CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1Lorsqu’elles ont établi en mai-juin 1990 leur relevé de thèmes en suspens et de demandes nouvelles en vue des négociations interprofessionnelles, les organisations de travailleurs tablaient sur une situation économique assez favorable. C’était sans compter cependant sur une évaluation moins positive de la part des organisations patronales, sur l’adoption par le gouvernement d’une mesure très mal appréciée par ces mêmes organisations et sur les retombées pour le pays de la crise du Golfe. Après de longues négociations, interrompues par un désaccord profond et relancées à la suite d’une intervention gouvernementale, les interlocuteurs sociaux ont conclu entre eux une convention interprofessionnelle le 27 novembre 1990.

2Dans un tel contexte, ce onzième accord allait-il davantage s’apparenter à ceux de 1986 et 1988, fortement marqués par la crise et peu porteurs d’acquis nouveaux, ou au contraire allait-il renouer avec les accords interprofessionnels, beaucoup plus substantiels, des années’60 et surtout du début des années’70 ?

3Outre le cheminement des discussions et le destin des revendications, les négociations fournissent également l’occasion de faire le point, à un moment donné, sur les rapports entre les interlocuteurs sociaux, leurs consensus et leurs oppositions, sur leurs relations avec le gouvernement, sur les orientations de la politique économique et sociale de celui-ci et sur un ensemble d’éléments déterminants du système belge de négociation et de concertation.

4C’est à analyser de manière relativement détaillée les processus à l’œuvre, le déroulement des négociations, les tenants et aboutissants de l’accord, l’environnement complexe dans lequel il a été conclu qu’est consacrée la présente livraison du Courrier hebdomadaire.

1. Le déroulement des négociations

Le contexte politique, économique et social

5L’élaboration des cahiers de revendications et le lancement des négociations s’inscrivent dans un contexte politique, économique et social ; celui-ci conditionne un « climat » général et il fixe certains repères. Ainsi en va-t-il :

  • de l’état des relations concertatives entre les interlocuteurs sociaux et le gouvernement, des priorités du moment de ce dernier, de ses interventions à l’égard des interlocuteurs sociaux ;
  • de la situation économique dont dépendent le contenu de certaines revendications, le déroulement des discussions et les marges négociables ;
  • de l’environnement social : événements récents, état des relations entre les interlocuteurs sociaux, dossiers en suspens, enjeux actuels.

6Dans un premier temps, on prendra en considération ici les éléments significatifs survenus au cours des six premiers mois de l’année 1990. C’est-à-dire un ensemble d’éléments qui constituent le contexte de départ. Comme on le verra plus loin, d’autres événements sont intervenus plus tard pour modifier ce donné initial.

Sur le plan politique

7La première moitié de l’année 1990 a essentiellement été marquée, pour ce qui concerne les rapports entre le gouvernement et les interlocuteurs sociaux, par le contrôle budgétaire de mars, par diverses concertations tripartites et par l’élaboration du budget de 1991.

8Lors du conclave consacré au contrôle budgétaire, le gouvernement (CVP-PS-SP-PSC-VU) a décidé de combler une part du déficit des finances publiques en diminuant son intervention dans le financement de la sécurité sociale d’un montant de 10 milliards de francs.

9Redoutant avant le début des travaux du gouvernement que cette opération se reproduise, les organisations syndicales - qui avaient manifesté leur désapprobation à l’idée d’une intervention « des finances de la sécurité sociale pour combler les déficits fiscaux » - ont exigé une concertation tripartite avant que commencent les discussions relatives au budget de 1991. Une formule de pacte social et fiscal a été mise au point par le gouvernement en juin, qui règle notamment le mode d’intervention de l’Etat dans le financement de la sécurité sociale [1]. La concertation s’est toutefois achevée sans que des conclusions ne soient tirées avant le conclave budgétaire et sans que le gouvernement n’ait donné réponse à certaines inquiétudes des interlocuteurs sociaux. Cette attitude a été déplorée tant du côté syndical que patronal. Les uns et les autres se sont par ailleurs montrés divisés sur les résultats du conclave : les syndicats étant relativement satisfaits contrairement aux patrons. Une réunion, qui se situe dans le cadre de ces discussions relatives au budget, a été programmée pour septembre 1990 ; elle coïncide avec le moment où le gouvernement fait connaître aux interlocuteurs sociaux son point de vue à propos des négociations interprofessionnelles [2]. Il est également à noter que le gouvernement décide dans le cadre de l’élaboration du budget de 1991 de supprimer l’obligation pour les entreprises de plus de cinquante travailleurs d’engager des jeunes stagiaires. L’équivalent de la moitié du coût des stages devra être orienté vers les groupes à risques.

10Dans le cadre de la discussion du budget de 1991, les organisations d’employeurs (Fédération des entreprises de Belgique - FEB, Union syndicale des classes moyennes - UCM, Nationaal Christelijk Middenstandsverbond - NCMV et Boerenbond) ont fait deux déclarations communes : la première a trait à la fiscalité, la seconde à la sécurité sociale. La préoccupation des organisations signataires est la crainte que le gouvernement augmente les recettes par un alourdissement de la fiscalité ou des cotisations de sécurité sociale plutôt que de contenir les dépenses.

11Au cours des premiers mois de l’année 1990, la problématique de la fin de carrière a fait l’objet de débats et de mesures. Dans le cadre du contrôle budgétaire de mars, le gouvernement a réglé la question des pensions en déposant un projet de loi et il a défini un cadre de concertation à propos des prépensions. Au cours de cette négociation, des aspects relatifs à la transition entre le travail et la retraite et au statut des travailleurs âgés ont été introduits par le ministre de l’Emploi et du Travail. Les interlocuteurs sociaux ont toutefois reporté leur discussion à la négociation interprofessionnelle. Par ailleurs, l’aboutissement début juin de la concertation tripartite, portant sur les prépensions conventionnelles, a été perçu comme un bon présage pour les négociations à venir.

Sur le plan économique

12La Conseil central de l’économie - CCE a procédé le 28 mars 1990 à son évaluation annuelle de la position compétitive du pays, ainsi qu’il y est tenu par la loi du 6 janvier 1989 de sauvegarde de la compétitivité. Cette évaluation porte sur l’année 1989. Cette année-là, « la Belgique a connu pour la deuxième année consécutive, une croissance économique supérieure à la moyenne de celle des pays européens de l’OCDE. Le volume des exportations a augmenté et le solde positif de la balance commerciale s’est élargi (…) les investissements des entreprises ont poursuivi leur forte croissance amorcée en 1988 et nettement supérieure à celle observée en moyenne chez nos principaux concurrents » [3].

13Les interlocuteurs sociaux membres du CCE ne se sont pas mis d’accord sur une position commune en raison de divergences dans l’interprétation des chiffres de la compétitivité. D’autre part, comme il y est tenu, le gouvernement a organisé (le 2 mai 1990) une concertation avec eux, en application de la loi du 6 janvier 1989. Si la situation n’impose pas une intervention du gouvernement (par exemple sous la forme de modération salariale), le Premier ministre a toutefois fait sienne l’inquiétude patronale quant à une dégradation des coûts salariaux. Le message gouvernemental a été d’inviter les interlocuteurs sociaux à « beaucoup de prudence » lors des négociations qui se dérouleront en automne au niveau interprofessionnel d’abord, à celui des secteurs et des entreprises ensuite.

Sur le plan social

14Outre les aspects relatifs à la sécurité sociale, au budget et à la compétitivité qui viennent d’être abordés, on retiendra du début de l’année 1990 une déclaration commune de la FGTB et de la CSC. Considérant que plusieurs dossiers sociaux restent en suspens (concertation sur la fiscalité et sur la fin de carrière, règlement de la protection des délégués, engagements pris dans le cadre de l’accord interprofessionnel du 18 novembre 1988), les deux syndicats lancent le 12 janvier, une campagne sur le thème : « 1990, une année sociale » [4].

15Ils estiment qu’« après une période d’expansion économique et de redressement financier des entreprises (…) le social doit devenir une priorité de tous les responsables politiques, économiques et sociaux de ce pays ». Ils réclament une politique qui concrétise la priorité du social dans six domaines :

  • la sauvegarde de l’avenir de la sécurité sociale ;
  • la concertation sur la fin de carrière ;
  • l’adoption de mesures fiscales pour financer une éventuelle réduction du précompte mobilier ;
  • la protection des délégués ;
  • la dimension sociale de l’unification européenne ;
  • la réalisation des points de l’accord interprofessionnel de 1988 non encore exécutés.

16Une évaluation menée deux mois après le lancement de cette campagne conduit les deux organisations syndicales à publier une nouvelle déclaration commune dans laquelle elles constatent que « les choses ont commencé à bouger, mais ni assez vite, ni assez largement » et disent avoir « décidé de poursuivre et d’intensifier leur campagne d’information et de sensibilisation ».

17On notera également que la CSC a tenu son congrès statutaire du 25 au 28 avril 1990 sur le thème « Un syndicat pour l’avenir », que la FGTB prépare un congrès d’orientation (23 et 24 novembre 1990) par une série de Congrès de centrales et d’interrégionales, et que se profilent déjà les élections sociales de juin 1991.

18Ainsi que la déclaration commune syndicale le rappelle, la négociation d’un nouvel accord interprofessionnel et sa préparation s’ancrent également dans l’état de la mise en œuvre du précédent. L’accord de 1988, on s’en souvient, laissait de larges pans de discussions non défrichés, renvoyant au gouvernement ou au Conseil national du Travail - CNT leur examen ou leur concrétisation [5]. Les revendications syndicales reviennent sur certains de ces thèmes, non épuisés de leur point de vue.

Les positions de départ

19Au printemps 1990, bien avant que les cahiers de revendications soient déposés, diverses considérations avaient été émises du côté patronal et syndical à propos des négociations interprofessionnelles. Une constante dans ces discours divergents sur d’autres points : l’attachement répété à l’autonomie des interlocuteurs sociaux et le refus d’une intervention du gouvernement. Ainsi qu’on va le voir, les uns et les autres ont des raisons différentes de défendre ce principe et lui attribuent des connotations particulières.

20Dans une interview accordée à La Libre Belgique, Wilfried Beirnaert, directeur général de la FEB, déclarait « qu’il est important de voir clair dans la répartition des rôles, et de savoir qui traite quoi et où. Un accord interprofessionnel a comme ambition de régler les revendications que les organisations patronales et syndicales ont les unes à l’égard des autres, mais en parfaite connaissance de ce que le gouvernement veut se réserver comme domaine d’action et de ce qu’il veut laisser aux interlocuteurs sociaux. (…) Nous sommes preneurs d’un tel accord, mais dans la clarté. Si on multiplie les négociations tripartites sur des thèmes qui sont en fait du ressort de la seule concertation paritaire, la négociation interprofessionnelle deviendra superfétatoire » [6]. En cause, l’attitude du gouvernement ou de certains ministres - qui, aux yeux de la FEB, ont trop tendance à intervenir sur des terrains qui sont traditionnellement réservés aux interlocuteurs sociaux - et celle des organisations syndicales - qui entendent « profiter des relations privilégiées qu’elles entretiennent avec certains ministres ».

21Du côté syndical, François Janssens, président de la FGTB, plaide en faveur d’un accord interprofessionnel qui « sert à réaffirmer la volonté des syndicats et des patrons de négocier librement en adultes, aux différents échelons. Sans que l’Etat intervienne de manière unilatérale, linéaire, donc maladroite, dans les mécanismes salariaux » [7]. Il insiste également sur la nécessité d’un tel accord à une période où la conjoncture est favorable : « l’amélioration des bénéfices est un moment privilégié pour rappeler que l’exclusion sociale sévit toujours. La croissance n’est pas synonyme de solidarité, elle risque même d’exacerber les inégalités. D’où l’importance d’un accord visant tant les inactifs que les actifs sans rapports de forces ». Mais, dans l’hypothèse où un tel accord ne serait pas conclu, il prévient : « Que les chantres de la stratégie de l’entreprise réfléchissent au scénario prévisible : l’anarchie et la dispersion des revendications face aux bénéfices éclatants. Un accord interprofessionnel provoque un coût résiduaire, mais une prise de conscience essentielle : il inscrit les autres négociations dans un cadre équilibré, assurant le progrès social par étapes ».

22Au cours de son congrès d’avril 1990, la CSC a également réaffirmé son attachement pour les accords interprofessionnels, « instrument tout indiqué pour assurer et promouvoir l’autonomie de la concertation sociale, également au niveau sectoriel et permettre à tous les travailleurs d’avoir part aux fruits du développement économique, et plus particulièrement pour relever les catégories défavorisées » [8].

Les syndicats

23La CSC et la FGTB ont mis au point un cahier de revendications commun [9] dans lequel elles mettent tout d’abord en exergue deux principes de base de la négociation d’un accord interprofessionnel :

  • liberté totale pour les négociations dans les secteurs et dans les entreprises ;
  • solidarité active avec les travailleurs et les assurés sociaux qui ne bénéficieront pas de libres négociations.

24Pour les deux années à venir, les deux organisations émettent des revendications concrètes dans six domaines :

  • les salaires :
    • relèvement du revenu minimum mensuel moyen garanti,
    • adaptation du revenu minimum à l’abaissement de l’âge de la majorité civile et recommandation aux secteurs de revoir les barèmes des jeunes, paiement du double pécule de vacances pour tous les jours de la quatrième semaine de congé ;
  • les conditions de travail :
    • rapprochement du statut des ouvriers et de celui des employés par la suppression du jour de carence (premier jour de maladie) et par la révision du calcul du pécule de vacances,
    • généralisation des 38 heures selon des modalités à préciser par les commissions paritaires,
    • accord-cadre sur les procédures à suivre en cas de restructuration d’une entreprise, sur la prévention des licenciements et sur les mesures d’accompagnement (reconversion, recyclage, outplacement) ;
  • la sécurité sociale :
    • harmonisation des indemnités des chômeurs âgés,
    • porter à seize semaines le repos d’accouchement (dont deux semaines obligatoirement avant l’accouchement) ;
  • la fin de carrière :
    • prolongation de la convention collective du travail n°44 (convention supplétive qui abaisse à 58 ans l’âge de la prépension dans les entreprises d’au moins dix travailleurs),
    • statut pour les travailleurs âgés : formules de transition entre travail et mise à la retraite ;
  • la formation et l’emploi :
    • cotisation patronale de 0,18 % (évaluation, prolongation et augmentation de la disposition adoptée en 1988 ; affectation à la formation et à l’emploi de groupes à risques ; utilisation sous contrôle syndical selon des formules garantissant une réelle affectation aux groupes à risques),
    • actions positives pour les femmes dans les secteurs et les entreprises, accroissement des facilités entre autres pour l’accueil d’enfants (notamment le paiement de jours d’absence pour raisons familiales, des facilités pour la garde des enfants malades, un droit effectif à l’interruption de carrière),
    • évaluation, maintien et réorientation du stage des jeunes ;
  • les droits syndicaux :
    • rendre obligatoire la convention collective du travail n° 5 relative au statut des délégations syndicales,
    • renforcer la protection des délégués syndicaux,
    • réaliser une représentation syndicale effective dans les PME.

