CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Le n? 1 du COURRIER HEBDOMADAIRE, paru le 9 janvier 1959, contenait une étude des "Structures de la presse quotidienne belge".

2Certaines modifications étant intervenues depuis cette date [1], il nous a paru utile d’en publier une mise à jour sous la forme d’un nouveau dossier complet.

I – Tableau des quotidiens belges

I

QUOTIDIENS BELGES D’EXPRESSION FRANCAISE(1),(2),(3)

I
Titres. Fondé en Edité par Imprimé par Tendances Directeur Rédacteur en chef Adresse Téléphone. 1. L’Avenir du Luxembourg 1897 S.A. L’Avenir du Luxembourg. S.A. La Presse Catholique dans la province de Namur. Catholique. Dir. adm. Baron de Thysebaert. Secr. gén. : H. Rezette. 42, rue des Déportés, Arlon. (063) 22.961 2. L’Avenir du Tournaisis 1894 Imprimerie M. et T.Rinbaut. Libéral. M. Rimbaut. J. Smet. 53, Grand’ place, Tournai. (069)210.93 3. La Cité 1950 A.S.B.L. La Cité. S.A. Sofadi. Catholique. J. Desmarets. J. Heinen. 13-17, rue des Sables, Bruxelles. 18.27.98. 4. Le Courrier 1895 S.A. Le Courrier. S.A. La Presse Catholique dans la province de Namur. Catholique. M. Delforge. 24, place du Kartyr, Verviers. (087)12.850 5. Le Courrier de l’Escaut. 1829 S.A. Le Courrier de l’Escaut. S.A. Le Courrier de l’Escaut. Catholique. J. Desnerck. 24, rue du Curé Notre-Dame, Tournai. (069) 220.23 6.La Dernière Heure 1906 S.A. d’Edition et de Publicité. Libéral. M. et M. Brébart. A. Volont. 52, rue du Pont-Neuf, Bruxelles. 17.22.30 7. Le Drapeau Rouge 1921 S.?. Société populaire d’Edition. Communiste. G. van Moerbeke. P. Joye. 33, rue de la Caserne, Bruxelles. 12.51.98. 8. L’Echo du Centre 1944 S.A. Société de Presse et Publicité Hainaut-Namur-Brabant. Catholique. J. Valschaerts P. Vandromme. 5, rue E. Kilcamps, La Louvière. (064) 223.97 9. La Flandre Libérale 1874 S.A. La presse libérale gantoise. SABED (1) Libéral. Beyer H. van Nieuwenhuyse. 1, rue du Nouveau Bois, Gand. (09) 25.39.00 10. Gazette de Liège 1840 Sté Cve GEDEL. (Rapid-Press) Catholique. J. Demarteau. 32, rue des Guillemins, Liège. (04) 52.21.87 11. Indépendance 1944 S.P.R.L. Editions Indépendance. Socialiste J. Demal. 11, avenue des Alliés, Charleroi. (07) 32.23.48 12. Le Jour 1894 S.A.G. Nautet-Mans. Neutre. S. Dechene. 19-21, place du Martyr, Verviers. (087) 102.44 13. Journal de Charleroi 1837 S.A. La presse démocrate-socialiste de Charleroi. Socialiste. M. Bufquin des Essarts. 20, rue du Collège, Charleroi. (07) 32.01.75 14. Le Journal de Mons 1944 S.A. Société de Presse et Publicité Hainaut-Namur-Brabant. Catholique. J. Valschaerts. P. Vandromme. 13, rue de la Clef, Mons. (065) 359.80 15. La Lanterne 1944 S.A. Imprimerie et Journal "La Meusse". Neutre. Quiria Ahn. 50, place de Brockère, Bruxelles. 18.21.00 16. La Libre Belgique. 1884 S.A. Société d’Edition des Journaux du Patriote. Catholique. V. Zeegers. 12, Montagne aux Herbes Potagères, Bruxelles. 18.60.97 17. Le Lloyd Anversois 1858 S.A. LeLloyd Anversois. : S.A. Imprimerie Générale "Le Lloyd Anversois" Spécialisé. G. Beckers. M. Vernay. 23, Marché aux Oeufs, Anvers. (03) 33.59.10 18. Le Matin 1894 S.A. Belge d’Edition. SABED. Libéral. G. Desguin. 29, Vieille Bourse, Anvers. (03) 33.62.43 19. La Métropole 1894 S.P.R.L. La Métropole S.A. Imprimerie Noupea. Catholique. M. van der Straten-Waillet J. Gyselinx. 34, Rempart du Lombart, Anvers. (03) 33.78.75. 20. La Meuse 1856 S.A. Imprimerie et Journal La Meuse. Neutre E. Petit. P. Gabriel. 10, boulevard de la Sauvenière Liège. (04) 23.78.79 21. Le Monde du Travail (2) 1940 Sté Cve Sté d’Edition du Peuple. Socialiste. C. Rahier. 9, rue Charles Kagnette, Liège. (04) 23.92.78 22. La Nouvelle Gazette 1945 S.A. La Presse libérale de Charleroi. Libéral. M. Evrard. N. Miserez. 2, Quai de Flandre, Charleroi. (07) 32.00.33 23. Le Peuple (2) 1885 Sté Cve Sté d’Edition du Peuple. Socialiste. A. Housiaux. 33-35, rue des Sables, Bruxelles. 17.62.63 24. La Province 1907 S.A. La presse libérale de Charleroi. Libéral. K. Evrard. N. Kiserez. 29, rue des Capucins, Mons. (065) 323.03 25. Le Rappel 1900 S.A. Société le Presse et Publicité Hainaut-Namur-Brabant. Catholique. J. Valschaerts. P. Vanromme. 29, rue Léopold, Charleroi. (07) 31.22.80 26. Le Soir 1887 S.P.R.L. Rossel &C° : Impr. M. Th. Rossel. Neutre. Melle M.T. Rossel. C. Breisdorff. 21, place de Louvain, Bruxelles. 17.74.80 27. Le Travail (2) 1900 Sté Cve Sté d’Edition du Peuple. Socialiste. 4, rue du Gymnase, Verviers. (087) 117.32 28. Vers l’Avenir 1916 S.A. La presse catholique dans la province de Namur. Catholique. M. Delforge (3) 10-11-12, boulevard Ernst Mélot, Namur. (081) 278.72 29. La Wallonie 1919 Sté Cve Sté d’Imprimerie et d’Edition Impredi. Socialiste. A. Reanrd. 55, rue de la Régence, Liège. (04) 32.19.90

