CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1Organe institué par la Constitution, la Cour des comptes est chargée d’exercer, pour le Parlement, le contrôle externe sur les dépenses de l’Etat, des provinces, des régions, des communautés et d’un certain nombre d’organismes publics.

2Trois missions spécifiques lui sont dévolues : une mission de contrôle administratif de l’exécution des budgets, une mission juridictionnelle portant sur la gestion des comptables publics et une mission d’information à l’égard du Parlement. L’action administrative de la Cour des comptes porte sur la légalité (réalité et conformité avec les lois et règlements) et la régularité (imputation correcte et existence d’un crédit suffisant) des dépenses publiques avant leur liquidation.

3Même s’il en fut, à diverses reprises, question [1], la Cour des comptes n’a pas compétence pour apprécier l’opportunité des dépenses publiques. Ce contrôle de l’opportunité des dépenses publiques a été confié à l’Inspection des finances, créée par arrêté royal en juin 1938. Exercé avant l’engagement des dépenses par un corps rattaché à l’administration des Finances et en collaboration avec le pouvoir politique, ce contrôle est axé sur le rendement, l’efficience et la conformité des dépenses aux objectifs économiques et sociaux tracés par le gouvernement.

4C’est principalement au travers des dispositions constitutionnelles et légales - et de leurs limites - que sont présentées, dans ce Courrier hebdomadaire, les trois missions dévolues à la Cour des comptes. Cette partie succède à une évocation de l’origine d’une telle institution et de l’évolution légistique la concernant, notamment dans le cadre des réformes institutionnelles successives et à une présentation de la composition actuelle de la Cour et de ses services.

1 – Création

5La plus ancienne Cour des comptes de nos régions date de l’époque bourguignonne. Elle fut créée en 1386 à Lille par Philippe le Hardi et avait compétence en matière domaniale et pour recevoir et vérifier les justifications à présenter par les receveurs généraux et particuliers.

6En 1404, Antoine de Bourgogne créa à Bruxelles une Chambre des comptes pour le Brabant.

7En 1735, les deux Chambres de Bruxelles et de Lille furent fusionnées par décret de Charles d’Autriche et leur siège fut installé à Bruxelles.

8Par décret de 1787, Joseph II étendit le contrôle de la Chambre des comptes aux communes, aux fondations et aux organismes de droit public. La Chambre des comptes bénéficiait dès cette époque, dans une certaine mesure, d’un droit de contrôle préalable.

9En 1795, la Belgique fut annexée à la France et la législation en vigueur dans ce dernier pays lui fut appliquée dans sa totalité à partir de décembre 1796. La loi du 16 septembre 1807 créa une Cour des comptes unique pour l’ensemble de la France.

10En 1814, Guillaume Ier créa, par décret du 12 août 1814, une Chambre des comptes pour les Provinces belges fraîchement annexées.

11Sur base de la Constitution du 24 avril 1815, Guillaume Ier institua, par la loi du 21 juin 1820, une Chambre des comptes unique pour l’ensemble des Provinces du Sud et du Nord.

12Après la Révolution belge de 1830, le Congrès national créa par décret du 30 décembre 1830 une Cour des comptes avant même la promulgation de la Constitution. "Dans un rapport remarquable, M. De Meulenaere a exposé, au cours de la réunion du Congrès du 23 décembre 1830, les raisons pour lesquelles une Cour des comptes a été instituée par le Congrès National avant même la promulgation de la Constitution… On a souligné la nécessité impérieuse d’un tel contrôle des deniers de l’Etat…" [2].

13Les premiers membres de la Cour furent désignés le 6 janvier 1831 par le Congrès national. La Cour fut installée officiellement le 15 janvier 1831.

14Un article 116 fut inséré dans la Constitution, il définit les attributions de la Cour. Il est libellé comme suit : "Les membres de la Cour des comptes sont nommés par la Chambre des représentants et pour le terme fixé par la loi. Cette Cour est chargée de l’examen et de la liquidation des comptes de l’Administration générale et de tous comptables envers le Trésor public. Elle veille à ce qu’aucun article des dépenses du budget ne soit dépassé et qu’aucun transfert n’ait lieu. Elle arrête les comptes des différentes administrations de l’Etat et est chargée de recueillir à cet effet tout renseignement ou toute pièce comptable nécessaire. Le compte général de l’Etat est soumis aux Chambres avec les observations de la Cour des comptes. Cette Cour est organisée par une loi".

15La loi organique de la Cour des comptes a été votée le 29 octobre 1846 [3], elle remplace les dispositions contenues dans le décret du Congrès national de décembre 1830.

16Par la loi provinciale du 30 avril 1836, les budgets des provinces sont soumis aux mêmes règles de comptabilité et de contrôle que le budget de l’Etat. Le législateur a alors chargé la Cour des comptes du contrôle des dépenses des provinces.

17La compétence de la Cour des comptes a été, par la suite encore, étendue par le législateur :

  • à certains organismes d’intérêt public, par la loi du 16 mars 1954 ;
  • aux entreprises d’Etat, par les articles 33 à 64 de la loi organique du 28 juin 1963 ;
  • aux services de l’Etat à gestion séparée, par l’article 65 de la loi organique du 28 juin 1963.

18La compétence octroyée par ces lois à la Cour des comptes tient compte de la nature spécifique de ces organismes.

19La compétence de la Cour des comptes a été adaptée à l’évolution institutionnelle ; l’article 13 de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 reconnaît à la Cour des comptes compétence à l’égard des Communautés et des Régions. De plus, les lois sur la comptabilité de l’Etat sont d’application pour les budgets des Communautés et des Régions. Les modalités de l’exercice des missions de la Cour des comptes à l’égard de ces assemblées sont identiques à celles explicitées ci-dessous à l’égard du Parlement national.

