CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1Nous nous proposons, quelques années après la scission qui a fait du Parti socialiste et du Socialistische Partij (SP) deux mouvements politiques autonomes, d’étudier deux courants organisés situés, l’un, au sein même du SP sous forme de tendance (Links), l’autre dans le parti mais aussi à sa périphérie (Doorbraak).

2Links et Doorbraak répondent certes à des aspirations politiques parfois divergentes, leurs racines ne plongent pas non plus dans le même terreau historique ; la progression de leurs idées au sein du parti socialiste, la manière dont ils se sont organisés sont autant de points qui les distinguent.

3Il nous a cependant paru intéressant d’étudier ces deux courants en parallèle.

4D’abord, en raison de traits communs indéniables, dont un point essentiel qui est la volonté de transformer le parti, que ce soit en radicalisant ses options et en le désengageant peu ou prou de certaines pratiques et alliances gouvernementales jugées ambiguës, ou en favorisant son ouverture à d’autres tendances idéologiques et en combattant un certain sectarisme.

5Ensuite, parce que les conditions dans lesquelles sont nés ces deux courants, pour différentes qu’elles soient, marquent deux périodes importantes de l’histoire (notamment institutionnelle) du pays et de l’évolution du mouvement socialiste : Links apparaît peu avant les grèves de l’hiver 1960-1961, qui voient notamment les conflits communautaires prendre une dimension socio-économique dont il sera désormais impossible de faire abstraction ; Doorbraak rend public son manifeste en juin 1979, peu après la scission du P.S.B.-B.S.P. jusque là unitaire et peu avant que n’entrent en application les lois de réformes institutionnelles d’août 1980.

6A travers Links [1] et Doorbraak, c’est donc aussi le regard que porte la gauche socialiste flamande sur ces événements que nous comptons décrire.

1 – Links

BREF HISTORIQUE [2]

7Le premier numéro de Links est paru le 21 novembre 1958. A ce moment, Le P.S.B.-B.S.P. se trouve dans l’opposition après quatre années de participation au gouvernement avec les libéraux (gouvernement Van Acker-Liebaert). Cette alliance a induit des pratiques politiques que des voix toujours plus nombreuses au sein du P.S.B.-B.S.P. (et au sein de la F.G.T.B.) réprouvent ; récusant la stratégie de progression des idées socialistes par le biais de la décléricalisation et critiquant le réformisme du parti en matière économique, des militants francophones et flamands s’unissent pour demander une radicalisation du P.S.B.-B.S.P.

8C’est dans ces circonstances que paraissent l’hebdomadaire La Gauche (dès la fin 1956) et le bimensuel Links. Ce dernier lance un peu plus tard une société coopérative chargée d’assurer l’édition du journal mais également d’autres documents ; un manifeste est publié qui, partant d’une analyse du “malaise” qui règne dans les rangs socialistes, dû - selon Links - au divorce entre une doctrine authentiquement socialiste et une pratique d’intégration au régime capitaliste, définit les principes que défendront, au sein du parti, les animateurs du journal :

  • nationalisation des grands moyens de production et de distribution, planification démocratique de l’économie ; à court terme, réalisation du programme économique de la F.G.T.B. (congrès extraordinaire de 1954 et 1956) ;
  • union entre travailleurs socialistes et travailleurs chrétiens (priorité de la lutte socio-économique sur la stratégie de décléricalisation) ;
  • solution socialiste au problème flamand ;
  • au plan international : désarmement et décolonisation.

9Le comité de direction (bestuurscomite) compte plusieurs syndicalistes (dont certains rompront avec Links en raison du soutien inconditionnel du journal aux grèves de l’hiver 1960) [3], ainsi que deux députés socialistes : Kamiel Huysmans, alors président de la Chambre, et Guy Cudell. On y retrouve aussi les noms d’intellectuels socialistes comme Willy Calewaert, futur sénateur et ministre, Marc De Kock, qui deviendra président de la Ligue des droits de l’homme, l’écrivain Achille Mussche, l’économiste Ernest Mandel (qui démissionnera en 1964) et Marcel Deneckere, qui sera, jusqu’à sa mort en 1983, le rédacteur en chef du journal.

10La rédaction de l’hebdomadaire (Links est resté bimensuel jusqu’au 23 novembre 1964) ne coïncide pas totalement avec ce comité. Les collaborateurs de Links, en 1958, sont souvent peu connus mais certains d’entre eux le deviendront par la suite : Ernest Mandel bien entendu, qui quittera le P.S.B. et est aujourd’hui professeur à la Vrije Universiteit Brussel (V.U.B.) et l’un des dirigeants de la IVème Internationale (trotskyste), mais aussi Alfons Laridon, futur député socialiste (de l’arrondissement d’Ostende), Marijke Van Hemeldonck, actuellement membre socialiste du Parlement européen, Rudi Van Vlaenderen, acteur et directeur de théâtre (B.K.T.) notamment. On y trouve aussi les noms de Marcel Deneckere et Marc De Kock, déjà cités, de Bert Comhaire, un des dirigeants du SETCa, d’Aloïs Gerlo, futur recteur de la V.U.B. et président du Vermeylenfonds, qui avait rompu à ce moment depuis peu avec le parti communiste, du futur cinéaste Frans Buyens, de Walter De Brock, alors préfet d’athénée, futur secrétaire général au Ministère de la Culture néerlandaise, de Jan Craeybeckx, qui sera plus tard professeur à la V.U.B.

11Après avoir appuyé inconditionnellement les grèves de 1960-1961 (ce qui entraînera des conflits entre Links et la F.G.T.B. flamande, surtout à Anvers, et le départ de certains membres du comité de rédaction), et avoir ensuite manifesté son opposition à la participation du P.S.B. au gouvernement formé en avril 1961 (gouvernement Lefèvre-Spaak), Links dut -tout comme La Gauche - affronter en décembre 1964 le problème des “incompatibilités” posé par le bureau du parti à l’occasion d’un Congrès extraordinaire [4]. Contrairement à La Gauche, Links parvint à signer, en janvier 1965, avec le bureau du parti socialiste un accord reconnaissant et définissant le droit de tendance [5]. Le journal put donc continuer à paraître en tant qu’expression d’une tendance “combattive” au sein du P.S.B.-B.S.P., son comité de rédaction se trouvant pourtant ipso facto composé exclusivement de membres du parti.

12Links fut l’un des initiateurs du manifeste socialiste flamand de décembre 1961, signé par plus de 500 personnalités socialistes et syndicales, et l’un des moteurs du Congrès socialiste flamand qui se tint à Klemskerke en novembre 1967 [6] (les socialistes wallons avaient organisé leur congrès dès 1962 ; les membres flamands de la direction du P.S.B.-B.S.P. se sont longtemps opposés à une initiative analogue, craignant apparemment qu’elle ne favorise un déchirement du parti).

13A l’occasion de son dixième anniversaire, Links rendit public en 1968 un nouveau manifeste, actualisant et développant le manifeste de création. Ce texte répète l’hostilité de Links à des “pratiques et conceptions qui, consciemment ou inconsciemment, favorisent l’intégration du mouvement ouvrier dans le régime capitaliste”. Il esquisse ensuite les grands thèmes d’une “alternative socialiste” : planification économique s’appuyant sur un holding public, redistribution équitable du revenu national (démocratisation du régime fiscal, socialisation de la politique foncière, création d’un service de santé national, …), contrôle ouvrier sur les entreprises (l’autogestion est réservée au stade de l’“économie socialiste”), sortie de l’OTAN et reconversion progressive du budget militaire en aide aux pays sous-développés. Pour réaliser cette alternative, Links estime qu’il faut regrouper les travailleurs, éliminer les oppositions communautaires (en mettant en place une large autonomie pour chacune des communautés) ; favoriser la collaboration entre travailleurs chrétiens et socialistes et entre travailleurs manuels et intellectuels. Le manifeste de 1968 s’inquiète enfin de ce que le parti ne soit pas armé pour affronter la lutte en faveur de l’alternative socialiste ainsi ébauchée.

14Ultérieurement, Links se rallia à l’appel lancé par le président du parti socialiste Léo Collard le 1er mai 1969 : nous verrons que Doorbraak fait aussi référence à ce discours désormais célèbre. L’époque était fertile en prises de position en faveur d’un rapprochement entre socialistes et chrétiens, organisés ou non : La semaine sociale du MOC de 1968 avait déjà défendu cette idée, et les Jeunes C.V.P. - présidés à l’époque par Wilfried Martens - l’avaient également soutenue.

15En 1970 et en 1973, Links soutint activement deux grèves non reconnues par les centrales syndicales : celle des mineurs limbourgeois [7] et celle des dockers [8] à Anvers et à Gand. Lors de ce dernier conflit, en particulier, le journal critiqua vivement la direction anversoise de l’U.B.O.T. (le syndicat auquel étaient affiliés les dockers en grève).

16Pour préparer le congrès idéologique que devait tenir en novembre 1974 le parti socialiste, Links publia cette même année [9] son premier livre rouge ou Roodboek, en collaboration avec les Jongsocialisten. Cet ouvrage, largement diffusé au sein du P.S.B.-B.S.P., était le résultat d’un travail mené depuis deux ans par Links, les Jongsocialisten et des socialistes “se situant à la gauche du B.S.P.”.

ROODBOEK I

17Le premier livre rouge (Roodboek I) se subdivise en quatre grands chapitres portant respectivement sur la doctrine, le programme, la stratégie et le parti.

18Le premier chapitre (“Doctrine”) reprend à son compte la critique anti-capitaliste du programme de Quaregnon, dont sont cités de larges extraits et qui est appliquée au néo-capitalisme des années septante ; les auteurs de Roodboek I s’attachent à démontrer que le néo-capitalisme (défini comme “le système capitaliste au sein duquel le mouvement ouvrier a réussi à arracher certaines améliorations”) ne se différencie pas essentiellement du capitalisme du 19ème siècle. Il en résulte notamment que l’appropriation collective des moyens de production doit rester le point central de la doctrine socialiste ; Links refuse cependant de “s’enfermer dans le faux dilemme “révolution/réformisme”” et opte pour un “réformisme révolutionnaire”, la révolution (la fin du système capitaliste) étant le but qu’une stratégie réformiste se propose d’atteindre.

19Dans un second chapitre consacré au “programme”, les auteurs de Roodboek I précisent les traits d’un “programme de transition vers le socialisme” qui implique notamment :

  • la démocratie économique (socialisation des moyens de production et en premier lieu du secteur financier ; priorité accordée à l’initiative publique) ;
  • le contrôle ouvrier comme première étape vers l’autogestion ;
  • une planification démocratique (“impérative, souple, simple et non centraliste”).

20En ce qui concerne les structures politiques, Roodboek I se montre résolument fédéraliste et propose de confier l’essentiel du pouvoir à deux communautés (la Flandre et la Wallonie), les régions de Bruxelles et de langue allemande se voyant dotées d’un statut spécial mais placées sous tutelle de l’autorité nationale. Les auteurs se prononcent en outre pour le régime républicain et pour la suppression des provinces, du Sénat, des fédérations et agglomérations de communes.

21L’égalité sociale suppose également une série de réformes dont :

  • l’augmentation de la progressivité de l’impôt ;
  • l’indexation des barèmes fiscaux ;
  • un impôt sur la fortune et l’établissement d’un cadastre des fortunes ;
  • la suppression des inégalités entre hommes et femmes, entre travail manuel et intellectuel ;
  • le paiement forfaitaire des médecins et la socialisation du secteur pharmaceutique ;
  • la priorité aux transports en commun ;
  • la “municipalisation” des terrains à bâtir et une intervention accrue des pouvoirs publics dans le secteur du logement ;
  • le blocage et le rééquilibrage des allocations familiales pour permettre un développement des équipements collectifs (crèches, etc.) ; ainsi que diverses mesures bénéficiant à des groupes “à problèmes” tels le troisième âge, les handicapés, les immigrés, etc.

22La politique sociale, conclut Roodboek I, doit s’appuyer sur trois principes : l’égalité entre les hommes, la solidarité collective et la priorité à accorder aux solutions collectives.