QUOTIDIENS BELGES D’EXPRESSION FRANCAISE(1),(2),(3)

(1) Un accord technique, valable pour une durée d’un an avec faculté de reconduction, a été conclu entre La Flandre Libérale et Le Matin. Il est entré en vigueur le 1er janvier 1960.
(2) Les sociétés éditrices du Peuple, du Monde du Travail et du Travail sont trois sociétés coopératives distinctes.
(3) La répartition des tâches et responsabilités entre l’administrateur-délégué (baron Philippe de Thysbaert), responsable des secteurs administratif et commercial, et le directeur-rédacteur en chef (M. Marc Delforge) est conforme aux usages de la presse américaine. Il n’est pas d’autre cas absolument semblable en Belgique.
II

QUOTIDIENS BELGES D’EXPRESSION FLAMANDE(1),(2),(3)

II
Titres. Fondé en Edité par Imprimé par Tendance. Directeur. Rédacteur en chef. Adresse Téléphone. 1. De Antwerpse Gids 1944 Cf. n° 10. De Nieuwe Gids. Catholique. A. Bruyne. 2, Jezusstraat, Anvers. (03) 31.19.30 2. Het Belang van Limburg 1879 S.A. Concentra Drukkerij. Catholique. F. Theelen. H. Leynen. 1, Stationsplein, Hasselt. (011) 211.37 3. Gazet van Antwerpen 1891 S.A. De Vlijt. Catholique. (1) L. Meerts. 46, Nationalestraat, Anvers. (03) 32.79.50 4. Gazet van Mechelen 1896 S.A. De Vlijt. Catholique. (1) L. Meerts. 8, Egmontstraat, Malines. (015) 131.14 5. De Gentenaar 1879 Cf. n° 13 – De Standaard (2). Catholique. G. Van Heucke. 13, Savaenstraat, Gand. (09) 25.20.74 6. Het Handelsblad 1844 S.A. Uitgeverij J. Hoste et A.S.B.L. Het Laatsts Nieuws (3). Uitgeverij J. Hoste. Libéral. A. Maertens. M. Stijns. 105-107, boulevard Em. Jacqmain, Bruxelles. 18.44.80 8. De Ianiwacht 1890 Cf. n° 13 – De Standaard (2) Catholique. G. van Houcke. 13, Savaenstraat, Gand. (09) 25.20.74 9. De Nieuwe Gazet 1897 S.A. Burton Uitgever. Libéral. F. Grootjans. 28, Korte Nieuwatraat, Anvers. (03) 31.07.57 10. De Nieuwe Gids 1944 A.S.B.L. De Nieuwe Gids : S.A. Imprimerie Het Volk. Catholique. A. Breyne. 105, rue Royale, Bruxelles. 17.21.30 11. Het Nieuwsblad 1928 Cf. n° 13 – De Standaard. 12. Het Nieuws van den Dag. 1885 Cf. n° 13 – De Standaard. 13. De Standaart 1914 S.A. De Standaard. S.A. Periodica. Catholique. A. De Smaele. E. Serruys. 127, bd. Em. Jacqmain, Bruxelles. 18.36.00 14. Het Volk 1891 Imprimerie Het Volk. Catholique. K. van Cauwelaert. M. De Ceulener. 22, Forelstraat, Gand. (09) 25.57.01 15. Volksgazet 1914 Sté Cve Ontwikkeling S.A. Excelsior Socialiste. A. Molter. J. Van Eynde. 22, Somerastraat, Anvers. (03) 33.86.59 16. Vooruit 1884 Sté Cve Het Licht Het Licht. Socialiste. A. De Block. G. Crommen. 64, St Pietersnieuwstraat, Gand. (09) 25.57.95 17.’t Vrije Volksblad 1942 Cf. n° 13 – De Standaard.

QUOTIDIENS BELGES D’EXPRESSION FLAMANDE(1),(2),(3)

(1) Les directeurs de Gazet van Antwerpen sont : MM. A. Depril, F. Diert, J. Goeyens, J. Somville, W. Somville et G. van Tilhel.
(2) La société qui éditait De Gentenaar – De Landwacht, "Week der Vlaamse Katholieke Drukkers", est entrée en liquidation on 1959.
(3) L’édition du journal conjointement par une S.A. et une A.S.B.L. est inspirée de l’exemple du Times.
III

QUOTIDIEN BELGE D’EXPRESSION ALLEMANDE

III
Titre. Fondé en Edité par Imprimé par Tendance. Directeur. Rédacteur en chef. Adresse. Téléphone. 1. Granz Echo 1927 Sté Coopérative Granz Echo. Catholique. H. Michel. 8, place du Marché, Eupen. (087)520.37

QUOTIDIEN BELGE D’EXPRESSION ALLEMANDE

3Ces tableaux appellent un premier commentaire.

4Dans plusieurs cas, des titres différents recouvrent en fait des éditions d’un même journal publiées à l’intention de lecteurs de régions ou de classes sociales différentes.

5Parmi les journaux qui constituent ainsi en fait de simples éditions régionales d’autres journaux, citons :

  • De Antwerpse Gids, édition anversoise du Nieuwe Gids,
  • Gazet van Machelen, édition malinoise de Gazet van Antwerpen,
  • L’Echo du Centre et Le Journal de Mons, éditions régionales du Rappel,
  • La Province, édition montoise de La Nouvelle Gazette,
  • La Lanterne, édition de La Meuse.

6ces titres régionaux étant édités chaque fois par la même société que l’édition-mère.

7Le Monde du Travail et Le Travail, bien que toujours édités par des sociétés coopératives juridiquement distinctes, sont devenus en fait des éditions régionales du Peuple.

8D’après ses propres déclarations, De Standaard s’adresse surtout "à la très bonne bourgeoisie, c’est-à-dire aux milieux intellectuels, industriels, financiers et maritimes". Les cinq autres journaux édités par la même société et dont la structure et la substance présentent de grandes similitudes avec celles du Standaard (Het Nieuwsblad, Het Nieuws van den Dag,’t Vrije Volksblad, De Gentenaar, De Landwacht) s’adressent à toutes les classes sociales. Toutefois, la diffusion du Gentenaar et du Landwacht reste limitée aux deux Flandres, le premier de ces journaux étant surtout lu à Gand même, le second pénétrant davantage en milieu rural.

