CAIRN.INFO : Matières à réflexion

CONSIDERATIONS LIMINAIRES

1 Dans les numéros 54, 63-64, 87 et 89 de ce Courrier, nous avons d’abord dégagé l’aire et analysé la structure politique des cinq grandes agglomérations de Belgique ; nous avons exposé ensuite les principales solutions qui ont été envisagées au cours du dernier quart de siècle.

2 Il nous reste à présenter une formule positive et originale susceptible de régler de façon satisfaisante cet important problème.

3 Nous ne nous dissimulons pas que toute innovation est délicate, car elle met fatalement en cause les structures existantes et, par voie de conséquence, des intérêts qui se considèrent comme respectables et légitimes.

4 Deux solutions sont communément rejetées :

  • Création de nouvelles provinces, et
  • Multiplication des sociétés intercommunales.

5 Elles sont totalement inadéquates pour résoudre le problème posé.

6 En ayant recours à l’octroi du statut provincial aux communes constituant les agglomérations, on veut éviter de réduire l’émiettement et de restructurer nos administrations locales, bref, de remettre en cause les structures périmées.

7 La création d’intercommunales nouvelles élude de même la difficulté réelle et met sur pied une organisation qui ne peut qu’alourdir les procédures et aggraver le coût des services.

8 Pratiquement, il faut opter soit pour une organisation à double étage, soit pour la fusion.

9 Ceux qui choisissent le double étage de compétences maintiennent les communes dans leurs limites actuelles et se contentent de leur enlever un certain nombre d’attributions qu’ils donnent à l’organisme destiné à les coiffer. Suivant les thèses, les pouvoirs des organismes supracommunaux sont plus ou moins étendus. Mais dans tous les cas, le morcellement est maintenu, les frontières irrationnelles sont conservées. Parfois même, pour que les décisions des autorités d’agglomération soient exécutoires, une procédure est organisée qui permet en fait aux pouvoirs locaux d’entraver le fonctionnement des nouveaux organes.

10 Outre les objections de fait, une raison fonctionnelle nous paraît justifier le rejet de toute formule qui, conservant les municipalités actuelles, leur superpose un organe nouveau.

11 L’administration belge est déjà beaucoup trop lourde et trop onéreuse.

12 Sa pesanteur entraîne une lenteur génératrice de mécontentement chez les administrés. Il faut supprimer les excroissances, non en ajouter.

13 Son coût élevé finit par se répercuter sur le niveau des impôts. Il importe d’éviter leur aggravation quand celle-ci n’est pas le corollaire nécessaire de l’accroissement des services rendus aux citoyens.

14 Le choix de la formule à double étage de compétences est fondamentalement déterminé chez ses tenants par la crainte de heurter les situations acquises. Cette option est ainsi fondée sur des impératifs secondaires et sur l’opportunité la plus pure. En définitive, on refuse d’aborder le problème de front et de donner au mal sa solution spécifique.

15 Il nous paraît, en revanche, qu’il faut déterminer d’abord quelle est la formule qui, rationnellement, est la meilleure et ensuite, l’assortir de modalités qui la rendent acceptable par le plus grand nombre.

16 Pour les raisons constitutionnelles [1] et fonctionnelles rappelées plus haut, il est indispensable de retenir la solution de fusion pure et simple de toutes les communes appartenant à une même agglomération. Bien sûr, cette formule est appelée à rencontrer bien des résistances. Nous n’hésitons pas à dire que celles-ci seraient aisément surmontées si la population était informée. Il suffirait d’user objectivement pendant quelques mois des formes modernes d’information (presse, radio, T.V.) et ainsi de documenter le pays sur l’état actuel des structures administratives urbaines, d’en exposer les incohérences et les inconvénients graves et de proposer les remèdes adéquats. A ce moment, les résistances de ceux qui ont intérêt à la survivance des structures anachroniques pèseraient bien peu dans la balance.

17 * * *

18 La fusion pure et simple avec redistribution systématique en districts nous paraît le seul moyen de donner un remède convenable aux vices de l’état présent.

19 Notre étude a porté sur les cinq grandes agglomérations : Anvers, Bruxelles, Charleroi, Gand et Liège. Nous estimons que la révision des structures doit être poussée plus loin. Il faut qu’elle porte sur les communes de toute importance et sur l’ensemble du territoire.

20 La priorité doit cependant être donnée aux cinq grandes agglomérations précitées, en raison de leur importance.

21 Nous avons vu, en effet, (Courrier du C.R.I.S.P. n° 54, pages 10 et 11) que si ces cinq entités ne représentent que 3 % de la superficie du pays, elles englobent :

  • 30 % de la population, et près de
  • 60 % du volume des dépenses municipales.

