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2 – La politique budgétaire

1Les préoccupations budgétaires sont au cœur des politiques gouvernementales depuis de nombreuses années. Elles constituaient la priorité des gouvernements sociaux-chrétiens-libéraux (de 1981 à 1987) et les coalitions sociales-chrétiennes-socialistes (avec la Volksunie jusqu’en 1991) qui leur succèdent continuent à leur donner un caractère central parallèlement aux questions institutionnelles.

Du contrôle budgétaire (mars 1992) au conclave (juillet 1992)

2Dès son installation en mars 1992, le gouvernement Dehaene est confronté à l’absence de budget pour l’année en cours. Aussi entame-t-il son mandat par un contrôle budgétaire destiné à adapter à l’évolution de la conjoncture le projet de budget élaboré par le gouvernement précédent, tout en poursuivant les objectifs qu’il s’est fixés dans l’accord de gouvernement : “Le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour que la Belgique remplisse, fin 1996, les conditions d’accès à l’Union monétaire européenne (UME)” et “l’assainissement des finances publiques sera réalisé dans le cadre de référence créé par le Traité de l’Union européenne”. Telle est la double perspective qui oriente le premier des trois points du “programme d’urgence” contenu dans l’accord conclu entre le CVP, le PS, le SP et le PSC. La politique économique du gouvernement s’inscrit donc dans un cadre de références et de contraintes défini au niveau européen.

Les contraintes européennes

3Si l’origine de l’idée d’une intégration économique et monétaire européenne remonte au Traité de Rome de 1957 [1], sa mise en œuvre a connu une accélération au cours des cinq dernières années. Alors que le Livre blanc (Milan, 1985) concrétisé par l’Acte unique de 1986, fixe à fin 1992 l’achèvement du marché unique, le Conseil européen de 1988 désigne un comité [2] et le charge de formuler des propositions en vue de la réalisation progressive de l’union économique et monétaire (conçue comme le complément du marché unique). Du rapport qu’il dépose en avril 1989 se dégagent trois phases : la première a pour objectif la réalisation du marché intérieur et la libéralisation du circuit des capitaux, la deuxième est une période de transition qui doit permettre aux États membres économiquement plus faibles de rattraper le niveau des États plus prospères, la troisième doit déboucher sur la réalisation de l’union économique et monétaire à part entière.

4En 1989, à Madrid, le Conseil européen confirme sa volonté de réaliser l’union économique et monétaire, la première phase devant commencer le 1er juillet 1990, avec la libération totale de la circulation des capitaux liée à l’achèvement du marché unique. A Rome, en octobre 1990, les États membres (exception faite du Royaume-Uni) conviennent de faire débuter la seconde phase le 1er janvier 1994. Deux mois plus tard, deux Conférences intergouvernementales sont ouvertes : l’une a pour objet l’union économique et monétaire, l’autre l’union politique. Leur mission est d’examiner les modifications au traité requises pour réaliser ces deux unions. Le sommet de Maastricht de décembre 1991 constitue l’aboutissement des deux conférences ; il débouche sur un accord à propos du projet de traité qui inclut leurs résultats et mène à une coordination plus étroite des politiques économiques des États membres. Le traité sur l’Union européenne est signé le 7 février 1992.

5Le projet de l’union économique et monétaire renvoie à deux dynamiques complémentaires :

  • l’union économique, qui vise la conduite de la politique économique et de la politique budgétaire et poursuit des objectifs de convergence de performances économiques en faisant une place importante à la responsabilité des États membres ;
  • l’union monétaire, qui mène à la monnaie unique et vise la conduite de la politique monétaire et de change, centralisée au sein d’un système européen de banques centrales et autour d’une banque centrale européenne.

6Les objectifs économiques de la Communauté européenne sont énoncés à l’article 2 du Traité de Maastricht : “La Communauté a pour mission, par l’établissement d’un marché commun et d’une union économique et monétaire, et par la mise en œuvre des politiques ou des actions communes visées aux articles 3 et 3A, de promouvoir un développement harmonieux et équilibré des activités économiques dans l’ensemble de la Communauté, une croissance durable et non inflationniste respectant l’environnement, un haut degré de convergence des performances économiques, un niveau d’emploi et de protection sociale élevé, le relèvement du niveau et de la qualité de vie, la cohésion économique et sociale et la solidarité entre les États membres”.

7Certaines analyses du Traité relèvent que “le souci de l’inflation, qui ressort au niveau des principes directeurs et des critères de convergence ne transparaît pas a la lecture de ces objectifs”. Elles concluent que “le raisonnement implicite est que les gouvernements européens doivent garder une certaine autonomie de la gestion des instruments non monétaires pour piloter la croissance économique et sociale. En bref : a l’Europe, la responsabilité de la monnaie, des prix et des parités des changes extérieurs ; aux pays respectifs, la responsabilité de la croissance et du social” [3].

8Le calendrier de réalisation de l’union européenne et ses modalités prévoient trois phases successives. Chaque étape est caractérisée par des mesures institutionnelles et économiques. Lors de chacune d’elles, la réalisation d’un haut degré de convergence économique entre les États membres est recherchée qui doit se traduire notamment par une procédure visant à assurer la discipline budgétaire.

9La première phase [4] de l’union économique et monétaire a débuté le 1er juillet 1990. Elle concerne essentiellement la conduite de la politique économique et vise la coordination des politiques économiques nationales ainsi que la surveillance communautaire de celles-ci afin de garantir une coordination plus étroite et une convergence soutenue des performances économiques de chaque État membre [5]. Chaque État membre est en principe tenu d’adopter un programme de convergence économique axé sur la stabilité des prix et sur des finances publiques saines. En matière de politique budgétaire, les États membres devraient prendre des mesures de telle sorte qu’au 1er janvier 1994, deux interdictions soient respectées : l’abolition de toute facilité de financement (monétaire) par la banque centrale au profit des pouvoirs publics nationaux, régionaux ou locaux ainsi que tout accès privilégié des uns et des autres aux institutions financières, d’une part, la règle du “no bailing out” de la dette de ces pouvoirs publics (la Communauté et chaque État membre ne répondent que de leurs propres engagements financiers), d’autre part. Sur le plan monétaire, aucune modalité institutionnelle n’est prévue au cours de cette première phase : la concertation entre les banques centrales nationales doit se poursuivre au sein du Comité des gouverneurs. Quant à l’Ecu, sa composition [6] doit rester inchangée.

10Le passage à la deuxième phase doit se faire automatiquement le 1er janvier 1994. A cette période, une appréciation des progrès réalisés en matière de convergence économique et d’achèvement du marché unique devrait avoir lieu ; un résultat négatif n’aurait toutefois pas pour effet de retarder le début de la phase II. En matière budgétaire, outre les obligations à respecter pour le 1er janvier 1994 citées ci-dessus, les États membres devront éviter tout déficit budgétaire excessif. Ceux qui connaissent un tel déficit devront le corriger avant d’entrer dans la troisième phase. Les critères de convergence économique à rencontrer pour participer à cette troisième phase sont au nombre de quatre :

  • la stabilité des prix : l’État membre doit avoir un degré de stabilité des prix durable et un taux d’inflation moyen qui ne dépasse pas de plus de 1,5 % celui des trois États membres au plus, présentant les meilleurs résultats en matière de stabilité des prix ;
  • la situation financière : l’État membre ne doit pas faire l’objet, au moment de l’examen, d’une décision du Conseil Ecofin [7] liée à un déficit excessif. Le respect de la discipline budgétaire est évalué sur base de deux critères : d’une part, le rapport entre le déficit public prévu ou effectif et le produit intérieur brut aux prix du marché ne dépasse pas la valeur de référence de 3 %, ou bien ce rapport a diminué de manière substantielle et constante et atteint un niveau proche de la valeur de référence, ou encore le dépassement de la valeur de référence est exceptionnel et temporaire et le rapport se rapproche de la valeur de référence ; d’autre part, le rapport entre la dette publique et le produit intérieur brut aux prix du marché n’est pas supérieur à 60 %, à moins que ce rapport ne diminue suffisamment et ne s’approche de la valeur de référence à un rythme satisfaisant ;
  • les taux de change : pendant deux ans au moins, l’État membre doit respecter les marges normales de fluctuation prévues par le mécanisme de change du système monétaire européen, sans dévaluer sa monnaie par rapport à celle d’un autre État membre (ce critère est de nature monétaire) ;
  • la convergence des taux d’intérêt : l’État membre a eu, au cours d’une période d’un an précédant l’examen, un taux d’intérêt nominal moyen à long terme qui n’excède pas de plus de 2 % celui des trois États membres au plus, présentant les meilleurs résultats en matière de stabilité des prix.

11L’évaluation du degré de convergence devra être réalisée par le Conseil Ecofin sur base des rapports émanant de la Commission des Communautés européennes et de l’Institut monétaire européen-IME. Celui-ci, succédant au Comité des gouverneurs dont il assumera les taches, serait créé au cours de la deuxième phase en vue de promouvoir la coordination de la politique monétaire des États membres afin d’assurer la stabilité des prix, de préparer les instruments et les procédures requis pour mener une politique monétaire au cours de la troisième phase et de veiller au développement de l’Ecu.

12L’IME sera composé d’un président, d’un vice-président et des gouverneurs des banques centrales. En matière monétaire également, la deuxième phase doit conduire à donner un nouveau rôle au mécanisme de change du système monétaire européen, à la libération totale (en ce sens qu’elle n’exonère aucun type de capitaux) et erga omnes (le principe vaut également à l’égard des pays tiers) des mouvements de capitaux et à la préparation de l’indépendance des banques centrales vis-à-vis de leur gouvernement qui doit être réalisée avant l’entrée dans la troisième phase.

13Le passage à la phase III devra être fondé sur un examen à partir des quatre critères de convergence et d’autres critères comme le développement de l’Ecu, les résultats de l’intégration des marchés, la situation et l’évolution des balances de paiements courants et l’examen de l’évolution des coûts salariaux unitaires et d’autres indices de prix. Il aura lieu au plus tôt le 1er janvier 1997 après que le Conseil des chefs d’État et de gouvernement ait décidé à la majorité qualifiée d’entrer dans la troisième phase. Il devra apprécier si une majorité d’États membres remplissent les conditions nécessaires à l’adoption d’une monnaie unique et s’il est opportun pour la Communauté d’entrer dans la phase III. Si le passage à celle-ci n’est pas fixé au 31 décembre 1997, elle doit commencer automatiquement le 1er janvier 1999 pour les États membres qui répondent aux exigences fixées. Quelques mois avant le début de cette troisième phase, le Système européen de banques centrales-SEBC sera créé. Il se composera des banques centrales nationales et de la Banque centrale européenne-BCE, celle-ci reprenant les tâches de l’Institut monétaire européen qui sera liquidé. Les missions principales du SEBC seront l’élaboration et l’exécution de la politique monétaire de la Communauté européenne, l’exécution d’opérations sur le marché des devises, la gestion des réserves externes officielles des États membres et la bonne marche des opérations de paiement.

Les lignes de force du programme gouvernemental

14L’intégration de la Belgique dans l’union monétaire européenne et l’assainissement des finances publiques sont au centre des préoccupations du gouvernement Dehaene. Ils figurent en tête de son programme d’urgence, précédant la poursuite du développement de la structure fédérale de l’État d’une part et la réponse aux nouveaux défis de la société et aux nouveaux besoins des citoyens d’autre part.

15Si au cours des dix dernières années, la Belgique a amélioré sa position en matière de balance des échanges commerciaux (excédent important des exportations), de taux d’inflation (compris entre 6,7 % et 8,7 % au début des années 1980, il s’élève à 2,7 % début 1992), de croissance économique, de monnaie (liaison du franc au mark allemand) et de déficit de financement de l’ensemble des pouvoirs publics (13 % du PNB en 1981, 5,6 % en 1992), la dette demeure colossale (BEF 8.500 milliards) [8]. Plus du tiers des dépenses est affecté au remboursement des intérêts de la dette publique (BEF 660 milliards sur BEF 1.638 milliards de dépenses en 1992) et le déficit, bien que fortement réduit au cours des dix dernières années, reste trop élevé par rapport aux objectifs fixés par le Traité de Maastricht.

16C’est précisément en matière de finances publiques que des efforts restent à réaliser, puisque la Belgique satisfait d’ores et déjà aux trois autres critères de convergence économique.

17Les mesures que le gouvernement énonce dans son accord visent le niveau du taux de change, l’inflation (“qui sera maintenue au niveau le plus bas possible”) et les taux d’intérêt à long terme pour maintenir la position du pays, ainsi que les finances publiques pour se rapprocher de l’objectif européen. L’accord précise aussi que la politique économique poursuit quatre objectifs :

  • la promotion de l’emploi en assurant un climat économique favorable, entre autres pour les PME, ainsi qu’en développant une politique spécifique à l’endroit de groupes vulnérables de demandeurs d’emploi ;
  • la liaison du franc belge au deutsche mark, comme ligne de force de la politique monétaire ;
  • le maintien de la compétitivité de l’économie belge, notamment par le respect de la loi du 6 janvier 1989 ;
  • l’assainissement des finances publiques conformément aux exigences du traité de l’Union économique et monétaire qui impliquent une politique budgétaire rigoureuse de l’ensemble des pouvoirs publics.

18Ce dernier volet fait l’objet d’un long développement. La diminution du déficit public n’y apparaît toutefois pas uniquement justifiée par les impératifs de la convergence européenne [9] ; “elle s’impose aussi pour augmenter à l’avenir la marge de manœuvre budgétaire et, notamment, en vue de créer, en temps voulu, la marge nécessaire à de nouvelles missions publiques et au financement des charges démographiques futures”.

19Pour rencontrer les objectifs budgétaires européens, le gouvernement envisage d’adapter les définitions et la présentation budgétaires, de préparer les lignes de forces du plan de convergence auquel il est tenu et d’élaborer un programme pluriannuel de mesures par lequel les finances publiques belges répondront pour fin 1996 au critère européen de 3 % en matière de déficit public. Auparavant, il est prévu un programme d’urgence concernant le budget de 1992. Un budget adapté suite à un contrôle budgétaire doit être présenté sans délai. Les mesures à prendre en 1992 comprendront des efforts structurels et constitueront “une contribution très importante à la diminution du déficit public requise pour satisfaire en 1993 à la convergence européenne et pour que la sécurité sociale soit en équilibre”.

20Le gouvernement envisage d’élaborer “un ensemble équilibré de mesures (…) répartissant équitablement les efforts à consentir tant en ce qui concerne les dépenses qu’en ce qui concerne les recettes”. D’un côté comme de l’autre, “les mesures seront principalement axées sur des abus éventuels et sur les usages impropres, ainsi que sur les matières marquées par des différences notoires[10] entre la Belgique et ses principaux partenaires européens, en tenant compte des spécificités de structure de chacun”. Une liste de mesures envisagées suit, les unes concernant les dépenses commencer par le respect de la croissance zéro des dépenses hors charge d’intérêt) et les recettes (celles provenant des impôts augmenteront dans une proportion normale par rapport au PNB) du budget de l’État, les autres concernant les recettes et les dépenses de la sécurité sociale, en consacrant une attention particulière “aux défis démographiques futurs, qui auront surtout des effets sur les pensions des différents systèmes et sur les soins de santé”.

21L’accord de gouvernement ne chiffre pas les objectifs qu’il dit poursuivre. Le Bureau du Plan, dans ses prévisions de février 1992, estime à BEF 107 milliards l’assainissement nécessaire pour ramener le déficit public à l’objectif fixé. La section Besoins de financement des pouvoirs publics du Conseil supérieur des Finances a, pour sa part, réalisé un rapport sur les implications de l’objectif Maastricht 1991 sur les besoins de financement des pouvoirs publics [11] et évalue ce montant à BEF 230 milliards [12]. Une répartition de l’effort d’assainissement à livrer annuellement, par les autorités nationales (y compris la sécurité sociale) d’une part et les entités fédérées et les pouvoirs subordonnés d’autre part, y est établie. L’effort annuel est ainsi estimé à BEF 46 milliards, parmi lesquels BEF 32 milliards devraient être supportés par l’État central et BEF 14 milliards par les entités fédérées et les pouvoirs subordonnés [13].

Le contrôle budgétaire de 1992 : le programme d’urgence

22Le budget de 1992, préparé en août 1991, n’est pas voté avant la crise gouvernementale et les élections anticipées du 24 novembre 1991. Aussi, une des premières tâches du nouveau gouvernement est d’amender le projet de budget en tendant à l’adapter aux données actualisées lors du contrôle budgétaire qu’il réalise en mars 1992. Il convient en effet de faire coïncider un certain nombre d’hypothèses de base avec la dégradation de la conjoncture économique : nouvelle estimation du taux de croissance économique, des intérêts à court terme et de l’inflation. Au lieu d’une économie initiale de BEF 82,5 milliards prévue en 1991 pour rencontrer l’objectif de maintenir le solde net à financer à BEF 354,8 milliards, le gouvernement Dehaene prend des mesures d’économie pour un montant de BEF 134 milliards en vue d’atteindre le même objectif conformément à l’accord de gouvernement [14]. Outre des mesures directement applicables (limitation à 95 % des frais de fonctionnement de l’État, ralentissement des crédits d’investissements de la Défense nationale, limitation des autorisations de recrutement dans les ministères, vente d’actifs immobiliers, etc.), le gouvernement dépose deux projets de “lois-programmes” : l’un contient des dispositions sociales et diverses [15], l’autre des dispositions fiscales et financières [16].

Les mesures

23Parallèlement à des mesures structurelles qui ne feront sentir pleinement leurs effets qu’à partir de 1993, le gouvernement adopte des mesures ponctuelles de manière à rencontrer l’objectif qu’il s’est fixé. En matières fiscales, les dispositions adoptées sont essentiellement de nature structurelle. Elles ont trait en matière d’impôts indirects à la restructuration globale des taux de la TVA, au relèvement des accises sur les huiles minérales et le tabac, à l’instauration d’une nouvelle taxe de mise en circulation de voitures de cylindrée supérieure à la moyenne, de bateaux de plaisance et d’avions de tourisme. Des mesures sont prises, dans le domaine de l’impôt des sociétés, contre le recours abusif à la constitution de sociétés comme mécanisme d’évasion fiscale, et les déductions fiscales pour investissements d’économie d’énergie et de recherche sont “désactivées” sauf pour les petites et moyennes entreprises. Dans le domaine de l’impôt des personnes physiques, des mesures sont prises qui visent à réduire certains avantages fiscaux (déductibilité des primes d’assurance-vie ou d’épargne pension) ainsi que la déduction des frais de déplacements du domicile au lieu de travail (forfaitarisation). En matière de recettes non fiscales, les principales mesures sont ponctuelles ; elles ont trait notamment à la vente de participations de l’État dans des institutions financières.

24Dans le domaine de la sécurité sociale, l’objectif est le rétablissement de l’équilibre financier de la sécurité sociale. Dans le régime des salariés, des dispositions structurelles sont prises ; leur montant s’élève à BEF 24,6 milliards en 1992 et l’effet escompté pour 1993 est de BEF 49,2 milliards. Ils résultent d’une augmentation des recettes (augmentation des cotisations : 1 % de cotisation supplémentaire à destination de l’assurance maladie) et d’une limitation des dépenses notamment en assurance maladie-invalidité (radiologie, prix et consommation de médicaments, maisons de repos pour personnes âgées) et en assurance chômage (responsabilisation des employeurs pour le chômage temporaire et limitation du cumul d’une allocation de chômage avec une rémunération pour travail à temps partiel). Dans le régime des indépendants, les mesures portent sur un montant de BEF 3,3 milliards (6,7 milliards en 1993). Des mesures non récurrentes sont en outre prises pour un montant de BEF 29 milliards.

