 en 2004,13,6 en 2005,15,4 en 2006. Par ailleurs, la Commission communautaire française obtient la capacité d’emprunt.

34La réglementation organique des provinces et des communes est transférée aux Régions, sans exception géographique pour les communes à facilités. Dans le projet de loi spéciale, des dispositions sont fixées qui reprennent les garanties existant actuellement dans ces communes pour les francophones. Il ne pourra pas y avoir de régime dérogatoire pour les communes à statut linguistique spécial pour la nomination des bourgmestres et, le cas échéant, pour leur élection. Si un bourgmestre francophone fait l’objet de mesures disciplinaires de la part de la tutelle flamande, il pourra introduire un recours au Conseil d’État et demander à la chambre saisie qu’elle pose une question préjudicielle à la Cour d’arbitrage ou qu’elle renvoie l’affaire devant l’assemblée générale – qui est bilingue – du Conseil d’État. Toute modification aux garanties contenues dans la loi de pacification de 1988 ainsi qu’aux limites territoriales des communes à statut linguistique spécial reste du ressort de l’autorité fédérale. Le projet de loi spéciale comprend également des dispositions confirmant les garanties existant actuellement pour les Flamands de Bruxelles.

35Les accords du Lambermont prévoient encore la régionalisation quasi intégrale des compétences en matière d’agriculture et de commerce extérieur – ce qui est une confirmation de décisions antérieures acquises au sein de la Conférence intergouvernementale et interparlementaire du renouveau institutionnel, ainsi que certaines matières de la coopération au développement.

36Enfin, les moyens de la loterie nationale sont partiellement transférés aux Communautés et aux Régions.

Les préoccupations francophones

Le refinancement des matières communautaires

37Faute de refinancement des Communautés à partir du pouvoir fédéral, les Régions wallonne et bruxelloise seraient sollicitées pour pallier les difficultés financières de la Communauté française survenues après l’entrée en vigueur de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions. Or la viabilité de la Communauté française représente un enjeu de premier plan pour les francophones bruxellois. D’abord parce que la survie de la Communauté française est fondamentale pour la place qu’occupent les francophones dans l’État. Un délabrement financier de la Communauté française pourrait entraîner sa remise en question, menaçant ainsi le lien entre la Wallonie et Bruxelles. Ensuite, parce que les problèmes régionaux, particulièrement dans le cas d’une grande métropole urbaine comme Bruxelles, requièrent la mise en œuvre de moyens importants dans les matières communautaires. On peut évoquer , par exemple, le rôle de l’enseignement et de la formation professionnelle pour améliorer la situation des quartiers difficiles. Comme nous l’avons vu, à Bruxelles, l’aide régionale à la Communauté française s’opère via un transfert financier de la Région aux commissions communautaires. Un tel mécanisme place les négociateurs bruxellois francophones dans une position de demandeurs par rapport à leurs interlocuteurs flamands (si l’on veut transférer davantage que les montants fixés dans la loi spéciale). Et cela d’autant plus que la Commission communautaire française elle-même se trouve dans une situation financière délicate. Le refinancement des Communautés prévu par les accords du Lambermont est censé apporter une solution durable à une préoccupation essentielle des francophones bruxellois.

38Les partis démocratiques francophones mesuraient donc l’importance de l’acquis que représentait le refinancement de la Communauté française. En témoigne le débat qui eut lieu au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale le 1er février 2002, à la suite de la communication du ministre-président de Donnea sur l’accord du Lambermontbis. Le président du groupe socialiste francophone, Rudi Vervoort, voyait dans le refinancement des Communautés l’un des points forts des accords du Lambermont et « un acquis considérable, en particulier pour l’enseignement, l’aboutissement d’une stratégie de longue haleine »  [24]. Isabelle Gélas annonçait que « le FDF souscrit sans réserve au volet de l’accord qui concerne le refinancement des Communautés »  [25]. Sa partenaire libérale de la Fédération, Marion Lemesre, considérait qu « une des parties essentielles de l’accord de la Sainte-Perlette est relative à l’amélioration du mécanisme de financement des Communautés ». Elle situait là « en tant que francophone bruxelloise (...) le véritable enjeu »  [26]. L’élu écologiste Christos Doulkeridis qualifiait le refinancement des Communautés de « victoire pour les Bruxellois »  [27]. Membres de l’opposition, tant fédérale que régionale, les sociaux-chrétiens francophones préféraient aborder des volets de l’accord qui prêtaient davantage le flanc à la critique. Cela n’empêchait pas leur présidente, Joëlle Milquet, d’admettre au cours de ses entretiens avec la presse que le refinancement de la Communauté française était nécessaire  [28]. Le PSC critiquait cependant le calendrier de ce refinancement ainsi que le passage d’une répartition basée sur le nombre d’élèves à une répartition basée sur la contribution de chaque région à l’IPP .

Les moyens financiers de la Région de Bruxelles-capitale

39Les conséquences financières des accords du Lambermont sur les finances régionales bruxelloises ont suscité une polémique entre les partis francophones bruxellois.

40Au lendemain de l’accord le 16 octobre 2000, le ministre-président bruxellois, François-Xavier de Donnea, restait très prudent quant aux effets de celui-ci sur la situation financière de la Région de Bruxelles-capitale. Le 4 novembre, il déclarait au journal Le Soir ne pas encore disposer de chiffres suffisants pour juger des conséquences de l’accord sur les finances de Bruxelles et, notamment, pour déterminer si l’augmentation des moyens que donne la régionalisation totale des impôts régionaux procure une marge de manœuvre permettant la réduction de certaines impositions en cas de concurrence fiscale déloyale.

41Les mécanismes correctifs introduits lors du deuxième tour de négociation (23 janvier 2001) afin d’éviter que les Régions ne soient rapidement pénalisées si les recettes des nouveaux impôts régionaux à taux et base inchangés étaient inférieures aux recettes obtenues par ceux-ci en 2002 avaient pour but de rassurer les négociateurs francophones de la majorité bruxelloise (Fédération PRL FDF MCC et PS).

42Au cours du débat au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale du 1er février 2001, qui suivit la communication du ministre-président sur l’accord du Lambermont-bis, le président du groupe PRL FDF, Marc Cools, constatait que les ressources régionales bruxelloises restaient identiques. Soulignant que l’autonomie fiscale demeurait limitée, Marc Cools relevait que des moyens étaient prévus pour éviter la migration, la délocalisation et la concurrence fiscale malsaines en matière de taxes de circulation et de mise en circulation, de précompte immobilier, d’eurovignettes, de droits de succession et d’impôt sur les personnes physiques. Le président du groupe PRL FDF admettait que ces accords institutionnels ne réglaient toutefois pas les questions du refinancement de la Région mais il précisait que cela n’était pas leur objectif. Il estimait cependant que les Bruxellois devaient rester demandeurs pour parvenir à financer l’ensemble des charges liées au rôle de capitale et qu’il serait également nécessaire d’augmenter le financement des communes bruxelloises  [29].

43Son collègue socialiste, Rudi Vervoort, faisait remarquer que sur le plan financier, l’objectif de l’accord du Lambermont-bis ne portait que sur la concrétisation des principes adoptés dans l’accord du mois d’octobre 2000, qui prévoyait la neutralité financière du transfert des impôts régionaux, tant pour l’autorité fédérale que pour les Régions. Il se montrait satisfait de voir que, grâce au mécanisme correctif, cette condition était réalisée pour Bruxelles, y compris dans les années à venir. Il jugeait l’autonomie fiscale acceptable dans la mesure où elle s’inscrit dans une fourchette maintenue en deçà des seuils où l’on pourrait craindre les effets de délocalisation fiscale  [30].

44Le ton était plus critique chez les écologistes. Assumant la participation de leur parti aux négociations de l’accord du Lambermont-bis, ils retrouvaient leur rôle d’opposition au niveau bruxellois et se livraient à une offensive contre le ministreprésident. Evelyne Huytebroeck et Christos Doulkeridis reprochaient au gouvernement bruxellois sa non-représentation et le manque de préparation de revendications en termes de refinancement structurel de la Région de Bruxelles-capitale à la négociation d’octobre : « On ne pouvait donc attendre de Saint-Polycarpe un refinancement légitime que vous n’aviez pas négocié à la Sainte-Thérèse . L’enjeu pour Bruxelles consistait donc à limiter la casse, à veiller à ce que la traduction du texte ne pénalise pas la Région. » Christos Doulkeridis faisait remarquer qu’à Bruxelles, la part importante, comparativement aux autres Régions, des recettes liées aux impôts régionaux impliquait que plus on augmentait cette part, plus on avait intérêt à maîtriser l’évolution de ce type de recettes, lesquelles étaient précisément aléatoires. Evelyne Huytebroeck exprimait , par ailleurs, son désaccord à propos du refus de François-Xavier de Donnea d’évoquer le refinancement de Bruxelles à la Corée bruxelloise  [31].

45Le PSC, qui qualifiait les accords institutionnels de désastreux pour Bruxelles, voulait savoir à quel titre François-Xavier de Donnea avait été présent à la négociation du Lambermont-bis. Il faut rappeler, qu’alors que le gouvernement bruxellois n’était pas représenté à la négociation d’octobre, François-Xavier de Donnea avait été invité à participer à celle de janvier « en tant que ministre-président du gouvernement régional bruxellois afin de défendre les intérêts de Bruxelles » sans être mandaté par le gouvernement bruxellois  [32]. Pour les sociaux-chrétiens francophones, les décisions arrêtées au Lambermont constituaient un définancement et préfiguraient l’asphyxie à moyen terme de la Région de Bruxelles-capitale. Benoît Cerexhe constatait que, même si la part de la Région de Bruxelles-capitale dans l’IPP national est en constante diminution, ses recettes, dans le cadre de l’actuel mécanisme de financement, n’en croissent pas moins à un rythme proche de celui de la croissance du PIB. On avait donc choisi de raboter une source de refinancement au profit de taxes dont le rendement était non seulement aléatoire mais aussi non directement lié à la croissance. Le président du groupe PSC exprimait également la crainte que l’autonomie fiscale accordée aux Régions ne génère des risques importants de concurrence fiscale au détriment de la Région de Bruxelles-capitale et ne contribue à l’exode des classes moyennes bruxelloises. Rappelant les déclarations de Jacques Simonet, qui parlait d’un refinancement nécessaire de 11 milliards, et de Rufin Grijp, qui avait fait état lors de la précédente législature d’un besoin de refinancement de 18 milliards, Benoît Cerexhe soutenait que le non-refinancement de la Région était une occasion manquée qui ne se présenterait plus avant dix ans, c’est-à-dire, avant la fin de la période transitoire prévue dans les accords  [33].

46Le PSC revenait à la charge quelques jours plus tard sur base d’une publication de son centre d’études, le CEPESS, qui portait sur les conséquences financières des accords du Lambermont pour la Région de Bruxelles-capitale. Commentant les conclusions de cette étude, Benoît Cerexhe prédisait un « définancement » structurel de Bruxelles qui amènerait la Région à se positionner comme demanderesse par rapport aux autres Régions et risquerait de provoquer une nouvelle négociation sur la scission de la sécurité sociale.

47À la suite du débat parlementaire du 1er février, il fut décidé au gouvernement bruxellois que le ministre régional du Budget, Guy Vanhengel, fournirait une estimation chiffrée sur l’impact financier des accords pour Bruxelles. Le ministre transmettait donc, à la mi-février, une note distribuée en séance sur « les conséquences de l’accord du Lambermont pour les finances de la Région de Bruxelles-capitale » dans laquelle il concluait que le mécanisme était neutre du point de vue budgétaire pour la Région de Bruxelles-capitale.

La situation des francophones de la périphérie

48La décision de régionaliser les lois communale et provinciale, contenue dans l’accord du 16 octobre 2000, était attaquée par des partis francophones non représentés aux négociations, et qui n’avaient cessé d’exiger que la situation des francophones de la périphérie figure à l’ordre du jour du groupe de travail sur le fonctionnement des institutions bruxelloises. Le PSC déplorait un grignotage des facilités et une menace de flamandisation des communes à facilités  [34]. Le président du FDF, Olivier Maingain, mettait en garde : « Lorsque l’on donne le signal à la Flandre que la périphérie peut passer par pertes et profits à son avantage, on ouvre la voie de Bruxelles. » Il annonçait la préparation d’une consultation populaire de la périphérie au sujet de la régionalisation de la loi communale ou de l’échange des facilités contre la protection des minorités  [35]. François-Xavier de Donnea lui-même ne cachait pas un certain trouble. Au reproche de lâchage des francophones de la périphérie, il répondait : « Qu’on le sache : il sera très difficile d’arriver à un accord avec les Flamands sur le fonctionnement des institutions bruxelloises s’ils ne respectent pas tous les engagements pris dans le passé à l’égard des francophones de la périphérie ! »  [36]

49Le débat du Conseil de la Région de Bruxelles-capitale du 1er février 2001 sur les accords du Lambermont confirmait le clivage à propos de la régionalisation de la législation organique des provinces et des communes entre, d’une part, le PSC et le FDF, qui s’y montraient très hostiles, et, d’autre part, le PRL, le PS et Écolo.

50Le PSC était très critique à propos de ce volet de l’accord. Son président de groupe, Benoît Cerexhe, estimait que les Bruxellois avaient à l’égard des francophones des communes à statut linguistique spécial un devoir d’attention, d’assistance et de combat dans la défense des droits fondamentaux. Il fustigeait la manière dont les négociateurs du Lambermont avaient lâché les francophones de la périphérie alors que les partis politiques francophones avaient empêché sous l’ancien gouvernement que l’article 162 de la Constitution (selon lequel les institutions provinciales et communales sont réglées par la loi) soit ouvert à révision, bloquant par là la régionalisation de la loi communale  [37]. Le FDF marquait également son opposition à ce projet.

51Isabelle Gélas rappelait que les présidents de partis francophones s’étaient engagés, avant les élections législatives et régionales du 13 juin 1999, à ne pas se laisser entraîner sur le terrain de la régionalisation de la loi communale. Elle constatait que les autorités de tutelle flamande se trouveraient en mesure de menacer plus directement les mandataires francophones et de mettre en danger la paix communautaire et la démocratie communale. Elle annonçait que son parti ne voterait pas ce chapitre des accords institutionnels aussi longtemps que des garanties ne seraient pas inscrites dans la loi en projet pour que les francophones de la périphérie bénéficient d’une protection équivalente à celle reconnue aux Flamands de Bruxelles. Et elle refusait « le chantage de la Volksunie qui vise à exiger toujours plus pour les Flamands de Bruxelles et à ignorer les francophones de la périphérie ». Avec Jean-Pierre Cornélissen, elle exigeait le respect de la convention-cadre du Conseil de l’Europe sur la protection des minorités nationales, non encore ratifiée par la Belgique, tant pour les francophones de la périphérie que pour les Flamands de Bruxelles  [38]. Le FDF n’était pas suivi jusque-là par son partenaire PRL. Marc Cools considérait en effet que la régionalisation de la loi communale était un choix logique tout en reconnaissant qu’elle faisait naître des inquiétudes pour les francophones de la périphérie bruxelloise. Mais il voyait dans la déclaration faite par le président du VLD, Karel De Gucht, le 28 janvier 2001 sur le plateau de l’émission De Zevende Dag qualifiant la circulaire Peeters de tracasserie inutile, un langage nouveau prometteur quant à l’évolution des débats et de leur climat général  [39]. Alors qu’Écolo demeurait assez en retrait sur la question, le président du groupe socialiste, Rudi Vervoort, mettait l’accent sur la partie de l’accord qui prévoit le maintien intégral des garanties existantes pour la protection des minorités, à Bruxelles comme en périphérie, et l’obligation d’uniformité des dispositifs sur l’ensemble du territoire régional  [40].