22 Chaque cas devra être réglé par une loi distincte.

23 Il faudra ensuite s’attacher à régler le sort des entités urbaines importantes. Chacune d’elles devra également faire l’objet d’une loi.

24 La formule que nous allons exposer prévoit la création de subdivision dans toutes les communes de plus de 50.000 habitants. Nous sommes en effet d’avis que semblable structure ne doit pas être réservée uniquement aux cinq plus grands complexes urbains. Ainsi l’agglomération de La Louvière, la sixième du pays pour l’importance de la population, pourrait fort difficilement, après la réunion de ses composantes, être gérée en administration unique avec regroupement complet de tous les services. Il en va de même pour d’autres, telles que Bruges, Louvain, Verviers, etc…

25 Après les entités urbaines importantes, il faudra procéder à une redistribution générale du territoire, car c’est l’ensemble de nos limites municipales qui est à refondre. Cette répartition nouvelle devra être opérée systématiquement et par la loi. Le Parlement devra être saisi de projets par région de façon à ce que de proche en proche, tout le territoire soit remodelé.

26 Le nouveau découpage amènera à revoir la législation communale à bien des égards. La création d’agglomérations compactes nous paraît postuler des modifications fondamentales, notamment en matière de tutelle. La réduction du nombre des communes de faible importance provoquera l’adaptation de diverses lois, conçues pour des municipalités de faibles dimensions.

27 Il faudra probablement différencier la législation suivant l’importance des communes.

PROPOSITION DE SOLUTION

28 Nous insistons dès l’abord sur le fait que notre système diffère fondamentalement de celui qui a été appliqué par les Secrétaires Généraux : tandis que ces hauts fonctionnaires avaient réalisé une centralisation poussée à l’extrême, nous préconisons la fusion accompagnée d’une très large déconcentration [2].

1 – Territoire et divisions

a – Limites extérieures

29 Le périmètre aura un double fondement : urbanistique et économique. Il sera fixé en fonction de critères de fait à déterminer dans chaque cas d’après les situations locales.

30 Les données urbanistiques nous paraissent importantes à scruter topographie, limites naturelles (bois, cours d’eau, ligne de partage des eaux, ….) et artificielles (autoroutes, voies ferrées, canaux …..).

31 Il faudra non seulement accorder de l’importance à la façon dont les habitations sont actuellement groupées et soudées mais aussi prévoir l’extension des constructions groupées et privées (survey).

32 Les communes sont appelées à jouer un rôle de plus en plus important sur le plan économique. Il faut leur donner un territoire qui leur permette d’accomplir leur mission ; ceci est surtout vrai pour les plus grandes d’entre elles. Les limites des agglomérations devront ainsi tenir compte des possibilités de développer une politique d’implantation d’industries (parcs industriels, zones réservées, etc…).

b – Divisions intérieures

33 Pour cet échelon, nous avons choisi le nom de "canton" en raison du fait qu’outre leurs fonctions politique et administrative, ces districts sont appelés à constituer des circonscriptions notamment en matières judiciaire et électorale. Nous avons ainsi repris une terminologie fondée sur la tradition.

34 La fixation du nombre des cantons ne doit pas être laissée à l’appréciation des autorités de chacune des agglomérations, car elles seraient tentées de reprendre purement et simplement les anciennes communes et leurs limites.

35 Ce nombre sera déterminé par la loi d’après l’importance de la population de l’ensemble de l’agglomération. L’Annexe II (page présente un projet de fixation du nombre des cantons pour les communes à partir de 50.000 habitants. Ce tableau comprend même des tranches de population où ne se situe actuellement aucune agglomération ; il règle ainsi dès à présent les adaptations qui devront résulter des fluctuations de population.

36 Le nombre fixé par la loi sera un maximum, qui ne devra pas nécessairement être atteint.

37 La répartition du territoire d’ensemble entre les cantons sera également déterminée par des données de fait, notamment : l’importance de la population, la superficie, les affinités entre les habitants, les courants économiques et commerciaux, les moyens de communication, etc… Les anciennes limites seront examinées à titre purement indicatif.

2 – Le Conseil de Ville

a – Composition

38 Nous préconisons l’élection d’un conseil unique dans lequel seront puisés à la fois l’exécutif de la ville et ceux des cantons. Par suite des dimensions nouvelles (population et superficie) de ces municipalités et du fait que les exécutifs en seront l’émanation, il est indispensable de revoir le nombre des conseillers fixé présentement par la loi.

39 L’Annexe I (page 12) rappelle le nombre de conseillers communaux et d’échevins pour toutes les communes suivant l’état actuel de la législation.

