CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 – La situation politique

1Les notes réunies ici se limiteront d’une part à étudier les différents partis politiques qui ont joué un rôle ces derniers temps et d’autre part à analyser l’évolution politique du Katanga depuis la période préélectorale de décembre jusqu’aux évènements de Jadotville en janvier 1960.

A – Les partis politiques

1 – Le Rassemblement katangais ou la Confédération des associations tribales du Katanga (Conakat)

2En décembre 1957, lors des première élections communales, aucun parti politique n’avait présenté de listes dans les communes d’Elisabethville ; la raison en était fort simple : les partis politiques n’existaient pas. Les Kasaïens enlevèrent la majorité des sièges. Des quatre bourgmestres, trois étaient Kasaïens, tandis que le quatrième était un ressortissant du Kivu (un mukusu). [1]

3M. Moïse Tshombe, leader de fraîche date de la Conakat présente son groupement comme ayant "vu le jour après les élections de 1957. Il a été au départ un mouvement de réaction contre la situation existante chez nous ; il est l’œuvre de Katangais authentiques…" (Courrier d’Afrique, 10.12.1959).

4C’est ainsi que la plupart des associations tribales du Katanga se groupèrent dans la Conakat : la Balubakat (association des Baluba du Katanga) y adhéra mais avec des réserves à l’égard des tendances qui semblaient y prévaloir, tandis que l’Union katangaise (parti fédéraliste européen, dirigé par M. A. Gavage), demanda son adhésion à la Conakat vers le milieu de l’année 1959. Toutefois, M. Gavage participait activement au groupement avant cette date.

5L’Union Katangaise passe pour être l’émanation politique d’un groupement professionnel, l’Ucol-Katanga qui groupe les colons défenseurs d’une politique de présence européenne au Katanga.

6Dès septembre 1957 l’Ucol réclamait l’immigration massive d’européens et l’autonomie interne de la province. Ces deux points forment la caractéristique du programme politique de l’U.K. Sur le plan racial le promoteur de l’Union Katangaise M. Achille Gavage, qui était également président de la commission politique de l’Ucol, préconisait un régime inspiré de l’Apartheid en vigueur en Afrique du Sud. [2] Un soutien financier de 50.000 frs. fut alloué au groupement en juin 1958 par M. Guillaume, président du C.S.K. La tribune de l’Union Katangaise fut l’Essor du Congo. La méfiance générale de la population noire amena le mouvement à s’affilier à la Conakat en 1959.

7Deux thèses fondamentales semblent constituer la doctrine de la Conakat. D’une part, elle défend l’idée de fédéralisme et même de confédération et d’autre part elle préconise une alliance avec la Belgique, sous la forme d’une communauté belgo-congolaise.

8L’idée de fédéralisme se résume dans le slogan employé par la Conakat aux élections "Le Katanga aux Katangais". Cette idée a d’ailleurs sensiblement varié au gré de tractations diverses (tentative de cartel avec le P.N.P. en décembre 1959) puisque dans le programme du parti on pouvait lire : "Le Katanga opte pour un état autonome et fédéré, où les rênos des commandes politiques devront être entre les mains de Katangais authentiques [3] et de tous les hommes de bonne volonté…, suivant les conditions qui seront bien déterminées par le futur gouvernement de l’Etat autonome Katangais." [4]

9La doctrine de la Conakat renferme-t-elle, comme certains le prétendent, une idée de séparatisme. Non, si l’on en croit son président, M. Tshombe qui, dans une conférence de presse tenue à Léopoldville le 11 décembre 1959 déclarait que "le gouvernement métropolitain aussi bien que le gouvernement colonial, dans le but de dresser les gens, les uns contre les autres, ont interprété le système fédéral proné par la Conakat, comme un mouvement séparatiste." [5]

10On peut Cependant lire dans la note remise au Ministre, lors de son passage à Elisabethville avec le Roi que "le Congo doit être transformé en une confédération d’Etats souverains ; les Etats seraient fédérés avec une capitale administrative à l’intérieur du Congo en dehors de toute capitale d’un des Etats fédérés (Echo du Katanga, 9.1.1960). Cette même note explicite par ailleurs l’attitude des dirigeants de la Conakat, en stipulant que des élections devront avoir lieu dans les 60 jours afin de désigner l’Assemblée nationale qui votera la Constitution katangaise. Cette constitution doit prévoir la faculté pour une, plusieurs ou toutes les autres régions du Congo de s’unir au Katanga à droits égaux par un lien fédéral… (Libre Belgique, 7.1.1960).

11Au cours de la Table Ronde, les délégués de la Conakat ont brandi à plusieurs reprises la menace d’une indépendance du Katanga [6] et rendu public un télégramme qui déclarait e.a. "Le Katanga bouge. La Table Ronde est inutile. Les masses katangaises estiment que la seule solution est l’indépendance du Katanga. Former immédiatement un gouvernement katangais."Un autre télégramme adressé à M. Tshombe par 32 Européens renchérissait : "Si échec Table Ronde, restero ns derrière vous pour avenir Katanga indépendant".

12Si ces derniers textes manifestent nettement une tendance séparatiste, on notera cependant que cette tendance ou cette thèse séparatiste n’a pas revêtu une forme aussi intransigeante dans les propositions des représentants de la Conakat à la Table Ronde (30.1.1960).

13

"L’Etat congolais devra obligatoirement revêtir la forme d’un Etat fédéral qui conciliera l’unité de l’ensemble congolais avec le maximum de pouvoirs à réserver au profit des Etats membres ou fédérés."

14Si la doctrine du fédéralisme a fortement évolué ces derniers temps, la seconde thèse défendue par la Conakat, celle de l’association du Congo avec la Belgique, est restée inchangée.