La préoccupation flamande relative à la présence néerlandophone dans les pouvoirs locaux

52À côté de leur préoccupation relative à leur représentation dans les assemblées régionales bruxelloises, les mandataires régionaux flamands se montraient insatisfaits de la place qu’ils occupaient dans la gestion des pouvoirs locaux bruxellois. Le 9 juin 2000, l’Assemblée de la Commission communautaire flamande avait voté une résolution sur ce sujet. Leur insatisfaction était aiguisée par l’accord du Lambermont qui prévoyait le transfert de la réglementation organique des provinces et des communes aux Régions  [41].

53Le 30 novembre 2000, l’ensemble des formations démocratiques flamandes représentées à la Commission communautaire flamande (CVP, VLD VU O, SP AGA) tenaient une conférence de presse où elles présentaient un tronc commun d’exigences. Elles entendaient à la fois voir améliorer la situation existante et prévenir toute remise en cause de leurs acquis après le transfert de la législation communale au niveau régional.

54Ils revendiquaient donc un renforcement de leur représentation dans les communes bruxelloises. À savoir : un nombre minimum de représentants flamands dans chaque conseil communal (deux à quatre), au moins deux échevins dans chaque collège communal, un minimum de deux représentants dans chaque conseil de CPAS et une présence flamande suffisante dans les conseils de police à créer.

55Ils voulaient que la future loi spéciale établisse que le Conseil de la Région de Bruxelles-capitale ne puisse modifier celle-ci qu’avec une majorité dans chaque groupe linguistique.

56Enfin, ils se prononçaient pour une organisation administrative plus simple et efficiente de Bruxelles par une éventuelle fusion d’un certain nombre de communes ou par une redistribution de certaines compétences entre la Région de Bruxelles-capitale et les autorités communales.

57Après un débat à l’Assemblée de la Commission communautaire flamande, une résolution reprenant ces exigences et demandant au collège de la Commission communautaire flamande de prendre contact avec le gouvernement fédéral à ce sujet était votée le 19 décembre 2000  [42].

Les préliminaires à la reprise des réunions du groupe de travail

58Lorsque François-Xavier de Donnea faisait connaître, fin janvier, son intention de relancer le groupe de travail sur le fonctionnement des institutions bruxelloises, celui-ci se trouvait d’une certaine façon placé au centre de la politique belge. Du résultat de ses travaux allait peut-être dépendre le vote des lois spéciales qui devaient concrétiser les accords du Lambermont. Le débat bruxellois se trouvait placé dans un contexte politique plus large. Il convient d’examiner les positions adoptées par les partenaires néerlandophones et francophones de ce débat avant qu’elles ne retournent à la table des négociations.

Le contexte

La pression sur le groupe de travail

59Pour être adoptés, les projets de lois spéciales concrétisant les accords du Lambermont doivent obtenir une majorité dans chaque groupe linguistique de chacune des deux Chambres (Chambre et Sénat), à la condition que la majorité des membres de chaque groupe se trouve réunie et pour autant que le total des votes positifs émis dans les deux groupes linguistiques atteigne les deux tiers des suffrages exprimés. Les partis signataires des accords disposaient en principe de cette majorité.

60Cependant, le vote des lois spéciales se trouvait hypothéqué à la Chambre par les réactions de la composante FDF de la Fédération PRL FDF MCC (2 députés) et, surtout, de la Volksunie (8 députés).

61Le 23 janvier 2001, le FDF faisait savoir qu’il ne voterait pas les articles relatifs au transfert aux Régions de la réglementation organique des provinces et des communes lors du vote du projet de loi spéciale portant transfert de diverses compétences aux Régions et Communautés.

62La Volksunie, de son côté, apparaissait divisée. Son président, Geert Bourgeois, s’opposait à l’accord signé par les deux négociateurs de son parti, Bert Anciaux (ministre flamand de la Culture) et Patrick Vankrunkelsven (précédent président de la Volksunie, sénateur et coprésident de la Conférence intergouvernementale et interparlementaire du renouveau institutionnel). Le bureau de la Volksunie approuvait les accords le soir du 24 janvier, mais quatre de ses huit députés s’y opposaient et Geert Bourgeois démissionnait de son mandat de président le 26 janvier. Le rapport de forces entre pragmatiques et fondamentalistes basculait toutefois lors du vote du conseil du parti dans la nuit du 30 au 31 janvier 2001 et les accords y étaient rejetés par 69 voix contre 61. L’espoir de voir la Volksunie voter les accords n’était cependant pas totalement écarté et la recherche des suffrages de ce parti fut à ce moment privilégiée par rapport à toute autre voie telle, par exemple, une négociation avec le PSC. Le président du VLD, Karel De Gucht allait ainsi mener une mission de médiation auprès d’une délégation de la Volksunie conduite par son ancien président Geert Bourgeois. Il apparut que le vote des élus de la Volksunie pourrait être obtenu s’il était répondu à la revendication exprimée lors du conseil de ce parti du 9 décembre 2000 d’une représentation garantie des Flamands au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale. Le groupe de travail sur le fonctionnement des institutions bruxelloises se trouvait de ce fait investi d’une lourde responsabilité : le vote des accords du Lambermont était suspendu à ses résultats  [43]. Aussi plusieurs personnalités politiques francophones soulignaient-elles l’enjeu que représentait le vote des accords du Lambermont. Le 15 février 2001, le ministre du Budget de la Communauté française, Rudy Demotte, déclarait « sans l’exécution des accords du Lambermont, la Communauté française se retrouvera dans une position très difficile, voire insurmontable Ibid. »  [44]

63Le ministre-président de la Communauté française, Hervé Hasquin, soulignait à propos de la Corée bruxelloise que « tout le monde mesure l’importance de l’enjeu » et il écartait les préoccupations francophones relatives à la régionalisation de la loi communale pour la périphérie. Pour lui, le projet de loi spéciale reprenait toutes les exceptions et protections concernant les communes à facilités. Pour le reste, il considérait que les francophones qui s’installent en Flandre doivent savoir qu’ils s’installent en Flandre et il évoquait à ce sujet les colonies juives en Palestine  [45] ! Les présidents Di Rupo (PS) et Michel (Fédération PRL FDF MCC) montaient également au créneau pour insister sur l’importance pour les francophones que soient votés les accords du Lambermont  [46].

La position de François-Xavier de Donnea

64Dès le 25 janvier 2001, François-Xavier de Donnea avait informé ses collègues du gouvernement bruxellois de son intention de réunir à nouveau le groupe de travail sur le fonctionnement des institutions bruxelloises  [47].

65Le 1er février, il faisait connaître sa position par rapport à la reprise de la négociation bruxelloise à l’émission de la radio de la RTBF , Matin Première, dont il était l’invité, et à La Libre Belgique. À cette occasion, il rappelait l’enjeu proprement bruxellois des travaux de son groupe, indépendamment des accords du Lambermont.

66Il mettait en évidence le fait que non seulement les Flamands mais également les francophones, avaient intérêt à aboutir à un résultat positif afin que les institutions bruxelloises ne soient pas bloquées. Faisant état de contacts bilatéraux pour déminer le terrain, il confirmait sa volonté de réunir le groupe de travail dans la seconde moitié de février et il exprimait son souhait d’aboutir avant l’été. En ce qui concerne les sujets à aborder, il affirmait vouloir s’en tenir strictement aux deux points contenus dans l’accord gouvernemental bruxellois : trouver une formule qui évite un blocage des institutions bruxelloises, d’une part, améliorer les possibilités de travail des représentants flamands au sein des assemblées régionales bruxelloises – ce qui pose la question du nombre de représentants flamands dans ces assemblées –, d’autre part.

67« Et si on veut charger davantage la barque, il est certain qu’on ne réussira pas » déclarait-il au micro de Jean-Pierre Jacqmin, le journaliste de Matin Première. En se campant sur cet ordre du jour, le président du groupe de travail signifiait son refus de céder à une nouvelle exigence flamande qui aurait voulu intégrer la représentation flamande au niveau des communes bruxelloises dans le champ des discussions. Il se recentrait aussi par rapport à ses prises de position antérieures en opérant une séparation entre la négociation bruxelloise et la situation des francophones de la périphérie. La négociation était à ses yeux confrontée à deux tabous : la volonté flamande de ne pas toucher aux mécanismes de double majorité (pour l’élection et la censure du gouvernement, pour le vote des ordonnances bicommunautaires) et l’attachement francophone au principe ‘un homme, une voix’. Il revenait sur sa proposition de l’année précédente – qu’il admettait très complexe – , laquelle avait essayé de tenir compte de ces deux contraintes.

68Le 2 février, le président de la Fédération bruxelloise du PS, Philippe Moureaux, adoptait une position analogue dans une interview accordée au journal Le Soir. Le dirigeant socialiste soulignait également l’intérêt de tous les démocrates de Bruxelles à ce que le groupe de travail dégage une solution. Il s’en tenait également aux sujets décidés par le gouvernement bruxellois, jugeant dangereux de vouloir élargir le débat en effectuant un parallélisme avec la situation de la périphérie. Enfin, il se montrait moins critique que précédemment à l’égard de la proposition de Donnea, tout en rappelant la voie lancée par son parti et Écolo, à savoir la possibilité de constituer des listes bilingues.

Le problème de la périphérie

69François-Xavier de Donnea et Philippe Moureaux avaient écarté la situation des francophones de la périphérie de l’agenda du groupe de travail sur le fonctionnement des institutions bruxelloises. Toutefois, il était clair qu’un apaisement de la situation en périphérie serait de nature à faciliter le travail du groupe bruxellois alors que le FDF et le PSC dénonçaient les vexations faites aux francophones de ces communes.

70La déclaration du président du VLD, Karel De Gucht, à l’émission de la VRT De zevende dag le 29 janvier 2001, qualifiant la circulaire Peeters de « tracasserie » laissait espérer un tel apaisement. Le 30 janvier, invité de l’émission de la RTBF Matin Première, le ministre libéral flamand du gouvernement bruxellois, Guy Vanhengel, déclarait à son tour que cette circulaire était perçue par un bon nombre de néerlandophones comme une tracasserie administrative. Mais cette attitude de pacification n’était pas partagée par tous les responsables politiques flamands. Le ministre des Affaires intérieures du gouvernement flamand, Johan Sauwens (VU), qui sera amené à démissionner le 11 mai 2001 suite à la révélation de sa participation à une réunion du Sint-Marteensfonds, association d’anciens collaborateurs, annonçait le 7 février 2001 qu’il avait chargé le gouverneur du Brabant flamand d’envoyer un commissaire spécial à Wezembeek-Oppem pour veiller au remboursement de la taxe sur les déchets créditée en 1998. En effet, la commune de Wezembeek-Oppem avait envoyé les courriers invitant à payer la taxe en néerlandais et en français selon le rôle linguistique des habitants, alors que la circulaire Peeters oblige les autorités des communes à facilités à envoyer tout document en néerlandais, les francophones devant introduire une demande pour l’obtenir en français. La décision du ministre Sauwens était immédiatement qualifiée par le FDF de « coup mortel aux accords de la Saint-Polycarpe »  [48]. La tension retomba suite à une rencontre entre le ministre Sauwens et le bourgmestre de Wezembeek-Oppem, François Van Hoobrouck, le 12 février qui aboutissait à une solution technique en attendant l’arrêt du Conseil d’État. L’incident était cependant révélateur du risque d’une flambée communautaire susceptible de porter atteinte à la négociation communautaire.

Le remplacement de François-Xavier de Donnea par Daniel Ducarme

71Le samedi 10 février 2001, La Libre Belgique créait la surprise en annonçant le remplacement de François-Xavier de Donnea par Daniel Ducarme à la tête du groupe de travail sur le fonctionnement des institutions bruxelloises. L’information fut reprise le 12 février par les autres journaux et confirmée le même jour par François-Xavier de Donnea, qui justifiait son retrait par son accession au poste de ministre-président de la Région de Bruxelles-capitale. Dans ces conditions, expli-quait-il, il lui serait désormais difficile de lancer des idées qui n’auraient pas recueilli un consensus au sein de l’exécutif qu’il préside. Il estimait par ailleurs souhaitable d’impliquer aussi l’opposition démocratique. Pour ces raisons, il jugeait préférable de porter la négociation au niveau des partis démocratiques bruxellois et de ne pas y impliquer le gouvernement régional. Il voyait dans le poids politique de Daniel Ducarme, fraichement élu conseiller communal à Schaerbeek, un élément de nature à contribuer à l’avancement des travaux et il effectuait un parallélisme avec la mission de déminage confiée du côté flamand au président du VLD, Karel De Gucht.

72Ce changement confirmait , de façon différée, les bruits lancés début décembre à propos du départ de François-Xavier de Donnea de la présidence du groupe de travail (cf. supra) et suscita certaines interrogations. En effet, lors de la rentrée de janvier, François-Xavier de Donnea se déclarait « maître des manœuvres »  [49] et rien ne laissait présager qu’il céderait sa place un mois plus tard. Le 1er février 2001, dans ses déclarations à la presse, il définissait précisément les orientations qu’il allait imposer au groupe de travail. Et aux journalistes de La Libre Belgique, Olivier Mouton et Pascal Sac, qui lui demandaient s’il allait continuer à présider ce groupe, s’il n’y avait plus d’hésitations, il répondait : « L’accord de gouvernement prévoit que son formateur le préside.

73Soit votre serviteur. Ce n’est pas sans péril. Mais à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. Je suis prêt à assumer le péril. »  [50] La pression mise sur le groupe de travail par les problèmes de majorité liés à l’adoption des accords du Lambermont ne l’avait pas déstabilisé et il paraissait garder fermement le contrôle de la situation, notamment lorsqu’il déclarait à propos des revendications de la Volksunie : « Je n’ai jamais eu l’habitude de gouverner sous pression de chantages, quels qu’ils soient. »  [51] Il devient dès lors logique de penser que le départ de François-Xavier de Donnea relevait d’une décision prise au niveau des instances dirigeantes du PRL. Il semble que Daniel Ducarme se soit positionné pour reprendre le flambeau et il aurait eu, selon La Libre Belgique, des contacts officieux avec des personnalités telles que le Premier ministre Guy Verhofdstad et le ministre bruxellois Jos Chabert (CVP) pour les convaincre de la pertinence de sa candidature  [52].

74La désignation de Daniel Ducarme fut diversement accueillie. Les partis flamands se cantonnèrent dans une prudente réserve, à l’exception de Jos Chabert qui trouva positif que le PRL fasse descendre l’un de ses poids lourds dans l’arène  [53].

75Écolo ne cachait pas sa satisfaction estimant que « sans majorité dans son gouvernement sur la Saint-Polycarpe et s’aventurant imprudemment dans des déclarations sur le non besoin de refinancement de Bruxelles, le ministre-président devait passer la main »  [54]. L’un de ses trois secrétaires fédéraux, Jacques Bauduin, parlait d’une « erreur de casting » corrigée et voyait dans le choix du président du PRL une « signification claire quant à la volonté d’apaisement »  [55].

76Le partenaire socialiste se montrait plus circonspect. Cela ne nous paraît guère étonnant dans la mesure où nous avions constaté, sur base de leurs propos tenus au début du mois de février, que François-Xavier de Donnea et Philippe Moureaux abordaient la négociation bruxelloise avec une approche semblable (mise en évidence de l’enjeu bruxellois, refus de « charger la barque »). Aussi, sans s’opposer à l’arrivée de Daniel Ducarme, Philippe Moureaux exigeait immédiatement une clarification de l’ordre du jour du groupe de travail, plus particulièrement en ce qui concerne « les surenchères d’Olivier Maingain »  [56]. Le chef de file socialiste fut d’ailleurs l’une des premières personnalités à être reçues par Daniel Ducarme (dès le 13 février). Le PSC considérait la désignation du président du PRL comme « une lourde sanction pour Monsieur de Donnea ».

77Benoît Cerexhe déplorait que le débat bruxellois fût désormais placé « sous la tutelle de négociateurs fédéraux » et craignait que les solutions qui se dégageraient serviraient d’abord l’intérêt du gouvernement fédéral avant celui des Bruxellois  [57].

