CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1Les élections sociales vont avoir lieu pour la dixième fois du 1er au 18 avril 1987, dans plus de 2.600 entreprises en ce qui concerne les conseils d’entreprise (C.E.) et dans plus de 4.500 pour les comités de sécurité, d’hygiène et d’embellissement des lieux de travail (C.S.H.).

2En 1983, lors des dernières élections syndicales, 1.050.180 travailleurs étaient invités à élire leurs représentants aux C.E. et 1.282.594 leurs délégués aux C.S.H. Parmi ceux-ci, respectivement 52.294 et 72.581 se portaient candidats ; 16.527 et 25.278 étaient effectivement désignés à siéger dans l’un des organes de leur entreprise. C’est dire l’importance de ce scrutin en nombre de personnes concernées.

3Si les élections sociales ont avant tout une signification au niveau de l’entreprise, elles n’en demeurent pas moins un moyen de mesurer l’état des rapports de forces entre les organisations syndicales à d’autres niveaux : le pays, les régions, les secteurs d’activité économique, etc. Ce double enjeu électoral, que représentent l’attribution de sièges dans les instances de consultation de l’entreprise et la mesure de la confiance accordée aux organisations d’une manière plus globale, apparaîtra à l’issue des élections. Comme par le passé, le CRISP en rendra compte dans un prochain numéro du Courrier Hebdomadaire.

4En amont des élections, toutefois, il y a leur préparation et les campagnes menées par les organisations. Sur quoi mettent-elles particulièrement l’accent en 1987 ? Quelles sont leurs principales préoccupations, quel message veulent-elles transmettre et quelle image veulent-elles donner d’elles-mêmes ? C’est à ces questions qu’est consacrée la troisième partie de ce Courrier Hebdomadaire.

5Mais avant d’aborder ces questions, il paraît utile d’inscrire le prochain scrutin dans son cadre légal. Celui-ci a connu plusieurs modifications depuis les élections de 1983. Ces changements, essentiellement caractérisés par une réduction du champ d’application ainsi que par l’introduction d’un nouveau collège électoral propre au personnel de cadre et par les conditions qui les accompagnent, remodèlent la physionomie des élections et il y aura lieu d’en tenir compte lorsqu’il s’agira de mesurer la portée du scrutin et de comparer les résultats à ceux des élections antérieures.

6D’ores et déjà le processus électoral, entamé cinq mois avant les élections, est accompagné de nombreux recours devant des tribunaux du travail. Ceux-ci concernent notamment les unités techniques d’exploitation (détermination de l’entité dans laquelle le vote aura lieu), les fonctions de direction (détermination des dirigeants de l’entreprise, interlocuteurs aux conseils d’entreprise et aux comités de sécurité et d’hygiène) et les fonctions de cadre. Suite à l’introduction du collège électoral spécifique pour les cadres et vu l’absence d’une définition légale précise de la notion de cadre, des recours sont autorisés contre les fonctions de cadre définies initialement par les employeurs dans chaque entreprise concernée.

7Les jugements des tribunaux du travail relatifs à la définition des fonctions de cadre constituent les premiers éléments d’une jurisprudence qui s’élabore progressivement. Ils sont analysés dans la deuxième partie. La question de la représentativité des organisations y est également abordée.

1 – Cadre légal des élections de 1987

8Les conseils d’entreprise (C.E.) et les comités de sécurité, d’hygiène et d’embellissement des lieux de travail (C.S.H.) sont des organes de consultation, composés de représentants élus des travailleurs et de représentants délégués par l’employeur, au niveau de l’entreprise. Les C.E. ont été institués par la loi du 20 septembre 1948 portant organisation de l’économie tandis que les C.S.H. trouvent leur origine dans la loi du 10 juin 1952 concernant la santé et la sécurité des travailleurs ainsi que la salubrité du travail et des lieux de travail. Ces deux lois ont été à plusieurs reprises complétées ou modifiées par d’autres lois ou par des arrêtés royaux.

9La proximité de nouvelles élections est souvent l’occasion d’apporter des changements dans les textes légaux relatifs aux élections sociales. Ainsi des modifications importantes ont été introduites début 1985 par la loi de redressement contenant des dispositions sociales du 22 janvier 1985. Il s’agit particulièrement de la représentation des cadres dans les conseils d’entreprise et de la reconnaissance des organisations représentatives des cadres, d’une part, et de modifications relatives au renouvellement des organes de consultation dans les entreprises de petite taille, d’autre part. Plusieurs arrêtés royaux et une circulaire ministérielle définissent les mesures exécutoires et organisent le déroulement du prochain scrutin.

10Après une brève présentation des principales modifications légales, seront exposés les premiers éléments de la jurisprudence relative à la définition légale des cadres et à la représentativité des organisations autorisées à présenter des listes de candidats cadres dans les entreprises.

Modifications relatives aux organes de représentation

11La loi du 22 janvier 1985 contient des modifications relatives à la composition des conseils d’entreprise, à l’installation des comités de sécurité et d’hygiène, et à l’organisation d’élections intermédiaires.

Suppression des C.S.H. dans les entreprises de moins de 50 travailleurs

12Jusqu’en 1983, il y avait obligation d’instituer un comité de sécurité et d’hygiène dans toute entreprise comptant habituellement au moins 20 travailleurs et dans laquelle un C.S.H. avait été institué à l’issue des élections précédentes.

13A partir de 1987, le seuil de l’emploi passe de 20 à 50 personnes.

14En 1983, 599 entreprises sur 5.771, soit plus de 10 % de l’ensemble des entreprises concernées par l’élection d’un C.S.H., occupant au total quelque 22.740 travailleurs, étaient dans ce cas.

Les C.E. dans les entreprises de moins de 100 travailleurs

15Parallèlement aux C.S.H. un conseil d’entreprise était institué, jusqu’en 1983, dans toute entreprise où un C.E. avait été institué lors des élections précédentes et dont le nombre de travailleurs était tombé sous le seuil de 100 (tout en restant supérieur à 50).

16A partir de 1987, dans les entreprises qui connaissent cette situation, les fonctions de délégué au C.E. seront exercées par les membres du comité de sécurité et d’hygiène. Autrement dit, dans ces entreprises, les deux organes subsisteront, mais seule l’élection des délégués au C.S.H. aura lieu et les représentants élus pour les comités assureront conjointement les tâches de délégués des travailleurs au C.S.H. et au C.E.

17En 1983, 316 entreprises occupant moins de 100 travailleurs (sur 2.900) ont organisé des élections aux C.E.

18L’article 14 de la loi du 20 septembre 1948 relatif aux C.E. stipule que son application s’étend aux entreprises industrielles et commerciales occupant plus de 50 travailleurs. Avant les élections de 1975, le champ d’application de la loi a été étendu aux entreprises sans finalité économique : écoles de l’enseignement libre, institutions sociales et de soins de santé, administrations locales, etc. L’installation de C.S.H. dans les CPAS et les administrations communales qui a entraîné de nombreux recours en justice lors des élections de 1975, 1979 et 1983 appartient désormais au passé. Les mesures d’application du statut syndical du personnel de la fonction publique adoptées en 1984 ont mis un terme à cette question. Cet élargissement du champ d’application des élections sociales était une revendication de la CSC ; la FGTB, quant à elle, exigeait que la priorité soit accordée à un abaissement des seuils à 50 personnes occupées.

19Depuis de nombreuses années, les organisations syndicales œuvrent pour le respect intégral de la loi. L’abaissement des seuils ne s’est effectué que progressivement. Au début des années cinquante, seules les entreprises occupant plus de 200 travailleurs procédaient à l’élection d’un C.E. ; jusqu’aux élections de 1975, le nombre minimum de personnes occupées était de 150. Depuis l’arrêté royal du 18 octobre 1978, la barre est fixée à 100 travailleurs avec des élargissements possibles dans certains cas. Ces sont ces élargissements du champ d’application que la loi du 22 janvier 1985 supprime.