25Parmi ces dispositions, certaines correspondent à des décisions prises lors de l’établissement du budget de 1992 au cours de l’été 1991 mais qui n’avaient pu être concrétisées en raison de la crise politique. La restructuration de l’impôt des sociétés prévue dans ce cadre n’a pas été reprise dans le projet de loi et devrait être réexaminée lors de l’élaboration du budget de 1993. Parallèlement, le Parlement procède à l’examen d’un projet de loi instaurant une taxe de mise en circulation, taxe présentée comme devant compenser la perte de recettes due à l’application des nouveaux taux de TVA adoptés dans le cadre de l’harmonisation européenne.

Tableau 1

Le budget de 1992 : répartition des mesures (en %)

Tableau 1
Structurelles Non structurelles Total Recettes 31 24 55 Dépenses 17 28 45 Pouvoir central 28 29 57 Sécurité sociale 20 23 43 Total 48 52 100

Le budget de 1992 : répartition des mesures (en %)

Source : Bulletin de la Générale de Banque, n°330, juin 1992.

Les réactions

26La période qui sépare le contrôle budgétaire de mars 1992 et le conclave consacré au budget de 1993 (juillet) est ponctuée de prises de positions, de manifestations, de mouvements de grève qui vont en s’accentuant au fur et à mesure que le vote des lois-programmes (loi contenant des dispositions sociales et diverses, d’une part, loi contenant des dispositions fiscales et financières, d’autre part) s’approche. Des réactions diverses, émanant des partis de l’opposition et de groupes de pression, apparaissent comme autant de contestations de la politique budgétaire du gouvernement. Leur contenu comme leur ton varient toutefois sensiblement.

27Ecolo - pour lequel les priorités du débat budgétaire devraient être la lutte contre l’exclusion sociale, la réduction des inégalités, la modernisation de la Justice et la protection de l’environnement et ne devraient pas se limiter à des aspects strictement comptables - estime que le budget 1992 n’est guère plus crédible que le précédent. Il critique notamment la faiblesse des moyens consacrés aux défis sociaux et la politique d’assainissement de la sécurité sociale. Le FDF conteste pour sa part la manière dont le gouvernement décide de remplir ses obligations pour rencontrer les objectifs du Traité de Maastricht, les moyens consacrés au “contrat avec le citoyen”, les réductions d’emploi annoncées dans la fonction publique, ou encore les privatisations. Les partis libéraux stigmatisent quant à eux “le déséquilibre indécent entre les recettes et les dépenses” et s’opposent aux mesures fiscales - le PRL parlant de “la rage taxatoire du gouvernement” ainsi qu’aux dispositions relatives à l’épargne-pension et à l’assurance-vie. Le reproche est fait a la coalition gouvernementale “de n’avoir pas profité des années de croissance pour opérer les assainissements indispensables” [17] lors de la législature précédente. Le PRL et le PVV ont organisé le 23 mai 1992 une manifestation à la salle de la Madeleine contre la politique gouvernementale en matière budgétaire et fiscale. Au cours de ce meeting, les deux présidents (J. Gol et G. Verhoofstadt) ont insisté sur le rôle des “groupes de pression qui forment le gouvernement”, c’est-à-dire les interlocuteurs sociaux (patronat et syndicat) et les mutualités. Les syndicats et le patronat perçoivent “des subsides considérables sans contrôle, sans transparence et sans personnalité juridique”, ils exercent “un pouvoir immense dont (ils) n’ont jamais à rendre compte” et “aujourd’hui (ils) inspirent la politique désastreuse du gouvernement Dehaene”. Les mutuelles ont pour leur part des frais de fonctionnement qui atteignent “6,3 milliards de plus que ce qu’avait prévu l’audit Andersen. C’est l’équivalent de ce que le gouvernement va chercher dans la poche des plus petits16. Ces partis décidés à retarder l’action du gouvernement et l’adoption de lois (notamment la loi portant des dispositions fiscales et financières) déposent de nombreux amendements et occupent longuement la tribune de la Chambre et du Sénat.

28Les organisations de classes moyennes [18] offrent à ces deux partis une tribune lors du meeting qu’elles organisent le 4 juin 1992 à la salle de la Madeleine également, en opposition “aux mesures du gouvernement qui touchent davantage les petites et moyennes entreprises” (1.000 participants).

29Des mesures en matière médicale contenues dans la loi portant des dispositions sociales et diverses font l’objet de contestations de la part de médecins et de kinésithérapeutes. Les médecins hospitaliers observent deux jours de grève (le 15 juin et le 3 juillet) à l’appel de l’Association belge des syndicats médicaux-ABSYM et du Groupement belge de médecins spécialistes-GBS. De leur côté, le Groupement des unions professionnelles belges des omnipraticiens-GBO et l’Algemeen Syndikaat van Geneeskundigen, bien qu’ils partagent certaines conceptions de l’ABSYM et du GBS, ne participent pas à la grève du 3 juillet, considérant qu’elle est prématurée et que les négociations avec le ministre des Affaires sociales “contiennent des éléments positifs qui permettent d’entrevoir une solution”. Le front commun des kinésithérapeutes (Association des kinésithérapeutes de Belgique-AKB et la Fédération nationale des docteurs et licenciés en kinésithérapie-FNDLK) invite pour sa part tous les kinésistes du pays à se déconventionner afin de “répliquer au refus du Ministre des Affaires sociales de signer l’avenant à la convention et pour s’opposer à la remise en question du système que contient la loi-programme”.

30Le budget 1992 fait également l’objet de critiques de la part de la FEB, notamment à propos de la proportion jugée trop importante des mesures à effet unique et/ou touchant les recettes (notamment celles à charge des entreprises) et de l’alourdissement des charges supportées par et pour les travailleurs qualifiés. En matière de chômage, la FEB qualifie la politique du gouvernement de “vision à court terme” et en soins de santé, elle considère les mesures concernant les médicaments comme exagérées. L’organisation patronale relève toutefois un aspect plus positif à ses yeux : “Par rapport a tout ce qu’on a vécu sous le précédent gouvernement, on ressent une volonté plus nette d’agir, à la baisse, sur les dépenses. Mais il ne faut pas chanter victoire pour autant” [19].

31La CSC et la FGTB, qui adoptent fréquemment des positions en front commun “au sommet”, considèrent que l’accord de gouvernement “comprend trop peu d’objectifs d’ordre social et érige en objectifs bien trop de conditions financières et économiques”. Leur analyse du budget de 1992 les conduit à relever, à côté de dispositions notamment en matière d’impôts des sociétés et des personnes physiques qui vont dans la ligne de leurs propositions, l’absence de mesures qu’elles avaient proposées. Elles veulent mettre à profit la concertation annoncée avec le gouvernement pour préciser leurs propositions en matière d’impôt des sociétés et de lutte contre la fraude fiscale ainsi que d’impôt sur les revenus mobiliers et les fortunes dans le contexte européen. Pour ce qui concerne la sécurité sociale, la FGTB et la CSC constatent tout d’abord qu’il n’a pas été porté atteinte à ses principes fondamentaux et que si les revenus des travailleurs sont visés, il en va de même pour ceux des employeurs et des indépendants. Il n’empêche que certaines mesures sont jugées inacceptables par les deux syndicats (notamment “les mesures linéaires inéquitables en ce qui concerne les chômeurs à temps partiel”).

La politique de convergence et le budget 1993

Le plan de convergence

32Conformément aux décisions européennes, le gouvernement élabore en juin 1992 un plan de convergence à soumettre aux autorités de la Communauté européenne. Le plan de convergence contient essentiellement des normes et des perspectives, les mesures à prendre devant être concrétisées par le gouvernement lors de l’élaboration des budgets, à commencer par celui de 1993. La préparation de ce dernier va d’ailleurs de pair avec la définition d’un programme pluriannuel (1993-1996) d’assainissement des finances publiques mettant en œuvre le plan de convergence.

33Les objectifs fixés par le Traité de Maastricht reviennent, pour la Belgique, à réduire de moitié le déficit des pouvoirs publics, de manière à le ramener à 3 % maximum du produit national brut (hors octroi de crédits et prises de participation).

34D’autres motifs plaident également en faveur d’un assainissement comme, notamment, supprimer l’effet boule de neige, dégager les moyens nécessaires pour rencontrer les besoins nouveaux, garantir le financement à long terme de la sécurité sociale, améliorer la fonction redistributive par une réduction de la part affectée aux charges d’intérêt.

35Le plan de convergence que le gouvernement décide d’appliquer comporte deux volets :

  • d’une part, le programme d’urgence visant, pour l’année 1992, à maintenir le solde net à financer à 5,7 % du PNB ;
  • d’autre part, un programme de convergence pour les années 1993 à 1996, visant une réduction progressive du déficit des finances publiques à 3 %.

36Pour atteindre l’objectif de ramener le déficit à 3 % du PNB, l’augmentation requise du surplus primaire de l’ensemble des pouvoirs publics a été estimée - sur base d’hypothèses macro-économiques relatives notamment à l’évolution de l’inflation, de la croissance du PNB et des taux d’intérêt [20] - à 1,9 % du PNB. Ce résultat correspond à la différence entre la réduction du solde net à financer, soit 2,7 % du PNB (pour passer de 5,7 % en 1992 à 3 % en 1996) et la diminution attendue des charges d’intérêt [21], estimée à 0,8 %.

Tableau 2

Réduction du déficit entre 1992 et 19961,2,3

Tableau 2
Mesure de l’effet Assainissement en % du PNB1 en milliards2 Diminution des charges d’intérêt 0,8 72 Amélioration requise du surplus primaire3 1,9 190

Réduction du déficit entre 1992 et 19961,2,3

1. 5,7 - 3 = 0,8 + 1,9
2. En milliards de francs de 1996
3. De l’ensemble des pouvoirs publics
Source : Plan de convergence, op. cit.

37Le plan de convergence de la Belgique a été approuvé le 23 novembre 1992 par le Conseil Ecofin.

Principes de l’assainissement de la sécurité sociale

38L’objectif prioritaire, déjà formulé dans l’accord de gouvernement, est, en matière de sécurité sociale, le respect de la norme d’équilibre financier. Elle devra être atteinte “par une gestion rigoureuse” alors que le transfert du budget du pouvoir central au régime des travailleurs salariés et des indépendants est stabilisé à BEF 230,9 milliards (respectivement BEF 192 milliards et BEF 38,9 milliards).

39D’après les estimations du gouvernement, “si les recettes de la sécurité sociale évoluent dans une proportion normale par rapport à la croissance économique, le taux de croissance annuel moyen des dépenses totales en volume, compatible avec le maintien de l’équilibre financier de la sécurité sociale, s’élève à 1,6 % environ pour la période 1993-1996”.

40La perspective d’une évolution de certaines catégories de dépenses (soins de santé et pensions entre autres) supérieure à ce taux de croissance annuel justifie les mesures structurelles adoptées en 1992 pour qu’elles développent leur plein effet en 1993 : “Il a été demandé aux organes de gestion paritaire de proposer les mesures nécessaires, afin d’arriver à un consensus socio-économique le plus large possible sur la répartition des efforts qui seront à réaliser au cours des années à venir. Dans le domaine des soins de santé notamment, il est prévu qu’une meilleure maîtrise de la croissance des dépenses sera réalisée, entre autres par une plus grande responsabilisation de tous les partenaires concernés. Enfin, une restructuration des taux de cotisations devrait permettre de mieux tenir compte de l’évolution relative des charges dans les différentes branches de la Sécurité sociale”.

Tableau 3

Compte de la sécurité sociale1,2

Tableau 3
1992 1993 1994 1995 1996 Recettes1 1.103 1.166 1.233 1.304 1.380 Transfert du PNC2 231 231 231 231 231 Dépenses 1.336 1.397 1.465 1.536 1.611 Solde -1 0 0 0 0 P.m. Taux de croissance des dépenses en volume 1,3% 1,6% 1,6% 1,7%

Compte de la sécurité sociale1,2

1. Hypothèse : élasticité unitaire par rapport au PNB.
2. L’accord de gouvernement prévoit que ce subside ne sera modifié ni à la hausse, ni à la baisse.
Source : Plan de convergence de la Belgique, op. cit.

Principes de l’assainissement pour le pouvoir central

41La part de l’assainissement des finances publiques qui incombe au pouvoir central est estimée à partir du postulat selon lequel les autres niveaux de pouvoir (communautés et régions) - dont la politique budgétaire doit se situer dans la perspective de viabilité et d’autonomie financière à moyen et à long terme - vont mettre en œuvre une politique budgétaire d’assainissement visant la stabilisation de leur taux d’endettement. La poursuite de cet objectif devrait les conduire à une amélioration de leur solde primaire de 0,6 % du PNB entre 1993 et 1996. Dans cette hypothèse, il reste au pouvoir central à augmenter le surplus primaire de 1,3 % du PNB (1,9 % - 0,6 %) au cours de la même période. Pour rencontrer cet objectif, la double norme est remplacée par “une stratégie de politique budgétaire fondée sur l’application de normes de recettes et de normes de dépenses, ainsi que sur un programme pluriannuel de mesures structurelles visant à rendre crédible le respect de ces normes” :

  • norme d’élasticité unitaire des recettes : conformément à ce qui est également prévu dans l’accord de gouvernement, les recettes fiscales doivent évoluer dans une proportion normale par rapport à la croissance économique ;
  • norme de croissance zéro des dépenses primaires : la croissance réelle des dépenses primaires (hors charges d’intérêt) du budget du pouvoir central national sera nulle [22] ;
  • programme pluriannuel de mesures structurelles tant pour les dépenses que pour les recettes qui doit permettre de respecter les normes et assurer la contrainte budgétaire à moyen terme.

Projection des comptes des pouvoirs publics

42A l’occasion de la discussion du plan de convergence et à l’approche du conclave budgétaire, diverses voix se sont prononcées en faveur d’une accélération de l’assainissement budgétaire au cours de l’année 1993. Le Conseil supérieur des Finances, plaidant également pour cette hypothèse, évalue en juin 1992, l’effort budgétaire à réaliser en 1993 entre BEF 65 et 75 milliards, ce qui permettrait de limiter à 4,1 % le solde net à financer (pouvoir central plus la sécurité sociale en “définition Maastricht”). Pour réaliser cet objectif, l’effort devrait être structurel et récurrent. Le plan de convergence ne se prononce pas définitivement sur le choix entre effort étalé dans le temps et effort accentué en 1993.

43Le tableau 4 présente d’une part une projection normée, c’est-à-dire l’évolution du budget du pouvoir central au cours des quatre années en postulant le respect des normes, et d’autre part une projection sur base d’un effort accéléré, appelée “scénario 1993 +”. L’idée sur laquelle repose cette projection est, contrairement au “scénario norme” qui étale dans le temps l’assainissement à réaliser, d’imposer un effort accru en début de programme de manière à “enclencher un effet boule de neige inversé plus important plus rapidement” [23].

Tableau 4

Programme de convergence de la Belgique (en % du PNB)

Tableau 4
1992 1993 1994 1995 1996 Scénario “norme” Solde primaire 5,1 5,5 6,0 6,5 7,0 Déficit -5,7 -5,2 -4,5 -3,8 -3,0 Scénario “1993 +” Solde primaire 5,1 5,8 6,2 6,6 6,9 Déficit -5,7 -4,9 -4,3 -3,7 -3,0

Programme de convergence de la Belgique (en % du PNB)

44La principale différence entre les deux scénarios a trait à l’objectif relatif aux dépenses publiques. L’objectif, en 1993, est de ramener l’écart à 4,9 % dans le scénario “1993 +”, tandis qu’il est de 5,2 % dans le scénario “norme”. La mise en œuvre du scénario “1993 +” impliquerait une diminution du déficit de 0,8 % en 1993 ; les trois années suivantes, l’effort en terme de solde primaire serait limité à 0,4 % par an.

Contrôle et suivi

45Le plan de convergence prévoit que pour le 15 mars au plus tard de chaque année, la section Besoins de financement des pouvoirs publics du Conseil supérieur des Finances remet au gouvernement un rapport relatif à l’exécution du programme de convergence au cours de l’année précédente. En cas de dérapage (“différence entre le déficit de l’ensemble des pouvoirs publics, fixé pour une année déterminée et l’objectif pour cette année, conformément au scénario norme”), le Conseil supérieur des Finances est tenu de remettre un avis concernant les causes de dérapage et l’ampleur des corrections à apporter.

L’avis du Conseil central de l’économie

46Le 15 juillet 1992, le Conseil central de l’économie a rendu un avis [24] adopté à l’unanimité à propos du plan de convergence. Cet avis comporte trois parties. Dans la première, les organisations représentées au Conseil confirment leurs consensus quant à l’importance de l’adhésion de la Belgique à l’Union économique et monétaire de 1997, tant pour les avantages qu’elles en attendent en termes économiques, monétaires et de promotion de la compétitivité des entreprises européennes, que pour les “possibilités qui doivent être valorisées pour la réalisation d’un espace européen aux dimensions sociales et politiques”. Face aux choix qui s’imposent pour atteindre cet objectif, les interlocuteurs sociaux revendiquent “d’être étroitement et activement associés a ce processus de préparation de l’union économique et monétaire” et ils considèrent qu’en raison de la composition spécifique du Conseil central de l’économie, l’avis qu’ils rendent a une portée particulière. Ils demandent à être informés et consultés préalablement “sur les rapports concernant les progrès réalisés et les mesures politiques qui seront envisagées”.

47Dans une deuxième partie, où il examine les critères de convergence et les mécanismes d’évaluation et de surveillance fixés par le Traité de Maastricht, le Conseil estime que, lors de l’évaluation des critères de convergence, “on devrait également tenir compte du développement de la sphère réelle de l’économie, notamment des éléments tels que la croissance économique, la balance commerciale, la capacité compétitive, le taux d’épargne et l’emploi” et que “les critères de convergence ne doivent pas être appliqués de manière purement mécanique”.

48Dans la troisième partie, le Conseil se prononce sur le plan de convergence et sur l’assainissement des finances publiques, seul critère à la réalisation duquel la Belgique est confrontée. La poursuite de l’objectif n’est toutefois pas seulement imposée par les critères du Traité de Maastricht : “L’assainissement s’impose en vue d’éliminer définitivement l’effet boule de neige, de réduire l’effet «coucou» et de dégager de nouvelles marges de manœuvre budgétaires”. Le plan de convergence conçu par le gouvernement repose toutefois sur des hypothèses incertaines (croissance, taux d’intérêt) dont les résultats conditionnent les assainissements à réaliser. Pour ce qui concerne la mise en œuvre du plan de convergence, “les organisations représentées au sein du Conseil adhérent au principe d’un assainissement des finances publiques qui préserve, à tout prix, la cohésion économique (entre autres le maintien de la compétitivité des entreprises - au sens large) et la cohésion sociale du pays qui se sont développées au fil des années. Une atteinte à ces cohésions, dont l’importance a été prouvée par le passé, risquerait de créer plus de problèmes que d’en résoudre. Le Conseil est d’avis que l’assainissement doit être basé sur une politique de stabilisation des recettes, d’une part, et de maîtrise des dépenses publiques, d’autre part”.