15"La Conakat veut une communauté belgo-congolaise, qui constituera le cadre institutionnel, au soin duquel les Etats membres de cette communauté discuteront et régleront les questions d’intérêt commun " (Propositions des représentants du Katanga au sujet de la communauté belgo-congolaise, début janvier 1960).

16"Le Congo a tout intérêt à rester associé avec la Belgique. La personne de Sa Majesté le Roi des Belges peut fort heureusement former le symbole de l’Association entre les deux pays" (Proposition des représentants de la Conakat, 30.1.1960).

17Le Katanga veut donc un fédéralisme réel, préservant son mode de vie et lui ménageant la possibilité de prospérer en collaboration avec la Belgique par une union dynastique.

18Si cette idée de communauté est défendue avec un tel acharnement par la Conakat, ne faut-il pas y trouver une influence européenne ? A en croire certains la chose est évidente. Un journaliste du "Peuple" s’attache mène à présenter la Conakat comme le parti de l’Union Minière [7].

19Ceci fut démenti par le conseiller de la Conakat, Monsieur Humblé [8] qui, répondant à une affirmation de Monsieur Lumumba, déclara qu’il n’était pas un représentant, fut-ce occulte, des puissants intérêts financiers du Katanga (Courrier d’Afrique, 13-14/2/1960). L’Echo de la Bourse n’ose cependant pas être aussi affirmatif : "Les hommes vivant tous les jours la vie du Katanga ne sont-ils pas amenés par la force des choses à apprécier l’importance des capitaux étrangers dans la vie économique de leur pays ? Et comme il n’est pas logique dans ces conditions, qu’ils arrêtent une ligne politique propre à favoriser le maintien des capitaux existants et l’arrivée d’investissements supplémentaires (Echo de la Bourse, 4.2.60).

20L’hypothèse selon laquelle les thèses politiques de la Conakat lui ont été dictées par les représentants de l’Union Katangaise est également retenue par Max Bastin, dans son éditorial du Courrier d’Afrique du 27 mai 1959, et par le rédacteur de Remarques Congolaises (21.1.60) qui constate que "la ressemblance entre le système préconisé par la Conakat en mai 1959 et les thèses esquissées par les seuls colons du Katanga avant le 11 janvier 1959 a évidemment quelque chose de troublant".

21Une des conséquences indirectes des influences européennes trop marquantes dans la Conakat fut la sécession des Baluba et celle des Tshokwe.

22Au moment des élections de décembre, la base ethnique de la Conakat se réduisait aux Lunda (dont le chef est le Mwata Yamvo), aux basanga et aux babemba.

2 – Le cartel

23En opposition à la Conakat, s’est constitué un cartel composé de la Balubakat, de la Fedeka et de l’Atcar. Ce cartel s’est construit sur l’idée de l’union des luba. En gestation depuis le printemps 1959, il a pris forme politique après les élections du 20 décembre 1959 pour lesquelles ils organisèrent une campagne électorale commune. Dans la commune Katuba, le P.P.K. préfigurait le cartel, il obtint la majorité des sièges.

24Le leader de la Balubakat, Monsieur Jason Sendwe, a formulé le programme du cartel comme suit : "Le séparatisme doit être combattu, car il conduit au suicide de la nation congolaise… C’est pourquoi nous voulons un Congo uni disposant d’un gouvernement central, composé de six provinces fédérées disposant elles-mêmes d’une très large autonomie." [9]

25Le cartel groupant d’une part les Baluba du Kasaï et du Katanga et d’autre part les Tshokwe venus de l’Angola, ce pluralisme ethnique explique la tendance plus unitariste de ce groupement qui comprend :

a – La Fedeka (Fédération des associations tribales de la province du Kasaï)

26A l’origine, ce groupement que préside M. Isaac Kalonji, (gérant de deux succursales de la Banque belge d’Afrique), comprenait les Baluba du Kasaï (Baluba central) les Lulua Frères et les Batetela. [10]

27Les Lulua devaient quitter la Fedeka au lendemain des évènements de Luluabourg, ce qui affaiblit le parti.

28Pour marquer leur hostilité aux Baluba, les Lulua rejoignirent en grande partie la Conakat.

b – La Balubakat (Association des Baluba du Katanga)

29Occasionnellement dénommée Parti progressiste du Katanga (P.P.K.) lorsqu’il préfigure le cartel, la Balubakat que préside M. Jason Sendwe, assistant médical et pasteur méthodiste, s’est séparée de la Conakat vers la fin du mois de novembre 1959.

30Ce groupement politique s’oppose à la Conakat par son programme politique qui est devenu le programme du Cartel, sous l’étiquette P.P.K., il soutient en effet l’unité du Congo avec la plus large décentralisation des pouvoirs vis-à-vis des provinces, chefferies et circonscriptions.

31C’est lui qui, en accord avec la Fedeka, devait lancer dès décembre 1959 un appel, aussi bien au P.N.P. qu’au Cartel Abako, M.N.C., P.S.A. et aux autres partis "pour que tous les partis congolais fassent un grand effort en vue de trouver un terrain d’entente et de former ainsi un front unique pour la Conférence de la Table Ronde" (Avenir, 21.12.1959).

c – L’Atcar

32Ce groupement est en fait l’association des Tshokwe du Congo, de l’Angola et de Rhodésie et est dirigé par Ambroise Muhunga.

33L’Atcar n’est pas un véritable parti politique à statuts reconnus. C’est une association tribale s’occupant de problèmes sociaux et culturels. Le siège général est établi à E’ville et des sièges régionaux à Jadotville, Kolwezi, Dilolo, Sandoa.

34Originaires de l’Angola les Tshokwe ont pénétré au Congo en deux endroits : au Sud-Est du Kasaï et au Sud-Ouest du Katanga.

