Introduction
1Au cours de la première législature régionale (1989-1995) qui a matérialisé l’existence de la Région de Bruxelles-capitale, l’habitat et le logement ont fait l’objet de décisions politiques. La question de l’accès au logement ou de la fixation d’habitants se trouve au centre des questions relatives au financement de la nouvelle région en vertu des modalités organisées par la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions. Elle concerne aussi la capacité pour les Bruxelloises et les Bruxellois d’exercer leur droit au logement dans une ville-région où interviennent aussi des enjeux nationaux et transnationaux.
2Le secteur du logement social bruxellois, qui fait l’objet de ce numéro du Courrier hebdomadaire constitue un des axes essentiels de la politique régionale du logement. Le vote de l’ordonnance du 9 septembre 1993 portant modification du code du logement pour la Région de Bruxelles-capitale et relative au secteur du logement social constitue à ce jour la seule réforme législative importante dans ce secteur dans une des trois régions de la Belgique fédérale. Cette réforme a permis de mettre en place un cadre législatif et administratif plus adapté aux enjeux spécifiques que la Région de Bruxelles-capitale doit affronter dans ce secteur d’action publique. Et comme telle, elle constitue en quelque sorte un premier aboutissement qui a été précédé ou accompagné, depuis la première évocation de la scission de la Société nationale du logement dans le cadre de la régionalisation provisoire en 1976, de plusieurs décisions dont nous rappellerons les principales en ce qu’elles ont progressivement élaboré le cadre général tel qu’il existe aujourd’hui dans le secteur.
3Si le contexte institutionnel et législatif du secteur du logement social bruxellois a connu une mutation profonde depuis la loi du 28 décembre 1984 portant suppression ou restructuration de certains organismes publics et qui, à son article 7, a créé la personnalité juridique de la Société du logement de la Région bruxelloise-SLRB, cette évolution est à analyser à la fois en fonction de la situation réelle de ce secteur à la fin des années quatre-vingts et de ses caractéristiques en tant que secteur d’action publique. Un de ses aspects est financier : relance des investissements, financement des investissements des sociétés de logement social, gestion de la dette du logement social.
4C’est à partir de cette double approche que la déclaration de politique du gouvernement bruxellois et les orientations prises au cours de la première législature bruxelloise sont évoquées.
La situation du logement social bruxellois en 1989
5Au moment où le premier Conseil et le premier gouvernement de la Région de Bruxelles-capitale sont installés à la moitié de l’année 1989, le secteur du logement social bruxellois apparaît quelque peu “en latence”. Le secteur n’était pas organisé administrativement du point de vue de la région bruxelloise et le cadre législatif de son action était pour partie inadapté au milieu essentiellement urbain dans lequel elle devait désormais s’exercer.
6La loi du 28 décembre 1984 [1] portant suppression ou restructuration de certains organismes publics avait cependant octroyé par son article 7, la personnalité juridique à la Société du logement de la Région bruxelloise et un arrêté royal avait été pris le 9 août 1985 [2] pour la constituer et approuver ses premiers statuts qui seront modifiés par l’arrêté royal du 14 avril 1987 [3]. Cependant un arrêté royal devait mettre en œuvre les principes de la loi du 28 décembre avril 1984 en décidant de la date de la suppression effective des institutions du logement social concernées, à savoir la Société nationale du logement-SNL et la Société nationale terrienne-SNT. Or, la détermination de cette date était en fait subordonnée à un triple préalable.
7Les deux premières conditions - à savoir la solution du problème posé par la répartition des dettes du passé et engendrées par les investissements réalisés en matière de logement social et la création d’un organisme chargé d’effectuer le service financier des avances et emprunts dont les sociétés nationales supprimées sont titulaires - ont été remplies par la convention du 4 mai 1987 [4] entre le gouvernement et l’exécutif flamand et l’exécutif régional wallon et l’exécutif de la Région bruxelloise relative au règlement des dettes du passé et charges s’y rapportant en matière de logement social. La troisième condition consistait en l’existence dans chacune des régions d’une institution similaire aux sociétés supprimées, qui soit opérationnelle et susceptible de reprendre les compétences, le personnel et les activités de celles-ci. Cette condition était remplie également pour les trois régions.
8Il restait cependant des difficultés budgétaires qui empêchaient le transfert effectif de la SNL et de la SNT aux régions. Il a fallu attendre la loi du 26 juin 1990 [5] qui organise le transfert définitif, deux arrêtés royaux du 27 juillet 1990 relatifs à la dissolution de la Société nationale terrienne et de la Société nationale du logement et au transfert de leurs missions, biens, droits et obligations à la Région wallonne, à la Région flamande et à la Société du logement de la Région bruxelloise [6], et deux arrêtés royaux du 18 décembre 1990 relatifs à la répartition du patrimoine, d’une part, de la Société nationale terrienne à la Région wallonne et à la Région flamande et à la clôture de sa dissolution et, d’autre part, de la Société nationale du logement à la Région flamande, à la Région wallonne et à la Société du logement de la Région bruxelloise et à la clôture de sa dissolution [7].
9La Société du logement de la Région bruxelloise existait donc depuis 1985 mais n’était pas installée pleinement dans son rôle tandis que l’on assistait à l’effritement progressif du rôle de tutelle de la Société nationale du logement. La phase de transition nécessaire à la concrétisation effective et complète de la régionalisation du logement social en ce qui concerne les organes administratifs régionaux a duré dix ans. De plus, la SNL, qui exerçait sa tutelle sur 270 sociétés agréées réparties sur l’ensemble du territoire national au moment de sa dissolution, a vu aussi son personnel diminuer progressivement sans que les sociétés régionales appelées à lui succéder et déjà constituées ne reprennent effectivement son rôle. Cette situation a nourri le développement de la part de certaines sociétés agréées d’une habitude de gestion hors tutelle régionale caractérisée notamment par les volontés d’autonomie sélective.
10Le secteur du logement social a connu avant sa régionalisation une législation nationale homogène relativement indifférente aux éventuelles spécificités des sous-régions ou villes de taille différente dans lesquelles elle devait se matérialiser. Si cet état de fait n’a pas empêché la constitution d’un patrimoine historique de l’ordre de 350.000 logements sociaux à l’échelon national, il a cependant quelque peu écorné une série de réalités propres au milieu essentiellement urbain qui est celui de la région bruxelloise notamment en matière de politique foncière, d’intégration du logement social dans le tissu urbain et de localisation de l’offre de logements sociaux dont 64 % sont situés dans la seconde couronne de la région alors que la demande sociale s’affirme davantage dans son centre.
11Une autre caractéristique domine la décennie 1980-1990 : le sous-investissement. Alors que la progression du nombre de logements était de 46 % entre 1981 (34.494 unités) et 1971 (23.591 unités), elle n’a été que de 8 % entre 1981 et 1990.
12À partir du 1er juillet 1983, à l’instigation de Annemie Neyts alors en charge du logement pour la Région bruxelloise, la politique d’investissement du logement social bruxellois a connu un revirement important : les investissements n’ont plus été financés par l’emprunt mais par des crédits budgétaires directs qui, pour les années 1983 à 1988 - soit 6 ans -, ont représenté un montant total de 2.506,7 millions, soit une moyenne annuelle de 417,8 millions.
13Nous reviendrons sur ce nouveau système de financement qui a permis au secteur de dégager des moyens d’autofinancement récurrents, certes à un faible niveau au début mais qui tranchaient avec la dynamique d’endettement nourrie par le système de financement pratiqué jusqu’alors. C’est d’ailleurs le constat de la constitution de la dette du logement social qui a sonné le glas de ce mode de financement qui se caractérisait essentiellement par le recours à l’emprunt sur le marché des capitaux. Cette dette s’est constituée parce que le système de remboursement des investissements par annuité a créé une distorsion de plus en plus grande entre les charges et les échéances à assumer par l’État et les capacités de remboursement que le secteur pouvait lui garantir à travers les annuités des sociétés : les emprunts étaient contractés sur le marché des capitaux au taux du marché et l’État prenait en charge le différentiel d’intérêt entre le taux très faible de 2,5 % réclamé à cet effet aux sociétés immobilières de service public bénéficiaires de ces emprunts et le taux du marché. Les pouvoirs publics prenaient également en charge la différence de rythme d’amortissement de ces emprunts. En effet, les sociétés immobilières de service public remboursaient ces emprunts à l’État à un rythme plus long (66 et 30 ans selon le type de travaux) que celui réclamé par le secteur bancaire. Ainsi s’est créée une importante dette de financement du secteur ainsi qu’une non moins importante dette de refinancement dans la mesure où l’État n’a pas pu faire face à ses engagements et a lui-même refinancé sa dette au moyen d’emprunts.
14Durant les années 1980, les principes de la répartition des charges du passé entre l’État et les régions ont été établis par la loi du 5 mars 1984 [8] relative aux soldes et aux charges du passé des communautés et des régions et aux secteurs économiques nationaux qui prévoit en son article 2 § 5 une répartition des charges du passé du logement social entre l’État et les régions. Elle a été complétée dans son application par l’accord dit de la “Sainte Catherine” qui prévoyait un règlement de l’amortissement des charges du passé ainsi qu’un effort des régions qui s’inscrivait dans une collaboration de celles-ci au plan global d’économie du gouvernement prévues dans le plan dit de “Val Duchesse” de 1986. Pour assurer l’amortissement des charges du passé d’une manière coordonnée, le gouvernement et les exécutifs régionaux ont signé le 4 mai 1987 [9] “une convention relative aux dettes du logement social modifiée par un avenant du 28 septembre 1989 puis remplacé ultérieurement par une convention en date du 1er juin 1994. Cette première convention stipule qu’est créé un Fonds d’amortissement des emprunts du logement social (en abrégé le FADELS) qui est appelé à gérer d’une manière globale tant pour le compte de l’État que pour celui des régions, les charges du passé : cet organisme est en fait chargé d’effectuer le service financier des avances et des emprunts dont les sociétés appelées à être supprimées sont titulaires. Comme organe de coopération État-Régions, le Fonds est dirigé par un Conseil d’administration constitué paritairement des représentants de l’État et des trois régions. Il bénéficie pour ses émissions sur le marché des capitaux, de la garantie de l’État et de conditions fiscales intéressantes (emprunts sans précompte immobilier) qui seront remplacées plus tard par une nouvelle intervention de l’État” [10].
15Enfin, à un autre niveau, la situation du secteur du logement social est caractérisée par l’accentuation du déficit des sociétés agréées : de 1984 à 1989, les résultats comptables consolidés du secteur indiquaient une croissance de la perte reportée de 989,6 millions à 1.698,8 millions, soit une croissance de 71 %. Cette accentuation du déficit fait suite à une période - les années 1970 à 1980 - d’investissements importants et s’inscrit dans une période caractérisée à la fois par l’approfondissement de la crise et par l’effritement de la tutelle sur les sociétés agréées.
16Mais cette période est aussi marquée par l’échec de la mise en place de mécanismes transversaux de solidarité, initiés par Lydia De Pauw en charge du logement au début des années 1980. L’arrêté du 30 juin 1981 [11], a fixé une norme pour le calcul des loyers en conjuguant des paramètres immobiliers et sociaux. Toutefois, la mise en place, initialement prévue, d’un régime de solidarité horizontale compensant les pertes engendrées par les sociétés agréées accueillant des ménages locataires à bas revenus n’avait pas été réalisée. Cette décennie a donc aussi été caractérisée par le découvert progressif de ce que l’on appelle aujourd’hui le “déficit” ou le “boni social”, à savoir l’affirmation d’un écart négatif ou positif entre les recettes locatives “théoriques” des sociétés et leurs recettes locatives réelles définies prioritairement par le niveau de revenus et la composition des ménages qu’elles accueillent. Cette non-couverture du déficit social a fortiori sur un patrimoine régional élargi qui a augmenté de 46 % entre 1971 et 1981 a donc organisé à l’intérieur des sociétés une dichotomie entre la poursuite de l’objectif de service public et les effets comptables de la volonté de rencontrer l’objectif social ainsi soustendu. Elle a participé à la dégradation financière d’un certain nombre de sociétés que leur sphère d’action situait dans les zones les plus appauvries de la région et qui ont ainsi accumulé une perte financière significative et explicable en partie importante à partir de ce facteur structurel.
La première déclaration de politique régionale
17La déclaration de politique régionale d’octobre 1989 mettait en exergue les trois créneaux de l’action que le gouvernement entendait poursuivre durant cette législature en ce qui concernait la politique du logement au sens strict du terme, à savoir :
- la réorganisation globale du secteur du logement social bruxellois et la relance des investissements afin de tenter d’augmenter de manière significative l’offre locative publique à destination des ménages locataires pour qui le marché locatif privé était trop peu accessible. De plus, une attention particulière était accordée aux dossiers des casernes militaires et propriétés du secteur dont la réurbanisation figurait parmi les objectifs prioritaires de la région dans le cadre de sa politique d’offre de logements ;
- le développement d’une politique d’accès à la propriété pour les familles à partir d’un élargissement de l’action du Fonds du logement des familles de la région bruxelloise dorénavant identifié comme acteur principal de la région à cet égard ;
- enfin, la déclaration ouvrait la porte à la mise en place d’actions nouvelles, principalement à partir du monde associatif et en partenariat éventuellement avec des acteurs publics locaux comme les sociétés de logement social ou les CPAS. L’objectif était très concrètement de soutenir certains projets destinés à aider les ménages bruxellois les plus fragilisés et permettre le développement de certaines initiatives qui, après une période de mise en place, pourraient s’affirmer de manière plus institutionnelle.