23Roodboek I traite ensuite de l’enseignement et de la culture. Les auteurs sont partisans en ces matières d’une politique nationale contrôlée par le pouvoir politique, ce qui n’exclut pas un système d’autogestion au sein des établissements d’enseignement. Ils souhaitent la généralisation de l’école “pluraliste” (gemeenschapsschool) dont les caractéristiques structurelles seraient la planification, l’autogestion et l’ouverture.

24Sur la culture proprement dite, Roodboek I n’est guère disert. Il y est bien question de la presse et de la radio, mais au chapitre consacré aux structures politiques : Roodboek I défend en effet l’idée d’exproprier les trusts de presse existants pour ne laisser subsister que des imprimeries “socialisées” ; de même, la “structure capitaliste de la distribution” serait remplacée par un “service public de distribution” et la radio et la télévision, dans la même optique, demeureraient bien entendu un service public auquel la publicité resterait interdite.

25En matière de politique étrangère, les auteurs de Roodboek I rompent une lance en faveur d’une “autre” Europe : unifiée, démocratique (le Parlement européen contrôlerait le Conseil des ministres), progressiste et pacifique. Ils demandent une démocratisation de l’Administration générale de la coopération au développement (AGCD) et l’affectation d’1 % du PNB à l’aide au développement. Ils sont favorables au retrait de la Belgique de l’OTAN, à la transformation progressive de l’armée en milice populaire et à la nationalisation de l’industrie militaire. Ils demandent l’intensification des contacts avec les pays socialistes (“l’Europe de l’Est”) et la création d’un État palestinien autonome après qu’Israël ait évacué les territoires occupés.

26Le troisième chapitre de Roodboek I examine les détails de la stratégie que devrait suivre le parti socialiste, selon Links et les Jongsocialisten, pour favoriser l’aboutissement de ce programme.

27En premier lieu, Roodboek I rejette toute coalition gouvernementale avec les “partis bourgeois” c’est-à-dire le C.V.P., le P.V.V., la Volksunie ou le R.W.-F.D.F. L’alternative, c’est l’appel de Collard et la polarisation de la vie politique qui permettra l’éclatement de partis comme le C.V.P., la Volksunie, le R.W. ou le F.D.F., où cohabitent une aile “conservatrice” et des “progressistes”. Dans cette optique, les alliés des socialistes seraient les formations politiques nouvelles nées de cet éclatement ainsi que le parti communiste, regroupés au sein d’un “front progressiste”.

28Le mouvement syndical doit être le moteur de ce front progressiste, qui doit avant tout se réaliser à la base ; quant au parti lui-même (c’est l’objet du chapitre IV de Roodboek I), il doit lui aussi se démocratiser pour s’engager dans ce combat pour la polarisation, ce qui suppose notamment : -l’interdiction du cumul des mandats ; - le contrôle démocratique des mandataires ; - l’introduction du droit de tendance ; -la “politisation” du parti dont le président, à l’exemple de celui du PvdA (Partij van de Arbeid) hollandais, devrait être un non-mandataire ; et la régionalisation du parti, par restructuration autour des interfédérales - à l’image de la F.G.T.B.

LE FRONT PROGRESSISTE

29La lecture des textes auxquels a abouti le Congrès idéologique du Parti socialiste de 1974 indique que l’apport de Roodboek I et singulièrement des membres de Links et des Jongsocialisten, n’a pas été sans importance. Plusieurs d’entre eux, parmi lesquels Norbert De Batselier (alors président des Jongsocialisten, aujourd’hui député du S.P.) et Luc Vandenbossche (qui lui succéda à la présidence des Jongsocialisten en 1974 et est également, depuis les dernières élections législatives, député du S.P.) participèrent du reste aux travaux des commissions préparatoires au Congrès.

30Globalement, le Congrès a avalisé l’analyse du néo-capitalisme fondée sur les principes marxistes de la Charte de Quaregnon -à laquelle s’était livré Roodboek I. De nombreux éléments de la démocratie économique, sociale, culturelle et politique dont se réclame le Manifeste idéologique de 1974 plongent leurs racines dans un radicalisme que n’ont certainement pas désavoué les auteurs de Roodboek I : socialisation du secteur de l’énergie et du crédit, planification, contrôle ouvrier comme étape vers l’autogestion, révision du financement de la sécurité sociale, etc.

31Il faut dire que le texte proposé par la direction du P.S.B.-B.S.P. aux congressistes comme document de réflexion (“Socialisme nu - Le socialisme aujourd’hui”) n’avait pas trouvé grâce aux yeux de Links qui le qualifiait sommairement de “non socialiste”. A la veille du Congrès, Links avait énoncé les conditions auxquelles, à son estime, le futur Manifeste idéologique aurait à répondre : brièveté et limpidité de la formulation, suppression dans le texte original des passages justifiant le principe du profit et annonçant une “convergence des économies” capitaliste et socialiste, fidélité à la Charte de Quaregnon, maintien du principe de la socialisation des moyens de production et des deux volets essentiels de l’alternative socialiste que sont l’égalité et l’autogestion, affirmation d’une stratégie socialiste excluant la participation à des gouvernements aux côtés de partis “bourgeois”, nécessité pour le parti d’être à l’image de la société pour laquelle il se bat.

32Si l’on excepte le problème de la stratégie - le Manifeste reste prudent et n’exclut a priori aucune forme de coalition -le Congrès de 1974 a fait siennes l’essentiel de ces conditions.

33Roodboek I cependant, par sa conception même, débordait du cadre d’un congrès idéologique : en définissant les traits relativement précis d’un programme de transition vers le socialisme, en revendiquant la tenue d’un congrès “organisationnel” pour transformer le parti socialiste et forger l’instrument de cette transition, en esquissant une stratégie politique et d’alliances (totalement opposée d’ailleurs à la pratique du P.S.B.-B.S.P. depuis la fin de la deuxième guerre mondiale), toutes choses sur lesquelles le Congrès de 1974 n’eut pas à (ou ne voulut pas) se prononcer.

34Les discussions menées autour de Roodboek I, auxquelles participèrent ensuite des groupes et des individus extérieurs au parti socialiste, conduisirent en février 1975 à la constitution d’un “Front progressiste”, se revendiquant de l’appel de Collard de 1969 et regroupant, outre Links et les Jongsocialisten :

  • la L.R.T. (Ligue révolutionnaire des travailleurs, section de la IVème Internationale trotskyste) ;
  • Politiek Alternatief (des dissidents du C.V.P. rassemblés autour de l’ancien dirigeant des C.V.P.-Jongeren Ward Bosmans) [10] ;
  • Kristenen voor het socialisme (des militants chrétiens en marge du mouvement socialiste organisé) ;
  • la revue De Nieuwe Maand (fondée en 1971 par mutation du mensuel De Maand et dont le nouveau comité de rédaction, composé de socialistes, de démocrates chrétiens et de “sans-parti”, s’inscrivait dès le départ dans la perspective d’un rassemblement des progressistes) [11] ;
  • le Werkgroep Arbeid, fondé par des dissidents de mouvements nationalistes flamands cherchant à réconcilier nationalisme et marxisme ;
  • les Wereldscholen et Elcker-Ic, deux mouvements d’éducation permanente d’inspiration tiers-mondiste animés par des chrétiens de gauche ;
  • Les Arbeidscomités, groupements nés du mécontentement à l’égard des directions syndicales, dans la foulée de la contestation soixante-huitarde.

35Cette version, à vrai dire relativement marginale d’un rassemblement des progressistes, dont étaient d’ailleurs exclus le parti communiste [12] et les maoïstes d’Amada, n’eut pas la vie longue. Après quelques réunions régionales d’information en mars 1975, une journée nationale tenta le 27 avril 1975 de rédiger un programme de base, notamment fondé sur Roodboek I.

36Le développement du “Front progressiste” s’arrêta là. Le 28 février 1976, De Nieuwe Maand organisa encore une journée de réflexion sur les “perspectives de formation d’un front progressiste” mais les orateurs (parmi lesquels Marcel Deneckere) ne se montrèrent guère optimistes, en dépit de la lecture d’un message de Léo Collard répétant sa foi en la nécessité et la possibilité d’un rassemblement des progressistes. M. Deneckere y plaida essentiellement en faveur du fédéralisme, qui permettrait à une Wallonie “progressiste” d’influencer favorablement l’évolution des rapports de force en Flandre, et pour l’arrêt des coalitions entre socialistes et C.V.P., génératrices de confusion et renforçant l’isolement au sein du C.V.P. de la gauche démocrate chrétienne.

37Sans être formellement dissous, le “Front progressiste” constitué sur base de Roodboek I s’éteignit ensuite. Les raisons de cet échec sont sans doute multiples : non-représentativité des groupements (autres que Links et les Jongsocialisten) qui composaient le Front, attitude anti-syndicale de la part de certains d’entre eux, réticences de la part des partenaires socialistes (selon certains [13], Links ne s’est pas engagé en son entier dans l’expérience, laissant ce soin au seul Marcel Deneckere) qui auraient préféré un front plus large appuyé par les deux grands syndicats.

38Links, que l’écho favorable et l’influence recueillies par Roodboek I avaient sans doute lancé de façon trop hâtive dans l’aventure, concentra à nouveau ses efforts sur la radicalisation du parti socialiste. En novembre 1978, parut sur ce thème le deuxième “livre rouge”, Roodboek II.

ROODBOEK II

39Si sa publication suit de peu la scission entre socialistes flamands et francophones, le deuxième Roodboek a été rédigé avant cet événement. Ses auteurs - l’ouvrage est une nouvelle fois le fruit de la collaboration entre Links et les Jongsocialisten - notent cependant que les réformes qu’ils préconisent n’en viennent que plus à leur heure : “au moment où les socialistes flamands prennent un nouveau départ, une possibilité exceptionnelle se présente de soumettre l’ensemble de la structure et du fonctionnement du parti à un examen critique et de mener à bien une rénovation devenue urgente et nécessaire”.

40Le point de départ de Roodboek II, consacré à la question, essentielle pour Links à cette époque, du travail de transformation à l’intérieur du parti socialiste, est une des thèses du congrès idéologique de 1974 : la crédibilité du parti socialiste dépend de sa capacité à préfigurer la société à laquelle il veut donner forme. En d’autres termes, le parti socialiste doit faire siens, dans son fonctionnement interne, les principes d’autogestion qu’il veut appliquer à l’ensemble du processus social et économique. D’où l’intitulé de Roodboek II : “naar een zelfbeheerde aktiepartij” - vers un parti d’action autogéré.

41S’appuyant sur les analyses de Robert Michels [14], Roodboek II considère que les partis ouvriers (qu’ils soient d’inspiration communiste, socialiste ou social-démocrate) présentent une caractéristique commune : le paternalisme. Dans les partis socialistes en particulier, ce sont les mandataires (les élus) qui se dégagent du contrôle de la base et exercent une hégémonie de fait sur les personnes qu’ils sont censés représenter.

42Il en découle un fonctionnement “pseudo-démocratique”, renforcé par l’adaptation du parti à la “société néo-capitaliste, marquée par une forte dépolitisation”. Les conséquences en sont, en résumé, une “manipulation de l’électeur et du militant”.

43Links constate que ce mode de fonctionnement fait obstacle à la percée du parti dans les rangs des jeunes générations. Celles-ci sont plus sensibles, à mesure que les “formes d’exploitation les plus grossières disparaissent grâce aux combats du mouvement ouvrier”, à d’autres formes d’aliénation que la seule sujétion économique. Depuis 1968 en particulier, le problème du pouvoir se trouve placé au centre des luttes politiques à tous les niveaux.

44Or, le P.S.B.-B.S.P. a conservé “les structures rigides et l’autoritarisme hérités du passé, de l’époque où l’organisation du parti avait favorisé la concentration du pouvoir en quelques mains”. Roodboek II voit en Jos Van Eynde le symbole de cette rigidité : il faut dire que l’homme politique anversois, qui fut vice-président du P.S.B.-B.S.P. de 1954 à 1971 puis coprésident jusqu’en 1975, avait été en plusieurs circonstances un des adversaires les plus déterminés de Links.