9D’autre part, des quotidiens édités par des sociétés distinctes publient de très nombreux textes communs et ont adopté une présentation extérieure très semblable. Ce sont :

  • Vers l’Avenir, L’Avenir du Luxembourg et Le Courrier (les sociétés éditrices ayant des administrateurs communs),
  • Le Matin et La Flandre libérale,
  • De Standaard et Het Handelsblad,
  • Het Volk et De Nieuwe Gids.

10Enfin, certains journaux sont passés sous le contrôle de confrères plus puissants, avec maintien de l’existence juridique distincte des sociétés éditrices et conception originale de chaque journal au point de vue rédaction et mise en page. Il s’agit de :

  • Le Matin contrôlé par La Meuse et
  • De Nieuwe Gazet contrôlée par Het Laatste Nieuws (avec dans ce dernier cas présence d’administrateurs communs dans les conseils des sociétés éditrices).

II – La connaissance des publics

1 – Le contrôle de la diffusion et des tirages

11Par son souci d’établir des estimations critiques des tirages cernant du plus près la réalité, le C.R.I.S.P. avait, dès le premier numéro du COURRIER HEBDOMADAIRE [2], rompu avec la tradition des auteurs qui, dans leurs études précédemment parues [3], s’étalent limités à publier les chiffres des déclarations des journaux eux-mêmes (chiffres contrôlés ou non par experts) ou à opérer un classement par très grandes catégories.

12Ce souci d’objectivité fut parfois mal interprété, les éditeurs de journaux ayant tendance à craindre que les annonceurs, considérant que l’importance d’un journal est fonction uniquement de son tirage, ne tirent de ces chiffres des conclusions hâtives, pouvant avoir de graves conséquences sur les ressources apportées par la publicité à certains journaux.

13Cependant, depuis la publication de notre premier dossier "PRESSE QUOTIDIENNE", un chercheur au moins [4] nous a suivi dans la voie que nous avions tracée et les chiffres qu’il a établis pour les journaux d’expression française ne diffèrent pas sensiblement des estimations du C.R.I.S.P.

14Bien que la fixation des tarifs de publicité des journaux reste un droit exclusif des éditeurs, pratiquement, ces tarifs varient d’après l’ampleur des tirages. Il en est résulté que des annonceurs se trouvèrent au nombre des premiers promoteurs du contrôle des tirages.

15L’Office d’Analyse de la Diffusion publicitaire (en abrégé OFADI), créé en 1951 sous la forme d’association sans but lucratif, compta dès l’origine parmi ses membres à la fois des annonceurs, des éditeurs et des techniciens de la publicité. Les éditeurs de quotidiens n’y adhérèrent cependant pas. D’ailleurs, selon certains avis émis à l’époque, on n’avait pas suffisamment veillé à prévenir toute possibilité de confusion, qui pouvait risquer de faire apparaître OFADI comme une émanation de l’Union Belge des Annonceurs.

16Le premier quotidien à recourir au contrôle OFADI fut Indépendance, dernier apparu des journaux de Charleroi dont les déclarations de tirage étaient-à tort – très contestées.

17D’autres journaux, tous édités en province mais d’importances inégales et de tendances différentes, se rallièrent également au même contrôle. C’étaient : Het Volk, Volksgazet, Vers l’Avenir, Het Belang van Limburg, L’Avenir du Luxembourg.

18On peut relever – mais il s’agit d’exception – le cas de journaux qui eurent recours au contrôle sur une courte période et ne le renouvelèrent pas.

19Depuis cette année, un journal bruxellois, La Dernière Heure, se soumet également au contrôle OFADI.

20Notons que le procès-verbal dressé par OFADI établit le chiffre de la diffusion (en précisant le nombre d’abonnements, de ventes au numéro et de services réguliers) et, d’autre part, le chiffre du tirage (ce dernier comprenant cette fois également les invendus et les numéros justificatifs). Il reste cependant de tradition de parler du tirage d’un journal et non de sa diffusion effective.

21D’autres journaux font contrôler leur tirage par des experts choisis par eux-mêmes. C’est le cas des deux quotidiens belges les plus importants : Le Soir et Het Laatste Nieuws.

22Enfin, suite à l’accord intervenu en 1958 entre la Fédération de Journaux belges et la Fédération des Agences publicitaires belges (CETREP), les tirages des journaux ont été répartis en une vingtaine de catégories dites "catégories Belga", qui correspondent aux cotisations (progressives) payées à l’Agence Belga pour l’abonnement à ses services. Le paiement effectif de ces cotisations est contrôlable à la Fédération de Journaux belges. Toute exagération d’un tirage déclaré serait donc dans ce cas pénalisée par le paiement d’une cotisation correspondant à un tirage supérieur. Notons cependant qu’il s’agit ici de prévisions établies en début d’année.

23On pourra établir la liste des quotidiens qui procèdent de cette manière d’après le répertoire que comportait le n° 23 (juillet-octobre 1959) de La Presse[5], le tirage de ces journaux y figurant sous la rubrique "Chiffre de la déclaration spontanée et contrôlée par l’agence Belga."

24Si quelques journaux ne soumettent à aucun contrôle les chiffres qu’ils déclarent, il ne faut pas en conclure à une opposition pure et simple de leur direction au principe même du contrôle des tirages par experts. Les deux motifs de cette attitude semblent plutôt être, d’une part, le souci de voir se maintenir le volume global de la publicité confiée à la presse quotidienne, d’autre part, le refus de réserver à un seul expert l’exécution du contrôle.

2 – Remarques, sur l’importance respective de quelques journaux et l’évolution des tirages

25Nous avons examiné les divers chiffres de tirages (tirages contrôlés et tirages déclarés sans contrôle) et nous avons établi des estimations critiques de ces derniers tirages. Nous croyons inutile de publier à nouveau le détail de ces chiffres, nous nous contenterons d’en tirer des conclusions générales.

26Nous obtenons un chiffre total voisin de 2.350.000 exemplaires quotidiens en moyenne.

27La répartition selon les régimes linguistiques donne ± 1.100.000 exemplaires quotidiens pour la presse flamande et ± 1.250.000 exemplaires quotidiens pour la presse d’expression française – le seul journal belge d’expression allemande ayant un tirage quotidien moyen compris entre 10.000 et 15.000 exemplaires.