35En réaction contre les prétentions dominatrices des Lunda à leur égard et contre la position de force des Lunda au sein de la Conakat (surtout après les tractations des chefs coutumiers Lunda et Bayeke en 1959) les Tshokwe se solidarisèrent politiquement avec les Baluba.

36Le cartel, rallia les différentes tendances unitaristes du Katanga et affaiblit par là la position de la Conakat.

B – Les élections du 20 décembre 1959 au Katanga

37Deux points se dégagent de l’étude des élections du 20 décembre au Katanga : d’une part la très forte participation et d’autre part le nombre considérable d’"élus individuels". En effet si la participation électorale s’élève à 81,71 % des électeurs (291.797 électeurs ont voté sur 357.114), 82,44 % des voix (240.578 voix) devaient se porter sur des listes individuelles ou coutumières. La Conakat, en tant que parti récolta 10,82 % des voix (31.170), tandis que le Cartel en obtint 3,89 % (11.359).

38Dans une note remise au Ministre R. Scheyven [11] au début janvier 1960, la Conakat affirme avoir remporté 427 sièges sur 484. Pour arriver à ce résultat, elle ajoute aux 84 sièges acquis au titre de la Conakat les 7 sièges des Lulua-frères, 191 sièges de listes d’obédience coutumière et enfin 144 listes d’intérêt local ou d’indépendants.

39La Balubakat qui a obtenu comme telle une trentaine de sièges – dont 21 à Elisabethville – s’est vivement opposée à cette arithmétique électorale en faisant remarquer que "les deux grands partis katangais, reposant l’un et l’autre sur d’importants groupes ethniques de la province, ont évidemment chacun des sympathies en milieu coutumier". La Balubakat ajoute d’ailleurs dans son communiqué que "n’ayant pas bénéficié des mêmes appuis et des facilités que la Conakat durant la campagne électorale, la Balubakat n’a pu présenter des listes en dehors des grands centres".

40La Conakat est minoritaire dans les communes d’Elisabethville et de Jadotville.

41Quant aux élus d’obédience coutumière, ils emportèrent 195 sièges, soit 57,69 % du total des sièges en dehors des centres.

42L’importance des autres partis est minime. Ils n’obtiennent en effet que 10,08 % des sièges (47 sur 466). Un fait mérite d’être épinglé : les mouvements qui se faisaient patronner par les trois partis belges ont récolta 8 sièges sur un total de 105 à Elisabethville et quasi rien en dehors du chef-lieu.

43C’est le cas e.a. pour l’Union Congolaise, qui dam tout le Katanga n’obtient que 6 sièges dont 1 à Elisabethville. Ce parti d’inspiration sociale-chrétienne, créé à Elisabethville en novembre 1957, dirigé par M. Kitenge et l’avocat Rubbens, fut certes un des premiers grands partis congolais ; à l’heure actuelle, sa place dans l’horizon politique katangais est plus que modeste. Son congrès tenu à Stanleyville entre le 28 septembre et le 3 octobre ne devait d’ailleurs pas remporter le succès escompté et laissait déjà prévoir sa défaite aux élections.

44Les élections katangaises revêtent une nette tribalisation de la vie politique dans les centres urbains. Alors qu’au cours des premiers mois de. 1959, des partis "nationaux" comme le M.N.C. et l’Union Congolaise semblaient devoir constituer les pôles de développement de la vie politique dans ces centres, les groupements ethniques les supplantèrent très rapidement dès que le nouveau statut des associations tribales leur reconnut le droit de s’ériger en groupements politiques. Ce phénomène, rappelons-le, constitue une réaction contre la situation qui avait résulté des élections de décembre 1957.

C – L’évolution politique : des élections aux troubles de Jadotville (31.1.60)

45Contrairement aux allégations de la presse, aucun accord n’était intervenu avant la Table Ronde entre la Conakat et le Cartel sur la répartition des mandats maïoraux. Dans les centres urbains, le Cartel par l’action du président de la Fedekat, Isaac Kalonji, parvint à rallier un certain nombre d’élus isolés, sur lesquels la Conakat avait cru pouvoir compter pour construire une majorité. Le 10 janvier, à son retour de Bruxelles, M. Tshombe recevait un accueil triomphal de ses partisans. Par contre, sa position politique était moins brillante. Dès le 12 janvier, la commune Albert à Elisabethville désignait Jason Sendwe, leader de la Balubakat comme candidat bourgmestre.

46Il en résulta des accrochages qui atteignirent une certaine importance, le lendemain, après le retour tout aussi triomphal de Sendwe. Les forces de gendarmerie durent intervenir et le couvre-feu fut instauré dans toute la ville.

47C’est à ce moment qu’intervint le vice gouverneur général Schoëller. Il fit surseoir à la réunion des autres conseils communaux et convoqua ensuite les deux leaders pour leur proposer de suspendre toute décision jusqu’à leur retour de la Table Ronde. Ce compromis fut accepté et tous s’embarquèrent pour Bruxelles, non sans avoir fait des déclarations très modérées.

48On pouvait croire que durant la période de la conférence tout resterait calme ; ceci n’était en fait qu’une illusion, car le Katanga allait avoir ses premières émeutes à Jadotville le 31 janvier. L’origine de ces troubles doit être recherchée dans le fait que la Conakat ne parvint pas à faire nommer’ son candidat bourgmestre à la commune de Kinkula (à Jadotville). Victor Lundula, originaire du Kasaï, l’emporta avec 14 voix sur 17, alors que Mutaka, président de la Conakat à Jadotville, n’en avait pas une seule.

49A la suite de cette désignation, la Conakat avait, dès le 29 janvier, essayé de provoquer des manifestations, lors de la prestation de serment du nouveau bourgmestre. Celles-ci n’eurent pas lieu et ce n’est que le dimanche suivant, 31 janvier, vers 18 heures, que l’émeute a éclaté à l’intérieur même de la commune de Kinkula. Ces troubles ne devaient durer qu’une seule nuit et dès le lever du jour le calme avait été rétabli. Il y avait eu 4 tués et 26 blessés.