45Roodboek II propose dix objectifs qui permettraient de mettre en œuvre la démocratisation du parti :

  • la suppression des cumuls ;
  • le renforcement du pouvoir de décision de la base ;
  • la politisation de la base ;
  • le contrôle de la base sur le parti ;
  • la réforme de l’organisation ;
  • la confédération du parti ;
  • la revitalisation de l’internationalisme ;
  • le respect du droit de tendance ;
  • la rénovation de la presse socialiste ;
  • le renforcement de l’action commune.

46Roodboek II s’oppose au cumul des mandats pour des raisons financières, humaines (impossibilité de bien exercer, simultanément, plusieurs mandats) et politiques (concentration de pouvoirs). Il recommande l’incompatibilité entre l’exercice d’un mandat politique et celui d’un mandat dans une autre branche de l’Action commune, celui d’un mandat de gestion dans une entreprise économique, financière ou industrielle, la fonction de rédacteur dans un journal socialiste et la suppression des cumuls entre mandats politiques “exécutifs” au niveau européen, national, régional et communal. Parallèlement, Roodboek II revendique la mise en place du congé politique (“déprofessionnalisation de la politique”) et d’une infrastructure logistique appropriée au bénéfice des parlementaires.

47D’autre part, Roodboek II demande la suppression des cumuls entre mandats et fonctions au sein du parti, soit en réservant la totalité des fonctions dirigeantes à des non-mandataires (et des non-permanents), soit en leur octroyant une place majoritaire. Pour éviter que ne se forme une nouvelle “élite politique”, une seule personne ne pourrait remplir qu’une seule fonction exécutive à la fois.

48Si le fonctionnement démocratique du parti est garanti en théorie par les statuts, Roodboek II estime qu’il faut “renforcer le pouvoir de décision de la base”, auquel font obstacle la convocation trop peu fréquente de congrès nationaux, l’influence du Bureau du parti sur leur ordre du jour et leur déroulement ; le rôle prépondérant du Bureau et - plus récemment - du Comité directeur ; et l’existence de “groupes de pouvoir” parallèles où se prennent effectivement les décisions.

49Roodboek II accueille favorablement les propositions faites par Karel Van Miert, le nouveau coprésident flamand du parti, lors du Congrès administratif d’Ostende (17 décembre 1977) et tendant à améliorer la participation des fédérations et des tendances minoritaires lors des congrès nationaux ; il y ajoute cependant les suggestions suivantes :

  • la composition changeante des délégations des congrès fédéraux (modification des statuts en ce sens : l’article 30 prévoit que les délégués sont élus pour deux ans) ;
  • l’élaboration d’une procédure plus longue, mais “plus démocratique”, pour les congrès idéologiques ou à incidences programmatiques ;
  • le contrôle de l’exécution des résolutions des congrès par les congrès nationaux annuels ;
  • la démocratisation de la composition du Conseil général [15] ;
  • la publicité des délibérations du Bureau ;
  • la possibilité de convoquer des congrès extraordinaires à la demande d’un certain nombre de membres (6.000) ou de fédérations.

50A l’absence de politisation de la base, Roodboek II voit trois causes : le phénomène de “verzuiling” qui caractérise la société politique belge (mandataires et militants consacrent davantage d’énergie à une pléiade d’organisations “socialistes” qu’à la politique proprement dite) ; la prédominance de l’organisation sur l’action (le moyen devient un but en soi) ; et une adaptation progressive à “l’idéologie dépolitisante du néo-capitalisme” (le bal du bourgmestre prime sur l’activité politique).

51Roodboek II considère que la C.S.C. (il s’agit de la Centrale voor Socialistisch Cultuurbeleid, organisation qui regroupe les différentes associations socio-culturelles d’inspiration socialiste) a un rôle important à jouer dans la vulgarisation du “message idéologique de 1974” ; la formation politique dans son ensemble devrait relever d’un responsable national, membre du secrétariat du parti.

52Sur le thème de la participation de la base à la prise de décision, Roodboek II se livre en outre à une réflexion sur le rôle des “groupes d’action” et sur la présence, au sein du parti, de chrétiens progressistes. Le P.S.B.-B.S.P. s’est trop longtemps, estime Roodboek II, montré méfiant sinon hostile vis-à-vis des comités divers (de quartier, pour la défense de la paix ou de l’environnement, etc.) nés au cours des années septante. Il importe que les militants socialistes soient encouragés à adhérer à ces comités et à participer à leurs actions. Les statuts devraient être assouplis pour permettre aux affiliés de la K.W.B. ou de la K.A.J. par exemple (organisations catholiques flamandes qui correspondent en Wallonie aux Équipes populaires et à la J.O.C.) de devenir membres du parti socialiste tout en demeurant actifs dans le monde ouvrier chrétien.

53Le contrôle par la base du fonctionnement du parti est un quatrième objectif prôné par Roodboek II, qui regrette notamment l’abandon du poll - tout en soulignant que, dans l’état de dépolitisation du parti, le système du poll est critiquable dans la mesure où il favorise les mandataires “populaires” au détriment des plus engagés ou des plus compétents. Roodboek II propose en outre de “globaliser” et de “rationaliser” les permanences sociales (pour empêcher qu’elles ne soient exploitées pour le compte des seuls mandataires), de transférer du Comité central (organe qui ne se réunit plus depuis 1973) au Conseil général le contrôle financier du parti, d’entamer des études sérieuses sur le fonctionnement et la composition de celui-ci et d’en faire état dans des rapports destinés aux congrès nationaux.

54Enfin, Roodboek II revendique l’établissement d’une clause de représentation minimale, dans les organes dirigeants, au bénéfice des jeunes et des femmes. En particulier, il plaide pour l’octroi aux Jongsocialisten d’une plus grande liberté au sein du parti et pour l’organisation d’un mouvement socialiste féminin autonome.

55L’organisation du parti, à l’estime de Roodboek II, doit être revue. Si la section locale doit demeurer son point de référence, il faut mettre en place, d’urgence, des cellules d’entreprise (pour assurer la présence du parti socialiste dans le monde du travail) et permettre aux intellectuels socialistes d’être associés, à titre consultatif, à la réflexion collective en structurant celle-ci sur base des “centres d’intérêts” de chacun.

56Le chapitre consacré à la nécessaire “confédération” du parti n’est pas le moins intéressant. Écrit avant la scission de 1978, il préconise des réformes radicales : création de deux Bureaux autonomes, avec deux présidents, tenue de deux congrès distincts, etc. Roodboek II ajoute cependant que l’union du parti reste nécessaire pour les matières nationales et les grandes options idéologiques et sociales, mais qu’elle doit se construire sur base de la “confédération de deux fédérations autonomes”, de l’“unité entre deux partis indépendants et égaux”.

57Roodboek II juge ces changements nécessaires non seulement pour s’adapter aux réformes institutionnelles en cours et “à la nature propre” de la Flandre et de la Wallonie, mais aussi pour permettre aux socialistes flamands de se façonner progressivement un profil propre dans une Flandre où ils ne jouent actuellement que les seconds rôles, position “compensée” jusqu’ici par le poids du P.S.B. en Wallonie.

58Roodboek II se réjouit du dynamisme nouveau manifesté depuis 1976 par l’Internationale socialiste. Il regrette cependant le manque de sélectivité des partis socialistes dans le cadre de leurs contacts internationaux. Il critique notamment l’attitude du S.P.D. allemand vis-à-vis des pays du Tiers-Monde, et souligne que “les véritables alliés du socialisme démocratique sont, à l’Est, les dissidents de gauche” et non les partis communistes au pouvoir. Plus fondamentalement, Roodboek II plaide pour une plus grande participation de la base à l’élaboration de la politique de l’Internationale et à la concrétisation des relations entre partis socialistes.

59Roodboek II définit le droit de tendance comme “la possibilité de nouer des contacts horizontaux au sein du parti, en dehors du cadre vertical dans lequel le membre se trouve enfermé”. Il rappelle qu’en dépit de précédents historiques (l’Action socialiste de Paul-Henri Spaak avant guerre par exemple), la direction du parti s’est longtemps opposée à l’instauration du droit de tendance et que l’accord conclu en 1965 avec Links a dû être arraché de haute lutte. Roodboek II demande en conséquence que les tendances puissent non seulement éditer une publication propre (c’est le cas de Links) mais convoquer des réunions, disposer de tribunes libres dans la presse du parti, avoir des représentants dans les organes dirigeants (à condition de franchir un pourcentage minimum de mandats lors des congrès).

60Évoquant sommairement les circonstances pénibles qui ont accompagné la liquidation de Volksgazet, Roodboek II demande que “la clarté soit faite” et qu’un débat de fond ait lieu sur le rôle et l’avenir de la presse socialiste. Pour leur part, les auteurs de Roodboek II sont convaincus de l’archaïsme de la formule “organe de parti” et ralliés à l’idée d’un journal “ouvert, progressiste, à tendance socialiste”. Ils regrettent aussi l’absence de planification et les lacunes de gestion dans ce domaine ; en outre, la rédaction du journal à créer doit être autonome, les travailleurs qu’il emploie doivent pouvoir mener librement des activités syndicales et sa gestion quotidienne doit être entre les mains d’un “manager compétent”, aussi indépendant que possible du conseil d’administration qui regroupe les bailleurs de fonds.

61Le renforcement de l’Action commune est le dixième et dernier objectif défendu par Roodboek II. Ce renforcement, en l’occurrence, passerait par l’octroi à chacune des quatre grandes branches de l’Action commune (parti, syndicat, mutuelle et coopératives) d’une autonomie aussi large que possible. Certes, cette autonomie est garantie par les statuts mais, dans la pratique, il y a trop de liens personnels qui subsistent : une interdiction radicale des cumuls doit être prononcée dans ce domaine.

LINKS DE 1978 A 1983

62L’année 1978 fut fertile, en Belgique, en événements politiques surtout dans le domaine communautaire. Après les élections du 17 avril 1977, une coalition (Tindemans II) fut conclue entre le parti socialiste encore unitaire, le P.S.C., le C.V.P., le F.D.F. et la Volksunie, qui reçut la confiance des Chambres en juin 1977. Le pacte d’Egmont, signé par ces mêmes partis dès mai 1977, et complété par un accord dit de “Stuyvenberg” en janvier 1978, devait donner naissance à une Belgique remodelée par la réforme de ses institutions.

63Links accueillit favorablement le pacte d’Egmont lequel, “sans être parfait”, permettait d’envisager la fin des oppositions communautaires qui, à l’estime des rédacteurs du journal, font le jeu “de l’immobilisme et du conservatisme” [16]. Links défendit également la participation au gouvernement des partis dits “communautaires”, qui rendait possible la révision de la Constitution sans l’aide des libéraux. C’est dans cet esprit que Links parla de “manœuvre” lorsqu’une campagne de presse prit pour cible le ministre des P.T.T. Léon Defosset (F.D.F.) : “tomber dans ce piège”, d’après Links, serait répondre aux vœux de L. Tindemans qui rêve de renouer avec les partis libéraux après s’être débarrassé du F.D.F. et de la Volksunie.

64La formation du gouvernement Tindemans II entraîna la démission de Willy Claes de son poste de coprésident du P.S.B.-B.S.P. et son remplacement par Karel Van Miert. Links se réjouit de ce changement : “le B.S.P. montre enfin un visage clairement flamand”. Le nouveau coprésident, en outre, répondait à un souhait exprimé depuis toujours par Links, notamment dans les “Roodboeken” : il n’exerçait pas de mandat parlementaire. Links note également avec plaisir [17] qu’avec K. Van Miert, c’est “un vent nouveau qui souffle au boulevard de l’Empereur” : le Bureau du parti prend des positions qui vont, si nécessaire, à l’encontre de certaines thèses défendues par le gouvernement (sur les problèmes de défense notamment), des commissions ont été mises en place pour étudier, entre autres, la question du cumul.