40 L’Annexe II (page 13) donne une proposition de révision générale de ce nombre. Comme pour les cantons, ce tableau fixe dès à présent le nombre des conseillers pour certaines tranches de population où ne figure aujourd’hui aucune agglomération ; la situation sera ainsi réglée pour les modifications qui pourront affecter l’importance de la population des communes nouvelles.

41 Une objection à notre système peut être tirée du nombre important des conseillers dans les communes les plus peuplées. Ainsi, sur base des agglomérations que nous avons dégagées (n°s 59 et 63- 64 du Courrier du C.R.I.S.P.), Bruxelles aurait 225 conseillers et Anvers 165, ce qui pourrait être qualifié de petit Parlement. Si l’on veut choisir l’exécutif des cantons parmi les conseillers communaux élus, des conseils de cette importance sont indispensables.

42 D’autres formules pourraient être avancées, qui consisteraient à élire un nombre moindre de conseillers communaux. Dans cette hypothèse, il faudrait procéder différemment pour l’élection des exécutifs de cantons ; ainsi ces exécutifs pourraient faire l’objet d’une élection séparée, ou être nommés par le Conseil de ville qui aurait la faculté de porter son choix hors de son sein.

43 Nous préférons, quant à nous, que le corps électoral procède à une seule élection et désigne un conseil dont les membres s’occupent à la fois de la gestion de l’ensemble de la ville et des affaires de leur propre district. Cette double appartenance fera au sein du conseil de ville une place à la voix des quartiers ; l’unité du conseil conservera la prééminence à l’intérêt général. Notre formule maintiendra, et dans certains cas, rétablira le contact entre les administrés et le personnel politique (cas des communes aujourd’hui très peuplées ; voir les exemples cités plus loin).

44 Pour ce qui est de l’éventuelle nomination des exécutifs en dehors des mandataires élus par la population, nous y marquons notre hostilité en égard à son caractère antidémocratique.

45 * * *

46 A titre indicatif, nous donnons ci-après une comparaison entre les communes à regrouper dans les cinq grandes agglomérations et les entités nouvelles.

tableau im1
Description

Nombre actuel de Nombre proposé de communes. (1) bourgm. et échevins. cons. comm. (2) cantons conseils comm. (3) Anvers 12 59 248 13 165 Bruxelles 19 97 437 16 225 Charleroi 26 100 293 9 105 Gand 9 36 139 7 85 Liège 24 89 303 10 (11) 115 (125)

(1) Entrent en ligne de compte les communes qui ont été retenues comme faisant partie des agglomérations au sens large dans le Courrier n° 54 du C.R.I.S.P. du 26 février 1960.
(2) Y compris les membres des collèges échevinaux.
(3) Les populations de base sont celles qui ressortent du relevé officiel de la population à la date du 31 décembre 1958. A noter que l’agglomération liègeoise est en passe de franchir le cap des 450.000 habitants. Les chiffres relatifs à cette hypothèse sont donnés entre parenthèse.

47 A l’examen de ce tableau, nous constatons :

  • que l’émiettement des municipalités est beaucoup plus poussé en Wallonie qu’en Flandre et qu’en conséquence, les possibilités financières et économiques des municipalités du sud du pays en pâtissent gravement ;
  • que, malgré le nombre relativement important des conseillers que nous proposons pour Bruxelles (225) et Anvers (165), il y a néanmoins une réduction sensible par rapport au total actuel. Les chiffres nouveaux seraient ramenés environ à la 1/2 de ceux d’aujourd’hui pour Bruxelles et aux 2/3 pour Anvers ;
    Pour l’ensemble des cinq grandes agglomérations, la réduction des conseillers serait environ de 1/2 : 695 (ou 705) au lieu de 1420 actuellement. Il nous paraît difficile d’aller plus loin dans le sens de la compression.
  • La moyenne de population dans chacun des cantons des cinq grandes villes nouvelles serait de quelque 50.000 habitants, ce qui, en définitive, mettrait les élus incontestablement plus près de leurs électeurs que dans certaines communes actuelles.
    Ainsi les quatre plus grandes villes du pays ont aujourd’hui un conseil communal élu directement sur tout leur territoire pour des populations nombreuses : Anvers : 43 conseillers pour environ 260.000 habitants, Bruxelles : 39 pour 170.000, Gand : 39 pour 160.000 et Liège : 39 pour 155.000.

b – Election

48 Les mandats de conseiller communal seront répartis entre les cantons au prorata de la population.

49 L’élection se fera d’après le système de représentation proportionnelle intégrale : pas de quorum, apparentement entre tous les cantons, dévolution des sièges comme à la Chambre des Représentants.