20La loi spéciale de financement du 16 janvier 1989 réaffirme l’application des lois sur la Cour des comptes du 29 octobre 1846 et les lois sur la comptabilité de l’Etat du 15 mai 1846 et du 28 juin 1963 aux Communautés et aux Régions. Il ressort de l’esprit et des objectifs de cette loi que chaque Chambre de la Cour n’est compétente que pour la Région ou la Communauté du même régime linguistique. La loi spéciale du 16 janvier 1989 laisse ouverte, en son article 50, la possibilité de créer des lois budgétaires régionales et communautaires.

2 – Organisation

Dénomination et statut

21L’organisme belge a reçu le nom de "Cour" parce qu’il prononce, comme les cours et tribunaux, des arrêts exécutoires et peut même infliger des amendes, mais aussi parce que "la dénomination peut contribuer à relever et à ennoblir une institution aux yeux du public" [4].

22Toutefois, la Cour des comptes n’est pas un organisme de l’ordre judiciaire, mais une émanation du pouvoir législatif. Cette conception a prévalu en réaction à la dépendance - et aux abus que telle situation pouvait permettre - dans laquelle se trouvaient les Cours des comptes sous les régimes français et hollandais et en raison du fait que "le contrôle externe trouve son fondement dans le droit qu’ont les représentants de la Nation d’établir les impôts et d’en régler l’affectation".

23La Cour des comptes fait fonction d’organisme délégué par la Chambre des représentants dans le but de contrôler les finances publiques.

24Le Parlement a surtout pour tâche d’exercer un contrôle politique ; la Cour des comptes, pour sa part, exerce un contrôle financier et ce pour le compte du Parlement.

25C’est ce dont témoignent les liens que la Constitution et la loi organique de la Cour des comptes ont tissés entre cette dernière et la Chambre des représentants :

  • nomination des membres de la Cour des Comptes par la Chambre des représentants (article 116 de la Constitution) ;
  • approbation par la Chambre des représentants du règlement d’ordre intérieur de la Cour des comptes (article 20 de la loi du 29 octobre 1846) ;
  • recours à la Commission ad hoc en cas de cassation des arrêts de la Cour des comptes (article 13 de la loi du 29 octobre 1846) ;
  • transmission aux Chambres du Cahier d’observations, ainsi que du compte général de l’Etat (article 116 de la Constitution) ;
  • exposés à la Chambre en cas d’application de l’article 14 de la loi organique (article 14 de la loi du 29 octobre 1846) ;
  • exposés à la Chambre en cas d’application de l’article 24 de la loi sur la comptabilité de l’Etat (article 24 de la loi du 28 juin 1963) ;
  • communications particulières et participation aux commissions parlementaires ;
  • examen des projets de budgets ;
  • contrôle du Bureau de la Chambre sur le statut du personnel de la Cour des comptes.

26Bien que le lien semble plus étroit avec la Chambre des représentants, il convient d’observer que la Cour des comptes exerce son droit de contrôle au nom des deux assemblées. Elle communique ses observations à la Chambre comme au Sénat.

Composition

27Contrairement à certaines Cours des comptes étrangères, la Cour des comptes belge dispose d’une structure collégiale.

28Elle se compose de deux Chambres, une francophone et une néerlandophone qui comptent chacune un président, quatre conseillers et un greffier [5].

29Les affaires qui doivent être traitées en langue néerlandaise en application de l’arrêté royal du 18 juillet 1966 portant coordination des lois sur l’emploi des langues en matière administrative sont soumises à la Chambre néerlandaise, celles qui doivent être traitées en langue française sont soumises à la Chambre française.

30Toutefois, certaines compétences attribuées à la Cour par la Constitution et la loi relèvent de l’assemblée générale. C’est ce qui ressort de l’article 4 de la loi du 29 octobre 1846 : "La présence de la majorité des membres de la Cour est requise pour arrêter ou clore les comptes".

31C’est également dans les compétences de l’assemblée générale de traiter de toutes les affaires qui ne relèvent pas directement de l’une ou l’autre Chambre ; d’examiner toute proposition comportant un changement de jurisprudence ou une interprétation d’une loi ou d’un arrêté d’exécution ; de rédiger le Cahier d’observations et des documents soumis aux Chambres législatives, d’élaborer le budget de la Cour et d’approuver ses comptes, de prendre toute décision concernant la politique générale, la direction et la gestion de l’institution,…

32Le président le plus ancien porte le titre de premier président, le greffier le plus ancien celui de greffier en chef.

33Les greffiers n’ont pas voix délibérative. Dans les cas où la Cour des comptes agit en tant qu’organe juridictionnel, c’est le plus jeune des conseillers qui exerce les fonctions de ministère public.

34Les présidents, conseillers et greffiers sont attachés à la Chambre pour laquelle ils ont été désignés par la Chambre des représentants. Les conseillers prennent rang d’après l’ordre de leur nomination. Le président de chaque Chambre répartit les conseillers en deux sections dont la composition change périodiquement de telle manière qu’un conseiller collabore successivement pendant six mois avec chacun de ses trois collègues.

35La loi organique du 29 octobre 1846 précise que les membres de la Cour des comptes "sont nommés tous les six ans par la Chambre des représentants, qui a le droit de les révoquer" (art. 1). Ils sont donc nommés pour un terme de six années, renouvelable jusqu’à 70 ans.

36Une condition d’âge minimum est mise à l’accès aux postes de président et de conseiller (30 ans) et au poste de greffier (25 ans). Aucune condition de diplôme n’est exigée.