65L’annonce de la création de Tribunes socialistes par Ernest Glinne et d’autres personnalités socialistes wallonnes, en mars 1978, ne pouvait elle aussi que satisfaire Links qui y trouvait, en quelque sorte, un répondant du côté francophone. E. Glinne rejoignit d’ailleurs, le 1er avril 1978, la rédaction de Links et les deux revues envisagèrent immédiatement de collaborer. Dans une interview à Links [18], E. Glinne admit du reste qu’il “avait toujours envié Links aux socialistes flamands et rêvé d’une nouvelle La Gauche au sein du P.S.B.”. Dans cette interview, E. Glinne souligne la nécessité d’un “socialisme critique, d’une analyse de société qui, par-delà les participations gouvernementales, soit marxiste ce qui - je l’ai déjà dit - n’est pas synonyme de scolastique”.

66Si la politique communautaire du gouvernement Tindemans II trouvait grâce aux yeux des rédacteurs de Links, ses options socio-économiques (et, notamment, celles du ministre des Affaires économiques Willy Claes, ancien coprésident flamand du parti) restaient vivement critiquées. Links s’opposa ainsi aux pouvoirs spéciaux envisagés par le gouvernement ainsi qu’à la loi dite “anti-crise” de juin 1978. Sur le plan international, tout en reconnaissant que les ministres socialistes ont pu maintenir à l’opération un maximum de caractère humanitaire, Links critiqua d’autre part l’intervention des parachutistes belges à Kolwezi en mai 1978.

67Le premier congrès (depuis celui de Klemskerke en 1967) organisé par les fédérations socialistes flamandes se tint à Malines le 11 juin 1978. Links en souligna spécialement l’importance et consacra plusieurs séries d’articles au thème qui était au centre de ce congrès : le logement.

68Le gouvernement Tindemans II démissionna en octobre 1978 ; le même mois survint la rupture entre socialistes flamands et francophones. Pour Links, c’est André Cools (à l’époque coprésident francophone du P.S.B.-B.S.P.) qui est le principal responsable de cette séparation ; si celle-ci “n’est pas nécessairement une mauvaise affaire”, elle “intervient dans les pires circonstances imaginables” [19]. A l’occasion des élections de décembre 1978, Links répète qu’il ne “regrettera pas le P.S.B.-B.S.P. unitaire” mais ajoute qu’il faut prévoir “un espace de concertation pour les problèmes qui transcendent les limites des régions et communautés et qui restent nationaux” ; bref, il faut “confédérer les deux partis”.

69Les élections de décembre 1978 constituèrent, pour les socialistes flamands, une amère déception (perte de près de 1,5 % des voix par rapport aux élections de l’année précédente, et de 2 sièges). Pour Links - qui se félicite de l’élection de deux de ses rédacteurs (Lydia De Pauw et Jef Sleeckx) au Parlement national - la faute en incombe au C.V.P. qui a su compromettre le B.S.P. par la loi anti-crise : “A. Cools a considéré la loi anti-crise comme une monnaie d’échange pour la révision de la Constitution, Willy Claes a considéré les réformes de structures limitées qu’elle contenait comme une monnaie d’échange pour les mesures anti-sociales qui l’accompagnaient. En fin de compte, nous n’avons obtenu ni révision de la Constitution, ni réformes de structures, car le C.V.P. a laissé tomber le gouvernement au moment qui lui convenait le mieux” [20].

70C’est donc avec beaucoup de prudence et de scepticisme que le journal suivit les tentatives de formation de Wilfried Martens (du 9 janvier au 12 février 1979) et de Paul Vanden Boeynants (du 5 au 30 mars). La réussite de ce dernier (formation du gouvernement Martens I dans lequel P. Vanden Boeynants occupait le poste de ministre de la Défense nationale) fut d’ailleurs saluée par Links en ces termes : “Méfiance” [21].

71La candidature de Karel Van Miert aux élections européennes du 10 juin 1979 fit l’objet d’une lettre ouverte adressée à K. Van Miert par le rédacteur en chef de Links, Marcel Deneckere. Celui-ci - rappelant les principes anti-cumul défendus par Links depuis le premier Roodboek - regrettait que le président du parti ait choisi de remplir un mandat parlementaire, même européen [22]. Si l’élection de K. Van Miert fut saluée en termes positifs, Links n’en exprima pas moins la crainte que le parti n’ait “vendu, grâce à une campagne à l’américaine, un candidat jeune, dynamique et photogénique à une masse dépolitisée” [23].

72Quant à la politique du gouvernement Martens, auquel participaient, outre les deux partis socialistes, le P.S.C., Le C.V.P. et le F.D.F., Links critiquait en particulier ses options socio-économiques (“mesures qui vont directement à l’encontre des intérêts des travailleurs”) [24], n’épargnant pas Willy Claes (“quels que soient ses mérites, il n’est pas bon que lui-même et les technocrates qui l’entourent imposent leur vision au parti” [25]. Sur le plan communautaire, Links doutait que la coalition parvienne à une solution. Mais le journal refusait de plaider pour le retrait des partis socialistes du gouvernement : “ce serait faire le jeu de la droite” [26].

73En décembre 1979, le gouvernement fut secoué par la question du déploiement en Belgique de missiles nucléaires : Links appela à manifester à Bruxelles le 10 décembre, déclarant cette fois qu’“une crise (gouvernementale) pour écarter de notre pays le péril atomique était mille fois préférable à une crise déclenchée dans quelques semaines par Tindemans pour des motifs communautaires” [27]. Aussi l’attitude du Bureau du S.P. qui, après avoir soutenu les manifestants du 10 décembre et leurs revendications, parut se rapprocher le 12 décembre des thèses du gouvernement fut-elle qualifiée par Links de “trahison”. Sous ce titre, un membre du Bureau (qui signe “Insider”) publia d’ailleurs le 15 décembre un compte-rendu détaillé des discussions au sein du Bureau et des groupes parlementaires du S.P.

74Le gouvernement Martens connut dès le début de 1980 une crise qui entraîna, le 16 janvier, la démission (forcée) des trois ministres F.D.F. de la coalition. Links, à cette occasion, répéta son opposition à une alliance éventuelle avec les libéraux (“on ne marie pas l’eau et le feu”), opposition que le journal manifesta une nouvelle fois en avril 1980 après la démission du premier ministre W. Martens, ajoutant que pour faire aboutir la régionalisation, il était loisible de faire éventuellement appel au parti communiste ou aux partis communautaires.

75Aussi Links regretta-t-il que le congrès du S.P. ait donné son aval, en mai, à la formation du gouvernement Martens III (qualifié par Links de “sexpartite”) dans lequel siégeaient cette fois les libéraux. Pour Links, le gouvernement Martens I était celui “du moindre mal” ; une tripartite étant exclue et l’opposition du S.P. à une coalition libérale-sociale chrétienne risquant (étant donné l’évolution des rapports de force au sein du parti et le poids acquis à nouveau par Willy Claes) d’être un échec, Links s’était prononcé pour des élections anticipées [28].

76Links - qui avait, dans le courant de l’année, réclamé la démission d’Henri Simonet de son poste de ministre des Affaires étrangères en raison notamment de ses liens avec la firme MBLE [29] - ne cessa ensuite d’exiger que le S.P. quitte le gouvernement Martens III, surtout après que l’adoption des lois de réformes institutionnelles lui ait ôté son “alibi communautaire”. La chute de ce gouvernement en octobre 1980 et la formation du gouvernement Martens IV (sans les libéraux) furent accueillies avec satisfaction [30].

77Sur le plan interne, 1980 fut l’année d’un important congrès au cours duquel le S.P. procéda à de nombreux aménagements dans ses statuts. Links - qui participa par l’intermédiaire de Marcel Deneckere et Marijke Van Hemeldonck aux discussions en commission des projets de modifications - souligna les points positifs, à son estime, que contenaient les nouveaux statuts :

  • fin de l’obligation, pour des candidats à des fonctions dirigeantes ou à des mandats publics à quelque niveau que ce soit, d’être à la fois membres du S.P. et des autres branches de l’Action commune ;
  • renforcement des interdictions de cumul ;
  • obligation (sauf au Bureau, ce que regrette Links) de prévoir, dans les organes du parti, la présence à concurrence de 50 % de non-mandataires.

78Sur d’autres points (convocation des congrès, représentation des femmes …) les porte-paroles de Links se sont trouvés isolés au sein du congrès et ne purent notamment compter sur le soutien des “rénovateurs pragmatiques” que Links appelle “les jeunes Turcs” [31]. Mais “le bilan global est positif”. Links s’appliqua aussi à démontrer que, contrairement à ce qu’avaient affirmé certains journaux, le congrès n’avait pas marqué l’abandon par le S.P. de notions comme le marxisme ou la lutte des classes [32] : “le S.P. n’a jamais été un parti marxiste” et, si le terme “lutte des classes” a disparu, c’est qu’il a été remplacé par “une formule positive, à savoir la lutte pour une société sans classes”.

79Les lois de réformes institutionnelles adoptées par le Parlement début août 1980 ne soulevèrent guère d’enthousiasme dans les rangs des rédacteurs de Links : elles ne résolvent pas le problème de Bruxelles, elles ne garantissent pas la paix communautaire et on ne peut même pas prétendre qu’elles ouvrent de nouvelles perspectives pour la gauche wallonne : “la réforme actuelle ne donne à la Wallonie ni les moyens ni les compétences pour mener une politique économique propre et entraîner un changement”. C’est qu’en substance, “cette réforme de l’État (…) est marquée du sceau de l’unitarisme” [33].

80Notons enfin qu’un sérieux incident se produisit lors du Conseil général d’avril 1980 qui devait procéder à la désignation de deux non-parlementaires pour compléter le Bureau du parti : la candidature de Marcel Deneckere, qui avait été présentée par plusieurs sections de la fédération anversoise (dont la sienne propre, celle d’Edegem) fut “liquidée” par le secrétariat fédéral - au congrès de mars 1980 déjà, Marijke Van Hemeldonck, Jef Sleeckx et Marcel Deneckere avaient été écartés du Bureau.

81En février 1981, Links déclara soutenir la candidature de E. Glinne à la présidence du P.S. et considéra qu’il avait remporté, en dépit de sa (courte) défaite, une “victoire morale” [34]. Alors qu’il avait défendu la participation au gouvernement Martens IV (tout en critiquant sa politique sociale et économique) Links estima que la formation du gouvernement dirigé par Mark Eyskens en avril 1981 était “un coup de barre à droite” et regretta qu’à cette occasion, le S.P. n’ait pas fait dépendre sa participation à cette coalition de l’accord d’un congrès [35].

82Aux élections de novembre 1981, Links appela à voter pour “les candidats, sur les listes du S.P., qui sont crédibles d’un point de vue socialiste” et, en particulier, à soutenir des membres de la rédaction de Links dont la liste fut publiée dans le numéro du 31 octobre. Les élections elles-mêmes, sans qu’on puisse parler de défaite (le S.P. ne perdait que 0,30 % de ses voix de 1978), donnèrent lieu à des analyses fouillées mettant surtout en avant la progression des idées écologistes et les modifications survenues au sein de l’électorat du parti (chaque élection accentue, depuis 1961, le progrès de certaines fédérations et le recul de certaines autres).

83Pendant les négociations qui précédèrent la formation du nouveau gouvernement (Martens V), Links manifesta nettement sa préférence pour une cure d’opposition et, en particulier, son hostilité à la constitution d’une nouvelle coalition entre socialistes et sociaux-chrétiens, qui ne contribuerait pas à détacher le mouvement ouvrier chrétien du P.S.C. et du C.V.P. [36].

84Links consacra plusieurs articles, en 1981, à la préparation d’un congrès du S.P. sur l’enseignement et à la victoire de la gauche en France.