18Pour ce qui concerne le logement social, un premier aspect à prendre en compte avait trait conséquences pour la Région de Bruxelles-Capitale de la régionalisation du secteur et de la vraisemblable future dissolution de la Société nationale du logement. La situation apparaissait désormais presque mûre pour affirmer la spécificité bruxelloise du secteur du logement social à peine entrevue dans l’application de la loi du 25 mars 1981 [12] qui avait introduit certaines dispositions particulières à la région bruxelloise dans le code du logement. Cette spécificité, en fait, trouvera à se manifester à la fois dans la consécration de nombreux principes de politique foncière et urbaine du secteur, mais aussi dans sa politique financière, sa politique sociale et dans le mode de recomposition des rapports de tutelle. Cette spécificité se matérialisera aussi dans la volonté de résorption de la dette du logement social.
19Un deuxième principe concernait la conception du logement social comme forme d’intervention publique régionale dans une région urbaine où les enjeux sur l’espace s’affirment de manière prioritaire selon le rythme des désordres du marché. Celui-ci dicte alors les règles prioritaires et, à force de courir après lui, les pouvoirs publics s’épuisent financièrement sans pour autant résoudre les problèmes qu’ils ont voulu rencontrer. C’est une option contraire à cette course vaine qui a été choisie. D’une part, le secteur du logement social a été approché comme un “équipement public” quasi hors marché - quasi car les coûts de la construction restent un paramètre important pour le développement de son patrimoine et sa politique sociale - sur lequel l’autorité publique a une forte capacité d’encadrement législatif et donc de contrôle ; d’autre part, le secteur du logement social - ou plutôt l’accès qu’il peut procurer à la location d’un logement dont le coût est encadré - a été appréhendé comme un secteur où les ménages locataires peuvent prendre le temps de se stabiliser socialement et financièrement avant éventuellement de devenir locataires sur le marché privé ou acquérir un logement.
20Enfin, le troisième principe important visait à faire évoluer l’organisation administrative du secteur en définissant des objectifs à suivre par les organismes publics et les moyens affectés à leur réalisation et en instaurant des dispositifs pour suivre et contrôler les réalisations.
21L’exécutif de la Région de Bruxelles-capitale privilégiait cinq axes d’action dans sa déclaration de politique régionale. Ces cinq axes entendaient affirmer un redéveloppement régional du logement social à partir d’actions qui concernaient à la fois sa politique d’investissements et sa politique foncière, la clarification institutionnelle de la situation de la société de tutelle régionale (la Société du logement de la région bruxelloise), la politique sociale, la politique financière et les modalités de gestion du secteur.
22Le redéploiement de ce secteur devait passer par une relance des investissements actée dans la déclaration de politique régionale comme un des principes essentiels. Cette relance devait tenir compte des contraintes et des arbitrages budgétaires de la région qui devait répondre à ses objectifs de développement d’une manière intégrée, en articulant différents champs de compétences. Cette relance passait aussi par la valorisation de certaines réserves foncières au rang desquelles figuraient les casernes militaires. Ces réserves étaient alors envisagées comme une marge de manœuvre pour les pouvoirs publics régionaux dans la mise en place de partenariats public-privé, avec comme perspective la réurbanisation, dans le cadre de projets privilégiant la production de nouveaux logements pour des publics différents. Un quota de 15 % minimum de logements sociaux était intégré dans les principes de ces opérations avec comme perspective l’utilisation des moyens apportés par le secteur privé pour payer la construction de ceux-ci. De plus, il était indiqué que la vente du patrimoine du secteur serait désormais l’exception et qu’une planification des investissements devait être instaurée.
23Bien que constituée par l’arrêté royal du 9 août 1985, qui a aussi approuvé ses premiers statuts, la Société du logement de la région bruxelloise-SLRB n’existait qu’à l’état d’embryon et davantage comme structure d’accueil visant à préparer la régionalisation définitive de la Société nationale du logement-SNL. En réalité, c’est toujours la société nationale qui exerçait la tutelle sur le secteur du logement social bruxellois créant ainsi un imbroglio institutionnel. Cette situation n’était pas de nature à permettre le redéveloppement du secteur puisqu’il n’était pas envisageable de reconstituer, à partir de la SNL, une tutelle opérationnelle et soucieuse des enjeux spécifiques de la Région de Bruxelles-capitale. Ce problème de clarification institutionnelle indiquait la nécessité d’avancer davantage dans la régionalisation définitive du secteur. L’objectif était donc de positionner le plus rapidement possible la SLRB dans son véritable rôle, réaffirmé à travers un contrat de gestion la liant à la région.
24En ce qui concerne la politique sociale, la déclaration de l’exécutif bruxellois affirmait la nécessité de revoir à la baisse les conditions de revenus permettant l’accès aux logements sociaux pour les ménages candidats ainsi que le régime locatif dans une perspective plus sociale. De même était soulignée la nécessité de prévoir des dispositifs d’accompagnement social, d’information et de recours pour les locataires ou candidats locataires, de modifier en quelque sorte le rapport aux usagers. De plus, une dynamique de solidarité devait permettre de tempérer la contradiction devant laquelle se trouvaient les sociétés, à savoir les impacts financiers structurellement négatifs que la poursuite de la mission de service public générait pour la plupart d’entre elles. La volonté s’affirmait aussi de mieux penser l’insertion urbaine et sociale de l’offre de logements sociaux dans la ville-région qu’est Bruxelles et de favoriser les partenariats avec d’autres acteurs de la politique de l’habitat ou de la politique sociale.
25La politique financière envisagée par l’exécutif bruxellois entendait d’une part poursuivre le financement des investissements du secteur à partir des crédits régionaux inscrits à cet effet dans le budget des dépenses de la région ; d’autre part, gérer activement la dette du logement social, une fois clarifiées les charges y afférent pour l’État national et les trois régions, c’est-à-dire casser l’effet “boule de neige” que cette dette pouvait représenter pour la région et le secteur, et au mieux, planifier la résorption de cette dette sans trop obérer les moyens disponibles pour les investissements.
26Enfin, la déclaration de l’exécutif bruxellois entendait aussi affiner la mise en place de nouvelles modalités de gestion par la signature de contrats de gestion qui se substitueraient aux règles de l’agréation des sociétés immobilières de service public. Ces nouvelles modalités de gestion passaient aussi par la mise en place de nouveaux outils de gestion permettant à la fois une gestion prévisionnelle du secteur tout en garantissant l’homogénéité des outils utilisés par les sociétés de logement social. Il était aussi prévu la possibilité de mettre en place des mesures spécifiques et exceptionnelles permettant la résorption de la perte cumulée du secteur.
Les principales mesures au début de la législature
Les mesures financières
27Les mesures financières ont été de trois ordres : une gestion de la dette du logement social, dans la foulée d’une clarification de la situation effective de la SLRB, suite à la dissolution de la SNL et de la SNT et au partage de leurs bilans ; le financement des investissements du secteur, à partir des crédits régionaux inscrits à cet effet dans le budget des dépenses de la région ; et une amélioration des outils de gestion du secteur et des mesures d’encadrement et d’accompagnement des sociétés immobilières de service public en difficultés financières.
La gestion de la dette
28Rappelons que la dette est composée, d’une part, d’une dette ancienne contractée par l’ancienne Société nationale du logement et, d’autre part, de la dette de refinancement contractée et gérée par le Fonds d’amortissement des emprunts du logement social-FADELS qui est entré en action à partir de juillet 1990.
29La dette du logement social en région bruxelloise a diminué de 4,4 milliards entre décembre 1989 et décembre 1992 (tableau 1). Pour comprendre cette évolution, il est nécessaire de la désagréger en ses deux composantes :
- la dette de l’ancienne SNL : celle-ci a diminué de 790 millions en raison des remboursements effectués par les sociétés immobilières de service public sous la forme d’annuités mathématiques (annuités constantes calculées à un taux de 2,5 % sur 66 ans).
- la dette de refinancement du FADELS : celle-ci a diminué de plus de 3,6 milliards durant la même période. Cette diminution est la conséquence de la volonté des acteurs politiques bruxellois de voir s’éteindre à brève échéance cette dette de refinancement qui, à terme, aurait conduit à un emballement des charges financières et à une asphyxie du secteur.
Évolution de la dette du logement social (1989-1992) (en millions de BEF)
![Tableau 1](./loadimg.php?FILE=CRIS/CRIS_1521/CRIS_1521_0001/CRIS_idPAS_D_ISBN_pu1996-16d_sa01_art01_img001.jpg)
![Tableau 1](./loadimg.php?FILE=CRIS/CRIS_1521/CRIS_1521_0001/CRIS_idPAS_D_ISBN_pu1996-16d_sa01_art01_img002.jpg)
Évolution de la dette du logement social (1989-1992) (en millions de BEF)
30C’est l’ordonnance du 27 juin 1991 [13] portant approbation de la convention du 24 mai 1987 entre le gouvernement et l’exécutif flamand, l’exécutif régional wallon et le gouvernement de la région bruxelloise, relative au règlement des dettes du passé et charges s’y rapportant en matière de logement social, modifiée par l’avenant du 28 septembre 1989, qui a formalisé cette matière.
Le financement des investissements
31L’installation du premier gouvernement bruxellois a coïncidé avec un accroissement des moyens budgétaires consacrés aux investissements dans le secteur du logement social sous la forme de crédits budgétaires.
Investissements (1983-1992) (en francs)
![Tableau 2](./loadimg.php?FILE=CRIS/CRIS_1521/CRIS_1521_0001/CRIS_idPAS_D_ISBN_pu1996-16d_sa01_art01_img003.jpg)
Investissements (1983-1992) (en francs)
32Un plan triennal d’investissement 1992-1994 a été approuvé le 17 juillet 1991 par le gouvernement bruxellois. Il faisait suite à un plan biannuel portant sur les années 1990-1991. Ce plan triennal prend en compte des critères tels que la localisation des investissements par type de zones - dégradées ou non - une priorité étant donnée aux investissements en zones dégradées ; le type d’opérations valorisant les constructions nouvelles vis-à-vis des rénovations, réhabilitations et autres opérations ; la situation financière des sociétés vis-à-vis desquelles il convenait de ne pas accentuer l’éventuel déséquilibre par des programmes d’investissements disproportionnés eu égard à leurs capacités de résultat ; l’utilisation des infrastructures urbaines existantes ; l’intégration des projets dans la ville et leur capacité à participer à la reconstruction de leur environnement urbanistique immédiat ; le mode de distribution spatial de l’offre de logement social existante et la nécessité de la pondérer ; l’état d’avancement administratif du dossier.
33Ces programmes d’investissement sont financés par un système d’octroi d’avances remboursables sur 66 ans.
34Les montants concernés par les remboursements des sociétés immobilières de service public sont versés sur un fonds budgétaire du budget régional, exclusivement réservé à la politique du logement social. Ceux-ci sont à nouveau réutilisés pour de nouveaux investissements.
35À côté de cette reprise des investissements qui restait, sans doute, en-dessous des besoins vu l’état de la demande sociale bruxelloise, le moratoire du 10 juillet 1990 permit de ne pas liquider le patrimoine foncier du secteur. Ce moratoire auquel certaines dérogations ont été accordées par la SLRB car liées à des surfaces réduites ou inutilisables pour le développement du secteur, a permis de geler ses réserves foncières qui constituent sa principale marge de manœuvre.
36Enfin, des décisions ont été prises à propos de la caserne Rolin, propriété de la SLRB et de l’hôpital militaire, propriété de la Société régionale de développement-SDRB.
37La déclaration politique de l’exécutif bruxellois accordait une priorité à l’habitat, entre autres par la réaffectation des sites des différentes casernes, à savoir l’hôpital militaire à Ixelles (6 ha 25 a 80 ca) ; la caserne Rolin (3 ha 39 a 22 ca) ; la caserne Prince Baudouin (4 ha 4 a 18 ca) ; la caserne du Prince Albert (1 ha 62 a 15 ca).
38Ces quatre sites, auxquels étaient joints le site de la caserne du Petit Château et l’arsenal du Charroi, avaient fait l’objet d’un acte de vente entre l’État belge et la Société nationale du logement-SNL par le biais d’une convention datée du 30 septembre 1976. Une partie des paiements prévus ayant été effectuée selon les termes de ladite convention, il y a eu transfert vers la SNL et par suite de la régionalisation vers la Société du logement de la région bruxelloise-SLRB, de la caserne Albert, de la caserne Rolin et des deux tiers de la caserne Prince Baudouin. L’accès à la propriété du site du Petit Château a été abandonné au début de la législature. Quant à l’arsenal du Charroi, après avoir été acquis, dans un premier temps, par la SNL, il a fait l’objet d’une expropriation au profit de la Société de développement régional de Bruxelles et de la Vrije Universiteit Brussel-VUB.
39La déclaration de l’exécutif prévoyait que les opérations à mener sur les quatre sites concernés (Rolin, hôpital militaire, Prince Albert et Prince Baudouin) devaient viser des publics à revenus différents, vis-à-vis desquels une proportion significative de logement social (15 % au minimum) serait offerte. L’idée générale était de promouvoir, sur ces sites, la création de nouveaux quartiers qui présentent une mixité fonctionnelle et permettent l’accueil de différentes catégories sociales.
