CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Le mouvement de grève dans les mines wallonnes, faisant suite à l’adoption, par le Conseil National des Charbonnages (9.2.59), du programme d’assainissement dans le Borinage, a abouti à des négociations auxquelles prirent part les centrales syndicales des mines, les confédérations syndicales, Fédéchar, la Fédération des Industries Belges et le gouvernement, la Haute Autorité de la CECA intervenant pour une consultation. Les négociations ne furent pas limitées au problème charbonnier et aboutirent à un accord sur un plan de relance économique, engageant 25 milliards de F.B. et prévoyant une action en faveur des régions affectées par le chômage, une programmation économique nationale et une possibilité de participations étatiques à l’industrie.

2En ce qui concerne les mines, deux problèmes étaient en discussion : 1. la décision du Conseil National des Charbonnages relative au bassin borain. 2. le statut des mines.

3LE PROBLEME BORAIN : dans cette affaire, le rapport des forces se présentait sous forme d’opposition entre les partisans de cette décision du C.N.C. et ceux qui réclamaient sa remise en cause. D’un côté, le gouvernement dont la charte constitutive se fonde sur "le retour à la vérité économique" et dont la position était appuyée par la Haute Autorité du Charbon et de l’Acier ; Fédéchar dont les 5 représentants avaient voté en faveur du programme d’assainissement le 9.2.59 (alors qu’à la précédente réunion du C.N.C., 4 sur 5 avaient voté contre) ; la Fédération des Industries Belges ainsi que la majorité flamande des Francs-Mineurs et des Syndicats Chrétiens [1]. Préconisaient par contre la remise en cause du programme C.N.C. (au moins, sous forme dilatoire tendant à empêcher des fermetures en 1959), la Centrale des Mineurs de la F.G.T.B., les francs-mineurs wallons (surtout ceux de Mons et du Centre) ainsi que la F.G.T.B. elle-même. Le groupe des opposants s’appuyait sur une masse de mineurs en grève, dans les quatre bassins wallons et sur des promesses d’extension du conflit dans les autres secteurs industriels. À vrai dire, cette promesse n’engagea réellement que la région boraine et les appels à la grève générale ne furent lancés ni par MM. Major ou Renard, respectivement secrétaire général et secrétaire général adjoint de la F.G.T.B. ni par la puissante centrale des Métallurgistes.

4On sait l’aboutissement des négociations sur ce terrain : la décision du C.N.C. est maintenue et doit se réaliser dans le cadre d’un programme cohérent d’assainissement des différents bassins ; le gouvernement, la F.I.B. et Fédéchar garantissent le reclassement de tous les travailleurs licenciés, avant le 1 janvier 1960.

5LE STATUT DES MINES. La nationalisation pure et simple des mines ou du secteur de l’énergie ne figura jamais en ordre utile dans la négociation. L’idée de créer une Société Nationale, coiffant des sociétés de gestion par bassin ne fut pas très sérieusement défendue. Les partisans d’une réforme ? les organisations syndicales, surtout en Wallonie ? se contentèrent rapidement d’une aliénation partielle de souveraineté dans le chef des charbonniers : ne pouvant obtenir une réforme profonde de tout le secteur de l’énergie, ils cherchèrent un compromis dans le sens de la "Table Ronde" de l’électricité (voir à ce sujet, notre note dans le Courrier du CRISP, 13.2.59, p. 18).Le fait nouveau par rapport aux anciennes formules, c’est la "dé-corporatisation" des organes nationaux et régionaux de contrôle des mines, par l’introduction d’éléments extérieurs, notamment les consommateurs de charbon. Cette introduction qui eût pu faire pencher la balance en faveur des patrons se fera en fait sans rompre l’équilibre des représentations sociales.

6On notera que le Parti Socialiste (qui, pas plus que les autres partis et le Parlement ne fut mêlé directement aux négociations a pris l’initiative de déposer le 24.2.59, une proposition de loi sur le bureau de la Chambre, portant réforme de la structure des mines : on créerait, par la loi, une Société Nationale de Gestion des Charbonnages, sous forme d’établissement d’utilité publique et 5 sociétés de droit commercial dans lesquelles l’État détiendrait 50 % des actions. Cette proposition est signée par MM. Buset, Van Eynde, Dejardin, Spinoy, J.J. Merlot et Toubeau.

Notes

  • [1]
    La situation de l’emploi en Campine a joué un rôle dominant dans cette position, l’opinion prévalant que le chômage campinois serait d’autant plus grave que les fermetures ne s’opéreraient pas au Borinage… et dans le Centre.
Mis en ligne sur Cairn.info le 04/01/2015
https://doi.org/10.3917/cris.008.0001
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