CAIRN.INFO : Matières à réflexion

I – Introduction

1Le public de langue française connaît assez mal le "Mouvement Populaire Flamand", qu’il a d’ailleurs tendance à confondre souvent avec le parti nationaliste flamand "Volksunie" [1].

2Or le "Mouvement Populaire Flamand", tout comme son homonyme et correspondant wallon : "Le Mouvement Populaire Wallon" se proclame un groupe de pression, au dessus et en dehors des partis politiques proprement dits.

3Cette confusion volontaire ou involontaire, car l’ignorance de la réalité flamande reste très grande dans les milieux francophones, est volontiers reprise par les adversaires socialistes (flamands, bruxellois et même wallons) du "Mouvement Populaire Wallon".

4Le M.P.W. lui-même semble adopter cette présentation inexacte des choses du moins si l’on s’en réfère à ses organes officiels (l’hebdomadaire "Combat") ou officieux (le quotidien "La Wallonie" de Liège).

5D’autre part, A.W. Willemsen, un jeune historien néerlandais, dont le récent ouvrage consacré au nationalisme flamand fait autorité, affirme que si la "Volksunie" n’a pas encore atteint le niveau du V.N.V. d’avant-guerre, elle dispose d’un groupe de pression remarquable que ne possédaient pas ses devanciers, le V.V.B. [2]

6Dans les pages qui suivent, nous allons essayer de déterminer avec autant de précisions que possible l’organisation, les activités et le programme du "Mouvement Populaire Flamand".

7D’ores et déjà, nous pouvons affirmer qu’un parallélisme certain se dégage de la confrontation entre le V.V.B. (flamand) et le M.P.W. (wallon) et que, pour l’observateur non superficiel de la vie politique belge, la comparaison entre le Congrès de Malines de la V.V.B. (octobre 1960) et le Congrès du M.P.W. (novembre 1961) s’impose de toute évidence.

8Toutefois, s’il y a des points de convergence indiscutables, il y a également, entre ces deux mouvements, des points de divergence nous nous proposons de faire apparaître en finale de notre étude.

II – Organisation du Mouvement Populaire Flamand

9Le mouvement a été créé en 1954 mais il semble que la période de rodage ait été assez longue, à l’inverse du M.P.W. dont le démarrage fut très rapide.

10Nous n’avons pas trouvé trace d’une publication quelconque du nombre des affiliés. Dans un des organes de presse du mouvement [3], nous trouvons l’annonce du doublement du nombre des membres, tandis que le nombre des militants (cadres) aurait quintuplé. La cotisation annuelle de 50 francs donne droit au service du mensuel (Berichtenblad), la cotisation annuelle de 100 francs donne droit en outre au service de l’organe documentaire dont nous parlons plus loin.

11Quoi qu’il en soit, si l’on s’en réfère à l’assistance aux diverses réunions (plus de 1.000 participants au Congrès de Malines en octobre 1960), l’on doit admettre que le Mouvement Populaire Flamand compte déjà un nombre impressionnant de membres.

12L’organisation semble parfaitement structurée et se présenterait de la manière suivante :

13Cinq services différents assurent la vie et la gestion du mouvement :

  1. le service de la formation des cadres et de l’action locale ;
    Ce service, qui dispose des procès-verbaux des nombreuses sections locales et d’arrondissement, envoie tous les mois des directives sous forme de circulaires aux militants, qui disposent également d’un vade-mecum fort utile ("V.V.B. Gids").
  2. le service de l’administration et des finances ;
  3. le service d’Information ;
    Ce service publie notamment l’organe du mouvement "Berichtenblad", mensuel depuis le début de 1961.
  4. le service central d’Etudes ;
    Ce service est chargé de l’étude approfondie des positions principielles du mouvement. Il coordonne les travaux des différents groupes de travail qui œuvrent à l’élaboration de l’idéologie.
    Parmi ces groupes de travail, notons :
    • le groupe s’occupant des problèmes intérieurs dans lequel siègent notamment M. Amter, dirigeant du Davidsfonds, M. Daniel De Coninck, député bruxellois de la Volksunie, M. Bové, dirigeant du groupement des fonctionnaires flamands (V.V.O.) ;
    • le groupe s’occupant de la flamandisation des affaires ;
    • le groupe s’occupant de l’instruction et de la culture.
  5. le service du Secrétariat Général chargé des archives et de la correspondance.
    Ce service assure le secrétariat des différents organes du mouvement, c’est-à-dire : le bureau exécutif, la Direction générale et le Conseil, les services d’études, le service d’information.