40Des études sur la faisabilité de réurbanisation des sites de la caserne Rolin, de l’hôpital militaire, de la caserne Prince Baudouin et de la caserne Albert ont été poursuivies tandis que des décisions étaient prises :
- un arrêté du 26 octobre 1989 a abrogé l’arrêté royal du 21 novembre 1984 ordonnant la révision partielle du plan de secteur de l’agglomération bruxelloise. Cette révision concernait les sites des casernes Albert, Prince Baudouin (Dailly) et de l’hôpital militaire ;
- un arrêté royal fut pris le 12 juillet 1990 concernant l’expropriation d’un tiers de la superficie du site de la caserne Albert et ce, suite à un accord de coopération entre l’État belge et la Région de Bruxelles-capitale, daté du 23 mars 1990. Initialement, c’était l’ensemble du site de la caserne Albert qui était exproprié au profit du Ministère des Affaires étrangères par un premier arrêté royal daté du 27 septembre 1989 ;
- le gouvernement a marqué le 20 décembre 1990 son accord sur la finalisation des procédures d’expropriation du site de l’hôpital militaire au profit de la Société de développement régional de Bruxelles et du tiers restant non acquis du site de la caserne Prince Baudouin au profit de la SLRB ;
- le 6 février 1991, la convention du 30 septembre 1976 était dénoncée de manière bilatérale par le ministre de la Défense nationale et la Région de Bruxelles-capitale ;
- lors de sa réunion du 2 avril 1992, le gouvernement de la Région de Bruxelles-capitale a marqué son accord sur la désignation de l’association momentanée chargée de la réurbanisation du site de la caserne Rolin. Il a également proposé à la SLRB et à la commune d’Etterbeek de marquer leur accord sur la proposition de convention les liant à cet opérateur, ce qui fut fait le 9 avril 1992 ;
- le gouvernement a désigné, en juillet 1992, l’association momentanée constituée afin d’assurer la réurbanisation de l’ex-hôpital militaire à Ixelles ;
- enfin, c’est le 23 décembre 1993 que le gouvernement a pris attitude sur les options fondamentales qui concernaient la réurbanisation du site de la caserne Prince Baudouin - caserne Dailly à Schaerbeek.
Les outils de gestion du secteur
41Plusieurs décisions ont été prises afin, à la fois, de tenter de redresser la situation de certaines sociétés endettées et d’homogénéiser les instruments de gestion des sociétés immobilières de service public.
42À partir de 1990, sept sociétés, à savoir Le Foyer Anderlechtois, Le Foyer Schaerbeekois, Le Foyer Bruxellois, Les Villas de Ganshoren, HLS d’Auderghem, HBM de St-Josse et la SCLAB ont fait l’objet d’un audit. Ces audits se sont concentrés sur les sociétés ayant les pertes cumulées les plus importantes du secteur à l’époque et ont été prolongés par des mesures de redressement. Les résultats des audits des cinq dernières sociétés immobilières de service public citées ont été présentés dans le courant de janvier 1992.
43Ensuite, des propositions visant à améliorer les résultats ont été soumises au pouvoir de tutelle ainsi qu’au conseil d’administration de chaque société. Il a alors été demandé que celles-ci remettent un plan de redressement contenant des mesures de restructuration.
44Un plan comptable minimum normalisé a été imposé aux sociétés et est d’application depuis le 1er janvier 1991. Une comptabilité analytique a été mise en place à partir du 1er janvier 1992. Celle-ci devrait permettre d’établir des tableaux de bord regroupant les informations concernant :
- la gestion prévisionnelle ;
- le patrimoine : les caractéristiques des logements, les loyers de base, les valeurs locatives, les charges telles le gros entretien, la dette, les plans de rénovation, les réserves foncières ;
- les locataires : composition et revenus des ménages, recouvrement des créances, … ;
- les résultats : chiffres d’affaires, produits financiers, les différents ratios de gestion, la mesure du “déficit social”.
45Un plan d’informatisation du secteur a également été mis en place.
46De 1990 jusqu’à la fin 1992, la région a octroyé 480 millions dans le cadre de l’allocation de solidarité mise en place la première fois en 1990 par l’arrêté du 22 novembre 1990.
47Le système de calcul actuel des loyers des logements sociaux adapte le niveau du loyer mensuel aux revenus des locataires ; ce qui représente en quelque sorte une “moins-value” pour les sociétés qui acceptent des ménages à faible revenu. La tentation peut donc être grande pour celles-ci de refuser les plus bas revenus. L’objectif de cette allocation était d’empêcher cette tendance de se développer et ceci via l’octroi de montants financiers destinés à aider les sociétés immobilières que le système “pénalise” parce qu’elles jouent pleinement leur rôle social vis-à-vis des locataires à bas revenus. Les sociétés reçoivent dès lors un subside de la région via la SLRB, correctif partiellement de cet état de fait, et ceci sur base de ce qui est appelé le “déficit social”, à savoir la perte de recettes clairement identifiables au niveau de revenus de leurs locataires. Le montant perçu dans le cadre de l’allocation de solidarité doit être affecté à des dépenses précises telles le remboursement des emprunts, l’accompagnement social et la gestion du patrimoine des sociétés agréées.
48Une subvention d’assainissement de 100 millions instaurée par l’arrêté du 3 décembre 1992 est destinée à réduire, à terme, le déficit structurel du secteur. Elle a permis à certaines sociétés immobilières de compenser une série de charges telles que la charge d’annuité plus lourde pour les sociétés ayant construit récemment, le déficit social non couvert par l’allocation de solidarité, un montant de précompte immobilier dû variant de commune à commune. Cette subvention a été octroyée pour la première fois en 1992 ; elle devait, dans les années ultérieures, éventuellement être prolongée d’un effort financier à charge de la SLRB en fonction de ses disponibilités budgétaires.
49La perte reportée consolidée des sociétés immobilières de service public a été diminuée de 5 % entre 1989 et 1992.
Perte reportée consolidée des sociétés immobilières
![Tableau 3](./loadimg.php?FILE=CRIS/CRIS_1521/CRIS_1521_0001/CRIS_idPAS_D_ISBN_pu1996-16d_sa01_art01_img004.jpg)
Perte reportée consolidée des sociétés immobilières
La Société du logement de la Région bruxelloise
50La situation de la SLRB a évolué fortement depuis la moitié de l’année 1989 et cela est dû à quatre décisions de nature très différente, dont deux ont été prises par le gouvernement national dans la foulée de la loi du 26 juin 1990 et deux par l’exécutif de la Région de Bruxelles-capitale.
51Les deux décisions prises par le gouvernement national sont :
- les deux arrêtés royaux du 27 juillet 1990 relatifs à la dissolution de la Société nationale du logement et de la Société nationale terrienne, au transfert de leurs missions, biens, droits et obligations à la Région wallonne ou la Région flamande et à la Société du logement de la Région bruxelloise ;
- les deux arrêtés royaux du 18 décembre 1990 relatifs à la répartition du patrimoine de la Société nationale du logement et de la Société nationale terrienne à la région wallonne, à la Région flamande et à la Société du logement de la Région bruxelloise et à la clôture de la dissolution de ces deux sociétés nationales.
52Les deux décisions prises par l’exécutif de la Région de Bruxelles-capitale sont :
- l’arrêté de l’exécutif de la Région de Bruxelles-capitale du 19 avril 1990 qui concerne la mise en concordance de la majorité du conseil d’administration de la SLRB avec la majorité régionale actuelle ; 118 parts étaient à l’époque la propriété de la région et 7 de la Société régionale d’investissement de Bruxelles-SRIB ;
- la décision de l’exécutif de la Région de Bruxelles-capitale du 21 octobre 1993 qui visait à adapter le cadre du personnel de l’institution aux nouvelles missions de ladite société.
Les mesures sociales
53De manière complémentaire à l’installation à la fin de l’année 1990 de l’allocation de solidarité déjà évoquée par l’arrêté du 17 octobre 1991, prolongé par l’arrêté du 16 juillet 1992, l’exécutif a mis en place une réforme locative importante pour le logement social bruxellois. Celle-ci a notamment permis de réduire les conditions de revenus des ménages donnant accès au logement social et ceci de près de 20 % entre 1989 et 1993 ; de mieux protéger les ménages dont les revenus étaient inférieurs au revenu pivot qui est le revenu de référence ; de mieux homogénéiser les règles de plafonnement des loyers réels en revoyant les modalités de définition de la valeur locative normale du logement pour tout le secteur ; d’adapter les règles de priorité d’accès aux réalités des ménages vivant dans les grands centres urbains et à l’importance de la demande sociale de logement ; de favoriser la mobilité afin de permettre aux ménages de bénéficier du logement le plus adapté à la composition de leur famille ; et de décider de règles encadrant la manière dont les 34 sociétés immobilières de service public fixent les loyers de base et les loyers réels, de manière à mieux standardiser ceux-ci.
54Ces mesures ont été prises à une époque où les hausses sur le marché locatif privé étaient très importantes et fragilisaient une part importante des ménages locataires bruxellois.
L’ordonnance du 9 septembre 1993
55Le 20 juillet 1993, le Conseil de la Région de Bruxelles-capitale a voté le projet d’ordonnance portant modification du code du logement pour la Région de Bruxelles-capitale [14]. Sur les 63 membres présents, 40 ont voté oui (les représentants des partis de la majorité), 12 ont voté contre (les représentante du PRL) et 11 se sont abstenus (Ecolo, Agalev et le Front national).
56À l’époque, le code du logement en application en Région de Bruxelles-capitale était constitué, d’une part, de dispositions générales à l’ensemble du pays contenues dans l’arrêté royal du 10 décembre 1970 [15] confirmé par la loi du 2 juillet 1971 [16] et, d’autre part, de dispositions particulières à la Région de Bruxelles-capitale prévues par la loi du 25 mars 1981.
57Formellement, l’ordonnance du 9 septembre 1993 a remplacé les articles 10 à 37 du code du logement, à l’exception des articles 14 à 17 concernant la Société nationale terrienne et les articles 30 et 33 qui n’étaient pas d’application en Région de Bruxelles-capitale.
58Dans son exposé introductif le ministre du Logement de l’époque Didier Gosuin (FDF) indiquait que celui-ci s’inscrivait dans une triple continuité vis-à-vis des actions entreprises depuis le début de la première législature régionale :
“- continuité logique d’abord, au sens où le contenu du projet d’ordonnance s’inscrivait tout à fait dans le prolongement de ce qui a été mis en place par l’Exécutif et entend le conforter à un niveau légistique ;
- continuité temporelle ensuite, au sens où il devenait impératif, pour asseoir l’action de la Région, de prolonger celle-ci par une modification du cadre juridique du secteur concerné ;
- continuité conceptuelle enfin, au sens où le projet d’ordonnance permettait en quelque sorte de parachever l’affirmation de la spécificité du secteur du logement social bruxellois entièrement inscrit dans une Région strictement urbaine”.
60Formellement, l’ordonnance du 9 septembre 1993 comporte neuf chapitres :
- les dispositions générales (articles 1 à 5) ;
- la Société de logement de la Région bruxelloise (articles 6 à 9) ;
- la politique immobilière (articles 10 et 11) ;
- les sociétés immobilières de service public (articles 12 à 17) ;
- les modalités de financement (articles 18 à 22) ;
- la gestion et le contrôle des sociétés immobilières (articles 23 à 29) ;
- les recours administratifs (article 30) ;
- les sanctions et le contentieux (articles 31 à 34) ;
- les dispositions dérogatoires et finales (article 35).
Les enjeux principaux
61Pour plus de clarté, le contenu de l’ordonnance du 9 septembre 1993 est présenté ci-dessous sous deux angles : celui des usagers du logement social bruxellois, à savoir les locataires ou les candidats locataires, et celui plus général de la politique régionale qui intègre bien entendu le premier aspect.
Les mesures principales vis-à-vis de la politique locative
62C’est principalement à l’article 5 de l’ordonnance que ces mesures sont évoquées.
63Le contrat type de bail en vigueur dans le secteur était un bail à durée indéterminée : celui-ci est désormais consacré dans l’ordonnance qui conforte aussi les principes généraux du régime locatif en vigueur.
64Un ensemble de dispositions sont prévues afin d’assurer une mutation plus importante des locataires entre les différents types de logements offerts. Cette mutation est assurée lorsque le nombre de personnes occupant un logement est inférieur d’au moins une unité au nombre de chambres composant le logement. Elle ne s’applique pas cependant pour les personnes âgées de plus de 60 ans et les personnes handicapées.
65Les locataires dont les revenus sont supérieurs au revenu d’admission doivent verser une cotisation mensuelle de solidarité à leur société immobilière. En cas de non-respect de cette obligation, le bail à durée indéterminée prend fin. Cette cotisation mensuelle est calculée à partir de la valeur actualisée du bien occupé et est d’autant plus importante que les ménages locataires dépassent les revenus d’admission adaptés à leur situation de revenus et à leur composition. Le montant de la cotisation est revu annuellement en fonction de la valeur actualisée du logement au 31 décembre de l’exercice écoulé. De plus, la somme totale que les locataires peuvent être appelés à payer annuellement à titre de loyer et de cotisation ne peut représenter plus de 10 % de la valeur actualisée du bien si celui-ci est situé dans une zone dégradée ; et 12 % de la valeur actualisée du bien dans les autres cas.
66Toute personne intéressée peut, désormais, introduire auprès d’une société immobilière de service public une plainte en rapport avec ses missions. Le plaignant peut aussi introduire un recours auprès de la Société du logement de la Région bruxelloise lorsque sa plainte n’aura pas été acceptée par une société immobilière, lorsqu’il estimera n’avoir pas obtenu satisfaction ou lorsque le délai pour statuer n’aura pas été respecté. Ce recours doit respecter certaines modalités précisées dans l’ordonnance.
67Enfin, l’ordonnance consacre le principe de l’information et de la participation des locataires au sein de chaque société immobilière de service public puisque, désormais, la Société du logement de la Région bruxelloise aura aussi dans ses missions l’encadrement de ces dynamiques.