25Les deux organisations syndicales sont arrivées à un cahier de revendications commun bien que, au départ [10], des accents spécifiques ou des modalités différentes les éloignaient à propos de certains points. Ainsi, la FGTB insistait davantage sur une amélioration du statut des ouvriers et sur le double pécule pour trois jours de vacances, tandis que la CSC mettait en avant la formation. Dans cette optique, elle entendait porter à 0,50 % la cotisation patronale de 0,18 % obtenue en 1988 pour l’emploi et la formation.

26Par ailleurs, avant le début des négociations, la CSC estimait les marges disponibles pour les augmentations salariales à 4 % en deux ans (deux fois 2 %). L’avis du Conseil central de l’économie sur la compétitivité et les projections du Bureau du plan sur lesquels elle se basait permettaient, d’après le syndicat chrétien, de prévoir une croissance de 2,8 % en moyenne, des bénéfices stables pour les entreprises, une balance commerciale excédentaire et un accroissement de l’emploi salarié de 150.000 unités en cinq ans, cela compte tenu d’une inflation annuelle de 3 %.

27Le cahier de revendications de la CGSLB contient beaucoup de points de convergence avec celui des deux autres syndicats. Pour ce qui le différencie partiellement de la FGTB et de la CSC, on notera qu’en préambule le syndicat libéral exprime sa volonté de voir maintenue, l’indexation des salaires. Il envisage ensuite la question du financement de la sécurité sociale, demande l’octroi de jours de vacances supplémentaires en fonction de l’ancienneté et propose d’encourager les formules de participation des travailleurs à la gestion des entreprises.

Les organisations patronales

28A la réception du cahier de revendications syndical, les représentants de la FEB ont fait part de deux préoccupations majeures : préserver, d’une part, la compétitivité des entreprises et, d’autre part, les chances d’accroissement de l’emploi. C’est à l’aune de ces deux priorités que les demandes syndicales seront examinées. D’emblée, toutefois, la FEB fait savoir qu’elle émet de nettes réserves, estimant que les syndicats mettent « la barre trop haut ». En matière de compétitivité, « il y a dérapage de nos coûts salariaux en 90, et cela risque de poser un gros problème les prochaines années. Il faudra être attentif et lancer un signal clair de modération pour les négociations salariales dans les secteurs et les entreprises. (…) La flexibilité est un atout important pour maintenir la compétitivité » [11]. En ce qui concerne l’emploi, la FEB craignant les effets de la « bombe à retardement démographique », s’oppose à ce qu’on crée des automatismes de départ du marché du travail (« prépension statutaire », par exemple). Cette analyse a été reprise et confirmée par le conseil d’administration de la FEB en sa réunion du 19 juillet 1990 [12].

29Les organisations de classes moyennes perçoivent d’entrée de jeu que la question de la représentation syndicale dans les petites et moyennes entreprises sera importante dans la négociation. Elles craignent toutefois une intervention du gouvernement là où elles estiment qu’un compromis devrait s’effectuer dans un certain équilibre : « le jeu est faussé lorsqu’un des partenaires signale dès le départ que si on ne cède pas à ses principales exigences, il s’en remettra au gouvernement qui y fera droit par l’adoption de lois[13]. Un accord interprofessionnel est sans doute hautement souhaitable. Le gouvernement doit cependant savoir que s’il ne fournit pas la garantie préalable de sa stricte neutralité, le raidissement patronal risque de bloquer tous les rouages d’une machine bien délicate » [14].

Le gouvernement

30Au cours des mois de mai et juin 1990, le ministre de l’Emploi et du Travail Luc Van den Brande (CVP) et la secrétaire d’Etat à l’Environnement et à l’Emancipation sociale Miet Smet (CVP) ont pris deux initiatives débouchant sur des recommandations soit à l’adresse des participants à la négociation interprofessionnelle, soit aux secteurs et entreprises dans le cadre de leurs négociations propres.

31La première en date a trait à l’environnement. Elle poursuit l’objectif d’agir sur l’environnement à l’intérieur de l’entreprise en vue de contrôler davantage ses effets à l’extérieur. Il y est proposé d’élargir les compétences des comités de sécurité, d’hygiène et d’embellissement des lieux de travail, de créer un poste de « chef de l’environnement » comme il en existe un pour la sécurité, d’ajouter au rapport annuel un rapport sur l’environnement, de rédiger des plans d’hygiène de l’environnement, etc. Pour terminer, il y a une invitation à des « conventions collectives vertes » pour les négociations qui suivront l’éventuel accord interprofessionnel.

32La seconde vise à promouvoir l’emploi des femmes [15]. On y insiste sur la nécessité de poursuivre la politique d’intégration des femmes dans le marché du travail dans les meilleures conditions et, en particulier, la réintégration des chômeuses structurelles (emploi et formation des femmes à améliorer par l’utilisation d’une partie de l’effort consenti pour les groupes à risques). La réinsertion des travailleuses qui ont bénéficié de l’interruption de carrière doit être facilitée (allocation supplémentaire pour celles qui préparent leur réintégration par des mesures ad hoc). On y insiste également sur l’élaboration dans les conventions sectorielles et d’entreprises de plans d’actions positives veillant à l’égalité entre les hommes et les femmes dans le marché de l’emploi. D’autres questions y sont également abordées comme la révision de la loi sur le travail de nuit des femmes et le travail à domicile. Il est en outre demandé aux interlocuteurs sociaux d’accorder une attention particulière à la possibilité pour chaque travailleur d’harmoniser sa vie familiale et professionnelle.

33D’autre part, au cours de la rencontre tripartite du 12 septembre 1990, le gouvernement a répété son attachement à la conclusion d’un accord interprofessionnel. Il a aussi insisté sur l’importance qu’il accorde à l’autonomie de cette négociation et a signalé qu’il n’interviendrait pas dans cette discussion limitée aux interlocuteurs sociaux : il ne fixe pas de normes et n’aura pas à donner son avis sur la teneur d’un éventuel accord. Le gouvernement a toutefois rappelé sa position communiquée lors de la concertation du 2 mai 1990 par laquelle il demandait aux interlocuteurs sociaux de faire preuve de prudence lors de leurs négociations. Il a également insisté pour qu’ils soient attentifs tant à la compétitivité qu’à l’emploi.

Les répercussions de la crise du Golfe

34La réaction à l’occupation (le 2 août 1990) du Koweit par l’Irak s’est concrétisée notamment par un embargo économique contre l’Irak, décrété d’abord par la Communauté européenne puis par le Conseil de sécurité de l’ONU. Cet embargo a eu pour conséquence l’interruption de la livraison de produits pétroliers en provenance de ces deux pays, soit une réduction de l’offre qui entraîne une augmentation des prix du pétrole brut et est, partiellement en raison du contrat-programme, répercutée sur les prix de vente.

35Cette hausse des prix a très rapidement été présentée par la FEB [16] comme une menace pour la compétitivité des entreprises étant donné ses effets sur l’indice des prix et, partant, sur le système d’indexation des salaires. Les oppositions à ce sujet sont apparues entre milieux patronaux et syndicats, mais aussi dans la classe politique.

36Côté patronal, on estime que le gouvernement doit mettre en œuvre la procédure, prévue dans la loi du 6 janvier 1989, de sauvegarde de la compétitivité du pays de manière à neutraliser, totalement ou partiellement, le poids des hausses des produits pétroliers dans le calcul de l’indice des prix. Le Vlaams Ekonomisch Verbond - VEV déclare début septembre que la marge de négociation en matière salariale sera nulle. Quelques jours plus tard, l’Association des dirigeants et cadres chrétiens - ADIC se prononce en faveur de l’enclenchement de la procédure prévue dans le cadre de l’application de la loi sur la compétitivité et estime que la question de l’indexation des salaires doit être discutée rapidement dans le cadre de l’unification européenne et du grand marché.

37Côté syndical, on estime prématuré de prendre de telles mesures et on considère que l’on pourra maintenir la compétitivité sans toucher à l’index qui, s’il est automatique, est aussi régulateur. Par ailleurs, d’autres paramètres que le coût salarial interviennent dans le calcul de la compétitivité et on ne peut prévoir si la hausse va se prolonger longtemps.

38Dans le camp patronal, la focalisation sur la question de la compétitivité conduit certains à remettre en cause le système de l’indexation des salaires, thème qui réapparaît régulièrement depuis la fin des années’70. Du côté syndical, on y répond en mettant en avant les bénéfices réalisés par les entreprises et en réclamant des mesures d’ordre fiscal.

39Du côté des partis politiques de la majorité gouvernementale, le président du CVP, Herman Van Rompuy, envisager [17] que le gouvernement recoure à la loi de sauvegarde de la compétitivité. Le vice-Premier ministre Philippe Moureaux (PS) déclare qu’il faut préserver la compétitivité et éventuellement avoir recourt à la loi pour préserver la crédibilité de notre franc et la liaison plus étroite du franc belge avec le mark allemand tandis que le ministre des Affaires sociales, Philippe Busquin (PS), considère que les patrons prennent prétexte de la crise du Golfe pour se positionner avant les négociations interprofessionnelles et pour essayer d’aboutir à une dérégulation supplémentaire. Dans le même ordre d’idées, pour le président du PSC, Gérard Deprez, la « frénésie anti-index est prématurée ; elle est politique, pas économique ». Il invite les interlocuteurs sociaux à prendre leurs responsabilités et à tenir compte de l’érosion de la compétitivité belge déjà enregistrée.

40Parmi les partis de l’opposition, Ecolo réfute l’idée de la FEB de neutraliser l’index (qui ferait payer à l’ensemble de la population l’imprévoyance du gouvernement en matière de politique énergétique), tandis que le FDF se montre favorable à un allégement du poids relatif des carburants dans l’index. Le PRL déclare par la voix de son président ne pas mettre en cause le système de l’index - car il s’agit d’un mécanisme régulateur - ni souhaiter une manipulation de l’index, mais il exige l’application de la loi en vue du maintien de la compétitivité. Quant au PVV et à Agalev, ils se montrent critiques à l’égard d’une modération des salaires, pour des raisons différentes.

41A l’approche de la reprise des négociations interprofessionnelles, la FEB insiste à nouveau sur la maîtrise des coûts salariaux, via une neutralisation de l’index ou par d’autres moyens. Elle précise que les cahiers syndicaux de revendications qu’elle considérait déjà trop lourds au moment (favorable) où ils ont été conçus et communiqués, devront encore être allégés à la suite de la crise du Golfe. Les classes moyennes mettent en garde « les syndicats (qui) doivent prendre conscience (que) l’acceptation d’une discussion sur une neutralisation de l’index dans une situation de crise ayant des répercussions sensibles sur cet index, cette acceptation est un préalable au succès d’une réelle négociation interprofessionnelle. Et un gage de la collaboration des syndicats avec les entreprises à la bonne santé d’une économie dont tous veulent tirer profit » [18].

42Les événements récents modifient donc la situation et les positions de départ et la relative « euphorie » de la période de rédaction des cahiers de revendications laisse la place à un débat qui s’annonce difficile sur la notion de compétitivité et sur les moyens à mettre en œuvre pour la préserver.

Le déroulement des négociations

Les acteurs

43Les réunions « plénières » se sont tenues au siège de la FEB à Bruxelles, à l’exception de celle du 7 novembre 1990 ; la présidence des séances étant assurée par Urbain Devoldere, président de l’organisation patronale.

44Ont participé aux négociations :

  • en tant que représentants des organisations d’employeurs :
    • pour la Fédération des entreprises de Belgique - FEB :
      • Urbain Devoldere, président,
      • Tony Vandeputte, administrateur délégué,
      • Wilfried Beirnaert, directeur général ;
    • pour l’Union syndicale des classes moyennes - UCM :
      • Roger Mené, président et co-président du Front commun des classes moyennes ;
    • pour le Nationaal Christelijk Middenstandsverbond - NCMV :
      • Petrus Thys, secrétaire général ;
    • pour le Front des organisations agricoles :
      • Jan Hinnekens, président du Boerenbon ;
  • en tant que représentants des organisations de travailleurs :
    • pour la Fédération générale du travail de Belgique - FGTB :
      • François Janssens, président,
      • Mia De Vits, secrétaire générale ;
    • pour la Confédération des syndicats chrétiens - CSC :
      • Willy Peirens, président,
      • Robert D’Hondt, secrétaire général ;
    • pour la Centrale générale des syndicats libéraux de Belgique - CGSLB :
      • Willy Waldack, président.

45Des « experts techniques » sont associés aux travaux des négociateurs.

Chronologie

L’élaboration des cahiers de revendications

465 juin 1990 : le Comité national de la CSC fixe les priorités du syndicat chrétien en vue des négociations intersectorielles et envisage deux stratégies possibles : soit établir un cahier de revendications interprofessionnel aux objectifs limités laissant plus de marge de manœuvre aux négociations sectorielles, soit établir un cahier de revendications interprofessionnel plus consistant et plus coûteux.

4720 juin 1990 : le Comité national de la FGTB établit son cahier de revendications.

4820 juin 1990 : la CGSLB rend public son cahier de revendications qu’elle communique aux organisations d’employeurs le 3 juillet 1990.

4925 au 28 juin 1990 : voyage de représentants patronaux et syndicaux et du ministre de l’Emploi et du Travail en Hongrie. Au cours de ce voyage, les interlocuteurs sociaux procèdent à un premier échange de vue informel.

503 juillet 1990 : le Conseil général de la CSC définit ses revendications ; il est prévu que les instances du syndicat aient des contacts avec celles de la FGTB.

513 juillet 1990 : les bureaux de la CSC et de la FGTB établissent un cahier commun de revendications.

5211 juillet 1990 : réunion bipartite au cours de laquelle la FGTB et la CSC remettent leur cahier de revendications commun aux organisations patronales. La FEB exprime ses conceptions et fait un premier commentaire à propos des demandes syndicales (voir supra).

La crise du Golfe

532 août 1990 : début de la « crise du Golfe » (voir supra).

Les premières négociations

545 septembre 1990 : au cours de cette première réunion, les interlocuteurs sociaux n’entament pas la discussion sur le cahier de revendications syndical mais ils se centrent sur la question de la compétitivité. En fin de réunion (d’une durée de trois heures dont une demi-heure de suspension demandée par les organisations syndicales), ils se mettent d’accord sur la volonté de poursuivre les négociations et s’engagent à ne faire aucun commentaire public sur l’état de leur dialogue. La discussion a achoppé sur la notion de compétitivité, patronat et syndicats développant des points de vue incompatibles.