37Pour garantir l’impartialité et l’indépendance des membres, le législateur a introduit différentes incompatibilités :

  • les membres ne peuvent être parents ou alliés entre eux jusqu’au quatrième degré inclusivement ;
  • ils ne peuvent, lors de leur première nomination, être parents ou alliés, jusqu’au quatrième degré inclusivement, d’un ministre ou d’un chef d’administration générale ;
  • ils ne peuvent être membres de l’une ou de l’autre Chambre législative ;
  • ils ne peuvent remplir aucun emploi auquel est attaché un traitement ou une indemnité sur les fonds du Trésor ;
  • ils ne peuvent être directement ou indirectement intéressés ou employés dans une entreprise ou affaire sujettes à comptabilité envers l’Etat ;
  • ils ne peuvent délibérer ni décider sur des affaires qui les concernent personnellement ou dans lesquelles leurs parents ou alliés jusqu’au quatrième degré sont intéressés ;
  • il leur est interdit d’exercer soit personnellement, soit sous le nom de leur épouse ou par toute autre personne interposée, aucune espèce de commerce, d’être agent d’affaires ou de participer à la direction ou à l’administration de toute société ou établissement industriel.

38Les règles relatives au traitement des membres de la Cour des comptes sont fixées par la loi du 14 mars 1975.

39Dans les faits, les membres de la Cour sont issus, à quelques exceptions près, d’un processus de promotion interne à l’institution. Le maintien d’un certain équilibre entre les principales forces politiques représentées au Parlement est de plus observé dans la composition de la Cour (y compris les deux greffiers). Cet équilibre s’établit aujourd’hui pour la Chambre française à 2 PS, 2 PSC et 2 PRL et pour la Chambre néerlandaise à 2 CVP, 2 PVV, 1 SP et 1 VU.

40La composition actuelle de la Cour est la suivante :

  • premier président : Jerom Van de Velde (CVP) ;
  • président : Richard Leclercq (PS) ;
  • conseillers : R. Defossé (PSC), R. Farazijn (SP), Fl. Smets (PVV), Fr. Van Stapel (PVV), J. Beckers (CVP), W. Dumazy (PS), J. Thirion (PRL), R. Camus (PSC) ;
  • greffier en chef : Lucien Randoux (PRL) ;
  • greffier : Frans Van Den Heede (VU).

41Le premier président et le président sont chacun assistés par un directeur de cabinet et un directeur adjoint.

Les services

42Les Services de la Cour sont structurés, depuis 1972 et conformément aux conclusions d’un rapport d’audit effectué à l’époque par la Fondation Université Travail, en sept secteurs :

  • secteur 1 : affaires générales (études, documentation, informatique, personnel, comptabilité, etc.) ;
  • secteur 2 : contrôle des budgets économiques et sociaux (nationaux) ;
  • secteur 3 : contrôle des budgets des départements dits d’autorité (Intérieur, Justice, Finances, etc.) ainsi que préparation des dossiers relevant, notamment, de l’exercice de la mission juridictionnelle de la Cour ;
  • secteur 4 : contrôle des budgets dits d’équipement (Travaux publics, Communications, Défense Nationale) ;
  • secteur 5 : contrôle des budgets de l’Enseignement et des Provinces ;
  • secteur 6 : contrôle des dépenses liées aux traitements et aux pensions à charge du Trésor ;
  • secteur 7 : contrôle des budgets communautaires et régionaux.

43Chaque secteur comprend une direction de rôle linguistique français et une direction de rôle linguistique néerlandais. Chaque direction, placée sous l’autorité d’un directeur, est elle-même divisée en trois ou quatre services pris en charge par des réviseurs.

Le personnel

44C’est la Cour qui recrute, nomme et révoque le personnel occupé dans ses services. C’est également elle qui en fixe le statut, après approbation par le bureau de la Chambre.

45Le recrutement se fait par concours. Celui qui concerne les auditeurs, est organisé tous les deux ou trois ans et est considéré comme un des plus exigeants de la Fonction publique. Le cadre de niveau 1 se compose de 14 directeurs, 42 réviseurs, 220 auditeurs (premiers auditeurs, auditeurs et auditeurs-adjoints) et 32 traducteurs et informaticiens. Les cadres de niveau 2, 3 et 4 se composent de 160 agents, dont 126 vérificateurs (niveau 2).

46On relèvera, comme particularité du statut du personnel, que les décisions disciplinaires ne sont pas susceptibles d’appel.

47Légèrement supérieurs aux barèmes de la Fonction publique classique, les traitements annuels bruts, hors primes et indemnités particulières, varient selon l’ancienneté de 1,68 à 2,22 millions pour les directeurs, de 1,24 à 1,84 million pour les réviseurs, de 0,96 à 1,73 millions pour les auditeurs, de 0,62 à 1,24 million pour les différents grades de niveau 2.

48Lors de chaque constitution d’équipes ministérielles, de nombreux auditeurs sont sollicités pour faire partie des cabinets. En vue d’éviter une désorganisation des services de la Cour, le bureau de la Chambre a fixé un plafond à ces détachements, qui ne peuvent désormais excéder le nombre de dix par rôle linguistique. Le passage par un cabinet ministériel est aujourd’hui considéré, de facto, comme une condition nécessaire à la nomination comme membre de la Cour.

49Une réorganisation des structures de la Cour est attendue.

Le budget

50Le budget de la Cour des comptes fait partie du budget général. En 1990, il s’élève à BEF 979 millions.