En terme de politique régionale
68L’ordonnance entend prioritairement adapter le secteur du logement social bruxellois au caractère urbain de son environnement et vise à permettre une meilleure utilisation des ressources du secteur ce qui, il faut le reconnaître, ressemble beaucoup à une gestion de la rareté vu la taille de la demande et les besoins de rénovation du secteur.
69Ces deux objectifs s’affirment dans le cadre de ce que l’on peut considérer comme une sorte de contrat entre les acteurs du secteur, à savoir les usagers, les sociétés immobilières de service public et la région. Un principe de solidarité est organisé pour chacun d’eux :
- la cotisation mensuelle de solidarité pour les locataires ayant dépassé les conditions d’accès relatives à leur situation familiale et de revenus ;
- la solidarité horizontale pour les sociétés immobilières de service public à travers l’utilisation des boni sociaux des sociétés qui en possèdent ;
- le principe de l’allocation de solidarité prise en charge financièrement par la région.
70Dans ce cadre et plus formellement, on peut distinguer quatre axes de réforme en ce qui concerne la politique régionale.
L’élargissement de l’objet social et des modalités d’action de la SLRB
71L’élargissement de l’objet social de la SLRB entend répondre à la nécessité de passer d’une politique du logement social à une politique sociale du logement et excède les strictes missions immobilières de l’ancienne SNL. La possibilité est ouverte pour la société régionale de tutelle de mobiliser le patrimoine foncier du secteur.
72L’article 6 de l’ordonnance introduit le principe de l’allocation de solidarité et vise l’adoption de mesures d’accompagnement social au sein des sociétés agréées ainsi que des actions d’information et de participation des locataires à la vie des cités de logement.
73De plus, la possibilité est ouverte pour la Société du logement de la Région bruxelloise de faire appel à d’éventuels apports extérieurs et de conclure des accords avec des tiers.
74Un régime d’incompatibilité est consacré à l’article 7 de l’ordonnance afin de garantir notamment l’“étanchéité” de son conseil d’administration vis-à-vis du secteur immobilier privé et des 34 sociétés immobilières de service public. Ce régime est à la fois une garantie de droit contre les diverses pressions susceptibles d’influencer les décisions de la SLRB mais c’est aussi une condition nécessaire pour garantir son rôle de tutelle régionale.
La politique d’insertion de l’offre locative du logement social dans la ville
75Dans son principe général, cette volonté vise à revenir sur l’édification des grands sites de logements sociaux comme mode d’insertion préférentielle pour valoriser la mobilisation de réserves foncières du secteur et pour mieux localiser l’offre locative publique qu’il peut initier.
76Des options ont été prises :
- préserver le patrimoine existant, l’entretenir et refuser la vente sauf circonstances exceptionnelles ;
- sur les réserves foncières les plus larges du secteur, autoriser des projets de logements croisant différents types de produits mais valorisant chaque fois une offre locative sociale significative ;
- permettre une mobilisation plus souple du foncier du secteur mais tout produit résultant de celle-ci doit être affecté à l’extension de ses investissements ;
- adapter l’offre locative et la disséminer dans le tissu urbain. Ainsi, un quota minimum des investissements est désormais défini pour les familles avec trois enfants. De plus, diverses possibilités sont désormais confortées afin de permettre aux sociétés immobilières de service public de réaliser des projets plus ponctuels dans le tissu urbain sur le bâti existant notamment privé et ceci dans le cadre d’actions de rénovation et d’aménagement.
La réorganisation de la tutelle
77Une part importante de l’ordonnance vise à mettre en place une réorganisation de la tutelle dans un souci de plus grande transparence et de modification de la “culture administrative” du secteur.
78La première innovation est l’abandon du système de l’agréation au bénéfice d’un système de tutelle sélectif et progressif à partir de la mise en place d’un double régime de contrat de gestion qui lie, d’une part, la région à la Société du logement de la Région bruxelloise et d’autre part, de manière optionnelle, la Société du logement de la Région bruxelloise et les sociétés immobilières de service public qui refusent de s’inscrire dans le régime du règlement d’inspiration plus classique en terme de tutelle.
79Force est de constater en effet que le système d’agréation était peu opérationnel. L’ancien système de tutelle a donc été modifié par l’organisation d’un nouveau régime qui vise à mettre en place en aval du ministre compétent un réseau d’acteurs et/ou de fonctions dont le pouvoir est tantôt fortement structurant, tantôt supplétif dans la réorganisation du régime de la tutelle.
80La SLRB conserve le contrôle sur les sociétés immobilières de service public. Sa tâche et ses missions sont davantage précisées afin de renforcer ses pouvoirs d’investigation, de renforcer la transmission d’informations et de la doter d’une capacité d’initiative dans la gestion des sociétés de logement.
81Le contrat de gestion à signer entre la région et la SLRB, en vertu de l’article 6 § 3 de l’ordonnance du 9 septembre 1993, a fait l’objet d’un accord, en date du 10 mars 1994, par le gouvernement et le 28 avril 1994, par le conseil d’administration de la SLRB. Conformément à l’article 17 § 2, un second niveau de contrat de gestion facultatif est prévu entre la SLRB et les sociétés immobilières de service public.
82Un deuxième changement tient dans l’imposition d’un contrôle révisoral des sociétés immobilières de service public visé à l’article 25 de l’ordonnance. Le ministre de tutelle et la Société du logement de la Région bruxelloise peuvent charger les réviseurs de leur donner un avis ou de faire un rapport sur des questions particulières entrant dans le cadre de la mission révisorale. Ils rétribuent ces missions particulières effectuées à leur demande. Les réviseurs exercent leur contrôle a posteriori sur pièces et sur place.
83Enfin, le délégué social visé aux articles 26, 27, 28 et 29 de l’ordonnance constitue le troisième changement important. Il a pour tâche générale de garantir une gestion adéquate de l’ensemble des prérogatives des sociétés immobilières de service public. Le délégué social est donc appelé à devenir le garant de la correcte exécution des règles administratives et de la politique sociale du secteur sans déresponsabiliser les organes de gestion et d’administration des sociétés.
84Il y a une obligation de rapports : rapport d’activités semestriel sur l’ensemble de ses missions et les recours dont il a pu être saisi ; rapport annuel synthétique consacré aux activités de la société immobilière de service public concernée. Ces rapports doivent être transmis au ministre, à la Société du logement de la Région bruxelloise et à la société immobilière de service public auprès de laquelle il est désigné. En cas de contrat de gestion, le délégué vérifie sa bonne exécution.
Les mesures financières
85L’ordonnance consacre le recours aux outils de gestion installés par la région et certains mécanismes complémentaires comme, par exemple, l’allocation de solidarité et le rôle du réviseur d’entreprise qui sont de nature à renforcer la qualité et la gestion financière des sociétés immobilières de service public et du secteur.
86L’ordonnance ouvre aussi la porte à des moyens supplémentaires d’investissement [17] à partir du régime de cotisation mensuelle de solidarité qui doit permettre d’affecter ses produits aux investissements de la société accueillant les locataires cotisants. Et si celle-ci ne les utilise pas dans un certain délai à des projets agréés par la Société du logement de la Région bruxelloise, ces montants pourraient être réaffectés par la société de tutelle.
Les discussions en commission
87Les interventions des groupes politiques au Conseil régional bruxellois sur le projet d’ordonnance ont concerné principalement :
- la définition exacte du champ d’application du projet d’ordonnance et l’affinement des options en matières foncières et immobilières (articles 2 et 11) ;
- la consécration explicite du statut de l’usager - de ses droits et devoirs - dans le texte même de l’ordonnance (article 5) ;
- une meilleure coordination et l’assouplissement de certaines modalités de la réorganisation de la tutelle avec l’affirmation d’un souci de transparence (articles 17, 23 à 29) ;
- enfin, la volonté d’aboutir à une réforme du secteur du logement social bruxellois qui soit l’occasion de la mise en place d’une sorte de “nouveau contrat social” entre les différents acteurs - les usagers, les sociétés immobilières de service public et la Région - valorisant les solidarités.
Le champ d’application
88Comme l’exposé initial des motifs l’annonçait, l’ordonnance avait pour objet essentiel la modification des articles du code à l’époque en vigueur en ce qu’il concernait le logement social. Cependant initialement dans le projet déposé au Conseil régional, habilitation était donnée au gouvernement pour définir la notion de logement moyen locatif.
89Cette habilitation, jointe à certaines ouvertures en matière de mobilisation du foncier de secteur consacrées à l’article 11, faisait craindre à certains une dérive du secteur et une mise en concurrence à terme des moyens budgétaires à affecter.
90Le travail en commission avait été aussi l’occasion d’examiner et de rejeter une proposition d’ordonnance portant réglementation du logement moyen déposée par H. Hasquin et consorts.
91C’est le groupe Ecolo qui avait réagi le plus vivement à cet égard, voyant notamment comme obstacles principaux du texte les possibilités de développer des partenariats avec le privé et des projets de logements moyens sur le foncier du secteur.
92Finalement, des clarifications ont été adoptées en commission suite à différents amendements déposés par le groupe PS qui visaient :
- à l’article 3 de supprimer les références à la définition d’autres types de logement que le logement social ;
- à l’article 11 de consacrer la réaffectation du produit des ventes éventuelles du foncier du secteur à la seule politique du logement social et d’encadrer les prix minima de celles-ci.
Le statut de l’usager
93Un des aspects essentiels et le plus aigu du débat sur le statut de l’usager et du candidat usager de logement social était lié à la volonté d’affirmation plus claire, dans l’ordonnance, du type de régime de bail que la région voulait voir mis en place à Bruxelles. Des thèses étaient en présence : soit consacrer dans l’ordonnance le régime de bail à durée déterminée par exemple de neuf ans (ce que soutenaient le PSC, Ecolo et le CVP notamment), soit consacrer le régime du bail à durée indéterminée (thèse soutenue par le PS et le FDF notamment).
94La solution retenue à l’article 5 de l’ordonnance a permis d’affirmer deux principes essentiels à partir d’un amendement déposé par la majorité : d’une part, la nécessité d’une stricte égalité des locataires du logement social dans l’exercice de leur droit de jouissance du bien loué ; ils sont tous concernés par le contrat de bail à durée indéterminée et la cotisation mensuelle de solidarité ; d’autre part, la nécessaire solidarité de cinq clauses.
95Le choix de la durée indéterminée du contrat type de bail est issu d’une critique des propositions de contrat à durée déterminée qui était souhaité par plusieurs groupes politiques dont certains de la majorité : introduire un régime de bail à durée déterminée de neuf ans, par exemple, ne résolvait rien dans l’immédiat alors que c’est le plus tôt possible qu’il faut garantir une offre locative disponible plus importante ; prévoir la sortie de tous les locataires du logement social qui ne sont plus dans les conditions d’accès au moment de la vérification de ces conditions risquait aussi d’avoir des effets déstabilisants pour la région et pour les ménages concernés. Ces raisons ont milité à l’époque pour l’adoption d’un bail à durée indéterminée assorti de trois conditions.
96L’accélération en 1994 - à savoir la première année de mise en application de l’ordonnance - du régime de déplafonnement des loyers réels constitue la deuxième clause. La mise en place d’une cotisation mensuelle de solidarité à charge des ménages ayant dépassé les revenus d’admissibilité liés à leur situation familiale en forme la troisième. La quatrième concerne l’affectation des moyens nouveaux ainsi dégagés aux investissements des sociétés immobilières de service public qui accueillent les cotisants à charge, cependant, pour elles de les utiliser dans un délai au-delà duquel les moyens engrangés seraient affectés par la Société du logement de la Région bruxelloise aux investissements du secteur alors agréés par elle. La cinquième clause prévoit la mise en place d’un régime de solidarité horizontale entre les sociétés immobilières de service public à partir des boni sociaux dégagés par des sociétés qui accueillent un public dont le revenu moyen est plus élevé.
97Pour le surplus, des modifications complémentaires ont été apportées au statut de l’usager ; elles visent à :
- garantir aux grandes familles une offre de logement en organisant mieux la mobilité, avec des garanties pour certains publics, et en consacrant annuellement un pourcentage minimum des investissements (15 % au moins) à l’acquisition ou la construction de nouveaux logements comme le souhaitait, par ailleurs, la Commission de concertation avec les Bruxellois d’origine étrangère ;
- garantir un meilleur exercice et un meilleur contrôle du respect des conditions d’inscription, d’attribution et d’accès des ménages candidats locataires ;
- conforter les démarches individuelles par la procédure de plainte et de recours prévue à l’article 30 ;
- offrir davantage de sécurité aux locataires des logements, ce qui fait appel à la fois à une politique davantage préventive à travers notamment la conception architecturale et infrastructurelle des cités, mais aussi à la mise en place de mesures d’accompagnement social, d’information et de participation des locataires des logements sociaux.
Les options foncières et immobilières
98Il paraît important de rappeler le double constat fait en Commission en ce qui concerne les localisations actuelles et potentielles des logements sociaux dans la Région de Bruxelles-capitale.
99Face aux tensions du marché de l’immobilier, en particulier dans les communes de la première couronne, l’offre publique de logements sociaux doit se situer prioritairement dans le Pentagone et dans les communes de la première couronne. Plus de 62 % des investissements engagés au moment du vote de l’ordonnance l’ont d’ailleurs été dans des zones dégradées localisées quasi exclusivement dans le centre.