85Le journal, qui portait pour deuxième titre Weekblad voor een strijdend socialisme (“Hebdomadaire pour un socialisme de combat”) se qualifia à partir du 1er mai 1981 de Weekblad van de linkerzijde in de S.P. (“Hebdomadaire de la gauche au sein du S.P.”). A cette occasion Links modifia profondément l’organisation du journal : à la rédaction - qui n’avait guère connu de changements depuis plusieurs années, si l’on excepte en 1978 l’adjonction à l’équipe des rédacteurs d’Ernest Glinne, de Gilbert Eggermont, d’Alain Clauwaert, de Jef Sleeckx et de Gust De Pue notamment, et en novembre 1979 l’arrivée de Michiel Vandenbussche, Ronald Vandenbogaert et René De Preter [37] - s’ajouta un “comité de patronage” [38] (beschermkomitee) composé de responsables socialistes et syndicaux et une liste de “collaborateurs” qui ne sont pas liés par les positions du mouvement (telles qu’elles s’expriment, notamment, dans les éditoriaux) [39]. La rédaction elle-même subit quelques changements.

86Faut-il interpréter cette réorganisation et ce nouvel intitulé comme un “pas” en direction du S.P., une marque de confiance envers le parti ? Il est certain, en tous cas, que les rédacteurs de Links estimaient alors que “le parti, ces dernières années, a réussi à se bâtir une nouvelle crédibilité qui le rend à nouveau attrayant aux yeux des progressistes” [40]. Le journal répétait, dans ce même numéro du 2 mai 1981, une profession de foi anti-capitaliste et marxiste tout en soulignant l’importance du “défi” que pose au socialisme le mouvement écologiste.

87L’année 1982 fut marquée par des élections communales (en octobre) à l’occasion desquelles Links appela à voter en faveur de candidats ayant souscrit à ses idées [41]. Un de ceux-ci, Frank Deley à Anvers, sera d’ailleurs récusé par un journaliste de Links qui avait pris connaissance, au lendemain des élections, d’un tract électoral où ce candidat se déclarait hostile à l’octroi du droit de vote aux immigrés [42].

88Le congrès statutaire du S.P. des 8 et 9 mai 1982 donna lieu, dans les colonnes du journal, à un commentaire mitigé. Certes, l’accession au Bureau du parti de deux membres de la rédaction de Links (Jef Sleeckx et Marcel Colla, ce dernier à titre suppléant), l’“officialisation” de l’opération Doorbraak, le contenu des résolutions étaient autant de manifestations d’un “virage à gauche” du S.P. mais Links regretta l’absence d’une alternative socialiste dont deux interventions seulement au cours du congrès (celles de Marcel Deneckere, rédacteur en chef de Links, et de Norbert De Batselier, ancien président des Jongsocialisten et nouveau député du S.P.)avaient esquissé les traits [43].

89Links consacra également plusieurs articles et éditoriaux aux problèmes syndicaux. Le journal apporta notamment son soutien à la grève interprofessionnelle de 24 heures du 8 février 1982, dont il attribua l’échec au fait que “l’actuelle génération syndicale est trop marquée par des décennies d’intégration dans l’économie de concertation (“overlegeconomie”) que pour pouvoir s’opposer avec succès au patronat flamand, moderne et militant” [44].

90Par ailleurs, Links souligna à plusieurs reprises l’intérêt du phénomène écologiste, notamment au lendemain de la conclusion de l’accord de gestion R.P.S.W.-Ecolo à Liège [45] : “Il serait utile que le parti examine les raisons qui ont poussé plus de la moitié des électeurs les plus jeunes à voter pour les verts et de voir quels éléments positifs recèle le mouvement écologiste”. Dans cette foulée, un des collaborateurs de Links, Guido Steenkiste, publia plusieurs contributions sur l’écologie et s’attacha en particulier à cerner la figure de Rudolf Bahro, cet économiste est-allemand devenu, après son passage en RFA, l’un des “penseurs” des Verts.

91Les événements marquants de 1983 furent, pour Links, la célébration du 25ème anniversaire du mouvement et le décès, le 23 juin, de Marcel Deneckere.

92A l’occasion de “25 années de Links”, l’éditorial du 12 novembre 1983 rappela les principes qui avaient présidé à la naissance du journal et traça les grands traits de son action future : rendre sa crédibilité au S.P. en en faisant un “modèle pour l’autogestion”. Les faits, dans les années soixante, ont parfois paru infirmer les analyses radicales de Links mais ce n’est plus le cas aujourd’hui, affirme cet éditorial : il faut “socialiser les moyens de production et éliminer le capitalisme”. Le même texte traite encore de la vocation internationale de Links, de son “attitude flamande conséquente” (mais le journal regrette les “accents parfois excessivement nationalistes” du courant fédéraliste) et de Doorbraak.

93Marcel Deneckere, rédacteur en chef du journal depuis ses débuts et qui était pratiquement devenu son porte-parole, mourut inopinément le 23 juin 1983. Il ne fut pas remplacé : la rédaction annonça qu’elle se considérait comme un collectif [46].

94Par ailleurs, en 1983, Links se pencha à plusieurs reprises sur l’évolution de l’expérience de gouvernement de gauche en France (dont les difficultés étaient attribuées au “contexte international” et à la thèse - erronée, selon Links - de la nécessité de la croissance économique). Le conflit communautaire belge fut également évoqué, notamment à l’occasion des heurts entre flamands et wallons à propos de Cockerill-Sambre (“pendant que flamands et wallons se chamaillent sur la répartition des charges, on ne touche pas aux principaux responsables - le grand capital, les holdings”) [47] mais aussi de la création des Belgische Progressieve Socialisten - Socialistes progressistes belges (B.P.S.-S.P.B.), une initiative regroupant des membres des deux partis (mais surtout des socialistes flamands, semble-t-il prônant le retour à une “solidarité socialiste belge”. Links publia une interview des responsables des B.P.S. et - tout en rejetant plusieurs thèses du manifeste de ce mouvement - reconnut que ce “plaidoyer antinationaliste” venait à son heure [48].

95La révision des statuts du P.S. en juin 1983 permit à Links de se féliciter de l’isolement d’André Cools, ainsi que des modifications statutaires qui doivent “aider la gauche du P.S., qui a marqué les débats de son empreinte, à donner à ce parti un profil plus progressiste” [49].

96L’adoption par le conseil communal d’Anvers en avril 1983 d’une motion “chèvrechoutiste” sur la question du déploiement des missiles de croisière (Links avait défendu une motion plus radicale, que soutinrent d’ailleurs certains conseillers communaux socialistes dont Lode Hancké avant de faire machine arrière pour ne pas faire éclater le collège C.V.P.-S.P.) inspira à Links un commentaire sur la conclusion des compromis politiques ; celui-ci, en l’occurrence, fut jugé inacceptable dans la mesure où “le prix à payer (était) trop élevé” [50].

97Links consacra plusieurs numéros de l’année 1983 au problème de la recherche d’une “alternative socialiste”. Sous le titre “Naar een socialistisch alternatief”, Martine Deneckere -fille du rédacteur en chef du journal et elle-même ancienne présidente des Jongsocialisten - étudia successivement les propositions faites dans ce domaine par le groupe Polekar (des économistes louvanistes proches de la gauche flamande au sens large, y compris Agalev), le groupe B/Y (Bastin-Yerna), la Fondation André Renard, le professeur Palasthy de l’U.C.L. et la Katholieke Arbeidersjeugd (K.A.J.) [51].

98L’alternative que la direction du S.P. devait soumettre à un congrès national en décembre 1983 n’avait pas, en effet, trouvé grâce aux yeux de Links : on n’y trouve que les “recettes réformistes classiques” inspirées de Keynes et le texte ne “change rien, pour l’essentiel, au capitalisme” [52]. Aussi Links rendit-il publique, en novembre 1983, sa propre alternative sous la forme d’un troisième livre rouge, Roodboek III.

ROODBOEK III

99Ce troisième “livre rouge” fut aussi le premier à ne pas être édité par la société coopérative Links elle-même : Roodboek III parut en effet chez Kritak, une maison d’édition de Louvain. Les Jongsocialisten n’ont pas non plus été associés en tant que tels à sa mise en œuvre, fruit de discussions menées au sein de la seule rédaction de Links (laquelle comptait cependant à ce moment, comme aujourd’hui encore, plusieurs membres des J.S. parmi ses collaborateurs).

100Roodboek III n’a pas davantage les mêmes raisons d’être ni les mêmes ambitions que ses deux prédécesseurs : il ne s’agit pas de préparer un congrès, fût-il idéologique, ni de formuler des propositions de radicalisation du parti. A un moment où s’élaborent de plus en plus souvent, ici et là, des projets de société, Roodboek III présente un ensemble d’idées “sur la manière dont un modèle de société socialiste doit répondre aux défis de la crise économique et sur les étapes intermédiaires concrètes qui peuvent être réalisées pour parvenir à ce modèle de société”.

101Un premier chapitre aborde le pourquoi de l’alternative socialiste. Roodboek III répète la conviction des rédacteurs de Links que le capitalisme a démontré son incapacité à résister à la crise et que le “socialisme classique” n’est guère mieux armé pour y répondre. La crise elle-même est analysée en termes de “mutations au sein du capitalisme international”, liées notamment à la modification des modes de production (robotisation). L’alternative socialiste est censée remédier, à terme, à l’impuissance des gouvernements occidentaux, qu’ils soient de droite ou de gauche.

102Roodboek III s’interroge - ce sont bien là les questions propres aux années quatre-vingt - sur la nature de la production (et de la consommation) à sauvegarder, sur la nécessité de défendre l’emploi et la croissance à tout prix : ni le modèle traditionnel de croissance (l’idée que la croissance connaîtrait actuellement une stagnation mais pourrait “reprendre”), ni la création d’emplois nouveaux dans les secteurs tertiaire et quaternaire (aide sociale sous toutes ses formes) ne trouvent grâce aux yeux de Roodboek III qui estime que “la réduction du temps de travail socialement nécessaire présente”, au contraire, “des perspectives positives et libératrices”. Les éléments-clefs de l’alternative socialiste sont donc : répartition nouvelle du travail, utilisation alternative du temps libre.

103Le deuxième chapitre de Roodboek III est consacré à l’internationalisme. Les auteurs y constatent que la stratégie internationale que nécessiterait le contexte de crise et l’emprise des entreprises transnationales sur l’ordre économique et social est difficile à mettre en œuvre, en tous cas au niveau européen. Ils croient qu’il ne faut pas “baisser les bras” pour autant, mais partir du principe que l’internationalisation des problèmes rend indispensable une approche adéquate au niveau national, qui se résume en un mot : “self-reliance” (ce qu’on pourrait assez approximativement traduire par “autosuffisance”).

104Pour les pays du Tiers-Monde, cette “autosuffisance” suppose la mise en place d’un appareil propre de production et de distribution ; pour les pays industrialisés, de diminuer la part des exportations dans la constitution du PNB. Roodboek III se prononce en faveur d’un “protectionnisme sélectif”, qui n’est pas un retour à l’autarcie ni à la suppression du commerce international, mais permettrait de refuser, par des mesures temporaires et sélectives, l’importation de biens dont les profits bénéficient au seul capital transnational.

105Évoquant l’exemple français, Roodboek III voit dans la fuite des capitaux et la désarticulation de la balance commerciale les deux difficultés essentielles que pourrait rencontrer une stratégie socialiste isolée dans un contexte international défavorable : il propose, dans la lignée du “protectionnisme sélectif”, quelques mesures de nature à les contrecarrer.

106Le problème d’une répartition nouvelle du travail est étudié dans le chapitre 3. Roodboek III plaide pour une diminution radicale de la durée du travail, qui serait portée à 28 heures /semaine en cinq ans sans augmentation de la masse salariale totale. L’opposition des syndicats est compréhensible puisqu’il faut s’attendre à des réductions salariales ; Roodboek III y objecte la nécessaire solidarité entre ceux qui ont un emploi et ceux qui n’en ont pas.

107Le coût de cette mesure (qui devrait s’accompagner de la création de 300.000 emplois nouveaux) serait supporté par les augmentations de productivité, l’utilisation d’une partie des bénéfices importants de certaines entreprises privées et l’introduction d’un impôt sur la fortune ; l’argent ainsi rassemblé serait géré par un “Fonds de l’emploi”.

108Roodboek III propose encore de remplacer l’indexation en pourcent des salaires par une indexation forfaitaire (tout en précisant que ses alternatives fiscales auront préalablement réduit l’écart entre les revenus du travail et ceux du capital) et de retenir certaines des idées formulées par le professeur Palasthy, dont la philosophie est cependant rejetée dans la mesure où elle s’inscrit dans le cadre des besoins de restructuration du capital.