50Il est clair que la rivalité entre la Conakat et le Cartel est pour beaucoup dans ces émeutes.

51Depuis lors, un fait nouveau s’est produit à Bruxelles : le 19 février 1960, MM. Tshombe, pour la Conakat, Jason Sendwe, pour la Balubakat, Ambroise Muhunga pour l’Atcar et Antoine Mwende Munongo pour les chefs coutumiers ont publié un communiqué commun dans lequel ils annoncent avoir conclu entre eux un accord en vue de rétablir l’ordre et le calme au Katanga. Il s’agit d’un gentlemen’s agreement relatif à la répartition des mandats d’échevins et de bourgmestres dans les communes évilloises.

II – La démographie du Katanga

1 – Importance et répartition géographique de la population

Tableau I
Tableau I
Districts Population totale Densité au KM2. Tanganika 442.716 3.3 Lualaba 271.676 3,1 (sans Jadotvil.) Haut-Lomani 483.223 3,0 Luapula-Moero 217.972 2,6 (sans E’ville) Jadotville et Elisabethville 238.589 Katanga 1.654.176 3,3
Sources : Commissariat général à l’information. Document n° 9 de la Table Ronde.

52La population du Congo s’élève à 13,540 millions. Le Katanga ne représente donc que 12,5 % de la population du Congo. C’est la province la moins peuplée. En conséquence le Katanga ne se voit attribué que 16 mandats dans la première Chambre du Congo indépendant sur 137 sièges. La province de Léopoldville en obtient 33, la Province de l’Equateur 18, la Province Orientale 25, le Kivu 23, et le Kasaï 22.

53Cependant le Taux d’accroissement de la population est le plus élevé au Katanga (3 % par an contre 2,3 % pour l’ensemble du Congo). Selon les prévisions établies par M. Romaniuk, le Katanga atteindrait une population de 3.112.000 en 1980, niveau supérieur à celui des provinces de l’Equateur et de la province Orientale. [12]

2 – Caractéristiques démographiques de la population

Tableau II
Tableau II
Districts Taux nat. Taux mort. Accr. nat. Pop. europ. Eur. pr. 10.000 afr. Tanganika 51 (‰) 19 (%o) 32 (‰) 3.046 70 Lualuaba 45 19 26 11.480 336(Jadotv. compris Haut-Lomani 45 22 23 3.859 83 Luapula-Moero 56 20 36 1.725 82 Elisabethv. 59 12 47 13.808 808 Katanga 49 19 30 33.918 208

54La population européenne est la plus importante du Congo. Même la province de Léopoldville ne comprenait à la même date que 31.887 européens. Le taux de 2,08 % de population européenne constitue une caractéristique démographique qui tend à donner aux problèmes politiques du Katanga une ressemblance avec ceux des territoires anglais voisins : Kénya, Rhodésie. Il faut noter cependant que la composition sociale et professionnelle de cette population est complètement différente dans les deux cas. Au Katanga, la grande majorité des européens n’ont pas d’activités indépendantes, tandis que dans les territoires anglais la plupart sont colons. La population européenne du Katanga se caractérise également par sa faible ancienneté, ce qui contribue à affaiblir sa cohésion et les résistances qu’elle pourrait manifester à l’égard de l’évolution politique.

3 – Caractéristiques socio-économiques

Tableau III[13]
Tableau III13
Districts Indépendants (1) chiff.abs. % Salariés (1) chiff.abs. % Total Popu. hors milieu coutumier en % Tanganika 61.159 68,5 27.630 30,8 % 89.745 24,58 Lualaba 34.884 48,50 36.095 50,18 71.830 55,24 Haut-Lom. 78.954 76,11 24.000 23,14 103.735 16,80 Luapula-M. 26.227 67,06 12.752 32,61 39.108 20,50 Elisabethville 1.543 4,01 35.902 93,22 38.514 100,0 Katanga 36,18
Sources : Résultats des enquêtes démographiques. Direction de la statistique.

55Le pourcentage de la population du Katanga vivant hors milieu coutumier et d’un travail salarié est le plus élevé du Congo. La province de Léopoldville qui suit la province du Katanga ne compte que 27,65 % de sa population hors milieu coutumier, la prov. Orientale 23,03, la province de l’Equateur 21,62, le Kivu 19,03 ; le Kasaï 12,04. Ces chiffres indiquent suffisamment que le degré d’industrialisation du Katanga est fort élevé, relativement aux autres provinces et même de manière absolue. Il faut noter cependant que le développement de la population industrielle est dû pour une bonne part à une immigration de main d’œuvre venant des autres provinces et surtout du Kasaï. Ce fait a contribué à aggraver la cassure entre la population vivant en milieu coutumier et celle des centres urbains et extra-coutumiers constitués d’un amalgame de groupes ethniques dont les plus nombreux sont étrangers à la province.

56Par contre le fait que la grande masse de cette population salariée s’est trouvée confrontée à un employeur unique, dont le rôle ne s’est pas seulement borné aux fonctions économiques de la société, mais s’est étendu à toutes les fonctions sociales et culturelles, a constitué une caractéristique originale du phénomène de l’industrialisation au Katanga. Le retard observé dans la prise de conscience politique des populations katangaises et l’inertie dont leurs représentants ont fait preuve dans les discussions de la Table Ronde, sont certes à mettre en relation avec la forme particulière qu’a revêtu le phénomène urbain et industriel au Katanga.

57Il est probable cependant que dans un avenir qui peut être assez bref, les populations non coutumières du Katanga joueront un rôle politique plus importent que maintenant et qu’on assistera à une accélération très particulière de l’évolution politique.