50 La loi actuelle applique un système électoral unique à toutes les communes, quelle que soit leur importance.

51 Certes, on peut craindre présentement dans les petites et les très petites municipalités que le peu de sièges à conférer et la présentation d’un grand nombre de listes en raison des individualismes locaux, n’entraînent une fragmentation excessive de la représentation et une difficulté réelle de constituer des majorités stables. On peut se demander si après la disparition des très petites communes et la réduction massive des petites, le maintien de notre système électoral communal favorable aux grosses listes se justifiera encore dans les entités de cette importance.

52 Aujourd’hui déjà, les périls indiqués ci-avant n’existent pas dans les grosses communes. Le système actuel de notre loi électorale communale perdra complètement sa raison d’être au niveau des regroupements à réaliser.

53 Quoi qu’il en soit, pour les grandes agglomérations, notre système aura vraisemblablement pour conséquence de provoquer la coalition des partis les plus puissants dans les agglomérations où aucun ne disposera de la majorité absolue. En effet, les formations politiques les plus fortes enlèveront normalement la majorité absolue dans certains cantons. Pour éviter les grincements qui pourraient résulter de différences de majorité entre la ville et plusieurs cantons, il est probable que les partis disposant du pouvoir dans un certain nombre de cantons seront amenés à s’associer.

54 On a assisté trop souvent jusqu’ici à ce spectacle qu’une formation sans importance, voire un élu unique, réalise une alliance très profitable pour son groupe. C’est là un mépris total de la volonté de l’électeur. Une telle parodie de nos institutions sera, sinon impossible, à tout le moins peu probable dans notre système.

c – Attributions

55 En principe, elles seront identiques à celles des autres conseils communaux.

56 Compte tenu du volume des affaires à traiter par la ville, certaines compétences seront cependant cédées (par exemple, personnel communal, concessions de terrains aux cimetières, etc……).

3 – Le Collège de Ville

a – Composition

57 Le premier magistrat sera appelé premier bourgmestre. Il sera assisté d’échevins dont le nombre sera fixé par la loi d’après l’importance de la population de la ville (proposition : Annexe II, page 13).

58 A l’examen du tableau, on constate que le nombre d’échevins, qui est de 4 pour une population de 20.001 à 50.000 habitants, est ramené à 3 à partir de 50.001 habitants, pour reprendre sa progression à partir de 100.001 habitants. Cette diminution est corrélative à l’érection de cantons à l’intérieur des villes au-delà de 50.000 habitants. Les exécutifs des cantons débarrasseront en effet le collège de ville d’un volume notable d’attributions.

b – Election

59 Elle se fera par le Conseil de Ville par scrutins successifs. Le Conseil désignera tous les membres du Collège y compris le premier bourgmestre.

60 L’élection des bourgmestres par les conseils communaux devrait d’ailleurs être étendue à toutes les communes.

c – Attributions

61 Elles seront en principe identiques à celles des autres conseils communaux, sauf celles qui seront attribuées aux exécutifs des cantons et les extensions dont il est question au 2. c) ci-dessus.

4 – Le premier bourgmestre

62 Il sera élu par le Conseil de Ville ainsi qu’il est dit ci-dessus.

63 Il aura dans ses attributions le pouvoir de police et le pouvoir réglementaire, ainsi que les bourgmestres actuels les détiennent. Une délégation sera donnée aux bourgmestres des cantons et pourra toujours être révoquée.

5 – Les cantons

64 Structure par canton.

65 Nous rappelons qu’il nous paraît utile que soit maintenu dans chacun des cantons un corps élu situé ainsi très près de la population, conformément à une tradition bien ancrée dans nos régions.

66 Nous proposons pour les cantons une très large décentralisation et une déconcentration fort poussée. En cela, nous nous écartons de la solution des Secrétaires généraux.

67 Les cantons auront dans leurs attributions tous les services appelés à entrer en rapport avec le public et tous ceux qui, pour des raisons de gestion, doivent être décentralisés ou déconcentrés.

68 Dans les premiers, on rangera notamment les secteurs suivants : recette, état-civil, population, milice, listes électorales, etc…

69 Dans les seconds, on classera des services tels que les travaux publics, la voirie, l’enseignement, etc… dans la mesure où ils sont d’ordre purement local.

70 La répartition précise des tâches entre les organes centraux et cantonaux sera déterminée par le Conseil et le Collège de Ville, chacun en ce qui le concerne.

a – Le Conseil cantonal

Composition

71 Il sera formé par les conseillers communaux élus dans le canton.

Attributions

72 Il sera chargé de nommer l’exécutif du district (bourgmestre et bourgmestres adjoints). Il tiendra trimestriellement une courte session consacrée aux questions et interpellations relatives aux intérêts et à la gestion des cantons.