109Les auteurs demandent encore la suppression des cumuls et des heures supplémentaires, la généralisation du travail à temps partiel (à condition de ménager des possibilités de reprendre le travail à temps plein et de maintenir le bénéfice des régimes de sécurité sociale) ainsi que l’introduction d’un “revenu de base” (de 15.000 francs nets par exemple) octroyé à chacun indépendamment du travail presté. Chacun doit pouvoir à tout moment interrompre sa participation au processus traditionnel de travail ou la reprendre ; ce système permettrait notamment de supprimer une série de “contrôles bureaucratiques” (chômage, etc.), d’étudier “à la carte” à n’importe quel âge, ce qui conduit Roodboek III à la conclusion qu’un tel système ne coûterait guère plus cher que la situation actuelle.

110Dans le chapitre 4, consacré au “nouveau modèle de production et de consommation”, Roodboek III s’attache d’abord à démontrer la nécessité d’investir dans des produits “socialement utiles” (transports en commun, utilisation rationnelle de l’énergie, rénovation urbaine, etc.) et de refuser les investissements qui ne le sont pas (énergie nucléaire, armements, industrie automobile, construction, etc.). A cette fin, il faut intervenir dans le secteur du crédit, à terme en le socialisant, dans l’immédiat en imposant des taux d’intérêt sélectifs et une forme d’épargne obligatoire pour les tranches de revenus les plus élevées.

111Par ailleurs, afin de transformer le modèle de consommation, Roodboek III suggère des augmentations et diminutions, selon le cas, des taux de la TVA, ainsi que des mesures en matière de publicité (restrictions et interdictions), voire la prohibition de certains produits (notamment dans le secteur pharmaceutique).

112La modification des processus de production, enfin, suppose l’imposition aux entreprises d’une “comptabilité écologique”, un contrôle ouvrier qualitatif autant que quantitatif (ce qui suppose une réorientation de la stratégie syndicale) et la suppression de la dichotomie producteur/consommateur par la réduction drastique du temps de travail et l’introduction du revenu de base, déjà explicités.

113La fiscalité fait l’objet du chapitre 5 de Roodboek III. Constatant l’inégalité criante des revenus et des biens en Belgique, les auteurs proposent des mesures à court terme en matière de TVA (voir ci-dessus), le calcul de l’impôt des sociétés sur base des bénéfices et, en ce qui concerne la sécurité sociale, de la valeur ajoutée. De l’autre côté de l’échelle sociale, Roodboek III défend l’indexation des barèmes fiscaux, le décumul des revenus et l’exemption fiscale des revenus de remplacement.

114Au chapitre 6, qui traite de l’autogestion, Roodboek III fait pour la première fois référence à Marx en abordant le problème des rapports entre socialisme et État. Il faut, estime Roodboek III, que le mouvement socialiste remplace les néolibéraux à la tête d’un mouvement “antiétatique” qui connaît un impact toujours plus grand. L’État ne doit pas disparaître, mais se contenter de “veiller à ce que le champ de l’autogestion s’étende sans discontinuer” ; pour le reste, il doit céder la main à la société, et plus précisément la “société civile” (il s’agit, signe des temps encore, d’un concept hérité de Gramsci).

115Roodboek III plaide en faveur de nouvelles formes d’autogestion, issues de la réduction du temps de travail, de l’instauration du “revenu de base” et d’une décentralisation radicale vers le niveau communal : rejoignant une des thèses du mouvement écologiste, les auteurs se livrent à une analyse des possibilités “d’autoresponsabilisation” des habitants d’un quartier dans tous les domaines de la vie sociale (comité de quartier, autogestion des services communaux - crèches, écoles, logement social, …) en laquelle ils voient un prélude à un processus d’“ontzuiling”, d’affaiblissement de la cristallisation des rapports et des services sociaux autour de grands courants idéologiques. Cette prise en charge des citoyens par eux-mêmes entraînera, ajoute Roodboek III, une diminution de l’emploi dans les services publics (compensée par la nouvelle répartition du temps de travail esquissée au chapitre 3).

116Pour que l’économie soit fondée sur les intérêts de la société, il faut procéder à des réformes de structures dont l’analyse fait l’objet du chapitre 7. Roodboek III propose notamment la “socialisation” des banques selon un mécanisme déjà étudié par la F.G.T.B. : transfert des parts sociales à un holding public (la S.N.I. par exemple) en échange d’obligations remboursables en trente ans, avec intérêts mais sans droit de vote. La socialisation du secteur de l’énergie lui paraît une opération plus délicate, mais il est possible dans l’immédiat de regrouper les participations des pouvoirs publics dans ce secteur et d’en éliminer les entreprises mixtes (en écartant les partenaires privés).

117Roodboek III se penche ensuite sur le problème du renflouement, par les pouvoirs publics, des entreprises privées en difficulté. Il s’y montre favorable, à condition qu’il ne s’agisse pas uniquement de “rétablir le taux de profit du capital privé”. Il constate d’ailleurs que celui-ci n’abandonne plus seulement, en Flandre, des canards boîteux mais des outils industriels potentiellement intéressants : le personnel qui y est occupé doit cependant veiller à leur reconversion si nécessaire, tout en expérimentant, puisque l’occasion peut s’y prêter, des formes de gestion démocratique (coopérative, autogestion).

118Dans la ligne des revendications syndicales, Roodboek III défend le principe d’une planification impérative, du contrôle ouvrier, soulignant en substance qu’en matière de réformes de structures, les objectifs priment sur la forme et l’engagement de la classe ouvrière sur une gestion bureaucratique et technologique des pouvoirs publics.

119Le mouvement socialiste doit, explique Roodboek III dans son chapitre 8, prendre résolument la tête du combat pour l’assainissement des finances publiques. Il s’agit là d’un des thèmes favoris de la “démagogie néolibérale” ; Roodboek III s’attache à dégager les causes de la situation dramatique des finances publiques, due à l’augmentation du chômage (que les propositions de diminution du temps de travail sont supposées enrayer), au coût élevé du crédit en Belgique (qui résulte lui-même de certains monopoles dont bénéficient les banques dans notre pays, dont celui de la souscription des certificats du Trésor : Roodboek III propose, outre la “socialisation du secteur financier”, diverses mesures techniques dont la revalorisation et la vente d’une partie du stock d’or de la Banque nationale), l’interpénétration croissante entre l’État et les entreprises privées (qui se ramène en définitive à une privatisation sous des formes diverses et, d’autre part, à un soutien massif des pouvoirs publics aux entreprises ; Roodboek III plaide ici pour une extension du contrôle, notamment parlementaire, sur le fonctionnement de l’appareil d’État, pour une aide plus sélective aux entreprises privées, la diminution du budget réservé à la défense et la gendarmerie et l’octroi à un organisme public du monopole en matière de recherche scientifique), enfin le phénomène typiquement belge de la “verzuiling” qui génère de nombreux gaspillages (il convient donc pour eux de le briser progressivement).

120Le neuvième chapitre part de la constatation que la sécurité sociale ne modifie pas les écarts entre revenus qui résultent des processus économiques. Le régime de sécurité sociale doit être réformé, d’abord par l’introduction du revenu de base (voir plus haut), mais également par l’absorption des secteurs des accidents de travail et des maladies professionnelles, retirés aux assurances privées. Roodboek III propose encore de décentraliser la sécurité sociale au niveau communal et de la “fiscaliser” en la transformant en régie. La création d’un Service national de santé doit, d’autre part, permettre de soustraire ce secteur au principe du profit : médecine forfaitaire, prévention, planification de l’appareillage médical Lourd, soins de santé à domicile, contrôle et “dégraissement” du secteur pharmaceutique, diminution du nombre de lits d’hôpitaux.

121Enfin, un dixième et dernier chapitre récapitule les lignes de force de l’alternative.

LINKS AUJOURD’HUI [53]

122Ce troisième livre rouge déclencha dès la parution de ses grandes lignes dans le numéro du 8 octobre 1983 de Links des polémiques dont le journal se fit d’ailleurs l’écho. Ainsi, quatre membres du service d’études de la F.G.T.B. qui faisaient en outre partie du beschermcomité de Links - publièrent-ils sous le titre “Links, blauwgroen geïnspireerd” (“Links cherche son inspiration chez les bleux et les verts”) un réquisitoire soulignant le caractère sommaire de l’analyse et les “ambiguïtés, contradictions, imperfections et excès libéraux” d’un texte dont ils reconnaissaient cependant les mérites mais qu’ils se refusaient à soutenir [54].

123Un membre de la rédaction de Links qui fut également président des Jongsocialisten, Harry Dierckx, publia une série d’articles consacrés aussi à Roodboek III, dont la tonalité était cette fois plus positive. H. Dierckx s’y livre notamment à une critique de la priorité absolue accordée par les alternatives socialistes classiques à la notion d’emploi, estimant pour sa part que la consommation privée doit être réorientée, pas accrue ; qu’il ne faut pas créer de nouveaux besoins ni du travail à n’importe quel prix, mais redistribuer le travail disponible [55].

124A l’occasion des élections européennes de juin 1984, Links invita ses lecteurs à voter en tête de liste ou à soutenir, de préférence, Marijke Van Hemeldonck, député européen sortant et membre de la rédaction, ou Marcel Schoeters, premier suppléant et membre du beschermcomité.

125Le succès remporté par la liste S.P. (sur laquelle figurait également un des animateurs de l’asbl Doorbraak, le prêtre Jef Ulburghs) fut considérable (+ 7,2 % par rapport à 1979 et gain d’un siège), avec un beau résultat personnel de Karel Van Miert (496.063 voix). Links s’en félicita, un de ses rédacteurs [56] regrettant toutefois l’importance de la propagande personnelle menée par et autour du président du parti.

126Dans son éditorial du 25 février 1984, Links estima qu’en faisant de José Happart son quatrième candidat pour ces élections, le P.S. “passait les limites de la décence”. Le journal se livrait ensuite à une analyse très critique de l’évolution du P.S., devenu selon lui “un parti bureaucratique porté par des carriéristes ambitieux”, un “parti qui se préoccupe plus d’accroître son influence politique en Wallonie que des principes socialistes en général”.

127Pour preuves : le soutien apporté en 1979 par les ministres P.S. à la double résolution de l’OTAN, l’accord entre le président du P.S. André Cools et les patrons sidérurgistes sur la fusion des bassins en 1981, l’inconsistance de l’alternative économique proposée par les socialistes francophones (“comparée à l’alternative du P.S., celle des socialistes flamands est un document subversif. Dans la première, on parle à peine de réduction du temps de travail ou de redistribution du travail disponible. Il n’y est question que de relance économique et de croissance ; comme si Keynes n’était pas mort depuis près de 40 ans et que la crise n’existait pas”).

128La suspension pour trois mois d’Ernest Glinne par le Bureau du P.S., parce qu’il avait refusé de faire dépendre sa participation au groupe socialiste du Parlement européen de l’admission au sein de celui-ci de José Happart, fut qualifiée par Links de “lamentable” : c’est le titre de l’éditorial du 8 septembre 1984.

129Signalons encore les critiques adressées par Links à la F.G.T.B. pour avoir “abandonné son plan d’action” et cédé de la sorte au chantage de la C.S.C. [57] après les premières grèves de mars-avril 1984 menées par la seule F.G.T.B., ainsi qu’un article expliquant une nouvelle fois (après Roodboek III mais aussi plusieurs éditoriaux au cours des années précédentes) l’opposition de Links à l’indexation en pourcentage [58], opposition que ne partage pas la F.G.T.B.

130Links se pencha également sur les difficultés de De Morgen et réclama la mise en place d’une politique socialiste cohérente face aux problèmes de la presse écrite [59] et se réjouit du rapprochement entre organisations ouvrières et écologistes constaté après la catastrophe du Mont Louis [60].