14La propagande et les relations publiques dépendent également de ce service. Certaines personnalités sont particulièrement chargées d’un secteur. C’est ainsi que M. De Wachter a la responsabilité des relations avec les Pays-Bas, tandis que M. J. Aernouts a la responsabilité des relations avec les Wallons.

15La direction générale du mouvement se présente actuellement comme suit :

  • Coppieters M., président général
  • Beekman P., vice-président
  • Daenen C., vice-président
  • Daels P., président du Bureau
  • Roskam G., secrétaire général
  • Aers W.
  • Jassogne G.
  • Becquaert R.
  • Martens W.
  • Belmans T.
  • Merecy R.
  • Boey M.
  • Moerman
  • Colson G.
  • Opsomer N.
  • De Bondt F.
  • Van Cauwelaert E.
  • De Ghein R.
  • Van Damme J.
  • De Schepper C.
  • Van den Broeke S.
  • Dumon W.
  • Verrept S.

16L’on retrouve dans cette liste des personnalités appartenant aux différents courants de l’opinion flamande : catholique (Coppieters M. et Van Cauwelaert), socialiste (Jassogne, Becquaert, Merecy), libérale (Moerman) avec toutefois une nette prédominance catholique, qui coïncide d’ailleurs avec le rapport des forces en Flandre.

17L’incompatibilité existant entre la qualité de mandataire public et celle de membre des comités de direction du mouvement exclut de ceux-ci les personnalités les plus connues du monde politique flamand.

18Notons cependant que, jusqu’à sa mort, Edmond Van Dieren, l’ancien leader V.N.V., était membre du Conseil du V.V.B.

19Notons également que certaines personnalités catholiques flamandes, tel l’ancien Ministre G. Van den Daele, occupent fréquemment la tribune du mouvement.

20Outre l’organe mensuel "Bedchtenblad", qui se présente sous la forme d’une publication imprimée de 6 à 8 pages et qui donne de nombreuses informations sur la vie et l’activité des différentes sections locales, le mouvement publie à l’intention de ses militants un organe stencilé qui paraît dix fois par an : "Dokumentatieblad van de Vlaamse Volksbeweging".

21C’est un véritable modèle du genre. On y trouve réparties en rubriques sélectionnées, des citations d’articles émanant de la plupart des journaux belges, tant d’expression française que d’expression néerlandaise, des principales revues beiges représentant toutes les gammes de l’opinion tant du Nord que du Sud du pays, de quelques journaux néerlandais, etc…

22Cette publication est en passe de devenir un point de passage obligé pour tous ceux qui voudront aborder d’une manière autre que superficielle l’étude du problème flamand actuel. Son utilité est d’autant plus grande que l’abondance actuelle des publications relatives à ce problème risque de décourager le chercheur non initié.

23"Dokumentatieblad" comporte habituellement les rubriques suivantes :

  1. Revue mensuelle (overzicht).
    1. Combat flamand.
    2. Partis politiques.
    3. Services publics, administration centrale, armée.
    4. Travail, chômage, Prévoyance sociale.
    5. Intérieur.
    6. Affaires étrangères et commerce extérieur.
    7. Affaires économiques, Travaux Publics, Finances, Communications.
    8. Classes moyennes et Agriculture.
    9. Justice.
    10. Education nationale et affaires culturelles.
    11. Santé publique.
  2. Parade des périodiques.
  3. Schémas de travail.
  4. Archives politiques flamandes.

24Outre ces publications générales, il existe également des publications purement locales, par exemple "Bundeling" à Malines.

III – Activités du Mouvement Populaire Flamand

25Comme nous l’avons déjà dit, la mise en marche du mouvement, créé en 1954, fut relativement lente, surtout si on la compare à celle de son homologue wallon, le M.P.W.

26Mais les deux dernières années, 1960 et 1961, virent se dérouler une activité intense dent nous allons essayer de donner une image panoramique.

27Il y a tout d’abord le travail dit de routine mais qui doit absolument s’accomplir sous peine de voir s’étioler le mouvement. Pour un groupe de pression comme se proclame le V.V.B., l’adage qui veut que qui n’avance pas recule est particulièrement vrai.