100Mises à part les zones de casernes (qui devraient être affectées au logement social sur 15 % minimum de leur territoire), les grandes réserves foncières sont situées en périphérie de la région bruxelloise, soit en continuité des cités sociales existantes (Joli Bois à Woluwé-Saint-Pierre, Cité modèle à Laeken, Homborch à Uccle, Kapelleveld à Woluwé-Saint-Lambert), soit permettant de réaliser sur leur territoire de nouvelles cités (Foresterie à Watermael-Boitsfort, Lennik à Anderlecht).
La réorganisation de la tutelle
101Une part importante de l’ordonnance vise à réorganiser la tutelle.
102La première innovation, déjà évoquée, est l’abandon du système de l’agréation au bénéfice d’un système de tutelle sélectif et progressif et la signature d’un contrat de gestion qui liera, d’une part, la région à la Société du logement de la Région bruxelloise et d’autre part, la Société du logement de la Région bruxelloise et les sociétés immobilières de service public.
103Au cours des travaux de la Commission, il est apparu nécessaire de reformuler complètement l’article 17 eu égard au contrat de gestion liant la SLRB aux sociétés immobilières de service public. Un amendement de la majorité, initié par le PS, a été déposé dans ce sens.
104Dans sa nouvelle formulation, la Société du logement de la Région bruxelloise élabore un règlement, ceci en aval des arrêtés qui s’imposent à toutes les sociétés immobilières de service public. Il s’agit d’un règlement applicable à toutes les sociétés immobilières de service public, sans possibilité de négociation. Mais, celles-ci ont la possibilité de conclure un contrat de gestion, négocié avec la SLRB. Il est indiqué, ce que le contenu initial de l’article 17 ne prévoyait pas, les différences entre le règlement imposé à toutes les sociétés immobilières et le contrat de gestion. Ainsi, le point 10 prévoit les incitants à la réalisation des objectifs fixés dans le contrat de gestion.
105La deuxième modification tient dans l’imposition d’un contrôle révisoral des sociétés immobilières de service public visé à l’article 25. Enfin, le délégué social visé aux articles 26, 27, 28 et 29 constitue le troisième changement important.
106Les travaux de la Commission ont permis de clarifier l’articulation des rôles du réviseur d’entreprise et du délégué social : le réviseur d’entreprise a une fonction essentiellement comptable et financière ; le délégué social est le garant de la bonne exécution du contrat de gestion, s’il est conclu, et a une mission de vérification de l’application des règles administratives et de gestion sociale du secteur. S’il peut, pour exercer sa mission, recourir aux services du réviseur, il n’a pas à s’y substituer ou à s’y superposer. De plus, son rôle s’exerce vis-à-vis de la seule SLRB, le gouvernement n’ayant pas de rapport direct avec lui. C’était la meilleure manière de conserver une cohérence dans la cascade d’étapes de la réorganisation de la tutelle à l’œuvre dans l’ordonnance.
107Enfin, il est apparu pertinent de réintroduire à l’article 30 son rôle de premier niveau d’arbitrage en cas de litige entre une société immobilière de service public et un locataire ou un candidat locataire.
108De plus, la volonté exprimée très largement de garantir davantage de transparence dans la gestion du secteur avait aussi signifié l’ouverture à terme des conseils d’administration des sociétés immobilières de service public à la minorité politique locale (article 13) et des modalités d’information très précises à partir des rapports des délégués sociaux et de celui de la Société du logement de la Région bruxelloise sur la gestion des attributions des logements (article 28).
Les premières mises en application de l’ordonnance
109Le 23 décembre 1993, le gouvernement de la Région de Bruxelles-capitale a marqué son accord sur un arrêté organisant l’octroi de crédits d’investissement de la Société du logement de la Région bruxelloise en vue du financement du logement en Région bruxelloise ; un arrêté autorisant la Société du logement de la Région bruxelloise à engager neuf agents contractuels pour exercer la fonction de délégué social ; un arrêté organisant la location des habitations gérées par la Société du logement de la Région bruxelloise ou par les sociétés immobilières de service public. Ces trois arrêtés et l’ordonnance du 9 septembre 1993 portant modification du code du logement et relative au secteur du logement social ont été publiés au Moniteur belge le 31 décembre 1993.
110Le 13 janvier 1994, le gouvernement a pris un arrêté en exécution des articles 19, 20 et 21 de l’ordonnance du 9 septembre 1993 qui concernaient ce que l’on appelait le “fonds Brunfaut” à savoir les travaux d’infrastructure bornant les cités de logements sociaux [18].
111Le 24 février 1994, il a approuvé un arrêté portant approbation des modifications des statuts de la Société du logement de la Région bruxelloise et un autre relatif aux modalités de subsidiation de certains frais d’acquisition, d’expropriation et de démolition des sociétés immobilières de service public [19].
112Enfin, le 10 mars 1994, il a marqué son accord sur la proposition de contrat de gestion entre la Région de Bruxelles-capitale et la Société du logement de la Région bruxelloise [20] qui, quant à elle, l’a adoptée le 28 avril 1994.
Situation financière et réorganisation de la tutelle
113Comme le relevait Patrick Gibert [21], au contraire de l’entreprise privée, l’organisation publique a une finalité extravertie et trouve sa justification dans la volonté de maintenir ou de changer un état de l’environnement ou de le préserver s’il est menacé : il s’agit de contenir le chômage, de faciliter les communications, d’élargir l’offre de logements sociaux, etc.
114Cette idée d’extraversion fait éclater la notion de produit : le résultat immédiat de l’activité d’une administration peut être appelé “réalisation” mais le résultat final de l’activité administrative peut être qualifié d’“impact” : celui-ci par nature va soulever plusieurs difficultés notamment parce qu’il est pluridimensionnel, parce qu’il faut lui laisser le temps de se matérialiser et enfin parce qu’il est dépendant des réactions et des évolutions de l’environnement et des acteurs de l’action publique concernée.
115Dans ce chapitre, nous nous en tiendrons à présenter certaines réalisations de la politique régionale en matière de logement social. Une lecture davantage centrée sur un examen des impacts de cette politique devra s’alimenter ailleurs [22]. Nous ne traiterons donc pas ici directement de la question de la demande sociale de logement et de la manière dont le logement social comme acteur public tente d’y répondre à côté d’autres acteurs publics ou privés. Ce bilan permettra cependant d’examiner un certain nombre d’éléments qui y participent.
La gestion de la dette du logement social
116Lors de la régionalisation du secteur du logement, la SNL et la SNT ont, on l’a vu, été dissoutes et remplacées par des organismes régionaux. L’ensemble de la dette du logement social a alors été partagée entre l’État et les trois régions (convention du 4 mai 1987).
117Pour chaque année, prise individuellement, les emprunts d’investissement ont été répartis en fonction des investissements réellement réalisés. Les emprunts de refinancement, quant à eux, ont été répartis en fonction de la quote-part de chaque partie dans le total des arriérés de paiements accumulés envers les sociétés nationales au 31 décembre de l’année précédente. Cette clé de répartition, si elle était adaptée aux besoins de la scission des deux sociétés nationales, ne pouvait plus être utilisée pour la répartition des nouveaux emprunts de refinancement contractés par le FADELS. En effet, ce mécanisme pouvait avoir comme conséquence qu’une région qui avait complètement honoré ses obligations pour l’année en cours se voyait quand même attribuer une part des charges des emprunts de refinancement contractés au cours de la même année. Le mécanisme a dès lors été modifié de manière à répartir les charges des emprunts conclus depuis le 1er janvier 1990, entre l’État et les régions sur base de leur recours effectif au refinancement durant l’année en cours.
118Le 1er juin 1994 était signée une nouvelle convention entre le gouvernement fédéral et les trois régions, qui modifiait la convention du 4 mai 1987 en vue d’apporter une solution aux différents problèmes rencontrés depuis le début des activités du FADELS.
119Selon celle-ci, chaque entité se voit contrainte d’alimenter le fonds par des contributions minimales après déduction des annuités mathématiques qui lui reviennent. Un déficit de contribution impliquait en effet un refinancement non seulement en capital mais aussi en intérêts, et ne permettait pas la stabilisation de la dette du fonds. Les emprunts émis ne seront plus exempts de précompte mobilier et de la taxation à l’impôt des sociétés. En contrepartie de cet abandon, l’État s’engage à verser, de manière progressive et perpétuelle, une somme correspondant à 30 % des charges d’intérêt de l’encours de 65,9 milliards qui bénéficiait auparavant des exemptions fiscales précitées. Pour Bruxelles, le montant de l’intervention de l’État est annulé et supprimé pour les années à venir. Le montant pour Bruxelles est de 114,5 millions à la fin de l’année 1993. L’État renonce à sa créance correspondant à l’avance de 7,2 milliards qu’il a consentie en 1985. Pour Bruxelles, l’impact de cette mesure est de 1.691 millions.
120Les emprunts en marks allemands, émis en 1979 et renouvelés à plusieurs reprises, sont comptabilisés comme de nouveaux emprunts contractés lors de leur renouvellement. Leurs charges sont dès lors réparties entre les régions sur base des arriérés de chacune d’entre elles au 31 décembre de l’année précédente, de même qu’il a été fait pour les emprunts de refinancement des sociétés nationales (voir plus haut). Le système de répartition des charges des emprunts de refinancement mis au point par le FADELS de manière à ne faire supporter à chaque région que les charges des emprunts qui lui sont imputables (voir plus haut) est confirmé également dans la nouvelle convention.
121La dette du logement social de la Région de Bruxelles-capitale au 31 décembre 1989 se chiffrait à 28.123,1 millions dont 10.129,3 millions en provenance de l’ancienne SNL, 1.690,7 millions d’avances de l’État, de 1.212,9 millions de soulte en faveur de la Flandre, de 5.900 millions de reprise d’une partie de la dette de refinancement par l’État et de 9.190,2 millions de solde de la dette de refinancement. Lorsque le FADELS est entré en action, il a lui-même refinancé l’ensemble de la dette reprise de la dissolution. La quote-part bruxelloise dans ce refinancement était de 9.190,2 millions après la reprise par l’État de 5,9 milliards. Au total donc, la dette bruxelloise atteignait 28.123,1 millions, montant auquel il convient d’ajouter divers éléments non répartissables tels que les placements de trésorerie et les valeurs disponibles.
122Cette dette évolue chaque année à la baisse par les remboursements effectués par les sociétés immobilières de service public sous la forme d’annuités mathématiques (annuités constantes calculées à un taux de 2,5 % sur 66 ans) et par les versements annuels des régions et à la hausse par la part régionale dans la perte de l’année enregistrée par le FADELS.
123De plus, une convention a été conclue entre la région et l’État, qui reprend à sa charge, outre un montant de 5,9 milliards en 1990, un milliard par an pendant cinq ans. Ces deux montants correspondaient à une créance de la région sur l’État.
Évolution de la dette de 1989 à 1994 (au 31 décembre) (en millions de BEF)1,2
![Tableau 4](./loadimg.php?FILE=CRIS/CRIS_1521/CRIS_1521_0001/CRIS_idPAS_D_ISBN_pu1996-16d_sa01_art01_img005.jpg)
Évolution de la dette de 1989 à 1994 (au 31 décembre) (en millions de BEF)1,2
1. Y compris 5,9 milliards, l’avance récupérable et la prime de garantie.2. La différence par rapport au chiffre indiqué précédemment provient de la contrepartie de la répartition des placements de trésorerie et des valeurs disponibles de l’actif.
124Au bilan du FADELS arrêté au 31 décembre 1994, la Société du logement de la Région bruxelloise et la Région de Bruxelles-capitale participent au passif du FADELS à concurrence respectivement de 23.771,8 millions et de 5.778,3 millions. Pour l’exercice 1995, ces montants étaient respectivement de 23.484,7 millions pour la SLRB et de 2.853,2 millions pour la région.
125Le montant à charge de la SLRB représente le capital restant dû des annuités mathématiques, une partie de ces annuités étant imputable à l’État fédéral en application de la loi du 5 mars 1984.
126La part de la Région de Bruxelles-capitale dans le passif du FADELS, c’est-à-dire dans les emprunts en cours, s’élevait au 31 décembre 1994 à 14.402 millions, dans ce montant n’est toutefois pas comprise la part de la Région de Bruxelles-capitale dans les créances détenues par l’État fédéral au titre de prime pour garantie de l’État et d’avances budgétaires accordées à la SNL en 1985 : ces créances ont été abandonnées par l’État fédéral dans le cadre de la nouvelle convention du 1er juin 1994.
127Depuis le 1er janvier 1990, les versements effectués par la SLRB et la Région bruxelloise sont repris dans le tableau 5.
Versements effectués par la SLRB et la Région de Bruxelles-capitale (en BEF)
![Tableau 5](./loadimg.php?FILE=CRIS/CRIS_1521/CRIS_1521_0001/CRIS_idPAS_D_ISBN_pu1996-16d_sa01_art01_img006.jpg)
Versements effectués par la SLRB et la Région de Bruxelles-capitale (en BEF)
128En outre, une reprise de charges de la Région par l’État fédéral a été effectuée à concurrence de 5,9 milliards en 1990 et de 1 milliard de 1991 à 1995 inclus.
129Le mécanisme du refinancement implique que les versements opérés au titre de remboursement de charges sont affectés par priorité au paiement des intérêts. C’est pourquoi il est très malaisé d’étudier l’évolution de la dette du logement social en en isolant ses différentes composantes. Une distinction entre dette “ex-SNL” et “dette de refinancement Fadels” relève aujourd’hui de la théorie.
130Dans deux hypothèses - taux de 6,5 % et taux de 8 % - une projection de l’évolution de la dette a été réalisée jusqu’en 2006 ; dans chacune de ces deux estimations, l’intervention régionale est fixée à 450 millions jusqu’en 2006.