131L’approche du congrès administratif de novembre 1984 permit enfin à Links de revenir sur les progrès enregistrés depuis cinq ans (parution de Roodboek II) dans le fonctionnement du parti ainsi que sur l’avenir de celui-ci : Links reconnaît “les bonnes intentions du groupe qui entoure Van Miert, l’efficacité accrue, le meilleur profil et les succès électoraux” du S.P. mais s’en prend au “mauvais fonctionnement à la base” (dans certaines sections et fédérations) et souligne une lacune essentielle : “ce qui fait défaut au parti, c’est une âme” ; il faut, en priorité, “aiguiser la conscience de classe” [61]. Les perspectives politiques sont bonnes (Links parle d’une “majorité de gauche potentielle” en Flandre après les élections européennes, composée du S.P., des écologistes, de l’A.C.W. et éventuellement de la Volksunie) mais, pour les concrétiser, il faut renforcer le dynamisme à la base, “repenser” l’opération Doorbraak en donnant la priorité à une stratégie d’“autonomisation” de l’A.C.W. et renouer les liens avec le P.S. Links va, à cet égard, jusqu’à se demander “si le S.P. n’a pas commis une erreur de tactique en campant sur ses positions, dans le groupe socialiste européen, dans l’affaire Happart (…) et en renforçant de la sorte les réflexes nationalistes au sein du P.S.” [62]. Links avait pour sa part pris, dès mars 1984, l’initiative de réunir quelques socialistes flamands et wallons afin de discuter des problèmes communautaires dans le cadre d’un colloque (présidé par Ernest Glinne) : cette rencontre, à laquelle ont notamment participé Jacques Yerna et Jean-Luc Salmon (président du Mouvement des jeunes socialistes) du côté francophone et Marcel Schoeters, Marijke Van Hemeldonck, Willy Vernimmen et Lydia De Pauw du côté flamand, aboutit à une note de synthèse récapitulant les points de convergence entre les participants. Parmi ceux-ci : la nécessité d’une concertation permanente entre les deux partis socialistes ainsi que de l’unité d’action syndicale ; la revendication d’un fédéralisme “poussé” (“diepgaand”) transférant aux communautés et régions la moitié au moins des revenus fiscaux ainsi que les compétences en matière de grands travaux d’infrastructure, de crédit, d’agriculture, d’enseignement, d’énergie, de recherche scientifique notamment. La note de synthèse demande que soit mis fin à la politique de “compensation” et de concurrence entre régions, rejette la régionalisation des éléments de base de la sécurité sociale (au nom de la solidarité nationale) et plaide pour des négociations communautaires “tenant compte aussi bien de la spécificité culturelle des régions que des droits individuels des citoyens” [63].

CONCLUSIONS

132De ce survol de vingt-cinq années, et sans anticiper sur des conclusions plus générales auxquelles permettrait d’aboutir un examen parallèle de Links et de Doorbraak, se dégagent quelques traits essentiels.

133Il est par exemple frappant de constater combien Links a pu, contrairement aux journaux et/ou tendances qui l’avaient précédé au sein du P.O.B., contrairement aussi à La Gauche et même à Tribunes socialistes qui fut en quelque sorte une tentative de mettre sur pied une initiative analogue en Wallonie, rester en vie longtemps et s’attacher une audience fidèle mais renouvelée au fil des générations [64].

134Les causes de cette longévité relativement exceptionnelle sont multiples. Le rayonnement et la personnalité de Marcel Deneckere, défenseur infatigable des principes qui étaient à la base du mouvement, en sont une ; la place spécifique du parti socialiste flamand dans le système politique belge minoritaire à la fois parce qu’il n’est que le deuxième parti flamand (après le C.V.P.) et parce que ce fait le place en situation d’infériorité par rapport au P.S., premier parti wallon - en est une autre. Ajoutons à ces deux sources permanentes de frustration les reculs électoraux successifs du parti socialiste en Flandre depuis 1961 - à l’exception d’une brève remontée en 1968.

135Les liens étroits que Links réussit à maintenir à la fois avec les Jongsocialisten et certains dirigeants flamands de la F.G.T.B. ne sont pas non plus, sans doute, étrangers à ce phénomène. Même si la rédaction de l’hebdomadaire a toujours été majoritairement composée d’intellectuels, son radicalisme pouvait disposer de solides points d’ancrage à la base du parti. Certes, les rapports entre Links et la direction de la F.G.T.B. furent parfois tendus, et ce dès la naissance du mouvement ; certains dirigeants syndicaux qui avaient signé le manifeste de fondation en 1958 devinrent, après les grèves de 1960-1961, de farouches adversaires de Links (ce fut le cas, notamment, de Vic Thijs) [65]. En certaines circonstances au moins, Links soutint des grèves non reconnues par le syndicat ; en d’autres occasions, les positions défendues par le journal furent vivement critiquées par la F.G.T.B. Links, il est vrai, reste marqué par des courants idéologiques minoritaires au sein de la F.G.T.B. (le renardisme, le luxembourgisme caractérisé par la grève politique de masse et - plus récemment - les analyses de la “nouvelle gauche” des années soixante, voire du mouvement écologiste) [66]. Il n’empêche que le “comité de protection” mis en place en mai 1981 comprend les noms de plusieurs personnalités syndicales importantes (voir annexe) et que cet appui moral n’a pu que bénéficier à la crédibilité et au rayonnement de Links. Quant aux Jongsocialisten, leurs dirigeants ont constitué pendant toute la décennie 1970-1980 une pépinière de recrutement pour la rédaction de Links, mais surtout pour le parti lui-même puisque plusieurs d’entre eux occupent actuellement des postes élevés dans la hiérarchie du S.P. (Luc Van den Bossche, Norbert De Batselier, Marcel Colla notamment).

136On a dit à propos de Links (c’est le sens du titre de l’ouvrage publié chez Kritak à l’occasion de son vingt-cinquième anniversaire, auquel il est fait référence à plusieurs reprises dans le présent Courrier Hebdomadaire) que Marcel Deneckere et ses amis avaient eu raison “trop tôt”. Il y a peut-être, là aussi, une explication au fait que Links ait atteint l’âge, respectable et inhabituel pour un organe socialiste de tendance, du quart de siècle. Cependant, cette affirmation doit être nuancée.

137Certes, Links a pesé sur le Congrès idéologique de 1974, a annoncé la scission du parti, a préparé et suivi le processus de rénovation entrepris par le S.P. depuis 1978. Un de ses objectifs principaux - la radicalisation du parti - a été atteint en partie, comme en témoignent notamment l’officialisation de Doorbraak, les modifications apportées aux statuts du S.P. en 1980, la mise en avant de thèmes politiques nouveaux (politique internationale, défense, environnement, …), le remplacement de Vooruit et de Volksgazet par un quotidien plus attrayant (De Morgen) ou encore l’essor de services d’études permettant d’associer à la vie du parti des intellectuels -sympathisants (création en 1979 du Studie- en Documentatiecentrum E. Vandervelde-Instituut - SEVI).

138Cependant, ce processus de rénovation est, à certains égards, plus un reprofilage rendu nécessaire par l’évolution institutionnelle et électorale qu’une véritable radicalisation au sens où Links l’entendait. C’est d’ailleurs pour cette raison, probablement, que Doorbraak est l’instrument choisi par les “rénovateurs” au sein de la direction du parti pour faire avancer leurs idées. L’anticapitalisme et le marxisme non dogmatique dont s’est toujours réclamé Links ne transparaissent guère dans l’alternative socialiste présentée au début de 1984 par le S.P.

139Force est également de constater qu’à l’exception de la période 1978 à 1981, le processus de rénovation du S.P. ne s’est pas heurté à cet obstacle majeur qu’est la participation gouvernementale. Links s’est d’ailleurs interrogé (“Wij zijn benieuwd”, éditorial du 10 décembre 1983) sur ce qui resterait des principes de l’alternative socialiste si le parti était amené à négocier son entrée dans le gouvernement : “nous sommes curieux de savoir si le futur programme de gouvernement prévoira l’introduction d’un cadastre des fortunes ; nous sommes curieux de savoir si le futur gouvernement auquel participeront les socialistes lèvera le secret bancaire”.

140S’il est vrai que Links a anticipé certains changements survenus au sein du S.P., il faut bien dire que ceux-ci résultent au moins autant, sinon plus, d’évolutions que Links a peut-être pressenties mais sur lesquelles il n’avait aucune prise.

141En premier lieu, le S.P., devenu pleinement autonome du fait de la scission de 1978, devait rapidement se donner un profil propre et neuf, pour éviter d’être minorisé dans une Flandre dotée elle-même d’une plus large souveraineté.

142Parallèlement, les résultats des élections successives et les modifications intervenues dans la composition du parti indiquent un glissement très marqué, révélant le déclin de fédérations jadis prédominantes (celles d’Anvers, de Gand et de Malines notamment, qui avaient donné au P.S.B.-B.S.P. quelques-uns de ses dirigeants de l’immédiate après-guerre : Anseele, J. Van Eynde, A. Spinoy, L. Major) et un net progrès dans d’autres régions (surtout le Limbourg). Si l’on compare les résultats de 1961 et de 1981 comme le fit, dans Links, Danny Van de Wauwer après le scrutin de novembre 1981 [67], on obtient le tableau suivant : [68]

tableau im1
Arrondissements 1961-1981 : différence en % Hasselt + 29,94 Tongres-Maaseik + 18,43 Bruges (68) - 12,46 Ypres - 13,60 Turnhout - 14,78 Alost - 15,65 Saint-Nicolas - 16,91 Roulers-Tielt - 23,79 Oudenaarde - 24,95 Courtrai - 27,26 Louvain - 29,77 Furnes-Dixmude - 30,35 Malines - 35,19 Termonde - 35,37 Gand-Eeklo - 39,28 Anvers - 44,52

143Ce glissement est probablement dû à la combinaison de facteurs divers, mais on peut supposer qu’il n’est pas sans rapport avec une lente et progressive modification de la structure de l’électorat socialiste en Flandre : les quelques “bastions ouvriers” des provinces du Brabant et d’Anvers (ainsi que de Flandre orientale) sont supplantés par les cantons limbourgeois, d’industrialisation plus récente et démographiquement plus “jeunes”. Une analyse plus détaillée montrerait sans doute que les électeurs du S.P. sont sociologiquement différents, en 1981, de ce qu’ils étaient en 1961 : davantage de “cols blancs” (fonctionnaires, employés, enseignants), de diplômés aussi. C’est là une évolution qui est celle de la classe ouvrière (au sens large) tout entière ; il était assez naturel que le S.P. cherche à s’y tailler un créneau, notamment en abordant des thèmes plus proches des sensibilités de ces électeurs.

144L’arrivée à la coprésidence du parti - encore unitaire à l’époque - de Willy Claes (jeune et limbourgeois) en 1974 fut peut-être une toute première manifestation de cette adaptation du parti aux changements en cours. Karel Van Miert qui lui succéda trois ans plus tard, était encore plus visiblement l’homme du changement ; la scission de 1978, qui fit de lui le premier président du S.P., rendit nécessaire et permit en même temps, une accélération de ces changements.

145Il est certain que cette évolution (ainsi que l’écho favorable dont ont bénéficié les positions de Links au cours de la décennie 1970-1980) a permis à Links de sortir peu à peu d’une relative marginalité. Ses relations avec la direction du parti se sont en tous cas sensiblement améliorées depuis 1974 et, surtout, depuis l’accession à la présidence de Karel Van Miert.

146Il n’en reste pas moins que des points de désaccord subsistent. Le principal est le “virage nationaliste” pris - à tort, selon Links - par le S.P. depuis la scission de 1978. A plusieurs reprises, Links a souligné l’importance de la solidarité entre travailleurs flamands et wallons et, sans renier ses propres prises de position antérieures en faveur d’une large autonomie des deux partis, a demandé une restauration du dialogue entre eux. Il a notamment soutenu de façon continue Ernest Glinne contre André Cools d’abord, contre Guy Spitaels ensuite ; mais il a aussi insisté sur la nécessité de ne pas rompre les ponts avec le P.S. et s’est opposé, dans cette optique, à certaines positions du S.P., notamment en matière sidérurgique (et, dans une mesure moindre, dans l’affaire Happart).