5512 septembre 1990 : réunion du gouvernement (Premier ministre, vice-Premiers ministres, ministre de l’Emploi et du Travail et ministre des Affaires sociales) avec les interlocuteurs sociaux. Le gouvernement met l’accent tant sur l’importance qu’il attache à la conclusion d’un accord interprofessionnel équilibré que sur la détérioration de la position concurrentielle de la Belgique et sur l’impact défavorable du conflit au Moyen-Orient. Il propose aux interlocuteurs sociaux de conclure un accord, modéré, dont l’exécution serait étalée dans le temps et qui serait pourvu de clauses de révision. Il annonce qu’en raison de l’évolution favorable de l’emploi des jeunes, il décide de supprimer, pendant deux années, l’obligation de recruter des stagiaires, une partie des moyens ainsi libérés devant être affectés notamment aux groupes à risques. Cette mesure est diversement appréciée par les interlocuteurs sociaux [19].

5621 septembre 1990 : deuxième réunion des interlocuteurs sociaux au cours de laquelle ils clarifient leurs positions respectives, mais n’entament pas les négociations, les représentants de la FEB n’étant pas mandatés par leur conseil d’administration. Ils examinent les différents types d’accord possibles ainsi que la possibilité de conclure un accord modulable en fonction des circonstances, solution que les organisations syndicales acceptent d’explorer.

5726 septembre 1990 : le premier ministre W. Martens déclare à la Chambre que « La sauvegarde de la compétitivité relève en premier lieu des partenaires sociaux ; la loi de sauvegarde de la compétitivité n’est donc nullement conçue comme un instrument permanent de politique des revenus ». En cas de nécessité, le gouvernement « prendra, si nécessaire et à temps les mesures qui s’imposent ».

5826 septembre 1990 : le bureau du Conseil central de l’économie remet son rapport intérimaire sur la compétitivité des entreprises belges. Cette évaluation de la position économique de la Belgique par rapport à celle de ses principaux concurrents, notamment en ce qui concerne les coûts salariaux, bien que relativement positive, fait toutefois l’objet d’interprétations diverses.

5926 septembre 1990 : le bureau national « Femmes » de la FGTB se réunit et rappelle ses principales revendications pour les négociations interprofessionnelles : généralisation des actions positives, deux semaines supplémentaires de congé de maternité, deux jours payés dans le cadre des dix jours d’absence autorisés pour raison impérieuse et des aménagements de l’interruption de carrière.

6027 septembre 1990 : le conseil d’administration de la FEB donne mandat à ses représentants pour la négociation du 4 octobre 1990. Il souhaite un accord qui évite des « dérapages » dans les secteurs et dans les entreprises.

614 octobre 1990 : au cours de leur troisième réunion, initialement annoncée comme décisive, les interlocuteurs sociaux procèdent à l’examen de différents scénarios possibles en vue d’un accord et discutent notamment de l’idée de « réversibilité » [20] (suspension possible de certaines mesures dont l’application serait étalée dans le temps) défendue par le patronat et que les syndicats acceptent d’explorer pour autant que le contenu de l’accord soit suffisant et que cette formule se limite à l’interprofessionnel. La discussion porte également sur les critères à prendre en considération pour évaluer l’état de l’économie et pour fixer les conditions de suspension de l’application des mesures « réversibles » ou « conditionnelles ». Dans cette hypothèse, le patronat renoncerait à son offensive sur l’indexation automatique des salaires. Au cours de cette réunion, certaines revendications sont considérées par le patronat comme non négociables. Deux groupes de travail sont constitués.

62Entre le 4 et le 15 octobre 1990 : les problèmes de l’emploi et de la formation sont discutés par le groupe technique « Beirnaert - De Vits » dont le document sera intégré au projet d’accord, tandis que le groupe chargé d’étudier la question de la définition des paramètres pour la « réversibilité » ne parvient pas à un accord.

6310 octobre 1990 : le président de la Centrale générale (FGTB), Juan Fernan-dez, déclare opposer son veto à une formule d’accord interprofessionnel qui impose aux secteurs une réversibilité de leurs accords et qui entrave la liberté de négociation. A la suite de cette prise de position, la FGTB se prononce contre la « réversibilité ».

La rupture et le rétablissement des relations

6415 octobre 1990 : le conseil d’administration de la FEB se réunit avant la réunion plénière des négociateurs.

6515-16 octobre 1990 : la quatrième réunion des interlocuteurs sociaux se solde par un échec. Réunis « au finish », après de longues discussions, ils examinent l’ultime proposition patronale d’un « accord de solidarité », selon les termes de la FEB, au coût limité mais inconditionnel. Cet accord aurait été précédé d’un préambule prévoyant le maintien de la compétitivité, la paix sociale et d’autres exigences. Ils envisagent ensuite une contre-proposition syndicale dont le coût est considéré comme trop élevé par les représentants patronaux.

6616 octobre 1990 : le jour même de l’échec, trois ministres interviennent. Le ministre L. Van den Brande convoque les interlocuteurs sociaux à son cabinet pour qu’ils lui fassent rapport sur les négociations qui ont échoué la nuit précédente. Le ministre regrette que les négociations n’aient pas abouti et reste convaincu de la nécessité d’une accord « central ». Le ministre des Affaires économiques, W. Claes déclare que les négociations devraient reprendre avant la fin octobre afin de « recoller les morceaux ». Quant au vice-Premier ministre Ph. Moureaux, qui remplace W. Martens durant sa mission africaine, il demande aux interlocuteurs sociaux, « plutôt que de recourir à la solution de facilité que constituerait la demande d’arbitrage du gouvernement, de se concerter à nouveau et de formuler des propositions concrètes susceptibles de réaliser un réel accord interprofessionnel ».

6718 octobre 1990 : une réunion (prévue de longue date) se tient au siège de Fabrimétal pour envisager une convention sectorielle d’application pour les deux années à venir. Les syndicats menacent de ramener à ce niveau les revendications interprofessionnelles qui seraient refusées ou en l’absence d’accord.

6819 octobre 1990 : le gouvernement rend public un communiqué dans lequel « il déplore vivement que les discussions entre partenaires sociaux n’aient pas abouti à la conclusion d’un accord interprofessionnel ». Il demande aux interlocuteurs sociaux de reprendre les discussions. Il insiste en particulier sur la nécessité de freiner la croissance des revenus et sur l’effort à développer en faveur des groupes à risques.

6921-22 octobre 1990 : au cours des congrès de deux centrales de la CSC, W. Peirens confirme qu’il refuse l’offre patronale et il demande aux employeurs de négocier soit sur un accord conditionnel à contenu réel, soit sur un accord sans condition avec des engagements sur l’emploi.

70Entre le 23 octobre et le 7 novembre 1990 : des contacts se poursuivent discrètement, notamment au cabinet du ministre de l’Emploi et du Travail L. Van den Brande. Celui-ci acquiert la conviction que la situation de l’emploi fournit des arguments pour maintenir les stages des jeunes.

L’aboutissement

717 novembre 1990 : les interlocuteurs sociaux tiennent une réunion qualifiée de « secrète » mais ne prennent aucune décision avant le Conseil des ministres qui doit se tenir deux jours plus tard et apporter l’élément nouveau attendu par les employeurs en ce qui concerne le maintien des stages des jeunes. Ils s’accordent toutefois sur une série d’éléments qui pourraient faire partie d’un accord interprofessionnel.

729 novembre 1990 : le gouvernement attendait des interlocuteurs sociaux qu’ils réorientent l’affectation des 0,6 % de la masse salariale destinés aux stages vers un effort en faveur des groupes à risques. A défaut et pour rencontrer l’exigence patronale, il décide de retirer la suppression des stages des jeunes de la loi-programme afin de rendre possible la conclusion d’un accord entre les interlocuteurs sociaux.

7312 novembre 1990 : les négociateurs se rencontrent à nouveau suite au geste du gouvernement pour discuter un texte rédigé par W. Beirnaert et aboutir à un pré-accord qui doit être approuvé par leurs mandants.

7415 novembre 1990 : le gouvernement communique la déclaration préparée par les chefs de cabinet de W. Martens, Ph. Moureaux, M. Wathelet et L. Van den Brande par laquelle il s’engage à ne « prendre au cours de cette législature (aucune) initiative contraire au contenu de l’accord ou susceptible d’affecter l’organisation du travail ; il ne prendra pas non plus de nouvelle décision qui puisse aggraver le coût du travail ».

7527 novembre 1990 : les instances des différentes organisations concernées ayant rendu un avis favorable, l’accord interprofessionnel 1991-1992 est officiellement signé.

2. L’accord interprofessionnel

Le destin des revendications

76Avant de procéder à l’examen de l’accord à proprement parler, il convient de réunir un ensemble d’éléments déterminants de la négociation interprofessionnelle de l’automne 1990. Parmi ceux-ci, l’évaluation divergente du coût des revendications, les différents scénarios envisagés et le destin des demandes syndicales prennent une place centrale. La question de la compétitivité qui a été au cœur des débats fait l’objet d’un traitement particulier dans la troisième partie.

Données de base

77Les données qui servent de référence pour mesurer le coût des revendications puis des dispositions effectivement adoptées ont comme sources les statistiques de l’ONSS. Pour les années 1991 et 1992, couvertes par l’accord de 1990, le nombre de travailleurs pris en compte s’élève à environ 2,4 millions.

Tableau 1

Nombre de travailleurs concernés par l’accord interprofessionnel (en milliers)

Tableau 1
1990 1991 Ouvriers Hommes 885,0 895,0 Femmes 345,2 352,0 Total 1.230,2 1.247,0 Employés Hommes 575,8 586,0 Femmes 577,6 590,0 Total 1.153,4 1.176,0 Total Total 2.383,6 2.423,0

Nombre de travailleurs concernés par l’accord interprofessionnel (en milliers)

78La masse salariale, estimée à partir des salaires bruts [21], se chiffre à environ BEF 1.700 milliards.

Tableau 2

Salaires bruts de référence (en millions de BEF)

Tableau 2
1990 1991 Ouvriers 625.085 668.390 Employés 975.872 1.052.349 Total 1.600.957 1.720.739

Salaires bruts de référence (en millions de BEF)

Coût du cahier de revendications initial

79L’évaluation du coût des revendications syndicales fait l’objet d’une première confrontation entre organisations d’employeurs et de travailleurs, dans la mesure où les unes et les autres emploient des méthodes de calcul qui différent au moins sur trois plans :

  • la suppression des stages des jeunes programmée par le gouvernement est considérée par les syndicats comme un gain pour les entreprises puisqu’elles ne doivent plus se soumettre à l’obligation d’embaucher un certain nombre de jeunes chômeurs. Ce gain équivaut à la moitié du coût des stages étant donné que le gouvernement exige la réorientation de l’autre moitié vers les groupes à risques. Le patronat considère qu’il n’est pas logique de parler d’un gain alors que cette obligation pèse uniquement sur les entreprises de plus de cinquante travailleurs (il n’y avait donc pas lieu de parler de gain pour les nombreuses entreprises de petite et moyenne dimension). Par ailleurs, le stage des jeunes est inséré dans la politique normale de recrutement des entreprises : celles-ci embauchent des jeunes qui rencontrent leur profil ; les obliger de recruter des travailleurs qui ne répondent pas à leur profil constituerait un coût supplémentaire, estime-t-il. Dans l’évaluation du cahier de revendications, les organisations patronales ajoutent donc 0,6 % au chapitre de la formation et de l’emploi ;
  • certaines revendications qui ne concernent que les ouvriers sont estimées par les syndicats sur base de la masse salariale globale (BEF 1.700 milliards), tandis que le patronat en calcule l’incidence uniquement par rapport à la masse salariale des ouvriers (environ BEF 650 milliards) ;
  • de même, certaines mesures, comme le revenu minimum mensuel moyen garanti, n’affectent qu’un nombre restreint de secteurs. Aussi, à la FEB, on considère que le calcul sur la masse salariale globale n’est pas significatif tandis que le coût pour les secteurs concernés n’est, par contre, pas négligeable.

80A ces deux derniers, on pourrait encore ajouter que les revendications concernant les seules petites et moyennes entreprises devraient également faire l’objet d’un calcul différencié. Par contre, plus on multiplie ces approches partielles, moins une estimation d’ensemble devient praticable.

81Le tableau 3 fournit une comparaison entre les résultats des calculs, effectués par la CSC et par la FGTB d’une part, de la FEB de l’autre.

Tableau 3

Estimation du coût du cahier de revendications syndical (en % de la masse salariale globale ou par catégorie)(1),(2),(3)

Tableau 3
CSC-FGTB FEB Ouvriers Employés Revenu minimum 0,09 (1) (1) Double pécule 4ème semaine 3 jours 1,14 1,2 1,2 (3 x 0,38 %) Pécule ouvriers (2) salaire fictif + 1.000 BEF 0,28 0,7 - Jours de carence (2) 0,11 - 0,275 0,4 - Durée du travail (38 h.) 0,15 (1) (1) Chômeurs âgés 0,016 0,03 0,03 Maternité + 2 semaines 0,06 0,06 0,06 Travailleurs âgés - - Formation 0,18 - 0,4 0,22 0,22 0,22 Famille jours d’absence 0,03 - 0,70 0,075 - 0,7 0,075 - 0,7 Fonds d équipement - - - Restructurations - - - Total (3) 2,1 - 2,95 2,64 - 3,27 1,54 - 2,17

Estimation du coût du cahier de revendications syndical (en % de la masse salariale globale ou par catégorie)(1),(2),(3)

(1) Mesure ne concernant qu’un nombre restreint de secteurs
(2) Mesure relative uniquement aux ouvriers
(3) Le total varie selon la manière dont on combine les hypothèses minimales et maximales en matière de jours de carence (un ou deux jours par travailleur) et de jours d’absence pour raison familiale (un jour pour la mère d’un enfant malade ou deux jours pour tous les travailleurs pour raisons familiales).

82Dans l’optique patronale, il y a, en outre, lieu d’ajouter les 0,6 % en faveur de la formation et de l’insertion des groupes à risques et tandis que dans l’optique syndicale, il y a lieu de la déduire.