28La répartition selon les tendances idéologiques est la suivante :

  • un chiffre voisin de 1.000.000 d’exemplaires pour la presse d’opinion catholique,
  • un chiffre compris entre 550 et 575.000 exemplaires pour la presse d’opinion libérale,
  • un chiffre voisin de 500.000 exemplaires pour la presse neutre,
  • un chiffre compris entre 250 et 300.000 exemplaires pour la presse d’opinion socialiste,
    le seul quotidien belge d’opinion communiste ayant un tirage inférieur à 10.000 exemplaires.

29Du même point de vue toujours purement quantitatif, la presse catholique est à la fois en majorité d’expression flamande et majoritaire par rapport à l’ensemble de la presse quotidienne flamande.

30La presse d’opinion libérale est, elle aussi, du point de vue des tirages, en majorité d’expression flamande, au contraire de la presse d’opinion socialiste, cependant que seuls des journaux d’expression française sont considérés comme neutres.

31Remarquons que l’importance de la presse libérale et de la presse socialiste n’est pas proportionnelle à l’importance électorale des partis correspondants.

32C’est l’ensemble des journaux catholiques flamands qui constitue quantitativement le groupe – défini au double point de vue idéologique et linguistique – ayant la diffusion la plus importante. C’est également ce groupe qui connaît actuellement l’expansion la plus remarquable.

33Nous formulerons plus loin les importantes nuances qu’il convient d’introduire chaque fois qu’il est fait état des tendances idéologiques des quotidiens.

34Il est intéressant d’établir l’importance respective des principaux quotidiens belges (tirages quotidiens moyens supérieurs à 100.000 exemplaires) :

  • deux journaux approchent un tirage de 300.000 : Le Soir et Het Laatste Nieuws. Il semble que ce chiffre constitue actuellement une limite pour les quotidiens belges. Le Soir et Het Laatste Nieuws sont revenus en-deça de ce chiffre, qu’ils avaient dépassé au cours des dernières années. Cependant, ce léger repli semble devoir s’expliquer par des facteurs différents dans l’un et l’autre cas. Pour Le Soir, il pourrait s’agir d’une tendance générale qui peut être observée dans l’ensemble de la presse au recul des journaux d’allure "classique" (ayant le souci de valoriser les fonctions de communication intellectuelle de la presse) au profit de journaux d’allure plus "moderne" (procédant par valorisation de fonctions psycho-sociales), La Meuse et La Dernière Heure étant plus particulièrement représentatives de ce dernier groupe. Pour Het Laatste Nieuws, il s’agirait plutôt, semble-t-il, du recul d’un organe libéral au profit d’organes catholiques (en l’occurrence De Standaard et Het Volk), dont les prises de position, notamment au plus fort de la querelle scolaire, correspondaient mieux aux opinions majoritaires en pays flamand. Mais, dans l’un et l’autre cas, il s’agit de tendances constatées sur une courte période et portant sur des variations de chiffres relativement peu importantes.
  • l’ensemble des journaux édités par De Standaard dépasse un tirage moyen quotidien de 250.000 exemplaires. Ce groupe progresse régulièrement depuis plusieurs années, bien que chaque reprise de journal intégré à la "chaîne" s’accompagne provisoirement d’une baisse de tirages touchant le dernier titre repris. Le progrès du groupe semble dû, non seulement à l’extension de l’ensemble par annexion de journaux en difficulté, mais également à l’adaptation judicieuse de chaque édition à un public bien déterminé (Toutefois, il n’est pas non plus indifférent de savoir que les prises de position du Standaard sur les problèmes linguistiques sont de nature à satisfaire l’opinion flamande la plus intransigeante en la matière).
  • Het Volk donne l’exemple le plus remarquable d’expansion continue et importante pour la période de l’après-guerre. Son tirage, qui était de 150.000 environ il y a une dizaine d’années, a dépassé la moyenne quotidienne de 200.000 en 1957 et continue à augmenter. Cette progression, dont l’ampleur est unique dans l’histoire récente de la presse belge, est comparable à la place importante occupée à présent par les organisations ouvrières chrétiennes dans la vie socio-politique du pays flamand. Elle s’explique partiellement aussi par la conquête, en Flandre occidentale et en Limbourg principalement, d’un public nouvellement venu à la lecture de la presse quotidienne.
  • Le tirage moyen de La Meuse approche de 200.000 exemplaires quotidiens (encore que le tirage de ce genre de journal soit particulièrement sensible aux divers facteurs qui déterminent des variations de la diffusion par vente au numéro). Ce tirage est actuellement en augmentation. Ceci peut s’expliquer d’une part par le succès (certain quoique localisé à une partie du public) rencontré par les formules très "modernes" adoptées par le journal ; d’autre part, par la pénétration des éditions régionales dans des arrondissements wallons où les journaux locaux eurent longtemps tendance à se considérer eux-mêmes comme des journaux complémentaires.
  • La Libre Belgique et La Dernière Heure ont un tirage d’importance égale (environ 170.000 exemplaires quotidiens). Pour La Libre Belgique, ce chiffre constitue un recul par rapport à des chiffres précédemment atteints. Cette diminution de tirage et l’examen des circonstances dans lesquelles elle a été observée suggèrent une première explication possible : selon que les questions de politique intérieure qui dominent l’actualité réalisent ou non l’unanimité de l’opinion catholique d’expression française, le journal remplit une fonction de représentation à l’égard d’une fraction plus ou moins importante de cette opinion. Un autre facteur pourrait être l’attachement de La Libre Belgique à une présentation très classique et son refus d’adopter des formules plus modernes. Nous rejoignons ici l’hypothèse formulée à propos du Soir. Quant à La Dernière Heure, sa diffusion progresse, pour des raisons probablement très semblables à celles évoquées à propos de La Meuse. Cependant, tant pour La Libre Belgique que pour La Dernière Heure, ces variations de tirages portent sur un volume assez peu important. Nos conclusions devront donc être revues à assez brève échéance.
  • Le plus important des journaux anversois, Gazet van Antwerpen a un tirage quotidien d’environ 150.000 exemplaires. Il est suivi pan un autre journal anversois, Volksgazet, dont le tirage est également supérieur à 100.000 exemplaires quotidiens. Du point de vue de leur diffusion, ces deux journaux évoluent de façon divergente, Gazet van Antwerpen en progrès, Volksgazet en repli. Les chiffres de ces variations ne sont pas très importants. Ils semblent confirmer cependant deux hypothèses générales : expansion de la presse catholique flamande, stabilisation de la presse d’opinion socialiste.