28Or le mouvement n’a pas reculé, tant s’en faut. La revue mensuelle donne d’ailleurs des comptes rendus des diverses activités locales qui se sont intensifiées au cours des dernières années principalement à l’occasion de la préparation des grandes manifestations dont il va être question plus loin.

29Relèvent du même esprit la création de 17 directions d’arrondissement et l’organisation de plusieurs journées de formation des cadres réunissant des dizaines de participants.

30Le V.V.B., fidèle à la tradition flamingante, a également mené ces deux dernières années une campagne d’envergure pour que la fête traditionnelle flamande dite des Eperons d’Or, le 11 juillet, soit entourée d’un certain faste et c’est notamment dans ce cadre que s’est développée sa campagne du pavoisement au Lion de Flandre dite "Vlaggenaktie" (action drapeaux).

31Appuyé par les études d’un groupe de travail ad hoc, dont nous avons déjà parlé plus haut, le V.V.B. a poussé très loin ses efforts en faveur de la néerlandisation dans les entreprises privées. Trop loin au gré de certains puisqu’à la suite de la publication d’une liste noire d’industriels de la Flandre Orientale continuant à user de la langue française dans leurs entreprises, sous le titre "71 Mauvais Belges", l’une des personnes visées assigna le signataire de l’article, en paiement de 100.000 francs de dommages, devant le Tribunal de première instance de Gand.

32C’est cependant à l’instauration d’un régime fédéraliste qu’a été consacré l’essentiel des efforts des dirigeants du Mouvement.

33Une journée d’étude rassemblant la plupart des membres de la direction générale se tint le 27 août 1961.

34Les dirigeants de la V.V.B. voulurent aussi, surtout après les évènements de décembre I960 et de janvier 1960 et après la naissance du M.P.W., se rapprocher des fédéralistes wallons mais ce n’est pas avec le M.P.W. que les contacts s’établirent mais bien avec quelques dirigeants du Congrès National.Vallon et, plus particulièrement, avec M. Fernand Schreurs, Secrétaire général du C.N.W., et M. Maurice Bologne, file de l’ancien bourgmestre socialiste de Liège, qui défendent l’un et l’autre l’idee du fédéralisme depuis de longues années. Si M. Bologne s’est intégré au M.P.W. dont il accepte toutes les revendications, il semble que M. F. Schreurs, qui appartient à l’opinion libérale, manifestait quelques réticences à accepter in globo le second volet du programme du M.P.W., à savoir les réformes de structure sur le plan économique et social.

35Une déclaration de principe wallonne-flamande en faveur du fédéralisme fut publiée immédiatement après les grèves et le 15 octobre 1961 se tint à Liège une réunion d’étude réunissant des wallons et des flamands. Les flamands étaient principalement représentés par de nombreux délégués du V.V.B. tandis que le M.P.W., en tant que tel, n’était pas représente à cette réunion qui se déroulait cependant-dans la citadelle du Mouvement Populaire Wallon.

36Soucieux de faire connaître ses positions au dehors de nos frontières, le V.V.B. organise une conférence de presse à La Haye, le 8 mars 1961, après les grèves et avant les élections législatives belges. Une trentaine de journalistes néerlandais représentant les journaux les plus importants des Pays-Bas, prirent part à cette conférence de presse, qui devait en principe être la première d’une série de contacts avec la presse des pays limitrophes.

37Sur le plan interne, une conférence de presse fut également donnée le 9 août 1961 à Bruxelles.

38Sur quelques questions d’actualité, par exemple sur le Directoire charbonnier, le mouvement tint à faire connaître son point de vue, dûment élabore par un groupe de travail ad hoc, dont devait largement s’inspirer la "Volksunie" dans la mise au point des amendements que ce groupe défendit, sons succès, lors de la discussion parlementaire.

39D’un point de vue plus général, il faut également citer le pamphlet "Genoeg beloften" (assez de promesses) diffusé à 300.000 exemplaires au début de l’année 1961.

40Plus connues de l’opinion publique d’expression française, parce que touchant de plein fouet l’agglomération bruxelloise, sont les deux opérations de masse que furent la journée des communes périphériques, limitrophes de l’agglomération bruxelloise (randgemeenten) et surtout la fameuse marche sur Bruxelles du 22 octobre généralement appelée dans la presse flamande de droite la marche des 100.000. Ces deux manifestations de masse lurent orchestrées par un Comité ad hoc le "Vlaams Aktie Komitee voor Brussel en Taalgrens" (le Comité d’action flamande pour Bruxelles et la frontière linguistique) présidé par M. Amter, leader du Davidsfonds mais en réalité le V.V.B., qui prit l’initiative de la création du dit comité, ne cessa de prendre une part prépondérante dans la préparation de ces manifestations, en revendiquant d’ailleurs bien haut la part qui lui revenait dans le succès obtenu.