20Relevons, à propos des seuils syndicaux, que les signataires de l’accord interprofessionnel du 7 novembre 1986 reconnaissent explicitement que “nonobstant les points de vue divergents des parties, celles-ci estiment que, dans les circonstances actuelles, ni un changement des seuils pour l’installation d’un comité de sécurité et d’hygiène ou d’un conseil d’entreprise, ni la fusion de ces organes ne sont indiqués”.

21Notons encore que, depuis 1985, les élections intermédiaires sont supprimées. L’article 69 de l’arrêté royal du 31 juillet 1986 stipule toutefois que “les élections sont organisées en dehors de la période déterminée par le Roi

  1. en cas d’annulation judiciaire des élections ;
  2. dès que le nombre de délégués effectifs devient inférieur à deux…”

Conséquences des modifications

22Ces différentes mesures constituent des restrictions par rapport à la pratique de ces dernières années. Elles auront pour conséquences :

  • une nette diminution du nombre des entreprises concernées par l’élection d’un C.S.H. ;
  • un accroissement très sensible de la tâche des délégués au C.S.H. dans les entreprises de moins de 100 travailleurs où ils auront à remplir également les fonctions de délégués au C.E. ;
  • une réduction du nombre de travailleurs, candidats et élus, protégés.

Introduction d’un collège électoral cadres au C.E.

23La représentation séparée des cadres au sein des conseils d’entreprise est la principale modification introduite par la loi du 22 janvier 1985 (articles 154 à 161) ; sa mise en œuvre est prévue, pour l’essentiel, par l’arrêté royal du 31 juillet 1 986.

24Pour qu’un collège électoral cadre soit instauré, l’entreprise doit compter 100 travailleurs au moins (condition nécessaire pour l’organisation d’élections aux C.E.) et un minimum de 15 cadres. La loi ne donne qu’une définition très large et vague de la notion de cadre. Cette notion doit, en fait, être concrétisée au sein des entreprises. L’arrêté royal du 31 juillet 1986 définit les modalités, la procédure et les recours (aux articles 8, 2° ; 11, 7° et 9). Les désaccords sur ce point sont nombreux entre employeurs et travailleurs ; ils constituent l’objet de recours devant les tribunaux du travail, dont il est question au chapitre suivant.

25L’A.R. du 31 juillet 1986 prévoit que la délégation du personnel au sein du C.E. sera augmentée d’un membre effectif si l’entreprise occupe de 15 à 100 cadres et de deux unités si l’entreprise occupe plus de 100 cadres (art. 21). Comme l’a confirmé un avis du Conseil d’État, la répartition des mandats aux C.E. devra être proportionnelle à l’importance numérique de chacune des catégories de personnel : ouvriers, employés et cadres (art. 22, par. 3)

26Un des aspects les plus neufs, mais aussi les plus controversés, de l’introduction d’un collège électoral propre aux cadres est le mode de présentation des candidats. La loi du 22 janvier 1985 et l’A.R. du 31 juillet 1986 (art. 32) prévoient trois procédures différentes :

  • soit le dépôt de leur candidature par l’une des trois organisations reconnues représentatives des travailleurs, membre du Conseil national du travail (CNT)  : la CSC, la FGTB ou la CGSLB ;
  • soit leur présentation par des organisations représentatives des cadres, dont les conditions de reconnaissance stipulent qu’elles soient nationales, interprofessionnelles et comptent au moins 10.000 membres (ces organisations doivent en effet être reconnues représentatives selon les modalités de l’art. 2 de l’A.R. du 31 juillet 1986). La Confédération nationale des cadres (CNC) a ainsi été reconnue par l’A.R. du 26 novembre 1986. Cette reconnaissance a toutefois donné lieu à des recours au Conseil d’État et devant les tribunaux du travail ; il en sera également question dans la deuxième partie.
  • soit pour les cadres qui ne sont présentés ni par une organisation membre du CNT ni par la CNC, le soutien de leur candidature par au moins 10 % des cadres de l’entreprise sous la forme d’une liste co-signée. Un cadre ne peut appuyer qu’une seule liste et le nombre de signataires ne peut être inférieur à 5 si l’entreprise compte moins de 50 cadres et à 10 si l’entreprise compte moins de 100 cadres.

27La revendication de l’existence d’un collège électoral spécifique pour les cadres fait l’objet depuis plusieurs années de nombreuses négociations et actions. Son adoption est liée à une conjoncture politique favorable à certaines conceptions de l’action syndicale en général, de celle des cadres en particulier.

28La Confédération nationale des cadres est soutenue en cela par des parlementaires PLP puis PRL qui traduisent ses revendications de création de conseils des cadres en propositions de loi. La Fédération des entreprises de Belgique (FEB) soutient elle aussi ce projet, notamment à travers une recommandation émanant de son conseil d’administration en 1976 qui vise à organiser un dialogue régulier entre la direction et les cadres. La FEB estime en 1982 à l’occasion d’une évaluation de la recommandation que le Conseil des cadres a souvent permis l’amélioration du dialogue. Cette formule a été alors défendue par la FEB au Conseil national du travail (avis 732 du 29 juillet 1982 et 738 du 7 décembre 1982).

29Les organisations représentatives des travailleurs (la FGTB, la CSC, la CGSLB) s’opposent à cette réforme et considèrent qu’elles représentent tous les travailleurs y compris les cadres.

30La décision de créer un collège électoral propre aux cadres apparaît dès lors comme un compromis qui émerge de la double alternative entre, d’une part, conseil des cadres et collège électoral cadres au C.E. et, d’autre part, représentation des cadres par les organisations dites traditionnelles ou ouverture à d’autres organisations ou à des candidatures individuelles. Rappelons à ce propos que la CNC s’était manifestée lors des élections syndicales de 1979 et de 1983 en invitant ses adhérents et sympathisants à boycotter le scrutin pour protester contre l’interdiction qu’elle rencontrait de déposer des listes de candidats.

31Alors que les organisations syndicales membres du CNT (CSC, FGTB, CGSLB) se déclarent compétentes pour les cadres, la FEB “s’insurge contre ce monopôle syndical”. A la veille des élections syndicales de 1987, le Groupement national des cadres (GNC) de la CSC s’est montré favorable à la reconnaissance de la CNC pour autant que soit acquise l’installation d’un troisième collège et que la CNC retire sa revendication d’un Conseil des cadres. La FGTB, par contre, introduit un recours au Conseil d’État et devant les tribunaux du travail portant sur la manière dont la CNC a été reconnue comme représentative.

2 – Fonctions et organisations de cadres : une ébauche de jurisprudence

32De nombreux recours ont été introduits devant les juridictions du travail à propos de la définition des fonctions de cadres et de la notion d’organisation représentative des cadres. Avant d’en présenter quelques exemples, voyons quelles sont les définitions figurant dans la législation.

Textes legaux

33La loi de redressement contenant des dispositions sociales du 22 janvier 1985 a introduit dans l’article 14 par. 1er de la loi du 20 septembre 1948 portant organisation de l’économie, une définition des cadres :

34

“Cadres, les employés qui, à l’exclusion de ceux qui font partie du personnel de direction visé à l’art. 19, al. 1er, 2°, exercent dans l’entreprise une fonction supérieure réservée généralement au titulaire d’un diplôme d’un niveau déterminé ou à celui qui possède une expérience professionnelle équivalente”.

35La circulaire ministérielle (Moniteur belge du 2 octobre 1986) en reprend les principaux termes :

36

“Font partie du personnel de cadre, les employés qui, à l’exclusion de ceux qui font partie du personnel de direction exercent dans l’entreprise une fonction supérieure réservée généralement au titulaire d’un diplôme d’un niveau déterminé ou à celui qui possède une expérience professionnelle équivalente.”

37Elle précise encore que :

38

“La grande hétérogénéité du groupe des travailleurs considérés comme personnel de cadre a exigé une définition souple qui tient compte de la réalité sociale et structurelle très variable dans les entreprises.
La plupart des définitions se concentrent sur l’élément ‘conduite, délégation de pouvoir par l’employeur’ avec un certain droit d’initiative ; sont également considérés comme cadres, les travailleurs qui sans exercer véritablement un pouvoir, assurent des fonctions dirigeantes dans un service de recherche scientifique ou d’étude.
Il s’agit finalement de fonctions supérieures, en raison du pouvoir ou simplement de la tâche confiée. Ces fonctions sont habituellement réservées aux diplômés de l’enseignement supérieur ou à des personnes ayant une expérience professionnelle équivalente. Ce sont ces éléments qui sont à la base de la définition du personnel de cadre donnée par la loi du 22 janvier 1985”.