Cheminement des revendications

Scénarios

83Le cheminement et le destin des revendications syndicales sont fortement liés aux différents types d’accord qui ont été envisagés au cours des négociations. Il a, en effet, été tour à tour question de l’une ou l’autre des hypothèses présentées ci-dessous dès lors que le patronat s’arc-boutait sur une position ferme de modération dans un contexte incertain :

  • une première proposition patronale met au centre de la négociation l’indexation des salaires, ce qui est rejeté par les syndicats ; il en va de même de l’idée de discuter d’une marge globale qui couvrirait l’ensemble des niveaux de négociation en dehors de l’indexation (interprofessionnel, sectoriel ou sous-sectoriel, entreprises) ;
  • un accord sur le plan interprofessionnel modulé par phases : les interlocuteurs sociaux négocieraient des avantages étalés dans le temps, la phase prévue pour 1992 étant supprimée, par exemple en cas de dépassement d’un plafond par le taux d’inflation (proposition de la FEB) ou en raison d’une dégradation mesurée à partir des cinq paramètres de la loi sur la compétitivité (proposition de la CSC). Il s’agirait donc d’un accord que les syndicats exigent substantiel [22] mais conditionnel selon la conjoncture ;
  • un accord de courte durée sur le plan interprofessionnel alors que sur le plan sectoriel, les conventions porteraient sur deux ans et risqueraient d’épuiser la marge disponible pour un second accord sur le plan interprofessionnel ;
  • un accord modéré, à faible coût, orienté principalement sur l’emploi par un élargissement des groupes à risques en faveur desquels un effort d’intégration serait effectué. Mais un tel accord modéré sur le plan interprofessionnel ne garantit pas pour les employeurs des accords sectoriels raisonnables ;
  • l’absence d’accord qui pourrait avoir pour conséquence l’intervention du gouvernement qui imposerait des mesures en matière de revenus et en faveur des groupes à risques, par exemple.

Cheminement de certaines revendications

84Lorsque les interlocuteurs sociaux commencent à examiner les cahiers de revendications, les représentants patronaux relèvent cinq thèmes qui, de leur point de vue, ne sont pas négociables. Il s’agit :

  • de la représentation syndicale dans les PME ;
  • de la majoration du salaire des jeunes (la FEB estimant qu’il s’agit d’une compétence sectorielle) ;
  • de la suppression du jour de carence pour les ouvriers ;
  • de la généralisation des 38 heures de travail par semaine ;
  • de l’octroi de jours de congé pour raisons familiales.

85Après avoir envisagé diverses formules d’accord possibles, la rupture survient lorsque les représentants des employeurs présentent leur ultime proposition à laquelle les syndicats répondent par une contre-proposition. On trouvera ci-dessous les thèmes encore présents à ce stade de la discussion de part et d’autre ; le tableau 4 [23] met aussi en évidence l’écart entre ce que les uns veulent bien céder et ce que les autres réclament.

Tableau 4

Dernières propositions avant la rupture

Tableau 4
La proposition « ultime » des patrons Dernière contre-proposition syndicale - relèvement du salaire minimum : 700 BEF en deux tranches - pécule de vacances des ouvriers : relèvement du plafond salarial fictif pour les jours assimilés (0,1 %) - repos d’accouchement : 15 semaines (au lieu de 14) - effort global de 0,25 % pour la formation et la mise au travail des groupes à risques - prolongation CCT n° 44 (prépension à 58 ans dans les entreprises d’au moins 10 travailleurs) - augmentation pour les chômeurs âgés entre 50 et 55 ans (0,02 %) - petit chômage en cas de naissance et d’adoption : 3 jours au lieu de 2 - effort pour la garde des enfants (moyens puisés dans les réserves des allocations familiales) - réduction de la dégressivité du salaire minimum pour les jeunes (6 % par année d’âge en 1991, et 5 % en 1992, au lieu de 7,5 % actuellement) Cette proposition représente 0,1 % des salaires bruts en 1991 et 0,22 % en 1992 (+ les 0,18 % pour les groupes à risques). De plus, par cette proposition, les employeurs se considèrent libérés de l’obligation de réorienter les 0,6 % des stages des jeunes vers les groupes à risques - salaire minimum : + 1.000 BEF en deux tranches (0,06 %) - pécule de vacances ouvriers : relèvement du plafond salarial fictif pour les jours assimilés (0,15 %) - repos d’accouchement : 15 semaines (0,02 %) - effort sérieux pour les groupes à risques (0,4 %) - prolongation CCT n° 44 (prépension à 58 ans dans les entreprises d’au moins 10 travailleurs) - augmentation pour les chômeurs âgés entre 50 et 55 ans (0,02 %) - petit chômage en cas de naissance et d’adoption : 3 jours au lieu de 2 - effort pour la garde des enfants (moyens puisés dans les réserves des allocations familiales) - réduction de la dégressité du salaire minium pour les jeunes (6 % par année d’âge en 1991, et 5 % en 1992, au lieu de 7,5 % actuellement) - un jour supplémentaire de double pécule de vacances (0,38 %) Ce qui représente au total 1,03 % de la niasse salariale, mais seulement 0,25 % de « charges nouvelles », le reste provenant de la réaffectation des 0,6 % des stages et de la prolongation des 0,18 % de l’accord 1989-90.

Dernières propositions avant la rupture

Le contenu de l’accord

86Le compromis est finalement intervenu après que le gouvernement ait débloqué les négociations en retirant la pierre d’achoppement que constituaient les stages des jeunes, d’une part, et que les interlocuteurs sociaux aient résolu auparavant - provisoirement du moins - leur différend à propos de la compétitivité.

Liberté - compétitivité

87Le texte débute par un préambule qui, dans un premier temps, réaffirme l’attachement des signataires à la liberté de négociation aux niveaux sectoriel et d’entreprise. A la suite de cette déclaration, le préambule fait état d’un consensus sur le souci de la sauvegarde de la compétitivité qu’ils considèrent indispensable à l’activité économique et à l’emploi.

88Dans cette perspective, ils s’engagent à ce que les représentants des employeurs et des travailleurs tiennent compte aux différents niveaux de négociation de plusieurs éléments :

  • la position de la Belgique dans le marché unique de fin 1992 ;
  • la politique monétaire qui lie le franc belge aux monnaies fortes du système monétaire européen ;
  • l’évolution de la compétitivité en 1990 telle qu’elle apparaît dans le rapport du Conseil central de l’économie de septembre 1990 ;
  • l’incertitude quant à l’issue de la crise du Golfe.

89Le préambule poursuit en annonçant les principales caractéristiques de l’accord : attention particulière à l’emploi et prise en compte du contexte économique (les nouvelles charges en 1991 sont limitées et le double pécule pour un jour de vacances est octroyé uniquement pour 1992).

90Il se conclut enfin sur la valeur d’exemple que constitue l’accord interprofessionnel pour les autres négociations en lançant un appel pour que ces dernières partagent les mêmes préoccupations en matière d’emploi et de compétitivité.

Les acquis nouveaux

91L’accord s’est conclu sur une base minimale qui recouvre des mesures et des avantages nouveaux relatifs à cinq thèmes. Dans un sixième paragraphe, il envisage quelques autres aspects.

921. Le revenu minimum mensuel moyen garanti (convention collective n° 43) est augmenté de BEF 900 (BEF 500 au 1er juillet 1991 et BEF 400 au 1er juillet 1992) et la convention n° 33 relative au salaire mensuel minimum des mineurs d’âge sera adaptée (étendue du champ de compétence et diminution de la dégressivité).

932. En matière d’emploi et de chômage, les représentants patronaux et syndicaux adoptent une approche globale, plutôt que des actions dispersées selon qu’il s’agit de l’une ou l’autre catégorie de travailleurs (jeunes, femmes, travailleurs, âgés, groupes à risques parmi les chômeurs ou les travailleurs, handicapés).

94L’effort pour la formation et l’insertion professionnelle correspondra à 0,25 % de la masse salariale globale [24]. Il est prévu qu’une part de 0,10 % sera consacrée au « noyau dur » du chômage (les catégories les plus vulnérables parmi les groupes à risques dont la définition a été étendue) et une autre de 0,15 % est ouverte à de nouvelles catégories : travailleurs peu qualifiés, actions positives pour les femmes, recyclage de travailleurs menacés de licenciement, « brugbanen » [25] pour les travailleurs âgés, etc. La concrétisation de ces mesures s’effectuera au niveau des secteurs et des entreprises : à défaut d’un effort global de 0,25 % ou d’un effort particulier de 0,10 %, une cotisation correspondante sera versée au Fonds de l’emploi, par l’intermédiaire de l’ONSS. Ce Fonds de l’emploi interviendra dans la mesure de ses disponibilités aussi bien dans des projets individuels de mise au travail de personnes à risques que pour des projets collectifs portant sur un nombre de personnes appartenant aux groupes à risques. Il est prévu que les interlocuteurs sociaux assumeront une responsabilité accrue dans le Fonds de l’emploi existant et qu’un examen de l’application des dispositions relatives au Fonds sera pratiqué annuellement.

953. Les chômeurs âgés de 50 à 55 ans verront leurs indemnités alignées sur celles des chômeurs de 55 ans et plus. Cette harmonisation sera financée par un accroissement de la cotisation patronale instaurée par l’accord interprofessionnel de 1988. Cette cotisation passera de 0,10 % à 0,12 % dès le 1er janvier 1991.

964. Dans le domaine des facilités à accorder aux familles dont les parents travaillent, les signataires de l’accord adressent des demandes au gouvernement :

  • de fournir dans le budget de 1992 un effort au moins équivalent à celui de 1991 (BEF 200 millions) en vue d’encourager des structures d’accueil répondant aux besoins des travailleurs qui éprouvent des difficultés à assurer la garde de leurs enfants malades ou lorsqu’ils doivent fournir des prestations de travail en dehors des heures d’ouverture des établissements d’accueil ;
  • de porter le congé de maternité de quatorze à quinze semaines à partir du 1er janvier 1991 ; cette semaine est à prendre avant la date présumée de l’accouchement. Le financement est assuré par le solde de la cotisation (0,12 %) de solidarisation du congé de maternité.

97Les parties s’engagent également à donner un avis positif sur la reconversion du congé de maternité en congé de paternité lors du décès ou de l’hospitalisation de la mère, dans le cadre de l’assurance maternité et de proposer trois jours de petit chômage lors de la naissance ou de l’adoption d’un enfant.

985. En matière de vacances annuelles, le double pécule sera payé pour un jour supplémentaire, en 1992 uniquement, par l’adoption d’une convention collective du travail temporaire. Le coût de cette mesure est évalué à 0,38 % des salaires. Cette mesure non récurrente devra être renégociée lors de la préparation d’un accord pour 1993-94 en même temps éventuellement que le paiement du double pécule des deux autres jours de la quatrième semaine de congé. D’autre part, le pécule de vacances des ouvriers se rapprochera de celui des employés par un accroissement du plafond des salaires fictifs (de BEF 1.380 à BEF 1.900) pour les journées de maladie ou de chômage économique, dans le cadre du régime légal du pécule de vacances des ouvriers. Le coût de cette mesure est supporté par les réserves du régime.

996. Dans un paragraphe intitulé « Dispositions diverses », les interlocuteurs sociaux conviennent encore :

  • que les organisations patronales représentatives de PME dans lesquelles des différends d’ordre collectif surgiraient s’attacheront à les résoudre par le biais d’instances de conciliation ou par des contacts directs avec les organisations représentatives des travailleurs concernés ;
  • de prolonger pour deux ans la convention supplétive relative à la prépension prise en application de l’accord interprofessionnel de 1988. Cette convention s’applique aux entreprises de dix travailleurs et plus qui ne sont pas couvertes par une convention prévoyant des mesures promotrices d’emploi ou un régime de prépension ;
  • d’adapter la convention collective n°19 relative à l’intervention de l’employeur dans les prix des transports des travailleurs (le plafond sera porté à BEF 900.000) ;
  • de demander au ministre compétent de créer la base légale prévoyant que le planning des absences pour congé éducation pourra être fixé par une convention d’entreprise, signée par toutes les organisations représentées au conseil d’entreprise ; le planning conventionnel primera le planning individuel ;
  • d’évaluer au CNT les procédures de restructuration d’une entreprise et d’examiner l’élaboration d’un cadre pour l’accompagnement social.

Dispositions finales

100Le texte de l’accord contient enfin une demande au gouvernement de s’engager avant la signature de l’accord, « de ne prendre aucune mesure au cours de la durée de l’accord dans les matières qui font l’objet de leur accord ou qui pourrait aggraver le coût salarial ou affecter l’organisation du travail. Elles feront de même lors de la constitution du prochain gouvernement ». La convention se termine sur la clause de paix sociale, les parties convenant « qu’elles ont réglé entre elles pour la durée de l’accord, les exigences qu’elles ont les unes à l’égard des autres au niveau interprofessionnel ».

La prise en compte des revendications « femmes »

101Rappelons qu’avant le début de la négociation interprofessionnelle, le ministre de l’Emploi et du Travail et la secrétaire d’Etat à l’Environnement et à l’Emancipation sociale ont émis des recommandations visant à promouvoir l’emploi des femmes. Le bureau national « Femmes » de la FGTB a établi des revendications spécifiques et les cahiers syndicaux contiennent des demandes relatives à l’harmonisation de la vie de travail et de la vie familiale. On sait par ailleurs que la recommandation d’actions positives dans les secteurs et dans les entreprises n’a eu que peu d’effets à la suite de l’accord interprofessionnel précédent.