78Hébergé dans les locaux du Conseil de la Région de Bruxelles-capitale, le nouveau président du groupe de travail s’attelait immédiatement à la tâche. Il confirmait qu’il s’en tiendrait, pour l’agenda des travaux, à ce qui avait été convenu dans la déclaration gouvernementale. Il annonçait qu’il ferait d’abord un tour des différents partenaires avant de réunir le groupe de travail. Sans vouloir se laisser enfermer dans un calendrier, il n’excluait pas des avancées pour Pâques  [58].

Les positions néerlandophones et francophones avant la reprise des négociations

Les positions néerlandophones

79Nous avons constaté l’impatience des partis flamands au sujet de la reprise des séances du groupe de travail bruxellois. Nous avons également relevé, lors de la première phase des travaux, leur attachement à l’agenda des travaux tel que défini dans l’accord gouvernemental (donc le refus d’y aborder la question de la périphérie) et leur opposition à ce que l’on remette en cause les mécanismes de double majorité. Ils ne variaient pas sur ces points. L’accord sur la régionalisation de la loi communale, plus que de véritablement les inquiéter quant au maintien de leurs garanties au niveau des communes bruxelloises, avait surtout pour effet de raviver une de leurs préoccupations par rapport à la situation institutionnelle bruxelloise, à savoir leur faible participation à la gestion des pouvoirs locaux bruxellois. Ce thème n’allait cesser d’influencer leur position par rapport à la négociation bruxelloise. Ils s’étaient mis d’accord sur l’établissement d’un cahier de revendications à l’égard du pouvoir fédéral, portant à la fois sur une amélioration de leur représentation dans les pouvoirs locaux bruxellois et sur les moyens d’empêcher que leurs garanties existantes ne puissent être remises en cause par les francophones après la régionalisation de la loi communale. Mais ils laissaient apparaître des hésitations quant à l’opportunité d’aborder leur présence au niveau communal dans le cadre des débats du groupe de travail bruxellois.

80Le débat du Conseil de la Région de Bruxelles-capitale du 1er février 2001 sur l’accord du Lambermont-bis avait été l’occasion de débats assez vifs entre le CVP et les autres formations démocratiques flamandes, en particulier le VLD. Le ministre Vanhengel (VLD) y exprimait ses soupçons à l’égard du CVP – hostile aux accords du Lambermont- de vouloir « saboter toute solution », « charger la barque pour qu’elle ne puisse gagner le port »  [59].

81Le lendemain, la discussion fut plus sereine à l’Assemblée de la Commission communautaire flamande. Le débat fut lancé par une interpellation d’une parlementaire du CVP, Brigitte Grouwels, sur la suite que le collège avait donnée aux résolutions votées par l’Assemblée le 9 juin 2000 et le 19 décembre 2000. Le parlementaire de la Volksunie, Sven Gatz, évoquait la différence de conception entre Flamands et francophones. Les premiers considèrent qu’il y a un équilibre entre la position des Flamands à Bruxelles et celle des francophones dans la Belgique fédérale. Les seconds pensent que la position des Flamands à Bruxelles doit être comparée avec celle des francophones de la périphérie. Il constatait avec regret que, lors de la négociation d’octobre du Lambermont, la Flandre avait privilégié son intégrité territoriale – donc son pouvoir dans la périphérie – à la position des Flamands de Bruxelles. Il appelait à une unanimité flamande pour faire respecter l’accord gouvernemental bruxellois au moment d’aborder les travaux de la ‘mini-Costa’  [60]. Rufin Grijp (SP) en appelait également à une stratégie commune des partis démocratiques flamands de Bruxelles  [61].

82Toutefois, si les élus démocratiques flamands de Bruxelles s’entendaient sur l’exigence d’une représentation garantie aux niveaux régional et local, l’opportunité de présenter la représentation garantie à l’échelon communal à la Costa bruxelloise était sujette à discussion.

83Rufin Grijp, considérant la position flamande plus solide que précédemment à la Costa bruxelloise, estimait qu’il ne fallait pas hésiter à mettre la pression sur les exigences flamandes en matière de représentation dans les communes, les CPAS et les conseils de police  [62]. Brigitte Grouwels (CVP), qui avait jusque-là privilégié une démarche au niveau fédéral en ce qui concerne la représentation dans les pouvoirs locaux, ne s’y opposait pas mais exigeait alors que la réalisation des revendications contenues dans la résolution soit garantie et qu’un calendrier clair soit défini. Pour elle, l’affaire devait être réglée avant le vote des projets de loi appliquant les accords du Lambermont  [63]. D’autres orateurs se montraient plus dubitatifs, dont Sven Gatz, chargé de rédiger un nouveau projet de motion destiné à unifier les positions flamandes en vue de la reprise de la négociation bruxelloise  [64].

84La motion était adoptée par l’Assemblée de la Commission communautaire flamande le 16 février 2001. Son auteur principal, Sven Gatz, rappelait que la représentation minimale au niveau régional, prévue dans l’accord gouvernemental bruxellois, restait la première exigence  [65]. Son contenu apparaissait comme relativement souple, laissant une marge de manœuvre pour la négociation. En effet, si la motion exigeait que le gouvernement régional bruxellois exécute l’accord gouvernemental en ce qui concerne la représentation des deux groupes linguistiques au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale, elle n’exigeait pas que la présence flamande au sien des autorités locales soit abordée dans les négociations du groupe de travail bruxellois. Elle se bornait à exiger que ce point soit garanti dans une loi spéciale et que la Costa bruxelloise devienne un organe permanent de concertation pour le traitement des propositions en rapport avec les administrations locales  [66].

85Deux jours plus tard, le 17 février 2001, Karel De Gucht (VLD) et Geert Bourgeois (VU) faisaient part dans les colonnes du Standaard de l’accord auquel ils étaient parvenus pour rallier la Volksunie au vote des projets de loi. Les deux négociateurs estimaient que le groupe de travail bruxellois devait aboutir à un accord avant Pâques offrant des garanties substantielles pour la représentation des Flamands aux « divers niveaux » à Bruxelles. L’exigence d’une représentation flamande au niveau communal suscita les réactions des partis francophones, qui affirmaient vouloir s’en tenir à l’agenda tel qu’il était défini dans l’accord gouvernemental.

86Dans une interview accordée au Matin, le 24 février 2001, le président de l’Assemblée de la Commission communautaire flamande, Jean-Luc Vanraes (VLD), se voulait conciliant. Il soulignait que la nouvelle motion votée par son assemblée réclamait essentiellement une meilleure représentation flamande au niveau parlementaire et précisait que si l’exigence d’une représentation flamande au niveau communal restait entière, elle ne faisait pas partie des revendications immédiates des Flamands à la Costa bruxelloise. Cette dernière devrait devenir un forum de rencontre plus ou moins permanent qui permettrait par la suite d’aplanir tous les problèmes. La Costa bruxelloise aboutirait donc, selon lui, si un accord intervenait sur la représentation flamande au Conseil régional et cela devrait suffire à rallier les voix de la Volksunie.

87À ce stade, les Flamands de Bruxelles se partageaient donc entre ceux qui, sans renoncer à l’exigence d’une meilleure représentation au niveau local bruxellois, estimaient plus sage de s’en tenir à l’agenda initial du groupe de travail et ceux qui voulaient ajouter immédiatement le thème de la représentation flamande dans les communes bruxelloises à son ordre du jour.

Les positions francophones

88François-Xavier de Donnea, puis son remplaçant Daniel Ducarme, avaient défini leur position par rapport à la reprise des travaux du groupe de travail. Il s’agissait pour eux de s’en tenir à ce qui avait été défini dans l’accord de gouvernement bruxellois. La discussion devait donc porter sur la menace de blocage des institutions bruxelloises et sur la représentation flamande dans les assemblées bruxelloises. Ce faisant, ils écartaient de l’ordre du jour du groupe de travail, la situation des francophones de la périphérie et la représentation flamande dans les communes. Au cours du débat du Conseil de la Région de Bruxelles-capitale du 1er février 2001, le président du groupe PRL FDF, le libéral Marc Cools se prononçait également pour le respect de l’accord gouvernemental. Il soulignait toutefois l’attachement des francophones au respect du suffrage universel et au principe ‘un homme, une voix’. Sans demander l’inscription du refinancement de Bruxelles à l’agenda du groupe de travail, il considérait cependant que les Bruxellois devaient rester demandeurs pour parvenir à financer l’ensemble des charges liées au rôle de capitale  [67].

89Philippe Moureaux déterminait clairement la position socialiste dans une interview dans Le Soir du 2 février. Celle-ci rejoignait celle de François-Xavier de Donnea dans la volonté de s’en tenir strictement à ce qui était contenu dans l’accord de gouvernement. Les accords du Lambermont n’étaient évidemment pas sans influence sur la détermination des partis francophones représentés à la fois aux gouvernements fédéral et régional bruxellois, le PRL et le PS. Si l’on avait pu avancer que l’agenda des travaux fixé au moment du démarrage du groupe de travail n’offrait peut-être pas d’espaces suffisants de négociation pour tenir davantage compte des préoccupations francophones, la situation se présentait différemment à l’ouverture de la deuxième phase des travaux. En effet, en prévoyant le refinancement des Communautés, les accords du Lambermont apportaient une réponse satisfaisante à l’une des premières préoccupations des francophones bruxellois, même si d’autres préoccupations restaient entières, voire pour certaines étaient amplifiées (comme la situation des francophones de la périphérie).

90Mais le FDF allait plus loin que le PRL dans sa conception des travaux de la Corée bruxelloise. Au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale, Isabelle Gélas définissait trois impératifs pour le FDF. Si le premier de ceux-ci – le respect du principe un homme, une voix – rejoignait la position libérale, les deux autres – le refus de la reconnaissance du Vlaams Blok comme groupe politique au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale et l’exigence d’un parallélisme entre toute reconnaissance de nouveaux droits aux Flamands de Bruxelles et des avancées du même ordre pour les francophones de la périphérie – n’étaient pas défendus par leur partenaire libéral de la fédération  [68]. Un autre élu FDF, Jean-Pierre Cornélissen opposait une très nette fin de non-recevoir aux revendications flamandes relatives aux communes qui avaient été formulées dans la motion de l’Assemblée de la Commission communautaire flamande le 19 décembre 2001  [69].

91Écolo affirmait sa volonté de voir avancer le groupe de travail bruxellois sur son ordre du jour. Mais les verts francophones faisaient état de leurs réticences à gonfler le nombre de députés bruxellois ainsi qu’à faire élire par cooptation des non-Bruxel-lois. Et, surtout, ils voulaient ajouter à l’ordre du jour les questions de financement et de statut de Bruxelles  [70] .

92Le PSC voulait encore davantage « charger la barque » . Dans une lettre au président du groupe de travail, Daniel Ducarme, la présidente du PSC, Joëlle Milquet, et le président de groupe au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale, Benoît Cerexhe, exigeaient que l’on aborde également au groupe de travail la problématique du refinancement de Bruxelles, la situation des francophones de la périphérie, la ratification de la convention-cadre sur la protection des minorités et l’autonomie constitutive à accorder à la Région de Bruxelles-capitale. Ils estimaient qu’« il serait indécent que Bruxelles soit contrainte et forcée de couvrir les seuls intérêts de la négociation institutionnelle fédérale »  [71].

La seconde phase de réunions du groupe de travail

93Alors que la reprise des réunions du groupe de travail sur le fonctionnement des institutions bruxelloises était imminente, l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi spéciale portant transfert de diverses compétences aux Régions et Communautés, transmis au gouvernement le 1er mars, mais dont la teneur avait été révélée par la presse dès le 22 février, s’avérait critique sur plusieurs points, notamment la régionalisation de la réglementation organique des provinces et des communes. Pour le Conseil d’État, un tel transfert de compétences impliquait, préalablement, de réviser l’article 162 de la Constitution. Cet avis confortait les opposants francophones à l’accord. La présidente du PSC, Joëlle Milquet mettait en garde : « En violant de la sorte la Constitution, le gouvernement démontrera qu’il se moque autant de la charte fondamentale du pays que de la protection des droits élémentaires des francophones de la périphérie. »  [72] Quant au président du FDF, Olivier Maingain, il estimait que « la position du FDF sort renforcée de l’avis du Conseil d’État »  [73]. Mais cela n’entamait point la détermination des partisans des accords, le vice-Premier ministre Louis Michel (Fédération PRL FDF MCC) déclarant notamment : « Il y a eu, par le passé, des avis clairs du Conseil d’État, avec lesquels des majorités spéciales ont parfois pris certaines libertés. Parce qu’une décision prise aux deux tiers des parlementaires revêt aussi une grande légitimité. »  [74]

94C’est dans ce contexte que, après un faux départ – une réunion annoncée le 5 mars avait été postposée – , le groupe de travail bruxellois reprenait ses séances le 23 mars 2001.

95Il était composé des membres suivants :

  • du côté francophone : outre le président du groupe de travail, Daniel Ducarme (PRL), Olivier Maingain (FDF), Jacques Simonet (PRL) et Claude Desmedt (FDF) représentaient la Fédération PRL FDF MCC (Marc Cools allait suppléer un moment Jacques Simonet). Philippe Moureaux et Anne-Sylvie Mouzon représentaient le PS. Evelyne Huytebroeck et Claude Adriaen représentaient Écolo. Benoît Cerexhe représentait le PSC ;
  • du côté néerlandophone : Brigitte Grouwels, Jos Chabert et Walter Vandenbossche représentaient le CVP. Guy Vanhengel (VLD), Sven Gatz (VU-
    ID21) et Jean-Luc Vanraes (VLD) représentaient le groupe politique VLD VU O.
    Rufin Grijp (SP) et Adelheid Byttebier (Agalev) représentaient le groupe politique SP AGA.
De Financieel Economische Tijd du 23 mars 2001 faisait le point de la situation en rappelant que les partis flamands ne voulaient pas seulement parler d’une meilleure représentation flamande au Parlement, comme convenu dans l’accord gouvernemental bruxellois, mais aussi d’une meilleure représentation dans les communes bruxelloises. Il ajoutait cependant que, dans les milieux libéraux, on souhaitait d’abord travailler à une meilleure représentation au niveau régional, de manière à concrétiser l’accord gouvernemental, et à reporter à plus tard la négociation sur des exigences complémentaires.

96Le contexte fédéral pesait sur le débat bruxellois. Ainsi, la Volksunie devait arrêter le 21 avril sa position définitive sur les accords du Lambermont, en tenant compte, bien sûr, des résultats des travaux du groupe de travail bruxellois.

Le démarrage

La première réunion (23 mars 2001)

97Le vendredi 23 mars, le groupe de travail établissait son agenda. Le président Daniel Ducarme indiquait qu’il y avait unanimité pour se concentrer sur la concrétisation non plus de deux, mais de trois points prévus dans l’accord régional de majorité : régler la représentation adéquate des néerlandophones dans les institutions régionales bruxelloises, dégager une solution qui permette d’éviter le blocage des institutions bruxelloises et régler la question des droits de tirage des commissions communautaires dans une perspective récurrente. L’inscription de ce dernier point à l’agenda du groupe de travail rencontrait la préoccupation plus spécifiquement francophone de l’accord gouvernemental bruxellois : selon l’esprit d’équilibre de l’accord gouvernemental, le financement régional des matières communautaires (qui profite à 80 % à la Commission communautaire française) était lié au règlement du problème de la représentation flamande dans les assemblées régionales bruxelloises. Des montants avaient été prévus pour 2000 et 2001 afin de couvrir le temps de la négociation.

98Pour les francophones, la signature d’un accord entre francophones et néerlandophones bruxellois sur la représentation flamande entraînait automatiquement la récurrence de ce financement au delà de 2001. Il semble que ce troisième point ait été inclus dans l’agenda des travaux le 23 mars car à cette date le groupe se savait contraint d’aboutir rapidement à un accord global

99La poursuite des discussions sur base de cet ordre du jour était fixée aux 17 et 18 avril 2001. Le groupe de travail devait ensuite évaluer l’opportunité de poursuivre la négociation sur d’autres domaines intéressant Bruxelles. Ces derniers ne manquaient pas. Alors que les Flamands souhaitaient aborder la question de leur représentation dans les communes, certains partis francophones voulaient discuter du refinancement de Bruxelles (Écolo, PSC) ou des limites de la Région (PSC, FDF). Les socialistes francophones, quant à eux, refusaient d’aller au-delà des trois points de l’ordre du jour.