39De même, la loi de redressement du 22 janvier 1985 prévoit, en son article 154, qu’il faut entendre par :

40

“5° organisations représentatives des cadres : les organisations interprofessionnelles de cadres, constituées sur le plan national et qui comptent au moins dix mille membres.
Ces organisations sont reconnues comme représentatives par le Roi, selon la procédure et les modalités qu’il détermine.
Le Conseil national du Travail donne son avis dans le cadre de la procédure de reconnaissance.”

41L’Arrêté royal du 31 juillet 1986 prévoit en son article 2 :

42

“Art. 2 Les organisations représentatives des cadres qui souhaitent être reconnues doivent en adresser la demande au Ministre de l’Emploi et du Travail sous pli recommandé à la poste.
Cette demande doit être accompagnée :
  • d’une copie de leurs statuts ;
  • de la liste de leurs dirigeants ;
  • de leur dénomination ;
  • de leur adresse ;
  • de leur numéro de téléphone.
Elles doivent également y joindre tout élément utile pour déterminer si elles remplissent les conditions prévues à l’article 14 de la loi du 20 septembre 1948 portant organisation de l’Économie.
Avant de prouver au Roi la reconnaissance d’une organisation représentative des cadres, le Ministre de l’Emploi et du Travail prend l’avis du Conseil national du Travail. Celui-ci fait parvenir son avis dans les deux mois de la demande qui lui est faite, à défaut de quoi il sera passé outre.”

43L’Arrêté royal du 26 novembre 1986 prévoit que :

44

“Art. 1er La Confédération nationale des Cadres est reconnue en qualité d’organisation représentative des cadres, au sens de l’art. 14 par. 1er, alinéa 2, 5° de la loi du 20 septembre 1948 portant organisation de l’Économie.”

Le contentieux électoral

45Dans les entreprises la procédure électorale dure 150 jours, sur base d’un calendrier très strict, défini dans un arrêté royal. Cette procédure est composée de deux phases :

  • la phase préparatoire d’une durée de 60 jours
  • et la phase électorale proprement dite, d’une durée de 90 jours, de l’affichage des listes électorales à l’élection qui se déroule entre le 1er avril et le 18 avril 1987.

46Au cours de chacune de ces phases, des litiges peuvent se présenter et des recours peuvent être introduits auprès des tribunaux du travail. Le nombre de procédures est en augmentation constante d’élection en élection.

47L’introduction de nouvelles notions, telles que celle de cadre, renforce cette tendance.

La phase préparatoire

48Les litiges préalables aux élections sociales concernent essentiellement la délimitation de l’espace adéquat pour l’organisation des élections (les unités techniques d’exploitation), la détermination des fonctions de direction (ce sont les personnes qui exercent ces fonctions qui pourront être désignées pour représenter l’employeur au sein du conseil d’entreprise et du comité de sécurité et d’hygiène) et enfin, la détermination des fonctions de cadre.

49Une procédure paritaire d’information et de concertation est prévue pour déterminer dans l’entreprise l’unité technique d’exploitation et les fonctions de cadre et de direction. En l’absence d’accord, une procédure contentieuse peut être engagée ; elle a pour but de faire trancher ces questions par le tribunal du travail.

50Précisons à ce sujet que :

  • les unités techniques sont définies à partir des critères économiques et sociaux, c’est à ce niveau que les élections sont organisées.
  • les fonctions de direction concernent les dirigeants de l’entreprise, ce sont les personnes chargées de la gestion journalière et celles qui leur sont directement subordonnées.

51Ces deux notions qui font l’objet de controverse sont actuellement définies par la doctrine et la jurisprudence. Par contre, la notion de fonction de cadre est nouvellement introduite dans la législation sociale.

52Un glissement de l’objet des litiges s’est opéré. Lors des élections antérieures il s’agissait de déterminer précisément quelles fonctions d’encadrement relèvent d’un rôle de direction d’une entreprise (les personnes remplissant ces fonctions pouvant être inclues dans la représentation de l’employeur au sein du conseil d’entreprise et du comité de sécurité et d’hygiène). Actuellement il s’agit davantage de déterminer quelles sont les fonctions spécifiques des cadres par rapport aux fonctions d’employé. La ligne de démarcation est placée plus ou moins haut dans la hiérarchie fonctionnelle de l’entreprise suivant les rapports de force patronat /organisations syndicales.

53Ainsi il semble que les employeurs aient défini d’une façon extensive les fonctions de direction lors des précédentes procédures électorales, tandis qu’aujourd’hui cela semble être le cas pour les fonctions de cadre.

54On attendait avec intérêt de voir quelle attitude adopteraient les juridictions du travail quant à la fonction de cadre, compte tenu du caractère particulièrement large de la définition retenue par le législateur.

55Dans la pratique, cette notion dont l’importance est considérable (qui est cadre ? - comment le situer dans l’entreprise ?), est tranchée au cours de procédures judiciaires d’exception extrêmement rapides, allant à l’encontre de règles de procédure comme la règle du contradictoire notamment, qui exige l’échange de dossiers et de conclusions AVANT de plaider.

56Les débats connaissent un rythme soutenu et les magistrats ne disposent parfois pas du temps nécessaire à l’instruction des dossiers. De plus aucun appel n’est possible - seul est prévu un recours en Cassation non suspensif qui ne portera ses effets que dans quatre ans, lors des prochaines élections.

57Le Tribunal du Travail de Bruxelles connaît toujours un plus grand nombre de recours d’élections sociales et il est le plus sollicité du pays. Il a adopté une définition de la fonction de cadre qui est reprise dans tous les jugements.

58C’est ainsi que dans un jugement du 22 décembre 1986 (R.G. 88387/86) en cause GNC et CSC contre ASBL CUSL, il précise :

59

“Le Tribunal estime que la fonction de cadre ne dépend ni du titre donné, ni de l’appartenance à une catégorie de personnel ni du diplôme acquis.
Le critère réside dans les fonctions supérieures exercées  : il s’agit d’un critère qualitatif.
Les fonctions peuvent être dites supérieures soit :
  • que le travailleur employé dans et par l’exercice d’une tâche supérieure exerce d’une façon autonome un pouvoir d’autorité sur une partie du personnel ;
  • que le travailleur employé fournisse des prestations qui par leur nature et leurs exigences impliquent une autonomie certaine se traduisant par l’initiative,
ces fonctions sont généralement l’apanage de titulaires d’un diplôme d’un niveau déterminé ou de travailleurs ayant acquis une expérience professionnelle équivalente…”

60L’examen des cas concrets fait ressortir la difficulté de cerner les contours d’une notion que le législateur a lui-même laissée floue.

61Ainsi, dans un litige relatif aux fonctions de cadre dans une importante institution bancaire, le Tribunal du Travail de Bruxelles a admis que la fonction de cadre commençait au grade de sous-chef de bureau, sans procéder à une analyse des fonctions, admettant ainsi la proposition patronale qui reconnaissait que 6.000 des 15.000 personnes que compte l’entreprise étaient des cadres.

62Dans le cas d’une entreprise de la grande distribution, le Tribunal du Travail a rendu deux jugements, le 7 janvier 1987, dans deux litiges mettant en présence les mêmes parties, déposés l’un devant la Chambre néerlandophone (R.G. 89212/86) et l’autre devant la Chambre francophone (R.G. 89269/86). Dans les deux jugements, le Tribunal insiste sur le fait que l’entreprise compte plus ou moins 26.000 travailleurs répartis dans environ 250 points de vente, quelques centres de distribution et le service central. Il relève aussi que les points de vente sont ouverts au public 72 h. par semaine alors que le personnel travaille 38 heures, ce qui pose des problèmes d’encadrement. Un nombre de cadres suffisant est dès lors requis.