73 On pourrait concevoir qu’aucune attribution ne soit donnée au Conseil cantonal. Nous préférons, quant à nous, que les voix internes aux agglomérations continuent à s’exprimer à ce niveau, mais nous croyons indispensable de limiter les réunions de façon à ne pas énerver l’action du Conseil de Ville et des exécutifs.

b – Le Collège cantonal

Composition

74 Il sera formé par un bourgmestre et des bourgmestres adjoints dont le nombre sera fixé par la loi en fonction de l’importance de la population du canton (voir proposition : Annexe II, page 13). Le nombre des adjoints ira de 1 à 4 suivant les cas.

Incompatibilité

75 Elle existera entre les membres du Collège de Ville et ceux des cantons.

Election

76 Les membres du Collège de chaque canton seront choisis par scrutins successifs parmi les conseillers élus dans ce canton.

Attributions

77 Le Collège cantonal sera chargé des tâches suivantes :

  • exécution de la réglementation générale ;
  • nomination du personnel du canton (administratif, enseignant, technique, de police …..) ;
  • gestion journalière du canton, par exemple :
    • direction du personnel du canton,
    • exécution des travaux (voirie, bâtiments, …),
    • tenue des registres d’état-civil, célébration des mariages, encaissement des recettes, mandatement des dépenses cantonales, etc…

c – Le Bourgmestre

78 Il aura un pouvoir réglementaire et de police complémentaire.

6 – Les finances

79 Le budget et la fiscalité seront uniques ; ils seront votés par le Conseil de Ville.

80 Les crédits budgétaires seront, suivant les cas, attribués à la ville ou aux différents cantons.

81 Le mandatement des dépenses se fera de même par l’exécutif de la ville ou par ceux des cantons, dans les limites des crédits attribués.

82 Le payement des dépenses sera effectué par le receveur de la ville ou par ceux des cantons, chacun en ce qui concerne son rayon d’action.

7 – L’administration

83 Le statut organique et pécuniaire sera unique pour l’ensemble de la ville (services centraux et cantonaux).

84 Les cadres de la ville et des cantons seront fixés par le Conseil de Ville (création des services et fixation des cadres).

85 Chaque canton disposera d’un secrétariat, de services de la recette, des travaux publics, de l’enseignement, de la police, etc…

86 Les nominations se feront par les exécutifs respectifs.

87 Il y aura interpénétration complète entre toutes les administrations de la Ville : tous les agents pourront passer des services centraux de la Ville à ceux des cantons et réciproquement, et d’un canton à un autre.

ANNEXE I

Situation existante (articles 3 et 4 de la Loi communale)

tableau im2
Description

Nombre d’habitants. Nombre de cons. comm. Nombre d’échevins. au-dessous de 1.000 7 de 1.000 à 3.000 9 2 de 3.000 à 10.000 11 de 10.000 à 15.000 13 3 de 15.000 à 20.000 15 de 20.000 à 25.000 17 de 25.000 à 30.000 19 de 30.000 à 35.000 21 4 de 35.000 à 40.000 23 de 40.000 à 50.000 25 de 50.000 à 60.000 27 de 60.000 à 70.000 29 de 70.000 à 80.000 31 5 (+ Ostende) de 80.000 à 90.000 33 de 90.000 à 100.000 35 de 100.000 à 150.000 37 de 150.000 à 200.000 39 6 de 200.000 à 250.000 41 de 250.000 à 300.000 43 300.000 et au-dessus 45 7 : Bruxelles Gand Liège 8 : Anvers

ANNEXE II

Proposition

tableau im3
Description

Nombre d’habitants. Nombre de cons. com. Nombre d’échevins. Nombre de cantons. jusque 2.500 7 2.501 - 5.000 9 2 5.001 - 7.500 11 7.501 - 10.000 13 10.001 - 15.000 15 3 15.001 - 20.000 17 20.001 - 30.000 21 30.001 - 40.000 25 4 40.001 - 50.000 29 50.001 - 75.000 35 2 3 75.001 - 100.000 45 3 100.001 - 150.000 55 4 150.001 - 200.000 65 4 5 200.001 - 250.000 75 6 250.001 - 300.000 85 7 300.001 - 350.000 95 5 8 350.001 - 400.000 105 9 400.001 - 450.000 115 10 450.001 - 500.000 125 6 11 500.001 - 600.000 145 12 600.001 - 700.000 165 13 700.001 - 800.000 185 7 14 800.001 - 1.000.000 205 15 plus de 1.000.000 225 8 16