La concertation francophone du 6 avril 2001

100Contrairement aux partis démocratiques flamands qui s’étaient mis d’accord sur un tronc commun d’exigences avant de retourner aux réunions du groupe de travail, les partis francophones ne revenaient pas à la négociation avec une position commune.

101Le 2 avril, les députés régionaux du PSC, Benoît Cerexhe et Denis Grimberghs, lançaient « un appel aux partis francophones de Bruxelles pour rédiger rapidement un cahier de revendications à présenter au gouvernement fédéral, en contrepartie naturelle du cahier de revendications flamand ». Les élus du PSC engageaient les francophones à s’adresser au niveau fédéral, à l’instar de ce qu’avaient fait les néerlandophones, pour lui présenter certains points tels que la situation des francophones de la périphérie ou le financement des charges spécifiques liées au rôle de capitale de Bruxelles [75].

102Une concertation francophone eut bien lieu mais sans le PSC et en l’absence de Daniel Ducarme qui entendait rester au-dessus de la mêlée. Les sociaux-chrétiens francophones n’y furent pas conviés parce qu’ils ne soutenaient pas les accords du Lambermont. En dépit de son opposition aux accords, le FDF y fut invité, en tant que membre de la Fédération PRL FDF MCC et parce qu’on entendait lui demander de clarifier sa position. Le PRL FDF, le PS et Écolo se retrouvèrent le vendredi 6 avril au château du Karreveld à Molenbeek-Saint-Jean (commune dont le bourgmestre est Philippe Moureaux). Ils s’accordèrent sur les propositions suivantes au groupe de travail : le refinancement de la Commission communautaire française, le refus des élus supplémentaires qui ne soient pas bruxellois ainsi que d’un Conseil de la Région de Bruxelles-capitale pléthorique, la suppression de la double majorité comme solution en cas de blocage des institutions bruxelloises.

103Une nouvelle concertation francophone, avec cette fois le PSC, eut lieu dans la matinée du 17 avril.

Le blocage

La réunion de Val-Duchesse

104Le 17 avril après-midi, la deuxième réunion du groupe de travail, tenue au château de Val-Duchesse, était interrompue après une heure. Le président Ducarme avait proposé une discussion sur trois points : le refinancement « récurrent et satisfaisant » de la Commission communautaire française et de la Commission communautaire flamande, la représentation des néerlandophones au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale et les moyens d’empêcher le blocage des institutions par l’extrême droite. Mais les partenaires flamands considéraient le refinancement « récurrent et satisfaisant » des commissions communautaires comme un point nouveau inscrit à l’ordre du jour et ils exigeaient de ce fait que l’on aborde également la représentation flamande dans les communes. Pour eux, en effet, le refinancement de la Commission communautaire française et de la Commission communautaire flamande n’avait été prévu que pour 2000 et 2001. Les francophones avaient un point de vue radicalement différent. Ils estimaient que le refinancement avait été explicitement prévu pour 2000 et 2001, le temps de la négociation, et qu’il devait devenir récurrent une fois l’exigence de représentation flamande au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale rencontrée. Les négociateurs flamands jouaient donc sur une imprécision dans l’accord gouvernemental bruxellois  [76]. Pourtant, les partis francophones avaient toujours affirmé, sans être contredits par les Flamands, que ce refinancement deviendrait récurrent si un accord intervenait sur la représentation flamande. Leur interprétation de l’accord avait été exprimée publiquement à certaines occasions. Ainsi, Evelyne Huytebroeck, représentante d’Écolo lors de l’élaboration de l’accord gouvernemental, avait-elle clairement exposé sa conception de l’accord au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale, le 10 novembre 2000. Selon elle, le refinancement des commissions communautaires pourrait être remis en cause si aucune solution n’était intervenue sur la représentation flamande à l’été 2001. François-Xavier de Donnea, lors de l’émission Matin première de la RTBF du 1er février 2001, avait également affirmé que c’était dans l’hypothèse où le groupe de travail n’arriverait pas à résoudre les deux points de son ordre du jour (représentation flamande et parade au blocage des institutions par l’extrême droite ) que les Flamands pourraient remettre en question le refinancement de la Commission communautaire française. Le journal De Standaard du 2 février 2001 présentait d’ailleurs les enjeux de la façon suivante : « La Communauté française a besoin d’argent pour son enseignement et souhaite recevoir à peu près 800 millions de francs de la Région bruxelloise. Bien, disent les Flamands, mais alors nous demandons en échange une représentation minimale garantie au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale. » Et De Standaard d’ajouter qu’il n’y avait rien de plus à l’agenda de la Costa que l’argent bruxellois pour l’enseignement francophone et l’augmentation de la présence flamande au Parlement bruxellois « et que la chance d’y voir aborder la représentation flamande dans les communes était faible parce que l’on pouvait se demander, dans ce cas, ce que les francophones voudraient y ajouter ».

105L’argument flamand selon lequel les francophones auraient présenté une nouvelle exigence en inscrivant la question du refinancement « récurrent » de la Commission communautaire française et de la Commission communautaire flamande est donc peu convainquant. Par contre, on peut comprendre que les néerlandophones se soient inquiétés à propos du terme « satisfaisant » utilisé par les francophones, lequel pouvait laisser entendre que ceux-ci exigeraient plus que le transfert d’un milliard de francs supplémentaires de la Région vers les commissions communautaires.

106Reste à savoir pourquoi les négociateurs flamands durcissaient subitement leur position, alors que le président de l’Assemblée de la Commission communautaire flamande, Jean-Luc Vanraes (VLD), avait déclaré le 24 février au journal Le Matin que la représentation flamande au niveau communal, si elle restait une exigence entière, ne faisait pas partie des revendications immédiates des Flamands à la Costa bruxelloise. Certains ont évoqué l’accord conclu à la mi-février entre le président du VLD, Karel De Gucht, et l’ancien président de la Volksunie, Geert Bourgeois, pour rallier les voix de la Volksunie au vote des lois spéciales concrétisant les accords du Lambermont. Il y était question d’une représentation flamande aux différents niveaux de pouvoir à Bruxelles, donc aussi dans les communes. On ne peut évidemment nier l’implication de l’enjeu fédéral dans la négociation bruxelloise. La présidente du groupe Écolo au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale, Evelyne Huytebroeck constatait que « certaines pressions fédérales ont plus que probablement provoqué l’introduction de ce point » (la représentation des échevins flamands dans les communes). Et elle ne niait pas que « le poids du niveau fédéral sur Bruxelles a contribué à compliquer nos négociations et particulièrement les contraintes posées par la VU » [77]. Mais il faut aussi se reporter aux positions exprimées antérieurement par les Flamands de Bruxelles. Nous avons vu que leur présence dans les pouvoirs locaux bruxellois était une de leurs préoccupations importantes et que, depuis les élections législatives de 1999, ils avaient voté trois motions sur ce point à l’Assemblée de la Commission communautaire flamande avant et après les élections communales (9 juin 2000,19 décembre 2000 et 16 février 2001).

107Le rôle central imparti au groupe de travail bruxellois dans le processus d’adoption des accords du Lambermont et les appels répétés de personnalités politiques francophones à contribuer à la réussite de ces accords pour préserver la viabilité de la Communauté française avaient convaincu certains négociateurs flamands – tel Rufin Grijp (SP) – qu’ils se trouvaient en position de force pour imposer ce sujet à l’ordre du jour de la Costa bruxelloise. S’il y avait unanimité des Flamands de Bruxelles sur l’exigence d’une représentativité accrue au niveau communal, un flou subsistait dans la motion votée par l’Assemblée de la Commission communautaire flamande quant à la stratégie à adopter : elle ne précisait pas si la question devait être traitée au groupe de travail. Cette imprécision peut expliquer la volte-face constatée. La pression du CVP n’est sans doute pas négligeable dans cette crispation flamande. En effet, ce parti, membre de la majorité régionale bruxelloise mais relégué dans l’opposition au niveau fédéral, est hostile aux accords du Lambermont. Il se trouvait donc dans une situation inconfortable de nature à le pousser à une radicalisation. L’une de ses figures de proue dans les assemblées bruxelloises, Brigitte Grouwels, avait accueilli favorablement la proposition de Rufin Grijp – partisan d’aborder la représentation flamande au niveau communal à la Costa bruxelloise – d’élaborer une stratégie commune des Flamands de Bruxelles, pour autant qu’un calendrier précis soit défini. La parlementaire du CVP refusait donc que la question de la représentation flamande au niveau local soit traitée ultérieurement. On peut donc raisonnablement penser que le CVP a fait pencher la balance du côté de ceux qui estimaient la situation propice à forcer le groupe de travail à intégrer ce sujet dans les points devant être traités immédiatement.

108Suite à ce blocage, le président Daniel Ducarme suspendait la séance, tout en décidant de maintenir la négociation au niveau bruxellois malgré l’attention particulière que lui accordait le Premier ministre Guy Verhofstadt. Il allait recevoir les négociateurs flamands et francophones séparément avant de convoquer une nouvelle réunion .

Les réunions des délégations flamande et francophone et leurs suites

109Le mercredi 18 avril après-midi, Daniel Ducarme recevait successivement les délégations flamande et francophone.

110Les représentants du CVP, du groupe VLD VU O et du groupe SP AGA sortaient plutôt satisfaits de leur réunion avec le président, lequel n’avait pas exclu d’élargir l’agenda des discussions. Le président du groupe de travail faisait alors distribuer un communiqué de presse indiquant que « sur base des contacts établis, les conditions sont réunies afin de poursuivre les travaux (…) qui prendront, au moment opportun, la forme qu’il convient », alors qu’il n’avait pas encore reçu les négociateurs francophones.

111L’ouverture faite aux néerlandophones suscitait l’ire du chef de file socialiste Philippe Moureaux qui quittait précipitamment la réunion. Le PS y était cependant encore représenté par Anne-Sylvie Mouzon, laquelle refusait fermement la proposition du PRL FDF d’élargir la discussion au-delà des trois points convenus.

112Les jours suivants furent marqués par une polémique entre francophones. Dans une interview au Soir, Philippe Moureaux mettait en cause la façon de travailler de Daniel Ducarme et chargeait violemment le FDF, coupable à ses yeux d’avoir déjà fait capoter la première phase des négociations (sous la présidence de François-Xavier de Donnea) en y amenant la problématique de la périphérie. Il confirmait la position socialiste de s’en tenir aux trois points de l’ordre du jour et il affirmait que la présence garantie des Flamands au niveau communal avait été abordée et écartée lors des négociations du Lambermont. Revenir avec ce dossier supposait pour lui de rouvrir la négociation du Lambermont  [78]. Les écologistes ne se montraient guère plus tendres à l’égard de la présidence Ducarme, même s’ils estimaient qu’il fallait encore lui laisser une chance. Ils déploraient « la mauvaise foi des partenaires flamands » et se déclaraient fermes sur certaines positions francophones tout en refusant la logique de la confrontation entre communautés  [79]. Quant au président du FDF, Olivier Maingain, il répondait à Philippe Moureaux et l’accusait de jouer un jeu dangereux en cherchant à diviser la Fédération PRL FDF MCC. Il présentait le FDF comme parfaitement en phase avec le PRL et en voulait pour preuve le dépôt d’une motion conjointe à l’assemblée de la Commission communautaire française par Marc Cools (PRL) et Isabelle Gelas (FDF) « concernant l’évolution à apporter aux institutions bruxelloises »  [80]. Lors de la réunion de l’Assemblée de la Commission communautaire française du 20 avril, le président du groupe PSC, Michel Lemaire, demandait une réunion d’urgence des groupes de l’Assemblée afin de dégager des convergences francophones permettant ainsi de faire face à l’unité flamande qui s’était formée à l’Assemblée de la Commission communautaire flamande. Mais il ne fut pas suivi par les groupes de la majorité. Le 22 avril, à l’émission de la RTBF Mise au point, Daniel Ducarme annonçait la reprise des négociations pour le mercredi 24 avril. « Je resterai scotché à mon siège » déclarait-il. Le représentant du CVP, Jos Chabert, répétait à cette occasion la volonté de son parti de voir inscrire la question de la représentation flamande dans les communes à l’ordre du jour. Mais Anne-Sylvie Mouzon (PS) confirmait l’attachement de sa formation aux trois points.

113Une réunion entre les partis francophones, tenue le 23 avril, apaisait les tensions entre eux, même si les différences d’approche subsistaient. Le 24 avril, avant d’entrer en réunion, le président des libéraux bruxellois, Jacques Simonet, accordait une interview au journal Le Soir. Il souhaitait que pour la fin de la semaine l’agenda soit bouclé sur base de l’accord gouvernemental. Tout en soupçonnant certains néerlandophones de vouloir montrer « à la face du monde » que Bruxelles n’a pas la maturité pour dégager un accord en son sein, il faisait une réelle ouverture en direction des partenaires flamands. En effet, alors que le journaliste du Soir, William Bourton, l’interrogeait sur sa position concernant l’exigence d’un échevin flamand garanti, il répondait qu’il y était hostile s’il s’agissait de désigner d’office un échevin flamand quels que soient la composition des coalitions ou les rapports de force dans une commune. Mais il se déclarait prêt à discuter d’une interprétation large de la disposition légale qui permet de s’adjoindre un échevin surnuméraire dans les communes où les partis flamands participent à la majorité.

114Ajoutons encore que dans des entretiens accordés à La Libre Belgique et au Soir[81], le président intérimaire de la Volksunie, Fons Borginon, annonçait qu’en raison de l’absence de résultats de la conférence bruxelloise, le conseil de son parti, qui devait se prononcer le 21 avril sur les accords du Lambermont, reportait sa décision jusqu’au moment où les textes seraient disponibles.

Le dénouement

Les avancées des 24,25 et 26 avril

115Les négociations reprirent le 24 avril dans une ambiance constructive. Même si les divergences de vues entre Flamands et francophones relatives au contenu de l’agenda n’avaient pas disparu, le débat sur la représentation flamande dans les assemblées bruxelloises et sur les moyens d’empêcher le blocage des institutions par le Vlaams Blok avait pu s’engager. Ponctuées de longues interruptions où francophones et Flamands se réunissaient séparément, le président Ducarme passant d’un groupe à l’autre, les discussions progressaient les jours suivants. Même le tabou de la suppression des mécanismes de double majorité avait pu être évoqué dans une perspective de réduction du pouvoir de nuisance du Vlaams Blok.

116Un compromis s’ébauchait, dont Daniel Ducarme préparait le projet pour le vendredi 27 avril. Il prévoyait une amélioration de la représentation néerlandophone au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale par une hausse modérée du nombre d’élus (plus un renfort de l’Assemblée de la Commission communautaire flamande), un dispositif permettant d’éviter le blocage des institutions par un assouplissement du mécanisme de la double majorité, le refinancement récurrent et satisfaisant de la Commission communautaire française et de la Commission communautaire flamande et l’extension des votes nécessitant la double majorité aux éventuelles modifications de la loi communale après sa régionalisation. Le représentant du PSC exprimait cependant son opposition à cette esquisse d’accord la jugeant trop favorable à la minorité flamande de Bruxelles, alors qu’a été ‘oubliée’ la minorité francophone de Flandre  [82].