63Le Tribunal estime ainsi que le personnel classé en catégorie 5 et qui exerce certaines responsabilités avec droit d’initiative et délégation de pouvoir a le statut de cadre. A titre d’exemple, le chef de rayons, l’adjoint du gérant, l’acheteur adjoint, la secrétaire de direction sont des cadres.

64Dans le cas d’une autre entreprise de la grande distribution, le Tribunal du Travail, Chambre néerlandophone, a tranché le litige en deux temps :

  • un premier jugement visait à obliger l’employeur à communiquer la liste des fonctions de cadre, une brève énumération des barèmes étant jugée insuffisante (T.T. de Bruxelles 8ème Chambre, 31 décembre 1986, R.G. 88337/86) ;
  • un second jugement déterminait les fonctions de cadre (T.T. de Bruxelles, 8ème Chambre, 27 janvier 1987, R.G. 88337/86). Dans ce jugement, le Tribunal du Travail considérait que les secrétaires de direction même titulaires d’un diplôme, les traducteurs, les acheteurs, les caissiers principaux, les inspecteurs de vente, les responsables régionaux du contrôle des vols, les premiers bouchers, les responsables de rayon et les contrôleurs des stocks ne sont pas des cadres. Par contre il retient quelque 50 fonctions parmi lesquelles celles de responsables des salaires, de responsables de la sélection, de chef de la publicité, de chef du service comptable, de comptable chef, de promoteur des ventes, de chef boucher, de juriste d’entreprise, d’analyste du travail, de gérant, d’instructeur en informatique,…

65Le Tribunal du Travail a procédé de même, en deux phases, dans un litige concernant les fonctions de cadre dans une entreprise de matériel de bureau et d’informatique.

66Dans un premier jugement en date du 15 janvier 1987, il demande à l’employeur des précisions sur les fonctions (T.T. de Bruxelles, 8ème Ch., R-G. 89168/86) et dans un second jugement, il détermine les fonctions de cadre (T.T. de Bruxelles, 8ème Ch., 10 février 1987, R.g. 89168/86).

67Dans le cas de cliniques universitaires, le Tribunal du Travail a estimé que ni les infirmières et infirmiers, ni les ergothérapeutes, ni les kinésithérapeutes, …, n’étaient des cadres de même le secrétaire d’administration (niveau I du personnel de l’État, possédant un diplôme universitaire) ne répondait pas à cette définition au vu du travail réellement preste par cette personne (assistance au service du personnel).

68Par contre, l’aumônier et le conseiller laïc, dont la fonction est d’apporter une assistance psychologique, morale et spirituelle, étaient reconnus cadres (T.T. de Bruxelles, 7ème Chambre, R.G. 88387/86 du 22 décembre 1986).

69Dans le litige relatif au personnel d’une université libre, le Tribunal du Travail de Nivelles (section Wavre) a décidé qu’étaient cadres, les membres du personnel académique, les membres du personnel scientifique, permanents ou non, les membres du personnel administratif, technique et ouvriers titulaires d’un barème réservé aux titulaires d’un diplôme universitaire ou situation équivalente (T.T. de Nivelles - section Wavre, 7 janvier 1987, R.G. 24320).

70Dans le cas de la compagnie aérienne, le Tribunal du Travail de Bruxelles, 7ème Chambre, dans un jugement du 23 décembre 1986, a décidé que le commandant de bord, le co-pilote et le technicien de bord étaient des cadres vu leur autonomie à bord, leur responsabilité, leur autorité, leur spécialisation technique (T.T. de Bruxelles 23 décembre 1986, 7ème Ch., R.G. 88267/86).

71Il est évidemment trop tôt pour tirer un enseignement de ces décisions. La tendance semble s’orienter vers une assez large ouverture de la notion, ce qui semble rencontrer la volonté du législateur.

La phase électorale

72La seconde phase débute par la publication des listes électorales et des listes de candidats.

73Le contentieux électoral peut donc porter sur des irrégularités à ces deux niveaux : il comprend d’abord une phase de réclamation intérieure puis un recours devant le Tribunal.

74A titre d’exemple de contentieux de listes électorales, on peut citer le fait de ne pas reprendre une personne sur la liste des élections ou de la faire figurer à tort sur la liste du personnel de direction.

75Ainsi, dans le litige opposant la FGTB à l’asbl P.S., le Tribunal (T.T. de Bruxelles, 7ème Chambre, 28 janvier 1987, R.G. 90647/87) décide que telle personne ne peut figurer sur la liste du personnel de direction, compte tenu du fait que dans la première phase, ce même Tribunal avait décidé que la fonction exercée par cette personne n’était pas une fonction de direction (fonction de chef de sécurité jugement du 19 décembre 1986 de la 7ème Chambre du T.T. - R.G. 88152/86).

76A titre d’exemple de contentieux relatif aux listes de candidats : un recours contre une organisation représentative de cadre au motif qu’elle n’en serait point une au sens de la loi du 22 janvier 1985 et de l’Arrêté royal du 31 juillet 1986.

77Ainsi un recours devant le Conseil d’État a été introduit par la FGTB qui conteste la manière dont la Confédération nationale des cadres (CNC) a été jugée représentative et conteste donc la légalité des Arrêtés royaux du 31 juillet 1986 et du 26 novembre 1986. Le litige porte sur les 10.000 membres nécessaires suivant les conditions de l’A.R. du 31 juillet 1986  : à côté des 5.225 affiliations individuelles dont la CNC a pu faire la preuve, elle a comptabilisé des affiliations collectives. Or pour la FGTB, la représentativité des organisations représentatives des cadres doit s’apprécier avec “la même rigueur que celle qui est mise en œuvre pour déterminer le caractère représentatif d’une organisation représentative des travailleurs”.

78Le recours devant le Conseil d’État ne sera pas examiné avant plusieurs mois, il interviendra après les élections sociales. Dans l’intervalle, la FGTB a engagé plusieurs procédures contentieuses devant le Tribunal du Travail contestant la validité de listes présentées par la CNC dans certaines entreprises. Ce recours repose sur l’application de l’article 107 de la Constitution en vertu duquel les cours et tribunaux n’appliquent les arrêtés et règlements que dans la mesure où ils sont conformes aux lois. En l’espèce, la loi exige que l’organisation représentative des cadres compte au moins 10.000 membres. L’A.R. du 26 novembre 1986 reconnaît la CNC qui, pour la FGTB, ne compte pas 10.000 membres. C’est pourquoi la FGTB estime que le Tribunal du Travail ne doit pas appliquer cet A.R. avec comme conséquence que les candidats présentés par la CNC ne sont pas valablement présentés au suffrage. Cette cause a été jugée recevable mais non fondée par le Tribunal du Travail de Bruxelles (7ème Chambre francophone), en audience publique le 20 mars 1987, dans deux affaires opposant l’une la FGTB et Manuel J.S. à la société T., l’autre la FGTB et Philippe C. à la société Groupe I, toutes les deux en présence de la CSC, CGSLB et CNC (R.G. 94163/87 et R.G. 94162/87).

79Des recours en annulation des élections sont parfois introduits. Ainsi, la CNC a annoncé qu’elle engagerait cette procédure dans les cas des entreprises où un jugement d’un tribunal du travail aurait admis la thèse défendue par la FGTB.

3 – La campagne pour les élections syndicales

Enjeux et contexte

80Deux enjeux principaux sous-tendent les élections sociales. D’une part, chaque syndicat veut gagner des sièges dans les instances de consultation des entreprises. C’est pour eux l’occasion de défendre leur conception de l’action syndicale dans ces endroits stratégiques que sont les CE et les CSH sur les lieux de travail. C’est aussi un moment privilégié pour donner réalité et consistance aux droits des travailleurs, consacrés par la loi mais pas toujours reconnus dans les faits. D’autre part, les syndicats n’ignorent pas que la globalisation des résultats aux niveaux régionaux, sectoriels et national donne une mesure de l’audience de chaque organisation ; elle détermine leur position dans les rapports de force et, en définitive, l’attribution de mandats dans nombre d’organismes consultatifs et de concertation, dont la gestion est paritaire ou tripartite (parastataux, commissions paritaires, commissions consultatives instituées auprès des bureaux régionaux de l’ONEM, juges et conseillers des cours du travail, etc.).