Adjoints de cantons

tableau im4
Description

Nombre d’habitants. Nombre d’adjoints. jusque 25.000 1 de 25.001 à 50.000 2 de 50.001 à 100.000 3 plus de 100.000 4

LE PROBLEME CONSTITUTIONNEL SOULEVE PAR L’ORGANISATION DES GRANDES AGGLOMERATIONS

88 Le Législateur peut-il, dans l’état actuel du texte constitutionnel, créer des autorités ou organismes administratifs dont la mission est de gérer les intérêts des grandes agglomérations urbaines composées d’un certain nombre de communes formant une unité démographique, économique et psychologique ?

89 Le siège de la matière est régi par les articles 31 et 108 de la Constitution.

90 Les intérêts exclusivement communaux ou provinciaux sont réglés par les Conseils communaux ou provinciaux, d’après les principes établis par la Constitution (article 31). Les institutions provinciales et communales sont réglées par des lois qui consacrent l’application de certains principes, notamment l’élection directe des conseils communaux et provinciaux et l’attribution à ces conseils de tout ce qui est d’intérêt provincial et communal sans préjudice de l’approbation de leurs actes dans les cas et suivant le mode que la loi détermine. En outre, plusieurs provinces et plusieurs communes peuvent s’entendre ou s’associer dans les conditions et suivant le mode à déterminer par la loi, pour gérer et régler en commun des objets d’intérêt provincial ou d’intérêt communal.

91 Tel est le texte de l’article 108 de la Constitution.

92 Passons d’abord en revue les solutions qui, de l’aveu unanime des juristes, ne soulèvent aucune difficulté constitutionnelle.

1

93 L’article 3 de la Constitution précise que les limites de l’Etat, des provinces et des communes ne peuvent être changées ou rectifiées qu’en vertu de la loi. Le Législateur fixe le territoire des communes ; il les fait aussi grandes ou aussi petites qu’il l’entend. Il juge souverainement de l’opportunité de réunir en une seule entité administrative, n’importe quelle fraction du territoire national. Mais il s’inspirera en fait de données géographiques, démographiques, économiques et politiques, plus ou moins objectives.

94 Les grandes villes constituant des ensembles compacts pour le démographe, le Législateur serait en droit de les considérer comme des communes uniques et de supprimer les multiples administrations communales qui en divisent artificiellement le territoire.

95 La fusion pure et simple des communes constituant les grandes agglomérations est une solution qui ne soulève aucune objection d’ordre constitutionnel. Néanmoins, le problème qui se poserait au Législateur serait plus complexe que celui posé par une simple loi de fusion de petites communes. En effet, la dimension des grandes agglomérations est telle que la structure administrative des communes ordinaires ne peut suffire pour faire face aux nécessités qu’elle fait naître. Le Législateur ne pourrait se contenter d’une loi de fusion répondant aux exigences courantes. Il lui faudrait refaire pour les grandes villes une nouvelle loi communale, spécifique aux grandes agglomérations.

96 Il est légitime de prévoir pour les grandes villes une structure plus complexe que celle d’un village.

97 La commune unique, résultat de l’opération de fusion des communes constituant actuellement les grandes agglomérations, pourrait donc être elle-même subdivisée en districts ou quartiers. Le Législateur devrait donc décrire les organes locaux des divisions de la grande agglomération et en fixer la compétence.

98 Diverses solutions s’offrent à lui : Le Législateur peut laisser subsister dans les divisions internes de la grande commune des bureaux administratifs sous la responsabilité de fonctionnaires investis de certains pouvoirs par délégation du Collège unique des bourgmestre et échevins, organe exécutif de la grande ville.

99 Mais rien n’empêche la loi de doter les subdivisions des grandes villes d’organes élus pourvu que le principe constitutionnel de l’élection directe soit sauvegardé à l’échelle du quartier comme à l’échelle de la grande ville.

100 La thèse de la fusion présente donc plusieurs variantes, toutes compatibles avec le prescrit constitutionnel.

101 Les grandes agglomérations fusionnées en communes uniques peuvent avoir une structure interne unitaire ou fédérale.

102 Dans la structure unitaire, il n’y a qu’un conseil communal élu directement au suffrage universel et un seul collège exécutif ; les grandes villes sont divisées toutefois en districts ou quartiers qui sont régis par des fonctionnaires nommés par le grand Conseil communal et mis sous l’autorité du Collège unique.

103 Dans la structure fédérale, ou structure à double étage, il y a, outre une assemblée communale, et un collège pour l’ensemble du territoire de la grande ville, des conseils communaux et des collèges par quartier ; la loi répartit les compétences entre les conseils de quartiers et la grande assemblée communale.