D – Les partis Katangais à la Table Ronde

58L’article 17 du règlement d’ordre intérieur de la Table Ronde ayant prescrit que les consultations (votes) sollicitées par le Président seraient faites par délégations présentes, la position des partis katangais se trouvait ainsi renforcée : en effet, les trois partis du Katanga (Conakat, Cartel et Union Congolaise) qui ne comptaient que quatre délégués effectifs sur un total de 44 représentaient au moment du vote 3 voix sur 11, sans parler de la part personnelle prise, au sein de la délégation des chefs coutumiers par les deux représentants du Katanga, dont A. Munongo.

59Nous analyserons ici les positions prises par les partis katangais à la Table Ronde.

60Au préalable, il convient de souligner que – pour la Conakat – des facteurs de faiblesse se sont manifestés à la veille et en cours de table ronde :

  1. le fait qu’à Kisantu, les partis du cartel Abako–P.S.A.–M.N.C.–Parti du Peuple avaient adopté des thèses fédéralistes conçues à l’intérieur d’un Etat congolais uni et à pouvoir central réel empêchait la Conakat de bénéficier de l’appui de l’Abako en faveur de thèses plus ou moins favorables au séparatisme ;
  2. certaines informations diffusées avant la Table Ronde [14] eurent comme résultats de rendre le cartel Abako–P.S.A.–M.N.C. plus sensible aux menaces séparatistes qu’aux risques de l’unitarisme. Les documents du cartel du 29.1.1960 sur "fédéralisme et unitarisme" et du 1.2.1960 sur "la nature du fédéralisme" (document Table Ronde N° 5 du 1-2) manifestent en effet un souci de prendre des distances vis-à-vis d’un fédéralisme qui ne serait qu’une porte ouverte vers la sécession ou l’expression d’un égoïsme provincial.

Les "votes" à la Table Ronde

61Le tableau des votes intervenus à la Table Ronde indique clairement que la Conakat a fait bloc, pour toutes les questions controversées, avec lé P.N.P., les chefs coutumiers et l’Alliance Rurale Progressiste. Le seul vote où Conakat et P.N.P. exprimèrent des avis divergents fut un point (n° 11) sur la répartition des compétences entre pouvoir central et pouvoir provincial.

62Nous retenons ici les votes à incidence politique sérieuse et à valeur indicative.

tableau im4
Conakat Cartel Balubakat Union Congolaise Pour comparaison Cartel Abako–PSA M.N.C.–P.P. Recours au Suffrage universel pur et simple pour la 1ère Chambre. Non Oui Oui Oui Nombre de sièges réservés aux chefs coutumiers au Sénat – Trois doit-il être un minimum, un maximum, un nombre fixe dans chaque province. Minimum Minimum Minimum Nombre fixe Le roi des belges sera-til chef d’Etat du Congo jusqu’à la ratification de la constitution ? Oui Oui Oui Non (il n’y a pas eu de vote sur cette question, mais chaque délégation a donné un avis). Le vote sera-t-il obligatoire ? Oui Oui Oui Non Les élections provinciales auront-elles lieu au S.U. ou au 2d degré ? 2d degré S.U. S.U. S.U. Les belges seront-ils éligibles ? Oui Non Non Non Exclusion de l’éligibilité (amendement cartel permettant l’élection de Patrice Lumumba.) Non Oui Oui Oui

63Au cours de la Table Ronde, la Conakat a pris en outre les positions suivantes :

  1. Nature de la Table Ronde : M. Tshombe fut porte-parole du front commun le 22 janvier 1960.
  2. Date de l’indépendance : après avoir admis la date du 1.6.1960 comme tous les partis du Front Commun, M. Kimbwe précisa en séance (le 27.1) que cette date ne devait pas être imposée comme un dogme ; cette attitude – ainsi que celle du P.N.P. – amena le front commun à accepter la date du 30 juin comme date de l’indépendance.
  3. Contenu de l’indépendance : le porte-parole de la Conakat déclara le 30 janvier que la fixation d’un timing était nécessaire pour savoir dans quelles conditions le Congo arrivera à exercer intégralement tous les pouvoirs souverains, par exemple dans les domaines de la Défense Nationale et des relations extérieures ; le 10 février, M. Tshombe proposait "pour éviter le danger de la dictature "que la Belgique garde le contrôle des finances et des affaires étrangères jusqu’à ce que la Constitution du jeune Etat soit approuvée (on notera toutefois que M. Tshombe précisa par la suite que sa suggestion ne devait pas entraîner une limitation des compétences du Congo indépendant).
  4. Fédéralisme et unité : le 10 février, M. Tshombe exigeait que "les ressources de chaque province lui soient propres" ; en commission "structures de l’Etat", la Conakat préconisa un mode de financement du pouvoir central par des contributions volontaires des provinces ainsi que la compétence première des provinces en matière de mines ; la Conakat aurait également voulu qu’à la première Chambre, chaque province dispose également d’un nombre de sièges identique et que la ratification de la Constitution soit faite par chaque province. Des compromis furent suggérés et finalement adoptés, notamment par le Front Commun en matière minière. [15]

64La Conakat souhaitait en outre que la Table Ronde aie à son ordre du jour, l’examen des questions économiques et financières. Sur ce point, l’Union Congolaise était d’accord mais le Cartel Balubakat opta en faveur de la convocation d’une autre table ronde en mai 1960 (Document T.R. N° 13, 8.2.1960).

65Les trois partis congolais étaient partisans d’un traité d’amitié belgo-congolais, à signer avant le 30 juin 1960. Union Congolaise et Conakat préconisaient une révision des limites des provinces avant l’indépendance.