Le budget de 1993 et le programme pluriannuel 1993-1996

Le budget de 1993 et son ajustement

49La préparation du budget de 1993, dans le cadre du plan de convergence qui vise à assurer à la Belgique sa participation à l’Union économique et monétaire dès 1997, doit tenir compte d’une situation dégradée en ce qui concerne la dette publique (BEF 710 milliards alors que les prévisions étaient inférieures de BEF 40 milliards) et les recettes non-fiscales (moins value de BEF 27 milliards). A l’issue du conclave, en août 1992, des mesures pour un montant de BEF 132 milliards sont prises : BEF 117,4 milliards à charge de l’État national et BEF 15 milliards pour atteindre l’équilibre financier de la sécurité sociale. Outre le respect des contraintes de l’accord de gouvernement (non-croissance des dépenses en termes réels, blocage des dépenses sans indexation dans le domaine de la défense nationale, de la sécurité sociale et des subsides aux entreprises publiques [25]), le gouvernement prend des mesures en matière fiscale et de sécurité sociale ainsi que dans divers autres départements. Plusieurs mesures sont adoptées en matière de fiscalité ; elles touchent l’épargne à long terme, les avantages de toute nature, les intercommunales, la fiscalité indirecte, etc., la plus générale de ces mesures étant la non-indexation des barèmes fiscaux. Pour respecter les engagements contenus dans le plan de convergence, il convenait d’adopter une mesure “générale”. Certains, principalement dans les rangs du CVP, envisagent l’hypothèse d’un saut d’index, ce qui provoque des réactions de la part des syndicats et des partis socialistes de la coalition gouvernementale. On envisage aussi la possibilité de lever des centimes additionnels ou un impôt de crise. Finalement, la suspension de l’indexation des limites et tranches prises en compte en matière d’impôt des personnes physiques (à l’exception des revenus exemptés d’impôt) pendant au moins deux et au plus quatre exercices d’imposition est décidée. Le gouvernement opte par ailleurs pour la vente d’avoirs de l’État (actifs et bâtiments) pour un montant de BEF 15 milliards.

50En matière de sécurité sociale, des mesures sont prises dans le secteur du chômage (plan d’accompagnement des chômeurs et renforcement des sanctions à l’égard des chômeurs de longue durée), des prépensions (augmentation progressive de l’âge d’entrée en prépension après concertation avec les interlocuteurs sociaux), de l’assurance maladie-invalidité (réforme structurelle en vue de la maîtrise des dépenses du secteur : responsabilisation des organismes assureurs, des prestataires de soins et des patients et objectifs budgétaires évalués par des organes de contrôle budgétaire). Le gouvernement décide aussi de réduire de moitié l’opération Maribel (réduction des cotisations patronales de sécurité sociale pour les ouvriers) : de BEF 15 milliards, son coût sera ramené à BEF 7,5 milliards, dont la moitié à charge de la sécurité sociale. Dans la pratique, la réduction de BEF 17.000 par ouvrier est ramenée à BEF 7.500, sauf dans les entreprises de moins de vingt travailleurs qui bénéficient d’une diminution des cotisations de BEF 11.300 pour les cinq premiers ouvriers.

51En septembre-octobre, il s’avère nécessaire d’apporter des corrections à ce projet de budget en raison de l’évolution défavorable de la croissance du PNB (de 2,3 % à 1,9 %) et de son effet négatif sur l’emploi. Des mesures supplémentaires pour un montant de BEF 21,8 milliards sont alors décidées : BEF 16,6 milliards à charge du budget de l’État, 5,2 milliards en sécurité sociale.

52Pour réaliser ces nouvelles économies, le gouvernement décide la compression et le report des dépenses de divers départements ministériels ; en matière de sécurité sociale, le système d’interruption de chômage est rendu moins intéressant ; en matière de fiscalité, sont retenues la lutte contre l’évasion fiscale et une meilleure perception des recettes. Ce sont toutefois des “privatisations” pour un montant de BEF 10 milliards (à ajouter aux BEF 15 milliards décidés au conclave budgétaire de juillet-août) qui constituent la mesure la plus importante de cette correction. Il s’agit d’opérations qui ne sont pas renouvelables. Une commission d’experts, dirigée par l’ancien commissaire du Plan, R. Maldague puis par T. Masset, a été chargée d’évaluer les actifs qui peuvent être vendus.

53Le rapport sur l’évolution économique et financière de la Belgique rédigé par le Fonds monétaire international-FMI critique la lenteur de l’assainissement des finances publiques et prévoit que ni l’objectif de 5,2 % de déficit en 1993, ni celui de 3 % en 1996 ne seront atteints. Il conseille de prendre des mesures “aussi vite que possible” principalement en sécurité sociale. Pour le FMI, il est préférable de réduire les dépenses que d’augmenter la pression fiscale.

Le programme pluriannuel

54Afin de mettre en œuvre le plan de convergence, un programme pluriannuel d’assainissement des finances publiques (1993-1996) a été élaboré simultanément à la confection du budget de 1993, ainsi que le prévoyait l’accord de gouvernement [26]. Sur base de la préfiguration budgétaire de 1993 et de la prolongation de celle-ci jusqu’en 1996 en fonction des hypothèses macro-économiques du plan de convergence [27], une projection pluriannuelle a été établie. Celle-ci intègre les mesures prises dans le cadre du budget de 1993 et tient compte de leur effet pluriannuel. Ce programme s’articule autour des aspects suivants [28] :

  • recettes fiscales : alors que les estimations prévoient en 1993 une élasticité des recettes fiscales inférieure à l’unité (cette année étant la dernière au cours de laquelle les effets de la réduction du précompte mobilier se font sentir), un redressement de la situation devrait avoir lieu dans les années suivantes et devrait conduire à une élasticité supérieure à l’unité. Des mesures dont le rendement est de BEF 12 milliards en 1993 et qui continuent à produire des effets jusqu’en 1996 (BEF 18 milliards) ont été prises et des mesures fiscales supplémentaires ont été décidées pour un montant de 11 milliards. Par rapport a la norme du plan de convergence, un excédent de recettes fiscales d’une valeur de BEF 11 milliards en 1993 et progressant jusqu’à BEF 25 milliards en 1996 devrait être observé ;
  • recettes non fiscales : d’un montant de BEF 137 milliards en 1992, ces recettes s’élèveront à BEF 115 milliards en 1993 (réduction due au caractère ponctuel de certaines recettes de 1992 comme les ventes d’actifs par exemple). Les recettes non fiscales de 1993 ayant un caractère récurrent, leur montant (indexé) est inscrit pour les années 1994 à 1996. Des mesures décidées lors du budget de 1993 pour un montant de 6 milliards (provenant des dividendes de certaines entreprises publiques : CGER et SNI et de transferts de la Loterie et de la Banque nationale). La réalisation d’actifs détenus par le secteur public doit permettre d’assurer des recettes de l’ordre de 50 milliards en quatre ans ;
  • dépenses primaires : le respect de la norme de croissance zéro des dépenses primaires autorise seulement l’indexation des montants de 1992. Toutefois, un dérapage de BEF 38 milliards est prévu en 1993 et de BEF 97 milliards en 1996. Trois types de dépenses se sont vu octroyer par le gouvernement une enveloppe fixe : les transferts de l’État à la sécurité sociale, les subsides aux entreprises publiques économiques et le budget de la défense. Le gel de ces dépenses, par la seule non-indexation, représente BEF 13 milliards en 1992 et devrait s’élever à BEF 53 milliards en 1996. Des mesures complémentaires sont adoptées lors du conclave budgétaire “pour combler l’écart en 1993 entre les dépenses primaires prévues et normées” (BEF 33 milliards, soit un montant supérieur à cet écart). L’écart serait toutefois de BEF 5 milliards en 1994 et de BEF 8 milliards en 1996, ce qui imposera de nouvelles mesures de réduction des dépenses après 1993 ;
  • mesures supplémentaires : étant donné que les mesures structurelles adoptées par le gouvernement ne sont pas suffisantes pour atteindre l’objectif du plan de convergence, une mesure générale, la non-indexation des limites et tranches prises en compte en matière d’impôt des personnes physiques, à l’exception des montants minimum de revenus imposables, est décidée. Elle pourra être appliquée de 1993 à 1996, et peut être abrogée ou limitée après 1994 par arrêté royal ;
  • solde primaire : en 1993, le solde primaire s’élève à BEF 340 milliards (soit BEF 6 milliards de plus que le scénario norme du plan de convergence). Ce surplus continue de croître et atteindra 523 milliards en 1996. Cette année-là, et pour autant que la non-indexation des barèmes fiscaux soit maintenue, l’accroissement du solde primaire serait de 2,1 % du PNB alors que les prévisions du plan de convergence le situaient à 1,3 % ;
  • charges d’intérêt : pour les années 1994 à 1996, elles sont calculées en fonction de l’évolution de la dette publique et en tenant compte des hypothèses en matière de taux d’intérêt retenus dans le plan de convergence. Pour 1993, elles résultent des discussions budgétaires et se basent sur la hausse des hypothèses en matière de taux d’intérêt allemands. Afin de décélérer la croissance des charges d’intérêt, des mesures de gestion de la dette sont prises pour un montant de BEF 31 milliards en 1993 ; leur effet sera réduit les années suivantes en raison de l’ampleur du refinancement de la dette venant à échéance. Par ailleurs, la dette de la Société nationale des secteurs nationaux étant reprise par le Trésor, des charges d’intérêt supplémentaires sont inscrites au budget ;
  • opérations de trésorerie : évaluées à BEF 16 milliards en 1993, elles sont estimées à BEF 10 milliards pour les années 1994 à 1996 ;
  • solde net à financer : le scénario normé du plan de convergence prévoit une réduction progressive du déficit de 5,2 % en 1993 à 3 % en 1996. L’application de la non-indexation des barèmes fiscaux en 1995 et 1996 conduit a un excédant par rapport à la norme du plan de convergence estimée respectivement à BEF 6 milliards et BEF 14 milliards. En 1994, par contre, un déficit de BEF 17 milliards par rapport à la norme devra être comblé [29].

Les mesures structurelles en sécurité sociale

55Un ensemble de mesures sont décidées en matière de chômage et d’assurance maladie-invalidité en vue de rétablir l’équilibre financier de la sécurité sociale.

Chômage et prépensions

56Un plan d’accompagnement des chômeurs, visant à répondre “à l’inadéquation du marché de l’emploi et à augmenter l’offre de travailleurs qualifiés afin de contrer le sous emploi et d’enrayer le chômage de longue durée” est mis sur pied par le ministre de l’Emploi et du Travail. Sa conception s’appuie sur les dernières recommandations de l’OCDE en matière de politique de l’emploi et sa mise en œuvre implique la conclusion d’un accord de coopération entre l’État, les communautés et les régions. L’insertion professionnelle des chômeurs s’effectuera essentiellement par un plan d’accompagnement individuel. Celui-ci concerne tous les chômeurs complets indemnisés à temps plein âgés de moins de 46 ans qui commencent leur neuvième mois de chômage, ainsi que les jeunes bénéficiant d’une indemnité d’attente. Dans un premier temps, les intéressés sont convoqués par les services régionaux qui établissent un diagnostic de la situation des chômeurs concernés et les informent de leurs possibilités sur le marché de l’emploi ; ensuite les services régionaux présentent aux chômeurs concernés un programme d’action contenu dans une convention d’accompagnement (une formation, un emploi ou une combinaison des deux). Le financement est assuré par une cotisation patronale de 0,10 % sur les rémunérations perçues par l’ONSS.

57Par ailleurs, ce plan prévoit la suspension du droit aux allocations ou leur suppression pour ceux qui refusent l’accompagnement proposé, qui ne manifestent aucun intérêt ou échouent par leur propre faute. Son impact sur les dépenses de chômage devrait s’élever à BEF 920 millions en 1993 ; il irait en s’accroissant pour atteindre BEF 3,3 milliards en 1996.

58Le gouvernement a également décidé de renforcer le contrôle de la disponibilité de chômeurs et les sanctions en cas de départ du travail et de refus d’embauché. Il prévoit qu’un accord de coopération soit conclu entre l’État, les communautés et les régions à propos de l’échange de données entre les services régionaux de placement et l’ONEm. L’échange de données porte sur les efforts d’emploi, sur la formation et sur l’attitude négative du chômeur lors du plan d’accompagnement. Les prévisions budgétaires tablent sur un rendement de ce contrôle accru (plan d’accompagnement non compris) de BEF 3,4 milliards en 1993 et de BEF 6,3 milliards en 1996.

59En matière de prépensions, un plan pluriannuel de maîtrise des dépenses a été établi. Il programme un relèvement progressif de l’âge de la prépension à 58 ans et une limitation du travail autorisé. Celui-ci sera supprimé sauf pour les prépensionnés venant d’entreprises en difficultés ou en restructuration. Par ailleurs, un régime “d’emplois-passerelles” (prépensions à temps partiel) sera élaboré en concertation avec les interlocuteurs sociaux. L’impact des mesures en matière de prépensions est évalué à BEF 0,7 milliard en 1993 et progressera jusqu’en 1996 (3,9 milliards).

Réforme de l’assurance maladie-invalidité

60Dans le cadre de la poursuite de l’équilibre financier de la sécurité sociale, le Conseil des ministres a pris des décisions lors du conclave budgétaire d’août 1992 en matière d’assurance maladie-invalidité qui visent notamment la maîtrise des dépenses. Celle-ci doit être atteinte, entre autres, par la responsabilité de tous les interlocuteurs concernés liée au développement des instruments nécessaires à la maîtrise des dépenses à leur niveau et par un élargissement du système des enveloppes. Elle implique également une reforme structurelle du secteur des soins de santé.

61Afin de concrétiser les décisions, le ministre des Affaires sociales, Ph. Moureaux, a déposé un plan de réforme de l’assurance maladie-invalidité, dont l’aspect central est la modification de la loi du 9 août 1963 instituant et organisant un régime d’assurance obligatoire. Selon ce plan, les organes de l’INAMI seront modifiés et comprendront :

  • un Conseil de gestion de l’INAMI, composé paritairement des organismes assureurs et des prestataires de soins (y compris les institutions), est chargé de la coordination des travaux des Commissions de conventions et de la répartition de l’enveloppe globale entre les sous-secteurs et il est responsable dans le domaine du suivi des dépenses (compétence générale d’avis) ;
  • un Conseil général quadripartite, composé de représentants du gouvernement, des employeurs (y compris des classes moyennes), des syndicats et des organismes assureurs ainsi que des prestataires de soins présentés par le Comité de gestion, détermine les orientations de politique générale, prend les décisions relatives à l’équilibre financier de l’assurance et établit un rapport annuel sur l’application de la législation ;
  • un Comité de l’assurance composé des organismes assureurs et des prestataires de soins est chargé de la gestion concrète de l’assurance ;
  • une Commission de contrôle budgétaire dont les moyens sont renforcés et qui doit faire rapport trimestriellement au Conseil général et au Conseil de gestion ;
  • un Conseil scientifique chargé d’examiner tout aspect scientifique en relation avec l’assurance soins de santé.

62Par ailleurs, la responsabilité financière des organismes assureurs et des prescripteurs sera accrue et des mesures seront prises en matière de maîtrise de l’offre de soins, d’assurances pour les personnes âgées (appelée couramment “assurance dépendance”), de loi sur les hôpitaux et de produits pharmaceutiques.

Le contrôle budgétaire de mars 1993

63Au moment où il entame le contrôle budgétaire, le 12 février 1993, le gouvernement est confronté à une situation économique particulièrement dégradée par rapport à la confection du budget en juillet-août 1992. Alors qu’il s’était basé pour établir ses prévisions sur l’hypothèse d’une croissance économique de 2 %, le gouvernement constate huit mois plus tard qu’elle s’avère nettement surestimée. Dans le cadre du contrôle budgétaire, une croissance de 0,5 % seulement est retenue. Cette perception du ralentissement de la croissance, qui s’accompagne d’un accroissement du chômage de 60.000 unités en un an, pèse négativement sur les recettes et sur les dépenses des pouvoirs publics. Afin de poursuivre l’objectif qu’il s’est fixé, le gouvernement décide dès lors de prendre des mesures complémentaires pour 1993 et également en vue d’adopter le plan pluriannuel d’assainissement.

64Dans un avis qu’il rend le 24 février 1993, le Conseil supérieur des Finances propose d’adopter des mesures structurelles dont l’objectif essentiel est de ramener le besoin net de financement de l’ensemble des pouvoirs publics à 4,7 % du PIB en 1994 (l’objectif du programme de convergence était de 4,5 %). L’effort à réaliser à cette fin est évalué à BEF 110 milliards sur une base annuelle, pour l’ensemble du pouvoir national et de la sécurité sociale. Et pour 1993, l’objectif est de ramener le déficit public à 5,8 % du PIB (le programme de convergence le fixant à 5,2 %).

65Lors du contrôle budgétaire, le gouvernement prend en compte les propositions du Conseil supérieur des Finances et axe son travail sur l’année 1994. Des directives relatives au budget de cette année-là sont établies et approuvées ; les mesures décidées seront intégrées dans les négociations du conclave de l’été consacré au budget. Bien qu’elles commenceront à avoir un effet dès juillet 1993, leur rendement ne sera toutefois pleinement atteint que l’année suivante : en 1994, il s’élèvera à BEF 113 milliards.

66Le gouvernement regroupe ses décisions relatives au pouvoir central national (soit BEF 70 milliards) en trois catégories :

  • celles qui n’augmentent pas les charges pour la population (BEF 25 milliards) et qui comprennent des mesures destinées à améliorer le contrôle et la perception des recettes fiscales, l’accroissement de la vente d’actifs et d’autres mesures provenant entre autres de recettes non fiscales ;
  • des économies dans les dépenses (BEF 16 milliards) : diminution du budget de la dette publique, financement par la sécurité sociale (non plus par le budget) de la subvention Maribel, économies dans les départements ministériels ;
  • des recettes nouvelles (BEF 25 milliards) : une contribution complémentaire de crise (trois centimes additionnels sur les impôts sur tous les revenus), limitation de l’imputation de la quotité forfaitaire d’impôt étranger à l’impôt belge afférent aux revenus nets d’origine étrangère, mesures relatives aux revenus mobiliers et immobiliers.

67A ces mesures, il convient d’ajouter BEF 40 milliards de dispositions en matière de sécurité sociale.

Tableau 5

Rendement des mesures du contrôle budgétaire (mars 1993) en milliards de BEF. Pouvoir central

Tableau 5
1993 1994 1995 1996 a) Mesures n’augmentant pas les charges 4,5 29 22 22 - amélioration du contrôle et de la perception des recettes fiscales 4,5 14 18 18 - réalisation d’actifs - 10 (avec décisions antérieures) (25) (25) (10) (10) - autres mesures - 5 4 4 b) économies dans les dépenses 6,9 16,2 15 15,7 - diminution du budget de la dette 4,9 6 6 6 - Maribel financé par sécurité sociale - 3,9 3.9 3.9 - économies dans les départements 2 6,3 5,1 5,8 c) recettes nouvelles 14,0 25,5 26,5 24,4 - contribution compl. de crise 6,1 12,6 13,6 11,5 - qualité impôt étranger 3,9 3,9 3,9 3,9 - revenus mobiliers et immobiliers 4 9 9 9 Total du pouvoir central 25,4 70,7 63,5 62,1

Rendement des mesures du contrôle budgétaire (mars 1993) en milliards de BEF. Pouvoir central

Tableau 6

Rendement des mesures du contrôle budgétaire (mars 1993) en milliards de BEF. Sécurité sociale

Tableau 6
1994 a) économies dans les dépenses 25 - soins de santé 15 - chômage 7 - pensions 3 b) recettes nouvelles 15 - cotisation compl. de crise 19 -Maribel -4 Total sécurité sociale 40

Rendement des mesures du contrôle budgétaire (mars 1993) en milliards de BEF. Sécurité sociale

Partis et groupes face au budget

68De par leur nature, de par les choix et les arbitrages qu’elles imposent, de par leur caractère récurrent, les questions budgétaires et financières constituent le révélateur des tensions internes au gouvernement, des positions des partis de l’opposition et du rôle et de l’influence des groupes de pression. Elles permettent par ailleurs d’observer les méthodes de travail du gouvernement et leurs évolutions, de s’interroger sur la fonction des organismes et des experts nationaux et internationaux et d’évaluer les contraintes internationales, européennes en particulier, qui pèsent sur le pays.