104 L’assemblée commune peut être dotée d’une compétence strictement limitative (énumération exhaustive de matières par la loi) et les conseils communaux de quartiers d’une compétence générale résiduaire. On peut également envisager la solution inverse. [3] On peut également réduire le rôle des conseils de quartier à un rôle de contrôle de l’exécutif local.

105 La solution de la fusion, quelles que soient sas variantes, ne se heurte pas à des objections d’ordre constitutionnel mais à des obstacles d’opportunité.

106 "Il me paraît certain qu’en fait", dit M. Pierre Wigny au colloque du 1er décembre 1956 de l’Institut belge de Science politique, "cette solution ne trouvera jamais l’accord du Parlement."

107

"D’abord parce qu’elle présente des difficultés considérables au point de vue financier : les communes n’ont pas toutes le même statut. Ensuite, parce que des difficultés se présenteront au point de vue politique : les communes n’ont pas toutes les mêmes tendances. En troisième lieu, parce qu’il faudra sacrifier un certain nombre d’écharpes maïorales : vous créez des difficultés en commençant par demander à certaines personnes de se sacrifier. En quatrième lieu, parce que, politiquement, vous allez créer un organisme qui, pour Bruxelles, comporterait plus d’un million d’habitants et qui, par son seul poids, risquerait de déséquilibrer tout le mécanisme constitutionnel.
"Nous avons, au cours d’une intervention précédente, poser la question de savoir quelle serait la position d’un Bourgmestre d’Anvers ou de Bruxelles vis-à-vis d’un Ministre de l’Intérieur exerçant son droit de tutelle sous forme d’improbation. Que serait-ce le jour où le bourgmestre aurait derrière lui tout le Grand Anvers ou le Grand Bruxelles ? Je ne voudrais pas être ce Ministre de l’Intérieur."

2 – La thèse provinciale

108 La Constitution fait obstacle à ce que le Législateur diminue le nombre de provinces. La loi ne peut supprimer une ou plusieurs province, celles-ci étant énumérées à l’article 1er, alinéa 2, de la Constitution. Mais ce même article premier spécifie qu’il appartient à la loi de diviser s’il y a lieu le territoire en un plus grand nombre de provinces.

109 La loi peut donc décider de créer cinq provinces supplémentaires dont le territoire coïnciderait avec le territoire des cinq grandes agglomérations. Cette solution, parfaitement constitutionnelle, se heurte à des difficultés d’ordre politique considérables.

110 Cette réforme aurait d’abord une incidence étrangère au problème des grandes villes.

111 En vertu de l’article 53, 2°, de la Constitution, les provinces concourent à la formation du Sénat et, en vertu de l’article 99, elles interviennent dans la désignation de certains magistrats de l’ordre judiciaire. Une telle réforme aurait pour objet d’apporter de profonds bouleversements dans la législation électorale et la loi d’organisation judiciaire.

112 Mais le plus gros inconvénient de cette réforme est la présence dans les villes de Bruxelles, de Liège, d’Anvers et de Gand, de deux Gouverneurs, de deux Conseils provinciaux et de deux Députations permanentes, ayant juridiction sur des territoires distincts. Par exemple, un Conseil provincial propre à l’agglomération bruxelloise et une Députation permanente présidée par un gouverneur auraient juridiction sur le territoire de cette agglomération. Le Conseil provincial du Brabant, la Députation permanente et le Gouverneur de cette province n’auraient plus juridiction que sur le reste du territoire amputé agglomération d’un million d’habitants.

113 De la même façon, les provinces de Liège, d’Anvers, de Flandre orientale et de Hainaut se verraient amputées de leurs grandes villes.

114 Cela réduirait considérablement l’importance du rôle joué par leurs organes actuels, conseil provincial, députation permanente et gouverneur. En outre, une telle réforme romprait d’une manière évidente l’équilibre psychologique et politique du pays.

115 L’opposition entre les petites villes et la campagne d’une part et les grands centres urbains, d’autre part, serait accentuée dans la personne même des mandataires et des hauts fonctionnaires.

116 Le gouverneur du Hainaut siégeant à Mons, par exemple, prendrait un caractère presque rural à l’égard de son collègue, le gouverneur de Charleroi.

117 * * *

118 Devant ces difficultés, des fonctionnaires et des juristes réunis dans une Commission de travail de l’Union des Villes, sous la présidence de M. Gruselin, Gouverneur de la province de Namur, ont élaboré un projet dotant les grandes agglomérations d’une structure originale qui se superpose aux communes actuelles sans les supprimer.