41Cette énumération, non exhaustive des activités dont le V.V.B. peut se revendiquer, démontre à suffisance la part importante prise par cette association dans la vie flamande actuelle.

42Le programme pour les mois à venir est également copieux.

43Outre une campagne massive de création de sections dans toutes les localités flamandes où elles n’existent pas encore à ce jour et une campagne systématique de recrutement des membres, le V.V.B. entend exploiter au maximum les effets favorables de son point de vue de la marche sur Bruxelles du 22 octobre et diffuse d’ores et déjà le slogan suivant : "la fois prochaine, nous serons 250.000".

44Dans le même ordre d’idées, il met sur pied une grande campagne d’information qui doit être axée sur deux slogans :

  • l’utilité d’un mouvement populaire flamand,
  • l’inéluctabilité du fédéralisme et des réformes de structure.

45Enfin, le Secrétariat général de ce mouvement a reçu comme mission de préparer un second grand congrès qui se tiendrait à envers en janvier 1962 et qui aborderait les trois thèmes suivants :

  1. respect de l’homme,
  2. les institutions politiques au service des communautés vivantes,
  3. la fédéralisation des structures étatiques belges.

IV – Programme du V.V.B. (Congrès de Malines 1960)

46Le programme du V.V.B., tel qui il existe actuellement, est sorti des assises du Congrès qui se tint à Malines le 9 octobre 1960.

47Ce Congrès avait un triple but :

  1. affirmer l’existence du mouvement qui constitue un tout bien organisé ;
  2. analyser la situation flamande et rechercher les remèdes à court et à long terme ;
  3. se manifester vis-à-vis de l’opinion publique.

48Des personnalités appartenant à toutes les opinions politiques et représentant toutes les tendances philosophiques y participèrent.

49Parmi celles qui y jouèrent un rôle prépondérant, il faut citer notamment :

  • du côté catholique, le professeur F. Van Mechelen, professeur à l’Université de Louvain, et président flamand de la Ligue des Familles nombreuses, M. Coppieters qui prononça le discours de clôture ;
  • du côté socialiste, M. Morecy, professeur de l’Enseignsment Moyen, et M. Jassogne ;
  • du côté libéral, M. Moerman.

50Les 3 sections groupèrent 750 personnalités diverses, tandis que la séance plénière, qui fut filmée, réunissait plus de 1.000 personnes. Des hostesses officiaient.

51La direction générale du mouvement fut reçue par le collège échevinal de Malines et, à cette occasion, M. Spinoy, bourgmestre de Malines, après avoir congratulé les congressistes, se réjouit do l’essor économique de sa ville, essor réalisé grâce à la collaboration de plusieurs partis politiques.

52Les travaux du Congrès de Malines ont fait l’objet d’une publication [4] de 73 pages qui reproduit notamment le texte des differentes communications :

  1. Introduction de M. Daels.
  2. Bruxelles : le problème social économique et politique, par M. Becquaert.
  3. Bruxelles : les aspects urbanistiques du problème par ?. Potorgent. (Ce haut fonctionnaire, d’opinion catholique, critique notamment le plan d’urbanisation présenté par le groupe Alpha, qu’il accuse d’avoir complètement ignoré l’aspect linguistique du problème).
  4. La flamandisation de la vie professionnelle par M. Jansens.
  5. La politique de l’emploi par M. De Bondt.
  6. La culture populaire néerlandaise en Flandre par M. Dumon.
  7. L’autonomie culturelle par le professeur W. Opsomer.
  8. Les réformes de structures par M. Daels.
    (Il convient de noter ici que, contrairement à ce qui se constate dans le Mouvement Populaire Wallon, l’expression "réformes de structures" a surtout trait aux réformes politiques sans cependant que les réformes de structure économique soient absentes de la vision de l’auteur mais ces dernières ne figurent pas en première place.)
  9. Les jeunes dans le Mouvement populaire flamand par M. W. Martens.
    (Dans cet exposé, on notera surtout un souci de lier le fédéralisme interne au fédéralisme externe européen. C’est un souci qui fut d’ailleurs exprimé par plusieurs intervenants.)
  10. Le Mouvement populaire flamand, organisation générale de combat par M. Jassogne.
    (On remarquera que cet exposé, visant à affirmer le caractère global du mouvement, a précisément été confié à un socialiste libre penseur.)
  11. Le discours final par M. Coppieters, président général du mouvement.