L’élaboration du budget 1993

Le gouvernement et les partis de la majorité

69A l’approche du conclave budgétaire de l’été 1992, diverses voix, au sein du gouvernement entre autres, prônent une accélération, en 1993, de l’assainissement des finances publiques. Inscrite à titre d’hypothèse dans le plan de convergence parallèlement à un scénario “norme” qui envisage un effort régulier, cette accélération que l’on désigne sous l’appellation “1993 +” vise à réaliser au cours de l’année 1993 un effort accru de manière à le réduire les années suivantes. Si le gouvernement ne se prononce pas entre les deux scénarios contenus dans le plan de convergence, le vice-Premier ministre et ministre des Communications et des Entreprises publiques, G. Coëme, exprime dans une interview accordée au quotidien Le Soir [30] sa préférence pour la formule dont l’idée avait déjà été émise par des personnalités importantes de son parti (Ph. Busquin, G. Spitaels et Ph. Moureaux). Ainsi, à la mi-juin 1992, il lance sa “petite idée” : l’instauration d’un impôt spécial (“impôt de crise”) d’un rendement de 30 à 50 milliards, destiné à un assainissement plus rapide. Cet objectif a les faveurs du gouvernement et le Premier ministre J.-L. Dehaene déclare à la radio que cette thèse, qu’il avait toujours défendue, rencontre un consensus de plus en plus large au sein du gouvernement même si les moyens pour y parvenir sont divers. Contrairement à d’autres qui, dans la perspective d’un effort accru, estiment que l’objectif d’équilibrer les dépenses et les recettes ne se justifie plus, le Premier ministre s’attache à une répartition équitable entre les deux. Ce qui conduit Ph. Moureaux, ministre des Affaires sociales, à se montrer plus réservé : il préconise la prudence et réclame des garanties pour la sécurité sociale car, dit-il, si le scénario accéléré devait se réaliser moyennant un équilibre entre recettes et dépenses, la subvention de l’État à la sécurité sociale serait sans doute réduite.

70Les interférences entre les deux priorités du gouvernement - assainissement budgétaire et réformes des institutions - sont nombreuses. Le risque d’un échec possible du dialogue de communauté à communauté inspire à certains la prudence en matière budgétaire, une crise politique et des élections anticipées n’étant pas exclues dans ce contexte difficile.

71Face à la dégradation de la conjoncture économique, le gouvernement opte finalement en Conseil des ministres pour le scénario normé, tout en précisant que lors des travaux budgétaires, “il examinerait les voies d’une accélération de l’opération d’assainissement en veillant particulièrement à une répartition équitable des efforts”.

72La déclaration de G. Coëme, si elle exprimait un objectif partagé par plusieurs (un assainissement rapide) n’en contenait pas moins des sources de tensions au sein du gouvernement (quant aux moyens). Pour La Libre Belgique “la proposition d’un impôt de crise était purement tonique et visait à démontrer que les socialistes étaient eux aussi partisans de la rigueur. Mais cette proposition ne pouvait qu’être rejetée car elle était, sur plusieurs points, en contradiction avec la déclaration gouvernementale : elle remettait en cause le taux de prélèvement fiscal global, elle ne respectait pas du tout l’équilibre dans l’assainissement (entre recettes et dépenses), elle prévoyait une éventuelle augmentation de la subvention à la sécurité sociale ; elle fixait un tabou («on ne touche pas à l’index»), elle supposait que l’on puisse toucher au précompte mobilier” [31].

73A différents moments du processus décisionnel, une série de mesures sont proposées ; leurs fonctions peuvent être de nature diverse. Si, dans certains cas, il s’agit de propositions opérationnelles, d’autres le sont moins directement. Tantôt, elles ont pour objectif de montrer la loyauté de tel ministre ou de tel parti aux orientations du gouvernement, tantôt il s’agit de “ballons d’essai”, de mesures avancées puis rejetées pour diverses raisons, que l’on voit éventuellement réapparaître plus tard et le cas échéant devenir l’objet de décisions.

74Quand la nécessité se présente de prendre une mesure générale de convergence, en juillet 1992, diverses pistes sont envisagées : un saut d’index (auquel s’opposent fermement les syndicats ainsi que le PS), une cotisation spéciale à la sécurité sociale, une non-indexation des barèmes fiscaux, une cotisation de convergence, des centimes additionnels, un relèvement du précompte mobilier (que l’on estime toutefois inadéquat de modifier sans concertation sur le plan européen).

75L’évaluation de l’ampleur de l’effort à réaliser en 1993 est fortement dépendante de facteurs (taux d’intérêt, croissance du PNB, nombre de chômeurs, etc.) sur lesquels le gouvernement ne peut agir et à propos desquels il se fie à des hypothèses qui sont fréquemment ajustées. L’évolution des paramètres implique l’adaptation des dispositions envisagées, étant donné que les objectifs évoluent et que l’impact des mesures fluctue.

76En juin 1992, on estime les mesures nécessaires à quelque 40 milliards de francs. Dans l’avis qu’il rend le 17 juillet, le Conseil supérieur des Finances opte pour un assainissement draconien en 1993, ce qui impliquerait un effort de 65 à 70 milliards, tandis que l’hypothèse d’un “assainissement doux” nécessiterait de 50 à 55 milliards. Les chiffres avancés par le Premier ministre à l’ouverture du “conclave” (le 22 juillet 1992) sont, quant à eux, de 107 milliards auxquels il faut ajouter 20 à 28 milliards pour le scénario accéléré.

77L’élaboration du budget de 1993 s’effectue de manière partiellement différente par rapport aux années précédentes. La méthode mise au point procède en trois étapes : des entretiens bilatéraux entre le ministre du Budget et ceux des différents départements ressort une première série d’économies ; ensuite trois groupes de travail (recettes, sécurité sociale et fonction publique) composés de ministres et d’experts sont constitués ; enfin, le Conseil des ministres examine les rapports des groupes de travail et les décisions sont prises.

78Le projet de budget 1993 est source de tensions internes pour certains partis gouvernementaux des qu’il est présenté le 3 août 1992. Tandis que le SP exprime publiquement sa satisfaction, pour les jeunes CVP, le budget ne répond pas davantage aux attentes que les maigres résultats du dialogue de communauté à communauté : c’est en ayant recours à des artifices que le gouvernement maintient la croissance zéro des dépenses, les efforts dans le secteur de la sécurité sociale sont insuffisants, les mesures prises du côté des recettes ne sont pas celles que l’on attendait. Et de conclure : “sans correction sérieuse de la trajectoire, les jeunes CVP et beaucoup de militants du parti ne voient pas comment ils pourront évaluer positivement le gouvernement le 3 octobre” [32] (date du congrès d’évaluation du parti). Les CVP Jongeren vont jusqu’à affirmer qu’ils préfèrent l’organisation de nouvelles élections au projet de budget tel qu’il existe. Les jeunes PSC critiquent également le budget, mais en défendant un point de vue différent : “Ce budget n’est pas ce qu’on en attendait. J’ai l’impression qu’on fait toujours porter l’effort aux mêmes. Il faudra réclamer qu’on puisse amender au Parlement et pas seulement sur des points techniques” déclare leur président qui affirme que “beaucoup l’ont encouragé”.

79Les groupes parlementaires du CVP se sont réunis le 4 août, mais il faut attendre Ta réunion du bureau (prévue d’abord pour le 31 août) pour avoir une position officielle du parti. Entre temps, diverses personnalités du CVP - parti qui réclamait un assainissement drastique de manière à présenter un budget “1993 +” voire même “1993 + +” - s’expriment. G. Geens annonce qu’il ne votera pas le budget ; M. Eyskens demande qu’on le rectifie. La presse annonce qu’une brochure critique sur les nouvelles réglementations fiscales est diffusée au sein du CVP. Tandis que M. Offeciers, ministre du Budget, mettant un terme à certaines rumeurs, confirme qu’elle assume le budget et reste ministre [33], L. Delcroix, ministre (CVP) de la Défense nationale, considère qu’il y avait lors des diseussions budgétaires un manque “de volonté politique du PS pour aller plus loin et plus vite” [34]. Et J.-L. Dehaene de reconnaître qu’il aurait préfère un autre budget [35], déclarant entre autres que la mesure générale qu’il préconisait “le saut d’index n’était, hélas, pas possible” [36]. Il réagit toutefois aux déclarations du ministre de la Défense et du ministre du Budget qui évoquent de nouvelles mesures éventuelles en affirmant qu’“une discussion sur de possibles mesures de correction n’est pas à l’ordre du jour maintenant” [37].

80Deux jours après sa présentation publique, le budget est déjà considéré comme trop optimiste par certains, qui chiffrent à une trentaine de milliards l’effort supplémentaire à réaliser. Fin du mois d’août, il apparaît de plus en plus clairement que des corrections devront être apportées sans pour autant remettre en question l’équilibre général (les grands arbitrages politiques). Bien qu’à l’instar des autres membres du gouvernement il estime qu’il faut exécuter le budget, le ministre de l’Intérieur et de la Fonction publique, L. Tolback, admet que si la situation internationale l’exige, “si les choses changent dans les semaines et les mois qui viennent, il faudra aviser”. J.-L. Dehaene estime, le 5 septembre (soit trois jours avant la réunion du bureau élargi de son parti) que le budget doit être revu en fonction de l’évolution de paramètres, notamment internationaux, comme la baisse du dollar et l’augmentation des taux d’intérêt. Il considère qu’il faut adapter le budget sans tarder afin d’être certain de réaliser les objectifs prévus et sans attendre le contrôle budgétaire de mars 1993.

81Tel est également le point de vue du ministre des Finances, Ph. Maystadt, qui évalue à BEF 20-25 milliards le montant des efforts nouveaux à accomplir afin de compenser la non réalisation des hypothèses macro-économiques (croissance, taux d’intérêt, chômage) depuis juillet.

82Le 8 septembre 1992, les groupes parlementaires du CVP se réunissent durant la journée et, le soir, le bureau élargi élabore la position officielle du parti. En ce qui concerne le budget, le CVP se rallie à la position du Premier ministre, devenue également celle du président H. Van Rompuy : le gouvernement doit corriger le budget de manière substantielle et sans charge nouvelle. De plus, le gouvernement doit réussir une nouvelle avancée dans la réforme de l’État.

83Par rapport aux premières réactions relatives au budget qui stigmatisent l’absence de mesures permettant d’accélérer l’assainissement des finances publiques (“1993 +”) et annoncent que le projet de budget ne peut être voté tel quel, la position du CVP apparaît comme un compromis satisfaisant à la fois pour les membres du parti et pour les autres partis de la coalition. Un ultimatum est toutefois posé au gouvernement : celui-ci est tenu d’amender le budget pour le 3 octobre, date du congrès statutaire.

84Certes, comme le réclamait une frange du CVP, le budget sera revu. Mais cette révision est inspirée par l’évolution de la situation économique ; elle n’est pas destinée à poursuivre une accélération de l’assainissement. Pour le parti social-chrétien flamand, il s’agit cependant que l’effort nouveau soit substantiel (atteindre les 25 milliards envisages), crédible (ne pas contenir de manipulations comptables et supporté uniquement par les dépenses (pas d’augmentation des impôts).

85Le PS et le SP ne s’opposent pas à une révision du budget. Lors du congrès de rentrée du PS, le 19 septembre, Ph. Busquin, estime que les critiques dont le budget a fait l’objet résultent de “raisons purement politiques, liées aux turbulences qui animent le CVP”. Un réexamen de la situation ne peut toutefois donner lieu à un saut d’index, ni à une atteinte substantielle à la sécurité sociale, ni à la levée de nouveaux impôts. Le SP, tout en se montrant ouvert à des adaptations budgétaires en raison de la dégradation de la conjoncture économique, attend du CVP qu’il présente des propositions concrètes. Les économies doivent cependant être “raisonnables sur le plan social”.

86Le gouvernement charge un groupe de travail d’examiner l’influence des modifications économiques sur les paramètres pris en considération pour le budget de 1993, ses répercussions sur le budget et l’ampleur de l’effort supplémentaire à consentir pour atteindre les objectifs fixés. Il n’est pas question pour le gouvernement de revoir ses décisions du conclave de juillet-août puisqu’il dépose trois projets de lois au Parlement avant même l’adoption des mesures complémentaires : une loi portant des dispositions sociales, une contenant des dispositions fiscales et une portant réforme de l’assurance maladie-invalidité.

87Afin d’apporter les corrections requises au budget, différentes pistes de “mesures générales” sont explorées ; parmi celles-ci sont citées le saut d’index, une cotisation spéciale à l’ONSS, une non-indexation de barèmes fiscaux, des centimes additionnels, une cotisation générale de convergence. Le Premier ministre rencontre les présidents des partis de la majorité le 14 septembre, soit avant que le groupe de travail ait remis son rapport, pour envisager avec eux les issues possibles en matière budgétaire comme en matière institutionnelle. Il en ressort un accord sur le rejet de tout impôt nouveau et de toute taxe nouvelle.

88Plusieurs, parmi lesquels G. Spitaels et H. Van Rompuy, envisagent la vente d’actifs de l’État pour réaliser un effort estimé de manière relativement unanime à BEF 25 milliards. Du côté socialiste, outre que l’on s’oppose à toute mesure touchant l’indexation des salaires et des allocations sociales, les craintes sont grandes de voir une éventuelle mesure générale complétée par des réductions des dépenses en sécurité sociale. Un désaccord apparaît entre les ministres Ph. Maystadt et Ph. Moureaux. Le premier estime que l’accroissement du chômage induit une baisse des cotisations de 6 milliards tandis que le second observe une augmentation de 8 % des rentrées pour les sept premiers mois de l’année, soit une divergence de BEF 8 milliards. Au PS, on estime en outre que la réforme de l’assurance maladie-invalidité devrait suffire à équilibrer le budget de la sécurité sociale.

89Les plus pessimistes évaluent finalement à une trentaine de milliards la révision à opérer (le ministre des Finances retenant pour sa part 25 milliards), tandis que d’autres, notamment les socialistes francophones, chiffrent les adaptations nécessaires à 15 milliards.

90Alors que la fixation de l’effort complémentaire doit avoir lieu en Conseil des ministres le jour même, une interview du ministre du Budget avance des chiffres sensiblement plus élevés : “Je connais deux chiffres : 25 milliards de francs (ministre des Finances) et 83 (VEV). Pour moi l’objectif est entre les deux”. Et à la question de savoir si un effort de 40 milliards, cite par Ph. Defeyt [38] pour chiffrer l’ampleur de la correction nécessaire pour atteindre les objectifs fixes (qui ne sont pas ceux du député Ecolo qui voudrait échelonner davantage l’assainissement) ou 50 milliards qui se situe entre 25 et 83 milliards, peut être infligé à la population, elle répond : “Oui. Tout ce qu’on ne fera pas aujourd’hui, il faudra le faire demain” [39]. La veille, à la Chambre de commerce et d’industrie de Bruxelles, M. Offeciers déclare regretter “de ne pas avoir été assez loin, de ne pas avoir pris, dans la sécurité sociale, des mesures conformes à celles que l’urgence imposait afin de permettre la réalisation du scénario 93 +” [40]. Ces déclarations ravivent un malaise au sein du gouvernement et de nouvelles rumeurs de remaniement ministériel circulent. La presse [41] évoque une série de remplacements. Pas plus que les scénarios qui prévoient que le Premier ministre remette sa démission au Roi, ces remaniements n’auront lieu.

91Le gouvernement décide, finalement, de procéder à des corrections pour un montant de 21,8 milliards : 16,6 milliards devant compenser le manque de recettes fiscales dû au ralentissement de la croissance et 5,2 milliards étant liés à l’accroissement du nombre des chômeurs (+ 25.000). Rejoignant le point de vue du ministre des Affaires sociales, le gouvernement n’a pas tenu compte de l’effet de la baisse de la croissance sur les recettes de cotisations sociales.

92La mise en œuvre des décisions gouvernementales provoque des tensions importantes au sein du gouvernement en ce qui concerne un dossier, celui de la réforme de l’assurance maladie-invalidité. Si, en septembre, le CVP exprime son désaccord à l’égard de l’attitude du ministre des Affaires sociales à propos du déficit des mutuelles, c’est fin octobre que ces tensions atteignent leur degré de dramatisation le plus élevé. A la suite du Conseil des ministres du 30 octobre, au cours duquel est examiné l’avant projet de loi visant à réformer la loi de 1963 sur l’assurance maladie-invalidité, Ph. Moureaux remet sa démission au Premier ministre. Dans sa lettre à J.-L. Dehaene, il justifie sa décision :

93Les conclusions de la réunion du Conseil des ministres de ce matin constituent pour moi une très grande déception. J’ai fort bien compris - ce qui n’était pas encore clair - que plusieurs membres du gouvernement sont dans l’incapacité de discuter du projet de réforme de la loi de 1963 sur les soins de santé en dehors de contraintes majeures émanant de quelques grands groupes de pression.

94J’ai eu la vanité de croire en entrant dans ce gouvernement que nous allions tenter de secouer les habitudes conservatrices de ce pays. Je suis convaincu de votre engagement personnel en cette matière mais je constate qu’il reste lettre morte dans mon secteur. Mieux, on se refuse à toute réforme structurelle qui heurte certaines puissances en place mais on me presse d’être «courageux» à l’égard des assurés sociaux. Mieux encore, aucun collègue social-chrétien ne juge utile de me soutenir face aux attaques incroyables dont je suis l’objet de la part de la mutualité chrétienne.

95Dans ces conditions, il me resterait à gérer au jour le jour un département qui a besoin de souffle et d’autorité. Je me refuse à m’engager dans cette voie. Je vous prie de bien vouloir présenter au chef de l’État ma démission en tant que ministre des Affaires sociales.

96Post scriptum : Pour éviter toute équivoque liée au calendrier, je vous confirme mon plein appui aux accords institutionnels de la Saint-Michel. Ils sont favorables au pays et à ma région”.

97Le conflit qui oppose le ministre aux prestataires de soins (Chambres syndicales des médecins) et aux organismes assureurs (mutualités chrétiennes principalement) a pour enjeux principaux la responsabilisation des uns et des autres, la place des mutuelles dans la gestion de l’assurance et le passif cumulé des comptes de certaines mutualités. Un accord est toutefois rapidement intervenu et dès le 1er novembre, Ph. Moureaux réintègre l’équipe gouvernementale.

98Le projet de budget des voies et moyens pour l’année budgétaire 1993 est adopte à la Chambre le 10 novembre 1992 par 97 voix contre 59 et 4 abstentions et au Sénat le 4 décembre 1992 par 88 voix contre 45. Le vote du budget général des dépenses donne lieu a un incident à la Chambre : ayant constaté que les députés des partis de la majorité étaient trop peu nombreux, les membres de l’opposition ont quitté la salle de sorte que le quorum de 107 présents n’était plus atteint et il a fallu attendre l’arrivée de quelques députés pour pouvoir procéder au vote.

Les principaux partis de l’opposition parlementaire

99Les partis libéraux inscrivent l’essentiel de leur analyse de l’action gouvernementale autour de deux axes complémentaires. D’une part, l’ampleur de l’assainissement - jugée globalement insuffisante - et d’autre part les moyens de la politique budgétaire - qu’ils considèrent exagérément axée sur les recettes. Les commentaires du PRL à l’issue du conclave budgétaire stigmatisent “la rage taxa-taire du gouvernement (qui) s’est transformée en véritable délire taxatoire. En 150 jours, les frères Rapetout ont levé plus de 170 milliards de cotisations et d’impôts nouveaux, soit plus d’un milliard par jour”. Observant que l’objectif 1993 + n’est pas atteint, le PRL estime que la principale raison ne réside pas dans la mauvaise conjoncture économique étant donné que la même coalition “n’a pas profité de la forte croissance en 1988, 1989 et 1990 pour assainir”. La non-indexation des barèmes fiscaux coûtera 58,4 milliards ; les autres mesures fiscales et la hausse des cotisations sociales touchent à nouveau de plein fouet les entreprises, les indépendants et les cadres et découragent l’emploi à un moment où le chômage est en hausse, observe le président J. Gol. Les mesures fiscales “ne serviront même pas ou trop peu aux politiques nouvelles promises, ni au refinancement de l’enseignement”. Pour les libéraux francophones, les prélèvements fiscaux auraient pu être évités “en ayant recours à un vrai plan de privatisation de 160 milliards en quatre ans (50 milliards c’est trop peu), en imposant un système de non-remplacements à la Fonction publique, en générant d’ici 96, 20 milliards d’économie à la Défense nationale et en gardant la subvention de 192 milliards à la sécurité sociale avec une réforme fondamentale du système” [42]. Au congrès doctrinal de son parti, J. Gol propose un “contrat de confiance pour le citoyen” en cent points et dix axes principaux [43], parmi lesquels figure l’opposition “à la rage taxatoire que ni le PSC ni le PS ne sont en mesure de dénoncer” et “au système de privilèges et de pouvoirs exorbitants dont jouissent actuellement les bastions. Autrement dit, la politique doit être faite par le citoyen et non plus par les groupes de pression” [44].