Projection de l’évolution de la dette (taux : 6,5 %)
![Tableau 6](./loadimg.php?FILE=CRIS/CRIS_1521/CRIS_1521_0001/CRIS_idPAS_D_ISBN_pu1996-16d_sa01_art01_img007.jpg)
Projection de l’évolution de la dette (taux : 6,5 %)
Projection de l’évolution de la dette (taux : 8 %)
![Tableau 7](./loadimg.php?FILE=CRIS/CRIS_1521/CRIS_1521_0001/CRIS_idPAS_D_ISBN_pu1996-16d_sa01_art01_img008.jpg)
Projection de l’évolution de la dette (taux : 8 %)
Les investissements pour les travaux de construction, de rénovation, de réhabilitation et les acquisitions foncières
131La première législation régionale a coïncidé avec un accroissement des moyens budgétaires consacrés aux investissements dans le secteur du logement social (tableau 8).
Montants des crédits d’investissements engagés annuellement (en francs)
![Tableau 8](./loadimg.php?FILE=CRIS/CRIS_1521/CRIS_1521_0001/CRIS_idPAS_D_ISBN_pu1996-16d_sa01_art01_img009.jpg)
Montants des crédits d’investissements engagés annuellement (en francs)
132Les crédits d’investissement moyens engagés par an entre 1990 et 1995 est de 1377,4 millions, avec un pourcentage de 60 % des crédits d’investissement affectés en zone à protéger et à rénover. Pour la période 1990-1996, ces crédits annuels moyens sont de l’ordre de 1.280,6 millions. Ces investissements se sont inscrits dans le cadre du système de financement instauré en 1983 qui a permis de dégager des moyens d’autofinancement accrus dans le secteur. Les montants concernés par les remboursements (en 66 ans et 30 ans jusque fin 1993 et en 33 ans et en 20 ans ultérieurement) sont en effet versés sur un fonds budgétaire et réutilisés pour de nouveaux investissements en matière de logement social. Ces montants représentaient respectivement 63,6 millions en 1990, 96,8 millions en 1991, 131,5 millions en 1992, 165,4 millions en 1993 et 194 millions en 1994, soit un total de 651,3 millions en cinq années.
133Ils proviennent du remboursement des annuités des sociétés immobilières de service public dont une part est reversée au FADELS via la SLRB car elle correspond à l’ancien système de financement par emprunts et dont l’autre part ne correspond pas à des emprunts et élargit ainsi les capacités potentielles d’investissement du secteur : dans ce régime, un milliard d’investissement correspond à environ 29 millions d’annuités - après retenue du précompte immobilier - qui sont reversées à la région pendant 33 ans.
Aide à la situation financière des SISP
134Les montants affectés durant la période 1990-1995 dans le cadre de l’allocation de solidarité sont synthétisés dans le tableau 9 répartissant ces montants selon les sociétés bénéficiaires.
Évolution des montants octroyés aux SISP dans le cadre de l’allocation de solidarité durant la période 1990-1995 (en millions de francs)
![Tableau 9](./loadimg.php?FILE=CRIS/CRIS_1521/CRIS_1521_0001/CRIS_idPAS_D_ISBN_pu1996-16d_sa01_art01_img010.jpg)
![Tableau 9](./loadimg.php?FILE=CRIS/CRIS_1521/CRIS_1521_0001/CRIS_idPAS_D_ISBN_pu1996-16d_sa01_art01_img011.jpg)
Évolution des montants octroyés aux SISP dans le cadre de l’allocation de solidarité durant la période 1990-1995 (en millions de francs)
135Par ailleurs, l’évolution du “déficit social” du secteur, qui sert de base de calcul à l’octroi de l’allocation de solidarité, a évolué de 290.032.345 francs en 1990 à 302.487.308 francs en 1991 (+43 %), à 281.813.192 francs en 1992 (-6,8 %), à 286.219.402 francs en 1993 (+1,6 %) et à 303.642.450 francs en 1994 (+6,1 %).
Résultats consolidés du secteur
136Le tableau 10 synthétise l’évolution globalisée des pertes reportées des 34 sociétés immobilières de service public entre 1984 et 1994.
Résultats comptables consolidés du secteur
![Tableau 10](./loadimg.php?FILE=CRIS/CRIS_1521/CRIS_1521_0001/CRIS_idPAS_D_ISBN_pu1996-16d_sa01_art01_img012.jpg)
Résultats comptables consolidés du secteur
Installation des instruments de tutelle
137Si on s’en tient aux instruments de tutelle prévus dans l’ordonnance du 9 septembre 1993, une évaluation de la situation au 31 décembre 1995 permet de dire que la plupart des éléments prévus ont été installés.
138En effet, le contrat de gestion Région-SLRB a été approuvé par le gouvernement de la Région de Bruxelles-capitale le 10 mars 1994 et par le conseil d’administration de la SLRB le 28 avril 1994. Il a été publié au Moniteur belge le 3 septembre 1994.
139Le règlement applicable aux sociétés immobilières de service public a été approuvé par le conseil d’administration de la SLRB le 9 juin 1994 et est rentré en application le 13 juillet 1994, soit un mois après sa notification aux sociétés immobilières de service public-SISP.
140Le texte du tronc commun contrat de gestion SLRB-SISP a été approuvé par le conseil d’administration de la SLRB définitivement :
- onze sociétés immobilières ont signé dans le courant de l’année 1995 leur contrat de gestion avec la SLRB, les indicateurs, les objectifs 1995 et le plan quinquennal d’entretien ayant été approuvés. Il s’agit des sociétés suivantes : HLS d’Auderghem, Cobralo, Kapelleveld, Les Foyers Collectifs, Le Logis, Le Home Familial Bruxellois, Messidor, Le Home, La Cité Moderne, L’Habitation Moderne, Les Locataires Réunis ;
- seize sociétés immobilières candidates n’ont pu signer en 1995 : Le Foyer Anderlechtois, Floréal, Sorelo, Le Foyer Bruxellois, Assam, SCLAB, Germinal, Le Foyer Etterbeekois, Ieder zijn Huis, Le Foyer Ixellois, Le Foyer Jettois, Le Logement Molenbeekois, Le Foyer St-Gillois, Le Foyer Schaerbeekois, Ville et Forêt, HS de Woluwé-Saint-Pierre ;
- Le Foyer Laekenois, Le Foyer Koekelbergeois, Les HBM de St-Josse, la Société Uccloise du Logement, Le Foyer Forestois et Les Villas de Ganshoren resteront sous le régime du règlement.
141Toutes les sociétés immobilières de service public ont désigné leur réviseur d’entreprise. Les six premiers délégués sociaux ont été engagés par la SLRB le 1er juin 1994 et sont entrés en fonction auprès des sociétés immobilières le 1er septembre 1994. Trois délégués supplémentaires ont été engagés sur décision du conseil d’administration de la SLRB le 22 décembre 1994.
142Par contre le régime de contrôle interne et des tableaux de bord n’a pas à ce jour été consacré par un arrêté du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale.
143Le conseil d’administration de la SLRB a marqué son accord le 24 novembre 1994 sur le régime de contrôle interne des sociétés immobilières. La proposition a alors été transmise à la région en date du 6 décembre 1994 qui a approuvé en première lecture le 23 mars 1995 un projet d’arrêté.
144La représentation au sein des conseils d’administration des sociétés immobilières des tendances non représentées au collège des bourgmestres et échevins est prévu dans une circulaire établie par le conseil d’administration de la SLRB le 1er février 1995. Celle-ci cependant a été abrogée par la circulaire du 5 avril 1995 sur demande du gouvernement régional.
La spécificité du logement social à Bruxelles
145Si, comme on l’a déjà dit, depuis la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles et en ce qui concerne la Région de Bruxelles-capitale depuis la loi du 8 août 1988 modifiant celle-ci, le logement est une matière régionalisée [23], des leviers importants de la politique du logement sont restés de compétence fédérale ; c’est le cas d’aspects importants de la fiscalité immobilière et tout ce qui concerne l’encadrement législatif des baux à loyers privés. La capacité de régulation des institutions bruxelloises est limitée par cette contrainte mais aussi par les moyens financiers dont elles disposent.
146Aujourd’hui, le secteur du logement social bruxellois se trouve au centre d’enjeux et d’arbitrages importants.
147Une première tension a trait à l’arbitrage qui doit se faire entre la nécessité pour la région de fixer des habitants puisque le financement de ses activités est lié au rendement de l’impôt sur les personnes physiques et, par ailleurs, de rencontrer l’importante demande sociale qui s’y manifeste.
148Une deuxième tension a trait à l’importance du marché locatif privé comme mode d’accès privilégié au logement des Bruxellois et des Bruxelloises. En effet, une des caractéristiques de la Région de Bruxelles-capitale est le poids du marché locatif privé et social en matière d’offre de logements : 60 % des ménages bruxellois sont locataires alors que cette proportion est de 30 % en Flandre et 33 % en Wallonie [24]. Cette deuxième tension se double par la difficulté du passage entre le marché locatif et le marché acquisitif car le niveau moyen des valeurs vénales des biens mis en vente sur le marché de l’acquisition est, à Bruxelles, nettement supérieur à celui rencontré dans les deux autres régions, à l’exception de certaines zones du Brabant flamand et du Brabant wallon.
149Une troisième tension concerne les relatifs déséquilibres qui peuvent exister entre les communes du point de vue de la répartition de leurs habitants entre propriétaires occupants et locataires. Structurellement plus on s’éloigne du centre, plus la proportion de propriétaires occupants augmente et dépasse la moyenne régionale qui est de 38 %. Inversement, la plupart des communes centrales, et de la première couronne, connaissent un taux de locataires supérieur lui aussi à la moyenne régionale de 60 %.
L’arbitrage entre logiques financières et sociales
150De nombreuses études ont présenté le financement de la Région de Bruxelles-capitale [25], que ce soit dans les modalités définies dans la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions, ou que ce soit dans les éléments qui structurent sa réalité actuelle et ses évolutions possibles.
151Eu égard à la question qui nous préoccupe, c’est essentiellement aux évolutions récentes de l’impôt sur les personnes physiques que nous nous intéressons ici et ceci à partir de l’exposé général concernant le Budget des recettes et des dépenses pour l’année budgétaire 1996 du Conseil de la Région de Bruxelles-capitale.
152Comme il y est indiqué : “L’impôt sur les personnes physiques est un impôt conjoint. Il s’agit d’un impôt de l’État levé uniformément sur l’ensemble du territoire et dont une quote-part déterminée du produit est attribuée aux Régions (la « dotation »). Cette quote-part est déterminée en grande partie par l’importance de la capacité fiscale respective de chaque Région. La capacité fiscale est le produit fiscal moyen par habitant. Par ailleurs, la dotation de l’État est adaptée puisqu’une intervention de solidarité nationale est attribuée à la Région dont la capacité fiscale est inférieure à la moyenne nationale”.
153La quote-part de la Région de Bruxelles-capitale dans l’impôt total attribué sur les personnes physiques est sujette à une diminution progressive comme le montre le tableau 11 ci-après puisque ce taux évolue de 10,85 % en 1989 à 9,79 % en 1995. Deux raisons principales expliquent cette décroissance, la diminution de la population (tableau 12) et la diminution de la capacité fiscale (tableau 13).
Évolution des parties attribuées de l’IPP aux régions
![Tableau 11](./loadimg.php?FILE=CRIS/CRIS_1521/CRIS_1521_0001/CRIS_idPAS_D_ISBN_pu1996-16d_sa01_art01_img013.jpg)
![Tableau 11](./loadimg.php?FILE=CRIS/CRIS_1521/CRIS_1521_0001/CRIS_idPAS_D_ISBN_pu1996-16d_sa01_art01_img014.jpg)
Évolution des parties attribuées de l’IPP aux régions
Évolution de la population (au 1er janvier)1
![Tableau 12](./loadimg.php?FILE=CRIS/CRIS_1521/CRIS_1521_0001/CRIS_idPAS_D_ISBN_pu1996-16d_sa01_art01_img015.jpg)
Évolution de la population (au 1er janvier)1
1. La légère remontée d’habitants constatée au 1er janvier 1995 ne s’est pas confirmée au 1er janvier 1996. Selon l’Institut national de statistiques, à cette date il y a 948.122 habitants dans la Région de Bruxelles-capitale.Évolution de la capacité fiscale
![Tableau 13](./loadimg.php?FILE=CRIS/CRIS_1521/CRIS_1521_0001/CRIS_idPAS_D_ISBN_pu1996-16d_sa01_art01_img016.jpg)
Évolution de la capacité fiscale
154La différence positive de la Région de Bruxelles-capitale par rapport à la moyenne nationale se rétrécit d’année en année : elle était de +13,75 % en 1989 et de 4,61 % en 1995. Cela signifie que l’habitant moyen de la Région de Bruxelles-capitale paie toujours 4,6 % d’impôts de plus sur le revenu que le Belge moyen.
Évolution des recettes 1989-1996 (hors emprunts et en millions de francs)1
![Tableau 14](./loadimg.php?FILE=CRIS/CRIS_1521/CRIS_1521_0001/CRIS_idPAS_D_ISBN_pu1996-16d_sa01_art01_img017.jpg)
Évolution des recettes 1989-1996 (hors emprunts et en millions de francs)1
1. Prévisions budgétaires155Le montant estimé pour l’IPP pour 1996 de 28.811,3 millions est obtenu comme suit : 29.391,3 millions de dotation estimée par le Ministère des Finances pour 1995 moins 579,9 millions qui constitue la différence entre la dotation versée en 1995 et la dotation à laquelle la Région de Bruxelles-capitale a définitivement droit pour 1995. Ce montant sera retenu par le Ministère des Finances en 1996.