3 – Compétences

51L’essentiel des compétences attribuées légalement [6] à la Cour des comptes sont d’ordre administratif : elles sont concentrées sur le contrôle des dépenses et des recettes de l’Etat, des Communautés et des Régions, des Provinces ainsi que de divers organismes d’intérêt public qui en dépendent. Elle exerce également une mission d’ordre juridictionnel : il lui incombe de statuer sur la responsabilité des comptables et des ordonnateurs. La Cour a enfin pour tâche d’informer les assemblées législatives sur différents aspects de l’exécution des budgets.

Les compétences administratives

52Le contrôle exercé par la Cour des comptes sur l’exécution des budgets porte à la fois sur les dépenses et les recettes qui y sont portées.

Les dépenses

53Aux termes de la loi du 15 mai 1846 sur la comptabilité de l’Etat, applicable également aux Communautés et Régions, "aucune sortie de fonds ne peut se faire (…) sans le visa préalable de la Cour des comptes". La même règle est reprise dans la loi organique de la Cour des comptes qui stipule qu’"aucune ordonnance de paiement n’est acquittée par le Trésor qu’après avoir été munie du visa de la Cour des comptes".

54Le contrôle exercé à ce stade est un contrôle de légalité, de régularité et de réalité, et non d’opportunité, ce dernier étant l’apanage de l’Inspection des finances. Il est étendu, dans des cas limités, à l’efficacité de la gestion administrative et notamment du contrôle interne, sans qu’à cet égard, la Cour des comptes de Belgique dispose de la liberté de manœuvre à laquelle peuvent prétendre ses homologues étrangères.

55Lorsque la Cour refuse son visa, le ministre concerné a le choix, selon la nature du dossier, entre deux attitudes :

  • ou bien il se rallie aux observations de la Cour, ce qui débouche soit sur une annulation de la dépense soit sur une modification du projet dans un sens conforme à l’observation de la Cour ;
  • ou bien il maintient son point de vue et transmet l’affaire au Conseil des ministres (à l’exécutif), lequel peut contraindre la Cour à "viser avec réserve" la dépense litigieuse ; dans cette hypothèse, la Cour communique les éléments du dossier aux Chambres (aux Conseils).

56Toutes les dépenses ne donnent pas lieu à l’émission de paiement soumises au visa préalable de la Cour des comptes. C’est le cas, plus particulièrement :

  • des "menues dépenses", en principe inférieures à 100.000 BEF, payées par les comptables au moyen des avances de fonds qui leur sont régulièrement accordées par voie d’ordonnances ordinaires ;
  • des dépenses dites fixes, c’est-à-dire les traitements et les pensions à charge du Trésor ;
  • des dépenses payées à charge de certains crédits repris à la section particulière du budget ;
  • des dépenses payées sur "ouverture de crédit" après accord de principe de la Cour, qui peut à tout moment retirer son autorisation ;
  • des dépenses des organismes d’intérêt public.

57L’absence de visa préalable ne signifie pas l’absence de contrôle dans le chef de la Cour. Le contrôle s’opère alors a posteriori, par exemple lors de l’examen des comptes des comptables et des organismes d’intérêt public ou encore lors de la présentation des ordonnances de régularisation des opérations effectuées.

58En principe, la vérification des dépenses s’effectue dans les bureaux de la Cour, sur la base des pièces justificatives transmises à l’appui des ordonnances de paiement. La surveillance des organismes d’intérêt public a cependant donné lieu à la mise en œuvre d’une procédure de contrôle sur place, prévue d’ailleurs dans plusieurs lois ou dans des protocoles conclus entre la Cour et les organismes concernés. Ce contrôle sur place a été progressivement étendu, pour des raisons de commodité, à diverses administrations.

59Une controverse a longtemps opposé la Cour des comptes et divers organismes à caractère financier sur la compétence de la Cour à leur égard. Le litige a débouché sur la conclusion de protocoles d’accord organisant, dans certaines limites, le contrôle de la SNI, de la SRIW et de la SRIB ; le cas de la GIMV est toujours pendant [7].

60Une procédure dite du visa provisoire a été introduite lors de la récente réforme de la législation sur la comptabilité de l’Etat. L’objectif poursuivi est de mettre un terme à la pratique - illégale - des paiements directs effectués par le biais d’un compte particulier de la Trésorerie (le "compte 1090"). La loi du 28 juin 1989 prévoit que, dans des cas exceptionnels, où "l’urgence extrême est d’un degré tel que le paiement ne peut souffrir aucun délai à peine de préjudice grave", le Conseil des ministres - ou, lorsque celui-ci ne peut se réunir en temps utile, le ministre des Finances et le ministre du Budget - peut, par décision motivée transmise simultanément aux Chambres et à la Cour, requérir de cette dernière un visa provisoire. Le Contrôle de la Cour des comptes, qui fera l’objet d’une communication spéciale aux Chambres, ne portera dans ce cas et dans un premier temps que sur l’exactitude de la créance (le montant et l’identité du demandeur) et sur la légitimité du recours à cette procédure. L’examen de la légalité et de la régularité de la dépense sera effectué ultérieurement lors du visa définitif. Il est encore trop tôt pour mesurer la portée précise de cette réforme.

Les recettes

61Dans son 142ème Cahier d’observations, la Cour des comptes a attiré l’attention du Parlement sur la situation particulière existant en matière de contrôle des recettes de l’Etat.