81D’un point de vue général, deux traits caractéristiques se sont révélés être les principaux enseignements nationaux du scrutin de 1983. La CSC voit sa progression historique, ininterrompue entre 1958 et 1979, s’arrêter. La FGTB connaît, elle, un certain redressement, alors que, à chaque élection depuis 1958, elle enregistrait un léger recul de son résultat. Ce renversement des tendances observées au cours des vingt dernières années s’accompagne d’une progression régulière de la CGSLB, qui reste toutefois loin derrière les deux autres formations, avec des résultats inférieurs à 10%. Par ailleurs, ce renversement n’est pas assez marqué pour modifier le rapport de forces entre la CSC (premier syndicat sur le plan national et en Flandre) et la FGTB (premier en Wallonie).

82Il s’agit certainement ici de la résultante de nombreux facteurs, liés à l’action en entreprise comme aux positions et interventions des syndicats à d’autres niveaux. Le contexte politique, économique et social dans lequel se déroulent les élections n’est pas neutre. Ne fût-ce que parce qu’il focalise de nombreux aspects de la campagne électorale (programmes, slogans, enjeux). Mais aussi parce qu’il a des retombées directes sur les travailleurs, qui peuvent alors juger les attitudes des organisations et de leurs délégués.

83Il en va ainsi en 1987 à propos des accords, récemment conclus ou en cours de négociation au niveau des commissions paritaires et des entreprises, tels qu’ils sont prévus par l’accord interprofessionnel du 7 novembre 1986. Dans certaines entreprises, on assiste quelquefois à des surenchères dans les exigences ou à l’affirmation de positions catégoriques, menant quelquefois au conflit. Il est important d’apparaître combatif et efficace sur les lieux de travail, afin de confirmer l’adhésion des collègues syndiqués et de mériter les faveurs de la composante indécise de l’électorat.

84Outre les suites de l’accord interprofessionnel, la période électorale se situe dans le prolongement des décisions budgétaires prises à Val Duchesse par le gouvernement Martens VI (CVP - PRL- PSC - PVV) qui ont provoqué des grèves et des manifestations. Les conséquences des mesures budgétaires se font toujours sentir et les critiques continuent à être formulées par l’opposition. Il est peu probable que la FGTB épargne des attaques aux syndicats chrétiens, qu’elle considère avoir été les alliés du gouvernement.

85A ces deux aspects s’ajoute la réalité des entreprises, où de nouvelles formes de communication apparaissent, où diverses consultations ont lieu en l’absence des organisations syndicales, où de nouvelles règles du jeu se mettent en place. Se profilent également des conflits graves au sein de certaines entreprises, conflits actuels ou récents, qui naissent de problèmes liés à l’action syndicale et à la protection des délégués des travailleurs. L’on pense ici à la FN, à Caterpillar, à Cuivre et Zinc.

86L’enchevêtrement d’un contexte socio-politique général et des situations propres à chaque entreprise constitue la toile de fond des élections sociales. De leurs enjeux et de leur campagne.

Portée des élections et programmes

87Les enjeux et la portée des élections syndicales sont définis de manières fort diverses selon les acteurs. Les deux principaux syndicats, la FGTB et la CSC, adoptent des positions divergentes à cet égard. Celles-ci résultent à la fois d’une évaluation de la situation socio-économique et politique générale et d’options propres dictées par des doctrines ou des options stratégiques. De même, leurs centrales compétentes pour les cadres défendent des conceptions et définissent des attitudes différentes, voire opposées, à celles de la Confédération nationale des cadres. Cet aspect sera traité plus avant, dans un paragraphe consacré à la campagne menée par les organisations de cadres.

88La FGTB, la CSC et la CGSLB, en tant qu’organisations nationales et interprofessionnelles, se présentent dans la compétition électorale munies de programmes et porteuses de conceptions propres des enjeux.

89La CSC ne reconnaît dans les élections sociales qu’une dimension “micro”, ramenée à la réalité des lieux de travail. Par conséquent, son programme est essentiellement axé sur la problématique de l’entreprise. Il laisse une grande place à l’action des délégués- A l’échelle nationale, le programme de la CSC s’inscrit dans la lignée de son “triangle d’or”, constitué de trois objectifs fondamentaux : la promotion de l’emploi, l’augmentation du pouvoir d’achat et le maintien de la sécurité sociale. Au niveau de l’entreprise, la CSC met en exergue sept points d’ancrage de son action :

90

  • “l’emploi, c’est aussi notre affaire ;
  • le travail à la mesure de l’homme ;
  • notre santé n’a pas de prix ;
  • le progrès technologique en concertation ;
  • l’entreprise. … notre affaire, … notre avenir, ou ‘ne pas décider sans nous’ ;
  • notre travail doit être estimé à sa juste valeur ;
  • qualité du travail = qualité des produits et des services.”

91Elle défend l’idée de l’entreprise, communauté d’intérêt qui demande à être démocratisée.

92Pour la CSC, il n’est pas question de chercher au delà des résultats dans les entreprises, où peut être apprécié le travail des délégués, ni une quelconque signification politique, ni un test de popularité ou de légitimité du gouvernement. Les deux dimensions ne sont pas à confondre.

93La FGTB, par contre, considère que, si gagner les élections permet d’avoir “de bons délégués là où il en faut”, elles ont également un impact politique ; La plateforme en vue des élections sociales accorde une place importante à l’austérité, au pouvoir d’achat, à l’emploi. Le programme traite successivement des thèmes suivants :

94

  • “lignes de force pour un nouveau progrès social ;
  • renforcer la liberté et les droits syndicaux ; assurer une vie plus décente y compris pour ceux qui ne peuvent (plus) travailler ;
  • promouvoir l’emploi ;
  • solidarité avec les jeunes et avec les femmes ;
  • réformes institutionnelles ;
  • paix, développement et coopération européenne.”

95La FGTB estime qu’on ne peut distinguer dans les résultats des élections les retombées directes sur les entreprises d’une dimension plus globale et politique.

96Ainsi que le conclut B. Vaes dans Le Soir du 6 mars 1987, où elle cite les paroles de dirigeants syndicaux, on est en présence de “deux tons différents. La CSC ‘interpelle les patrons pour qu’ils prennent leurs responsabilités face à un syndicat constructif’. La FGTB met en accusation ‘le patronat, le gouvernement et la CSC dans la mesure où elle sert d’acolyte au gouvernement’”. Deux tons qui expriment des positions elles-mêmes contradictoires.

97Quant au syndicat libéral, il résume son programme en trois points :

98

  • “l’emploi ;
  • le pouvoir d’achat ;
  • les conditions de travail.”

Aspects de la campagne électorale

99La campagne électorale en vue des élections sociales fait appel à de nombreux moyens de propagande. Les murs se couvrent d’affiches géantes, les journaux et magazines contiennent des pages publicitaires en couleurs, quelques télévisions locales diffusent des spots d’information, etc. Une expression récente fait surface, celle de “marketing social”. Le temps des tracts artisanalement imprimés par les militants semble bien révolu. Les grandes confédérations font désormais appel à des publicistes professionnels, voire à des consultants, afin de donner au public une nouvelle image d’elles-mêmes et de transmettre leur message. Les moyens financiers utilisés dans cette optique sont considérables ; ils fournissent à eux seuls une première indication des efforts consentis par les syndicats et une estimation de l’importance accordée au scrutin.

La campagne de la FGTB

100Les grandes organisations syndicales ont adopté, lors de leur constitution et au cours de leur histoire, des structures, des modes de fonctionnement et d’organisation qui présentent de nombreuses différences. A la FGTB, les centrales professionnelles occupent une place prépondérante et disposent d’une grande autonomie par rapport a l’organisation nationale interprofessionnelle, les orientations générales du syndicat sont influencées par les rapports de forces qui s’établissent entre elles.

101La conception de la campagne, dans une organisation comme dans l’autre, est nécessairement le reflet de ses structures de décision et de sa pratique quotidienne. Les centrales affiliées à la FGTB jouissent d’une large indépendance dans la réalisation de leur campagne électorale.