100Le PVV, pour sa part, considère que “le gouvernement commet un deuxième hold up brutal sur le contribuable en lui imposant quelque 50 milliards de charges nouvelles dans le budget de 1993”. Le parti libéral flamand estime que les mesures d’assainissement sont insuffisantes, qu’il y a de nombreux trucs et ficelles, que le contrat avec le citoyen est rompu par la non-indexation des barèmes fiscaux, que le gouvernement est incapable d’atteindre la norme de Maastricht. Pour le président du PVV, G. Verhofstadt, “il ne suffit pas d’apporter quelques mesures pour corriger le budget de 1993, il faut le revoir de manière fondamentale”. La solution se trouve dans un arrêt des ponctions fiscales et parafiscales, dans la privatisation des entreprises publiques, dans une réforme sérieuse de la sécurité sociale, dans la révision des systèmes d’attribution des diverses allocations, dans la responsabilisation des mutuelles et l’arrêt de tout recrutement dans la fonction publique. Par contre, il s’oppose au saut d’index, considérant qu’en l’appliquant durant la décennie précédente pour injecter de nouvelles recettes dans la sécurité sociale, on n’a fait que reporter le débat relatif à son financement.

101La Volksunie parle d’un “budget de l’impuissance” qui ne procède pas à “l’assainissement sévère des finances publiques (qui) s’imposait de toute urgence”. La VU critique l’attitude du PS qui ne veut pas s’inscrire dans le modèle fédéral belge, continue à appliquer la politique du chantage au niveau fédéral et à tout mettre sur le dos de la Flandre, d’où la revendication de l’autonomie la plus large possible. “Il fallait stopper énergiquement l’effet boule de neige et éviter de nouveaux efforts douloureux en 1994 et 1995”. Pour l’ancien ministre du Budget, H. Schiltz, “le moment était venu d’accomplir un pas plus important, mais, tout comme au dialogue, Dehaene s’est heurté à l’incapacité de certains partis traditionnels d’enterrer les tabous du passé”.

102Les partis écologistes jaugent, pour leur part, le budget à l’aune du caractère social et de la dimension écologique de la politique gouvernementale. Pour Agalev, “le budget 93 n’est qu’une estimation qu’on ferait mieux d’oublier”. Les mesures gouvernementales “sont anti-sociales et dépourvues de toute vision écologique”. Pour les écologistes flamands, il importe de s’attaquer d’urgence au problème de la dette, “mais au lieu de cela, nos excellences ont mis en place un ensemble de mesures qui portent directement atteinte aux plus démunis : le poids des efforts n’est pas équitablement répartis”. Ils dénoncent plus particulièrement les mesures concernant le secteur du chômage.

103Ecolo considère que le budget “frappe tout le monde et les plus faibles pour faire semblant que l’on est juste et équilibré (et) il épargne les acteurs économiques riches pour faire semblant que l’on est moderne et réaliste”. Ecolo, estimant que “le gouvernement s’enlise sur les mauvais chemins balisés a Maastricht” plaide pour une révision du Traité sur l’union politique et économique. Et quand le gouvernement adopte des corrections au projet de budget initial, Ecolo les qualifie de “plic-ploc” et annonce qu’il combattra sèchement le budget d’un gouvernement “qui préfère l’embrouillamini au traitement des vrais problèmes”. Pour les écologistes francophones, les critiques à l’encontre du budget ne remettent toutefois pas en cause leur participation aux discussions institutionnelles.

Les interlocuteurs sociaux et les concertations tripartites

104Représentants des syndicats et du patronat interviennent très régulièrement sur les aspects budgétaires des politiques gouvernementales. Tentant de les infléchir dans un sens qui correspond à l’intérêt de leurs membres, ils sont particulièrement sensibles les premiers aux évolutions de la sécurité sociale et à une répartition équitable des efforts et le second aux charges supportées par les entreprises et à la réduction des dépenses publiques. En outre, en 1992, les discussions budgétaires de l’été et les adaptations de l’automne coïncident avec les négociations entre interlocuteurs sociaux relatives à un accord interprofessionnel pour les années 1993-1994 [45] et à différents moments, les deux négociations interfèrent. Ainsi, les difficultés rencontrées à conclure un accord central résultent pour une part importante de décisions gouvernementales. Deux fois par an en application de la loi du 6 janvier 1989, les interlocuteurs sociaux interviennent dans l’évaluation de la position compétitive du pays. Dans ce cadre, ils sont tenus de remettre des avis et des rapports au gouvernement et le cas échéant de suggérer -s’ils aboutissent à un accord - des mesures correctrices. Mais, d’une manière plus directe, les représentants des employeurs et des travailleurs veulent infléchir les politiques budgétaires gouvernementales et à cette fin réclament la tenue de concertations tripartites. S’ils ont un intérêt commun à ce qu’elles aient lieu, les points de vue qu’ils y défendent sont “naturellement” opposés à propos de deux sujets qui sont au cœur de leurs préoccupations : la fiscalité et plus généralement les charges des entreprises d’une part, la sécurité sociale d’autre part.

105Le 20 juillet 1992, le gouvernement rencontre les interlocuteurs sociaux à leur demande à propos des mesures relatives au plan de convergence et au budget de 1993. Pour le gouvernement il ne s’agit pas de négocier, mais de procéder à un exposé des positions respectives. La CSC et la FGTB réclament à cette occasion un étalement plus long de l’assainissement et se montrent opposées au saut d’index : “Il faut prendre l’argent là où il se trouve”, c’est-à-dire en luttant de manière plus efficace contre la fraude fiscale, en introduisant un impôt minimum pour les grandes entreprises et en imposant les grosses fortunes. La FEB est d’avis que l’assainissement des finances publiques s’impose d’urgence, mais il ne peut se réaliser par un accroissement de la pression fiscale et parafiscale et l’équilibre entre les recettes et les dépenses doit être préservé. Quant à la sécurité sociale, le rétablissement de son équilibre requiert des réformes plus fondamentales que par le passé et notamment des interventions structurelles en soins de santé et en chômage.

106Déjà en février 1992, la FEB annonce que la conclusion en automne d’un accord interprofessionnel lui paraît douteuse. En cause, d’une part, le contexte économique difficile et l’assainissement des finances publiques qui risquent de réduire les marges disponibles et, d’autre part, le contexte social marqué par le chômage et, dit-on a la FEB, par un durcissement de l’action des syndicats. Lorsqu’en juillet les organisations syndicales déposent leurs cahiers de revendications, la FEB demeure fort réservée : les mesures prises dans le cadre du budget de 1992 et concrétisées par les deux “lois-programmes” de juin-juillet vont être suivies d’autres à décider lors du conclave destiné à établir le budget de 1993. L’incertitude quant aux charges nouvelles que le gouvernement pourrait imposer constitue pour les responsables de la FEB une première raison de ne pas s’engager avant le mois de septembre.

107L’organisation patronale partisane d’un budget “1993+”et pour qui “le saut d’index offre certains avantages”, se montre déçue par le budget de 1993 : “L’effort d’assainissement est insuffisant et l’objectif fixé ne pourra sans doute pas être atteint au moyen des mesures envisagées. De plus, les économies sont pratiquement nulles alors que la fiscalité augmente sensiblement, particulièrement au détriment des travailleurs qualifiés et des cadres. Les PME sont elles aussi fortement frappées” [46].

108C’est la mesure relative à l’opération Maribel - qui atteint davantage les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre majoritaires au sein de la FEB - qui fait l’objet des principales critiques. Les fédérations patronales les plus touchées par cette mesure - en tête desquelles Fabrimétal - opposées dès le départ à la négociation d’un accord interprofessionnel, restent sur leur position tout au long de la période de discussion et elles se prononcent contre sa signature lorsque le projet d’accord leur est soumis. Leur point de vue sur l’opération Maribel était d’ailleurs partagé par certaines centrales syndicales (comme les centrales des métallurgistes de la CSC et de la FGTB).

109Lors de sa réunion du 3 septembre 1992, le conseil d’administration de la FEB - qui se base sur des prévisions économiques et sur les mesures budgétaires gouvernementales pour reporter encore sa décision relative aux discussions avec les organisations syndicales - considère que “si ce gouvernement souhaite vraiment un accord interprofessionnel, comme il l’a prétendu lors de la réunion tripartite du 30 mars, il devra rétablir les conditions permettant une négociation”.

110Début septembre, le Premier ministre confirme que “le budget ne prévoit aucune marge pouvant être affectée à la compétitivité” et il renvoie les interlocuteurs sociaux à leurs responsabilités dans la conclusion de nouvelles conventions collectives de travail pour lesquelles il estime qu’une marge de négociation demeure.

111Les négociations interprofessionnelles ont connu bien des difficultés avant de démarrer, fort tardivement, en novembre 1992. Notamment parce que les positions patronales de départ étaient faites de réticences (en raison de la situation économique générale et des mesures budgétaires) et d’attentisme (par rapport aux mesures complémentaires que le gouvernement devait adopter). Les organisations syndicales, fortement attachées à l’aboutissement d’un accord interprofessionnel de solidarité (envers les inactifs et les travailleurs qui n’ont pas de lieu ou de rapport de forces pour négocier) et de progrès social (pour tous) ont tenté d’infléchir la position patronale de plusieurs manières, notamment par le biais de diverses formes de mobilisation des travailleurs. Celles-ci visaient simultanément la politique du gouvernement.

112En juin 1992, après que certaines composantes de la CSC aient lancé un appel à la grève générale, risquant de compromettre le front commun avec la FGTB, les directions des deux syndicats se mettent d’accord pour, dans un premier temps du moins, organiser une assemblée commune de 3.000 militants. Celle-ci se tient le 15 juin 1992 au Heysel. Les deux organisations mettent en avant leurs priorités en matière de budget (opposition à un assainissement accéléré dans le cadre du budget de 1993) et formulent leur souhait d’aboutir à un accord interprofessionnel “visant à augmenter et à améliorer l’emploi, renforcer la sécurité sociale, rapprocher le statut des ouvriers de celui des employés, accroître le pouvoir d’achat et renforcer la reconnaissance syndicale dans les PME”.

113A la mi-septembre, des actions en front commun sont lancées dans les secteurs de la sidérurgie et des fabrications métalliques de la région de Charleroi (arrêts de travail d’une heure généralement transformés en grèves de 24 heures) tandis que des centrales syndicales et des fédérations régionales réclament de leurs organisations (CSC et FGTB), d’organiser des actions au niveau interprofessionnel, tant à destination du gouvernement que des employeurs. Ces diverses manifestations ont sans doute servi “d’aiguillon” à l’égard des directions syndicales et les ont encouragées à organiser une action interprofessionnelle.

114Comme le refus patronal d’entamer des négociations interprofessionnelles persiste, les deux organisations syndicales programment pour le 16 octobre une “journée d’action pour la solidarité”, également destinée à faire pression sur le gouvernement afin qu’il répartisse de manière plus équitable l’effort d’assainissement. Les organisations syndicales appellent à des arrêts de travail d’une heure. La CGSLB s’associe à cette journée d’action. La veille, une centaine de membres du syndicat libéral avaient manifesté devant le siège de la FEB.

115Il n’est pas fréquent que les syndicats mobilisent leurs effectifs pour défendre un accord interprofessionnel. La journée d’action du mois d’octobre a sans doute indiqué leur détermination et peut avoir pesé sur la décision patronale d’engager des discussions. D’autres facteurs sont toutefois intervenus dans le même sens, au rang desquels figure l’évolution de la politique gouvernementale. Mais il n’est pas possible d’évaluer ce qui a été le plus déterminant.

116Auparavant, le 28 septembre 1992, les interlocuteurs sociaux aboutissent à une évaluation commune de la compétitivité du pays. Cet accord n’est toutefois pas aisé à atteindre notamment parce que des aspects méthodologiques rendent l’évaluation peu sûre : deux séries de données économiques contradictoires sont mises en présence et les fluctuations monétaires interviennent fortement sur l’évaluation (l’évolution de la valeur du franc belge par rapport aux autres monnaies conduit à des conclusions différentes, notamment en ce qui concerne les coûts salariaux).

117Si les interlocuteurs sociaux sont d’accord sur la manière d’évaluer la compétitivité et si le rapport intermédiaire est approuvé à l’unanimité, les interprétations auxquelles il donne lieu sont toutefois divergentes. La FEB par exemple estime que la position concurrentielle de la Belgique est en danger, déjà en 1992 et surtout en 1993, d’autant que les décisions budgétaires du gouvernement ne sont pas prises en compte pour les prévisions. Par contre, pour les syndicats, la compétitivité n’est pas menacée. En regard de la négociation interprofessionnelle, on peut considérer que l’unanimité des interlocuteurs sociaux exprimée dans le rapport intermédiaire sur la compétitivité est un élément non négligeable, de manière à faciliter, si pas à permettre, l’engagement des discussions. Mais l’interprétation que fait la FEB des données du rapport et de l’absence de prise en compte des dispositions gouvernementales qui risquent de peser sur les coûts salariaux en 1993, maintient l’organisation patronale dans une position très prudente à l’égard d’un accord interprofessionnel.

118Pour sa part, le gouvernement Dehaene émet, pratiquement dès sa constitution en mars 1992, le souhait de voir se conclure un accord interprofessionnel. Il réitère sa demande à diverses reprises et, lorsqu’il rencontre les interlocuteurs sociaux le 14 octobre et les enjoint à renouer le dialogue, il insiste à nouveau pour qu’ils entament des négociations interprofessionnelles et qu’ils concluent un accord qui tienne compte de la compétitivité et privilégie l’emploi. Le gouvernement, bien qu’il ne revienne pas sur sa décision relative à l’opération Maribel, en adapte les modalités d’application d’une manière plus favorable aux petites et moyennes entreprises ; il annonce qu’il n’y a aucune charge nouvelle à craindre pour les entreprises ; et il affirme qu’il existe une marge disponible pour réaliser un accord interprofessionnel. Pour le Premier ministre : “Tout le monde a intérêt à ce qu’un accord interprofessionnel se fasse, mais en maintenant la compétitivité des entreprises. (…) Je suis conscient que le gouvernement a pris avec le budget, et particulièrement avec la réduction de moitié de l’opération Maribel, une part de la marge disponible des entreprises, et les syndicats doivent en tenir compte. (…) Les employeurs exagèrent quand ils disent qu’il n’y a plus aucune marge disponible” [47].

119Évaluant fin octobre les mesures budgétaires complémentaires prises par le gouvernement, le conseil d’administration de la FEB craint que ces mesures ne ramènent pas le déficit budgétaire à 5,2 % du PNB en 1993 et déplore qu’aucune mesure structurelle d’assainissement n’ait été prise dans le secteur de la sécurité sociale. Simultanément, il estime que le gouvernement n’a pas accru les charges des entreprises. Lors de cette réunion, la majorité des membres de la FEB décide finalement de donner son accord pour que des négociations interprofessionnelles commencent.

120Au terme de discussions ardues, un accord interprofessionnel est conclu entre les sept organisations qui l’ont négocié. Après un chapitre contenant des recommandations relatives aux négociations salariales dans les secteurs et dans les entreprises visant à ce qu’elles débouchent sur une attitude de responsabilité partagée en matière de sauvegarde de la compétitivité, l’accord interprofessionnel énonce une série de dispositions en matière d’emploi, de chômage, d’organisation du travail, de revenus, de pécule de vacances ; puis il se clôture sur deux demandes au gouvernement. La première est qu’il marque son accord sur les propositions dont la mise en œuvre dépend de lui qui sont précisées dans un protocole joint ; la seconde, qu’il s’engage à ne prendre aucune mesure au cours de la durée de l’accord qui pourrait aggraver le coût du travail ou affecter l’organisation du travail dans les matières abordées. Les interlocuteurs sociaux attendent du gouvernement qu’il se prononce sur ces deux points avant de signer définitivement l’accord. Lors d’une rencontre tripartite le 24 novembre au cours de laquelle des précisions sont apportées, le gouvernement s’engage à “apporter sa collaboration positive à l’exécution de l’accord”.

121La position du gouvernement vis-à-vis du projet d’accord interprofessionnel part du constat que l’accent mis sur l’emploi et la formation rencontre ses priorités et il lance un appel aux interlocuteurs sociaux pour qu’ils contribuent positivement à la réussite de la conférence tripartite de l’emploi qui se tiendra début 1993 et à laquelle les instances régionales seront conviées. Il s’engage par ailleurs à ce qu’une concertation tripartite ait lieu avant le contrôle budgétaire prochain sur la sécurité sociale (l’assurance maladie-invalidité, en particulier) et sur la fiscalité.

122Jugeant favorablement la recommandation relative à la compétitivité contenue dans le préliminaire de l’accord (“susceptible de contribuer au développement socio-économique harmonieux de notre pays”), le gouvernement souligne que les commissions paritaires et les entreprises où les négociations vont débuter doivent tenir compte de la compétitivité car, estime-t-il, “la marge est limitée”. Le lendemain (25 novembre) le gouvernement confirme ses engagements dans une note de quatre pages intitulée “Projet d’accord interprofessionnel. Réponse du gouvernement aux interlocuteurs sociaux”.

123Entre le 25 novembre et le 8 décembre 1992, les interlocuteurs sociaux présentent le projet d’accord à leurs instances respectives. Toutes les organisations l’acceptent malgré des oppositions tant à la FEB (les secteurs opposés dès le début à la tenue des négociations interprofessionnelles maintiennent leur opposition) qu’à la CSC et à la FGTB (certaines centrales et régionales votent contre le projet, principalement en raison des “concessions” syndicales en matière d’heures supplémentaires et de congé-éducation). Le 9 décembre l’accord est entériné.

Le contrôle budgétaire

124Au mois de janvier 1993, les premières estimations sur la réalisation des objectifs budgétaires de 1992 font apparaître un dépassement du déficit de l’État de 27,7 milliards par rapport aux prévisions. Ses principales causes résident dans la régression économique et la conjoncture défavorable d’une part, dans la hausse des taux d’intérêt d’autre part. En ce qui concerne la sécurité sociale, le déficit semble moins grave que prévu : 4,764 milliards. Mais il faut tenir compte de l’emprunt de 22 milliards que l’assurance maladie-invalidité a contracté.

125A partir de ce moment, les avis les plus divers s’expriment et on assiste à une succession d’évaluations de l’ampleur de l’effort à réaliser en 1993 et de propositions de mesures pour le rencontrer. Alors que le Premier ministre envisage de revoir l’objectif d’assainissement pour 1993 et de le fixer à 5,5 % (au lieu de 5,2 % dans le programme de convergence, soit BEF 21 milliards d’efforts en moins), le chef de groupe de son parti à la Chambre, J. Van Hecke, exige un assainissement immédiat (maintenir l’objectif de 5,2 %) et en chiffre le coût entre 85 et 90 milliards et les jeunes CVP se prononcent également pour la poursuite de l’objectif initial sans délai ni report. Pour le ministre des Finances, Ph. Maystadt, l’instabilité des données conjoncturelles rend difficile une estimation correcte.