Tableau 5

Synthèse des revendications syndicales, du contenu de l’accord interprofessionnel, de son coût et des modalités de son application

Tableau 5
Revendications Accord interprofessionnel Mise en œuvre + coût - les salaires : . relèvement du revenu minimum mensuel moyen garanti, . adaptation du revenu minimum à l’abaissement de rage de la majorité civile et recommandation aux secteurs de revoir les barèmes des jeunes, . paiement du double pécule de vacances pour tous les jours de la quatrième semaine de congé. + 500 F au 1er juillet 1991 et +400 F au 1er juillet 1992 adaptation de la convention recommandation pour les barêmes paiement d’1 jour en 1992 uniquement CNT - CCT n° 43 (coût pour certains secteurs) CNT - CCT n° 33 secteurs CNT - CCT temporaire (coût 0,38 %) - les conditions de travail : . rapprochement du statut des ouvriers et de celui des employés par la suppression du jour de carence (premier jour de maladie) et par la révision du calcul du pécule de vacances, . généralisation des 38 heures selon des modalités à préciser par les commissions paritaires, . accord-cadre sur les procédures à suivre en cas de restructuration d’une entreprise, sur la prévention des licenciements et sur les mesures d’accompagnement (reconversion, recyclage, outplacement). base plus favorable évaluation des procédures (restructuration) examen accompagnement social financé par réserves du Fonds national CNT - la sécurité sociale : . harmonisation des indemnités des chômeurs âgés, . porter à seize semaines le repos d’accouchement (dont deux semaines obligatoirement avant l’accouchement) supplément pour les 50-55 ans congé de maternité porté à 15 semaines (une semaine avant l’accouchement) gouvernement, financé par cotisation patronale (+ 0,02 %) financé par les réserves de l’assurance maternité - la fin de carrière : . prolongation de la CCT n°44 (convention supplétive qui abaisse à 58 ans l’âge de la prépension dans les entreprises d’au moins dix travailleurs), . statut pour les travailleurs âgés : formules de transition entre travail et mise à la retraite. prolongation de la CCT (globalisé avec formation-emploi) CNT - CCT n° 44
Tableau 5
Revendications Accord interprofessionnel Mise en œuvre + coût la formation et l’emploi : . cotisation patronale de 0,18 % (évaluation, prolongation et augmentation de la disposition optée en 1988 ; affectation à la formation et à l’emploi de groupes à risques ; utilisation sous contrôle syndical selon des formules garantissant une réelle affectation aux groupes à risques), . actions positives pour les femmes dans les secteurs et les entreprises, accroissement des facilités entre autres pour l’accueil d’enfants (notamment le paiement de jours d’absence pour raisons familiales, des facilités pour la garde des enfants malades, un droit effectif a l’interruption de carrière), . évaluation, maintien et réorientation du stage des jeunes. les droits syndicaux : . rendre obligatoire la CCT n° 5 relative au statut des délégations syndicales, . renforcer la protection des délégués syndicaux, . réaliser une représentation syndicale effective dans les PME. effort « globalisé » en vue de la formation et de l’emploi des groupes à risques (1991 et 1992) (globalisé avec formation et emploi) structures d’accueil (stages maintenus) - - conciliation et contacts avec organisations syndicales en cas de conflit secteurs-entreprises cotisation patronale 0,25 (coût nouveau 0,07 %) - gouvernement : demande de réserver au moins BEF 200 millions au budget de 1992 (comme décidé pour 1991) (gouvernement) - - entreprises - secteurs plafond pour intervention dans frais de transport (BEF 900.000) base légale pour planning congé-éducation CNT - CCT n° 19 CCE pour abonnement SNCB gouvernement

Synthèse des revendications syndicales, du contenu de l’accord interprofessionnel, de son coût et des modalités de son application

102La négociation a relativement intégré cette dimension « femmes » et l’accord interprofessionnel de 1990 prend en compte une partie des préoccupations des travailleuses. La recommandation à propos des actions positives est reformulée : sa concrétisation se fera dans les entreprises et les secteurs. En outre, des moyens financiers seront dégagés dans la mesure où 0,15 % parmi les 0,25 % destinés à la formation et à l’insertion professionnelle pourront être orientés vers des actions positives.

103Des mesures relatives à l’harmonisation de la vie de travail et de famille sont également prises : congé de maternité porté à quinze semaines, demande au gouvernement de poursuivre l’effort en matière de structures d’accueil pour enfants (équipements collectifs), avis favorable à la reconversion du congé de maternité en congé de paternité lors de décès ou de l’hospitalisation de la mère, allongement du congé de paternité en cas de naissance ou d’adoption d’un enfant.

104Manque toutefois l’octroi de congé pour raison familiale refusé par le patronat qui craint des abus et estime que cela revient à donner deux ou trois jours de congé supplémentaires.

Eléments de comparaison avec 1988

105Si, d’une manière générale, l’accord interprofessionnel de 1990 se différencie du précédent par un retour à l’octroi d’acquis nouveaux concernant l’ensemble des actifs et s’en rapproche par son caractère de gestion de crise, on peut également effectuer entre les deux quelques comparaisons plus ponctuelles.

106Comme en 1988, les interlocuteurs sociaux ont introduit un préambule relatif à la compétitivité, il est toutefois nettement plus étoffé et substantiel en 1990.

107L’insertion d’une clause de paix sociale en 1990 apparaît comme un changement par rapport à 1988. Cette année-là, en effet, les syndicats avaient refusé de s’engager à respecter la paix sociale alors que l’accord contenait essentiellement un vaste programme dont l’application était confiée à différentes instances (gouvernement, Conseil national du travail, secteurs et entreprises). Les organisations de travailleurs considéraient à l’époque qu’accepter la clause de paix sociale c’était préjuger de l’aboutissement de ce programme. Ils considéraient en outre qu’il s’agissait d’une concession trop importante par rapport au contenu même de l’accord.

108En 1990, les organisations patronales ont inclus cet aspect parmi leurs priorités, à côté de la compétitivité et de l’emploi. Le texte de l’accord comporte cette clause formulée de la manière suivante : « Les parties conviennent qu’elles ont réglé entre elles pour la durée de l’accord des exigences qu’elles ont les unes à l’égard des autres au niveau interprofessionnel ».

109En 1990, les interlocuteurs sociaux effectuent conjointement une démarche vis-à-vis du gouvernement lui demandant de ne pas intervenir dans les matières couvertes par l’accord ni d’accroître les coûts de travail. En 1988, une démarche semblable avait été menée par la FEB seule qui avait attendu l’engagement du gouvernement avant de signer l’accord.

110On observera également une modification dans la formulation des mesures de formation et d’insertion professionnelles. En 1988, les interlocuteurs sociaux prévoyaient le versement d’une cotisation de 0,18 % au Fonds de l’emploi : « Les parties confirment avec insistance leur recommandation unanime de 1986 pour réserver le Fonds de l’Emploi, créé auprès du Ministère de l’Emploi et du Travail, au soutien d’initiatives au matière de promotion de l’emploi. Tous les employeurs assujettis à l’ONSS contribueront au financement de ces initiatives par un apport dans ce Fonds de 0,18 % des salaires bruts en 1989 et 1990 ». Des dérogations sont toutefois prévues pour ceux qui (secteurs ou entreprises) font un effort considéré équivalent. En 1990, l’accord prévoit qu’une proportion de 0,25 % des rémunérations brutes sera affectée à un effort global consacré à la formation et à l’emploi des groupes à risques. Cet effort devra être concrétisé par des accords de secteurs ou d’entreprises. Dans les faits, la mise en œuvre de l’un et de l’autre s’effectue de la même manière. Les principales modifications ont trait à l’élargissement des catégories de travailleurs concernées et au rôle des interlocuteurs sociaux dans le fonctionnement du Fonds de l’emploi. A défaut, le versement d’une cotisation correspondante au Fonds de l’emploi sera effectué. On rappellera ici les interrogations à propos de l’usage des avoirs du Fonds de l’emploi et le manque d’évaluation qui a fait l’objet de nombreuses critiques et demandes. Par l’accord interprofessionnel de 1990, les interlocuteurs sociaux ont décidé d’assumer une responsabilité accrue dans le Fonds et se réservent d’approuver l’affectation de ses moyens. Ils réclament en outre un examen annuel de l’exécution des dispositions qui le concernent.

111La notion de groupes à risques a été étendue et les efforts en matière de formation et d’emploi sont globalisés, de telle sorte que l’effort demandé peut être concrétisé de diverses manières. On relève toutefois qu’un pourcentage de 0,10 % est destiné aux catégories les plus vulnérables parmi ces groupes à risques.

Réactions

Appréciation gouvernementale

112Le gouvernement avait fait part aux interlocuteurs sociaux de ses deux préoccupations majeures que sont l’emploi et la sauvegarde de la compétitivité, à l’ouverture de la négociation interprofessionnelle. Si la conciliation du ministre Van den Brande à la suite de l’échec du 15-16 octobre a permis de résoudre la question de l’emploi, restait celle de la compétitivité.

113Aussi, la première réaction que les interlocuteurs sociaux attendaient - ils la sollicitèrent d’ailleurs dans leur accord - était celle du gouvernement. Ils soumettaient en outre la signature de l’accord à l’approbation de son contenu par l’exécutif et à son engagement de non intervention.

114Le gouvernement, dans une « déclaration aux interlocuteurs de la concertation interprofessionnelle » du 15 novembre 1990, dit se réjouir de la conclusion d’un accord qui peut « contribuer largement au développement harmonieux de notre pays au plan économique et social ». Le gouvernement répond positivement à la demande des signataires de l’accord et s’engage à ne prendre aucune initiative contraire au contenu de l’accord ou susceptible d’affecter l’organisation du travail, ou de nouvelle décision qui puisse aggraver le coût du travail. Il insiste cependant pour que les négociateurs au niveau des secteurs et des entreprises respectent les recommandations contenues dans l’accord et s’inspirent de son exemple « de cette manière, conclut-il, le consensus social peut une fois de plus constituer la clef de voûte de progrès économique et social de notre pays ».

Les organisations syndicales

115La CGSLB a été la première à réunir ses instances pour se prononcer sur le contenu de l’accord. Le syndicat libéral se montre satisfait de l’accord, notamment parce qu’il évite l’intervention du gouvernement et parce qu’il confirme la liberté de négociation (« l’accord n’impose pas de carcan »). Il relève comme particulièrement positifs l’augmentation du revenu minimum et le début du paiement de pécule de vacances des trois jours non couverts de la quatrième semaine de congé. Le maintien des stages des jeunes souhaité par la CGSLB dans son cahier de revendications est également perçu comme favorable.

116Le Bureau de la FGTB s’est réuni le 13 novembre et a marqué sa satisfaction notamment parce que l’accord rencontre « ses aspirations fondamentales en matière :

  • de sauvegarde de la liberté de négociation dans les secteurs et les entreprises ;
  • de solidarité entre tous les travailleurs, actifs et non actif ».

117Mais c’est au comité national, convoqué pour le 20 novembre, qu’il revient de se prononcer définitivement. Celui-ci reconnaît que l’accord est positif sur plusieurs points : nouvelles augmentations du salaire minimum, augmentation des indemnités des chômeurs de 50 à 55 ans, relèvement du pourcentage de la masse salariale affecté à la promotion de la formation et de l’emploi des groupes à risques, dont la possibilité de financer des actions positives pour les femmes, octroi du double pécule de vacances pour un jour supplémentaire en 1992 (qui doit aboutir à terme au double pécule pour l’entièreté de la quatrième semaine de vacances).

118

« Même si pour la FGTB, l’accord réalisé est globalement positif, elle regrette que le patronat et plus particulièrement, les Classes Moyennes, soient restés inflexibles sur certaines positions anciennes et dépassées. Il s’agit notamment :
  • du refus de généraliser la semaine de 38 heures ;
  • du refus même de parler de la suppression du jour de carence ;
  • du refus d’accepter une présence syndicale au sein des PME.
    La FGTB respectera les différentes dispositions de l’accord, mais moyennant ce respect, poursuivra son action interprofessionnelle de progrès social, notamment vis-à-vis du gouvernement, actuel et futur. La FGTB poursuivra son action syndicale afin de renforcer sa représentation dans les petites et moyennes entreprises. La FGTB attend de la FEB un même respect de l’esprit et des dispositions de l’accord interprofessionnel, notamment qu’elle ne mette pas en cause le système d’indexation automatique des salaires ».

119Cette position de la FGTB a réuni 76 % de voix pour, 3 % contre et 21 % d’abstention principalement en provenance de la CGSP (cette centrale n’étant pas concernée par un accord du secteur privé). La discussion au sein du Comité national a surtout porté sur la question de savoir à quoi s’engage le syndicat notamment par la disposition finale qui, moyennant son acquiescement, empêche au gouvernement d’intervenir dans les matières couvertes par l’accord. Certaines centrales, comme le SETCa, y voient l’impossibilité de progrès, notamment en matière de représentation syndicale dans les PME, du moins sur le plan légal. Cela n’empêche certes pas de poursuivre l’action syndicale dans les secteurs et les entreprises.

120Le comité national de la CSC a approuvé, le 27 novembre, le projet d’accord. Il relève avant tout que le texte a pour effet de maintenir l’indexation automatique des salaires. Il se montre satisfait également des efforts accrus en matière d’emploi et de formation des groupes à risques, du relèvement des plus bas salaires, de ceux des jeunes et de ceux des chômeurs âgés de 50 à 55 ans, et de l’augmentation du pécule de vacances. Il « déplore cependant qu’aucun accord satisfaisant n’ait pu être atteint en matière de représentation syndicale dans les PME ».

Les organisations patronales

121Le NCMV, par la voix de son secrétaire national, considère l’accord « acceptable ». Il relève surtout les points des cahiers de revendications que les organisations syndicales n’ont pas obtenu : « les 38 heures par semaine n’ont pas été généralisées et les jours de carence sont maintenus. Des concessions ont dû être faites sur l’augmentation des salaires minima et l’adaptation du salaire des jeunes travailleurs, mais cela est acceptable. La même remarque est valable pour la représentation syndicale dans les PME : le fait syndical sera reconnu et la concertation devra être favorisée entre les employeurs et les syndicats, mais seulement à l’extérieur de l’entreprise sur base des mêmes compétences ». Le comité national a confirmé ce point de vue.

122L’UCM s’est également prononcée en faveur du projet de texte : « Il est raisonnable et équilibré parce que les principaux points de friction surtout défavorables aux PME ont été évacués » [26]. D’une manière générale, l’UCM reconnaît qu’un « accord interprofessionnel, quels que soient les qualités et défauts de cette technique de négociation, a au moins ceci de positif qu’il est un gage de paix sociale et qu’il régularise en quelque sorte les accords et les revendications qui peuvent avoir lieu dans les secteurs durant deux ans ». L’organisation des classes moyennes relève également trois thèmes particulièrement sensibles pour les PME : la généralisation des 38 heures et le jour de carence qui ne sont pas repris dans l’accord et les relations sociales qui ont fait l’objet d’un élément de l’accord sous une forme considérée comme tout à fait satisfaisante pour les classes moyennes.

123Le conseil d’administration de la FEB a marqué son accord sur ce projet de convention interprofessionnelle le 23 novembre. La FEB considère que l’accord rencontre ses intérêts de cinq manières :

  • la compétitivité est une préoccupation centrale ;
  • son coût est modeste ;
  • les demandes syndicales en matière de présence syndicale dans les PME, de suppression du jour de carence en cas de maladie et de révision des barèmes sectoriels pour les jeunes n’ont pas abouti ;
  • l’autonomie des négociations sectorielles est garantie ;
  • des ouvertures concrètes sont acquises en ce qui concerne le plafond pour l’octroi d’une intervention patronale dans le coût des transports publics et la planification contractuelle des absences pour congés éducation.

Caractéristiques de l’accord

124L’accord interprofessionnel, on l’a vu, est diversement apprécié. Du côté patronal, on insiste sur son faible coût et sur l’absence de mesures considérées inacceptables (38 heures, jour de carence, représentation syndicale dans les PME). Du côté syndical, même si on déplore certains manques, on met en exergue des aspects positifs comme des mesures touchant l’ensemble des travailleurs ou raffermissant la solidarité. D’autres considérations sur les principes généraux (autonomie de négociation et recommandations à propos de la compétitivité) ou sur la demande de non-intervention gouvernementale sont encore relevées de part et d’autre.