35On aura remarqué que, parmi les neuf quotidiens belges dont le tirage dépasse 100.000 exemplaires quotidiens en moyenne, figurent cinq titres flamands et quatre titres français. Les premiers représentent un tirage global de 1.000.000 d’exemplaires environ (pour 1.100.000 environ pour l’ensemble de la presse flamande), les seconds totalisent environ 850.000 exemplaires quotidiens (pour 1.250.000 environ à la presse d’expression française). Ces chiffres indiquent le degré de concentration plus poussé de la presse flamande et l’existence indépendante d’un plus grand nombre de journaux petits ou moyens en Wallonie.

36C’est parmi les journaux à faible ou moyenne diffusion que figurent ceux dont les déclarations de tirages sont le plus souvent contestées. Et il ne fait de doute que c’est en effet dans ce groupe que l’on peut relever les surestimations proportionnellement les plus importantes. Elles semblent essentiellement motivées par le souci de conserver une clientèle d’annonceurs, dont on craint qu’elle ne procède à une interprétation sommaire des chiffres de diffusion et de tirages.

3 – L’interprétation des chiffres de diffusion et de tirages

37Il est évident que serait particulièrement utile en ce domaine une connaissance des publics fondée non plus seulement sur des procédés d’ordre purement quantitatif mais également sur des recherches d’ordre qualitatif.

38Pour nuancer les renseignements quantitatifs, dont on peut dès à présent disposer, une double interprétation paraît au moins nécessaire :

  • d’une part, la détermination de la position (dominante, complémentaire ou marginale) occupée par le journal dans sa zone de diffusion ;
  • d’autre part, l’analyse sociologique de la composition des publics et l’étude du degré de lecture du journal.

39Il est regrettable que nous ne disposions que de très rares résultats publiés [6] d’études réalisées récemment dans ce domaine.

40Tout au plus peut-on, à partir des déclarations des journaux concernant le public auquel ils s’adressent (et notamment à partir des renseignements contenus dans le n° 23 de La Presse), formuler quelques hypothèses particulières concernant l’un ou l’autre groupe de journaux (C’est ainsi que l’on en peut conclure au statut social très sensiblement supérieur à la moyenne du public de la presse quotidienne d’expression française paraissant en pays flamand).

41Pour nous limiter aux données chiffrées dont nous avons fait état et qui sont seules disponibles actuellement pour l’ensemble des quotidiens belges, notons l’effort de certains journaux à tirage faible ou moyen pour couvrir une aire de diffusion très étendue. Sont particulièrement dans ce cas les journaux politiques bruxellois Le Peuple, La Cité et De Nieuwe Gids, et dans une mesure moindre le journal anversois La Métropole. Il semble que La Cité soit le seul de ces quotidiens à avoir enregistré, au cours des dernières années, une certaine augmentation de son tirage.

42Notons par ailleurs que l’ensemble des journaux de province semble connaître une assez grande stabilité au point de vue de la diffusion. Mais il se pourrait que cette stabilité soit la résultante de deux tendances divergentes, l’une à la pénétration des éditions régionales des grands quotidiens de diffusion nationale, l’autre à la consolidation des positions dominantes qu’occupent dans leur province certains Journaux comme Het Belang van Limburg ou Vers l’Avenir.

43Il est extrêmement important de signaler enfin que les tirages ne sont pas constants. Le tirage de chaque journal varie dans l’année (et ce n’est pas le même mois que tous les journaux atteignent leur tirage maximum) [7], il varie également au cours de la semaine (et cette fois principalement du fait de l’édition de pages spéciales touchant chaque fois un public différent : sportifs, enfants, femmes, etc…). La connaissance précise des variations en cours de semaine serait d’une grande utilité aux annonceurs pour leur permettre une répartition plus judicieuse de la publicité entre les divers jours de la semaine [8].

44Les évènements importants de l’actualité ont également une incidence sur les variations des tirages. Nous avons vécu, en juillet et en août, une période vraiment exceptionnelle à cet égard, tant du point de vue de l’ampleur des variations que du point de vue de leur durée. Il est difficile de citer dès maintenant des chiffres très précis mais on peut déjà affirmer qu’une hausse de telle ampleur ne s’est plus produite depuis l’annonce de la mobilisation de 1939. D’autre part, il est extrêmement rare de voir se maintenir pendant plus de quelques jours l’intérêt accru du public. Les renseignements dont nous disposons semblent indiquer que l’augmentation des tirages a porté davantage sur les titres de diffusion nationale que sur ceux de diffusion régionale, sur les journaux d’information que sur les journaux d’opinion, sur la presse d’expression française que sur la presse flamande (dans ce dernier cas cependant, la différence existant en faveur de journaux du régime linguistique français ne paraît pas très importante).

45En dehors d’une période aussi exceptionnelle, des évènements de natures et d’importances très diverses influencent les chiffres de tirages, cette influence pouvant se limiter à une région bien précise. L’effet de ces variations est cependant peu apparent en ce qui concerne l’établissement des tirages moyens.

46Il est certain que les journaux les plus sensibles aux divers facteurs qui déterminent des variations de la diffusion sont ceux qui exploitent au maximum le pouvoir d’émotion de nouvelles d’ordre public ou privé et mettent en œuvre à cet effet "une sorte d’étalagisme journalistique destiné à attirer l’attention du passant sur le nombre, la diversité et l’intérêt des matières traitées dans le numéro du jour" [9].

III – Les intérêts dominants dans les entreprises de presse et la tendance à la concentration

471. Nous pouvons reprendre, sous la présente rubrique, le schéma adopté dans le COURRIER HEBDOMADAIRE n° 1 (9.1.59). Nous restons en présence de trois types de propriétaires de fait :

  • des collectivités (organisations politiques ou syndicales),
  • des familles,
  • des groupes financiers,
    mais, pour la période écoulée depuis janvier 1959, il convient d’apporter les précisions suivantes :

48La formule des "familles propriétaires", si elle demeure celle de la majorité des journaux belges, semble cependant en régression. Après la famille de Thiers qui a perdu le contrôle de La Meuse (Mme de Thiers, restant toutefois présidente du Conseil d’administration de la S.A. Imprimerie et Journal La Meuse), après la famille Demarteau qui, quoique toujours intéressée dans la société coopérative éditrice, ne peut plus être considérée comme unique propriétaire de La Gazette de Liège, la famille Piens vient de céder le contrôle de De Gentenaar - De Landwacht.