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"Aux termes de l’article 116 de la Constitution, la Cour des comptes est chargée de l’examen et de la liquidation des comptes de l’administration générale et de tous comptables envers le Trésor public. Elle arrête les comptes des différentes administrations de l’Etat et est chargée de recueillir à cet effet tout renseignement et toute pièce comptable nécessaires.
Les mêmes dispositions sont reprises dans l’article 5 de la loi du 29 octobre 1846, organique de la Cour, qui ajoute que cette Cour a le droit de se faire fournir tous états, renseignements et éclaircissements relatifs à la recette et à la dépense des deniers de l’Etat et que l’autorité compétente est tenue de transmettre les documents, renseignements et éclaircissements réclamés par la Cour.
Ces dispositions visent aussi bien les recettes que les dépenses de l’Etat et tant le constituant que le législateur n’ont fait aucune distinction entre ces deux formes d’opérations financières, dont l’ensemble constitue le compte général de l’Etat.
Or, si la Cour des comptes a, de tout temps, été mise en mesure d’exercer un contrôle de la légalité et de la régularité de toutes les dépenses de l’Etat, il n’en est pas de même pour les recettes des administrations fiscales. En effet, ces administrations ne peuvent pas se dessaisir des dossiers relatifs à l’établissement et la perception des recettes fiscales sans compromettre leur organisation et leur documentation administratives qui constituent la base essentielle de leur fonctionnement. De ce fait, la Cour a forcément dû restreindre la portée du contrôle des recettes à la constatation de celles-ci dans les comptes des comptables que les administrations des recettes fiscales transmettent chaque année à son collège.
Cependant, un élément nouveau est intervenu, en ce qui concerne les modalités d’exécution du contrôle de la Cour des comptes, par l’approbation de la loi du 17 juin 1971 en vertu de laquelle la Cour peut organiser un contrôle sur place.
Aussi, la Cour s’est-elle fixée pour objectif depuis quelques années, d’obtenir que son contrôle externe des recettes fiscales puisse s’opérer sur place.
Par lettre du 17 juin 1981 adressée au ministre des Finances, la Cour a invoqué sa mission constitutionnelle de contrôle des recettes et a exprimé le souhait d’approfondir son contrôle sur la perception des recettes par l’administration des contributions directes, en l’exerçant dans les bureaux de cette administration.
La Cour a précisé à cette occasion que le contrôle qu’elle se proposait d’exercer se situe à un niveau supérieur portant essentiellement sur l’application de normes générales ou catégorielles, sans intervenir directement dans les situations individuelles. Ses investigations seraient effectuées par un nombre limité d’agents en collaboration avec les délégués de l’administration et de manière telle qu’il ne soit porté aucune atteinte aux prérogatives et aux activités normales des services concernés".

63Une discussion s’est engagée à ce propos avec le ministre des Finances. Pour ce dernier, le seul contrôle que puisse exercer la Cour en matière de recettes fiscales est un contrôle essentiellement comptable portant uniquement sur les opérations de recouvrement ; tout contrôle des opérations se situant à un stade antérieur au recouvrement impliquerait une extension des compétences de la Cour et donc une modification de la loi organique et une révision de l’article 116 de la Constitution.

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"Il ressort en effet des articles 115 et 116 de la Constitution et de l’article 5 de la loi organique précitée qu’indéniablement, la Cour dispose du contrôle de la régularité des dépenses publiques ; par contre, les attributions de la Cour en ce qui concerne le contrôle des recettes ne sont pas aussi nettement déterminées.
Cette opinion se trouve corroborée par le fait que plusieurs propositions de loi ont été déposées devant le Parlement, en vue de modifier la loi organique de la Cour en y insérant des dispositions qui, d’une part, visent à accroître son efficacité par l’instauration d’un contrôle sur place, et d’autre part, prévoient expressément le contrôle des recettes.
Le premier des objectifs envisagés ci-avant a été réalisé par la loi du 17 juillet 1971 modifiant l’article 5 de la loi organique de la Cour des comptes en instaurant le contrôle sur place ; mais les travaux préparatoires de cette loi soulignent expressément que le but poursuivi ne tend en aucune manière à élargir les attributions de la Cour.
Par contre, en ce qui concerne le second objectif, à savoir précisément cette extension de compétence en matière de recettes, la constitutionnalité d’une telle mesure a été sérieusement mise en doute lors de l’examen des propositions de loi susvisées, dont l’effet aurait été d’élargir le contrôle de la Cour au-delà des pouvoirs qu’elle détient en application de l’article 116 de la Constitution, alors qu’une telle extension requiert nécessairement une révision de cette disposition.
Toutes les modifications de compétence de la Cour, existantes ou en projet, que nous avons passées en revue, ne sont possibles qu’en sollicitant abusivement le prescrit constitutionnel. Une situation saine pourrait être retrouvée en modifiant l’alinéa 2 de l’article 116.
Lors de l’examen d’un projet et de propositions de déclaration concernant la révision de la Constitution, le problème a d’ailleurs été soulevé et la Commission spéciale constituée à cette occasion a adopté un amendement de M. Parisis tendant à modifier l’article 116 al. 2 précité de manière à étendre, sans contestation possible, le contrôle de la Cour sur toutes les opérations financières effectuées par l’Etat ou pour son compte et par les organismes publics ou parastataux relevant de l’Etat.
Le 6 avril 1965, les Chambres ont déclaré qu’il y avait lieu à révision de l’article 116, al. 2 de la Constitution [8].
La Commission susvisée avait préparé un texte suffisamment large pour couvrir toutes les opérations de recettes à tous les stades, si telle était la volonté ultérieure du législateur, et suffisamment souple pour permettre à la loi de préciser les modalités de contrôle à exercer par la Cour, c’est-à-dire le degré d’investigation que comporte son contrôle administratif (voir le rapport n° 2 établi le 9 septembre 1966 par le Groupe de travail chargé d’examiner la révision des articles 115 et 116 de la Constitution p. 13 ; ce groupe de travail, placé sous la présidence de M. le Secrétaire général du Ministère des Finances, était composé de délégués de la Cour des comptes, du Ministère de l’Intérieur, des services du Premier ministre et des administrations des Finances).
Par suite de la dissolution des Chambres intervenue le 29 septembre 1971, l’article 116, al. 2 susdit n’a pu être révisé.
On doit conclure de ce qui précède que le Parlement lui-même a reconnu, qu’à défaut de modification de cette disposition constitutionnelle, allant de pair avec une adaptation de la loi organique de la Cour des comptes, le contrôle des recettes exercé par la Cour ne pouvait être étendu aux opérations qui se situent à un stade antérieur à celles du recouvrement".