Généralités

125L’accord n’est certes pas vide de contenu ; il n’est pas très substantiel non plus. On peut considérer qu’il s’inscrit dans la tradition des accords de programmation sociale des années’60 - début des années’70. Tout en restant très modeste, il renoue avec cette tradition qui se caractérise par l’octroi d’avantages nouveaux pour l’ensemble des travailleurs. Des accords de ce type ont été conclus pour une période de deux ou trois ans, de manière quasi ininterrompue entre 1960 et 1975. Mais à partir de cette date, la crise économique et l’état des rapports sociaux, qui a conduit à une intervention accrue du gouvernement, ont rendu impossibles l’obtention de nouveaux acquis de cette nature et la conclusion d’accord jusqu’en 1986. L’amélioration de la conjoncture économique au cours des deux dernières années permet des ouvertures et des ambitions que le patronat a réussi à tempérer en se référant à la crise du Golfe.

126Le récent accord est toutefois davantage l’héritier de ceux de 1986 et 1988 dans la mesure où il intègre et accorde une importance croissante aux groupes à risques dont il élargit la définition. Dans la mesure où il prend en compte la compétitivité - notion déjà incorporée dans les accords de 1986 et 1988 - et y porte un accent particulier, l’accord de 1990 doit être lu comme un instrument de gestion, voire de cogestion, de la crise, à l’instar des deux précédents.

Les motivations

127Si la manière de définir et d’évaluer la compétitivité fait l’objet de contestations et d’opposition, la nécessité d’en tenir compte fait aujourd’hui l’objet d’un large consensus, comme la productivité ou l’expansion économique par exemples l’ont été à d’autres époques. Sinon, à quoi bon - du côté syndical - promouvoir un texte qui en échange d’avantages relativement maigres, prône la modération dans les secteurs et dans les entreprises à l’instar de ce qui est fait sur le plan interprofessionnel ?

128D’autres facteurs peuvent expliquer la conclusion d’un accord, à commencer par la volonté de faire exister un système, un « modèle ». C’est ce que laissent penser certaines déclarations qui insistent davantage sur la pérénisation du système que sur le contenu de l’accord.

129Un autre élément est le risque d’intervention du gouvernement. On la redoutait de toute part et c’est la raison de la demande qui lui est adressée de s’engager avant la signature définitive du texte. La menace était sérieuse. Elle visait tant les travailleurs (action sur l’indexation des salaires) que les employeurs (actions sur l’emploi ou sur l’organisation et le coût du travail). Mais que penser alors de ce que certains du côté patronal ont affirmé, à savoir que le coût aurait été moins élevé encore en cas d’intervention gouvernementale ?

130En fin de compte, l’accord interprofessionnel apparaît principalement comme la résultante de motivations négatives : la crainte pour les syndicats de voir le gouvernement intervenir en matière salariale, celle du patronat de le voir prendre des dispositions fiscales défavorables ou des mesures en matière d’emploi, celle du gouvernement de devoir effectivement agir dans des domaines impopulaires à un an des élections ; le refus des employeurs de supprimer les stages des jeunes ; le rejet des thèmes tabous pour les classes moyennes (dont les porte-paroles déclarent que l’accord vaut davantage par ce qu’il ne contient pas que par ce qu’il comporte).

Compromis

131La confection d’un accord interprofessionnel implique nécessairement d’aboutir à des compromis qui satisfassent les deux groupes en présence, patronal et syndical, et qui réduisent les tensions internes au sein de ces groupes : par exemple entre la FEB et les classes moyennes ou entre la CSC et la FGTB.

132On perçoit bien que l’aboutissement de la négociation est le fruit de ces compromis. Le consensus sur la compétitivité en est sans doute l’exemple le plus frappant malgré la complexité des enjeux : rapports entre organisations, intérêts pragmatiques, mobilisation commune contre l’intervention gouvernementale, évolution dans la manière d’envisager le concept et ses composantes (reconnaissance de l’importance de facteurs autres que les revenus dans son évaluation), etc.

133Entre organisations syndicales existent des différences de sensibilité que l’examen du cahier de revendications a mis en évidence. L’accord prend finalement en compte des priorités de l’une et de l’autre.

134Entre organisations patronales, des points de vue divergents apparaissent tant en ce qui concerne les 38 heures (qui intéressent quasi uniquement les organisations de classes moyennes) que la présence syndicale dans les PME (où les ouvertures sont plus grandes du côté du NCMV que de l’UCM).

3. La compétitivité : la loi et ses implications

L’adoption de la loi

135La négociation de l’accord interprofessionnel de 1990 a été de part en part traversée par la question de la compétitivité, par son évaluation et par ses implications. Argument déjà invoqué par la FEB dès la réception du cahier de revendications syndical en juillet, la crise du Golfe n’a fait que l’amplifier et mettre ce sujet au centre des débats, les menant même à la rupture.

136La notion de compétitivité a pris une importance particulière dans le courant des années’80. Sous les gouvernements de coalition sociale-chrétienne-libérale, en cas de dépassement de la norme légale de compétitivité, évaluée sur base des salaires uniquement, le gouvernement pouvait prendre des mesures de sauvegarde de la compétitivité : désindexation ou blocage des salaires [27]. Les contestations de la notion de compétitivité et surtout de la méthode d’évaluation ont été vives du côté syndical.

137En 1986, la FGTB conditionne la signature d’un accord interprofessionnel à la non-intervention gouvernementale. Par ailleurs, en 1986 également, la Conseil central de l’économie se prononce unanimement sur la pluralité des facteurs à prendre en compte et décide d’évaluer chaque année la position compétitive et d’en analyser les divers déterminants.

138Une des composantes du compromis intervenu en mai 1988 entre les partis qui constituent l’actuelle coalition, a trait à la compétitivité. Un groupe de travail s’est penché sur la question lors des travaux de Val Duchesse préparatoires à l’accord de gouvernement. Par conséquent, celui-ci est déjà assez explicite et le projet relatif à la compétitivité assez avancé au moment où le gouvernement est installé. Le texte fait état d’un ensemble de facteurs qui entrent en ligne de compte, établit le rôle du Conseil central de l’économie et indique que le gouvernement pourrait prendre les mesures qui s’imposent en cas de circonstances exceptionnelles. L’accord de gouvernement annonce que, dès son installation, le gouvernement déposera « un projet de loi-cadre concernant la compétitivité, dans lequel seront décrits d’une façon précise les normes légales, les circonstances exceptionnelles, les domaines dans lesquels et les instruments avec lesquels le gouvernement peut agir, les modalités de la concertation sociale ainsi que le contrôle parlementaire ».

139Un avant-projet de loi a été soumis aux interlocuteurs sociaux réunis au Conseil central de l’économie. Unanimes pour reconnaître « l’importance qu’il convient d’attacher, dans une économie à caractère aussi ouvert que l’économie belge, à la compétitivité des entreprises, condition essentielle pour promouvoir la croissance et l’emploi et pour réaliser les adaptations structurelles nécessaires » [28], ils s’opposent, par contre, entre eux sur d’autres points.

140L’opposition la plus fondamentale réside dans l’opportunité de légiférer en la matière. Pour les représentants patronaux « cette loi-cadre, qui offre une garantie légale de sauvegarde de la compétitivité, revêt une importance essentielle pour engendrer la confiance - tant en Belgique qu’à l’étranger- dans la volonté du nouveau gouvernement de poursuivre la politique de relance, basée sur le maintien de la compétitivité. (…) Ils considèrent la loi-cadre comme la base légale de l’intervention des pouvoirs publics en cas de dérèglements dans le domaine de la position compétitive de notre économie ». Tandis que du côté syndical, on souligne notamment « que le projet de loi-cadre sur la sauvegarde de la compétitivité déroge considérablement à un certain nombre de principes importants de l’accord gouvernemental, notamment en ce qui concerne le respect de l’autonomie des négociations interprofessionnelles, le moratoire sur les prestations sociales, le respect de la composition de l’index et de toutes les modalités d’application de l’indexation des salaires ». Les représentants des organisations de travailleurs disent pouvoir et vouloir prendre leur entière responsabilité dans le cadre de la libre négociation, « y compris en ce qui concerne les aspects de la position compétitive qui les concernent. A cet effet, une loi-cadre qui limite la liberté de négociation est inacceptable ». Les organisations syndicales relèvent encore que « le projet de loi-cadre ne souffle mot des efforts à consentir par les entreprises même pour améliorer structurellement leur position compétitive » et plus loin que « le projet définit des normes et des critères qui soulèvent de nombreux problèmes méthodologiques mettant en cause sa cohérence interne ».

141Adoptée par les Chambres, la loi du 6 janvier 1989 de sauvegarde de la compétitivité du pays envisage successivement les critères d’évaluation de la compétitivité, la procédure ordinaire d’évaluation de la compétitivité, la procédure en cas de circonstances exceptionnelles et les instruments en vue de sauvegarder ou de restaurer la compétitivité.

L’économie de la loi

142La loi commence par définir les critères d’évaluation de la compétitivité : les performances à l’exportation, les coûts salariaux, les coûts financiers, les coûts énergétiques et les déterminants structurels (sur base entre autres de la formation brute de capital fixe des entreprises et des dépenses en recherche et développement). Il est prévu que les critères d’évaluation soient exprimés en indices d’évolution par rapport à 1987 et en comparaison avec la situation des principaux partenaires commerciaux de la Belgique au nombre de cinq ou sept selon les critères (Allemagne, Pays-Bas, France, Grande-Bretagne, Italie, Etats-Unis et Japon). La procédure prévoit que le Conseil central de l’économie établit un rapport avant le 31 mars de chaque année et émet un avis au sujet de la compétitivité des entreprises ; un rapport intermédiaire doit être établi avant le 30 septembre de chaque année. Rapports et avis sont transmis au gouvernement et aux Chambres. Une concertation a lieu entre le gouvernement et les interlocuteurs sociaux après la réception du rapport et de l’avis annuel en vue de discuter de l’évolution de la compétitivité. Au cas où le gouvernement n’aurait pas reçu le rapport et l’avis du Conseil central de l’économie au 31 mars, il prend l’initiative de convoquer la concertation. Les interlocuteurs sociaux disposent à ce moment d’un mois pour conclure une convention collective de travail arrêtant des mesures de sauvegarde ou de rétablissement de la compétitivité ou pour suggérer au gouvernement des mesures qui dépendent de sa responsabilité. Si après le délai d’un mois, le gouvernement estime que la compétitivité reste menacée, il peut soumettre aux Chambres une déclaration motivée en ce sens.

143Les conditions pour qu’il y ait menace sur la compétitivité sont réunies quand les critères des performances à l’exportation et au moins l’un des autres critères d’évaluation font apparaître une dégradation. En cas de constatation par les Chambres que la compétitivité est menacée, le Roi peut prendre par arrêté délibéré en Conseil des ministres des mesures parmi celles prévues par la loi, qu’il juge nécessaires à la sauvegarde ou au rétablissement de la compétitivité.

144En cas de circonstances exceptionnelles (événements dont l’importance est telle que les effets attendus sur la compétitivité de la Belgique vis-à-vis de ses principaux partenaires commerciaux seront rapides et significatifs), le gouvernement demande au Conseil central de l’économie de donner un avis urgent et convoque les interlocuteurs sociaux pour une concertation urgente. Les interlocuteurs sociaux disposent alors d’un mois pour arrêter des mesures par la voie d’une convention collective ou pour suggérer au gouvernement des mesures. Passé ce délai, s’il estime la compétitivité encore menacée, le gouvernement peut faire une déclaration aux Chambres. Si celles-ci constatent également que la compétitivité est menacée, le Roi peut prendre des mesures, dans les mêmes conditions que pour la procédure normale exposée ci-dessus.

145Ces mesures temporaires autorisées ont trait aux facteurs déterminant la croissance nominale des revenus des salariés (avec modération équivalente des revenus des professions libérales et des indépendants, des allocations sociales, des loyers, des dividendes et tantièmes et des revenus d’activités de tout autre type) ; à la fixation d’un cadre relatif à l’évolution des revenus ; à la réduction des coûts financiers ; à la réduction limitée des cotisations patronales de sécurité sociale dans certains secteurs ; à l’augmentation des déductions fiscales pour investissements, et pour investissements en recherche et développement.

Implications dans le cadre des négociations interprofessionnelles

146Dès le début de la crise dans le Golfe, des voix se sont élevées dans le monde patronal pour attirer l’attention sur les répercussions que les événements internationaux risquaient d’avoir sur la compétitivité du pays. Et de mettre en cause l’indexation automatique des salaires ainsi que l’ampleur des marges de négociations disponibles. Elles en appellent alors à l’application de la loi sur la sauvegarde de la compétitivité en raison de la situation exceptionnelle. Dans ce contexte, à l’ouverture de leurs négociations, les interlocuteurs sociaux n’ont guère pu que commencer par envisager divers scénarios possibles qui tiennent compte des éventuelles retombées sur l’économie du pays de la situation internationale. Les discussions sur le contenu des revendications ne débutent en fait qu’une fois connue l’évaluation du Conseil central de l’économie. Celui-ci est tenu, on l’a vu, de remettre aux Chambres législatives et au gouvernement un rapport intermédiaire avant le 30 septembre de chaque année. Avant la crise du Golfe déjà, la date du 26 septembre avait été retenue pour cette évaluation à mener au sein du bureau du Conseil central de l’économie [29] sur base d’un rapport élaboré par la commission « position de la compétitivité », en collaboration avec un groupe de travail technique.

147Le rapport du Conseil central de l’économie était en grande partie techniquement terminé fin juillet 1990 sur base de sources prévisionnelles de l’OCDE et des budgets économiques de la Communauté européenne. Puis survient le conflit du Golfe. La commission a estimé devoir faire intervenir des éléments nouveaux, tenant compte de la hausse des prix pétroliers, et actualiser au maximum le rapport. Deux sources ont été consultées à cet effet : de premières évaluations de la Banque nationale (calcul de l’incidence sur les prix et les coûts de l’accroissement du prix du baril de pétrole) et des données de l’OCDE (calcul des performances à l’exportation). En conclusion, l’impact sur l’économie belge se présente sous la forme d’un effet important sur les mécanismes de l’indexation, mais celui-ci se répercute sur toutes les économies ; par ailleurs, on n’observe pas de dégradation en termes de parts de marché. L’argument de la perte de compétitivité était ainsi fortement relativisé. Il paraissait en outre difficile à ce moment-là (et c’est encore vrai trois mois plus tard) d’émettre des pronostics fiables.

148Par ailleurs, cette évaluation se produit au moment où les interlocuteurs sociaux ont engagé des discussions interprofessionnelles en vue de conclure un accord pour les deux années à venir. Ces deux processus (négociation de l’accord interprofessionnel et rapport du Conseil central de l’économie) sont apparus inévitablement en interaction et sans doute les interlocuteurs sociaux se sont-ils positionnés à l’égard du rapport sur la position compétitive de manière à préparer l’accord ou du moins pour ne pas obérer ses chances d’aboutir. La volonté des acteurs aurait été de ne pas ajouter un élément de dissension entre eux pour permettre la conclusion d’un accord interprofessionnel. Certains estiment en effet que ce qui était en jeu dans cet « épisode » du rapport du Conseil central de l’économie, relève davantage de la légitimité de l’interprofessionnel et que c’est ce qu’ont voulu exprimer les interlocuteurs sociaux par leur unanimité. Il n’empêche néanmoins que les parties en présence ont des interprétations divergentes.