53Suivent les motions votées par le Congrès et finalement le programme 1960 du Mouvement Populaire flamand, programme qui reprend en le complétant le programme d’urgence établi en 1956 et le programme gouvernemental flamand de 1958.

54Ce programme devrait être réalisé au cours des cinq années à venir, ce qui signifie que d’ores et déjà, le mouvement s’assigne une durée de vie au moins égale à cette période et que ses promoteurs sont conscients des difficultés que la réalisation intégrale d’un tel programme rencontrera.

55Nous donnons ci-après un aperçu des principaux points relevés dans le programme proprement dit et dans les principales motions votées par le Congrès, qui complètent le dit programme sur plusieurs points.

56Le programme V.V.B. 1960 comporte trois stades :

  1. les mesures tendant à la suppression de toute inégalité entre Flamands et Wallons ;
  2. les mesures tendant à accorder des chances égales aux Flamands et aux Wallons ;
  3. les mesures de nature à assurer l’épanouissement total de la Flandre.

1 – Suppression de toute inégalité

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  • L’opposition au recensement linguistique, au vol de territoire (gebiedsroof), aux facilités quelconques envisagées sur le territoire flamand aux autres groupes linguistiques.
  • L’arrêt du processus de francisation des émigrés flamands dans l’agglomération bruxelloise, que ce soit dans le domaine de la profession, de l’enseignement ou de l’administration.
  • L’instauration de l’unilinguisme en pays flamand en matière de commerce, d’industrie et de vie publique.
  • Le maintien ou le rétablissement du caractère flamand au littoral.
  • La néerlandisation de la vie professionnelle par voie législative.
  • L’adaptation de la représentation parlementaire au chiffre de la population.
  • Une politique équitable de nomination tendant à établir le juste équilibre prévu par la législation de 1932 entre fonctionnaires d’expression française et fonctionnaires d’expression néerlandaise. Ce juste équilibre, qui n’existe pas à ce jour, devrait être réalisé à tous les degrés de la hiérarchie.
  • La suppression de tout vestige d’enseignement en français en Flandre, en particulier, dans les classes dites de transmutation.
  • La suppression de tout subside accordé à Réimporte quelle activité ou initiative qui ne respecterait pas l’unilinguisme du pays flamand.
  • La répartition des crédits pour l’expansion économique en rapport avec l’intérêt économique national, ce qui impliquerait que 80 % des crédits devraient aller au pays flamand.
  • En lieu et place de l’improvisation et de la cécité politique actuelles, en ce qui concerne la politique économique régionale, il conviendrait :
    1. d’assurer une localisation précise de l’industrie, qui doit conduire à un épanouissement économique de nos régions (flamandes) ;
    2. d’étendre les prérogatives du Bureau de programmation et de créer des sociétés nationale et régionales d’investissements ;
    3. de promouvoir la fusion volontaire ou obligatoire des mines limbourgeoises, point de passage obligé de l’industrialisation nécessaire du Limbourg.

2 – Chances égales

58La suppression des injustices ne suffit pas. Il faut éviter la possibilité même du retour de telles injustices dans l’avenir. Pour atteindre ce but, une série de nouvelles revendications sont énumérées :