66L’Union Congolaise qui réclamait en outre une interdiction formelle de la sécession prônait la reconnaissance des ethnies comme unité naturelle, civile, sociale et politique. (Document T.R. n° 9, 6.2.1960). Le même parti prit le 30 janvier une initiative tendant à confier à une commission de droit public (composée de 7 congolais, 3 parlementaires belges et 4 conseillers-juristes agréés par les partis) le soin de rédiger le projet de loi fondamentale, à l’issue de la table ronde (30.1).

III – Notes sur l’économie du Katanga

67La place qu’occupe le Katanga dans l’économie congolaise est telle que tout le problème politique du fédéralisme s’en trouve affecté. La prépondérance économique du Katanga ne s’étend pas à tous les secteurs mais son industrialisation paraît déjà très poussée ; par ailleurs l’apport fiscal du Katanga dans le budget de l’Etat congolais dépasse largement sa quote-part dans les dépenses publiques :

68A. L’agriculture – Pays à vocation minière, le Katanga a une population très clairsemée (la moins dense du Congo avec 3,3 hab. par km2) [16] aussi son agriculture ne représente-t-elle en valeur que 10 % du total de la production congolaise et 6,7 % du produit national katangais.

69L’ensemble de la production katangaise tant européenne qu’indigène ne suffit pas, et de loin, à l’approvisionnement de la population.

70Sauf l’élevage, les productions agricoles du Katanga sont soit en stagnation, soit en régression. Le rapport provincial des Affaires économiques du G.G. explique cet état de choses par "les prix inférieurs pratiqués par "les voisins (Kivu, Kasaï, Rhodésie, Afrique du Sud, Nyassaland), les fluctuations "saisonnières, le manque de coordination des producteurs et des commerçants "ainsi que le "snobisme" d’une partie des consommateurs". x (Rhodésie)

71Quoiqu’il en soit, cette situation risque à la longue de retentir sur le coût de la vie et sur la rémunération de la main-d’œuvre. Elle constitue en outre un réel handicap à une autonomie économique du Katanga.

72B. La production minière – La valeur de la production minière congolaise atteignait en 1957 15.529 millions, soit 22 % du produit national congolais, soit aussi 60 % du total des exportations du Congo.

73De cette production le Katanga, à lui seul, fournit près de 75 % c’est-à-dire 11,8 milliards. Pour de nombreux produits miniers le Katanga jouit d’un monopole absolu et pour la grosse majorité de ces produits le monopole Katangais se trouve être aussi celui de l’Union Minière. On s’en rendra compte en examinant le tableau qui suit :

Tableau I
Tableau I
Produits miniers UMHK Geomine Autres Katanga Tonnes Millions fr. Total Congo Cuivre 242.240 (1) -- -- 242.240 242.240 7.567 Cobalt 8.115 -- -- 8.115 8.115 1.700 Cassiterite -- 3.680 526 4.206 10.910 1.118 Etain de fonder. -- 1.382 1.773 3.155 (2) 3.155 8,6 Concentra de zinc crus 188.183 (1) -- -- 188.183 188.183 538 Zinc métal ? ? ? 49.194 (2) 49.194 357 Argent (1) 94.706 kg -- -- 94.706 kg 94.706 kg 140 Cadmium 117.250 kg -- -- 117.250 kg 413.000 kg 68 Manganèse -- -- 367.022 367.022 (2) 367.022 1.012 Charbon -- -- 433.063 433.063 (2) 433.063 158 Germanium (1) 13.064 kg -- -- 13.064 kg 13.064 kg 133 Plomb ? ? ? (2) 3.000 kg 3.000 kg 0,45 Platine (1) 1 kg -- -- 1 kg 1 kg 0,14 Palladium (1) 9 kg -- -- 9 kg 9 kg 0,31 Or 86 kg -- 57 kg 143 kg 11.540 kg 656 Diamant -- -- -- -- 1.544 Tantala colombite -- 135 135 (2) 156 16 Wolfram -- -- -- -- Sel -- -- Radium (1) 89gr. -- -- 89gr 89gr ? Cassiterite mixte Wolfram et tantalite -- -- -- -- 9.800 196 Uranium (3) 3.136 (1) -- -- 3.136 3.136 ? Valeur du total 11.800 mil. fr. 15.500 mil de fr.
(l) Monopole Union Minière – (2) Monopole du Katanga – (3) Chiffre considéré jusqu’ici comme secret. Il s’agit de concentré à 68,5 % d’U. 308.

74En fait le monopole de l’Union est encore plus étendu qu’il n’apparaît dans ce tableau, car les autres concessionnaires du Katanga, à savoir SUDKAT, SERMIKAT, BFCEKA MAGNESE et les charbonnages sont des créations de l’UMHK ou de la Société Générale, à l’exception de SERMIKAT, GEOMINES dépend principalement du C.S.K. et de l’Union M.H.K. On remarquera que plus de 50 % de la production minière congolaise et plus de 70 % de la production minière katangaise sont représentés par le cuivre. On conçoit dès lors la sensibilité de l’économie katangaise aux fluctuations conjoncturelles des prix du cuivre.

75Les perspectives de la demande mondiale pour le cuivre sont excellentes, mais à partir d’un certain prix d’autres métaux lui sont substituables notamment certains alliages à base d’aluminium. La production du Congo représente 10 % environ de la production mondiale ; les autres producteurs importants sont les U.S.A., le Chili et le Canada. Malgré certains progrès, de nombreux produits miniers sont encore exportés en Belgique pour y subir un dernier raffinage alors qu’en raison de l’énergie disponible le finissage pourrait normalement être exécuté sur place. Les connections financières entre affineurs et producteurs pourraient expliquer cet état de choses, mais abstraction faite de ce motif, il semble que la mise en valeur de certains gisements s’arrête au stade du concentré à la teneur minimum commerciale, simplement par facilité ou par souci de rentabilité immédiate.