156L’évolution des recettes depuis 1989 montre la diminution de l’importance de l’IPP par rapport à d’autres ressources.
157Face à ces réalités financières la question du logement est à Bruxelles au cœur de la problématique de l’exclusion sociale car : “Si le logement est traditionnellement considéré comme l’inscription spatiale des inégalités, il est aujourd’hui également un facteur de précarisation et de paupérisation” [26] : de symptôme, la difficulté de se loger est devenue une cause d’exclusion.
158Différents indicateurs peuvent être utilisés afin d’apprécier le comportement du locataire face à son logement sur le marché privé locatif [27] : le taux de précarité qui est le pourcentage de départs involontaires parmi les motifs invoqués par le locataire pour justifier son départ du logement précédent, le taux de stabilité moyen (médian) qui est le nombre moyen (médian) d’années passées par le locataire dans le logement actuel, le taux de mobilité qui est le pourcentage de locataires qui envisagent de quitter leur logement dans l’année qui vient, et le taux d’inéquation entre la dimension du logement et la taille du ménage y résidant qui est le pourcentage de logements dont la dimension, exprimée en nombre de chambres, n’est pas suffisante pour accueillir le ménage concerné.
Variation des indicateurs de comportement des locataires sur le marché privé suivant leur appartenance à une catégorie socio-démographique donnée de la population
![Tableau 15](./loadimg.php?FILE=CRIS/CRIS_1521/CRIS_1521_0001/CRIS_idPAS_D_ISBN_pu1996-16d_sa01_art01_img018.jpg)
Variation des indicateurs de comportement des locataires sur le marché privé suivant leur appartenance à une catégorie socio-démographique donnée de la population
159Afin d’appréhender au mieux la portée de ces chiffres, il convient de préciser que la taille du parc privé locatif était au 1er janvier 1991 de l’ordre de 207.000 logements sur un parc total de logements de 394.468 unités pour l’ensemble de la Région de Bruxelles-capitale. Eu égard à la définition des quatre indicateurs retenus, plusieurs chiffres sont significatifs de l’importance du problème social que le logement constitue aujourd’hui dans la Région de Bruxelles-capitale. Nous en retenons deux : 21 % des départs recensés sont des départs involontaires - donc contraints - par les locataires, et le taux de stabilité médian est de 3 ans ce qui signifie que 50 % des locataires ne resteront pas plus de 3 ans dans leur logement. Le tableau 16 exprime pour chaque décile fiscal la part du marché locatif privé qui lui est accessible théoriquement.
Part du marché privé locatif accessible à chaque décile de revenu (évolution 1982-1992) (en %)
![Tableau 16](./loadimg.php?FILE=CRIS/CRIS_1521/CRIS_1521_0001/CRIS_idPAS_D_ISBN_pu1996-16d_sa01_art01_img019.jpg)
Part du marché privé locatif accessible à chaque décile de revenu (évolution 1982-1992) (en %)
160Les évaluations pour la période de 1982-1992 sont plus que significatives tout en semblant annoncer à partir de 1992 un léger infléchissement de tendances lourdes de la décennie précédente :
- seuls les déciles 8 et 9 voient augmenter sur l’ensemble de la période observée leur part du marché locatif privé accessible ;
- les deux déciles inférieurs voient, sur cette même période, leur part du marché locatif privé se réduire de plus de 50 % ;
- de manière consolidée, les déciles 4 à 7 voient en moyenne leur part diminuer de près de 17 %.
161Les évaluations sur cette période 1982-1992 seront plus tard interprétées dans une perspective de plus long terme et prendront peut-être un sens différent ; aujourd’hui elles expriment l’émergence de la demande sociale de logement que l’on peut définir comme une demande de logement pour laquelle les modalités de satisfaction traditionnelles perdent une part importante de leur accessibilité et pour laquelle le droit d’accès à un logement s’est dégradé tant en terme qualitatif que de coût.
Les caractéristiques structurelles du logement à Bruxelles
162Comme beaucoup de grands centres urbains européens la Région de Bruxelles-capitale, ville-région, est caractérisée par des tensions sur le marché immobilier entre la fonction logement et la fonction tertiaire et par un exode d’une partie de la classe moyenne. De nombreuses études ont étayé ce double constat.
163Une des caractéristiques les plus remarquables de la Région de Bruxelles-capitale est le poids du marché locatif - privé et social - en matière d’offre de logements : 60 % des ménages bruxellois sont locataires alors que cette proportion est de 30 % en Flandre et 33 % en Wallonie. De plus, vu la taille du parc public de logements locatifs, la situation réelle est que plus d’un ménage bruxellois sur deux est locataire sur le marché privé.
164Il y a donc en Région de Bruxelles-capitale une très grande sensibilité aux évolutions du marché locatif due en partie à sa vocation internationale, mais aussi à son caractère profondément urbain.
Statut d’occupation du parc de logements dans les trois régions
![Tableau 17](./loadimg.php?FILE=CRIS/CRIS_1521/CRIS_1521_0001/CRIS_idPAS_D_ISBN_pu1996-16d_sa01_art01_img020.jpg)
Statut d’occupation du parc de logements dans les trois régions
165Le rapport entre le taux de propriétaires occupants et les locataires dans les centres urbains repris dans le tableau 18 varie nettement par rapport aux moyennes régionales que connaissent la Flandre et la Wallonie à ce sujet :
- ainsi en Flandre, Anvers (52 %) et Gand (51 %) connaissent un taux de locataires supérieur à 50 % alors que la moyenne régionale est de 30 % ;
- ainsi en Wallonie, Liège connaît un taux de locataires de 50 % ;
- seule en fait la ville d’Arlon présente un taux de propriétaires occupants supérieur à la moyenne régionale ; dans tous les autres cas de figure, c’est le taux de locataires qui évolue à la hausse par rapport à celle-ci.
Statut d’occupation du parc de logement du centre urbain le plus peuplé de chaque province (situation au 1er mars 1991)
![Tableau 18](./loadimg.php?FILE=CRIS/CRIS_1521/CRIS_1521_0001/CRIS_idPAS_D_ISBN_pu1996-16d_sa01_art01_img021.jpg)
Statut d’occupation du parc de logement du centre urbain le plus peuplé de chaque province (situation au 1er mars 1991)
166Une autre caractéristique de la situation du logement à Bruxelles, c’est le niveau moyen des valeurs vénales des biens mis en vente sur le marché de l’acquisition : on aboutit ici à mettre en exergue les valeurs de logements nettement supérieures à celles rencontrées dans les autres régions ou zones urbaines du pays. Les travaux et publications annuelles sur le sujet - notamment celles de l’Anhyp - confirment périodiquement ce constat. À part certaines zones du Brabant flamand ou du Brabant wallon, l’ensemble des zones ou arrondissements de Belgique connaît des valeurs nettement inférieures sur le marché de l’acquisition par rapport aux valeurs rencontrées à Bruxelles comme le montre le tableau 19.
Comparaison des prix de vente des habitations petites et moyennes et des appartements à Bruxelles et dans d’autres villes belges (1993)
![Tableau 19](./loadimg.php?FILE=CRIS/CRIS_1521/CRIS_1521_0001/CRIS_idPAS_D_ISBN_pu1996-16d_sa01_art01_img022.jpg)
Comparaison des prix de vente des habitations petites et moyennes et des appartements à Bruxelles et dans d’autres villes belges (1993)
167Les prix de vente des habitations petites et moyennes sont nettement plus bas dans les autres villes puisqu’ils sont compris entre 35 % et 74 % du prix moyen bruxellois. Par contre, les prix de vente des appartements situés dans les autres villes du pays sont compris entre 50 % et 87 % du prix moyen bruxellois.
Les différences communales
168À l’intérieur de la Région de Bruxelles-capitale, les différences entre communes, voire entre quartiers ou zones urbaines, sont souvent importantes. Pour des questions de qualité des données on s’en est tenu à une présentation par commune même si la cohérence du développement urbain ne respecte pas nécessairement leur frontière respective.
169Huit communes ont un taux de propriétaires occupants supérieur à 40 %, soit par ordre décroissant : Woluwé-Saint-Pierre (56 %) ; Auderghem (52,7 %) ; Berchem Sainte Agathe (49,7 %) ; Uccle (47,9 %) ; Watermael-Boitsfort (47,3 %) ; Jette (43,2 %) ; Woluwé-Saint-Lambert (43 %) ; Ganshoren (41,5 %). Par contre, deux communes, Saint-Gilles (24,7 %) et Ixelles (29,5 %), présentent un taux inférieur à 30 % et le poids du secteur du logement social y est relativement faible, soit respectivement 5,2 % et 3,2 %.
Les différences communales
![Tableau 20](./loadimg.php?FILE=CRIS/CRIS_1521/CRIS_1521_0001/CRIS_idPAS_D_ISBN_pu1996-16d_sa01_art01_img023.jpg)
Les différences communales
L’hétérogénéité des sociétés immobilières de service public
170Une grande hétérogénéité caractérise le secteur du logement social bruxellois. Elle apparaît dans les données concernant le patrimoine, les usagers et la situation financière des trente-quatre sociétés immobilières de service public. Ces différences rejaillissent bien entendu sur l’état financier des sociétés ainsi que sur les politiques sociales et patrimoniales ainsi permises et qui matérialisent leurs interventions. Cette hétérogénéité du secteur pose pour l’autorité publique : régionale la question de l’encadrement législatif homogène et des accents spécifiques que celui-ci doit pouvoir éventuellement intégrer dans l’organisation générale du secteur.
171Mais avant d’examiner plus concrètement cette question, il convient d’abord d’examiner deux faits structurels importants, susceptibles d’expliquer cet état de fait : d’une part, relever la localisation particulière des logements sociaux sur le territoire bruxellois et, d’autre part, rappeler la constitution historique du patrimoine actuel du secteur.
Localisation des logements sociaux
“C’est essentiellement sur le territoire des communes de la deuxième couronne, dans les cités-jardins (Moortebeek et Bon Air à Anderlecht, Cité Moderne à Berchem Sainte-Agathe, Kapelleveld à Woluwe-Saint-Lambert, Floréal et Le Logis à Watermael-Boitsfort et Homborch à Uccle) et dans les quartiers d’immeubles-tours (Cité Modèle à Laeken, Peterbos à Anderlecht et Germinal à Evere) que l’on rencontre les plus grandes concentrations de logements sociaux. Ceux-ci ont été construits sur de grands espaces acquis par les sociétés à une époque où le terrain y était bon marché. Dans certaines cités-jardins, la densité y est plus faible, résultat d’une politique de vente intensive des logements. Dans quelques quartiers centraux, les densités de logements sociaux sont aussi élevées ; par exemple, les “Vieux Blocs” et d’autres immeubles modernes dans le quartier des Marolles à Bruxelles-Ville, les concentrations d’immeubles sociaux le long de la Chaussée d’Anvers à Bruxelles-Ville et les immeubles du quartier des Goujons à Anderlecht-Cureghem. Dans les communes de la première couronne, de manière générale, les densités de logements sociaux sont plus faibles. Dans certains cas, les bâtiments sont bien intégrés dans le tissu urbain ; dans d’autres, les choix architecturaux purement fonctionnalistes et la rupture de leur agencement par rapport à l’environnement urbain les font apparaître comme des îlots socialement et symboliquement à part dans la ville” [28].
1738 % des logements sociaux sont situés dans le Pentagone, 28 % en première couronne, dont 11 % à l’est et 17 % à l’ouest du Pentagone, et 64 % en deuxième couronne, dont 37 % à l’est et 27 % à l’ouest de la ville. Cette répartition spatiale trouve son origine dans l’histoire et dans les différentes conceptions sociales et urbanistiques qui ont dicté les étapes de construction de logements sociaux [29].
174Avant 1919, dès les prémices de la construction des logements ouvriers, les premiers logements sont construits, sur le modèle de la maison de rapport, à proximité du lieu de travail des populations concernées et cela, essentiellement dans les communes de la première couronne (Cité de l’Olivier à Schaerbeek, Cité de la Forêt d’Houthulst à Bruxelles-Ville, Berkendael à Forest et Delva à Laeken). Des habitations sont également érigées en cités pavillonnaires, situées en périphérie de la ville d’alors, dans les quartiers peu équipés (Cité de La Roue à Anderlecht). La Société nationale des habitations à bon marché est créée en 1919. Si, dans les années vingt, des logements sociaux sont construits dans les communes de première couronne, c’est surtout l’avènement de la cité-jardin qui est la grande innovation urbanistique et sociale de cette époque. L’objectif poursuivi alors est d’offrir aux ouvriers un cadre idéal (une maison entourée d’un jardin) et cela ne peut se réaliser qu’en-dehors de la ville où le prix du terrain est encore abordable. Ces nouvelles cités seraient ensuite reliées au centre de la ville par un réseau de transports en commun. Elles sont le point de départ d’une grande vague de suburbanisation. Datent de cette époque les cités-jardin de Floréal et du Logis à Watermael-Boitsfort, de Kapelleveld à Woluwe-Saint-Lambert et de la Cité Moderne à Berchem-Sainte-Agathe.
175En 1930, Le Corbusier esquisse son projet de “ville radieuse” ; il a pour objectif principal la résolution des problèmes de logement. En effet, les constructions de cités-jardins sont trop coûteuses en cette période de crise économique. La solution prônée alors par l’urbaniste est de construire des immeubles en hauteur dans des îlots de verdure afin de réaliser une gestion fonctionnellement optimale du territoire et d’offrir aux habitants des espaces verts. Les logements construits sont essentiellement des immeubles collectifs. La plupart d’entre eux sont bâtis dans les communes centrales ; cette époque préconise, en effet, le retour du logement social dans le centre de la ville.