49Un autre signe de la régression (ou dans ce cas plutôt de la transformation) de cette formule peut être observé depuis quelques années : par la promotion de directeurs et de rédacteurs en chef à des postes d’administrateurs, on assiste à l’association des personnes qui assurent la gestion du journal aux personnes qui en étaient jusqu’à présent seuls propriétaires de fait.

50En outre, dans plus d’un cas, on peut relever la présence, dans les conseils de sociétés réputées propriétés de l’une ou l’autre "famille éditrice", de personnes ayant une activité ou des intérêts dans d’autres secteurs de la vie économique.

51Il arrive même, et alors nous nous éloignons davantage encore de la formule de la propriété familiale, que ce soit un collège de personnalités du monde industriel ou financier qui détienne en fait le contrôle de l’entreprise de presse.

52Ces cas restent relativement peu nombreux, tout comme ceux où la propriété est le fait de personnes qui peuvent être considérées comme les représentants de milieux sociaux bien déterminés [10].

53Au total, hormis ce qu’il est convenu d’appeler la "chaîne de Launoit" (groupant La Meuse et Le Matin), il n’est pas de liaison apparente d’un journal avec un groupe financier.

54D’un autre point de vue, notons la présence d’un certain nombre de mandataires politiques dans les conseils ou à la direction de journaux autres que ceux édités par des organisations syndicales ou politiques [11].

55Au surplus, nous sommes convaincus qu’il importe davantage, à l’avenir, d’être attentifs à l’évolution des modes de gestion qu’à celle des modes de propriété [12].

562. Nous avons déjà noté le degré de concentration plus avancé atteint dans la presse flamande.

57Cette accélération du processus de reprise de certains journaux par d’autres plus puissants peut s’expliquer notamment par les ressources publicitaires moindres recueillies par la presse flamande. D’après des estimations sérieuses, l’ensemble des journaux flamands, pour un tirage total inférieur de ± 150.000 exemplaires à celui des journaux d’expression française, ne paraît disposer que du tiers environ des ressources publicitaires recueillies par l’ensemble de la presse quotidienne [13].

58D’autre part, la concentration a porté davantage sur des secteurs "faibles", tel celui des journaux d’expression française paraissant en pays flamand (intégrations successives du Matin et de La Flandre Libérale à la "chaîne de Launoit").

59Enfin, l’intégration s’est réalisée dans plusieurs cas à partir de fusions techniques (cas de La Lanterne imprimé à Liège par La Meuse, De Nieuwe Gids imprimé à Gand par Het Volk, de L’Avenir du Luxembourg et du Courrier imprimés à Namur par Vers l’Avenir). Pratiquement, ces fusions techniques ont abouti dans chaque cas à la publication de nombreux textes communs par les divers titres associés.

60De ce point de vue, une seule exception : le jumelage technique de La Métropole et Het Handelsblad, tous deux imprimés par la société "Nouvelle Persévérance Anversoise", seul exemple de fusion technique entre journaux de régimes linguistiques différents, est évidemment aussi le seul cas où les rédactions sont demeurées absolument distinctes.

61Depuis la publication de la première étude du CRISP, deux journaux, La Flandre Libérale et De Gentenaar – De Landwacht ont été intègres, le premier, à la "chaîne de Launoit", le second au groupe de journaux édités par De Standaard.

62Dans le cas de La Flandre Libérale, cette intégration a pris la forme d’un accord technique conclu avec la société qui édite Le Matin. Cet accord conclu pour une durée d’un an avec faculté de reconduction, est entré en vigueur le 1er janvier 1960. Il ne met pas en cause l’existence juridique indépendante de la société éditrice "La presse libérale gantoise" [14].

63Au contraire, la reprise de De Gentenaar-De Landwacht a entraîné la mise en liquidation, au cours de 1959, de la société Werk der Vlaamse Katholieke Drukkers, qui était la propriété de la famille Piens.

64Au total, il paraît bien que les problèmes techniques d’impression et les problèmes financiers qui en découlent, soient déterminants dans la réalisation d’intégrations aboutissant parfois au contrôle total de certains journaux par d’autres plus importants.

65Au contraire, il semble que des accords limités au seul domaine de la publicité [15] et des jumelages rédactionnels partiels [16] peuvent être conclus sans porter atteinte à l’indépendance des partenaires. (Mais il est vrai que de tels accords mettent le plus souvent en rapport des journaux de dimension comparable).

IV – Remarques sur le contenu, le style et l’orientation des quotidiens belges

661. L’analyse du contenu [17] n’en est encore qu’à ses débuts dans notre pays.

67Il convient de citer principalement un premier essai de synthèse dû à G. Thoveron : "Le contenu des quotidiens belges" [18], qui fait le point des travaux précédemment publiés en Belgique.

68De cet essai qui se limite malheureusement presque exclusivement aux quotidiens d’expression française se dégagent trois conclusions principales.

69La première concerne l’établissement de ce que G. Thoveron nomme les "signes extérieurs de richesse des journaux" et que nous proposons d’appeler indices de prospérité.

70Ces indices sont les suivants :

  • surface totale imprimée,
  • pourcentage de cette surface consacré à la publicité,
  • rapport entre la surface consacrée aux illustrations et celle consacrée aux titres.

71Il existe un rapport entre ces indices d’une part et l’ampleur du tirage d’autre part.

72C’est ainsi que le classement des quotidiens selon l’importance de leur surface totale imprimée fait apparaître aux premières places les titres de grande diffusion nationale (tirages supérieurs à 100.000 : Le Soir, La Libre Belgique, La Meuse et La Dernière Heure) et les titres de diffusion régionale importante (tirages supérieurs à 50.000 : Le Rappel, La Nouvelle Gazette, éventuellement Vers L’Avenir).

73Il est évident que ces indices ne font ici que pallier l’absence de renseignements plus précis [19]. Mais il est extrêmement intéressant de noter que l’examen des éléments de structure du journal apporte des indications sur la rentabilité de l’entreprise.

74Une deuxième conclusion procède en partie de la précédente. Il s’agit cette fois de la possibilité de regrouper les journaux selon leurs caractères communs révélés par l’étude de leur structure et de leur substance. C’est ainsi qu’à partir de cette étude, les quotidiens bruxellois d’expression française peuvent se subdiviser en deux groupes, l’un comprenant Le Soir, La Libre Belgique et La Dernière Heure, l’autre comprenant Le Peuple et La Cité. On voit que cette répartition s’opère entre journaux a grande diffusion et journaux à diffusion moyenne, ces derniers ayant également en commun leur caractère d’organes de mouvements.