65La discussion se poursuivit entre la Cour des comptes et le ministre des Finances sans qu’une solution soit trouvée, la controverse ne pourra être définitivement réglée qu’à l’intervention du législateur.

66En son temps, F. Amerijckx décrivait comme suit le contrôle sur les recettes :

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"Il convient de faire remarquer que le contrôle des recettes n’est pas permanent, étant donné que la Cour - sauf cas d’exception - n’est mise qu’annuellement en possession des justificatifs nécessaires et que ce contrôle, en outre, contrairement à ce qui est en principe le cas pour les dépenses, se fait toujours ‘a posteriori’. Pour examiner l’exactitude, la légalité et la régularité des recettes, la Cour dispose donc du matériel de vérification transmis par l’administration et s’en remet principalement aux rapports ou déclarations des fonctionnaires responsables chargés de la surveillance visés à l’article 14 de la loi du 15 mai 1846 : ces derniers apposent leur contreseing au compte, à la situation de caisse, au procès-verbal de vérification approfondie, etc." [9].

Les compétences juridictionnelles

68Les comptables, autrement dit les agents de la fonction publique qui, à un titre ou à un autre, manient des deniers publics, sont personnellement et pécuniairement responsables :

  • du recouvrement des sommes, valeurs et droits dont la perception leur est confiée ;
  • de la conservation de ces fonds ;
  • de la régularité du paiement des dépenses auquel ils procèdent.

69Indépendamment des actions disciplinaires et des actions civiles et pénales qui peuvent être engagées, ces comptables sont justiciables devant la Cour des comptes qui, le cas échéant, pourra être amenée à les condamner au comblement du déficit constaté et au paiement d’amendes.

70Les arrêts rendus dans ce cadre sont exécutoires au même titre que les arrêts et jugement des cours et tribunaux de l’ordre judiciaire. Ils ne sont pas susceptibles d’appel, mais peuvent être déférés à la Cour de cassation pour violation de la loi ou des formes légales. Si l’arrêt est cassé, l’affaire est renvoyée à une commission ad hoc constituée au sein de la Chambre des Représentants et jugeant sans recours ultérieur.

71La compétence juridictionnelle de la Cour des comptes a été étendue aux ordonnateurs-délégués, c’est-à-dire les personnes désignées par le ministre pour engager, liquider ou ordonner le paiement d’une dépense à charge du Trésor. Ces ordonnateurs-délégués sont justiciables devant la Cour du chef des dépenses engagées en violation d’une disposition légale et qui ont causé un dommage au Trésor. Si l’hypothèse se vérifie, il incombera à la Cour d’arrêter les sommes à recouvrer à charge de l’ordonnateur délégué en cause, de lui infliger une amende et même, le cas échéant, de provoquer sa suspension ou sa destitution. Ces ordonnateurs-délégués ne disposent d’aucune voie de recours contre les arrêts de la Cour des comptes. Cette procédure n’a été qu’exceptionnellement mise en œuvre.

72La Cour des comptes est également compétente pour prononcer certaines sanctions à l’égard des contrôleurs des engagements qui n’auraient pas transmis à la Cour, dans les délais prescrits, les relevés des engagements qui servent de base à l’établissement du compte d’exécution du budget.

La mission d’information

73Le régime constitutionnel de la Belgique attribue au Parlement un rôle déterminant en matière budgétaire puisqu’il lui appartient de voter l’impôt, d’approuver les budgets et d’arrêter la loi de comptes. C’est dans cette perspective que la Cour des comptes, organe collatéral du Parlement, est amenée à jouer un rôle essentiel de conseiller budgétaire des Chambres, rôle récemment renforcé lors de la réforme des budgets et de la comptabilité de l’Etat (loi du 28 juin 1989).

74Cette mission d’information trouve à s’appliquer à tous les stades de la procédure budgétaire.

75Lors de l’élaboration du budget, des délégués de la Cour des comptes sont parfois invités à participer aux réunions de travail préparatoires aux côtés des représentants des cabinets et des administrations. Cette collaboration informelle, qui reste limitée à des cas exceptionnels (la Région wallonne notamment), débouche le cas échéant sur des observations transmises en même temps que les projets de budget aux membres des commissions parlementaires concernées. La présence de membres ou de délégués de la Cour des comptes aux séances de travail de ces commissions est même organisée dans certains cas.

76La Cour des comptes est aujourd’hui légalement invitée à assister le Parlement lors de l’examen des projets de budget. Elle a plus précisément reçu pour mission d’étudier la conformité des budgets administratifs au budget général des dépenses [10]. Elle s’attache notamment, dans ce cadre, à rechercher les sous-estimations importantes des crédits et à apprécier le volume des allocations de base au regard des lois organiques et des objectifs que le gouvernement s’est fixés dans le budget. La Cour des comptes fait part de ses observations aux Chambres dans les jours qui suivent le dépôt du projet de budget général. Elle procède également, le moment venu, à l’analyse de la conformité des budgets administratifs au budget général des dépenses.