Considérations finales

149Malgré les événements qui sont venus entraver le cours des négociations, un accord interprofessionnel a été conclu pour les années 1991 et 1992. Le « modèle » belge de relations collectives du travail a survécu aux tensions entre les acteurs et à leurs conceptions opposées, aux décisions du gouvernement et aux aléas de l’environnement international. Sans doute est-ce devenu pour ses protagonistes une finalité « en soi » que de pérenniser le système.

150Marqué par la volonté de préserver l’autonomie des interlocuteurs sociaux aux différents « étages » du système, cet accord est toutefois fortement imprégné par des motivations négatives qui semblent avoir été déterminantes en dernière instance. Car l’accord n’est guère substantiel en comparaison de ceux conclus il y a quinze ou vingt ans. Il n’est pas vide non plus, mais les avancées nouvelles qu’il contient sont soit peu coûteuses, soit non récurrentes.

151La récente convention se rapproche davantage de celles de 1986 et 1988, au caractère affirmé de gestion de la crise : préoccupées par la formation et l’insertion des plus mal lotis sur le marché de l’emploi, elles font aussi état de préoccupations - communément admises même si elles sont diversement définies - en matière de compétitivité des entreprises. D’une manière plus précise et plus explicite que les deux précédents, le texte de 1990 invite les négociateurs sectoriels et d’entreprises à tenir compte des variables macro-économiques et à prendre l’accord interprofessionnel comme l’exemple duquel s’inspirer pour rédiger des conventions - modérées - à leur niveau.

152Le gouvernement a insisté sur une nécessaire modération salariale, tant en cours d’élaboration de l’accord qu’à la suite de sa signature à l’adresse des négociateurs des autres niveaux. La FEB aussi, deux semaines après la conclusion de la convention, vient rappeler la teneur de son préambule, appuyant sa démarche sur des données qui, d’après l’organisation patronale, indiquent que la marge disponible pour les augmentations salariales est très réduite.

153Les négociations sociales aux autres « paliers » butent précisément sur ces questions. C’est du moins ce qui ressort des discussions dans certains secteurs. Dans les fabrications métalliques, les négociations en commission paritaire ont échoué en raison de la volonté patronale de n’accorder des augmentations salariales que sous la forme de primes, non intégrées aux salaires et non récurrentes. Un préavis de grève a été déposé dans le secteur du gaz et de l’électricité pour des raisons semblables. Les négociations sont en voie de se rompre également dans la commission paritaire du textile et dans celle de l’import-export.

154Les employeurs, à commencer par ceux des fabrications métalliques, reprennent en force le thème de la liaison des salaires à l’index et, faisant écho aux discussions interprofessionnelles, proposent une nouvelle fois de démanteler ce système conventionnel.

155Sur le plan national et interprofessionnel, par contre, l’application de l’accord a débuté. Le gouvernement a dans ce sens introduit cinq amendements dans la loi-programme relatifs à l’effort de 0,25 % pour les groupes à risques, à l’allongement du congé de maternité, à la possibilité de l’octroyer au père dans certains cas, au congé éducation et à l’augmentation de la cotisation destinée au relèvement des indemnités des chômeurs âgés.

Annexes

1 – Onze accords interprofessionnels en trente ans

156L’accord interprofessionnel du 11 mai 1960 inaugurait une série dont le dernier en date (celui du 27 novembre 1990) est le onzième. Cette série de conventions concernant l’ensemble des travailleurs du secteur privé, généralement pour une période de deux ans, a été interrompue essentiellement [30] durant les années de crise, de 1976 à 1986, si on ne tient pas compte de l’accord a-typique de 1981. Si les différents accords reposent sur les mêmes principes qui régissent le système des relations collectives du travail « au sommet », s’ils se présentent tous comme des accords de programmation d’acquis nouveaux, en échange du respect de la paix sociale, basés sur le consensus entre les parties en présence et sur leur engagement moral, leur ampleur varie très fortement ainsi que la brève synthèse [31] qui suit va le rappeler.

1571. Accord interprofessionnel du 11 mai 1960 pour la période 1960 à 1962 :

  • double pécule pour la deuxième semaine de vacances à réaliser pour 1963 ;
  • cotisation complémentaire (patronale) pour les allocations familiales dont les modalités de répartition sont déterminées ultérieurement de commun accord.

1582. Accord interprofessionnel du 12 décembre 1963 pour les années 1964 et 1965 :

  • troisième semaine de vacances à réaliser pour 1965 (avec pécule simple).

1593. Accord interprofessionnel du 15 juillet 1966 pour la période juillet 1966 à novembre 1968 :

  • double pécule de vacances pour la troisième semaine.

1604. Accord interprofessionnel du 7 février 1969 pour les années 1969 et 1970 :

  • réduction de la durée de travail hebdomadaire pour passer de quarante-cinq heures à quarante-trois heures en 1971 ;
  • remplacement par un jour de congé du samedi qui coïncide avec un jour férié ou compensation financière.

1615. Accord interprofessionnel du 15 juin 1971 pour 1971 et 1972 :

  • augmentation des pensions de 5 % ;
  • octroi des avantages concernant le salaire mensuel garanti aux travailleuses en repos d’accouchement ;
  • programmation de la réduction de la durée hebdomadaire de travail : quarante-deux heures en 1972 et quarante heures en 1975 ;
  • intervention patronale de 50 % dans les abonnements sociaux des transports en commun.

1626. Accord interprofessionnel du 6 avril 1973 pour les années 1973 et 1974 :

  • réduction du temps de travail hebdomadaire pour réaliser les quarante et une heures en 1974 ;
  • quatrième semaine de vacances à réaliser progressivement pour 1975 ;
  • salaire minimum mensuel garanti aux ouvriers en incapacité de travail ;
  • doublement du préavis minimum en faveur des ouvriers (quatre semaines).

1637. Accord interprofessionnel du 10 février 1975 pour la période 1975-1976 :

  • en matière de vacances annuelles : indemnité complémentaire de 5 % pour les ouvriers à titre exceptionnel, double pécule pour deux jours de la quatrième semaine à partir de 1976, le chômage partiel pour cause économique est assimilé pour le calcul de la durée et du pécule de vacances ;
  • revenu minimum moyen porté à BEF 15.000 garanti aux travailleurs de 21 ans ;
  • recommandation sur l’égalité dans les conditions de travail : entre hommes et femmes (égalité de rémunération, égalité de traitement) et par rapport à l’âge ;
  • généralisation de l’intervention (50 %) de l’employeur pour les abonnements sociaux dans les transports publics et demande d’augmentation des plafonds ;
  • généralisation (et recommandation visant au contrôle) de l’application de la semaine de quarante heures ;
  • reconnaissance de la compétence de la délégation syndicale en matière de cadences et rythmes de travail ;
  • accord sur l’idée d’octroyer la pension à 64 ans après une carrière de quarante-cinq ans et aux travailleurs ayant exercé un métier particulièrement rude et insalubre ;
  • maintien du revenu net pendant les quatorze semaines du congé de maternité ;
  • reconnaissance du droit de s’absenter (sans rémunération) de son travail pour raisons familiales impérieuses ;
  • engagement à poursuivre la discussion sur l’assurance maladie-invalidité (notamment à propos du jour de carence) et sur les licenciements collectifs.

1648. Accord interprofessionnel du 13 février 1981 pour les années 1981 et 1982 : conclu sous la menace de l’entrée en vigueur d’un article de la loi du 10 février 1981, relatif à la modération salariale, cet accord rendu obligatoire dans le secteur privé par arrêté royal organise la modération des revenus.

1659. Accord interprofessionnel du 7 novembre 1986 pour la période 1987-1988 :

166Après une période de dix ans d’absence d’accord interprofessionnel et d’interventions répétées du gouvernement dans les matières habituellement du ressort des interlocuteurs sociaux, ceux-ci concluent un accord qui n’impose rien, mais restaure la liberté de négociation dans les secteurs (tout en attirant l’attention sur la nécessité de tenir compte de la compétitivité et des caractéristiques propres aux secteurs et aux entreprises). A défaut d’accord, le gouvernement menaçait d’intervenir.

  • en matière d’emploi : recommandation aux secteurs de consacrer 0,5 % de la masse salariale à la promotion de l’emploi en général et à celle des jeunes en particulier et prolongation des accords d’emploi antérieurs ;
  • les secteurs négocient librement l’augmentation du pouvoir d’achat et recommandations relatives au revenu minimum garanti ;
  • la réduction du temps de travail hebdomadaire à trente-huit heures est une matière réservée aux négociations de secteurs.

16710. Accord interprofessionnel du 18 novembre 1988 pour les années 1989 et 1990 :

  • augmentation du revenu minimum moyen mensuel garanti (deux fois BEF 500) ;
  • relèvement de l’allocation de chômage des chômeurs âgés de 50 ans et plus ;
  • cotisation patronale de 0,18 % au Fonds pour l’emploi ou effort équivalent en faveur de groupes à risques ;
  • généralisation de la prépension conventionnelle à 58 ans pour tous les secteurs jusqu’à la fin 1990.

168Pour le reste, les signataires

  • émettent des recommandations aux secteurs et aux entreprises (libre définition de la marge disponible - qui tienne compte de la « nécessaire compétitivité et de leurs caractéristiques et spécificités propres » - et de son affectation, interruption de carrière et stage des jeunes) ;
  • formulent des demandes au gouvernement (créer une cellule féminine auprès du service des relations collectives du travail, augmenter l’indemnité d’interruption de carrière, proroger les dérogations réglementaires au principe de la prépension à 58 ans) ;
  • renvoient certaines matières au Conseil national du travail (la formation et le travail en alternance, la flexibilité, le statut des travailleurs en équipes, le travail à temps partiel, l’introduction des nouvelles technologies) ou acceptent les propositions du gouvernement qui promet d’intervenir en matière de pensions, de protection des délégués des travailleurs et émet une suggestion en matière de représentation syndicale dans les PME.

16911. Accord interprofessionnel du 27 novembre 1990 pour les années 1991 et 1992.

  • liberté de négociation mais attire l’attention sur la sauvegarde de la compétitivité ;
  • augmentation du revenu minimum moyen garanti (BEF 900 sur deux ans) + adaptations pour les jeunes de 18 à 21 ans ;
  • relèvement des allocations de chômage des chômeurs de 50 à 55 ans : harmonisation avec les plus de 55 ans ;
  • effort de formation et emploi pour les groupes à risques dans les secteurs et entreprises (0,25 % de la masse salariale) sinon versement au Fonds de l’emploi ;
  • confirmation de la prépension conventionnelle à 58 ans, jusqu’à la fin 1992 ;
  • paiement du double pécule de vacances pour un jour supplémentaire en 1992 ;
  • congé de maternité porté à quinze semaines ;
  • augmentation du plafond pour l’intervention dans les frais de transports.

2 – Accord interprofessionnel 1991-1992

Principes

Liberté de négociation et position compétitive

170Les parties sont attachées à la liberté de négociation dans les secteurs et les entreprises.

171Les parties sont tout autant soucieuses de la sauvegarde de la compétitivité indispensable à l’activité économique et à l’emploi.

172Les représentants des employeurs et des travailleurs tiendront dès lors compte dans les prochaines négociations salariales à tous les niveaux de négociation des éléments suivants : la position de la Belgique dans le marché unique de fin 1992, la politique monétaire qui lie le franc belge aux monnaies fortes du Système Monétaire Européen, l’évolution de la compétitivité en 1990 telle qu’elle apparaît dans le rapport du Conseil Central de l’économie de septembre et l’incertitude quant à l’issue de la crise du Golfe.

173Dans cet esprit, les interlocuteurs sociaux ont conclu un accord qui :

  • accorde une attention particulière à l’emploi ;
  • tient compte du contexte économique : les nouvelles charges en 1991 ont été limitées et le double pécule pour le troisième jour de la quatrième semaine de vacances est seulement octroyé en 1992 sous la forme d’une indemnité non récurrente pour ne pas hypothéquer l’avenir.

174Les parties insistent pour que les négociateurs au niveau des secteurs et des entreprises partagent les mêmes préoccupations en matière d’emploi et de compétitivité en s’inspirant de l’exemple de l’accord interprofessionnel.

I – Revenu minimum interprofessionnel

175Les montants du revenu minimum mensuel moyen garanti, prévus par la CCT 43 du CNT, seront majorés de 500 F. au 1er juillet 1991 et de 400 F. au 1er juillet 1992.

176La CCT n° 33 relative au salaire minimum des mineurs d’âge sera adaptée de telle manière qu’à partir du 1er janvier 1992 :

  • le champ d’application de cette convention sera élargi aux secteurs où la commission paritaire n’a pas fixé de minima ou des salaires pour les jeunes ;
  • le taux de dégressivité sera ramené de 7,5 % à 6 % par année d’âge.

II – Emploi et chômage

177Les parties sont partisans d’une approche globale au lieu d’actions dispersées selon qu’il s’agisse de jeunes, de femmes, de travailleurs âgés, de groupes à risques parmi les chômeurs ou les travailleurs, d’handicapés.