Nouveau blocage et négociation finale

117Le vendredi 27 avril, les partis flamands, confortés par l’ouverture lancée par Jacques Simonet, remettaient sur la table l’exigence de la représentation flamande dans les communes. Cette journée fut marquée par des interruptions, des discussions séparées et des interventions extérieures. Elle aboutissait à la mise à l’écart du PSC et du CVP et à une négociation entre partenaires de la majorité arc-en-ciel fédérale (et la Volksunie) durant la nuit du samedi 28 avril au dimanche 29 avril. Au cours de cette nuit, des négociateurs bruxellois maintinrent le contact avec des personnalités fédérales, au premier rang desquelles, le Premier ministre Guy Verhofstadt. La négociation débouchait sur un accord qui était finalisé durant la journée du dimanche 29 avril. À 17 heures, une réunion plénière du groupe de travail était convoquée au siège du Conseil de la Région de Bruxelles-capitale et l’accord, dit du Lombard y était présenté. Il portait sur les trois points mis à l’agenda le 23 mars mais rencontrait les préoccupations flamandes au sujet de leur représentation dans les communes. Il accordait un financement supplémentaire de deux milliards de FB aux Commissions communautaires française et flamande (dont un en provenance de l’autorité fédérale et l’autre en provenance de la Région de Bruxelles-capitale). En contrepartie de la concession francophone sur la présence flamande dans les communes, l’accord prévoyait le transfert d’un milliard de FB de l’autorité fédérale vers les communes bruxelloises (cf. infra l’analyse détaillée et texte complet de l’accord en annexe 2).

118Le CVP s’y opposait, jugeant les garanties offertes pour la représentation flamande dans les collèges communaux insuffisantes. Du côté francophone, le PSC et le FDF refusaient également de le signer. Benoît Cerexhe jugeait l’accord démesuré. Le président du groupe PSC comparait en effet les garanties supplémentaires accordées aux Flamands de Bruxelles au désintérêt que l’on avait témoigné à l’égard des francophones de la périphérie. Olivier Maingain, le président du FDF, considérait la fixation d’une clé « arbitraire » pour la répartition du nombre de conseillers francophones et néerlandophones au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale comme une entorse « intolérable » au suffrage universel  [83].

119La mise en évidence par certains éditorialistes de la presse francophone du chantage exercé par la Volksunie et des pressions émanant du Premier ministre amène à se demander si l’on peut toujours parler d’un compromis entre Bruxellois, comme prévu dans l’accord du gouvernement fédéral du 7 juillet 1999, ou s’il s’agit d’une solution imposée par le pouvoir fédéral.

120Il est certain que le lien entre les résultats du groupe de travail bruxellois et l’adoption des accords du Lambermont par le Parlement fédéral soumettait les acteurs bruxellois aux pressions du pouvoir fédéral et des directions de partis, favorables ou hostiles aux accords.

121Il faut également relever un déséquilibre parmi les négociateurs bruxellois, tous ne disposant pas de la même marge de manoeuvre. Ainsi, les représentants du VLD et de la Volksunie devaient visiblement obtenir l’aval du Premier ministre (pour le VLD) et de leurs instances, avec lesquels ils demeurèrent en contact durant la nuit de négociations. L’implication du Premier ministre et de présidents de partis flamands rééquilibrait les forces en présence. Car la délégation francophone comptait dans ses rangs des personnages-clés libéraux et socialistes, tels Daniel Ducarme (président du PRL), Jacques Simonet (président des libéraux bruxellois) et Philippe Moureaux (président des socialistes bruxellois). Daniel Ducarme souligna le rôle déterminant joué par ce dernier en raison de son expertise des négociations communautaires  [84]. L’état des forces au sein du groupe de travail et la nécessité de dégager des masses budgétaires fédérales pour aboutir à un compromis entre les exigences flamandes et francophones poussa les francophones à envoyer certains d’entre eux expliquer au Premier ministre les propositions qui étaient sur la table. Cela permettait à ce dernier de tester – notamment auprès de la Volksunie – la faisabilité politique du compromis qui se dessinait. Le feu vert de Guy Verhofstadt ouvrait ensuite la voie vers l’accord.

122L’enjeu fédéral du débat bruxellois et le rôle joué par le Premier ministre et certains dirigeants de partis ont évidemment pesé lourd dans la conclusion de l’accord du Lombard. Il n’en reste pas moins qu’à la base, ce sont des négociateurs bruxellois qui sont parvenus à s’entendre sur une solution qui rencontrait des préoccupations importantes des francophones et des Flamands de Bruxelles  [85].

L’accord dit du Lombard

123Plusieurs des dispositions de l’accord du Lombard ont été intégrées sous forme d’amendements dans le projet de loi spéciale portant transfert de diverses compétences aux Régions et Communautés. Ce projet de loi spéciale a été adopté en séance plénière du Sénat les 29 et 30 mai 2001. Il a été transmis à la Chambre le 31 mai 2001.

124La partie de l’accord qui concerne le refinancement de la Commission communautaire française et de la Commission communautaire flamande fait l’objet d’amendements au projet de loi spéciale portant refinancement des Communautés et extension des compétences fiscales des Régions. Au 31 mai, date de clôture de ce Courrier hebdomadaire, ce projet de loi spéciale est en cours d’examen à la Chambre.

125Une proposition de loi du 17 mai 2001 modifiant la loi du 12 janvier 1989 réglant les modalités de l’élection du Conseil de la Région de Bruxelles-capitale et la loi ordinaire du 16 juillet 1993 visant à achever la structure fédérale de l’État, déposée à la Chambre  [86], concrétise l’accord sur l’élection directe des six membres bruxellois du Conseil flamand et sur la désignation des cinq membres supplémentaires qui s’ajouteront aux dix-sept membres composant l’Assemblée de la Commission communautaire flamande de la Région de Bruxelles-capitale.

126Une proposition de loi portant diverses réformes institutionnelles relatives aux institutions locales de la Région de Bruxelles-capitale, déposée au Sénat  [87] le 9 mai 2001 et prise en considération le 10 mai 2001, vise à mettre en œuvre les dispositions de l’accord relatives aux communes. Elle a été adoptée en commission des Affaires institutionnelles le 23 mai 2001.

127L’accord du Lombard et les projets de loi qui le concrétisent sont appelés à faire l’objet d’analyses de la part de constitutionnalistes au regard, notamment, des avis du Conseil d’État. Pour notre part, nous nous bornerons à les présenter dans leur dimension politique en intégrant néanmoins la portée de certaines des remarques du Conseil d’État à ce niveau.

Mesures en vue d’empêcher le blocage des institutions

Apparentement entre listes d’un même groupe linguistique

128Afin de réduire l’impact électoral du Vlaams Blok, une première disposition consiste à instaurer une possibilité d’apparentement entre des listes du même groupe linguistique qui permette d’éviter un éparpillement des voix en surplus. En empêchant la déperdition de ces voix, on peut éventuellement en faire profiter une formation démocratique. L’idée avait été lancée par Écolo et les jeunes socialistes. Elle fut étudiée durant la négociation. Un calcul y fit apparaître qu’alors que selon le système actuellement en vigueur, une liste doit recueillir 40% des voix pour obtenir 50% des sièges du groupe linguistique néerlandais, il lui faudrait 50% des voix pour obtenir le même résultat si les autres partis flamands s’apparentaient.

Désignation des ministres et secrétaires d’État régionaux

129Ensuite, le mode de désignation des ministres et secrétaires d’État est partiellement modifié de manière à empêcher l’élection de ministres et d’un secrétaire d’État du Vlaams Blok. Rappelons que l’article 35 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises prévoit deux possibilités de désignation des ministres : soit les candidats au gouvernement sont élus s’ils sont présentés sur une même liste signée par la majorité absolue des membres du Conseil, comprenant la majorité absolue des membres de chaque groupe linguistique (art. 31 § 1er), soit le président est élu à la majorité absolue des membres du Conseil et les groupes linguistiques élisent chacun deux membres du gouvernement. Dans cette deuxième hypothèse, les présentations de candidats au gouvernement doivent être signées par au moins cinq membres du Conseil, dans le cas du président, par au moins trois membres du groupe linguistique correspondant pour les autres candidats (art. 35 § 2). Des dispositions du même type règlent l’élection des secrétaires d’État (art.41). Jusqu’à aujourd’hui, la seconde possibilité n’a pas été utilisée. Au cas où le Vlaams Blok obtiendrait la majorité absolue dans le groupe linguistique néerlandais, le système actuel permettrait à ce groupe linguistique d’élire deux ministres et un secrétaire d’État appartenant à ce parti.

130L’accord prévoit que, si un accord n’est pas intervenu pour les élire conformément aux articles 35 § 1er et 41 § 1er de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises, les ministres autres que le ministre-président et les secrétaires d’État régionaux sont élus à la majorité absolue des membres du Conseil sur présentation de la majorité absolue des membres de leur groupe linguistique. À défaut de majorité absolue des membres du Conseil, une seconde présentation est organisée après l’écoulement d’un délai d’un mois. Les ministres et secrétaires d’État régionaux sont alors élus à la majorité absolue des membres du Conseil, sur présentation de la majorité absolue des membres du groupe linguistique français ou de l’Assemblée de la Commission communautaire flamande (dont l’accord complète la composition, cf. infra), selon le cas. Cette modification des articles 35 § 2 et 41 § 3 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises permet d’éviter l’élection de ministres et d’un secrétaire d’État du Vlaams Blok (tout en n’exemptant pas les candidats néerlandophones au pouvoir exécutif régional d’obtenir l’appui d’une majorité du groupe linguistique néerlandais). En effet, les ministres et secrétaires d’État doivent, dans une première étape, obtenir une majorité dans leur groupe linguistique pour être présentés. Mais ensuite, c’est l’ensemble du Conseil – où siègent une majorité de francophones – qui les élit. Au cas où le Vlaams Blok serait majoritaire dans le groupe linguistique néerlandais, ses candidats seraient présentés par ce groupe linguistique mais ils seraient ensuite ‘recalés’ lors du vote de l’ensemble du Conseil. La seconde présentation prévue des candidats flamands – après un mois – se fait par une majorité à l’Assemblée de la Commission communautaire flamande dont l’accord renforce la composition d’une manière qui n’est pas profitable au Vlaams Blok. En effet, l’accord prévoit d’augmenter le nombre des membres de cette assemblée de cinq sièges par rapport au nombre de conseillers régionaux néerlandophones, ces membres supplémentaires devant être répartis entre les listes à la proportionnelle des sièges attribués aux listes correspondantes du Conseil flamand où le Vlaams Blok est proportionnellement moins fort que dans le groupe linguistique néerlandais du Conseil de la Région de Bruxelles-capitale.

131Corrélativement, les motions de méfiance prévues aux articles 36 § 1er, alinéa 6 et 41 § 4 de la loi spéciale relative aux institutions bruxelloises sont adoptées à la majorité absolue du groupe linguistique français ou de l’Assemblée de la Commission communautaire flamande, selon le cas.

132Ces deux premières mesures entreront en vigueur à la prochaine législature.

133Le Conseil d’État considère que l’amendement qui concrétise la partie de l’accord relative au second vote qui doit élire le cas échéant les ministres et le secrétaire d’État néerlandophones est contraire au principe démocratique selon lequel le gouvernement d’une collectivité politique doit constituer l’émanation directe ou indirecte de l’assemblée devant laquelle il est responsable. En effet, la présentation des membres néerlandophones du gouvernement et du secrétaire d’État néerlandophone doit obtenir une majorité à l’Assemblée de la Commission communautaire flamande.

134Or, vu la manière dont cet organe va être composé, il ne peut être considéré comme une institution de la Région de Bruxelles-capitale. Il sera en effet partiellement composé de membres élus sur base du rapport de forces au Conseil flamand. Le Conseil d’État considère également, qu’en prévoyant un système qui subordonne l’élection de certains ministres à la confiance accordée ou non par des personnes qui, en fait, n’appartiennent pas au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale, cet amendement porte atteinte à l’article 122 de la Constitution qui dispose que les membres de chaque gouvernement de Communauté ou de Région sont élus par leur Conseil. Le Conseil d’État formule les mêmes objections à propos de l’amendement qui dispose qu’une motion de méfiance, dirigée contre un membre qui appartient au groupe linguistique néerlandais, doit être adoptée à la majorité absolue des membres de l’Assemblée de la Commission communautaire flamande dans sa composition élargie  [88].

Double majorité au Conseil de la Région de Bruxellescapitale et à l’Assemblée réunie de la Commission communautaire commune

135Enfin, la règle de la double majorité à l’Assemblée réunie de la Commission communautaire commune et au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale est assouplie. On touche ici à ce que François-Xavier de Donnea avait qualifié de « tabou » pour les Flamands de Bruxelles. Lors de la première phase de réunions du groupe de travail, le représentant du SP, Rufin Grijp, avait fait une proposition qui allait dans cette direction mais celle-ci avait été immédiatement rejetée par d’autres négociateurs flamands  [89]. Dans l’accord du Lombard, il est prévu que si, lors d’un premier vote qui requiert la double majorité, la majorité absolue est recueillie au sein de l’assemblée mais pas au sein d’un des deux groupes linguistiques, il est procédé à un second vote qui doit recueillir la majorité absolue des suffrages dans l’assemblée et un tiers au moins des suffrages dans chaque groupe linguistique. En ce qui concerne les ordonnances et le règlement des assemblées, ce second vote ne peut intervenir moins d’un mois après le premier vote. Un tel dispositif offre non seulement une parade efficace contre les velléités de paralysie des institutions bruxelloises du Vlaams Blok, mais elle permet également d’éviter un scénario analogue à celui qui s’était présenté le 19 décembre 1997 où la Commission communautaire commune s’était trouvée bloquée en raison d’un manque de majorité absolue dans le groupe linguistique néerlandais  [90].

136Cet assouplissement de la règle de la double majorité au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale et à l’Assemblée réunie de la Commission communautaire commune devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2002.

Mesures destinées à renforcer la représentation flamande dans les assemblées bruxelloises

137Plusieurs dispositions de l’accord répondent à la revendication flamande d’une représentation garantie dans les assemblées bruxelloises, leur permettant de mieux assurer leur travail parlementaire.

Suppléance des ministres et secrétaires d’État régionaux

138Les ministres et secrétaires d’État sont remplacés par leur suppléant pendant la durée de leur mandat exécutif. Les remplaçants siègent désormais en tant que parlementaires à part entière, à l’instar de ce qui se passe dans les autres assemblées législatives du pays.

Représentation des groupes néerlandophone et francophone dans le Conseil de la Région de Bruxelles-capitale

139Le nombre de membres du Conseil de la Région de Bruxelles-capitale est porté à quatre-vingt-neuf. Ces quatre-vingt-neuf sièges sont répartis entre les deux groupes linguistiques à raison de dix-sept membres au groupe linguistique néerlandais et sep-tante-deux membres au groupe linguistique français. On touche ici au deuxième tabou qu’avait mis en exergue François-Xavier de Donnea – pour certains francophones, cette fois, celui du respect du principe ‘un homme, une voix’. En effet, selon ce système, la représentation francophone au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale, qui représente aujourd’hui plus de 85% des élus en fonction d’une attribution des sièges basée sur les résultats électoraux, serait dorénavant limitée à un peu plus de 80%.

140Le Conseil d’État émet de sérieuses réserves quant à la compatibilité de ce système avec le droit de vote tel qu’il est interprété par la Cour européenne des droits de l’homme et la Cour d’arbitrage. Il formule également de sérieuses réserves à l’endroit de ce régime en ce qui concerne les principes d'égalité et de non-discrimination  [91]. Ce faisant , il conforte les critiques du président du groupe PSC, Benoît Cerexhe qui voit dans l’accord du Lombard « le renoncement à des valeurs pour nous fondamentales : le principe d’égalité entre Bruxellois, entre minorités et les Régions, ainsi que le principe de démocratie »  [92]. Les défenseurs de l’accord se défendent toutefois d’avoir porté atteinte à la démocratie.