77S’agissant de l’exécution des budgets, la mission de la Cour des comptes, déjà esquissée dans la Constitution, consiste :

  • à rendre immédiatement compte aux Chambres des motifs qui l’ont amenée à refuser de munir de son visa une ordonnance, lorsque ce refus a déclenché une procédure de "visa avec réserve" ;
  • à avertir les Chambres de l’inexistence de "la condition d’urgence amenée par des circonstances exceptionnelles ou imprévisibles" que le gouvernement invoque pour prendre une délibération augmentant certains crédits budgétaires ;
  • à transmettre aux Chambres toute observation utile portant sur les délibérations prises par le gouvernement dans le cadre des paiements d’extrême urgence assortis du "visa provisoire".

78Après clôture du budget, la Cour des comptes est chargée de transmettre aux Chambres législatives, dans le courant de mai, une situation provisoire de l’exécution du budget de l’année précédente. Cette situation consiste en une préfiguration des résultats de l’exécution du budget et peut déboucher, le cas échéant, sur l’adoption par les Chambres d’une motion motivée de règlement provisoire dudit budget.

79La tâche essentielle de la Cour reste cependant, à ce niveau, la formulation des observations relatives au compte général de l’Etat [11]. On sait que, depuis de nombreuses années, le compte général de l’Etat est transmis à la Cour des comptes avec un retard important. C’est ainsi qu’à la fin de l’année 1989, le dernier compte complet qu’elle avait reçu concernait l’exercice budgétaire 1984. Des dispositions ont été prises dans le cadre de la réforme de la comptabilité de l’Etat de juin 1989 en vue d’amener le gouvernement à déposer son projet de loi de compte au plus tard à la fin du mois de septembre de l’année qui suit l’exercice budgétaire concerné.

80L’examen des comptes des organismes d’intérêt public débouche également, le cas échéant, sur la communication aux Chambres des remarques importantes auxquelles il a donné lieu.

81L’essentiel des observations transmises au Parlement et aux Conseils au cours de chaque session est consigné dans un rapport d’activité rédigé par la Cour des comptes et intitulé Cahier de la Cour des comptes, observations et documents soumis aux Chambres législatives. Plus connu sous le nom de Cahier d’observations [12], ce rapport, qui est un document de la Chambre des représentants, se compose de plusieurs fascicules.

82Le premier, lui-même divisé en plusieurs volumes (un pour l’Etat et les provinces, un pour la Communauté flamande, un pour la Région wallonne, un pour la Région de Bruxelles-capitale et un pour la Communauté germanophone), porte à la fois sur la mission juridictionnelle de la Cour des comptes, sur le compte général de l’Etat et sur les différends surgis entre la Cour des comptes et le gouvernement (aussi bien ceux ayant débouché sur la mise en œuvre de la procédure du visa avec réserve et ceux ayant trait à des points de droit ou de fait importants). On trouve également dans ce fascicule 1er des études théoriques relatives à certains aspects du droit budgétaire : les subventions, le contrôle des organismes d’intérêt public, la réforme des budgets, la comptabilité de l’Etat, etc.

83Les autres fascicules (II à IV) reprennent en détail une série d’informations et de données chiffrées sur les organismes d’intérêt public et le compte général de l’Etat, des Communautés et des Régions.

84La publication du Cahier de la Cour des comptes s’accompagne depuis 1989 de séances d’information particulières organisées dans les locaux des Chambres et des Conseils.

85Le Cahier - ou, du moins, certaines questions importantes qui y sont traitées - fait l’objet aussi bien à la Chambre qu’au Sénat d’un examen approfondi mené par une sous-commission des Finances. Cet examen débouche parfois sur des propositions de réforme : ainsi, à l’occasion des 141ème et 142ème Cahiers, la sous-commission de la Chambre a demandé à la Cour des comptes d’élaborer un avant-projet de proposition de loi relatif aux délais à respecter en matière de retrait des actes administratifs et à leur conformité avec les exigences du contrôle externe.

4 – Rôle international

86Les Traités instituant les Communautés européennes et les textes réglementaires pris pour en assurer l’exécution, ont posé le principe d’une collaboration entre la Cour des comptes des Communautés européennes [13] et les Cours des comptes des Etats membres. Cette collaboration s’est notamment concrétisée dans la constitution d’un Comité de contact permanent des institutions concernées ainsi que dans l’organisation d’opérations de contrôle concertées portant sur l’utilisation des subventions versées aux entreprises et associations belges dans le cadre des "fonds structurels" (Fonds européen d’orientation et de garantie agricole-FEOGA, Fonds social européen-FSE, Fonds européen de développement régional-FEDER).

87La Cour des comptes de Belgique a également été chargée, à diverses reprises, du contrôle externe des dépenses de l’Organisation des Nations Unies-ONU et de divers organismes qui en dépendent (Unesco, FAO, Haut Commissariat aux réfugiés, etc.). Cette mission s’est traduite par la désignation de membres de la Cour des comptes dans plusieurs collège de commissaires ainsi que par le détachement, à titre permanent ou temporaire, d’un certain nombre d’auditeurs dans les institutions concernées. Des missions de même nature mais d’une ampleur plus restreinte ont été confiées à la Cour des comptes de Belgique dans le cadre de l’OTAN, d’Eurocontrole, de l’Union économique Benelux, etc.

88La Cour des comptes est également membre de l’Association des Institutions supérieures de contrôle des Finances publiques-INTOASI.

Conclusions

89Riche d’une longue tradition historique, la Cour des comptes est aujourd’hui confrontée à des évolutions et des défis nouveaux.