102Un débat s’est toutefois établi entre elles et les a conduit à collaborer en vue du scrutin de 1987.

103La propagande électorale s’organise en fait à plusieurs niveaux. La FGTB nationale et interprofessionnelle élabore un programme global, définit une image de marque générale, se charge de diffuser son message à travers les médias. Tandis qu’aux autres niveaux (centrales, régionales, sections d’entreprise) s’élabore une campagne spécifique, en lien avec les situations propres des secteurs, des régions, des entreprises. Ainsi, les thèmes globaux sont précisés, actualisés, complétés, dans les secteurs particuliers où les centrales approfondissent le travail entrepris au niveau national. Dans certains cas, des problèmes très spécifiques sont mis en évidence. Par exemple, les risques d’atteintes à la santé (par exemple des cancers professionnels) dans tel secteur seront dénoncés et combattus par la centrale à laquelle est rattaché celui-ci.

104La décentralisation, la volonté de s’adapter à l’actualité, la diversité des stratégies, entraînent que la propagande des centrales est lancée à des moments très variables.

105La FGTB attribue une double portée aux élections, elle accorde une grande importance à la présence de ses candidats dans les CE et les CSH ; par ailleurs, elle reconnaît une signification politique aux résultats globaux du scrutin. Elle axe dès lors sa propagande sur une articulation entre “intérieur” et “extérieur”, articulation qui repose sur une complémentarité entre l’activité des entreprises et une vision politique globale. Les conceptions défendues en matières économique, sociale, politique interpellent tant le patronat (compétitivité, investissements des bénéfices) que le gouvernement (fiscalité, prix, consommation).

106L’accord politique, intervenu en juin 1985 et réaffirmé au début 1986, entre le PS, d’une part, l’Interrégionale wallonne et la régionale bruxelloise de la FGTB, d’autre part, s’inscrit dans une démarche identique. Le syndicat a conclu une alliance avec un parti politique - sans pour autant perdre son indépendance, affirme-t-il - en vue de porter sur la scène politique un certain nombre de ses préoccupations.

107La FGTB considère que l’action syndicale doit mettre en œuvre les moyens nécessaires requis par la défense des travailleurs, à tous les niveaux, dont celui du gouvernement et du monde politique.

108A l’occasion du scrutin d’avril prochain, le syndicat traduit ses revendications, ses positions, ses propositions alternatives de diverses manières et sous différentes formes. On a relevé précédemment les grandes lignes de la “Plateforme élections sociales” élaborée en vue du congrès statutaire de décembre 1986.

109Le bimensuel de la FGTB, Syndicats, rappelle également les thèmes, enjeux, slogans, des élections syndicales de 1987. Un numéro spécial y est consacré.

110Parmi les autres moyens de communication utilisés actuellement, les émissions de télévision ne semblent pas donner satisfaction aux dirigeants de la FGTB. Elles figurent sur les plages horaires de la RTBF à des moments où l’écoute est faible ou concurrencée par d’autres chaînes. On estime à 0,2 % le taux d’écoute de ces émissions par ailleurs fort coûteuses (plus ou moins 1 million de francs pour une demi heure d’antenne).

111Au cours d’une interview au journal Le Peuple (16 mars 1987) J.-C. Vandermeeren, secrétaire national de la FGTB, ne cache pas que la FGTB souffre de faiblesses au niveau de ses méthodes de communication et que des réflexions et des débats internes ont lieu à cet égard. C’est la raison pour laquelle la FGTB a fait appel la première fois à une société spécialisée en vue de la campagne électorale : “les techniques de communication sont devenues affaire de professionnels”.

112La FGTB, soucieuse d’utiliser les moyens modernes de communication a privilégié deux d’entre eux  : l’affichage sur 2 ou 4 mètres carrés et la publicité-couleurs sur une ou deux pages dans les magazines (Pourquoi Pas ?, Trends-Tendance, Knack, etc…). Les affiches et les pages de publicité sont identiques en français et en néerlandais, tant du point de vue photographique que rédactionnel.

113La FGTB a choisi une campagne aux slogans très concrets et très personnalisés. La propagande nationale s’appuie sur cinq affiches qui privilégient les thèmes de la participation au vote des jeunes, des travailleurs, des femmes, des immigrés et des cadres. Les slogans en sont : “Votez à haute voix”. “ABVV maakt je stem sterk”. “Moi, j’en veux”. “Je ne flanche pas”. “Pas sans moi”. “Solidaires comme eux… Solidaires pour eux”. “Je suis preneur”. L’ensemble des affiches et pages de publicité s’inscrit dans une unité de ton, de graphisme et de mise en page.

114De son analyse de la situation socio-économique du pays, la FGTB retient notamment les distorsions entre l’augmentation du bénéfice des entreprises et la diminution du pouvoir d’achat des travailleurs au cours des cinq dernières années. La faiblesse des investissements privés et l’aggravation du chômage sont également relevées. Aussi le tract publicitaire accompagnant la reproduction de la première affiche se place-t-il d’emblée dans une perspective globale. Après un constat de la situation actuelle, il précise les quelques positions-clefs qui servent de points d’appui à l’action de la FGTB : la solidarité, le salaire, les emplois, la qualité des services publics, la sécurité sociale, la qualité de la vie.

115La FGTB a encore publié une brochure décrivant toutes les opérations électorales et expliquant la législation en vigueur ainsi qu’un guide pour les témoins. Un des éléments importants de la propagande électorale du Setca est la distribution d’un livre de 350 pages, Droit et protection des appointés.

La campagne de la CSC

116La CSC inscrit sa campagne dans le cadre plus large d’une redéfinition de son image de marque. A la suite d’une réflexion interne axée sur l’avenir du syndicalisme, l’organisation décide de se doter de nouveaux moyens pour mieux “se vendre”. Une analyse des mutations sociales, économiques, culturelles, du monde d’aujourd’hui avait précédemment mené à une réorientation théorique, présentée sous le titre “Le syndicalisme des années 80-90”. Ce document a été adopté le 15 décembre 1983 par l’Assemblée wallonne des militants, après trois années de consultations et de débats.

117Fin 1986, le Comité communautaire de Wallonie et de Bruxelles édite une brochure intitulée “Les fondements de notre action”. Introduite dans le cadre du centième anniversaire du syndicalisme chrétien et dans la perspective des élections sociales, elle vise à rappeler “ce que veut fondamentalement la CSC avec le Mouvement ouvrier chrétien… (et à) réaffirmer les principes fondamentaux qui guident notre action”.

118En 1986, le centenaire du syndicalisme chrétien fut l’occasion d’entamer une démarche de marketing, menée en trois temps. La CSC prend d’abord conseil auprès d’un consultant pour définir l’image qu’elle veut donner d’elle-même. Ensuite, elle charge l’institut de sondage de l’ULB et de la VUB (INUSOP - INVOP) d’effectuer une enquête approfondie sur la manière dont la CSC est perçue dans le public et parmi ses militants. Enfin, le syndicat chrétien fait appel à un publiciste (H.H.D. en l’occurrence) pour la réalisation de son programme médiatique.

119Un plan de trois ans est élaboré. Il met l’accent sur trois dimensions jugées prioritaires : la CSC veut apparaître comme un syndicat de service, personnaliste, motivé par la négociation. Dans le prolongement des résultats de l’enquête, elle désire mettre en avant son rôle de négociateur et son attachement à la dimension de l’entreprise. Un thème sous-tend la démarche dans son ensemble : “CSC, la voix qu’on écoute”.

120Ce thème semble servir de fil conducteur à la campagne électorale. Il figure sur plusieurs supports de propagande. Trois affiches y font référence. Sur l’une d’elles, la proposition accompagne la photo d’un enfant et le slogan “D’abord construire”. Sur une deuxième, elle figure sous un visage d’homme et le mot d’ordre “Solidaire”. Enfin, elle apparaît sous la photo d’une femme et le qualificatif “Responsable”. Des auto-collants, des plaquettes, des tracts, des affiches vierges, autres supports de l’actuelle campagne, rappellent ce thème. Le slogan “D’abord construire” est également reproduit à maintes reprises.