141Evelyne Huytebroeck (Écolo) note que « le non-respect de ce principe d’égalité électorale ne représente pas une atteinte à la démocratie. En effet, notre régime se caractérise tant par la légitimité de la représentation fondée sur le résultat des élections que sur le respect des minorités, ce qui peut passer par leur surreprésentation »  [93]. Quant à Anne-Sylvie Mouzon (PS), elle relève que « en 1989, on appliquait la règle ‘un homme, une voix’, couplée à la double majorité. Aujourd’hui, on passe à une surreprésentation flamande et on atténue la double majorité. C’est le même équilibre, même si les plateaux de la balance ne sont pas au même endroit. »  [94]

Composition de l’Assemblée de la Commission communautaire flamande

142À côté de l’augmentation de leur nombre de sièges au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale, les Flamands obtiennent également cinq membres supplémentaires à l’Assemblée de la Commission communautaire flamande. Les sièges sont dévolus aux candidats des listes présentées à l’élection du Conseil de la Région de Bruxelles-capitale. Ils sont répartis entre les listes à la proportionnelle des sièges attribués aux listes correspondantes du Conseil flamand. L’idée d’attribuer des sièges supplémentaires sur base des rapports de force au Conseil flamand avait déjà été lancée par Rufin Grijp dans sa deuxième proposition  [95]. Le poids du Vlaams Blok est en effet proportionnellement moins important au Conseil flamand qu’au groupe linguistique néerlandais du Conseil de la Région de Bruxelles-capitale.

143Le Conseil d’État considère que ce dispositif n’est pas conforme au principe démocratique fondamental selon lequel la désignation d’un organe représentatif doit être assumée par ceux qui peuvent être concernés par les décisions de cet organe  [96]

144Les frais relatifs à ce renforcement des effectifs de l’Assemblée de la Commission communautaire flamande sont supportés par le budget de la Commission communautaire flamande.

Élection directe des membres bruxellois du Conseil flamand

145Enfin, l’accord prévoit l’élection directe des membres bruxellois du Conseil flamand, épargnant ainsi aux parlementaires flamands des assemblées bruxelloises un cumul très pesant. En effet, aujourd’hui, ce sont les six premiers élus du groupe linguistique du Conseil de la Région de Bruxelles-capitale qui représentent les Flamands de Bruxelles au Conseil flamand. Ils siègent de ce fait à la fois dans les assemblées bruxelloises et au Conseil flamand.

146Ces mesures visant à renforcer la représentation flamande dans les assemblées bruxelloises entreront en vigueur lors des prochaines élections régionales.

Refinancement de la Commission communautaire française et de la Commission communautaire flamande

147Durant les négociations, les francophones avaient exigé un refinancement de deux milliards supplémentaires pour la Commission communautaire française et la Commission communautaire flamande. Le ministre des Finances et du Budget de la Région de Bruxelles-capitale, Guy Vanhengel, par ailleurs négociateur du VLD, considérait un tel montant comme trop lourd pour le budget de la Région. La solution trouvée prévoit qu’un milliard de francs supplémentaire accordé à la Commission communautaire française et à la Commission communautaire flamande sera à charge du budget fédéral, l’autre milliard supplémentaire à charge du budget régional bruxellois. Deux amendements sont donc prévus au projet de loi spéciale portant refinancement des Communautés et extension des compétences fiscales des Régions. Le premier prévoit d’inscrire dans la loi du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions, à partir de l’année budgétaire 2002, une dotation spéciale à charge du budget national destinée à la Commission communautaire française et à la Commission communautaire flamande dont le montant de base est égal à un milliard de francs.

148Dès l’année 2003, ce montant de base est adapté annuellement au taux de fluctuation de l’indice de prix à la consommation ainsi qu’à la croissance réelle du produit national brut de l’année budgétaire concernée. Ce montant est réparti à concurrence de 80% pour la Commission communautaire française et de 20% pour la Commission communautaire flamande.

149Le second amendement prévoit d’augmenter d’un milliard de francs, à partir de l’année budgétaire 2002, le droit de tirage que peuvent exercer la Commission communautaire française et la Commission communautaire flamande sur le budget de la Région de Bruxelles-capitale. Ce milliard sera adapté annuellement à l’évolution moyenne des salaires depuis 1992 dans les services du gouvernement de la Région de Bruxelles-capitale.

Mesures relatives aux communes

150L’accord comprend des dispositions pour répondre à l’inquiétude des néerlandophones relative au projet de régionalisation de la loi communale et à leur exigence d’une meilleure représentation dans les communes. Les ordonnances régionales visant les pouvoirs subordonnés qui seraient prises après la régionalisation de la loi communale devront recueillir la majorité des suffrages au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale et dans chaque groupe linguistique. On ouvre de la sorte à une matière régionale le mécanisme de la double majorité, jusque-là réservé aux matières bicommunautaires,. Le dispositif d’assouplissement du mécanisme de double majorité décrit ci-dessus sera applicable au vote de ces ordonnances à partir du 1er janvier 2002.

151La piste ouverte par Jacques Simonet d’une interprétation large de la disposition légale permettant de s’adjoindre un échevin surnuméraire dans les communes où les partis flamands participent à la majorité a servi de base de discussion à propos de l’exigence flamande d’améliorer leur représentation dans les communes. L’accord prévoit que, si dans une commune, le bourgmestre a été présenté avec des signatures émanant des deux groupes linguistiques, le groupe linguistique le moins nombreux doit obtenir soit un échevin, soit la présidence du CPAS. Cet échevin du groupe linguistique le moins nombreux (en fait, néerlandophone) peut être désigné conformément à l’article 279 de la nouvelle loi communale, ce qui entraînerait l’installation d’un échevin supplémentaire au collège. Mais le recours à cette procédure n’est pas imposé. Ces mesures seront mises en œuvre par une proposition de loi ordinaire et entreront en vigueur en 2002.

152La perspective pour les néerlandophones d’accéder aux collèges communaux (ou aux présidences des CPAS) se voit donc renforcée.

153Par ailleurs, un crédit d’un milliard de francs sera inscrit au budget fédéral dès l’année budgétaire 2002 et, transitant par la Région de Bruxelles-capitale, sera réparti entre les communes qui compteront un échevin ou un président de CPAS néerlandophone. Dès l’année 2003, ce crédit sera adapté annuellement au taux de fluctuation de l’indice des prix à la consommation ainsi qu’à la croissance réelle du produit national brut de l’année budgétaire concernée. Il s’agit là d’un incitant supplémentaire pour que les communes ouvrent leur exécutif à un néerlandophone. Mais cette mesure constitue également une contrepartie accordée aux francophones. Ceux-ci obtiennent en effet de l’argent fédéral pour les communes bruxelloises qui ne pourra être retenu par la Région. L’accord stipule qu’il sera réparti entre les communes suivant des critères objectifs s’inspirant de ceux en fonction desquels le fonds des communes est réparti.

154Enfin, la présence de deux à quatre néerlandophones dans chaque conseil de police, selon les zones, est garantie.

Conclusion

155Après la suspension de sa première phase annoncée par François-Xavier de Donnea, le 18 mai 2000, pour éviter les interférences avec les élections communales, il fallut près d’un an pour que le groupe de travail fût à nouveau réuni. Cependant, dès juin 2000, les négociateurs flamands exerçaient une pression afin que le problème de leur représentation reste d’actualité, menaçant de bloquer les montants prévus pour 2001 en faveur de la Commission communautaire française et de la Commission communautaire flamande. Ces avertissements répétés suscitaient des réactions francophones, générant des polémiques dans la presse et à la tribune du Conseil de la Région de Bruxelles-capitale. La mauvaise humeur flamande ne réussissait pourtant pas à détourner le président du groupe de travail, François-Xavier de Donnea, d’un certain attentisme lié, sans doute, aux suites politiques des élections communales. Les négociations s’accélérèrent après l’accord du Lambermont-bis quand il apparut que les résultats du groupe de travail bruxellois pouvaient peut-être amener la Volksunie – dont l’appui était requis pour obtenir la majorité des deux tiers au Parlement fédéral – à soutenir la nouvelle réforme de l’État, alors que le conseil du parti avait rejeté cet accord fin janvier 2001. Le groupe de travail sur le fonctionnement des institutions bruxelloises devenait ainsi une pièce maîtresse du jeu politique belge. Les négociateurs bruxellois se voyaient investis d’une responsabilité importante dans la réussite des accords du Lambermont, tout en devant s’attacher à régler des problèmes bruxellois. C’est dans ce contexte que François-Xavier de Donnea annonça la relance de la négociation. Il partageait avec son partenaire socialiste de la majorité bruxelloise la volonté de s’en tenir à l’ordre du jour , tel qu’il avait été défini au démarrage du groupe de travail. Cet attachement à un ordre du jour limité pouvait surprendre dans la mesure où, lors de la première phase, ce cadre de travail n’avait pas permis d’élargir le débat à davantage de préoccupations, ce qui aurait facilité la négociation. Mais les accords du Lambermont avaient un effet direct sur les préoccupations flamandes et francophones liées au statut de Bruxelles et influençaient de ce fait les approches des partenaires de la négociation.

156Il apparaissait clairement que le refinancement de la Communauté française prévu par les accords du Lambermont représentait un acquis capital pour les francophones de Bruxelles. L’importance d’arriver à ce refinancement était partagée par l’ensemble des formations démocratiques francophones sans pour autant entraîner une adhésion unanime de celles-ci aux accords du Lambermont ni susciter une position commune face aux interlocuteurs néerlandophones avant d’aborder la négociation. Des partis tels que le PSC et le FDF entendaient en effet y voir traiter d’autres sujets, dont la situation des francophones de la périphérie. Les Flamands de Bruxelles manifestaient leur inquiétude devant la régionalisation de la loi communale. D’autre part, le rôle central imparti au groupe de travail dans le processus d’adoption des accords du Lambermont et l’empressement des francophones à obtenir le refinancement de la Communauté française donnaient aux partis flamands le sentiment qu’ils se trouvaient alors dans une position de négociation plus avantageuse. Cela aiguisa leurs revendications à l’égard des pouvoirs locaux bruxellois, thème qu’ils exigèrent d’aborder au groupe de travail après quelques hésitations stratégiques. Le groupe de travail – dont Daniel Ducarme avait pris la présidence – connut divers soubresauts durant ses réunions du mois d’avril. Après la suspension des travaux, le 27 avril 2001, la négociation se poursuivit dans la nuit du 28 avril au 29 avril entre les partenaires de la majorité arc-en-ciel fédérale et la Volksunie, en liaison avec le Premier ministre et certains dirigeants de partis (on pourrait même parler de ‘liberté surveillée’ en ce qui concerne certains partenaires flamands). L’accord du Lombard était signé le 29 avril 2001 par le PRL , le PS et Écolo (parti d’opposition à la Région de Bruxelles-capitale) pour les francophones, par les groupes VLD VU O et SP AGA pour les néerlandophones. Il était rejeté par le PSC, le FDF et le CVP, ces deux derniers partis appartenant à la majorité régionale bruxelloise.

157L’implication du pouvoir fédéral dans la négociation bruxelloise n’eut pas comme seule conséquence de mettre le groupe de travail sous pression. L’importance que représentait pour le pouvoir fédéral une issue favorable des discussions bruxelloises rendit aussi celui-ci plus réceptif aux sollicitations financières dont il fit l’objet.

158De la sorte, il offrait des compensations possibles à certaines concessions et rendait plus facile la voie d’un compromis.

159Les néerlandophones obtiennent un renforcement garanti et substantiel de leurs effectifs au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale. Les six élus supplémentaires qu'ils compteront, lors de la prochaine législature, par rapport à leur représentation actuelle, auront un statut de parlementaires à part entière. Les francophones ont donc accepté un accroissement du nombre de conseillers régionaux et une atteinte au principe ‘un homme, une voix’. Les difficultés rencontrées par les Flamands dans le travail parlementaire seront surmontées grâce au renforcement de leur contingent d’élus au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale et grâce à d’autres mesures telles que l’adjonction de cinq membres supplémentaires à l’Assemblée de la Commission communautaire flamande et l’élection directe des députés bruxellois au Conseil flamand.

160Leur préoccupation relative à leur présence dans les pouvoirs locaux bruxellois est également prise en considération par l’accord. Certes, ils ne reçoivent pas tout ce qu’ils avaient exigé lors de leur conférence de presse du 30 novembre 2000. Mais il y a lieu de penser qu’ils avaient alors placé la barre de leurs revendications très haut afin de pouvoir lâcher du lest au cours de la négociation. En dépit des critiques du CVP, l’avancée est réelle. Le dispositif élaboré pour favoriser leur accès aux pouvoirs exécutifs locaux leur procure certains atouts dans des négociations de participation à une majorité communale. Compte tenu de l’état des finances communales bruxelloises, il est peu probable que des communes se privent de leur part des moyens attribués par l’État fédéral aux communes qui comptent un échevin ou un président de CPAS néerlandophone. En outre, toute modification de la loi communale, une fois celle-ci régionalisée, sera soumise à la règle de la double majorité.

161Notons encore que les Flamands de Bruxelles tireront un bénéfice des moyens exigés et obtenus par les francophones pour le refinancement des Communautés.

162Cela leur permettra de solliciter davantage une Communauté flamande qui aura plus de ressources. Ils disposeront en outre de 20% des moyens supplémentaires transférés de l’État fédéral, d’une part, de la Région de Bruxelles-capitale, d’autre part, vers les deux commissions communautaires.

163L’accord fédéral du Lambermont donne satisfaction aux francophones de Bruxelles par rapport à l’une de leurs préoccupations fondamentales, le refinancement structurel des matières communautaires. Cela a accru la détermination de partis francophones tels que le PRL, le PS et Écolo, dans le contexte politique que nous avons décrit, à aboutir à un accord dans le groupe de travail sur le fonctionnement des institutions bruxelloises. L’accord du Lombard accroît également les moyens dévolus aux matières communautaires à Bruxelles. L’absence de refinancement de la Communauté française mettrait en péril la survie même de cette institution, ce qui aurait des conséquences graves sur le lien entre Bruxelles et la Wallonie. En outre, les problèmes d’une région urbaine telle que Bruxelles nécessitent la mise en œuvre de politiques sociales efficaces qui dépendent des compétences communautaires. Le refinancement de la Communauté française et l’attribution de moyens supplémentaires à la Commission communautaire française par le pouvoir fédéral et la Région de Bruxelles-capitale procureront des moyens substantiels pour ces politiques tout en ne plaçant plus les francophones en position de demandeurs par rapport aux Flamands sur ces matières.

164Les francophones bruxellois marquent également des points au niveau du fonctionnement des institutions bruxelloises. La majorité francophone du Conseil de la Région de Bruxelles-capitale aura désormais voix au chapitre dans la désignation des ministres flamands du gouvernement de la Région de Bruxelles-capitale et se trouve ainsi en position, le cas échéant, de barrer la route vers le gouvernement bruxellois au Vlaams Blok. L’assouplissement des mécanismes de double majorité à l’Assemblée de la Commission communautaire commune et au Conseil de la Région de Bruxellescapitale non seulement écarte la perspective d’un sabotage des institutions bruxelloises par le Vlaams Blok mais rend également moins aisé un blocage du type de celui qui était intervenu à la Commission communautaire commune en décembre 1997  [97].

165Le financement de la Région de Bruxelles-capitale et l’accroissement de l’intervention du pouvoir fédéral dans les charges liées au rôle international et de la fonction de capitale de Bruxelles n’ont pas été abordés dans la négociation. Ce qui, pour le PSC, représente une occasion manquée en raison de la position dans laquelle se trouvait le groupe de travail bruxellois dans le contexte de l’adoption des accords du Lambermont. Certains partis francophones (le PSC, le PRL, Écolo) n’excluent pas de relancer un débat sur le financement de Bruxelles. Il est vrai que les charges spécifiques de la Région de Bruxelles-capitale doivent être prises en compte et que les prévisions relatives aux finances bruxelloises suite aux nouvelles dispositions du financement des Régions contenues dans les accords du Lambermont laissent entrevoir des scénarios différents. Relevons toutefois que, en contrepartie du dispositif qui favorise l’accès des néerlandophones aux pouvoirs locaux bruxellois, les francophones ont obtenu le transfert de nouveaux moyens fédéraux vers les communes bruxelloises.