76C. La production industrielle – La contribution du Katanga à la formation de la production industrielle congolaise s’élève à 37 %, ce qui le classe second derrière la province de Léopoldville dont la quotepart s’élève à 41 %. Le montant de la production industrielle globale (valeur ajoutée) s’établit à 7 milliards environ. La diversification des secteurs est relativement poussée, ce qui se traduit par un nombre de firmes étrangères, indigènes et belges de 7.350 (contre 10.289 dans la province de Léopoldville).

77Les productions principales comportent notamment du ciment, des matériaux de construction, des fabrications métalliques, des textiles, quelques produits chimiques et enfin des produits alimentaires.

78Le Katanga produit également plus de 2.200 millions de KWh dont près de 700 millions sont exportés en Rhodésie.

79Les possibilités d’industrialisation du Katanga sont fonction d’une part, des ressources locales (main-d’œuvre qualifiée, technique, matières premières, énergie) et d’autre part, de l’étendue des marchés pour les différents produits. Le tableau II (ci-dessous), énumérant les importations du Katanga, permet une première appréciation de la demande locale, à laquelle il faudrait ajouter la demande éventuelle des provinces ou pays voisins, dans l’hypothèse de nouvelles implantations industrielles. [17][18]

Tableau II
Tableau II
Dénomination Import. Kat. millions de fr. Import.Congo millions de fr. % (1) % (2) Appareils et engins mécaniques 475,0 2.154 22 % 38,2 % Matériel pr. voie ferrée 426 556 77 91,6 Appareillage électrique 346 1.080 32 65 Combustible et huiles minérales 333 1.568 21 2 Fer, fonte, acier 322 1.687 19 73 Véhicules terrestres 269 1.681 16 18 Coton 127 881 14 11 Tabac 119 195 61 2 Papier, carton 96 368 26 34 Produits minoterie 96 421 22 12 Viande 82 215 38 3 Ouvrages en caoutchouc 51 354 14 17 Poudres et explosifs 50 116 42 46 Produits chimiques 48 136 35 15 Vêtements 47 185 25 12 Textile synthétique 23 59 39 2

80D’autres indices soulignent les possibilités du Katanga dans l’évolution industrielle. D’abord le montant annuel des investissements prévus y est plus élevé qu’ailleurs, près de 3 milliards en 1957, mais on verra plus loin que les investissements publics y sont moins importants. Ensuite le rapport population non-indigène / population indigène 21,4 pour 1000 est de très loin le plus élevé du Congo. De même, le rapport population extra-coutumière / population indigène totale se monte à 36,2 % alors que la moyenne est de 23 %. Enfin le revenu des indigènes salariés ou indépendants atteint plus de 5.600 millions, soit une moyenne de 3.400 fr. par tête contre une moyenne de 2.100 pour l’ensemble du Congo.

81D. Transports – Le Katanga est la seule province à bénéficier de plus de 500 Km de voie ferrée électrifiée. Le trafic ferroviaire y est très dense, comme en témoigne le tableau suivant :

82

tableau im7
B.C.K. marchandises 6 millions de tonnes voyageurs 1.085 millions de personnes C.F.L. marchandises 440.000 tonnes voyageurs 125.000 personnes

83Il dispose de 25.000 Km de route dont 6.900 d’intérêt général, 15.700 d’intérêt local, 2.200 d’intérêt privé.

84Le parc véhicule :

  • voitures 10.450
  • camions, camionnettes 6.000
  • Motos 750
  • Bicyclettes 198.000

85Bien qu’il soit ouvert à d’autres voies de communications, l’hinterland katangais représente pour la voie nationale (Matadi, Léopoldville, Port-Franqui) un élément capital. On a estimé à 23,29 % la diminution du tonnage d’importation et à 24,93 % la diminution du tonnage d’exportation que subirait l’OTRACO si le Katanga et le Kivu abandonnaient les voies de communication de l’hinterland national congolais.

86Or la voie la plus économique pour ces régions ne passe pas par Léopoldville. Ce fait n’apparaît pas actuellement, en raison de la politique tarifaire dite politique de la voie nationale, mais bientôt [19] Elisabethville ne sera plus distante de Beira que de 1.800 km sans rupture de charge, tandis que même après l’hypothétique construction du chemin de fer Léopoldville-Port-Franqui, E’ville restera toujours à 2.780 km de Matadi.

IV – Quote part du Katanga dans les recettes et les dépenses publiques du Congo Belge

1 – Recettes : Les recettes du budget ordinaire de 1957 s’établissent comme suit : (en milliers de francs) [20]

tableau im8
Congo Belge Katanga en (l.000 fr.) en % Impôts sur le revenu 3.276.000 1.550.000 47,5 % Droit de douane, d’accise 4.817.276 2.450.000 45 % Autres taxes 475.275 Impôt indigène 360.704 104.000 29 % soit 8.929.255 4.004.000 45 % Recettes domaniales 170.346 39.000 23 % Recettes admin. et judiciaires. 960.419 295.000 30,8 % Produit des Régies 61.135 16.000 26,1 % Revenu du Portefeuille 1.203.410 900.000 75 % 11.224.665 5.254.000 47 % (2)

87Les chiffres représentant la quote part du Katanga n’ayant jamais été publiés [21], les estimations qui figurent dans le tableau ont été élaborées par les méthodes suivantes. La pression fiscale exercée sur le Katanga est estimée [22] à 21,3 % du Revenu Brut soit 4 milliards. L’impôt indigène a été réparti dans la proportion des revenus indigènes. Les droits de douane et d’accise et autres taxes ressortent des statistiques du commerce extérieur pour une part et des statistiques fiscales pour l’autre part. Quant au revenu du portefeuille, après déduction des participations directes aux sociétés du Katanga (près de 600 millions), le solde est réparti en fonction de la répartition géographique du portefeuille de la Colonie.