147Il est intéressant de constater, par exemple, que Links est resté favorable à un fédéralisme régional plutôt que communautaire. Dans son éditorial du 15 septembre 1979, il écrit à propos de certaines manœuvres de la droite flamande : “on tente de transformer la restructuration du pays sur base des régions en réforme sur base des communautés, créant ainsi un cadre francophone dans lequel la gauche wallonne, tirant à ses pieds un boulet conservateur bruxellois, ne pèsera guère plus lourd qu’au sein de la Belgique unitaire”. Links répétera en 1984 que, s’il a toujours reconnu le “caractère de classe du processus de francisation” et adhéré au point de vue du mouvement flamand selon lequel les lois linguistiques de 1962 et 1963 doivent marquer la fin de ce processus, il faut éviter à tout prix ta “surenchère nationaliste” [69].

148L’opposition entre Links et la direction du S.P. porte aussi sur les choix en matière socio-économique ; Links se proclamant “marxiste et anticapitaliste”, il peut difficilement en être autrement. En substance, Links craint que la rénovation du parti - qui a toujours été un des chevaux de bataille du journal - n’ait de valeur qu’électorale et que le S.P. soit prêt à participer, dans un avenir proche, à un gouvernement sur base d’un programme purement réformiste.

149Le marxisme que professe Links, cela étant, n’a rien de dogmatique. Le journal a répété en différentes occasions qu’il n’était pas question “de reprendre, pour notre pays, des modèles valables dans d’autres circonstances, à d’autres époques et pour d’autres nations”, mais “d’appliquer la méthode que nous a léguée Marx à de nouvelles circonstances et de nouveaux problèmes, afin d’ouvrir une perspective socialiste à partir de la réalité en Flandre aujourd’hui” [70]. On constate d’ailleurs une évolution dans la réflexion politique de Links, qui culmine progressivement avec la publication de Roodboek III : comparée aux positions du Manifeste de 1958 (socialisation des grands moyens de production et de distribution, planification) ou à celles, plus élaborées déjà, du Manifeste du dixième anniversaire en 1968 (holding public, redistribution équitable du revenu national, contrôle ouvrier, …) l’alternative dessinée par le troisième livre rouge est nettement marquée au coin des idées écologistes ou de celles d’un André Gorz, pour ne citer que ce nom. Il me semble qu’il ne faut pas exclusivement voir là une influence de courants de pensée conformes aux goûts du jour, mais une mise en pratique du marxisme non dogmatique dont se réclame Links.

Notes

  • [1]
    A l’occasion du 25ème anniversaire de Links, un ouvrage collectif a été publié par les éditions Kritak sous le titre : Links - Vooruitlopen of het vlaamse socialisme (1983).
  • [2]
    Sur les premières années de Links, voir “Links. Étude d’un organe de tendance", CRISP, Courrier Hebdomadaire n° 276, 26 février 1965.
  • [3]
    Selon Marijke Van Hemeldonck, les syndicalistes Lievin De Pauw, Henri Ceuppens et Vic Thys qui faisaient partie du comité de patronage de Links en 1958 étaient “au faîte de leur carrière syndicale” mais “en vif conflit avec la direction de la F.G.T.B., personnifiée par Louis Major”, Links, 18 novembre 1978.
  • [4]
    “Le problème des incompatibilités soumis au Congrès du P.S.B. des 12 et 13 décembre 1964 et ses conséquences”, Courrier Hebdomadaire du CRISP n° 271 du 29 janvier 1965, n° 272 du 5 février 1965 et n° 277 du 12 mars 1965.
  • [5]
    Les incompatibilités décidées par le congrès de décembre 1964 visaient les membres des rédactions de La Gauche et de Links, et les membres de la direction du M.P.W. Certains membres de la rédaction de La Gauche (dont E. Glinne et L. Hurez) passèrent aussi accord avec le bureau début 1965. Certains collaborateurs de Links s’en séparèrent et certains d’entre eux participèrent à la création de Rood.
  • [6]
    “Autour du Congrès de Klemskerke : quelques facteurs de changement du P.S.B. flamand”, Courrier Hebdomadaire du CRISP n° 387 du 15 décembre 1967.
  • [7]
    B. De Bakker, “La grève des mines du Limbourg - janvier-février 1970”, Courrier Hebdomadaire du CRISP n 499 du 13 novembre 1970.
  • [8]
    Kris Borms, “La grève des dockers (6 avril-6 juin 1973), Courrier Hebdomadaire du CRISP n° 618-619 du 19 octobre 1973.
  • [9]
    Le 28 septembre 1974 ; une traduction française parut également en 1974 (coédition Fondation André Renard - Régionale liégeoise du PAC).
  • [10]
    Ward Bosmans, qui faisait partie de la direction des C.V.P.-Jongeren en même temps que Wilfried Martens et avait appuyé à ce titre l’appel de Collard, a rejoint aujourd’hui les rangs du S.P.
  • [11]
    Plusieurs rédacteurs de Links, dont Marcel Deneckere, faisaient d’ailleurs partie du nouveau comité.
  • [12]
    Le P.C. participa en fait aux toutes premières réunions du Front, mais se retira ensuite de celui-ci.
  • [13]
    Cf. Ward Bosmans cité dans Links du 20 novembre 1976.
  • [14]
    Robert Michels (1876-1936) est un sociologue et économiste italien d’origine allemande connu pour ses recherches sur le développement interne des organisations de masse. Il adhéra au fascisme italien dans les années 1920.
  • [15]
    Le Conseil général est, entre deux congrès, l’organe le plus important du parti. Ses membres sont nommés pour deux ans par les fédérations. Il se réunit pour délibérer de questions d’actualité et formuler à leur sujet les positions du S.P.
  • [16]
    Links, éditorial du 4 mars 1978.
  • [17]
    Links, éditorial du 1er avril 1978.
  • [18]
    Links, 8 avril 1978.
  • [19]
    Links, éditorial du 14 octobre 1978.
  • [20]
    Links, éditorial du 6 janvier 1979.
  • [21]
    Links, éditorial du 31 mars 1979.
  • [22]
    Links, 7 avril 1979.
  • [23]
    Links, éditorial du 16 juin 1979.
  • [24]
    Links, éditorial du 15 septembre 1979.
  • [25]
    Links, éditorial du 8 septembre 1979.
  • [26]
    Links, éditorial du 18 octobre 1979.
  • [27]
    Links, éditorial du 1er décembre 1979.
  • [28]
    Links, éditorial du 19 avril 1980.
  • [29]
    Links, éditoriaux du 1er mars 1980 et du 5 avril 1980 : “Simonet moet buiten !”.
  • [30]
    Links, éditoriaux du 11 et du 18 octobre 1980.
  • [31]
    Links, éditorial du 15 mars 1980.
  • [32]
    Links, 22 mars 1980.
  • [33]
    Links, éditorial du 23 août 1980.
  • [34]
    Links, 28 février 1981.
  • [35]
    Links, éditorial du 11 avril 1981.
  • [36]
    Links, éditorial du 5 décembre 1981.
  • [37]
    Gilbert Eggermont est un permanent syndical F.G.T.B., Alain Clauwaert militait aux Jongsocialisten, Gust De Pue est un docker gantois et militant F.G.T.B., Michiel Vandenbussche est membre des Rode Leeuwen de Bruxelles, Ronald Vandenbogaert est spécialiste des problèmes africains.
  • [38]
    Le comité de direction mis en place en 1958 n’avait plus d’existence effective depuis plusieurs années.
  • [39]
    Voir note 53.
  • [40]
    Intervention de Marcel Deneckere au Conseil général du S.P. de mars 1981.
  • [41]
    Links, 9 octobre 1982.
  • [42]
    Links, 16 octobre 1982.
  • [43]
    Links, éditorial du 15 mai 1982.
  • [44]
    Links, éditorial du 20 février 1982.
  • [45]
    Links, éditorial du 30 octobre 1982.
  • [46]
    Danny Van de Wauwer devint le “coordinateur” de la rédaction. Les éditoriaux auparavant rédigés par M. Deneckere et discutés ensuite au sein de la rédaction, sont désormais l’œuvre, selon le sujet, de l’un ou l’autre rédacteur et font ensuite l’objet d’un débat collectif.
  • [47]
    Links, 21 mai 1983.
  • [48]
    Links, éditorial du 9 avril 1983.
  • [49]
    Links, éditorial du 18 juin 1983.
  • [50]
    Links, 2 avril 1983.
  • [51]
    Links, 25 décembre 1982, 29 janvier, 12 février, 26 mars, 16 avril et 18 juin 1983.
  • [52]
    Links, éditorial du 8 octobre 1983.
  • [53]
    Composition actuelle du beschermcomité et de la rédaction de Links : Jaak Adams, secrétaire national C.G.S.P.-Enseignement ; Willy Calewaert, ancien ministre socialiste, membre de la Cour d’arbitrage ; Marcel Colla, député S.P. ; Norbert De Batselier, député S.P. ; Ernest Glinne, député européen P.S. ; Guy Lauwers, secrétaire du secteur administration locale et régionale de la C.G.S.P. pour la régionale d’Anvers ; Louis Melis, ancien vice-président de la C.G.S.P. ; Marcel Schoeters, président de la régionale d’Anvers de la F.G.T.B. ; Jef Sleeckx, député S.P. ; Piet Van Eeckhaut, ancien échevin S.P. à Gand ; Julien Van Geertsom, secrétaire de la régionale de St-Niklaas de la F.G.T.B. ; René Verdoodt, président de la régionale de Dendermonde de la F.G.T.B. ; Erik Vergult, secrétaire de la régionale Midden en Zuid West-Vlaanderen de la F.G.T.B. ; Herman Van Herzele, président de la régionale d’Alost de la F.G.T.B. ; Freddy Willockx, ancien ministre, député S.P. Rédaction : G. Aalders, P. De Loose, M. Deneckere, L. De Pauw, R. De Preter, G. Depue, A. De Vlieger, H. Dierckx, K. Dille, H. Dufour, M. Duytschaever, E. Glinne, N. Jacquemin, F. Roels, J. Schelfhout, E. Steffens, V. Stuyck, M. Van De Looverbosch, D. Van de Wauwer, N. Van Hamme, M. Van Hemeldonck, W. Van Rooy, M. Van Wolverlaer.
  • [54]
    Links, 15 octobre 1983 : il s’agit de Gilbert Eggermont, Miel Kooymans, Luc Voets et Toon Colpaert.
  • [55]
    Links, 3 mars, 7 avril, 5 mai et 11 août 1984.
  • [56]
    Marc Van de Looverbosch, dans Links, 24 juin 1984.
  • [57]
    Links, 5 mai 1984.
  • [58]
    Links, 21 avril 1984. L’auteur de cet article est Koen Dille, un des “vétérans” de la rédaction.
  • [59]
    Links, éditorial du 22 septembre 1984.
  • [60]
    Links, éditorial du 15 septembre 1984. Le Mont Louis, un cargo français chargé de matériau radio-actif, avait sombré en Mer du Nord suite à une collision.
  • [61]
    Links, éditorial du 13 octobre 1984.
  • [62]
    Links, éditorial du 29 septembre 1984.
  • [63]
    Links, 24 mars 1984.
  • [64]
    Selon ses rédacteurs, Links aurait actuellement quelque 10.000 lecteurs.
  • [65]
    Voir “Links. Étude d’un organe de tendance”, CRISP, Courrier Hebdomadaire n°276 du 26 février 1965, p. 8.
  • [66]
    Cf. à ce sujet Kris Borms, “Stop een vakbond in uw tank - Links en de vakbeweging”, “Links - Vooruitlopen op het Vlaamse socialisme”, op. cit., pp. 103-120.
  • [67]
    Links, 24 novembre 1981.
  • [68]
    Calcul de l’auteur.
  • [69]
    Links, éditorial du 4 février 1984.
  • [70]
    Links, éditoriaux du 2 mai 1981 et du 12 décembre 1983.
Serge Govaert
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Mis en ligne sur Cairn.info le 29/08/2014
https://doi.org/10.3917/cris.1069.0001
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