119 Ce projet est très proche de la fusion à structure interfédérale mais s’en distingue sur un point important qui est le mode de désignation des membres du conseil d’agglomération. L’élection directe au suffrage universel est écartée pour faire place à un mode de désignation à deux degrés. Ce sont les conseillers communaux qui, selon un système pondéré, désignent les membres de la grande assemblée commune.

120 C’est ce problème qui a suscité des difficultés d’ordre constitutionnel.

121 L’article 108 de la Constitution impose le principe de l’élection directe pour la formation des conseils communaux.

122 Si l’on admet que la grande agglomération est une commune, au sens constitutionnel du terme, une loi qui prévoit l’élection des membres du conseil d’agglomération par un système à deux degrés serait inconstitutionnelle.

123 Les juristes sont à cet égard divisés.

124 Au Colloque du 1er décembre 1956, de l’Institut belge de Science politique, M. Jean De Meyer et M. François Perin ont admis que l’élection directe s’imposait tandis que M. Pierre Wigny et M. André Mast. Professeur à l’Université de Gand, ont soutenu la thèse opposée.

125 M. Pierre Wigny a développé en résumé l’argumentation suivante.

126 En vertu de l’article 31 de la Constitution, les Conseils communaux règlent ce qui est d’intérêt exclusivement communal. C’est la loi qui détient souverainement le pouvoir de qualification et décide ce qui est d’intérêt général et d’intérêt communal.

127 Si la loi décide que les intérêts communs aux communes d’une grande agglomération sont d’intérêt général, elle a le droit d’ôter certaines matières à la compétence des conseils communaux et de les conférer à un organisme nouveau, qui n’est pas une commune mais une création législative d’intérêt général.

128 La loi confère librement à cet organisme une structure interne qu’elle entend créer sans être tenue de se soumettre à un principe constitutionnel qui ne vaut que pour les communes.

129 Somme toute, d’après cette thèse, la grande agglomération est une émanation de l’Etat, avec compétence spéciale déterminée par la loi, tant ratione materiae que ratione loci.

130 La grande agglomération est ainsi érigée juridiquement en parastatal.

131 Le professeur André Mast, pour sa part, estime que l’élection à deux degrés des conseils d’agglomération est défendable au point de vue constitutionnel mais il ne croit pas utile, pour justifier son opinion, de transformer les grandes villes en parastataux.

132 Evitant habilement le paradoxe audacieux de M. Pierre Wigny, il pense que la grande agglomération conçue par l’Union des Villes n’est ni une commune (l’exigence constitutionnelle de l’élection directe peut donc être évitée), ni une province, ni une émanation de l’Etat.

133 C’est un quatrième pouvoir local que la Constitution n’a pas prévu et qui n’a donc pas pu être énuméré à l’article 31, qui ne vise que l’Etat, les provinces et les communes.

134 D’après lui, cette énumération n’est pas exhaustive. Lorsque la Constitution est muette, le Législateur est libre. Il peut faire tout ce que la Constitution ne défend pas.

135 La thèse de M. Mast est donc celle de la liberté totale de la loi, celle-ci pouvant librement créer des institutions que la Constitution ignore mais qui n’empiètent pas sur les attributions que la Constitution confère expressément aux pouvoirs qu’elle organise.

136 Cette thèse très audacieuse permettrait de créer des assemblées dotées d’un pouvoir administratif et réglementaire très réel, non seulement pour les grandes agglomérations fondées sur un suffrage indirect mais également pour toute assemblée régionale quelconque que la Constitution actuelle ignore.

137 La loi pourrait-elle, sans révision constitutionnelle, doter par exemple le pays flamand, la Wallonie et Bruxelles, d’une assemblée et d’un gouvernement régional se superposant, sans les supprimer, aux institutions locales actuelles ? La thèse de la liberté constitutionnelle du Législateur défendue par le Professeur André Mast pourrait avoir des conséquences qui dépassent de loin les objectifs de son auteur.

Notes

  • [1]
    voir pages 14 à 18.
  • [2]
    La solution exposée ci-après a été élaborée en communauté de vues avec M. François Perin, professeur de droit constitutionnel à l’Université de Liège.
  • [3]
    Des solutions de ce type ont été défendues par M. Jean De Meyer, Professeur à l’Université de Louvain, et M. François Perin, Chargé de cours à l’Université de Liège, lors du colloque du 1er décembre 1956 sur le problème de la constitutionnalité des grandes agglomérations (voir Bibliothèque de l’Institut belge de Science politique, 1957).
Raymond Costard
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/12/2014
https://doi.org/10.3917/cris.108.0001
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