2 – Dépenses [23]

88Le total des dépenses pour 1957 s’établit à 12.438 millions. 3.455.067.000 fr. vont à l’administration métropolitaine ; 2.622.166.000 fr. vont au Gouvernement général (dont 600 millions en traitement rien qu’à Léopoldville).

89Ces 6.077.233.000 sont difficilement répartissables par province. Quant au reste des 6.361 millions le Katanga en reçoit 1.247.094.000 soit 19,7 %, la province de Léo 1.738.907.000 soit 26,7 %.

90La différence entre l’apport du Katanga 45 % et sa quote part dans les dépenses (19,7 % mesure bien l’intérêt qu’ont les autres provinces et particulièrement Léopoldville à sauvegarder l’unité économique du Congo. [24]

Notes

  • [1]
    A. Rubbens, La consultation populaire du 22 décembre 1957 à Elisabethville. Problèmes sociaux congolais. Bulletin du CEPSI, n° 42 sept. 58, p.80." Trois d’entre eux originaires du Kasaï, se sont appuyés sur la solidarité tribale, formant majorité par delà toutes les divergences d’allégeance partisane. Le quatrième bourgmestre autochtone, appartenant à un clan bakusu peu représenté à Elisabethville, s’était fait une clientèle dans la bourgeoise commune Albert, chez les "évolués" dont il avait défendu les intérêts dans une organisation syndicale efficiente. Sa personnalité transcendante aux compétitions sociales et aux divergences idéologiques s’est imposée à tous".
  • [2]
    Ces outrances valurent d’ailleurs à M. Gavage d’amers reproches au moment où les "thèses Katangaises" subirent un échec à la Table Ronde – (L’écho du Katanga, 10.2.1960).
  • [3]
    Il est intéressant de noter que le dynamisme de la Conakat est surtout le fait des Bayeke, originaires de Tanganyika. Le Président de la Conakat jusqu’au 2d semestre 1959 était Godefroid Munongo, actuellement administrateur d’Inga, il est descendant du chef des Bayeke, MSIRI.
  • [4]
    Remarques Congolaises, 21.1.1960, p. 30.
  • [5]
    Actualité Africaine, 14.12.1959.
  • [6]
    Ainsi, le 27 janvier, M. Kibwé déclarait en séance plénière : "La Belgique est en train de manœuvrer pour mettre le Congo devant le fait accompli. S’il en était ainsi, le Katanga n’hésiterait pas à proclamer son indépendance."
  • [7]
    Le Peuple, 13 février 1960, signé F.D.
  • [8]
    M. Humblé est l’actuel président de l’Ucol-Katanga. L’Echo du Katanga qui reconnait à M. Humblé une réputation méritée de "colonialiste" demanda son effacement (Edition du 10 février 1960).
  • [9]
    Echo du Katanga, 20.1.1960.
  • [10]
    En 1959, les Kasaïens du Katanga menèrent en commun, campagne pour la libération de Kadinra, Président des Baluba centraux.
  • [11]
    Reproduite par La Libre Belgique, le 14 janvier 1960.
  • [12]
    Sources : Romaniuk, Evolution et perspectives démograph. ZAIRE, vol. XIII, n° 6, 1959.
  • [13]
    Les chiffres ne concernent que la population active masculine. Les chômeurs qui représentent un nombre insignifiant à l’époque des enquêtes démographiques n’ont pas été repris au tableau.
  • [14]
    Nous songeons ici au reportage de P. Davister dans Pourquoi-Pas ? du 1.1.1960 faisant état d’une menace de coup d’Etat pour un Katanga indépendant et de l’appui de la Conakat à une telle opération ; à la publication des thèses de la Conakat dans Remarques Congolaises du 14.1.1960 et aux accusations de plusieurs journaux tendant à présenter la Conakat comme un instrument de l’Union Minière et du colonat européen.
  • [15]
    En échange de la concession Conakat sur les mines, l’Abako admit d’attribuer la compétence au pouvoir central pour tout ce qui touche au barrage d’Inga.
  • [16]
    Sauf mention expresse, tous les chiffres cités dans cet exposé sont relatifs à l’année 1957 et proviennent, soit du Rapport aux – Chambres sur l’administration du Congo belge, soit du rapport provincial des Affaires économiques, soit les Bulletins de novembre et décembre 1958 de la Banque Centrale du Congo Belge et du Ruanda-Urundi.
  • [17]
    quote part des importations du Katanga dans les importations du Congo.
  • [18]
    quote part fourni par la Belgique dans les importations du Katanga.
  • [19]
    Lorsque sera achevé le tronçon Beira-Kafoue.
  • [20]
    Ce qui est assez éloigné des 60 % cités dans la presse financière (Echo de la Bourse du 18.2.1960).
  • [21]
    Sauf indirectement et en partie dans l’étude de M. Leclercq "Principes pour l’orientation d’une politique fiscale au Congo". Studie Universitatis Lovanium 2.1959.
  • [22]
    Sauf indirectement et en partie dans l’étude de H. Leclercq "Principes par l’orientation d’une politique fiscale au Congo". Studie Universitatis Lovanium – 2.1959.
  • [23]
    Ces chiffres proviennent du projet de loi contenant le Budget ordinaire du Congo Belge et des R.U. pour l’exercice 1958 (Document Parlementaire 798 (57-58) n° I.
  • [24]
    Il résulte d’estimations d’experts qu’un isolement économique de la zone du Bas Congo induirait sous forme d’effets directs une réduction du produit intérieur brut de la zone, de l’ordre de 30 %. Il conviendrait en outre de tenir compte des effets secondaires dont il est difficile de chiffrer l’importance.
Mis en ligne sur Cairn.info le 02/02/2015
https://doi.org/10.3917/cris.055.0001
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