  • la fixation définitive de la frontière linguistique et l’inadaptation des limites administratives ;
  • la fixation d’un statut spécial pour l’agglomération bruxelloise réduite à ses limites actuelles, qui fasse que la capitale soit mise réellement au service du pays tout entier ;
  • toutes les fonctions, ressortissant tant du secteur public que du secteur privé, devraient exclusivement être réservées aux Flamands porteurs d’un diplôme attestant qu’ils ont fait leurs études en langue néerlandaise ;
  • la suppression de toutes les "facilités linguistiques" dans les communes flamandes où elles furent instaurées à la suite des recensements "falsifiés" de 1930 et de 1947 ;
  • la séparation administrative, immédiate et intégrale, du Ministère de l’Education Nationale et de tous les services culturels centraux, de manière à ce que l’autonomie culturelle soit réalisée tant en faveur de la culture française qui en faveur de la culture néerlandaise ;
  • l’établissement de conseils culturels disposant d’un prestige et d’un pouvoir réels ;
  • la subsidiation de la politique culturelle proportionnellement au chiffre de la population ;
  • l’assurance de la participation optimum de la communauté flamande à l’enseignement universitaire ;
  • la séparation des partis politiques en organisations autonomes flamande et wallonne (c’est-à-dire la fédéralisation des partis politiques) ;
  • l’octroi d’une compétence spécifique au Ministère de la Coordination économique dans lequel les services spéciaux en vue du développement des noyaux d’expansion fonctionnement sous la direction de deux fonctionnaires généraux, un pour le pays flamand et un pour le pays wallon ;
  • la décentralisation de l’industrie de la région bruxelloise au profit des noyaux d’expansion dans le pays flamand ;
  • une politique économique entièrement basée sur le développement de ces noyaux d’expansion qui sont principalement situés en Flandre et dont dépend l’avenir économique de la Belgique toute entière ;
  • le rejet impitoyable de toute politique économique qui, au cours de cette législature, ne s’assignerait pas comme premier but de sauver le Limbourg et de développer les entreprises énergétiques en Flandre.

3 – Vers l’épanouissement total

59Le but final, que le mouvement s’assigne, est de mettre à la disposition de la communauté flamande tous les instruments lui permettant en tant que partie de la communauté globale d’expression néerlandaise (c’est-à-dire avec les Pays-Bas) de se développer harmonieusement dans l’Europe et dans le monde de demain. Pour ce faire, une dernière série de revendications est présentée :

  • la séparation administrative de tous les services centraux ;
  • une fédéralisation systématique de toutes les institutions publiques et privées permettant le transfert aux communautés populaires qui habitent le territoire de la Belgique d’un pouvoir réel et d’un prestige politique ;
  • l’installation d’un droit de contrôle démocratique adéquat ;
  • une représentation directe de la communauté flamande dans les diverses institutions et structures européennes ;
  • le renforcement de l’appartenance néerlandaise du peuple flamand, en particulier par le truchement d’une étude et d’une coopération systématiques avec les Pays-Bas ; (L’instauration d’une direction commune, flamande-néerlandaise, en matière culturelle et d’enseignement est souhaitable.)
  • le développement d’une politique économique nationale, conduite par des ministres et des fonctionnaires flamands sur la base de la réalité sociale et de la nécessité économique d’accorder un rôle déterminant aux régions flamandes, dans l’espace économique européen. Ces mesures rétabliront la puissance du peuple flamand et construiront la base d’un nouvel essor culturel.

Motion sur les réformes de structures (votée par le Congrès de Malines)

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  1. Le V.V.B. rappelle sa prise de position lors de sa création, à savoir qu’une solution valable aux problèmes flamands ne peut être trouvée que dans une réforme fondamentale de la structure de l’Etat belge.
  2. Le V.V.B. souligne la grande signification positive de ces réformes de structure qui accorderont à la communauté flamande ses institutions propres et ses instruments de pouvoirs. Un peuple peut se développer en une communauté consciente et s’y maintenir uniquement grâce à des institutions politiques autonomes.
  3. La revendication de telles réformes de structures dérive directement de la constatation du retard de la Flandre dans les principaux domaines de notre vie nationale. Cette situation alarmante générale a en réalité une cause commune ; le manque de conscience populaire réelle et de puissance effective de la communauté flamande.
  4. Ces solutions valables ne pourront être élaborées que lorsque la Flandre pourra s’en occuper elle-même par une réforme appropriée de ses besoins vitaux.
  5. En Belgique, une telle réforme n’est réalisable que par une restructuration des données politiques et sociales sur une base fédérale, ce qui signifie que le principe de l’Etat belge est maintenu mais que les deux grandes communautés populaires (flamande et wallonne) se voient accorder les possibilités de réaliser un sain développement autonome.
  6. Le V.V.B. exige que la fédéralisation systématique des institutions publiques et privées soit entamée sans délai et insiste sur le fait qu’un certain nombre de réformes peuvent être accomplies sans revision constitutionnelle. C’est notamment le cas pour le dédoublement intégral du Ministère de l’Education nationale, l’adaptation des limites administratives aux territoires linguistiques, la séparation de tous les services administratifs, la large décentralisation des services d’expansion économique.
    Le V.V.B. s’élève avec force contre le fait que l’on n’a pas mis à profit le récent changement ministériel pour scinder le Ministère de l’Education nationale. (Il fut à nouveau question de cette scission lors de la récente constitution du Gouvernement Lefèvre-Spaak, sans cependant y aboutir.)
  7. Cependant, la réalisation immédiate des mesures précitées ne suffira pas à sauvegarder et à promouvoir le développement de la communauté flamande et seul un régime fédéral paritaire pourrait donner satisfaction à cet égard.
  8. Un régime fédéral qui coïncide parfaitement avec le principe démocratique dont il constitue d’ailleurs une application élevée, est le seul système qui soit susceptible de mettre fin aux oppositions et aux heurts entre les communautés flamande et wallonne. Au surplus, les structures fédérales assureront l’accession de la Flandre à l’Europe.
  9. Peur toutes ces raisons, la V.V.B. décide :
    1. de procéder à une large diffusion de l’idée des réformes de structure et de faire disparaître tous les malentendus qui subsistent à propos du fédéralisme ;
    2. de renforcer les contacts qui existent déjà avec les concitoyens wallons et avec l’Union Fédérale des Communautés Européennes ;
    3. de donner mission aux groupes d’études d’entamer l’étude approfondi du fédéralisme aux points de vue technique, administratif et économique et de formuler des propositions pratique à ce sujet ;
    4. de consacrer un congrès spécial d’étude, éventuellement en collaboration avec d’autres groupes, aux résultats de cette étude en vue de proposer des réalisations concrètes.