166Aucun progrès n’est par contre enregistré dans le dossier des francophones de la périphérie. Lors des négociations du Lambermont, l’importance de l’enjeu que représentait le refinancement des Communautés a primé sur les autres problèmes et a nécessité une concession à la partie flamande en ce qui concerne la régionalisation de la loi communale  [98]. Celle-ci accroît considérablement les prérogatives de la Communauté flamande à l’égard des communes à facilités et justifie les inquiétudes francophones même si l’accord contient des dispositions pour préserver les garanties existantes de la minorité francophone. Au groupe de travail bruxellois, une majorité francophone s’est dessinée pour privilégier d’autres préoccupations. Les socialistes ont visiblement pesé en ce sens. Philippe Moureaux avait reproché au FDF d’avoir compliqué la première phase de négociations en introduisant le problème de la périphérie dans le débat. Ses déclarations à la presse montrent qu’il a continué à penser qu’un élargissement de l’agenda du groupe de travail à ce problème risquait de compromettre les chances de succès de la négociation en raison de l’intransigeance flamande sur cette question. Par ailleurs, il apparaît que les socialistes ont préféré obtenir des contreparties à certaines concessions francophones sur d’autres plans. Ainsi, ce sont eux qui sont à l’initiative de la demande de transfert de moyens fédéraux vers les communes bruxelloises. Mais les libéraux eux-mêmes, qui ne s’étaient pas démarqués auparavant du FDF sur la question de la périphérie – au point que la proposition de Donnea prévoyait la possibilité pour des habitants du Brabant wallon et du Brabant flamand de siéger à l’Assemblée de la Commission communautaire française ou à l’Assemblée de la Commission communautaire flamande – ont fait marche arrière sur ce point en considérant l’importance de l’enjeu du refinancement communautaire.

167Considérant les acquis obtenus par les Flamands de Bruxelles sur le plan local, le PSC et le FDF dénoncent de ce fait une différence de traitement entre les minorités du pays.

168La Belgique a connu plusieurs accords communautaires qui ont, peu à peu, mis en place une architecture institutionnelle très complexe. L’accord du Lombard s’inscrit dans cette tradition. Fruit d’un nouveau compromis auquel n’adhèrent pas certains des partenaires de la négociation – ce qui peut poser des problèmes au sein de la majorité régionale bruxelloise –, il alourdit le dispositif institutionnel bruxellois.

169La compatibilité de certaines de ses dispositions avec la Constitution fait l'objet de sérieuses réserves de la part du Conseil d'État. Mais il apporte aussi une réponse à des préoccupations des Flamands et des francophones de Bruxelles et il contient des mécanismes qui devraient pouvoir empêcher le blocage des institutions régionales bruxelloises.

17031 mai 2001.

1. Accord de gouvernement de la Région de Bruxelles-capitale de juillet 1999

171(…)
Vu l’accord gouvernemental fédéral qui précise que la conférence prévue pour traiter des problèmes institutionnels s’engage à exécuter les solutions retenues par consensus entre les Bruxellois des deux communautés à travers leurs institutions pour améliorer la cohabitation harmonieuse et pour éviter les dangers de blocage des institutions :

172Les négociateurs de l’accord du gouvernement bruxellois s’engagent à mettre sur pied dès la rentrée parlementaire 1999 un groupe de travail paritaire sous la présidence du formateur de ce gouvernement, qui regroupera des représentants, parlementaires ou dirigeants des diverses formations politiques démocratiques de la Région, afin de mettre au point ensemble les solutions permettant d’assurer le bon fonctionnement des composantes communautaires des institutions bruxelloises et d’éviter le blocage de celles-ci. Dans ce cadre, une attention particulière sera consacrée au problème de la représentation du groupe néerlandophone dans le Conseil régional de Bruxelles-capitale.

173Les deux communautés feront un effort pour financer les discriminations positives en faveur des écoles francophones et néerlandophones de la Région qui ont une population scolaire qui nécessite une attention et un encadrement particuliers et plus spécialement celles qui sont situées dans des quartiers fragilisés.

174Cet effort sera financé, conformément à la loi spéciale, par des tirages de la Cocof et de la VGC sur le budget de la Région à concurrence de 840 millions en 2000 et de 1 milliard en 2001.
(…)

2. Protocole d’accord relatif aux solutions permettant d’assurer le bon fonctionnement des composantes communautaires des institutions bruxelloises

175Vu l’accord de gouvernement fédéral qui précise que la conférence prévue pour traiter des problèmes institutionnels s’engage à exécuter les solutions retenues par consensus entre les Bruxellois des deux communautés à travers leurs institutions pour améliorer la cohabitation harmonieuse ;

176Vu l’accord de gouvernement régional bruxellois du 9 juillet 1999 qui prévoit la mise sur pied d’un groupe de travail paritaire qui regroupera des représentants, parlementaires ou dirigeants des formations politiques démocratiques de la Région, afin de mettre au point ensemble les solutions permettant d’assurer le bon fonctionnement des composantes communautaires des institutions bruxelloises ;

177Les délégations membres du groupe de travail paritaire ont convenu ce qui suit :

1781. Mesures en vue d’empêcher le blocage des institutions
1.1. Apparentement entre listes d’un même groupe linguistique
Pour renforcer la démocratie dans la Région de Bruxelles-capitale, toutes les voix des électeurs qui se portent sur des listes apparentées seront comptabilisées de façon utile pour la répartition des sièges. Une disposition sera insérée dans la loi spéciale relative aux institutions bruxelloises pour permettre la mise en place de ce système dans chaque groupe linguistique.

1791.2. Désignation des ministres et secrétaires d’État régionaux
En ce qui concerne la désignation des ministres et des secrétaires d’État régionaux, dans le cas où un accord n’est pas intervenu pour les élire conformément aux articles 35, § 1er et 41, § 1er de la loi spéciale relative aux institutions bruxelloises, les ministres autres que le ministreprésident et les secrétaires d’État régionaux sont élus à la majorité absolue des membres du Conseil sur présentation de la majorité absolue des membres de leur groupe linguistique.

180À défaut de majorité absolue des membres du Conseil, une seconde présentation est organisée après écoulement d’un délai d’un mois.

181Les ministres et secrétaires d’État régionaux sont alors élus à la majorité absolue des membres du conseil, sur présentation de la majorité absolue des membres du groupe linguistique français ou de l’Assemblée de la Commission communautaire flamande (composée conformément au point 5), selon le cas.

182Corrélativement, les motions de méfiance prévues aux articles 36, § 1er, alinéa 6 et 41 § 4 de la loi spéciale relative aux institutions bruxelloises sont adoptées à la majorité absolue du groupe linguistique français ou de l’Assemblée de la Commission communautaire flamande (composée conformément au point 5), selon le cas.

1831.3. Double majorité au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale et à l’Assemblée réunie de la Commission communautaire commune
Pour tous les votes qui, au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale et à l’Assemblée réunie de la Commission communautaire commune, exigent la majorité absolue des suffrages dans l’assemblée et dans chaque groupe linguistique, les dispositions contenues dans la loi spéciale relative aux institutions bruxelloises sont maintenues à titre principal.

184Toutefois, si la majorité absolue est recueillie au sein de l’assemblée mais pas au sein d’un groupe linguistique, il est procédé à un second vote qui doit recueillir la majorité absolue des suffrages dans l’assemblée et un tiers au moins des suffrages dans chaque groupe linguistique.

185En ce qui concerne les ordonnances et le règlement des assemblées, ce second vote ne peut pas intervenir moins d’un mois après le premier vote.

1862. Modification de la loi communale
Les ordonnances régionales prises en vertu de l’article 6, § 1er, VIII, 1° à 5° de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles (régionalisation de la loi communale résultant des accords du Lambermont) doivent recueillir la majorité des suffrages au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale et dans chaque groupe linguistique.

187Toutefois, si la majorité absolue est recueillie au sein de l’assemblée mais pas au sein d’un groupe linguistique, il est procédé à un second vote qui doit recueillir la majorité absolue des suffrages dans l’assemblée et un tiers au moins des suffrages dans chaque groupe linguistique.

188Ce second vote ne peut pas intervenir moins d’un mois après le premier vote.

1893. Suppléance des ministres et des secrétaires d’État régionaux
Les ministres et les secrétaires d’État régionaux sont remplacés par leur suppléant pendant la durée de leur mandat exécutif.

190Les remplaçants siègent en tant que parlementaires à part entière.

191La loi spéciale relative aux institutions bruxelloises est modifiée en vue d’aligner le statut des ministres et des secrétaires d’État régionaux et de leurs remplaçants sur celui applicable aux gouvernements des autres niveaux de pouvoirs.

1924. Représentation des groupes néerlandophone et francophone dans le Conseil de la Région de Bruxelles-capitale Le nombre de membres du Conseil de la Région de Bruxelles-capitale est porté à 89.

193Ces 89 sièges sont répartis entre les deux groupes linguistiques à raison de 17 membres au groupe linguistique néerlandais et 72 membres au groupe linguistique français.

1945. Composition de l’Assemblée de la Commission communautaire flamande
Pour l’exercice des compétences que la Commission communautaire flamande exerce seule, son assemblée est complétée par cinq membres, qui viennent s’ajouter aux membres du groupe linguistique néerlandais du Conseil de la Région de Bruxelles-capitale.

195Les sièges sont dévolus aux candidats des listes présentées à l’élection du Conseil de la Région de Bruxelles-capitale. Ils sont répartis entre les listes à la proportionnelle des sièges attribués aux listes correspondantes du Conseil flamand.

196Un mécanisme de parrainage est établi par la loi afin de régler la correspondance entre les listes du Conseil de la Région de Bruxelles-capitale et les listes du Conseil flamand.

197Tous les frais relatifs à l’application du point 5 sont à charge de la dotation de l’Assemblée de la Commission communautaire flamande.

1986. Élection directe des membres bruxellois du Conseil flamand
Dès la prochaine élection des conseils de régions et de communautés, les six membres bruxellois du Conseil flamand seront élus directement par les électeurs bruxellois qui portent leur voix sur une liste de candidats appartenant au groupe linguistique néerlandais pour l’élection du Conseil de la Région de Bruxelles-capitale.

1997. Refinancement de la Commission communautaire française et de la Commission communautaire flamande
7.1. Par amendement au projet de loi spéciale portant refinancement des communautés et extension des compétences fiscales des régions, un article 66 est rétabli dans la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions, prévoyant, à partir de l’année budgétaire 2002, l’inscription à charge du budget national d’une dotation spéciale destinée à la Commission communautaire française et la Commission communautaire flamande, dont le montant de base est égal à un milliard de francs. Dès l’année 2003, ce montant de base est adapté annuellement au taux de fluctuation de l’indice des prix à la consommation ainsi qu’à la croissance réelle du produit national brut de l’année budgétaire concernée, suivant les modalités fixées à l’article 47, § 2 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions.

200Ce montant est réparti à concurrence de 80% pour la Commission communautaire française et de 20% pour la Commission communautaire flamande.

2017.2. Par amendement au même projet de loi spéciale, un cinquième tiret est ajouté à l’article 83quater, § 1er de la loi spéciale relative aux institutions bruxelloises, prévoyant qu’à partir de l’année budgétaire 2002, le montant prévu au tiret précédent est augmenté d’un montant d’un milliard de francs, adapté annuellement à l’évolution moyenne des salaires depuis 1992 dans les services du Gouvernement de la Région de Bruxelles-capitale et que l’article 83ter § 4, alinéa 1er, 2ème phrase est applicable.

2028. Représentation des groupes néerlandophone et francophone dans les communes de la Région de Bruxelles-capitale
Si, dans une commune, le bourgmestre a été présenté avec des signatures émanant des deux groupes linguistiques, le groupe linguistique le moins nombreux doit obtenir soit un échevin, éventuellement désigné conformément à l’article 279 de la Nouvelle loi communale, soit la présidence du CPAS.

203L’appartenance de l’échevin et du président de CPAS au groupe linguistique concerné s’établit conformément à l’article 23bis de la loi électorale communale. Toutefois, la déclaration d’appartenance linguistique peut se faire au dépôt des listes des candidatures à l’élection du conseil communal, au dépôt de la liste des candidatures à l’élection du conseil de l’aide sociale, au dépôt de l’acte de présentation des échevins ou, préalablement à son élection, à la séance du conseil de l’aide sociale qui élit le président du CPAS.

204Ces mesures seront mises en œuvre par une proposition de loi ordinaire et entreront en vigueur en 2002.

2059. Inscription au budget fédéral d’un montant d’un milliard destiné à financer les communes qui comptent un échevin ou un président de CPAS néerlandophone conformément au point 8
Par amendement au projet de loi spéciale portant refinancement des communautés et extension des compétences fiscales des régions, un crédit d’un milliard de francs, inscrit au budget fédéral dès l’année budgétaire 2002 et transitant par la Région de Bruxelles-capitale sera réparti entre les communes qui, en application du point 8, compteront un échevin ou un président de CPAS néerlandophone.

206Dès l’année 2003, ce crédit est adapté annuellement au taux de fluctuation de l’indice des prix à la consommation ainsi qu’à la croissance réelle du produit national brut de l’année budgétaire concernée, suivant les modalités fixées à l’article 47, § 2 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions.

207Il sera réparti entre les communes suivant des critères objectifs s’inspirant de ceux en fonction desquels le fonds des communes est réparti.

20810. Représentation des groupes linguistiques dans les conseils de police des zones de police locale bruxelloises
Dans les zones de police locale bruxelloises, les conseils de police doivent comprendre au moins :

  • trois membres du groupe linguistique néerlandais pour la zone 3 (Molenbeek, Berchem, Ganshoren, Jette, Koekelberg) ;
  • quatre membres du groupe linguistique néerlandais pour la zone 4 (Bruxelles, Ixelles) ;
  • quatre membres du groupe linguistique néerlandais pour la zone 5 (Schaerbeek, Saint-Josse, Evere) ;
  • quatre membres du groupe linguistique néerlandais pour la zone 2 (Anderlecht, Forest, Saint-Gilles) ;
  • deux membres du groupe linguistique néerlandais pour la zone 6 (Etterbeek, Woluwé Saint-Lambert, Woluwé Saint-Pierre) ;
  • deux membres du groupe linguistique néerlandais pour la zone 1 (Uccle, Auderghem, Watermael-Boitsfort).
Si ce nombre n’est pas atteint, des membres supplémentaires sont cooptés par le conseil de police parmi les conseillers communaux effectifs ou suppléants appartenant au groupe linguistique néerlandais.

209L’appartenance au groupe linguistique est établie conformément à l’article 23bis de la loi électorale communale. Toutefois, la déclaration d’appartenance linguistique peut se faire soit au dépôt des listes des candidatures à l’élection du conseil communal, soit au dépôt des listes de présentation des candidats à l’élection du conseil de police.

210Ces mesures seront mises en œuvre par une proposition de loi ordinaire et entreront en vigueur le dixième jour suivant la publication au Moniteur belge, dès 2001.