75L’examen du contenu permet enfin de conclure à une adaptation très poussée des quotidiens aux divers publics. C’est le cas notamment au plan régional, où l’on peut voir journaux à diffusion géographiquement limitée et éditions régionales des grands quotidiens [20] consacrer une place souvent très importante à des nouvelles d’intérêt local. Cette tendance à l’adaptation aux publics se vérifie encore dans l’importance relative des diverses rubriques.

762. Une communication du professeur Roger Clausse, lors d’une des premières journées de la IIIe session de perfectionnement organisée en novembre 1959 par le Centre International d’Enseignement Supérieur du Journalisme de Strasbourg, a jeté les bases d’une sociologie "événementielle" de l’information (Cette communication a déjà fait l’objet de deux publications [21] et son incorporation à un ouvrage à paraître [22] est prévue).

77De ce premier essai de systématisation d’une grande rigueur et qui peut se révéler extrêmement fécond, nous ne voulons retenir ici que la distinction entre les deux grands types de fonctions remplies notamment par la presse : fonctions de communication intellectuelle et fonctions psycho-sociales.

78Le professeur Clausse subdivise les fonctions de communication intellectuelle en fonctions d’information, de formation, d’expression et de pression et par ailleurs, les fonctions psycho-sociales en fonctions de reliance, de divertissement et de psycho-thérapie sociale.

79Ces mêmes catégories ont déjà été utilisées ci-dessus, à propos de l’évolution des tirages du Soir et de La Meuse. Il est évident qu’il s’agit là des titres les plus représentatifs de deux tendances divergentes du double point de vue du contenu et de la présentation.

80En effet, ces deux journaux diffèrent aussi bien par le type de lecture qu’ils proposent à leur public, que par l’ordre de priorité qu’ils établissent entre les diverses rubriques ou encore par leur présentation graphique (principalement par l’utilisation des titres et illustrations). Ces deux quotidiens ne sont en cela que les symboles de deux tendances générales qui se manifestent actuellement dans l’ensemble des techniques de diffusion collective.

81Il est à remarquer que la plus récente de ces tendances (du moins sous la forme qu’elle revêt présentement) est la tendance à la valorisation des fonctions psycho-sociales.

82Dans ce domaine, la presse subit l’influence des techniques de diffusion audio-visuelle. C’est ainsi que les jeux et concours [23] organisés avec succès par de nombreux quotidiens procèdent essentiellement des exemples de la radio et de la télévision.

83A son tour, un journal comme La Meuse exerce une influence certaine sur d’autres journaux.

84Ceci se vérifie particulièrement au plan régional, où l’on peut voir un journal comme La Wallonie, cependant réputé pour la netteté de ses prises de position politiques, utiliser à présent des procédés très semblables à ceux de La Meuse (Il arrive à La Wallonie de consacrer toute sa première page à un "ciné-roman").

853. En ce qui concerne l’orientation politique des quotidiens, il importe de remarquer en premier lieu que des journaux de même tendance cessent d’être comparables quand on considère leur degré de politisation. C’est ainsi que des deux quotidiens socialistes flamands, Vooruit conserve principalement le souci d’apparaître comme un organe politique, Volksgazet ayant davantage le souci de l’information générale.

86Dans certains cas, il conviendrait même d’ajouter des motivations plus directement commerciales et de ne pas négliger l’incidence des positions respectives de journaux qui se disputent un même public (ainsi le cas de La Wallonie évoluant sous l’influence de La Meuse).

87Par ailleurs, d’importantes nuances distinguent des journaux de même opinion. Par exemple, Het Volk et La Cité, tous deux expression des organisations ouvrières chrétiennes, n’adoptent pas toujours les mêmes positions : "Si en général, le point de vue du Volk correspond à celui de La Cité dans le domaine social, de notables nuances et même des divergences se manifestent au sujet de la politique intérieure (problème linguistique et question d’une alliance avec le parti socialiste par exemple) et de la politique internationale (appréciation du rôle des Etats-Unis dans les relations internationales)". [24]

88Parfois des différences peuvent exister entre journaux apparentés,du fait de facteurs plus personnels. C’est probablement sous l’influence des parlementaires locaux [25], qui en ont fait leur tribune, que L’Avenir du Luxembourg fait figure de journal plus conservateur que Vers l’Avenir. De même, De Nieuwe Gazet, dont le rédacteur en chef est le Député libéral d’Anvers, Fr. Grootjans, apparaît comme un organe glus politisé que le quotidien de même tendance qui le contrôle, Het Laatste Nieuws de Bruxelles.

89Des différences s’observent également entre journaux liés par des accords techniques. Si Het Volk est l’expression des organisations ouvrières chrétiennes flamandes [26], De Nieuwe Gids exprime davantage les vues des dirigeants flamands du P.S.C. [27].

90Enfin, des journaux d’information, d’ailleurs indépendants à l’égard des partis, n’en constituent pas moins un moyen puissant d’expression et de pression politiques [28].