Les densités de logements sociaux
![Carte 1](./loadimg.php?FILE=CRIS/CRIS_1521/CRIS_1521_0001/CRIS_idPAS_D_ISBN_pu1996-16d_sa01_art01_img024.jpg)
Les densités de logements sociaux
Légende : Proportion de logements sociaux par rapport à l’ensemble des logements du secteur statistique : 1 = <5 % ; 2 = de 5 % à 15 % ; 3 = de 15 % à 50 % et 4 = >50 %176Les années qui suivent la seconde guerre mondiale voient la prolongation - ou la création - de cités périphériques. Certaines sont pavillonnaires (Joli Bois à Woluwe-Saint-Pierre, Homborch à Uccle et Le logis à Watermael-Boitsfort), d’autres se développent par la construction d’ensembles d’immeubles-tours (Cité Modèle à Laeken, Germinal à Evere).
177Par la suite, les logements sociaux sont construits dans les communes périphériques. Ce sont surtout des bâtiments en hauteur, de plus en plus monotones, sacrifiant l’originalité des premiers projets aux contraintes financières et au conformisme culturel. Les cités deviennent des zones à part dans le paysage urbain, isolées des autres quartiers par l’aspect standardisé de leurs constructions (Peterbos à Anderlecht, Villas de Ganshoren).
178Les années 1970 consacrent le retenir du logement social dans le centre de la ville. De nombreux bâtiments sont détruits dans le Pentagone et sont remplacés par des immeubles de logements sociaux mal intégrés dans le paysage urbain (immeubles de la Querelle et des Brigittines à Bruxelles-Ville). Face aux contradictions induites par ces choix urbanistiques et architecturaux, à la suite du développement de mouvements de défense de la ville, les décideurs politiques confirment la légitimité des revendications à l’urbanité et à la fin du processus d’urbanisation fonctionnelle de la ville. L’adoption du plan de secteur comme instrument de protection de la situation urbanistique existante permet de définir une zone à protéger et à rénover et de promouvoir des opérations de rénovation entreprises à l’initiative des communes. Dans le courant des années septante, des sociétés agréées de logement social entrent elles aussi dans des opérations de rénovation du centre de la ville, comme en est témoin l’opération combinée de la Marolle associant la ville de Bruxelles aux sociétés agréées de logement social du Foyer Bruxellois et d’Assem-Sorelo.
179Dans le courant des années quatre-vingts, un désinvestissement relatif et progressif est opéré. En effet, s’il y avait 34.494 logements sociaux en 1981, on en enregistrait 37.199 en 1991, soit un accroissement de 2.405 logements en dix ans. Ces constructions neuves sont souvent des réalisations isolées dans le tissu urbain, assurant la revitalisation de l’îlot concerné par le remplissage de “dents creuses”. D’autres, par contre, sont réalisées sur des terrains contigus à des cités sociales existantes. Les investissements sont peu importants durant cette époque mais sont surtout réalisés dans les communes de première couronne et ce, essentiellement dans la zone à protéger et à rénover, augmentant quelque peu l’offre publique, là où la demande sociale est la plus développée.
Constitution du patrimoine
180Le tableau 21 reprend par société l’ensemble du patrimoine construit de chacune d’entre elles, quitte à ce qu’une partie de celui-ci ait été vendue plus tard ou transformée par après. C’est le poids de ces actions complémentaires en aval de la construction des logements que permet de mesurer la situation au 31 décembre 1994 pour chaque société et pour l’ensemble du secteur.
Nombre de logements construits par société immobilière et par décade*,1
![Tableau 21](./loadimg.php?FILE=CRIS/CRIS_1521/CRIS_1521_0001/CRIS_idPAS_D_ISBN_pu1996-16d_sa01_art01_img025.jpg)
![Tableau 21](./loadimg.php?FILE=CRIS/CRIS_1521/CRIS_1521_0001/CRIS_idPAS_D_ISBN_pu1996-16d_sa01_art01_img026.jpg)
Nombre de logements construits par société immobilière et par décade*,1
* Patrimoine au 31 décembre 1994.1. Les différences de totaux signalent principalement les impacts des ventes de logements sociaux et des transformations de logements ainsi que ceux des activités menées en 1994 dans le secteur.
181Les logements construits sont ici classés par décade, à partir de l’année de leur première occupation, ce qui signifie en moyenne trois ans après la décision formelle de leur consacrer des investissements.
182Le tableau 22 effectue la même opération, mais le mode de présentation valorise ici le critère de localisation que constitue chacune des 19 communes de la Région de Bruxelles-capitale.
Nombre de logements sociaux construits par commune et par décade
![Tableau 22](./loadimg.php?FILE=CRIS/CRIS_1521/CRIS_1521_0001/CRIS_idPAS_D_ISBN_pu1996-16d_sa01_art01_img027.jpg)
Nombre de logements sociaux construits par commune et par décade
183Les tableaux suivants regroupent les données essentielles au 31 décembre 1994 en matière de patrimoine (nombre de logements construits, proportion du patrimoine construit après 1950, loyer de base moyen par logement), en matière des locataires (loyer réel mensuel, coefficient des revenus moyens, proportion des locations à revenus annuels inférieur à 500.000 francs et supérieur à 1 million, proportion des ménages avec trois enfants ou plus à charge) et en matière financière (loyers réels annuels, annuités et rapport des annuités sur les loyers annuels réels). On peut aussi relever que d’autres paramètres comme la forme juridique (qui répartit les sociétés en sociétés anonymes, sociétés coopératives et coopératives de locataires) ou la sphère d’action (régionale ou locale) rend plus complexe encore cette forme d’approche.
Données de synthèse sur les SISP au 31 décembre 1994
![Tableau 23](./loadimg.php?FILE=CRIS/CRIS_1521/CRIS_1521_0001/CRIS_idPAS_D_ISBN_pu1996-16d_sa01_art01_img028.jpg)
![Tableau 23](./loadimg.php?FILE=CRIS/CRIS_1521/CRIS_1521_0001/CRIS_idPAS_D_ISBN_pu1996-16d_sa01_art01_img029.jpg)
Données de synthèse sur les SISP au 31 décembre 1994
Conclusion
184Si au cours de la première législature de la Région de Bruxelles-capitale des décisions importantes ont été prises dans le secteur du logement social, celles-ci doivent être mises en perspective.
185La création de la Région de Bruxelles-capitale a permis de finaliser la régionalisation administrative du logement social comme l’ont montré les décisions prises en 1990 au sujet de la Société nationale du logement et de la Société nationale terrienne. Ces décisions faisaient elles-mêmes suite aux premières décisions importantes en matière de dette du logement social, prises respectivement en 1984 et en 1987.
186Les années 1980 ont été une période de sous-investissement dans le secteur, sous-investissement d’intensité différente selon les régions. Elles ont été aussi une décennie charnière pour l’avenir du logement social, tant par le nombre de décisions prises que par la matérialisation de la régionalisation du secteur.
187Le retard de traitement politique de ces problèmes a incité la Région de Bruxelles-capitale à mettre en place, dans ce secteur comme dans d’autres compétences, une réforme législative qui a permis d’affirmer un certain nombre d’accents nouveaux et spécifiques. Cette réforme, dont les effets devront être analysés à plus long terme, a consacré les choix politiques de la nouvelle région au début des années 1990 dans le secteur public du logement.
188L’action volontariste entreprise au cours de la première législature régionale bruxelloise en matière de politique du logement n’a pas, à ce jour, permis de rencontrer l’importante demande sociale qui se formule vis-à-vis des sociétés de logement social.
189La reprise relative des investissements n’a pas pu compenser les besoins de constructions neuves et de rénovation. De plus, la paupérisation croissante d’une partie de la population accentue cette nécessité. Cette situation particulière appelle sans doute d’autres formes d’action.
190La déclaration politique de la deuxième législature indique certaines nouvelles directions en matière de logement social, et ceci dans deux des matières qui, pour longtemps encore, qualifieront la politique du secteur, à savoir la politique sociale et la tutelle.
191Ainsi il est affirmé, dans la dernière déclaration de politique, qu’il n’est pas possible de ne pas aligner en région bruxelloise les conditions d’accès au logement social relatives aux revenus des locataires ou des candidats locataires sur celles que connaissent les deux autres régions. Au cours de la première législature, le paramètre était la taille de la demande sociale telle qu’elle semblait se formuler à Bruxelles au début des années 1990. Quelles que soient ses modalités et sa légitimité, la volonté d’ouvrir plus largement les conditions d’accès signifiera, à terme, un accroissement de la demande de logements sociaux.
192La déclaration de politique de la deuxième législature exprime, par ailleurs, la volonté d’assouplir l’emprise de la tutelle régionale sur les sociétés immobilières de service public, notamment en matière d’attribution des logements, et ceci afin de préserver la mixité sociale et la santé financière des sociétés.
193Ces deux axes de la déclaration de politique régionale sont au cœur des choix de développement du secteur et recouvrent des orientations relativement différentes de celles retenues au cours de la première législature. Le logement social doit-il être réservé prioritairement aux personnes ou aux ménages fragiles ou peut-il aussi constituer un droit social accessible à d’autres personnes ou ménages ? Quelle conception faut-il faire prévaloir en matière de tutelle régionale sur les sociétés immobilières de service public ?
194Par ailleurs, le terme de “mixité” sur lequel beaucoup d’acteurs semblent s’entendre peut recouvrir des réalités et des publics cibles très différents.
195En matière de tutelle, les sociétés immobilières de service public sont plutôt partisanes de l’“autonomie subsidiée”. Le développement régional peut supposer que celle-ci sera tempérée et permette une situation où l’autonomie des acteurs de terrain ne signifie pas le découplage des politiques et la disparition des arbitrages au profit d’entités satellisées.
196La première législature régionale bruxelloise a permis de reconfigurer le secteur du logement social comme secteur d’action publique. Mais comme l’indiquent les accents différents des deux premières déclarations politiques, la rareté des moyens financiers face aux besoins et la conception de l’organisation du secteur - qui est aussi à la recherche d’une meilleure “opérationnalité” des rapports entre la région et les communes - resteront encore longtemps à la base des arbitrages fondamentaux du développement du secteur.
Notes
-
[1]
Moniteur belge, 22 janvier 1985.
-
[2]
Moniteur belge, 23 août 1985.
-
[3]
Moniteur belge, 30 juin 1987.
-
[4]
Moniteur belge, 6 juin 1987.
-
[5]
Moniteur belge, 3 juillet 1990.
-
[6]
Moniteur belge, 14 août 1990.
-
[7]
Moniteur belge, 15 janvier 1991.
-
[8]
Moniteur belge, 16 mars 1987.
-
[9]
Moniteur belge, 6 juin 1987.
-
[10]
Voir Michel Barbeaux et Marc Beumier, “Réforme de l’État et restructuration des administrations et des parastataux”, Courrier hebdomadaire, CRISP, n°1474-1475, 1995, pp.43 et 47.
-
[11]
Moniteur belge, 27 juillet 1981.
-
[12]
Moniteur belge, 18 avril 1981.
-
[13]
Moniteur belge, 13 novembre 1991.
-
[14]
Moniteur belge, 31 décembre 1993.
-
[15]
Moniteur belge, 17 décembre 1970, Erratum 30 janvier 1971.
-
[16]
Moniteur belge, 6 août 1971.
-
[17]
L’ordonnance prévoit également que les boni sociaux dégagés par certaines sociétés immobilières soient réinvestis dans des travaux de patrimoine de société en situation de déficit social.
-
[18]
Moniteur belge, 26 janvier 1994.
-
[19]
Moniteur belge, 10 mars 1994.
-
[20]
Moniteur belge, 3 septembre 1994.
-
[21]
Patrick Gibert, “Management public, management de la puissance publique”, Politiques et management public, n°2, juin 1986, pp.89 et ss.En ligne
-
[22]
Voir notamment M.-L. De Keersmaecker et L. Carton, Le droit au logement. Bilan d’une première législature, EVO, 1995, pp.67 et ss.
-
[23]
Selon la loi, la compétence dévolue aux régions concerne “le logement et la police des habitations qui constituent un danger pour la propreté et la salubrité publique”.
-
[24]
Chiffres du dernier recensement de la population et des logements au 1er mars 1991, Institut national de statistiques, Tome 2B, 1993.
-
[25]
Voir notamment M. Installé, M. Peffer, R. Savage, “Le financement des communautés et des régions”, Courrier hebdomadaire, CRISP, n°1240-1241, 1989 ; S. Loumaye, “Les finances bruxelloises”, Courrier hebdomadaire, CRISP, n°1354-1355, 1992 ; A. Drumaux, C. Maes, F. Thijs-Clément, “Bruxelles, les facteurs de l’équilibre budgétaire”, Courrier hebdomadaire, CRISP, n°1310-1311, 1991 ; F. Thomas, “Les Bruxellois. Démographie, population active, revenus”, Courrier hebdomadaire, CRISP, n°1390-1391, 1993.
-
[26]
M.-L. de Keersmaecker, L. Carton “Loyers bruxellois : la cohérence dans l’exclusion” Les cahiers de la Fondation Travail-Université, septembre 1994, n°10, pp.35 et ss.
-
[27]
État de la pauvreté dans la Région de Bruxelles-Capitale : rapport final, septembre 1995, pp. 28 et 78.
-
[28]
M.-L. De Keersmaecker et L. Carton, op. cit.
-
[29]
Source : M.-L. De Keersmaecker et L. Carton, “Le logement social à Bruxelles”, Ville et Habitant, n°212.