90Le lien privilégié entretenu de longue date avec le pouvoir législatif a été et demeure pour l’institution un facteur de prestige et d’autorité, mais ne la soustrait pas pour autant aux effets de l’évolution générale des rapports entre pouvoirs. Même lorsque le pouvoir législatif se voit reconnaître une prééminence de principe, c’est le pouvoir exécutif qui est davantage en fait le lieu crucial d’élaboration et d’arbitrage des décisions.

91En ce qui concerne plus particulièrement la Cour des comptes, les effets de cette évolution sont d’autant plus sensibles que le monde politique et les médias accordent la plus grande attention au processus d’élaboration des budgets et aux arbitrages qui y sont relatifs au sein des divers exécutifs. Il y a donc valorisation de l’établissement des prévisions des recettes et des dépenses publiques, offrant une traduction chiffrée des intentions gouvernementales et des compromis politiques intervenus. Le contraste est grand avec la discrétion avec laquelle est distillée l’information relative aux comptes de l’Etat, d’ailleurs souvent établis et communiqués avec un certain décalage dans le temps.

92Il est vrai que la comptabilité de l’Etat fait l’objet de préoccupation et à ce titre a donné lieu à diverses initiatives. L’approche budgétaire conserve néanmoins la priorité de l’urgence.

93Des raisons d’ordre comparable rendent compte du fait que les Cahiers d’observations de la Cour ne font l’objet que d’échos tout à fait ponctuels qui sont loin d’en épuiser la très grande richesse informative.

94L’accomplissement des diverses missions de la Cour des comptes requiert certes des conditions de travail peu propices aux valorisations dans les médias, mais cette discrétion même ne permet guère à l’opinion de mesurer l’efficacité de ses interventions.

95Enfin, la Cour des comptes, dont l’existence fut consacrée constitutionnellement dans un Etat régi par le principe de l’unité de législation, n’échappe pas au processus de diversification des sièges de décision caractéristique de l’époque et qui touche l’Etat belge à un double titre : celui de l’autonomie reconnue des Communautés et des Régions, d’une part, celui de sa participation à des ensembles supranationaux et internationaux, d’autre part. L’institution s’adapte, en termes d’organisation du travail et en termes de missions extérieures, à cette double évolution qui n’est pas arrivée à son terme à ce jour.

Notes

  • [1]
    P. Duvivier et L. Rœlants, L’intégration de l’inspection des finances dans les processus de décisions financières de l’Etat (réactions socio-politiques à l’introduction du contrôle d’opportunité des dépenses publiques), Courrier hebdomadaire du CRISP, No 441, 25 avril 1969, pp. 20-22.
  • [2]
    A. Vaernewyck, Het Rekenhof, Administratief Lexicon, Die Keure, 1961, pp.7-8.
  • [3]
    Moniteur belge, 1 novembre 1846. Le texte en langue néerlandaise a été établi par la loi du 27 avril 1978, Moniteur belge, 13 juin 1978 et 13 juillet 1978 (erratum).
  • [4]
    Rapport général sur le projet de décret sur l’établissement d’une commission provisoire de comptabilité nationale, Bulletin officiel, No 43, 1830.
  • [5]
    Le décret de 1830 avait prévu une seule Chambre de huit membres organisée, par un règlement intérieur d’avril 1831, en deux sections qui se partageaient les missions dévolues à la Cour. La loi du 4 juin 1921 avait, quant à elle, institué deux Chambres composées comme actuellement ; elles-mêmes divisées en deux sections investies des mêmes compétences que les sections antérieures. Enfin le règlement de la Cour a été adapté en juin 1935 aux dispositions légales en matière d’emploi des langues en matière administrative, les Chambres sont depuis lors composées linguistiquement.
  • [6]
    Voir notamment l’article 116 de la Constitution, la loi organique de la Cour des comptes du 29 octobre 1846 ainsi que les divers textes légaux régissant la comptabilité de l’Etat (15 mai 1846, 28 juin 1963 et 28 juin 1989).
  • [7]
    Voir, à cet égard, Diane Déom, Le statut juridique des organismes d’intérêt public, Ed. Story-Scienti, 1990.
  • [8]
    Moniteur belge, 17 avril 1965.
  • [9]
    F. Amerijckx, Het Rekenhof in België, Bruxelles, Ets. E. Bruylant, 1947, pp. 66-67.
  • [10]
    Rappelons que, depuis l’exercice budgétaire 1990, le budget de l’Etat se compose de : l’exposé général du budget (prévisions triennales des recettes et dépenses) ; le budget des voies et moyens (les recettes) ; le budget général des dépenses, divisé par départements et, à l’intérieur de chacun d’eux, par divisions organiques et par programmes (seuls les articles du budget général ont le caractère de crédits légaux) ; les budgets administratifs, propres à chaque département et dans lesquels les crédits légaux sont ventilés en allocation de base conformément à la classification économique.
  • [11]
    Rappelons que le compte général de l’Etat se compose du compte d’exécution du budget, du compte de la Trésorerie et du compte des variations du patrimoine.
  • [12]
    Le dernier Cahier d’observations paru porte le numéro 146, octobre 1989 session 1989-1990.
  • [13]
    Les membres de la Cour des comptes des Communautés européennes sont nommés pour six ans par le Conseil européen. La Belgique est représentée par P. Gandy (PSC) et F. Hebette (PSC).
Herman Matthijs
Emmanuel Vandenbossche
traduction de
Serge Govaert
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Mis en ligne sur Cairn.info le 11/08/2014
https://doi.org/10.3917/cris.1269.0001
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