211Au nom de leur formation politique, les membres du groupe de travail paritaire,
Daniel Ducarme, président
Claude Adriaen
Adelheid Byttebier
Sven Gatz
Rufin Grijp
Evelyne Huytebroeck
Philippe Moureaux
Anne-Sylvie Mouzon
Jacques Simonet
Guy Vanhengel
Jean-Luc Van Raes

Notes

  • [1]
    Les appellations Costa et Corée avaient été données à la Conférence interparlementaire et intergouvernementale du renouveau institutionnel, respectivement par les néerlandophones et les francophones. Par extension, on baptisa le groupe de travail sur le fonctionnement des institutions bruxelloises Costa bruxelloise et Corée bruxelloise, voire mini-Costa et mini-Corée.
  • [2]
    Cf. en annexe 1, les passages de l’accord gouvernemental bruxellois traitant cette matière.
  • [3]
    Sur la première phase, cf. J.-P. NASSAUX, « Le groupe de travail sur le fonctionnement des institutions bruxelloises. Première phase : octobre 1999-mai 2000 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n°1682,2000.
  • [4]
    La Libre Belgique, 18 mai 2000. F.-X de Donnea fait allusion aux circulaires des ministres du gouvernement flamand Leo Peeters et Luc Martens qui imposent une interprétation restrictive des facilités linguistiques.
  • [5]
    Bulletin des interpellations et des questions orales du CRBC, n° 58, réunion de la commission des Finances, du Budget, de la Fonction publique, des Relations extérieures et des Affaires générales du 10 juillet 2000.
  • [6]
    Ibid.
  • [7]
    La Libre Belgique, 12 octobre 2000.
  • [8]
    Ibid.
  • [9]
    Après les élections communales, la constitution d’une nouvelle coalition à la ville de Bruxelles lui avait fait perdre le maiorat. Il avait alors remplacé Jacques Simonet à la présidence du gouvernement bruxellois.
  • [10]
    Compte rendu analytique de la séance plénière du CRBC du 19 octobre 2000 (séance du matin) pp. 6 et 8.
  • [11]
    Compte rendu intégral de la séance plénière du CRBC du 10 novembre 2000 (séance de l’après-midi), pp.141-142.
  • [12]
    La Libre Belgique, 1er décembre 2000.
  • [13]
    Compte rendu analytique de la séance plénière du CRBC du 22 décembre 2000 (séance du matin), pp. 9-10.
  • [14]
    Compte rendu analytique de la séance plénière du CRBC du 22 décembre 2000 (séance de l’après-midi), pp. 26-27.
  • [15]
    Ibid., p. 11.
  • [16]
    Ibid., p. 15.
  • [17]
    Ibid., pp. 27-28.
  • [18]
    Ibid., p. 35.
  • [19]
    Ibid., pp.4,15 et 17.
  • [20]
    Ibid., pp. 35 et 38.
  • [21]
    Compte rendu analytique de la séance plénière du CRBC du 12 janvier 2001 (séance de l’après-midi), pp. 7-8.
  • [22]
    Il s’agissait d’une brusque accélération de la négociation communautaire après un an de travail d’une instance – la Conférence interparlementaire et intergouvernementale du renouveau institutionnel (Ciiri) appelée Costa par les Flamands et Corée par les francophones – composée de toutes les formations démocratiques et chargée de discuter des réformes institutionnelles. Ses co-présidents étaient Philippe Moureaux (PS) et Patrick Vankrunkelsven (VU). Cf. C.-X. JACQUES et C. BOROMEE, « La Conférence intergouvernementale et interparlementaire du renouveau institutionnel », Courrier hebdomadaire, CRISP, n°1707-1708,2001.
  • [23]
    Chambre, Doc. parl., n°50/1183/01,29 mars 2001 ; Sénat, Doc. parl., 2-709/1,29 mars 2001.
  • [24]
    Compte rendu analytique de la séance plénière du CRBC du 1er février 2001 (séance de l’après-midi), p. 12
  • [25]
    Ibid., p. 17.
  • [26]
    Ibid., p. 21.
  • [27]
    Ibid., p. 19.
  • [28]
    La Libre Belgique, 2 février 2001 ; RTBF, L’invité de Matin Première, 28 février 2001.
  • [29]
    Ibid., pp. 9-10.
  • [30]
    Ibid., pp. 12-13.
  • [31]
    Compte rendu analytique de la séance plénière du CRBC du 1er février 2001 (séance de l’après-midi), pp.8-9 et 19-20.
  • [32]
    Ibid., p. 27.
  • [33]
    Ibid., pp. 10-11.
  • [34]
    Compte rendu analytique de la séance plénière du CRBC du 19 octobre 2000 (séance du matin), p. 4.
  • [35]
    Le Soir, 15 décembre 2000.
  • [36]
    Ibid., 4 novembre 2000.
  • [37]
    Compte rendu analytique de la séance plénière du CRBC du 1er février 2001 (séance de l’après-midi), pp. 9-10.
  • [38]
    Ibid., pp. 17-18 et 22.
  • [39]
    Ibid., p. 10.
  • [40]
    Ibid., p. 12.
  • [41]
    Sur les insatisfactions flamandes à l’égard des CPAS, cf. J.-P. NASSAUX, « Les relations communautaires à l’Assemblée réunie de la Commission communautaire commune », Courrier hebdomadaire, CRISP, n°1633-1634,1999.
  • [42]
    Compte rendu intégral de la séance plénière de l’Assemblée de la Commission communautaire flamande du 19 décembre 2000.
  • [43]
    Les titres de la presse étaient significatifs à cet égard. Citons par exemple : « Brusselse Costa kan Lambermontakkoord uit slop halen », De Financieel Economische Tijd, 30 janvier 2001 ; « Bruxelles sous pression », Le Soir, 1er février 2001 ; « Brussel moet Lambermont-bis redden », De Standaard,1er février 2001 ; « Les regards se braquent sur Bruxelles », La Libre Belgique, 6 février 2001.
  • [44]
    L’Écho, 15 février 2001.
  • [45]
    Le Soir, 17 février 2001.
  • [46]
    Ibid., 24 et 26 février 2001.
  • [47]
    De Financieel Economische Tijd, 26 janvier 2001.
  • [48]
    Le Soir, 8 février 2001.
  • [49]
    La Libre Belgique, 13 février 2001.
  • [50]
    La Libre Belgique, 1er février 2001.
  • [51]
    Ibid.
  • [52]
    La Libre Belgique, 10 février 2001.
  • [53]
    De Standaard, 12 février 2001.
  • [54]
    Le Soir, 13 février 2001.
  • [55]
    La Libre Belgique, 12 février 2001.
  • [56]
    Le Matin, 13 février 2001.
  • [57]
    La Libre Belgique, 12 février 2001.
  • [58]
    Ibid. ; Le Soir, 13 février 2001 ; De Standaard, 12 février 2001.
  • [59]
    Compte rendu analytique de la séance plénière du CRBC du 1er février 2001 (séance de l’après-midi), p. 19.
  • [60]
    Compte rendu analytique de la séance plénière de l’Assemblée de la Commission communautaire flamande du 2 février 2001, pp. 5-6.
  • [61]
    Ibid., p. 5
  • [62]
    Ibid.
  • [63]
    Ibid., p. 9.
  • [64]
    Ibid., pp. 6 et 10.
  • [65]
    Compte rendu analytique de la séance plénière du de l’Assemblée de la Commission communautaire flamande 16 février 2001, p. 3.
  • [66]
    Doc. de l’Assemblée de la Commission communautaire flamande, n° 203 (2000-2001) – n° 1.
  • [67]
    Compte rendu analytique de la séance plénière du CRBC du 1er février 2001 (séance de l’après-midi), pp. 9-10.
  • [68]
    Ibid., p. 18.
  • [69]
    Ibid., p. 22.
  • [70]
    Ibid., pp. 8-9.
  • [71]
    Le Soir, 21 mars 2001.
  • [72]
    La Libre Belgique, 23 février 2001.
  • [73]
    Le Soir, 3 mars 2001.
  • [74]
    Ibid., 26 février 2001.
  • [75]
    La Libre Belgique, 3 avril 2001.
  • [76]
    Cf. annexe 1.
  • [77]
    Compte rendu analytique de la séance plénière du CRBC du 11 mai 2001 (séance du matin), p. 7.
  • [78]
    Le Soir, 20 avril 2001.
  • [79]
    Ibid., 21 avril 2001.
  • [80]
    Ibid., 21-22 avril 2001.
  • [81]
    La Libre Belgique, 20 avril 2001 ; Le Soir, 21 avril 2001.
  • [82]
    Ibid., 27 avril 2001.
  • [83]
    Le Soir, 30 avril-1er mai 2001.
  • [84]
    L’invité, Journal de RTL-TVI, 29 janvier 2001.
  • [85]
    Le fait qu’il s’agit d’un accord entre des Bruxellois a été souligné par Marc Cools (PRL), Evelyne Huytebroeck (Écolo), Adelheid Byttebier(SP AGA) et par Anne-Sylvie Mouzon (PS). Cf. Compte rendu analytique de la séance plénière du CRBC du 11 mai 2001(séance du matin), pp. 6,8 et 10 et compte rendu analytique de la séance plénière du CRBC du 11 mai 2001 (séance de l’après-midi), p. 7.
  • [86]
    Chambre, Doc. parl., n° 50/1247 (2000-2001).
  • [87]
    Sénat, Doc. Parl, n°2-740/1 (2000/2001).
  • [88]
    Sénat, Doc. Parl, n°2-709/6 (2000/2001).
  • [89]
    J.-P. NASSAUX, « Le groupe de travail sur le fonctionnement des institutions bruxelloises . Première phase : octobre 1999-mai 2000 », op. cit., pp.27-28.
  • [90]
    J.-P. NASSAUX, « Les relations communautaires à l’Assemblée réunie de la Commission communautaire commune » , op. cit.
  • [91]
    Sénat, Doc. Parl, n°2-709/6 (2000/2001).
  • [92]
    Compte rendu analytique de la séance plénière du CRBC du 11 mai 2001 (séance du matin ), p. 5
  • [93]
    Ibid., p. 8.
  • [94]
    Compte rendu analytique de la séance plénière du CRBC du 11 mai 2001 (séance de l’après-midi), p. 7.
  • [95]
    J.-P. NASSAUX, « Le groupe de travail sur le fonctionnement des institutions bruxelloises. Première phase : octobre 1999-mai 2000 », op. cit., p.35.
  • [96]
    Sénat, Doc. Parl, n°2-709/6 (2000/2001).
  • [97]
    Cette partie de l’accord suscite particulièrement la colère du Vlaams Blok qui estime qu’elle consiste à « éliminer la double majorité ». Du côté francophone, même un parti hostile à l’accord tel que le FDF admet, non sans réticences, que cela représente un acquis pour les francophones. Isabelle Gelas déclarait en effet le 11 mai au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale : « Certes, l’aménagement – et non la suppression – du système de la double majorité est une avancée. Cependant, le FDF reste convaincu qu’il y avait moyen de faire autrement. » Cf. compte rendu analytique de la séance plénière du CRBC du 11 mai 2001 (séance du matin), pp.11 et 12.
  • [98]
    Notons que celle-ci était également souhaitée par le pouvoir régional wallon.
Français

Résumé

Dans la nuit du 28 au 29 avril 2001, le groupe de travail sur le fonctionnement des institutions bruxelloises concluait l’accord dit du Lombard au terme d’une deuxième phase de travaux commencée le 23 mars. En veilleuse depuis mai 2000, les travaux avaient repris à un rythme accéléré après l’accord fédéral du Lambermont-bis conclu le 23 janvier 2001.
La deuxième phase de réunions fut relativement brève, mais le débat institutionnel bruxellois ne s’était jamais tout à fait interrompu. Dès juin 2000 en effet, les partis flamands réaffirmaient leurs revendications relatives à une meilleure représentation au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale et menaçaient de bloquer, à partir de 2001, les moyens régionaux supplémentaires destinés à la Commission communautaire française et à la Commission communau¬taire flamande si aucun progrès n’était enregistré à propos de leur exigence. Le lien entre une avancée sur la représentation flamande dans les ins¬titutions bruxelloises et la question du ralliement des voix de la Volksunie au vote des deux pro¬jets de lois spéciales concrétisant l’accord du Lambermont plaça un moment le groupe de tra¬vail bruxellois au centre du jeu politique belge.
L’étude de Jean-Paul Nassaux s’ouvre sur l’été 2000, avec les premières polémiques visant le financement régional des matières communautaires, pour se clôturer en mai 2001 après l’accord dit du Lombard. L’auteur décrit les conséquences de l’accord du Lambermont sur les préoccupations franco¬phones et flamandes liées au statut de la Région de Bruxelles-capitale, qui amenèrent les différents acteurs à redéfinir les positions qu’ils allaient défendre au groupe de travail.
Jean-Paul Nassaux relate avec précision les divers épisodes de la négociation et pré¬sente le contenu de l’accord dans sa dimension politique.

  1. Introduction
  2. La polémique sur le financement régional des matières communautaires
    1. Premiers échanges
    2. Le débat budgétaire de décembre 2000
    3. La première réunion du gouvernement bruxellois en 2001
  3. Les réactions bruxelloises aux accords du Lambermont
    1. Les accords du Lambermont
    2. Les préoccupations francophones
      1. Le refinancement des matières communautaires
      2. Les moyens financiers de la Région de Bruxelles-capitale
      3. La situation des francophones de la périphérie
    3. La préoccupation flamande relative à la présence néerlandophone dans les pouvoirs locaux
  4. Les préliminaires à la reprise des réunions du groupe de travail
    1. Le contexte
      1. La pression sur le groupe de travail
      2. La position de François-Xavier de Donnea
      3. Le problème de la périphérie
      4. Le remplacement de François-Xavier de Donnea par Daniel Ducarme
    2. Les positions néerlandophones et francophones avant la reprise des négociations
      1. Les positions néerlandophones
      2. Les positions francophones
  5. La seconde phase de réunions du groupe de travail
    1. Le démarrage
      1. La première réunion (23 mars 2001)
      2. La concertation francophone du 6 avril 2001
    2. Le blocage
      1. La réunion de Val-Duchesse
      2. Les réunions des délégations flamande et francophone et leurs suites
    3. Le dénouement
      1. Les avancées des 24,25 et 26 avril
      2. Nouveau blocage et négociation finale
  6. L’accord dit du Lombard
    1. Mesures en vue d’empêcher le blocage des institutions
      1. Apparentement entre listes d’un même groupe linguistique
      2. Désignation des ministres et secrétaires d’État régionaux
      3. Double majorité au Conseil de la Région de Bruxellescapitale et à l’Assemblée réunie de la Commission communautaire commune
    2. Mesures destinées à renforcer la représentation flamande dans les assemblées bruxelloises
      1. Suppléance des ministres et secrétaires d’État régionaux
      2. Représentation des groupes néerlandophone et francophone dans le Conseil de la Région de Bruxelles-capitale
      3. Composition de l’Assemblée de la Commission communautaire flamande
      4. Élection directe des membres bruxellois du Conseil flamand
    3. Refinancement de la Commission communautaire française et de la Commission communautaire flamande
    4. Mesures relatives aux communes
  7. Conclusion
Dans la nuit du 28 au 29 avril 2001, le groupe de travail sur le fonctionnement des institutions bruxelloises concluait l’accord dit du Lombard au terme d’une deuxième phase de travaux commencée le 23 mars. En veilleuse depuis mai 2000, les travaux avaient repris à un rythme accéléré après l’accord fédéral du Lambermont-bis conclu le 23 janvier 2001. La deuxième phase de réunions fut relativement brève, mais le débat institutionnel bruxellois ne s’était jamais tout à fait interrompu. Dès juin 2000 en effet, les partis flamands réaffirmaient leurs revendications relatives à une meilleure représentation au Conseil de la Région de Bruxelles-capitale et menaçaient de bloquer, à partir de 2001, les moyens régionaux supplémentaires destinés à la Commission communautaire française et à la Commission communautaire flamande si aucun progrès n’était enregistré à propos de leur exigence. Le lien entre une avancée sur la représentation flamande dans les institutions bruxelloises et la question du ralliement des voix de la Volksunie au vote des deux projets de lois spéciales concrétisant l’accord du Lambermont plaça un moment le groupe de travail bruxellois au centre du jeu politique belge. L’étude de Jean-Paul Nassaux s’ouvre sur l’été 2000, avec les premières polémiques visant le financement régional des matières communautaires, pour se clôturer en mai 2001 après l’accord dit du Lombard. L’auteur décrit les conséquences de l’accord du Lambermont sur les préoccupations francophones et flamandes liées au statut de la Région de Bruxelles-capitale, qui amenèrent les différents acteurs à redéfinir les positions qu’ils allaient défendre au groupe de travail. Jean-Paul Nassaux relate avec précision les divers épisodes de la négociation et présente le contenu de l’accord dans sa dimension politique.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/02/2006
https://doi.org/10.3917/cris.1716.0005
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