126Pour ce qui est des mesures à prendre, de premiers “ballons d’essai” sont lancés dès les premiers jours de l’année). M. Eyskens déclare qu’il faut épargner dans la sécurité sociale ; l’aile droite du CVP, qui se réfère aux estimations les moins favorables, insiste à nouveau sur le saut d’index et les privatisations ; Miet Smet, ministre de l’Emploi et du Travail, se prononce elle aussi en faveur d’un saut d’index dans une interview à Talent (supplément commun à L’Écho, La Libre Belgique et De Financieel en Economische Tijd).

127Le gouvernement décide de reporter d’un mois le contrôle budgétaire habituellement réalisé durant le mois de février de manière à attendre le vote - au moins partiel - des accords institutionnels.

128Le rapport annuel de la Banque nationale de Belgique est présenté le 11 février. Il contient un appel insistant : si la Belgique veut arrêter le gonflement de la dette, si elle veut assurer sa participation à l’union monétaire européenne, si elle veut retrouver des moyens pour le “social” et l’infrastructure, il faut qu’elle intensifie nettement les efforts d’assainissement des finances publiques et qu’elle respecte scrupuleusement les critères européens de convergence.

129Pour la Banque nationale de Belgique - dont le Conseil de Régence qui réunit les principales composantes du monde économique et social (syndicats, patronat, etc.) a approuvé à l’unanimité le rapport -, le pays est confrontée à trois problèmes. La croissance demeurant lente à l’étranger, le pays ne pourra bénéficier d’impulsions en provenant. Par ailleurs, la Belgique devra préserver sa position sur des marchés mondiaux en faible expansion, d’où la nécessité de préserver la compétitivité des produits belges (en 1992, la Belgique a perdu plus de parts de marché que ses principaux partenaires commerciaux) et d’appliquer une modération qui n’a pas toujours été respectée ces dernières années. Enfin, l’économie nationale reste soumise aux impératifs de l’assainissement en profondeur des finances publiques. Pour le réaliser, le rapport de la Banque nationale préconise un effort équilibré entre recettes (mesures permettant d’accroître les recettes fiscales et vente d’actifs) et dépenses (maîtrise des dépenses de la sécurité sociale).

130A l’issue du Conseil des ministres du 12 février, au cours duquel les ministres entament les premiers travaux du contrôle budgétaire, J.-L. Dehaene déclare : “J’ai reçu cette semaine beaucoup de conseils et je peux déjà vous dire qu’il y en a dont je tiendrai moins compte que ceux de la BNB”.

131Fin février, alors que les rencontres bilatérales entre le ministre du Budget et les différents ministres ont permis de dégager 6 milliards, les ministres du Budget et des Finances remettent à leurs collègues une note. Celle-ci, tout en maintenant l’objectif final de réduire le déficit des finances publiques à 3 % du PNB fin 1996, propose un réaménagement du calendrier. L’objectif intermédiaire pour 1993 ne serait plus 5,2 % comme envisagé initialement, ni 5,5 % comme suggéré par certains, mais de 5,8 %. Un effort accru serait réalisé en 1994 pour atteindre l’objectif de 4,7 %. Les mesures à adopter doivent être structurelles et avoir un rendement de 37 milliards sur une demi année - cette estimation correspond à peu de chose près à celle du Conseil supérieur des Finances (40 milliards) - auxquels il faut ajouter des efforts en sécurité sociale évalués à 30 milliards. En 1994, ces mesures structurelles devraient rapporter quelque 110 milliards. Le gouverneur de la Banque nationale, F. Verplaetse, déclare le 2 mars : “C’est satisfaisant. Le Conseil supérieur des Finances plaçait la barre à 120 milliards. Moyennant quoi, si on en revient à une croissance proche du potentiel belge de 2,5 %, une trentaine de milliards de mesures suffiraient en 1995 et 1996 pour atteindre l’objectif européen de 3 % de déficit” et ajoute qu’“il faut absolument préserver la compétitivité”.

132Et tandis qu’une aile du CVP, proche de la présidence du parti selon certains, défend la thèse selon laquelle l’essentiel de l’effort serait repoussé en juillet (lors de la préparation du budget de 1994), le ministre des Finances, réfutant cette thèse, considère qu’il faut s’engager, avec le contrôle budgétaire, dans un assainissement valable pour deux ans.

133Lors du Conseil des ministres qui se tient le 27 février, il est décidé qu’afin de préparer les travaux du gouvernement, une dizaine de groupes de travail sont constitués, les décisions finales ne devant pas être adoptées avant le 21 mars.

134Diverses formules sont proposées pour rencontrer le nouvel objectif budgétaire, dont certaines reprennent des mesures déjà proposées lors de l’élaboration du budget. Outre celles citées - le saut d’index et les privatisations - une série de propositions émanent des partis et de groupes de pression : la fiscalisation des allocations familiales, des mesures touchant l’épargne et les revenus mobiliers (bons de caisse, carnets de dépôts, dépôts à vue, dépôts à terme, obligations belges, sicavs, assurance-vie, etc.) proposées par la FGTB wallonne qui veut “réveiller le capital dormant”, une réduction de 10 % des dépenses de chaque ministère suggérée par le VEV, un impôt de crise, la taxation des intercommunales, une limitation des pensions les plus élevées, la suppression de la péréquation des pensions dans le secteur public, l’impôt alternatif des sociétés, l’instauration d’une franchise en matière de soins de santé, etc.

135Plusieurs d’entre elles sont critiquées ou refusées par des partis ou des sections de partis ainsi que par certains groupes (interlocuteurs sociaux notamment) dont les positions sont éventuellement relayées au sein du gouvernement. Les partis de la majorité s’opposent les uns aux autres à propos de certains moyens envisagés pour assainir. Cette opposition se structure notamment en fonction d’un clivage entre familles politiques. C’est le cas en ce qui concerne le saut d’index auquel s’opposent les partis socialistes et les organisations syndicales notamment par ce qu’il touche uniquement les revenus du travail et que son effet serait limité en 1993 (en raison de la faible croissance, un saut d’index n’interviendrait qu’en automne et ne produirait ses effets que durant deux ou trois mois). Les partis sociaux-chrétiens, amplifiant les réactions de leur section féminine (Femmes PSC et Femmes CVP) ainsi que celles de la Ligue des familles et de son homologue flamand, s’opposent à la fiscalisation des allocations familiales pour des raisons d’équité (seules sont touchées les familles avec enfants) et d’éthique familiale. La franchise en assurance maladie, modulée en fonction des revenus, à laquelle le ministre des Affaires sociales est favorable, est rejetée par les milieux syndicaux et mutualistes. La taxation des revenus financiers semble pour sa part difficile à réaliser en dehors du cadre européen. La FEB rejette l’introduction d’un impôt minimum des sociétés, comme le NCMV (classes moyennes flamandes) qui demande une pause fiscale pour les petites et moyennes entreprises.

136Les interlocuteurs sociaux réclament d’être associés aux travaux budgétaires du gouvernement, mais ils s’opposent entre eux sur de nombreux points. Et tout d’abord sur les objectifs. Pour la FEB, il faut assainir les finances publiques au plus vite : même indépendamment des objectifs européens, il faut absolument réduire le poids de la dette. Pour les syndicats, par contre, il convient de revoir le programme d’assainissement et de le rééchelonner : il faut rediscuter les normes du Traité de Maastricht : “Un certain nombre de pays pourraient ensemble demander une norme moins contraignante”, estime F. Janssens, président de la FGTB, qui exclut que la Belgique puisse effectuer seule une telle démarche.

137Les syndicats demandent une concertation tripartite “pour aboutir à prendre ensemble des engagements communs sur le long terme, dans trois domaines sensibles” : la promotion de l’emploi, le maintien de la sécurité sociale et la réalisation d’une fiscalité équitable. Autant d’objectifs que “les responsables politiques, tant dans l’opposition que dans la majorité, confondent trop souvent avec les moyens à mettre en œuvre pour les réaliser, c’est-à-dire l’assainissement des finances publiques.” Le président de la CSC déclare vouloir participer à la prise de décisions : “Nous voulons de véritables négociations”.

138Tant la FGTB que la CSC consultent leurs instances respectives (Comité national et Conseil national) afin qu’elles donnent un mandat impératif à leurs représentants ; puis leurs dirigeants se réunissent le jour même (9 février) afin d’élaborer une position commune, dont l’axe central est l’emploi.

139A la veille de la concertation tripartite avec le gouvernement et les employeurs, la “base” syndicale s’oppose nettement à un saut d’index, à une taxation unilatérale des carnets d’épargne ordinaires, à une sélectivité en sécurité sociale (franchise médicale, fiscalisation des allocations familiales), à toute fédéralisation de la sécurité sociale, à la vente d’actifs qui menace la gestion publique et le statut de l’emploi des agents, à la filialisation masquant la privatisation. Les organisations prônent de taxer davantage les revenus mobiliers (impraticable sans dispositions européennes) d’instaurer un impôt minimum alternatif des sociétés (qui ne recueille pas une majorité politique). Elles insistent surtout sur l’emploi. Une réduction sélective des cotisations patronales à la sécurité sociale pourrait, à leurs yeux le relancer.

140Au cours du congrès administratif de Libramont qui reconduit son mandat, le président du PS Ph. Busquin, lance, le 13 février, l’idée d’un “pacte social et fiscal” : un engagement à respecter la compétitivité et la modération salariale serait demandé aux travailleurs, en échange d’un rendement meilleur de l’impôt des sociétés.

141La FEB considère par contre qu’il faut “assainir, mais sans accroître les charges des entreprises”. La concertation tripartite, pour la fédération patronale, doit traiter des finances publiques. Elle ne s’y rend pas pour aborder la question de l’emploi ni l’idée d’un pacte social : “il ne faut pas espérer le deuxième accord interprofessionnel”, déclare l’administrateur-délégué de la FEB, T. Vandeputte, pour qui “l’emploi se discute dans les négociations sectorielles et nulle part ailleurs” [48].

142A l’issue de la réunion tripartite du 16 février, trois groupes de travail, chacun présidé par le ministre concerné, sont constitués autour de trois thèmes : la fiscalité (Ph. Maystadt, ministre des Finances), l’emploi (M. Smet, ministre de l’Emploi et du Travail) et la sécurité sociale (Ph. Moureaux, ministre des Affaires sociales). Un consensus est atteint à propos de la priorité à accorder à l’emploi. Pour J.-L. Dehaene, “cette problématique doit se retrouver à l’avant plan des discussions” [49]. Le gouvernement invite les interlocuteurs sociaux à une conférence nationale sur l’emploi, qui doit débuter le 18 mars [50]. Bien que, pour le Premier ministre, la sauvegarde de “la compétitivité est une condition sine qua non pour l’emploi, il importe aussi de mener «une politique axée spécifiquement sur le marché du travail» comme le prévoit d’ailleurs le plan d’accompagnement des chômeurs” [51]. La conférence sur l’emploi reçoit comme mission dans ce cadre de “procéder à la revalorisation éventuelle des instruments existants en matière de promotion de l’emploi et explorer de nouvelles pistes d’une politique active de l’emploi”. Elle devra examiner tant l’organisation et la redistribution que le coût du travail. En outre, le gouvernement veillera à intégrer la dimension de l’emploi dans ses activités budgétaires : les mesures ne pourront aller à l’encontre de l’emploi et le contrôle budgétaire pourra dégager des moyens supplémentaires pour la politique de l’emploi, pour autant seulement que des compensations soient trouvées ailleurs dans le budget.

143La compétitivité étant au cœur des préoccupations du gouvernement, celui-ci attend le rapport et l’avis que le Conseil central de l’économie doit remettre pour la fin du mois de mars au plus tard, avant de conclure son contrôle budgétaire. Avançant la conclusion de ses travaux au 12 mars afin que le gouvernement puisse en tenir compte, le Conseil central de l’économie rend un avis dans lequel - pour la première fois depuis l’application de la loi - les interlocuteurs sociaux reconnaissent de manière unanime que la compétitivité du pays est menacée : “Selon les données disponibles, les indicateurs de parts de marché et de coûts salariaux par travailleur occupé dans le secteur privé exprimé en indices relatifs font apparaître, de 1991 à 1993 inclus, une dégradation” [52]. Or, aux termes de la loi du 6 janvier 1989, la compétitivité est menacée si le critère de performances à l’exportation et au moins l’un des autres critères font apparaître une dégradation. Réitérant l’appel contenu dans l’accord interprofessionnel visant le respect de son esprit (modération en matière salariale, attention à la compétitivité) par les négociateurs dans les secteurs et les entreprises, les interlocuteurs sociaux réunis au sein du Conseil central de l’économie “ proposent une concertation spécifique (avec le gouvernement) sur les mesures correctrices à prendre pour promouvoir la compétitivité, l’emploi et la croissance”. Les syndicats proposent d’agir sur la parafiscalité par un allégement des cotisations sociales dans les secteurs à la fois très exposes à la concurrence internationale et à forte intensité de main d’œuvre (textile, fabrications métalliques, acier, verre). Il conviendrait, selon eux, de procéder à une réédition mieux ciblée de l’opération Maribel.

144Pendant le mois qui suit leur rencontre avec le gouvernement, les interlocuteurs sociaux peuvent “arrêter, par la voie d’une convention collective de travail, des mesures sauvegardant ou rétablissant la compétitivité, ou suggérer au gouvernement des mesures qui dépendent de sa responsabilité” (loi du 6 janvier 1989, art. 8).

145Début mars, le SP oui met l’accent sur la liaison à effectuer entre emploi et assainissement, se dit prêt à toucher aux mécanismes de l’indexation des revenus. Sa proposition : établir une indexation forfaitaire à partir d’un certain niveau de revenus ou, en d’autres termes, moduler la liaison des salaires à l’index. Cette proposition est toutefois assortie de deux conditions : que le produit aille à l’emploi et que les petits revenus soient protégés.

146Le CVP poursuit le contrôle budgétaire en s’opposant radicalement à un impôt de crise tandis que les ministres PS ont reçu de leur parti un mandat clair : ne rien négocier relativement à l’index. Pour les socialistes francophones, d’autres voies doivent être suivies : l’augmentation des accises, une taxe sur l’énergie, la taxation des centres de coordination, la fiscalité de l’épargne et surtout de l’anonymat des placements peuvent rapporter quelque 30 milliards. Si pour les syndicats l’opposition à toute manipulation de l’index demeure intransigeante (ils envisagent la révision des conventions collectives de travail sectorielles pour compenser une mesure touchant à l’indexation des salaires), la FEB se montre, elle aussi, opposée à une telle opération qui, selon elle, “renflouerait les caisses de l’État, sans réduction de coût pour les entreprises et au prix d’une déstabilisation économique et sociale”. L’organisation patronale rejette la proposition du SP parce qu’elle alourdit le coût du travail pour le personnel qualifie, opère une compression de l’échelle des revenus et incite à remotiver les salaires par des moyens détournés.

147Dans l’opposition, le VLD - bien que le PVV dont il est issu y ait eu recours en 1983, 1984 et 1986 - rejette la formule du saut d’index parce qu’il n’amène aucun assainissement véritable et Agalev parce qu’elle ouvre la porte à une remise en question du principe de l’indexation.

148A la veille du conclave, les organisations syndicales (CSC et FGTB) font état de leur inquiétude à propos du déroulement du contrôle budgétaire. Les organisations reconnaissent qu’il y a bien eu concertation sur l’emploi, sur la fiscalité et sur la sécurité sociale ; mais elles considèrent que leurs propositions sont “insuffisamment prises en compte, renvoyées à plus tard ou au niveau européen par facilité”. Les deux syndicats annoncent qu’en conséquence, ils intensifient leur campagne de sensibilisation et ont préparé un programme d’action : “piquets” devant le prieuré de Val Duchesse jusqu’à la fin du conclave gouvernemental ; manifestation le 19 mars à laquelle se joint la CGSLB ; en outre, des actions de grève interprofessionnelles sont préparées et peuvent être déclenchées sans délai. Le front commun affirme à nouveau que “dans ce qui sera plus qu’une correction budgétaire, il faut faire une large part à l’équité sociale et à la préoccupation prioritaire pour l’emploi. (…) Toucher à l’index, c’est déterrer la hache de guerre”.

149L’ouverture officielle du conclave a lieu le 15 mars. Son objectif : dégager BEF 110 milliards, sur une base annuelle, pour surmonter l’effet de la crise sur le budget et “recoller” en 1996 au plan d’assainissement des finances publiques, ce montant se décomposant en 70 milliards pour l’État central et 40 milliards pour la sécurité sociale. Deux groupes de travail sont institués, l’un ayant pour objet d’examiner les possibilités en matière de fiscalité, l’autre recherchant une meilleure gestion de la dette dans un contexte de taux fluctuant à la baisse.

150A peine le conclave est-il entamé que le Bureau du Plan publie une étude qui prévoit une aggravation du chômage jusqu’en 1997, année où un taux de chômage de 13,1 % serait enregistré, soit un niveau plus élevé que le plafond atteint au cours de l’année 1984. Au même moment (18 mars), les organisations patronales (FEB, UCM, NCMV et Front vert des organisations agricoles) adoptent une position commune à l’égard de la conférence sur l’emploi. Ces organisations demandent que l’on stimule l’embauche de jeunes et de chômeurs par des exonérations de cotisations sociales patronales qui seraient financées par une réallocation des dépenses consacrées aux chômeurs autres que les chômeurs complets et partiels. Elles demandent par ailleurs une flexibilité accrue et une politique active sur le marché du travail.

151A Francfort, où il expose à une assemblée de banquiers allemands la situation macro-économique de la Belgique, Ph. Maystadt reprend l’idée selon laquelle un impôt temporaire destiné à sortir le pays de la crise pourrait être retenu dans le cadre du contrôle budgétaire : “La surtaxe de 7,5 pc du montant de l’impôt sur le revenu qui sera prélevé en Allemagne à compter de 1995 pourrait nous donner des idées. L’impôt additionnel auquel on pourrait réfléchir ne sera toutefois pas aussi important qu’en Allemagne, mais il nous faut faire quelque chose dans cette direction”. Le ministre réanime ainsi la “petite idée” que G. Coëme avait lancée à l’approche du conclave budgétaire de l’été 1992. La forme que cet impôt supplémentaire pourrait prendre est soit un prélèvement additionnel à l’impôt des personnes physiques, soit une cotisation de convergence proportionnelle sur tous les revenus. Toutefois, l’aile droite du CVP, talonnée par le VLD, affirme son “allergie à toute forme de taxe” [53].

152Les tensions sont vives au sein du gouvernement entre le PS, opposé à toute opération relative à l’indexation des salaires et des allocations sociales, et le CVP, hostile à tout impôt nouveau. Le gouvernement n’arrivant pas à boucler le contrôle budgétaire à l’issue d’une réunion annoncée “au finish”, le Premier ministre est contraint de reporter la communication aux Chambres qu’il avait programmée pour le 22 mars. Le même jour, le CVP donne son accord pour un impôt additionnel de 2 % à la condition qu’un saut d’index total ou partiel soit appliqué en contre-partie, ce que le PS refuse catégoriquement [54]. La réunion se clôture sur un désaccord fondamental entre les deux partis et sur le constat qu’aucun consensus n’est dégagé sur le contenu des mesures (levée d’un impôt additionnel de 2 %, franchise médicale, hausse de la TVA, réduction des allocations familiales, indexation) “alors que les quatre partenaires de la majorité étaient d’accord sur les objectifs à atteindre”.

153Le 23 mars, après une rencontre informelle entre le Premier ministre et les présidents de parti et une ultime tentative en Conseil de cabinet restreint visant à trouver une solution concernant les 35 milliards manquants, J.-L. Dehaene convoque un Conseil des ministres pour constater l’échec des négociations et présente la démission de son gouvernement au Roi qui tient sa réponse en délibéré.

