CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Françoise Thom. — Vous affectionnez la boutade « La France est une petite Union soviétique ». Qu’entendez-vous par là ?Georges-Henri Soutou. — Les deux pays sont apparentés moins par la centralisation que par une conception similaire de l’administration, fondée sur une approche idéologique. Tout comme un apparatchik du PCUS, un énarque ne doute pas d’être à même de prendre une situation en main sans être un spécialiste du dossier. De part et d’autre, on croit pouvoir gouverner les hommes comme on administre les choses. En cela, la France est proche du système de la défunte URSS. On y trouve aussi une bureaucratie dirigeante qui n’est pas formée pour des tâches spécifiques, comme c’est le cas dans les autres pays. C’est pourquoi les fonctionnaires français qui se rendaient en URSS dans les années 1970 ne s’entendaient pas si mal avec leurs homologues soviétiques, ils se sentaient en terrain familier.F. T. — Cette similarité en quelque sorte structurelle explique-t-elle les illusions françaises sur l’URSS ou faut-il prendre en compte d’autres facteurs ?G.-H. S. — Il y a d’abord une mauvaise compréhension du fonctionnement de l’URSS, de la hiérarchie réelle existant dans le régime communiste. Les responsables français avaient affaire à des organismes d’État, des diplomates du MID (ministère des Affaires étrangères) par exemple, et ils ne se rendaient pas compte que la politique, dans ses moindres détails, était en fait déterminée par le Parti communiste, le PCUS, que les fonctionnaires de l’appareil d’État, y compris les ministres, étaient uniquement des exécutants chargés de mettre en œuvre les directives du Comité central et de sa gigantesque administration…

Georges-Henri Soutou
Membre de l’Institut, professeur émérite d’histoire contemporaine à l’université de Paris-IV-Sorbonne. A publié, entre autres, L’Or et le Sang. Les buts de guerre économiques de la Première Guerre mondiale (Fayard, 1989) ; L’Alliance incertaine. Les rapports politico-stratégiques franco-allemands, 1954-1996 (Fayard, 1996) ; La Guerre de Cinquante Ans. Les relations Est-Ouest 1943-1990 (Fayard, 2001, réédité avec une postface inédite, sous le titre La Guerre froide, Pluriel, 2011) ; L’Europe de 1815 à nos jours (PUF, 2007) ; les souvenirs de son père : Jean-Marie Soutou, un diplomate engagé. Mémoires 1939-1979 (Éditions de Fallois, 2011) ; La Grande Illusion. Quand la France perdait la paix (1914-1920) (Tallandier, 2015) et La Guerre froide de la France 1941-1990 (Tallandier, 2018).
Propos recueillis par
Françoise Thom
Agrégée de russe. Maître de conférences à l’université de Paris-IV-Sorbonne. Auteur de La Langue de bois (Commentaire/ Julliard, 1987), Le Moment Gorbatchev (Hachette, 1990), Les Fins du communisme (Critérion, 1994), Beria, le Janus du Kremlin (Cerf, 2013) et Comprendre le poutinisme (Desclée de Brouwer, 2018).
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Mis en ligne sur Cairn.info le 06/09/2019
https://doi.org/10.3917/comm.167.0680
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