121La dimension interprofessionnelle recouvre une part prédominante de l’action de la CSC en matière de propagande électorale. La campagne est mise au point au niveau national ou communautaire, par une commission spécialisée. Elle est répercutée par les centrales ouvrières principalement, tandis que la centrale des employés (CNE) élabore seule une partie de son matériel publicitaire. Les moyens mis en œuvre ne sont pas négligeables ; c’est par milliers que guides pratiques et brochures destinées aux témoins sont imprimés, par dizaines de milliers qu’affiches et tracts sont diffusés.

122La CSC déclare cependant redistribuer près des deux tiers du budget total de la campagne aux fédérations régionales interprofessionnelles. Une part proportionnellement plus élevée est remise aux régionales de Wallonie, où la CSC est moins bien implantée qu’en Flandre. Les affiliations de la CSC en région wallonne ne recouvrent en effet que 20 % de l’ensemble des membres du syndicat chrétien ; dans le sud du pays, la CSC obtenait 39 % des voix aux dernières élections sociales contre 55 % à la FGTB et 6 % à la CGSLB.

123La propagande nationale et interprofessionnelle de la CSC s’organise de manière fort différente de celle de la FGTB. Le poids des centrales professionnelles de la FGTB dans la prise en charge de la propagande démarque nettement celle-ci du syndicat chrétien. Les fondements mêmes de la campagne recèlent de nouvelles divergences. A la FGTB, affiches et tracts nationaux sont identiques dans les deux régions linguistiques ; à la CSC, par contre, démarches réflexives, définition de l’image de marque et instruments de propagande relèvent de deux conceptions bien distinctes. A titre d’exemple, on citera le slogan flamand de la CSC “ACV geeft uw stem kracht” (l’ACV donne du poids à votre voix), qui n’est pas semblable à la formule “CSC la voix qu’on écoute”, adoptée à destination du public francophone.

124La campagne électorale de la CSC s’appuie essentiellement sur des affiches et des tracts. Toutefois, des outils de publicité indirects sont également diffusés. Il en va ainsi, par exemple, d’une brochure éditée par le service syndical des femmes de la CSC. Cette brochure de 67 pages, intitulée “Travail et maternité”, sort de presse au début de la campagne et en constitue un des supports.

125Les autres groupes spécifiques, les jeunes et les travailleurs non belges, disposent également de moyens propres. Le Secrétariat national des jeunes CSC distribue une affichette qui invite, au moyen d’une bande dessinée, les jeunes à utiliser le droit de vote, un tract au contenu national “Les battants de la solidarité” sur lequel est prévu un espace pour des informations relatives à l’entreprise, ainsi qu’un agenda destiné aux jeunes. Quant au Service des travailleurs migrants, il a rédigé quatre tracts en langue étrangère pour les travailleurs hispanophones, arabes, grecs et turcs. Ils reprennent le slogan français ou néerlandais selon qu’ils s’adressent à des travailleurs occupés dans le Sud ou dans le Nord du pays.

126La CSC, dans la partie francophone du pays, se déclare opposée à mener une campagne de prestige : pas de propagande dans les journaux et revues, pas de grands panneaux publicitaires. Ce choix résulte en fait de l’option ferme du syndicat d’axer sa campagne sur l’entreprise. Il semble inutile dans ce cas de donner écho à des revendications et à des slogans extérieurs aux lieux de travail ; et, parallèlement, il est nécessaire d’accorder une large part des moyens financiers et des outils de propagande à l’activité des entreprises.

127L’on mentionnera enfin une expérience récente qui fait appel à de nouveaux modes de communication et d’information. La Centrale nationale des employés (CNE) de la région du Centre a produit, en novembre 1986, un spot publicitaire télévisuel. Cet espace de publicité non commerciale a été d’abord présenté à la télévision communautaire Antenne-Centre. Sa diffusion pourrait se poursuivre (salles de cinéma ou autres télévisions communautaires).

Similitudes de conceptions publicitaires

128Les conceptions défendues par la CSC et par la FGTB quant aux enjeux du scrutin ou plus largement à propos des rapports au politique diffèrent sur bien des points. Ainsi la CSC privilégie la signification des résultats dans l’entreprise tandis que la FGTB entend ne pas négliger leur dimension politique.

129Des similitudes apparaissent toutefois dans certains aspects de la campagne. Il en va aussi des affiches réalisées par les deux syndicats. D’un côté comme de l’autre, la surface de l’affiche est couverte d’une photo dont le sujet est un individu :

  • un jeune, un homme, une femme pour la FGTB
  • un enfant, un homme, une femme pour la CSC.

130La personnalisation est encore renforcée à la FGTB par la manière dont les slogans sont formulés : ils insistent sur les pronoms “je” ou “moi” : “Je ne flanche pas”, “Moi, j’en veux”, “Pas sans moi”. Tandis qu’à la CSC, les mots-clefs : “D’abord construire”, “Responsable” et “Solidaire”, s’adressent tantôt à l’individu (le délégué), tantôt à l’organisation dans son ensemble.

131Notons encore que les accords électoraux, conclus par le passé entre les organisations pour limiter les moyens accordés pour la propagande ou en vue d’éviter des attaques personnelles, ne sont plus reconduits depuis 1975.

La campagne de la CGSLB

132La CGSLB mène sa campagne électorale sous le thème “Agir autrement”. Dans un dépliant de 6 pages où elle propose le “réalisme syndical” fondé sur les trois notions de “liberté”, “solidarité” et “indépendance”, la CGSLB rappelle les trois grands traits de son programme : l’emploi, le pouvoir d’achat et les conditions de travail.

133Un autre tract émet un constat sur “les résultats décevants” de la politique de restriction eu égard à l’emploi et la relance de l’économie. Il débouche sur la perspective d’un changement : “l’année 1987 peut mettre un terme à ces interventions” grâce à l’accord interprofessionnel conclu par les interlocuteurs sociaux. Celui-ci “consacre à nouveau la liberté de négociation”. Un dépliant, outil de propagande édité à l’occasion des élections sociales fournit des indications en matière de sécurité sociale (montant des indemnités et allocations) et quelques éléments de législation sociale. Une brochure décrivant la législation en vigueur relative aux CE et CSH est publiée à l’intention des candidats et des électeurs.

134Le journal, Le syndicaliste libéral, organe bimensuel de la CGSLB constitue également un des supports de la campagne. Il fournit notamment des informations pratiques sur le déroulement des diverses phases qui précèdent le scrutin, il précise le point de vue du syndicat sur divers aspects de l’actualité et sur certains enjeux des élections et il reprend les slogans publicitaires du syndicat. Tant l’affiche que les tracts diffusés par le syndicat libéral à l’occasion des élections de 1987 présentent un aspect sobre et dépouillé (pas de photo, peu de couleur, graphisme simple).

La constitution des listes des candidats

135Il est communément admis que l’un des principaux éléments déterminant le résultat électoral dans les entreprises est, outre la personnalité des délégués et l’action globale d’un syndicat, la constitution des listes de candidats. Cette opération est particulièrement stratégique. On a par exemple observé, à la suite du scrutin de 1983, une recrudescence du nombre des mandats non pourvus. Le phénomène est la conséquence de listes incomplètes ou d’une absence de candidats dans un certain nombre d’entreprises. Dans celles-ci, l’ensemble des sièges, ou une partie d’entre eux, restent vacants en raison du manque de candidats et, partant, d’élus. En 1983, aucun candidat n’était présenté pour les CE dans 117 entreprises industrielles ou commerciales (soit 5 %) et pour les CSH dans 400 d’entre elles (935). Le même phénomène s’observe dans 55 entreprises sans finalité économique (soit 5%) pour les CE et dans 203 pour les CSH. Dans ces unités, il n’y a donc pas eu élection, ni dévolution de sièges. Une telle situation se présente proportionnellement plus souvent dans les établissements relevant du secteur non marchand.