Propositions du Congrès de Malines concernant Bruxelles

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  • la création d’une province de Bruxelles, comportant les 19 communes formant actuellement l’agglomération bruxelloise ;
  • le rejet de tout plan qui viserait soit à maintenir la puissance de l’actuelle agglomération bruxelloise, soit, a fortiori, à augmenter cette puissance ;
  • la décentralisation fondamentale et structurelle de l’administration ;
  • le clichage intégral de l’industrialisation bruxelloise ;
  • la répartition dans tout le pays des institutions bancaires, d’épargne et d’assurances en leur assurant une autonomie régionale en ce qui concerne leur direction ;
  • l’instauration pour la province de Bruxelles d’un statut linguistique comportant toutes les garanties de contrôle et l’établissement de sanctions ; Ces mesures devraient s’étendre à tous les secteurs de la vie sociale.
  • le renforcement de la culture flamande à Bruxelles par des mesures légales et l’interdiction absolue de toutes les tentatives qui viseraient à entraver cet épanouissement ;
  • une législation radicale en matière d’enseignement donnant toutes les garanties pour que les enfants flamands puissent jouir d’un enseignement en néerlandais.

62Tout ce qui précède devrait être réalisé dans un délai maximum de cinq ans et ainsi Bruxelles pourrait se trouver en état de grâce pour postuler valablement le titre de capitale européenne.

V – Brèves conclusions

63Tout d’abord, il convient de constater que le Mouvement populaire flamand constitue bien un groupe de pression, au même titre que son correspondant wallon, le M.P.W., auquel nous consacrerons d’ailleurs un prochain numéro du Courrier Hebdomadaire.

64Lorsque nous aurons procédé à cette étude, nous pourrons plus utilement en tirer certaines conclusions, basées sur les comparaisons entre les deux mouvements.

65Mais d’ores et déjà, nous pouvons nous livrer à certaines, constatations.

66Sur qui s’exerce à titre principal la pression, puisque pression il y a ? Incontestablement, sur les partis politiques et, plus précisément, sur les mandataires flamands de ces partis.

67D’abord, en ce qui concerne la "Volksunie", le parti nationaliste flamand, il est difficile de définir qui exerce vraiment la pression sur l’autre et certains observateurs n’hésitent pas à affirmer qu’en réalité, la "Volksunie" agit en qualité de groupe de pression vis-à-vis du "Mouvement Populaire flamand" pour que l’ardeur de ce dernier ne s’éteigne pas. En tout état de cause, une étude ultérieure de la Volksunie nous permettra de déterminer le parallélisme très étroit des positions défendues par les deux organisations.

68Vis-à-vis de l’aile flamande du P.S.C., l’influence du Mouvement Populaire flamand, dans les rangs duquel militent d’ailleurs nombre de membres appartenant à l’aile radicale flamingante du P.S.C., est indéniable. Et comme l’aile flamande est largement majoritaire au sein du P.S.C., on peut affirmer que, par son truchement, le P.S.C. tout entier est touché par l’action du Mouvement.