154Les partis d’opposition ont des réactions diverses. Pour le président du PRL, J. Gol, “l’échec du gouvernement est une bonne nouvelle pour le citoyen (qui) échappe à l’avalanche d’impôts, de cotisations, de taxes et autres atteintes à leurs revenus que les frères Rapetout étaient une nouvelle fois occupés a manigancer” et, comme le VLD qui réclame “que les citoyens puissent s’exprimer sur la politique qui doit être menée”, il se prononce pour que des élections soient organisées le plus vite possible. Ecolo manifeste son opposition “au carcan dit de la convergence imposé par le traité de Maastricht (qui) ne peut être respecté que si l’exécutif prend des mesures de dilapidation des actifs publics, de destruction des mécanismes de solidarité sociale, sans effet économique positif” tout en déclarant que “la crise gouvernementale actuelle ne remet pas en cause sa contribution positive à la résolution de trois dossiers difficiles : la réforme des instituions, le refinancement des Communautés et les écotaxes”. Quant au FDF, il considère que “les oppositions dogmatiques qui déchirent les partis du gouvernement et les empêchent de conclure le contrôle budgétaire sont le fruit d’enfantillages ridicules. Il n’y a en effet aucune différence de fond entre (les mesures proposées). Quelle que soit la solution finale adoptée par le gouvernement, il s’agira pour la population d’une punition supplémentaire causée par la mauvaise gestion des partis traditionnels au pouvoir”. La VU estime qu’“une réponse aux problèmes de l’emploi et de l’insécurité ne peut continuer à dépendre de l’irresponsabilité belge et de l’impuissance du CVP et du PS, les deux principaux responsables de la crise”. Le Premier ministre considère “que tout le monde doit aujourd’hui être conscient des conséquences graves qu’une crise peut avoir” et, rejetant l’idée d’une dramatisation, déclare qu’il “craint que certains ne se rendent pas compte de la gravité de la situation et préfèrent croire à des jeux politiques” [55]. La Banque nationale, à titre préventif pour éviter toute spéculation, augmente les taux sur le marché de 0,5 %. Les partis de la majorité commentent pour leur part la crise en confirmant leur accord sur les objectifs à poursuivre, en rappelant leurs positions et en considérant qu’une solution doit être trouvée. Quelle interprétation faire de cette crise ? Pour X. Mabille, “il s’agit soit de la manifestation de l’échec de la coalition, soit de la manifestation du besoin qu’a la coalition de disposer d’un peu de temps pour arriver a un accord interne. Dans le premier cas, on parlera d’une vraie crise ; dans le second, d’une péripétie. Dans ce cas, l’offre de démission du Premier ministre peut effectivement présenter un aspect de dramatisation et manifester, publiquement, l’importance des difficultés rencontrées. Ce qui obligerait chacun des partenaires à se positionner clairement” [56]. Et pour beaucoup, la crise qui résulte de l’opposition entre les deux principaux partis de la majorité est également une crise communautaire dans la mesure où il s’agit aussi des premiers partis chacun dans leur région et dans la mesure où ses raisons profondes ne sont probablement pas indissociables du processus de réformes institutionnelles.

155Pendant que le Roi consulte les présidents de la Chambre et du Sénat, les vice-Premiers ministres, les présidents de parti, les responsables des organisations syndicales et patronales, le gouverneur de la Banque nationale, le président du Conseil central de l’économie,…, des contacts informels se poursuivent. Le 29 mars, alors qu’aucune solution ne semble se dégager des contacts formels et informels de la semaine écoulée, le Roi - qui réserve toujours sa décision à propos de la démission du gouvernement - charge J.-L. Dehaene d’une mission de médiateur. Celui-ci tente de trouver une solution à la crise avec les présidents des partis de la majorité qu’il réunit au château du Stuyvenberg le jour même. L’impasse demeurant totale, il apparaît aux yeux de certains (SP et CVP) que des économies structurelles doivent être réalisées dans le secteur de la sécurité sociale où les dépenses croissent plus vite que les rentrées. La solution sur laquelle les quatre présidents de parti et le médiateur se mettent d’accord consiste à créer à côté de la colonne des dépenses (42 milliards d’économies dont 25 en sécurité sociale) et de la colonne des recettes (42 milliards dont 33 milliards provenant d’un impôt additionnel de 3 % appelé cotisation complémentaire de crise), une troisième colonne de mesures considérées comme neutres (29 milliards : 10 milliards de vente d’actifs supplémentaires, 14 milliards de meilleure perception de l’impôt et 5 milliards de lutte contre la fraude), soit un total de 113 milliards. Cette manière de procéder satisfaisait tant ceux qui, au sein du gouvernement, voulaient un équilibre parfait entre recettes et dépenses que ceux qui insistaient sur l’équilibre des efforts à consentir. Le 30 mars, le Roi refuse la démission du gouvernement et le 31 mars le gouvernement présente au Parlement le plan budgétaire élaboré par les présidents de parti. La discussion de la communication gouvernementale à la Chambre se clôture la nuit du 1er avril sur un incident, les députés des partis de la majorité n’ayant pas déposé de motion de confiance à l’issue du débat. Le Premier ministre ayant réclamé un vote de confiance, à la suite d’un long échange procédurier, la confiance est accordée au gouvernement par 114 voix contre 53 et 3 abstentions. Les grands équilibres budgétaires étant respectés (il faut toutefois encore les concrétiser par des mesures opérationnelles [57] avant la fin juillet) et l’impasse étant levée, les acteurs politiques et socio-économiques peuvent reprendre les dossiers de l’emploi et de la compétitivité laissés en attente pendant la crise. Alors que pour les syndicats le premier doit avoir la priorité, la FEB considère par contre que le meilleur garant de l’emploi est la sauvegarde de la compétitivité et qu’il convient dès lors de s’atteler avant tout à ce dossier.

156Le gouvernement et les interlocuteurs sociaux examinent un ensemble de mesures destinées à promouvoir l’emploi qui doivent être dévelopées au sein du Conseil national du travail : réduction temporaire des coûts d’embauché en cas d’engagement de certaines catégories de jeunes travailleurs, promotion de la répartition du temps de travail par le biais d’emplois de fin de carrière, du droit à l’interruption de carrière et dans le cadre du plan de restructuration des entreprises, et introduction d’une certaine flexibilité dans certains régimes. Le gouvernement programme pour le 12 mai l’ouverture de la conférence nationale (fédérale) sur l’emploi, à laquelle participeront également les communautés et les régions. Celle-ci débouche sur un accord entre organisations de travailleurs et d’employeurs portant sur les prépensions à mi-temps, l’interruption de carrière et l’embauche des jeunes.

157Parallèlement, la compétitivité étant menacée, le gouvernement recommande à nouveau la modération salariale dans les accords de secteur et décide de réserver un budget de 8 à 10 milliards pour aider les principaux secteurs industriels concernés à regagner des parts de marché mais aussi pour relancer l’emploi. La piste lancée par le gouvernement est que cette aide prenne la forme d’une réduction des charges sociales patronales dans les secteurs exposés à la concurrence internationale (une sorte de Maribel bis) qui serait financée par la fiscalité indirecte (TVA, accises ou taxe sur l’énergie [58]) et devrait bénéficier principalement aux emplois à plus faible qualification. Le 20 avril, le gouvernement entame la concertation avec les interlocuteurs sociaux sur la compétitivité, ces derniers disposant alors d’un mois pour conclure une convention collective prévoyant des mesures rétablissant la compétitivité ou pour constater leur désaccord. A cette occasion, des tensions apparaissent dans le monde patronal, entre les secteurs de la FEB qui bénéficieraient des nouvelles dispositions et ceux qui n’y auraient pas droit ; entre les secteurs protégés et les classes moyennes qui insistent “sur le handicap dont souffrent, outre les secteurs exportateurs, ceux qui travaillent pour le marché intérieur, avec la concurrence féroce des entreprises étrangères”. Les interlocuteurs sociaux n’ayant pas réussi à se mettre d’accord sur les moyens permettant de financer la diminution des charges sociales ni sur les secteurs qui devraient en bénéficier avant le 18 mai, le gouvernement organise une ultime concertation avec les représentants des organisations de travailleurs et d’employeurs. En l’absence d’accord, il décide que l’opération “Maribel bis” (9 milliards) sera financée par une taxe sur l’énergie (essence, gasoil de chauffage, électricité, gaz naturel), un milliard supplémentaire étant consacré à l’emploi. Les secteurs de l’industrie manufacturière qui en bénéficieront, à partir du 1er juillet, sont ceux de l’extraction et de la transformation de minéraux non énergétiques et dérivés ainsi que l’industrie chimique, l’industrie transformatrice des métaux et les autres industries manufacturières, soit les catégories 2, 3 et 4 de la classification utilisée par l’ONSS.

158Entre-temps, le 4 mai, Ph. Moureaux, ministre des Affaires sociales, démissionne de son poste comme il l’avait annoncé dès la création du gouvernement, afin de se consacrer à la fonction de bourgmestre de la commune de Molenbeek-Saint-Jean. Son départ entraîne un remaniement au sein du gouvernement et de l’exécutif de la Communauté française.

159Pendant que le gouvernement et les interlocuteurs sociaux se concertent sur les mesures à prendre en matière de compétitivité et d’emploi, les Chambres examinent le projet de loi ajustant le budget 1993 et les projets de loi-programme le concrétisant. Tandis que le Sénat adopte le projet de loi contenant des dispositions fiscales et financières le 17 juin 1993 par 88 voix contre 61 et 2 abstentions, la Chambre des représentants adopte le projet de loi ajustant le budget le 28 juin 1993 par 103 voix et 3 abstentions et adopte le 1er juillet par 109 voix contre 78 et 1 abstention le projet de loi portant des dispositions sociales et diverses. Au même moment, des rumeurs de “dérapages” budgétaires annoncent un nouvel exercice délicat pour le gouvernement lors du conclave de l’été consacré au budget 1994.

Conclusions

160Le gouvernement Dehaene, constitué après des négociations laborieuses et plusieurs tentatives infructueuses de mettre en place d’autres formules de coalition, réunit les mêmes partis politiques que la coalition sortante dans sa forme ultime. Cette coalition apparaît affaiblie du fait des circonstances qui ont entraîné la chute du gouvernement précédent et aussi du fait des circonstances dans lesquelles le nouveau a été formé. Elle se donne un programme d’urgence centré sur la poursuite de trois objectifs :

1. intégrer la Belgique dans l’union monétaire européenne (UME) ;
2poursuivre le développement de la structure fédérale de l’État ;
3apporter une réponse politique aux nouveaux défis de la société et aux nouveaux besoins des citoyens”.
Ce gouvernement a pris de nombreuses décisions et a réussi à trouver un appui extérieur pour franchir une nouvelle étape de la réforme des institutions et à surmonter ses tensions pour passer le cap semestriel des conclaves budgétaires.

Techniques de négociation et imbrication des enjeux

161Le pragmatisme des procédures de négociation initiées par le Premier ministre a été confronté à l’imbrication des enjeux. Pour certains d’entre eux, le gouvernement et les partis politiques qui le constituent n’ont pas seuls le pouvoir de décision.

162Le temps joue un rôle déterminant dans l’organisation des discussions et des négociations et dans la stratégie des parties en présence, les échéances étant à la fois externes et internes aux négociations elles-mêmes. A des moments de discrets contacts, nécessaires pour aplanir les dissensions internes et pour faire converger les positions, et à l’installation de groupes de travail, succèdent en général des réunions de négociation. Une phase de dramatisation est suivie par une ou plusieurs séances marathon qui se terminent tard dans la nuit par la signature d’un accord et pendant lesquelles la capacité de résistance à la fatigue est déterminante. Des séquences de ce type se sont multipliées au cours de cette première année de législature. Dans certains cas, comme par exemple dans le dossier écotaxes, la difficulté de peaufiner un accord a amené une succession de ces séquences.

163Le dialogue de communauté à communauté a duré trois mois. Il a réuni des délégations des partis représentés au Parlement [59] menées par leur président, au sein desquelles se trouvaient des membres des exécutifs de communauté et de région. Officiellement, le gouvernement n’était représenté que par le Premier ministre qui en a pris l’initiative. A ce stade, il s’agissait d’établir un nouvel inventaire -qui se fondait sur les débats menées en 1991 au sein de la Commission parlementaire mixte pour la réforme des institutions - des positions des partis en matière de réforme des institutions. Les négociations ont été ensuite engagées à sept partis sur base d’une proposition de plate-forme formulée par G. Deprez et H. Schiltz, les partis libéraux et le FDF n’ayant pas, selon les présidents du bureau du dialogue, manifesté “la disponibilité nécessaire et la volonté d’aboutir”. Les négociations, mêmes poussées, n’aboutirent qu’à la signature d’accords partiels.

164La situation à la rentrée politique s’était sensiblement modifiée. La tenue d’un nouveau dialogue dans des conditions similaires à celui organisé au printemps ne s’avéra pas possible. J.-L. Dehaene entreprit de rechercher d’abord un accord avec les présidents des quatre partis de la majorité, avant d’entamer des discussions avec d’éventuels partenaires pour, enfin, finaliser des textes à soumettre au Parlement. J.-L. Dehaene décrit ce processus en ces termes : “Comme j’avais constaté que la VU et Agalev ne voulaient pas reprendre le dialogue tout en étant prêts à apporter leur soutien et comme les oppositions étaient situées davantage au sein de la majorité qu’en dehors, j’ai d’abord voulu éclaircir la situation dans la coalition. Nous avons alors commencé des discussions avec les quatre présidents ; j’ai constaté qu’ils étaient conscients du fait que si on n’aboutissait pas à un accord, ils ne contrôleraient plus la situation et l’avenir du pays. (…) Sans que les ministres sachent ce qui se passait chez les présidents pour ne pas devoir recommencer tout le bazar” [60]. A l’issue des accords institutionnel et budgétaire de fin septembre et du congrès du CVP d’octobre, la position du Premier ministre et celle du président du CVP étant renforcées J.-L. Dehaene poursuit : “Nous sommes à nouveau partis à la quête des partis de l’opposition. Il s’est vite avéré que la VU et Agalev avaient des conditions que l’on pouvait rencontrer mais que la discussion serait plus difficile avec Ecolo à cause du financement Mais eux aussi étaient conscients des conséquences d’une absence d’accord et de l’absence d’alternatives” [61].

165Un même scénario de négociation a été utilisé par le Premier ministre dans le dossier écotaxes et pour le réajustement budgétaire de mars 1993. Dans ce dernier cas, la phase de dramatisation a été jusqu’à la présentation au Roi de la démission du gouvernement. C’est dans cette situation de crise que le Premier ministre a privilégié les négociations directes avec les présidents des partis de la majorité, avant de laisser le soin au gouvernement de finaliser les mesures et au Parlement de les discuter et les voter.

166La gestion de la progression des matières soumises à négociation est un autre élément déterminant du processus de décision. Ainsi, on a eu recours, à diverses reprises, à un mode d’organisation des négociations plusieurs fois utilisé dans le passé. Il s’agit de dégager d’abord les points sur lesquels un consensus est possible et de réserver les points délicats pour la fin de la négociation. On procède alors à des échanges et à des compromis.

167Ce gouvernement, comme le précédent, a souhaité mener parallèlement la réforme des institutions et l’assainissement budgétaire. En 1992, les discussions sur ces deux priorités du gouvernement se sont succédé, les interférences entre elles étant importantes. Le CVP en a d’ailleurs fait une double contrainte pour le gouvernement. En mars 1993, alors que la réforme des institutions en était au vote au Parlement d’articles révisés ou nouveaux de la Constitution, sans que le processus ne soit achevé dans aucune des deux Chambres, les tensions entre les partis de la majorité et principalement entre le CVP et le PS, se cristallisèrent sur les mesures envisagées dans le cadre de l’ajustement budgétaire, au point d’en faire dépendre la bonne fin de la réforme des institutions.

168On est dans le cas de l’indexation des salaires et de la sécurité sociale (concernés par les propositions d’ajustement budgétaire) dans des domaines où la totalité de la décision n’appartient pas au gouvernement, et où les interlocuteurs sociaux pèsent d’un poids réel.

169Les interlocuteurs sociaux devaient au cours de l’automne 1992 se prononcer notamment sur la compétitivité de l’économie belge et signer un accord interprofessionnel. Si une échéance - septembre - est prévue dans la loi du 6 janvier 1989 pour le dépôt d’un rapport intermédiaire sur la compétitivité par le Conseil central de l’économie, il n’en est pas de même pour les accords interprofessionnels. Le processus de décision de ce dernier, qui ne se déroule pas de manière totalement indépendante du gouvernement et qui a abouti le 9 décembre 1992, se situe dans un ensemble de négociations dont les échéances se sont succédé. Les positions des interlocuteurs sociaux en matière d’organisation du travail ne sont pas sans effet sur d’autres négociations. Il en est de même en matière de sécurité sociale ; les débats n’ont pas été limités à son budget mais ont porté aussi sur la réorganisation du secteur de l’assurance maladie-invalidité et sur le plan d’accompagnement des chômeurs. La conférence nationale de l’emploi, autre lieu de large concertation, a été reportée à quelques reprises en raison de sa simultanéité avec la tenue d’autres concertations ou négociations.

170Les rapports de force entre acteurs économiques et sociaux s’expriment, au niveau national, dans des lieux de consultation et de concertation tel que le Conseil central de l’économie ou le Conseil national de travail, ou encore lors de la signature d’accords interprofessionnels ou de conférences nationales, ou encore dans des structures moins formalisées ou plus limitées dans le temps. Si, de toute façon, ces rapports de force trouvent trace dans des décisions d’acteurs politiques, les formes de pression évoluent.

171Les politiques économiques et sociales sont largement dépendantes des décisions en matière budgétaire. En plus de cette contrainte déterminante, les logiques de développement économique fondées sur les stratégies des entreprises et des groupes d’entreprises sont valeurs prégnantes. Ces stratégies ne sont pas univoques ; des conflits d’intérêt existent entre entreprises de même secteur d’activités ou entre fédérations patronales sectorielles. Elles se sont exprimées publiquement lors des discussions sur le dossier écotaxes. La pression exercée par les entreprises ou les fédérations patronales sectorielles ou intersectorielles a été, dans ce dossier, la plus large : communication de dossiers d’information aux négociateurs, à la presse,…, participation aux débats du Conseil central de l’économie, audition par le groupe de travail ad hoc, participation d’une entreprise en tant que telle à des mouvements de protestation des travailleurs, …

172Des positions adoptées au niveau des communautés et des régions interfèrent dans les débats tenus au niveau national. Elles en constituent parfois le socle (par exemple, le programme en dix points de l’exécutif flamand), parfois le déclencheur.

Dissymétries et volonté de “rénovation”

173Les acteurs de cette nouvelle étape de la réforme des institutions se trouvent dans des situations dissymétriques à plusieurs égards.

174En premier lieu, ce sont les partis de la coalition gouvernementale et le Premier ministre qui ont invité d’autres partis à participer aux discussions, puis aux négociations. A chacune de ces étapes - et pour des raisons très différentes - des partis politiques représentés au Parlement ont été exclus. L’objectif de parvenir à un accord entre partis politiques qui disposent ensemble de la majorité des deux tiers - ce qui n’a pas été possible au lendemain de l’élection du 24 novembre 1991 - les a amenés à choisir pour partenaires de la négociation les deux partis écologistes et la VU. C’est ainsi la première fois que les partis écologistes participent à des négociations formelles avec une majorité gouvernementale, tout en demeurant dans l’opposition.

175En deuxième lieu, les partis flamands se présentent avec des revendications communes explicitées dès le 16 octobre 1991 dans une résolution du Vlaamse Raad et complétées dans l’accord signé le 28 janvier 1992 par le CVP, le SP et la VU pour la constitution de l’exécutif flamand. Le programme de réformes institutionnelles contenu dans ces deux textes est resté, tout au long des discussions, la base des négociations avec les partis francophones. La cohésion des partis flamands est conditionnée paradoxalement par la situation de fragmentation politique que connaît la Flandre et le progrès électoral du Vlaams Blok, chacun d’entre eux ne pouvant apparaître comme acceptant des concessions. Sur d’autres dossiers, comme le vote du budget des voies et moyens, le clivage entre majorité et opposition est reconstitué.