136Tous les syndicats sont conscients de l’enjeu que représente la constitution des listes de candidats. A la CSC comme à la FGTB, ce sont les centrales professionnelles et les sections professionnelles régionales qui se chargent d’orchestrer la campagne pour les candidatures. Elles utilisent pour ce faire un matériel publicitaire sous forme de tracts, à usage national et interprofessionnel. Sur les lieux de travail, les membres de la délégation syndicale constituent la liste, à moins qu’un poil ne soit nécessaire, afin d’établir l’ordre des candidats. Dans les entreprises où il n’y a pas de tradition syndicale, les permanents régionaux sont chargés d’implanter l’action de leur organisation.

137La FGTB distribue six tracts, de présentation identique, s’adressant chacun à un public-cible :

  • Candidat aux élections sociales dans une PME. Pourquoi pas vous ?
  • Candidat aux élections sociales dans une institution libre. Pourquoi pas vous ?
  • Candidat aux élections sociales. Pourquoi pas vous ?
  • Immigré et candidat aux élections sociales. Pourquoi pas vous ?
  • Jeune et candidat aux élections sociales. Pourquoi pas toi ?
  • Cadre et candidat aux élections sociales. Pourquoi pas vous ?

138La publication d’adresse chaque fois à un public spécifique, auquel il apporte des témoignages de travailleurs élus lors des dernières élections. Elle incite le travailleur à s’engager sur une liste FGTB et propose quelques informations relatives à la protection des candidats.

139La CSC publie de son côté un tract de huit pages, intitulé “Veux-tu jouer un rôle actif dans les entreprises ?”. Elle rappelle le rôle des divers organes de consultation (CE, CSH) et de revendication (délégation syndicale), et convie le candidat à être candidat. Un bulletin réponse est intégré au tract à cette fin.

Les cadres dans la compétition électorale

140La principale modification apportée au développement des élections sociales de 1987 est l’introduction d’un collège électoral propre aux cadres dans les entreprises de 100 personnes qui en comptent au moins 15. Par le passé, les cadres étaient déjà électeurs et éligibles ; mais sur des listes d’employés  : le SETCA (FGTB), la CNE (CSC) et la CGSLB.

141Dorénavant, les cadres affiliés aux syndicats représentatifs des travailleurs sont élus sur des listes exclusivement composées de cadres. Ces listes sont déposées par le Syndicat général des cadres (SYGECA), centrale professionnelle du SETCA (FGTB), par le Groupement national des cadres (GNC) et par le Nationaal Verbond voor het Kaderpersoneel (NVK) rattaché à la Landelijke Bediendencentrale (LBC), l’un et l’autre affiliés à la CSC, ou enfin par la CGSLB où les cadres n’ont pas de structure propre. Les candidatures de cadres peuvent également être présentées par la Confédération nationale des cadres (CNC) récemment reconnue représentative des cadres ; ils peuvent figurer aussi sur des listes indépendantes.

142Les organisations de cadres affiliées aux syndicats membres du CNT considèrent que l’enjeu principal du prochain scrutin porte sur le type d’organisations que choisiront les cadres. A leurs yeux, l’alternative se pose de la manière suivante : les cadres privilégieront-ils leur appartenance au monde des travailleurs dans son ensemble tout en défendant leur spécificité ou voudront-ils affirmer leur appartenance à une catégorie particulière d’employés, à une troisième force ?

143Les partisans de la première option, membres de syndicats interprofessionnels, proposent un programme spécifique, mais complémentaire à celui de leur organisation, FGTB ou CSC.

144Le programme du SYGECA fait l’objet d’un dépliant bilingue. Il est résumé dans un numéro de Sygécadres, l’organe bimestriel des cadres de la FGTB :

145

  1. “Il existe une communauté indivisible d’intérêts entre l’entreprise et toutes les composantes de son personnel. C’est cette communauté d’intérêts que le (la) candidat(e) sygéca s’engage à défendre.
  2. Cette communauté d’intérêt ne signifie pas pour autant la disparition de la spécificité des cadres. Le (la) candidat(e) sygéca connaît bien les problèmes particuliers et les aspirations réelles de ses collègues cadres : lui (elle) seul(e) s’engage donc à être leur réel représentant et à ne pas se laisser détourner de cette mission.”

146Parmi les problèmes spécifiques rencontrés par le cadre, le SYGECA considère que les plus importants aujourd’hui sont la pension, la fiscalité, l’emploi, la formation et le recyclage.

147Le GNC qui se définit comme “le syndicalisme des cadres au cœur d’un grand syndicat” mène sa campagne de manière indépendante de la CSC. Il place sa propagande sous le thème “Passeport pour le 3° collège”, que l’on retrouve sur les affiches, tracts et dépliants diffusés par le Groupement. Une brochure imitant un passeport informe sur le déroulement des élections ainsi que sur le fonctionnement et les attributions du CE ; il présente également les options du Groupement. Pour le GNC, la reconnaissance officielle des cadres leur permettra de participer plus étroitement à l’élaboration des décisions et de jouer un rôle de service à l’égard des autres catégories de travailleurs. Le Groupement opte ainsi pour “un syndicalisme de solidarité négociée, de proposition, de responsabilité, d’action et de mouvement”. L’emploi, l’aménagement du temps de travail, la formation permanente, un système de carrière décélérée constituent ses priorités. Il pose également un nombre de revendications à l’égard des employeurs ; des critères objectifs pour les affectations, l’obligation de motiver les préavis, une transparence dans la politique des rémunérations des cadres.

148Du côté néerlandophone, le NVK-LBC défend également une conception du cadre solidaire des autres catégories de travailleurs. Il insiste sur le “management participatif” c’est-à-dire une participation accrue des cadres à la gestion de leur entreprise et une consultation sur les questions relatives au travail. Il inscrit à son programme le respect du statut de délégué syndical pour les cadres, la revendication d’un contrat spécifique pour les cadres, la définition de carrières, une politique de mutation et de promotion ouverte, l’éducation permanente. Plus globalement, le NVK réclame une diminution de la fiscalité, le maintien de la sécurité sociale et la conclusion de conventions collectives spécifiques pour les cadres. Il demande que les cadres soient consultés sur les problèmes affectant la sécurité et l’hygiène et le respect de la vie privée.

149Quant à la CNC, elle se définit comme “une organisation neutre, indépendante des partis politiques, ne regroupant que des cadres. Elle se prononce pour le partenariat au niveau de l’entreprise. La Confédération considère que le troisième collège est un pis-aller ; pour elle, la revendication de conseils de cadres, lieux de dialogue entre employeurs et cadres, indépendants des organes actuels, reste prioritaire.

150Son programme est axé sur quelques grands thèmes parmi lesquels la fiscalité, la parafiscalité et la réforme de la sécurité sociale. Ces thèmes sont abordés de manière générale, l’attention de la CNC n’étant pas centrée uniquement sur les entreprises. Elle oriente principalement sa campagne électorale sur son accès au Conseil national du travail (CNT) pour y défendre les revendications propres aux cadres.

Pierre Blaise
Jean-Claude Bodson
Les élections sociales vont avoir lieu pour la dixième fois du 1er au 18 avril 1987, dans plus de 2.600 entreprises en ce qui concerne les conseils d'entreprise (C.E.) et dans plus de 4.500 pour les comités de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail (C.S.H.). En 1983, lors des dernières élections syndicales, 1.050.180 travailleurs étaient invités à élire leurs représentants aux C.E. et 1.282.594 leurs délégués aux C.S.H. Parmi ceux-ci, respectivement 52.294 et 72.581 se portaient candidats ; 16.527 et 25.278 étaient effectivement désignés à siéger dans l'un des organes de leur entreprise. C'est dire l'importance de ce scrutin en nombre de personnes concernées. Si les élections sociales ont avant tout une signification au niveau de l'entreprise, elles n'en demeurent pas moins un moyen de mesurer l'état des rapports de forces entre les organisations syndicales à d'autres niveaux: le pays, les régions, les secteurs d'activité économique, etc. Ce double enjeu électoral, que représentent l'attribution de sièges dans les instances de consultation de l'entreprise et la mesure de la confiance accordée aux organisations d'une manière plus globale, apparaîtra à l'issue des élections. Comme par le passé, le CRISP en rendra compte dans un prochain numéro du Courrier Hebdomadaire […]
Mis en ligne sur Cairn.info le 11/08/2014
https://doi.org/10.3917/cris.1146.0001
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