69Il convient du reste d’insister sur la large audience que les diverses manifestations du Mouvement Populaire flamand trouvent généralement dans les colonnes de la presse catholique flamande et, plus particulièrement, dans celles du Standaard, représentant autorisé de la tendance radicale flamande catholique.

70En rendant compte de la Marche sur Bruxelles, l’organe du Mouvement Populaire flamand (Berichtenblad – octobre 1961) s’adresse aux socialistes flamands dans les termes suivants :

71

" Aujourd’hui, nous posons particulièrement aux socialistes flamands la question : avez-vous senti le pouls "de votre peuple ? Vous pouvez faire en sorte qu’en collaboration avec les organisations ouvrières chrétiennes, la "Flandre organise à n’importe quel moment la marche décisive sur Bruxelles."

72M. Van Eynde, vice-président flamand du P.S.B., a répondu indirectement à cet appel en prenant vivement à partie, dans un éditorial de la Volksgazet [5], M. Jassogne, socialiste flamand et dirigeant du V.V.B. qui prit une part prépondérante dans l’organisation de la marche sur Bruxelles. Les socialistes flamands orthodoxes refusent donc la collaboration offerte par les dirigeants du Mouvement populaire flamand et les socialistes qui collaborent effectivement le font à titre strictement individuel. Il semble d’ailleurs qu’ils ne soient guère nombreux si l’on se réfère à plusieurs déclarations publiques de M. Jassogne lui-même, qui répéta notamment à Liège à la récente journée d’étude sur le fédéralisme que les socialistes fédéralistes ne constituaient à l’heure actuelle qu’une petite minorité.

73Symptomatique également est l’attitude prise récemment par les rédacteurs de Links (le correspondant flamand de la "Gauche") qui avaient adopté à plusieurs reprises une position très favorable au mouvement flamand en général et à certains objectifs du V.V.B. en particulier. Dans un article [6] intitulé "A propos de l’autonomie culturelle : Van Eynde ou Jassogne", la rédaction de Links affirme que Jassogne ne fait pas partie de la rédaction de Links et que plusieurs membres de la dite rédaction, ayant été pressentis pour figurer dans la Direction générale du V.V.B. ont décline cette invitation, car le Mouvement populaire flamand ne prenait pas position envers les réformes de structure, ce qui n’est d’ailleurs pas entièrement exact si l’on se réfère à certaines déclarations faites au Congrès de Malines.

74En ce qui concerne l’influence que le Mouvement Populaire flamand exerce sur le P.L.P. dont la représentation en Flandre est d’ailleurs beaucoup moins importante que celle des sociaux-chrétiens et même que celle des socialistes, il est assez difficile d’en juger. Nous croyons cependant que cette influence est réelle, tout en étant moins prononcée et moins directe que celle exercée sur les sociaux-chrétiens, et que certaines prises de position émanant de libéraux flamands subissent l’influence du V.V.B. malgré les déclarations de principe délibérément unitaristes du président du P.L.P., M. Van Audenhove.

75La propagande du V.V.B., si attentive à rallier les socialistes flamande, néglige les communistes flamands, il est vrai que l’influence de ces derniers a fortement décru au cours des dernières années et ils ne sont guère plus représentés que dans quelques centres ouvriers des Flandres. En tous les cas, il est vraisemblable qu’ils n’échapperaient pas aux tentatives d’influence du V.V.B. si le besoin s’en faisait sentir.

Notes

  • [1]
    La Libre Belgique du 9 novembre 1961, rendant compte d’un discours prononcé la veille par M. Van den Boeynants, président du P.S.C. à la tribune de la section locale de Laeken, lui prête cette déclaration : "Nous sommes en face de deux extrémismes : Le Mouvement Populaire Wallon d’une part et la Volksunie d’autre part".
  • [2]
    dans Nerlandia, revue culturelle néerlandaise.
  • [3]
    Berichtenblad n° 8, octobre 1961.
  • [4]
    Verslagboek Algemeen Kongres van de Vlaamse Beweging – Mechelen 9 Oktober 1960.
  • [5]
    Volksgazet – 4 novembre 1961.
  • [6]
    Links. 25. – 11.11.61.
Mis en ligne sur Cairn.info le 25/01/2015
https://doi.org/10.3917/cris.130.0001
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