178C’est pourquoi elles proposent un dispositif global qui constitue la réponse commune des partenaires sociaux à la communication du gouvernement du 12 septembre et qui tient compte de sa décision du 9 novembre de maintenir le stage des jeunes, eu égard à l’avenir incertain du marché du travail :

  1. l’effort global consacré à la formation et à l’emploi des groupes à risques s’élèvera à 0,25 % des rémunérations brutes de 1991 et de 1992, y compris un effort particulier de 0,10 % destiné aux catégories les plus vulnérables parmi les groupes à risques ;
  2. l’actuelle notion de groupes à risques est étendue à tous les chômeurs âgés de 50 ans et plus ; aux travailleurs âgés de 50 ans et plus touchés par un licenciement collectif, une restructuration ou confrontés à de nouvelles technologies ; et aux travailleurs peu qualifiés ;
  3. sont considérés comme les catégories les plus vulnérables :
    • les chômeurs de longue durée : les chômeurs complets ayant bénéficié sans interruption des allocations de chômage pendant au moins un an ;
    • les jeunes en scolarité obligatoire partielle ;
    • les handicapés : les demandeurs d’emploi inscrits auprès du Fonds national de Reclassement social ;
    • les personnes qui réintègrent le marché de l’emploi : les demandeurs d’emploi sans indemnisation (de chômage ou d’interruption de carrière) et qui n’ont pas exercé une activité professionnelle au cours des trois dernières années ;
    • les chômeurs et les travailleurs peu qualifiés :
      • qui ne détiennent ni un diplôme d’enseignement universitaire, ni un diplôme ou certificat d’enseignement supérieur (de type long ou court), ni de certificat de l’enseignement secondaire supérieur ;
      • les secteurs et les entreprises peuvent, compte tenu de la nature de leur activité, définir par CCT d’autres catégories de personnes peu qualifiées ; ils les communiquent, moyennant justification, au Fonds de l’Emploi. S’il n’y a pas d’observation, l’extension est acceptée. S’il y a des observations, il en sera délibéré au sein du Fonds de l’Emploi.
      • l’effort est concrétisé par des accords de secteur ou d’entreprise. Le Ministère de l’Emploi et du Travail examinera si l’effort de 0,25 % et 0,10 % est prévu dans les conventions. En l’absence d’un tel effort global de 0,25 % ou d’un effort particulier de 0,10 %, une cotisation correspondante sera versée au Fonds de l’Emploi. Cette cotisation sera perçue par l’ONSS ;
      • les efforts consentis peuvent avoir la forme d’initiatives nouvelles ou renouvelées en matière de formation et d’emploi, telles que celles élaborées en exécution du précédent accord interprofessionnel.
        Outre l’effort particulier pour les catégories les plus vulnérables, il peut aussi s’agir d’actions positives en faveur des femmes, de systèmes de transition, c’est-à-dire d’initiatives de recyclage pour les travailleurs âgés menacés, d’interruptions de carrière à prestations décroissantes, etc. ;
      • le Fonds de l’emploi interviendra, dans la mesure de ses disponibilités, aussi bien dans les projets collectifs de promotion des groupes à risques que dans des projets individuels de mise au travail des personnes à risques.
    • Formules individuelles : le Fonds prend à charge :
      • une diminution du coût salarial en cas d’embauché et d’emploi de personnes handicapées ;
      • une diminution temporaire du coût salarial en cas d’embauché et d’emploi de personnes qui réintègrent le marché du travail et de chômeurs de longue durée ; cette diminution sera plus importante en fonction de la durée du chômage ;
    • Projets collectifs par convention collective portant sur un nombre de personnes appartenant aux groupes à risques : le Fonds interviendra pour :
      • les projets qui dépassent l’effort global prévu ;
      • les projets qui émanent de secteurs, d’entreprises et de groupes d’entreprises qui en l’absence de CCT ont versé au Fonds ;
      • les projets qui prévoient des actions positives pour les femmes ayant des implications financières.
        De tels projets peuvent être introduits par les secteurs et les entreprises le cas échéant en collaboration avec le VDAB, l’ORBEM et le FOREM et dans tous les cas moyennant l’accord des organisations syndicales concernées ;
      • les interlocuteurs sociaux assumeront une responsabilité accrue dans le Fonds de l’Emploi existant. L’affectation des moyens nécessite l’approbation des partenaires sociaux ;
      • le Fonds fera examiner annuellement l’exécution de ces dispositions ;
      • l’approbation par le ministre compétent de la définition proposée aussi bien des groupes à risques, que des catégories les plus vulnérables ainsi que des initiatives, y compris celles pouvant bénéficier de l’aide du Fonds, est une condition essentielle de la proposition globale.

III – Chômeurs âgés

179Les parties proposent une harmonisation du supplément pour les chômeurs âgés consistant à aligner à partir du 1er janvier 1991 les montants octroyés aux chômeurs de moins de 50 à 55 ans sur ceux des chômeurs de 55 ans et plus. A cet effet, l’actuelle cotisation de 0,10 % sur les rémunérations brutes sera portée à 0,12 % à partir de cette date.

IV – Famille et travail

180Les parties approuvent la décision du gouvernement d’encourager des structures d’accueil répondant aux besoins des travailleurs qui éprouvent des difficultés à assurer la garde de leurs enfants malades ou lorsqu’ils doivent fournir des prestations de travail en dehors des heures d’ouverture des établissements d’accueil. A cet effet, le gouvernement a réservé un montant de BEF 200 millions dans le budget 1991. Les parties sont d’accord pour demander au gouvernement de fournir dans le budget 1992 un effort au moins identique à charge du Fonds pour l’équilibre financier.

181Les parties sont d’accord pour proposer au gouvernement de porter le congé de maternité de quatorze à quinze semaines à partir du 1er janvier 1991. Cette semaine supplémentaire est à prendre avant la date présumée de l’accouchement. La proposition est financée au moyen du solde de la cotisation de 0,12 % de solidarisation du congé de maternité.

182Les parties donneront un avis positif sur la reconversion du congé de maternité en congé de parte mité lors du décès ou de l’hospitalisation de la mère ; cela dans le cadre de l’assurance maternité avec entrée en vigueur au 1er janvier 1991.

183Les parties conviennent, en réponse aux demandes du Ministre de l’Emploi et du Travail relatives au congé de paternité, lors de la naissance et de l’adoption d’un enfant, de proposer trois jours de petit chômage à partir du 1er janvier 1991.

V – Pécule de vacances

184En ce qui concerne le calcul du pécule de vacances des ouvriers de 18 ans et plus, le plafond des salaires fictifs pour les jours assimilés, actuellement de 1.380 F., est porté à 1.900 F. à partir des vacances 1991. Le coût de la mesure sera pris en charge par les réserves du régime (Fonds patronal).

185La majoration du plafond des salaires fictifs prévue ci-dessus concerne le régime légal du pécule de vacances des ouvriers.

186Les parties conviennent de conclure une convention collective temporaire au CNT prévoyant l’octroi en 1992 d’une indemnité complémentaire unique égale au double pécule du troisième jour de la quatrième semaine de vacances, soit 0,38 % des salaires servant de base au calcul du pécule de vacances. Les conditions d’octroi et les modalités de paiement de cette indemnité seront fixées par analogie avec celles définies dans la CCT n° 20 du CNT.

187Cette indemnité suivra le régime de sécurité sociale de la CCT précitée et doit dès lors être exclue de la base de perception des cotisations de la sécurité sociale.

188Le coût de cette indemnité sera imputé sur la marge de négociation disponible au niveau des secteurs et des entreprises.

VI – Dispositions diverses

189Les PME attachent également la plus grande importance à de bonnes relations sociales avec leurs travailleurs. Si des différends d’ordre collectifs surgissaient, les organisations patronales représentatives des entreprises concernées s’attacheront à les résoudre en valorisant au maximum les instances de conciliation créées à cet effet ou par des contacts directs avec les organisations représentatives des travailleurs concernés.

190Les parties conviennent de prolonger pour la période 1991-92 la CCT n° 44 du Conseil national du travail relative à la prépension, laquelle s’applique aux entreprises qui occupent au moins dix travailleurs. Cette convention s’appliquera aux employeurs et travailleurs qui ne sont pas couverts pendant cette période par une CCT prévoyant soit des mesures promotrices d’emploi, soit un régime de prépension. Par une CCT promotrice d’emploi, on comprend des mesures conventionnelles de promotion de l’emploi en général et de celui des jeunes en particulier, des mesures en faveur des groupes à risques, la promotion de l’interruption de la carrière professionnelle, des actions positives pour les femmes, des mesures assurant la transition des travailleurs âgés, une réduction du temps de travail, des stages pour jeunes en chômage de longue durée ou d’autres mesures s’inscrivant dans le cadre des objectifs de promotion de l’emploi prévus dans cet accord.

191Les parties conviennent d’adapter la CCT n° 19 du CNT relative à l’intervention de l’employeur dans le prix des transports publics des travailleurs suite aux décisions gouvernementales récentes en matière de déplacement entre le domicile et le lieu du travail. Cette CCT sera applicable aux employés dont le salaire annuel ne dépasse pas 900.000 F.

192Les parties conviennent de demander au ministre compétent de créer la base légale prévoyant que le planning des absences pour congé éducation pourra être fixé par une convention d’entreprise signée par toutes les organisations représentées au conseil d’entreprise. Le planning conventionnel primera le planning individuel.

193Les parties conviennent d’évaluer au CNT les procédures de consultation prévues en cas de restructuration d’une entreprise. Elles conviennent d’examiner l’élaboration d’un cadre pour l’accompagnement social.

Dispositions finales

194Les parties sont d’accord pour demander de manière expresse la garantie du gouvernement, et ce avant la signature de l’accord, de ne prendre aucune mesure au cours de la durée de l’accord dans les matières qui font l’objet de leur accord ou qui pourrait aggraver le coût salarial ou affecter l’organisation du travail. Elles feront de même lors de la constitution du prochain gouvernement.

195Les parties conviennent qu’elles ont réglé entre elles pour la durée de l’accord les exigences qu’elles ont les unes à l’égard des autres au niveau interprofessionnel.

Notes

  • [1]
    De 1983 à 1989, l’intervention de l’Etat dans le financement de la sécurité sociale est passée de 35 % à 18 %. Elle s’élève en 1990 à 192 milliards de francs. Le projet du gouvernement consiste à réduire son intervention par une non-indexation de ce montant. Un montant de 171 milliards est inscrit au budget de 1991.
  • [2]
    Comme on le verra plus loin, il n’a finalement pas été question du budget au cours de cette réunion ; seule la question de l’accord interprofessionnel a été abordée.
  • [3]
    Conseil central de l’économie, Avis et rapport relatifs à la position compétitive de la Belgique, Bruxelles, 23 mars 1990, p.3.
  • [4]
    Dans la foulée, Tony Vandeputte, administrateur délégué de la FEB répond : « 1990 doit être une année de paix sociale » (La Libre Entreprise, 20 janvier 1990).
  • [5]
    Voir à ce sujet P. Blaise et J. Verly, La mise en œuvre de l’accord interprofessionnel de 1988, Courrier hebdomadaire du CRJSP, n° 1286-1287, 1990.
  • [6]
    La Libre Belgique, 14 mai 1990.
  • [7]
    Le Soir, 22 mai 1990.
  • [8]
    Syndicaliste CSC n° 338, 25 mai 1990.
  • [9]
    Contrairement à ce que certains ont affirmé, la confection d’un cahier de revendications commun aux deux (trois) syndicats n’a rien d’exceptionnel. Dès 1962, en prévision du deuxième accord interprofessionnel du 12 décembre 1963, la FGTB et la CSC défendirent ensemble la revendication d’une troisième semaine de vacances. En 1965, en 1968 et en 1970, elles élaborèrent un cahier commun auquel se rallia la CGSLB en 1965 et en 1970. Enfin, en 1972 et 1974, les cahiers de revendications ont été conçus et déposés par les trois organisations syndicales (voir à l’annexe 1 les dates des accords et leur contenu).
  • [10]
    Voir dans Syndicats n° 12 du 16 juin 1990 et dans Syndicaliste CSC n° 340 de juin 1990 les positions de départ respectivement de la FGTB et de la CSC.
  • [11]
    La Libre Belgique, 3 juillet 1990.
  • [12]
    Bulletin de la FEB n° 15, 1990, p. 1.084.
  • [13]
    Allusion, sans doute, aux paroles de F. Janssens qui déclarait au quotidien Le Soir : « Si l’accord permet des avancées significatives, nous aurons la correction de ne pas exiger davantage auprès du gouvernement. Toutefois, si le patronat oppose un blocage total, nous utiliserons d’autres voies pour atteindre notre objectif (22 mai 1990) et La Libre Belgique : « Je parle souvent des deux fers syndicaux au feu social. J’ai pour mandat de réaliser certaines choses, avec, pour ce faire, une panoplie de moyens. La voie conventionnelle ou la voie réglementaire. La négociation ou l’action » (3 juillet 1990).
  • [14]
    La Défense sociale, 12 juillet 1990.
  • [15]
    Recommandations pour la concertation interprofessionnelle concernant la promotion de l’emploi des femmes, 20 juin 1990.
  • [16]
    Voir la presse dès le 10 août 1990, en particulier à cette date les quotidiens flamands De Morgen et Het Laatste Nieuws.
  • [17]
    De Gazet van Antwerpen, 27 août 1990.
  • [18]
    La Défense sociale, 6 septembre 1990.
  • [19]
    Du côté patronal, cette mesure est perçue comme un coût supplémentaire : les jeunes sont rémunérés à 90 % du salaire normal et le stage constitue dans la pratique une période d’essai prolongée. L’obligation d’engager des chômeurs « lourds » est considérée comme un poids pour les entreprises. Les organisations syndicales estiment pour leur part que supprimer l’obligation d’embaucher des jeunes stagiaires équivaudrait à une économie de 1,2 % de la masse salariale pour les entreprises dont la moitié devrait être réaffectée à l’emploi des groupes à risques.
  • [20]
    Il serait préférable, en fait, de parler de conditionnalité, la réversibilité ouvrant la possibilité de retirer quelque chose d’acquis, tandis que la conditionnalité renvoit à l’idée de soumettre l’octroi d’avantages nouveaux à certaines conditions.
  • [21]
    L’estimation tient compte d’une hausse des salaires de 2,5 % en 1991 du fait de l’indexation.
  • [22]
    Quoi qu’il en soit, la FEB détermine assez tôt dans la procédure de négociations, un plafond : elle n’accepte pas de consacrer plus de 0,5 % de la masse salariale à des avantages interprofessionnels. En outre, le patronat veut imposer des limites aux négociations de secteurs et subordonner les augmentations prévus pour 1992 à l’évolution de la situation économique pendant l’année 1991.
  • [23]
    D’après Syndicaliste CSC n° 345, 25 octobre 1990, p. 4.
  • [24]
    Il est à noter que le secteur non marchand et les contractuels des services publics ne sont pas concernés.
  • [25]
    Transition entre le travail et la retraite.
  • [26]
    La Voix de l’Union n° 43, 17 novembre 1990.
  • [27]
    A propos de la manière dont la norme est établie et dont le gouvernement peut intervenir, voir l’Année sociale n° 1/1986, pp. 69-75.
  • [28]
    Conseil central de l’économie, Avis sur la note du gouvernement exposant les lignes de forces du projet de loi-cadre sur la sauvegarde de la compétitivité, 1er juillet 1988, p. 8.
  • [29]
    Insistons sur le fait qu’il s’agit d’un rapport et non d’un avis, les deux ayant un statut spécifique, le second devant notamment être soumis aux votes en assemblée plénière.
  • [30]
    Les années 1963 et 1966 ne sont pas couvertes par un accord interprofessionnel.
  • [31]
    Cette synthèse est réalisée à partir de différents numéros du Courrier hebdomadaire du CRISP et de l’Année sociale de l’institut de sociologie de l’ULB.
Pierre Blaise
Mis en ligne sur Cairn.info le 10/08/2014
https://doi.org/10.3917/cris.1297.0001
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