176L’asymétrie entre la situation des partis en Flandre et en Wallonie s’est accentuée. La fragmentation politique est plus grande en Flandre. Le premier parti, le CVP, connaît une érosion constante de son électorat (il a atteint son minimum historique - 27 % - aux élections législatives du 24 novembre 1991) tandis que le Vlaams Blok passe la barre des 10 % dans l’ensemble des arrondissements flamands (et des 20 % dans celui d’Anvers) et devient le quatrième parti en Flandre distançant de 35.000 voix une Volksunie affaiblie notamment par sa participation au gouvernement précédent et de 80.000 voix Agalev. La distance en Flandre entre le premier parti, le CVP, et les deux suivants, le SP et la PVV, n’est plus que de 8 %, alors qu’en Wallonie, le PS, tout en perdant près de 100.000 électeurs, continue à devancer le PSC et le PRL de 17 à 20 %. La fragmentation politique en Flandre a entraîné une radicalisation du discours et une banalisation de la revendication séparatiste. En même temps, la redéfinition en cours du poids respectif des partis en présence en Flandre et la progression - annoncée par les sondages -du PVV devenu VLD sont moteurs de tensions entre partis et ont suscité une recherche d’actualisation de leurs programmes politiques et de leur fonctionnement interne.

177Le débat mené en Flandre sur le verzuiling [62], notamment au sein d’un groupe de travail du Vlaamse Raad, n’a pas trouve d’écho de même ampleur du côté francophone. Toutefois, les revendications sur l’établissement de nouveaux rapports entre le “politique” et ce qui est appellé la “société civile” rejoignent par bien des aspects le débat sur les relations entre les organisations des divers “mondes” et les pouvoirs publics.

178Le début de la législature a été aussi marqué par l’interprétation que le monde politique a fait des résultats des élections législatives de 1991. En témoignent l’importance donnée aux thèmes de la justice et de la sécurité et aux relations avec la fonction publique ou avec la presse. En témoignent aussi la résolution du Vlaamse Raad en date du 19 novembre 1992 signée par l’ensemble des partis flamands s’opposant à la position du Vlaams Blok en matière d’immigration et la Charte de la démocratie signée le 7 mai 1993 par les présidents du PS, du PSC, du PRL et du FDF [63] qui s’engagent notamment à refuser “de choisir de s’associer, dans une coalition politique, aux formations ou partis qui, manifestement, portent des idéologies ou des propositions susceptibles d’attenter aux principes démocratiques qui fondent notre système politique”. Des préoccupations d’ordre assez comparable sont à l’origine soit de décisions soit de propositions dans des domaines tels que ceux du financement des partis et du contrôle des dépenses électorales, du travail parlementaire (y compris ceux relatifs à l’absentéisme), et de l’incompatibilité des mandats et fonctions. Toutes ces démarches s’inscrivent dans un contexte fortement conditionné par l’écho donné à des pratiques supposées ou réelles de collusion ou de corruption.

179Les partis politiques sont soumis à des pressions internes et externes que quelques congrès ont mis en avant.

180La vie interne des partis tant francophones que flamands est marquée par d’importants changements. Trois partis ont changé de président : au PS, le 23 janvier 1992, Ph. Busquin succède à G. Spitaels (il sera confirmé à ce poste le 13 février 1993) ; au PRL, le 16 mars 1992, J. Gol remplace A. Duquesne, et le 13 juin B. Anciaux accède à la présidence de la VU à la place de J. Gabriëls. L’élection des deux premiers - seuls candidats - a été obtenue à une très large majorité. Trois tours de scrutin ont par contre été nécessaires pour l’élection de B. Anciaux. Au CVP, le 4 octobre 1992, H. Van Rompuy est réélu à la tête du parti avec 68,8 % des voix. C’est avec un même score que G. Verhofstadt devient le premier président du VLD, parti qui succède en novembre 1992 au PVV qu’il dirigeait. F. Vandenbroucke est réélu à la tête du SP le 17 avril 1993 avec 67 % des suffrages. Un an auparavant, le 4 avril 1992, G. Clerfayt était réélu à 56 % des voix pour un quatrième mandat à la présidence du FDF.

181Les tensions les plus fortes se manifestent en Flandre et particulièrement au CVP. Rappelons que les instances de ce parti n’approuvèrent sa participation au gouvernement qu’a 61,8 %. Les “cassures” au sein du parti se ressentent aussi au travers des résultats d’une enquête menée auprès de ses mandataires, résultats rendus publics au cours d’un partijberaad le 20 juin, et au travers de l’“ultimatum” adressé au gouvernement à la rentrée politique de septembre 1992. Ces tensions internes sont un des facteurs déstabilisants de ce gouvernement. Elles sont avivées par la poussée électorale annoncée du VLD.

182Le cas du CVP est loin d’être unique ; tous les autres partis connaissent à des degrés divers des tensions internes comparables et rendent publiques des déclarations d’intention de rénovation recourant d’ailleurs fréquemment à un vocabulaire très semblable.

183La réforme institutionnelle aura, de plus, des effets au sein des structures de décision des partis. A moins d’un an, en toutes hypothèses, de la prochaine échéance électorale et à la veille d’un cycle électoral nouveau, certaines des tensions observées qui ne sont pas étrangères à la mise en place de stratégies de candidatures, ne seront pas exemptes des futures négociations au sein de ce gouvernement.

Annexes

1 – Tableau du compte du pouvoir national (optique budgétaire) août 1992 (en milliards de BEF)

tableau im7
1992 1993 1994 1995 1996 Recettes Recettes fiscales Recettes fiscales prévues 1.121 1.167 1.241 1.325 1.403 Mesures normes 0 12 16 17 18 Mesures supplémentaires 2 11 11 11 9 Recettes fiscales prévues + mesures 1.123 1.190 1.268 1.353 1.430 Recettes “normées” 1.121 1.179 1.250 1.326 1.405 Écart par rapport à la norme -2 -11 -18 -27 -25 Recettes non-fiscales Recettes non-fiscales prévues 137 115 119 121 125 Mesures 0 6 3 3 3 Mesures sur actifs 15 15 10 10 Recettes non-fiscales prévues + mesures 137 136 137 134 138 Dépenses primaires Dépenses primaires prévues 978 1.045 1.105 1.154 1.203 Gel subsides et défense 13 27 39 53 Mesures décidées 0 33 34 36 36 Mesures à décider 0 5 7 8 Dépenses primaires prévues + mesures 978 998 1.039 1.072 1.106 Dépenses primaires “normées” 978 1.007 1.039 1.072 1.106 Écart par rapport à la norme 0 -9 0 0 0 Mesures supplémentaires Mesures de convergence Non-indexation des barèmes fiscaux 10 22 39 58 Mesures touchant les sociétés 3 3 3 3 Solde primaire 282 340 391 457 523 Charges d’intérêt 660 709 748 761 779 dont gestion de la dette -24 -31 -24 -20 -16 dont reprises SNSN 0 17 17 17 17 Opérations de trésorerie 12 16 10 10 10 Solde net à financer Prévu -366 -354 -347 -294 -246 Plan de convergence -355 -355 -330 -300 -260 Écart 11 -1 17 -6 -14

2 – Compte du pouvoir national après contrôle budgétaire (mars 1992) (en milliards de francs)

tableau im8
1993 1994 1995 1996 Recettes 1.321 1.395 1.479 1.567 Recettes fiscales - Recettes fiscales prévues 1.150 1.202 1.282 1.365 - Mesures du contrôle budgétaire 36 40 50 52 - Recettes fiscales prévues + mesures 1.185 1.242 1.332 1.416 Recettes non-fiscales - Recettes non-fiscales prévues 146 138 143 147 - Mesures du contrôle budgétaire -10 15 4 4 - Recettes non-fiscales prévues + mesures 136 153 4 147 151 Dépenses primaires - Dépenses primaires prévues 997 1.045 1.083 1.122 - Mesures du contrôle budgétaire 2 10 9 9 - Dépenses primaires prévues + mesures 996 1.035 1.075 1.112 Solde primaire Avant mesures 299 295 343 390 (en % du PIB) 4,1 3,8 4,2 4,6 Après mesures 325 360 404 455 (en % du PIB) 4,5 4,7 5,0 5,3 Écart 27 65 62 65 (en % du P.I.B.) 0,4 0,8 0,8 0,8 Charges d’intérêt 696 685 693 723 Opération de trésorerie 7 10 10 10 Solde net à financer -364 -315 -279 -259 Besoin net de financement1 Prévu -381 -321 -272 -249 (en % du P.I.B.) -5,2 -4,2 -3,3 -2,9 Objectif -381 -321 -262 -239 (en% du P.I.B.) -5,2 -4,2 -3,2 -2,8 Écart 0 0 10 10 (en % du P.I.B.) 0,0 0,0 0,1 0,1

Notes

  • [1]
    Voir “Accords gouvernementaux, réformes institutionnelles et politique budgétaire. Janvier-juin 1992”. Courrier hebdomadaire du CRISP, n°1363-1364, 1992, pp.52-54.
  • [2]
    Préside par Jacques Delors, président de la Commission, ce comité réunit les gouverneurs des banques centrales des États membres et trois experts.
  • [3]
    Banque Paribas Belgique, Notes économiques, n spécial 58, septembre 1992, p.9.
  • [4]
    Cette présentation se fonde sur G. Brouhns, “La Conférence intergouvernementale sur l’Union économique et monétaire”, Bulletin de documentation, Ministère de Finances, mai-juin 1992, pp.11-40.
  • [5]
    En cas de prestations insuffisantes de la part d’un État, le Conseil des ministres peut lui adresser des recommandations. Le Parlement européen est, par ailleurs, informé sur la procédure de surveillance.
  • [6]
    L’Ecu correspond à un “panier de monnaies” défini le 21 septembre 1089 (deuxième et dernier ajustement de sa composition). Les monnaies des douze États nombres de la Communauté entrent dans sa composition et leur poids respectifs est déterminé en fonction de critères économiques.
  • [7]
    Conseil des ministres de l’Économie et de Finances.
  • [8]
    Voir Yves Delvaux, “La dette publique”, Courrier hebdomadaire du CRISP, n 1291-1292, 1990.
  • [9]
    L’accord de gouvernement reprend les termes de l’article 104C du Traité et retient que : “Ce Traité exige, pour la fin de 1996, que « le rapport entre le déficit et le produit intérieur brut ait diminué de manière substantielle et atteint un niveau proche de 3 % ». Il faut en outre que selon le même Traité et pour la même date, «le rapport entre la dette publique et le produit intérieur brut diminue suffisamment et s’approche de la valeur de référence de 60 % à un rythme satisfaisant»”.
  • [10]
    Sont visés ici les impôts indirects et l’impôt sur les sociétés qui sont inférieurs à la moyenne européenne.
  • [11]
    Ministère des Finances, Bulletin de documentation, n° 3, mai- juin 1992, pp. 41-54.
  • [12]
    Ces écarts entre les deux estimations s’expliquent principalement par la prise en compte d’hypothèses différentes en ce qui concerne la croissance des dépenses primaires, d’une part, et l’évolution des taux d’intérêt, d’autre part”, « Évaluation du traité sur l’Union européenne », Rapports faits au nom du Comité d’avis chargé des questions européennes, Doc. parl., Chambre n°460 (SE 1991-1992), 18 mai 1992, p.20.
  • [13]
    L’évaluation du Traité sur l’Union européenne conclut a ce propos qu’“il conviendrait de mettre au point un mécanisme de concertation permettant au gouvernement national et aux gouvernements régionaux et communautaires de conclure des accords concernant les efforts a poursuivre (…). Il serait donc souhaitable de renforces le dispositif de la loi de financement si l’on entend régler cet aspect de manière formelle. Si on optait pour un règlement informel, celui-ci devait être clair et incontournable”, op. cit., p. 22.
  • [14]
    Le solde net à financer repris dans ce budget sera limité à l’objectif fixé lors du conclave budgétaire d’août 1991, lié au rétablissement de l’équilibre dans la sécurité sociale”.
  • [15]
    Loi du 26 juin 1992, Moniteur belge, 30 juin 1992.
  • [16]
    Loi du 28 juin 1992, Moniteur belge, 31 juillet 1992.
  • [17]
    Les citations qui précèdent proviennent de La Libre Belgique, 15 mai 1992.
  • [18]
    Union syndicale des classes moyennes-UCCM, Fédération générale du travail indépendant-FGTI et diverses organisations professionnelles.
  • [19]
    Interview de W. Beirnaert, directeur général de la FEB, La Libre Belgique, 7 avril 1992.
  • [20]
    Voir Assemblées législatives, Plan de convergence de la Belgique, 22 juin 1992, Doc. parl., Chambre 482/2 (SE 1991-1992) et Doc. parl., Sénat 419/1 (SE 1991-1992). Sauf mention contraire, les citations proviennent de ce document.
  • [21]
    Diminution des charges d’intérêt résultant de la réduction progressive du déficit à 3% en 1996.
  • [22]
    Il faut noter, toutefois, que compte tenu de la stabilisation de l’intervention de l’État pour le régime social des salaries et des indépendants, le rythme de croissance admissible des dépenses primaires hors transferts à la Sécurité sociale est de 0,9% environ par an. En outre, le blocage de la Défense nationale et des subventions de fonctionnement aux entreprises publiques (Poste et SNCB) à leur niveau de 1992 (croissance nominale zéro) permet a l’ensemble des autres dépenses primaires(hors transfert de la Sécurité sociale) de croitre au-delà de l’inflation en moyenne de 1,9% par an, ce qui donne déjà une certaine marge pour commencer à rencontrer, des avant 1996, les besoins les plus urgents de la «nouvelle citoyenneté» (sécurité, lutte contre l’exclusion sociale et protection des moins nantis, défense de l’environnement)”.
  • [23]
    Ce qui favoriserait la baisse du différentiel entre les taux d’intérêt belges et allemands de long terme, faciliterait la mise en œuvre de l’assainissement par la suite, permettrait de dégager plus tôt des marges de manœuvre pour rencontrer les nouveaux besoins. En outre, il ne faut pas exclure que la reprise de la croissance et/ou la baisse des taux d’intérêt soient plus lentes que prévu. Si tel était le cas, la contribution de 1992 pourrait rapidement apparaître comme étant trop faible par rapport à l’effort à réaliser. A moyen terme aussi, la croissance peut être inférieure aux hypothèses macro-économiques de référence. C’est pourquoi le Gouvernement a conçu un scénario de convergence accéléré afin de dégager une marge de sécurité par rapport au scenario «normé»”.
  • [24]
    Conseil central de l’économie, Avis concernant le plan de convergence de la Belgique, 15 juillet 1992, doc. CCE 1992/493.
  • [25]
    Soit pur 1993, une économie de BEF 13 milliards par rapport à l’évolution attendue hors mesures.
  • [26]
    Pour réaliser les objectifs budgétaires européens, le gouvernement (…) préparera en vue du budget 1993, un programme pluriannuel de mesures par lequel les finances publiques belges répondent pour fin 1996 au critère européen en matière de déficit public”.
  • [27]
    Hypothèses macro-économiques du plan de convergence identiques à celles retenues dans le rapport du Conseil supérieur des Finances de janvier 1992 et à celles de l’OCDE pour 1993.
    tableau im9
    1992 1993 1994 1995 1996 Inflation (en %) 3,2 3,3 3,2 3,2 3,2 Croissance (en %) 1,6 2,3 2,5 2,5 2,5 PNB (valeur) 7.157 7.563 8.001 8.463 8.952 Taux d’int. implicite (en %) 9,2 9,1 9,0 8,9 8,8
  • [28]
    Voir en annexe 1 les prévisions du programme pluriannuel.
  • [29]
    Voir en annexe 1.
  • [30]
    Le soir, 17 juin 1992.
  • [31]
    La Libre Belgique, 20-21 juin 1992.
  • [32]
    Le peuple, 5 août 1992.
  • [33]
    De Standaard, 5 août 1992.
  • [34]
    La Libre Belgique, 5 août 1992. L’interview de L. Delcroix se termine toutefois sur ces mots :“notre intention actuelle n’est pas de changer partenaire”.
  • [35]
    RTBF, 4 août 1992.
  • [36]
    De Standaard, 10 août 1992.
  • [37]
    Het Volk, 6 août 1992.
  • [38]
    L’Écho, 18 septembre 1992.
  • [39]
    Le Soir, 25 septembre 1992
  • [40]
    L’Écho, 26-27 septembre 1992
  • [41]
    La Libre Belgique, 26-27 septembre 1992.
  • [42]
    La Libre Belgique, 6 août 1992.
  • [43]
    Voir Evelyne Lentzen, Pierre Blaise, “La mise en œuvre des priorités du gouvernement Dehaene. 1. Les reformes institutionnelles”, Courrier hebdomadaire du CRISP, 1403-1404, 1993, pp. 45-46.
  • [44]
    Interview de J. Gol, L’Écho, 23 octobre 1992.
  • [45]
    Voir aussi à ce propos P. Blaise, “L’accord interprofessionnel du 9 décembre 1992”, Courrier hebdomadaire du CRISP, n 1388-1389, 1993.
  • [46]
    FEB, Communiqué de presse, 3 septembre 1992.
  • [47]
    La Libre Belgique, 5 octobre 1992.
  • [48]
    Le Soir, 16 février 1993.
  • [49]
    La Libre Belgique, 17 février 1993.
  • [50]
    Reportée deux fois en raison de la situation politique, cette conférence a finalement lieu le 12 mai 1993.
  • [51]
    Le Peuple, 17 février 1993.
  • [52]
    Conseil central de l’économie, A vis et rapport relatifs à la position compétitive de la Belgique établis en application de la loi du 6 janvier 1989,12 mars 1993.
  • [53]
    La Libre Belgique, 18 mars 1993.
  • [54]
    Tandis que le SP et le PSC ne s’opposent pas au cumul de ces mesures générales.
  • [55]
    Citations extraites de La Libre Belgique, 24 mars 1993 et du Peuple, 25 mars 1993.
  • [56]
    Le Soir, 25 mars 1993.
  • [57]
    Ce qui pose des problèmes, notamment en matière de chômage, la concertation entre les interlocuteurs sociaux et le ministre de l’Emploi et du Travail ne débouchant pas sur un consensus.
  • [58]
    Cette dernière s’inscrivant dans une perspective européenne. A noter que le FEB, qui estime le montant de 8 à 10 milliards insuffisant, considère que l’impact de ces moyens de financement sur l’index serait nuisible (répercussions sur les coûts salariaux) et demande qu’il soit neutralise. Position que les organisations syndicales contestent.
  • [59]
    A l’exception du Vlaams Blok, du Front national et des élus des listes Rossem.
  • [60]
    La Libre Belgique, 31 décembre 1992.
  • [61]
    Ibidem.
  • [62]
    Serge Govaert, “Le débat sur le verzuiling en Flandre”, Courrier hebdomadaire du CRISP, n 1329, 1991.
  • [63]
    Ecolo n’a pas signé cette Charte mais s’est engagé à la respecter.
Pierre Blaise
Evelyne Lentzen
Les préoccupations budgétaires sont au coeur des politiques gouvernementales depuis de nombreuses années. Elles constituaient la priorité des gouvernements sociaux-chrétiens-libéraux (de 1981 à 1987) et les coalitions sociales-chrétiennes-socialistes (avec la Volksunie jusqu'en 1991) qui leur succèdent continuent à leur donner un caractère central parallèlement aux questions institutionnelles […]
Mis en ligne sur Cairn.info le 13/07/2014
https://doi.org/10.3917/cris.1405.0001
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