Notes

  • [1]
    L’essentiel de ces modifications se résume, d’une part, à la conclusion de nouveaux accords entre certains journaux (La Flandre Libérale et Le Matin, De Gentenaar-De Landwacht et De Standaard) et, d’autre part, aux pressions d’ordre structurel exercées sur la presse quotidienne par l’information audio-visuelle, soit directement, soit du fait d’une influence préalable sur le style et le contenu de l’information diffusée.
  • [2]
    Structures de la presse quotidienne en Belgique, C.H. n° 1, 9.1.1959.
  • [3]
    M. Stijns, La presse quotidienne d’information en Belgique, Etudes de Presse, Paris, 1951.
    P. Joye, La presse et les trusts en Belgique, Société populaire d’édition, Bruxelles, 1958.
    J. Fosty, La presse quotidienne d’information en Belgique, Textes et Documents, Bruxelles, 1958.
  • [4]
    G. Vandersmissen, auteur d’un mémoire sur "L’attitude de la presse quotidienne d’expression française à l’égard de trois problèmes critiques récents", présenté en 1959 pour l’obtention du grade de Licencié en sciences sociales de l’Université de Liège.
  • [5]
    Publication de la Fédération de Journaux belges, 20, rue Joseph II, Bruxelles 4. Voyez également le n° 62 du COURRIER HEBDOMADAIRE (6 mai 1960) : La presse quotidienne belge vue par elle-même.
  • [6]
    Les centres (privés) d’études du marché qui se sont livrés, au cours des derniers mois, à des enquêtes par sondages sur la nature du public des journaux en communiquent les résultats sous certaines conditions mais interdisent leur diffusion.
  • [7]
    Il est certain que l’organisation de jeux-concours est un des facteurs déterminants de la variation des tirages en cours d’année.
  • [8]
    Le "blocage" traditionnel d’une partie très importante de la publicité sur le samedi entraîne, du point de vue purement technique, des problèmes qui retentissent sur le coût total d’impression du journal (l’équipement-machines du journal ne fonctionnant à plein rendement qu’un jour sur six).
  • [9]
    A. Seyl. Libres propos sur la presse. Editions des Arts et Industries graphiques. Bruxelles. 1957.
  • [10]
    Sont de cette nature les cas de Vers l’Avenir, où l’évèché de Namur passe pour avoir des intérêts et du Rappel qui compte parmi ses actionnaires le Groupement d’Action Economique et Sociale de Charleroi, A.S.B.L. dont certains membres se retrouvent parmi les actionnaires individuels de la société d’édition.
  • [11]
    L’Avenir du Luxembourg, De Nieuwe Gazet, Le Rappel, Het Belang van Limburg, Le Courrier.
  • [12]
    Cfr note n° 3 du Tableau I, relevant en ce domaine un cas qui demeure pour l’instant unique en Belgique.
  • [13]
    Ce partage très inégal des ressources publicitaires entre journaux de régimes linguistiques différents paraît être fonction de l’attachement des annonceurs aux traditions parfois déjà anciennes qui déterminent leur collaboration avec certains quotidiens.
  • [14]
    L’ancien Ministre libéral, Henri Liebaert, précédemment administrateur-délégué de la S.A. La presse libérale gantoise, a présenté sa démission au Conseil d’administration de cette société le 23 octobre 1959.
  • [15]
    Ainsi, le jumelage publicitaire de La Libre Belgique et de La Dernière Heure réalisé par l’intermédiaire de la "Générale Publicitaire".
    Ainsi également l’accord récemment annoncé entre Le Courrier de l’Escaut d’une part et le service "Avenir-Publicité" commun aux trois journaux imprimés à Namur par la Société La Presse catholique dans la province de Namur, d’autre part.
  • [16]
    "La Métropole d’Anvers et Vers l’Avenir de Namur ont tous deux le même correspondant à Bruxelles …., la Gazette de Liège publie la même page agricole que le Courrier de l’Escaut et ce dernier reprend de même la page du tourisme de Vers l’Avenir, qui lui-même emprunte sa page automobile à la Métropole." (L’Avenir de la presse en Belgique, interview de Marc Delforge dans le n° 2 – avril 1960 – de EUROMEDIA, édition mensuelle du Centre de recherches et de documentation sur les techniques de diffusion et de communication, 50, av. Albert Jonnart, Bruxelles 4.
  • [17]
    Sur les questions de méthode, cfr. le document de G. Vandersmissen, "La méthode d’analyse de contenu", dans le n° 2 (avril 1960) de Techniques de Diffusion Collective, publication du Centre National d’Etude des Techniques de Diffusion Collective, 4, rue de Pascale, Bruxelles.
  • [18]
    Techniques de Diffusion Collective, n° 2, avril 1960. Parmi les analyses partielles, publiées par ailleurs, citons : N. Devolder, "Les débats parlementaires dans la presse belge", dans le n° 5 (avril 1960) de l’Enseignnment du Journalisme, publication du Centre International d’Enseignement Supérieur du Journalisme, 10, rue Schiller, Strasbourg.
  • [19]
    Les entreprises de presse, n’ayant pas toutes fait choix du même statut juridique, ne sont pas soumises aux mêmes obligations de publication aux annexes du Moniteur Belge. En outre, même en ce qui concerne les sociétés anonymes (qui sont majorité), les bilans et comptes de pertes et profits sont assez peu utiles à consulter, faute d’une normalisation du plan comptable. Enfin, rappelons que les propositions formulées avant guerre par le Centre d’études – pour la réforme de l’Etat et visant, entre autres, l’instauration d’un contrôle des ressources financières des journaux n’eurent jamais de suite légale.
  • [20]
    Parmi les titres à diffusion nationale, seuls Le Soir et La Libre Belgique n’ont pas adopté la formule des éditions régionales.
  • [21]
    Techniques de Diffusion collective, n° 2, avril 1960. L’Enseignement du Journalisme, n° 5, avril 1960.
  • [22]
    "Les Nouvelles – Introduction à une sociologie événementielle" et "Soziologie der Machrichten" (Westdeutscher Verlag. Köln und Opladen).
  • [23]
    Parmi ces jeux-concours, celui intitulé "Bottle-Party" et organisé par La Meuse, s’est répandu assez rapidement dans divers pays d’Europe et même aux Etats-Unis. (Cfr. Le Miroir de l’information, de la publicité et des relations publiques, n° 119, 22 février 1960).
    A propos du même jeu, cfr. l’article de G. Thoveron, "Où va la presse ? De l’information à la distraction", La Gauche, 7 mai 1960.
    Il y a de nombreux autres exemples de jeux-concours organisés par des quotidiens (concours des petites annonces de La Dernière Heure, …..).
  • [24]
    M. Stijns, La presse flamande. L’enseignement du journalisme, n° 3, octobre 1959.
  • [25]
    Et particulièrement du baron P. Nothomb, président du Conseil d’administration de la société éditrice.
  • [26]
    Notamment par les importants éditoriaux signés "Schildwacht" et dus au Sénateur K. Van Cauwelaert.
  • [27]
    Le principal éditorialiste du Nieuwe Gids est le Sénateur A. Breyne, directeur-rédacteur en chef du journal, qui signe ses articles du pseudonyme "Van Haverbeke".
  • [28]
    "S’il n’est pas un journal de parti, Le Soir est un journal d’opinion", M. Delforge, Physiologie de la presse belge, I. Les journaux d’expression française. Industrie, n° 5, mai 1951.
Xavier Mabille
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 04/09/2015
https://doi.org/10.3917/cris.077.0001
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